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Le Débat des semences

Volume 1

Organisations finançant le projet Crucible II

Agence canadienne de développement international (ACDI, Canada)

Agence suédoise de développement international (Sida-SAREC, Suède)

Agence suisse de développement et de coopération (SDC, Suisse)

Centre de recherches pour le développement international (CRDI, Canada)

Fondation Dag Hammarskjöld (FDH, Suède)

Ministère fédéral allemand de la Coopération et du développement économi-que/Coopération technique allemande (BMZ/GTZ, Allemagne)

Organisations associées

Fondation internationale pour l'essor rural (RAFI, Canada)

Institut international des ressources phytogénétiques(IPGRI, Italie)

Le Débat des semences

Volume 1. Solutions politiques pour les ressources génétiques :
Un Brevet pour la vie revisité

Groupe Crucible II

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Données de catalogage avant publication de la Bibliothèque nationale du Canada

Groupe Crucible II

Le débat des semences. Volume 1. Solutions politiques pour les ressources génétiques :

Un brevet pour la vie revisité

Publ. aussi en anglais sous le titre : Seeding solutions. Volume 1. Policy options for genetic resources (People, plants, and patents revisited).

Publ. en collaboration avec l'Institut International des ressources phytogénétiques et la Fondation Dag Hammarakjöld.

Comprend des références bibliographiques. ISBN 0-88936-934-8

1. Plantes — Ressources génétiques. 2. Obtentions végétales.

3. Plantes cultivées — Brevets d'invention. 4. Biodiversité — Conservation.

5. Brevets d'invention.

I. Fondation Dag Hammarakjöld.

II. Institut international des ressources phytogénétiques.

III. Centre de recherches pour le développement international (Canada). IV. Titre.

V. Titre: Solutions politiques pour les ressources génétiques : Un brevet pour la vie revisité.

K1401.C7814 2001 333.95'3 4 C2001-980170- X

Imprimé par Litopixel, Rome (Italie)

Table des matières

Préface

 

Les Groupes Cruçible

vii

Les rapports de Crucible II : Le Débat des semences

viii

Contenu du volume

ix

Points de vue et recommandations du Groupe Crucible

x

Remerciements

 

Membres et responsables du Groupe Crucible II

xii

Liste des recommandations du Groupe Crucible

xiv

Introduction
lutte pour les ressources génétiques

1

Le défi actuel

2

Trouver un équilibre entre les obligations immédiates

 

et les engagements à long terme

3

Encourager l'innovation scientifique et promouvoir le bien public

3

Trouver un équilibre entre les droits et les responsabilités

5

Questions de politique internationale

6

Première partie : Contexte

7

Élargir l'approche des questions de biodiversité et de propriété intellectuelle

7

Introduction

7

Perte accélérée de diversité biologique

9

Érosion de la diversité culturelle

10

Conservation et utilisation à la ferme des ressources phytogénétiques

11

Changement climatique mondial et biodiversité

13

Évolution des rôles des secteurs public et privé dans la recherche agricole

14

Regroupements dans l'industrie des sciences de la vie

18

Commercialisation des cultures transgéniques

21

Limitation du droit des agriculteurs en matière de conservation des semences

24

Le biopiratage : vrai ou faux ?

25

La biodiversité humaine

25

Bioéthique et choix de société : qui va décider ?

29

Évolution de la bioscience moléculaire : son effet sur la société et la biodiversité

31

Introduction

31

Clonage de mammifères: les débuts de Dolly

32

Accélération de la détermination de séquence de l'ADN

34

Projet du génome humain

34

Brevets relatifs aux gènes humains

35

Chromosomes artificiels humains

37

À l'horizon : la pharmacogénomique

37

Progrès dans la recherche et la découverte de nouveaux médicaments

38

Accélération de la recherche sur la génomique des cultures

39

Technologies de restriction de l'usage de la génétique

40

Reproduction clonale des végétaux par apomixie

44

Deuxième partie : Questions en suspens. Accès et échange, connaissance, et innovation 4

7

Accès et échange

51

La position centrale de la Convention sur la diversité biologique (CDB)

52

Mécanismes bilatéraux et multilatéraux

54

Négociations parallèles à la CDB et à la FAO

57

Compatibilité entre la CDB et l'OMC

58

La mission de la Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRGAA) relativement à la biodiversité agricole

61

Renforcement du Système mondial de conservation et d'utilisation durable des ressources phytogénétiques (FAO)

62

La révision de l'Engagement international

63

La Convention sur la diversité biologique

71

Le Plan d'action mondial de Leipzig

72

Le rôle unique joué par le GCRAI pour faciliter l'accès et l'échange

74

La question des collections internationales ex situ

75

Le rôle à long terme du GCRAI en matière d'accès et d'échange

81

La recherche et la propriété intellectuelle du GCRAI

82

Connaissances

48

Changement de paradigme

85

Connaissances à ce jour

87

Intégrité intellectuelle

87

Les droits de l'homme et les connaissances autochtones : un rôle potentiel pour la Commission des droits de l'homme des Nations Unies

88

La participation des sociétés autochtones et locales à l'établissement de politiques sur les connaissances

89

La propriété intellectuelle et les collectivités autochtones/locales

93

Le rôle potentiel de l'OMPI dans la protection des connaissances autochtones

94

Autres activités en matière de PI extérieures à l'OMPI

95

Innovation

100

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) au cœur de nombreuses questions

101

L'accord relatif aux Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)

101

La mise en œuvre de l'article 27.3(b)

105

Autres formes de protection des variétés végétales susceptibles de contribuer à la mise en œuvre de l'article 27.3(b)

110

Les droits des phytogénéticiens sur la protection des variétés végétales peuvent-ils englober les variétés des agriculteurs ?

113

Le droit pour les fermiers de conserver et d'échanger des semences brevetées

114

L'examen de l'article 27.3(b) en 1999

116

Le GCRAI et la propriété intellectuelle

119

Autres développements

122

Le Parlement européen approuve la directive sur les brevets..

122

Les Américains contestent devant les tribunaux la validité des brevets de modèle d'utilité sur les végétaux

123

Mesures bilatérales/unilatérales destinées à protéger la PI

124

Accord multilatéral sur les investissements.

125

Un système trilatéral de brevets internationaux ?

125

Conclusion

126

Abréviations

127

Notes

128

Préface

Les Groupes Crucible

En 1993, à la suite de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) et en prévision de la dernière réunion de l'Uruguay Round dans le cadre des négociations commerciales multilatérales de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), un groupe de 28 personnes appartenant à 19 pays se sont réunies d'abord à Rome, puis à Uppsala et à Berne. Les membres du groupe venaient du Sud et du Nord, du secteur privé et du secteur public, ainsi que d'organisations de la société civile. Certains étaient des scientifiquesalors que d'autres étaient des décideurs, des leaders d'opinion ou des chefs d'entreprise. Bien que les membres du groupe, qui s'étaient donné le nom de Groupe Crucible, avaient des points de vue très divergents sur de nombreuses questions controversées, ils avaient tous la même préoccupation pour la conservation et l'amélioration des ressources phytogénétiques et craignaient tous que ne soient prises des décisions ou adoptées des politiques susceptibles d'affecter la disponibilité des ressources phytogénétiques qui permettent d'assurer la sécurité alimentaire et le développement agricole.

Dans le but de rendre plus clairs pour le décideur les problèmes et les choix, les membres du Groupe Crucible ont accepté de discuter entre eux des points les plus litigieux et de rédiger un rapport non consensuel qui ne ferait qu'exposer les meilleurs arguments de chaque côté. Après plusieurs mois de débats par courrier électronique ou autour d'une table, les membres du Groupe ont déterminé dix secteurs où aucun accord n'était possible mais au sujet desquels ils pouvaient offrir des «points de vue» distincts susceptibles d'aider les autres. La plupart de ces questions concernaient la propriété intellectuelle relative aux organismes vivants, le rôle du GCRAI (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale) et la future structure d'un système international de conservation et d'échange des ressources génétiques.

À leur grande surprise, cependant, les membres du Groupe ont été en mesure d'établir 28 recommandations qu'ils ont pensé pouvoir soumettre collectivement aux décideurs et aux leaders d'opinion. En juin 1994, un ouvrage intitulé Un Brevet pour la vie a été présenté lors d'un séminaire organisé à Ottawa par le Centre de recherches pour le développement international. L'ouvrage a été traduit en français et en espagnol et a reçu une large diffusion.

Même si le Groupe Crucible n'avait pas prévu de continuer dans ce sens, cinq ans après sa première session plénière à la Fondation Dag Hammarskjöld (FDH) à Uppsala, un grand nombre de ses membres se sont retrouvés au même endroit pour se pencher sur les mêmes problèmes restés sans solution. Bien que les membres du Groupe qui s'est réuni en 1998 n'aient pas réellement planifié une telle réunion, ils se sont rapidement entendu sur la nécessité de convoquer «Crucible II» et de faire avancer le programme international pour les ressources génétiques. Ils se sont efforcés d'élargir leurs rangs et de revoir le style de dialogue pour mieux tenir compte des négociations menées par Internet et par courrier électronique. À la fin de cette deuxième série de réunions succédant à une première réunion organisée à Uppsala par la FDH, les membres du Groupe Crucible se sont revus dans de vastes réunions de travail organisées à Ottawa par le CRDI, à Nairobi par l'African Centre for Technology Studies (ACTS) et à Rome par l'Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI). Cinq ans après la publication de Un Brevet pour la vie paraît ce nouveau volume, qui sera suivi d'un second. Les membres du Groupe se sont engagés à présenter et à discuter leurs idées et leurs conclusions dans les mois à venir, dans la mesure où d'autres voient l'utilité d'une telle démarche.

Le Groupe Crucible, encore plus maintenant qu'au cours de sa première série de réunions, continue à être un rassemblement de personnes très diverses qui, avec passion et respect, défendent des points de vue différents en ce qui concerne la propriété intellectuelle, les droits des agriculteurs, le mécanisme de partage des avantages et les structures nécessaires pour la conservation des semences. Plus de 45 personnes représentant 25 pays ont pris part à une ou plusieurs discussions directes ou ont échangé des opinions et des données par voie électronique. Comme ceux de Crucible I, les membres de Crucible II partagent la même passion pour les ressources phytogénétiques et craignent de plus en plus que l'une des ressources les plus vitales de l'humanité ne soit menacée ou gaspillée. Cela étant, les membres ont admis leur désaccord et ont travaillé très fort et (aussi étrange que cela paraisse) en toute coopération pour exposer leurs différences sans compromis. Yaura-t-il un Crucible III? Cela va dépendre entièrement de la façon dont ces importantes questions vont évoluer dans les années à venir.

Les rapports de Crucible II : Le Débat des semences

l'appréciera — de nouveaux encadrés qui indiquent brièvement où en était le débat à la fin de 1999. Il découvrira également avec plaisir des recommandations qui montrent qu'un accord s'est fait dans certains domaines. Du début à la fin, le volume 1 offre aux décideurs une description claire des faits, des luttes et des discussions concernant les ressources génétiques. Ceux qui abordent ces questions pour la première fois verront également de façon claire pourquoi le germoplasme est important et comment li se rattache aux négociations commerciales, aux différends concernant la propriété intellectuelle et à la sécurité en matière d'alimentation et de santé sur les plans national et international.

Le volume 2 du Débat des semences ne répond pas aux questions posées dans le volume 1. En fait, certains membres du Groupe Crucible pourraient prétendre que le volume 2 montre qu'il est absurde d'essayer de résoudre les problèmes socio-politiques cernés dans le volume 1 au moyen de mécanismes purement juridiques. Cependant, ce second volume du Groupe Crucible II aborde bien trois vastes thèmes issus du premier volume, et les membres du Groupe Crucible présentent et discutent certaines des options juridiques dont disposent les gouvernements nationaux, sans toutefois aller plus loin. D'une façon générale, le volume 2 présente les mécanismes juridiques nécessaires pour aborder trois points principaux : 1) la nécessité de conserver et d'échanger le germoplasme pour les générations actuelles et futures; 2) la nécessité d'encourager la recherche de solutions innovatrices pour la conservation et l'amélioration du germoplasme; 3) la nécessité de trouver de nouvelles options pour mieux défendre les droits et les intérêts des populations autochtones et rurales dans leur rôle de créateurs et de conservateurs de la diversité biologique. Dans la mesure du possible et dans l'espace dont ils disposaient, les membres du Groupe Crucible ont fait «de leur mieux» pour examiner la gamme des mécanismes juridiques, à la fois traditionnels et sui generis, dont disposent les décideurs pour répondre à ces besoins.

ll est recommandé au lecteur d'étudier les deux volumes et de commencer par le volume 1 avant d'aborder les débats à caractère plus légaliste du volume 2. Les membres du Groupe Crucible II espèrent que ces deux rapports faciliteront la compréhension de ces questions et aideront les décideurs et les leaders d'opinion.

Contenu du volume

La «Première partie : Contexte» de ce volume comprend deux sections. La première, «Élargir l'approche des questions de biodiversité et de propriété intellectuelle», offre un contexte plus vaste qui permettra de mieux comprendre le débat sur la propriété intellectuelle (PI) et la biodiversité. Quels sont les facteurs sociaux, économiques et environnementaux qui influent sur la propriété intellectuelle et la diversité biologique à l'aube du nouveau millénaire ? Quels changements intervenus récemment dans les attitudes et la prise de conscience sociales affectent le débat sur la biodiversité et la PI ? Ce chapitre expose les questions de la perte de diversité biologique et culturelle, du changement climatique dans le monde et de la reconnaissance de plus en plus grande du rôle joué par les agriculteurs et les populations autochtones dans la conservation, le développement et l'utilisation de la diversité biologique. Il examine également l'évolution du rôle de la recherche agronomique dans les secteurs public et privé.

La deuxième section du «contexte» traite de «l'évolution de la bioscience moléculaire». Qu'est-ce qui a changé dans la bioscience moléculaire et comment ce changement influence-t-il la façon dont la société envisage, utilise et apprécie la biodiversité ? Les connaissances biologiques croissent rapidement. Selon une estimation, la capacité d'identifier et d'utiliser l'information génétique double tous les 12 à 24 mois.* Non seulement les percées scientifiques et techniques au niveau moléculaire modifient la pratique ou l'interprétation des sciences, mais elles ont souvent de sérieuses conséquences pour la société. Entre autres exemples, cette section met l'accent sur le clonage des mammifères, les progrès de la génomique, la phytogénétique qui induit la stérilité des semences de la seconde génération, les avancées dans la recherche et la découverte de nouveaux médicaments et les chromosomes humains artificiels.

La «Deuxième partie : Questions en suspens» examine de près trois grands domaines de discussion : «Accès et échange, connaissances et innovation». Qui sont les intervenants et où se situent les forums où l'on discute de la diversité biologique et la PI ? Au cours des cinq dernières années, sont entrés en vigueur d'importants accords juridiques et conventions ayant trait à la conservation et à l'utilisation de la diversité biologique et/ou au contrôle, à la propriété et à l'accessibilité des données biologiques. Des négociations sur la diversité biologique et la propriété intellectuelle se déroulent dans de nombreux endroits et elles ont des objectifs qui se chevauchent et qui sont même parfois contradictoires. Cependant, on risque vraiment de perdre la trace des tendances et des thèmes déterminants dans les détails des conventions internationales. Cette section examine les questions essentielles dans trois vastes secteurs : les politiques relatives à l'accessibilité et à l'échange du germoplasme; les politiques liées à l'acquisition et au maintien des connaissances; les politiques impliquant la gestion de l'innovation.

Points de vue et recommandations duGroupe
Crucible

Le fonctionnement du Groupe Crucible est fondé sur la bonne foi; il produit, en faisant de son mieux, des textes non consensuels. Il est composé de personnes qui participent à ses activités à titre strictement individuel. Elles

*Rapport annuel de Monsanto, 1997, sur l'Internet à l'adresse http://www.monsanto.com

ont accepté que leur nom soit mentionné dans ce volume car elles sont persuadées que les textes apportent une contribution utile au grand débat sur ces questions qui se déroule dans le monde. Les membres du Groupe pensent que les textes, pris globalement, donnent une idée exacte de l'ensemble des opinions actuelles et qu'il faut se pencher sur ces points de vue divergents. Mais il est probable que chaque membre rejette catégoriquement certaines déclarations générales et un grand nombre de points de vue particuliers que l'on trouve dans les deux volumes.

Au cours de ces débats, le Groupe a souvent conclu que le lecteur serait mieux servi par un encadré qui présenterait deux ou trois perspectives sur un sujet important. Pour être acceptée, une perspective doit présenter assez bien le point de vue d'un ou de plusieurs intervenants. Il n'est pas rare cependant qu'un encadré renferme des perspectives qui ne sont en fait celles d'aucun membre du Groupe. Le texte des encadrés est rédigé dans le style informel de ceux qui appuient le point de vue, et tous les membres du Groupe ont collaboré pour faire en sorte que l'on présente les meilleurs arguments pour défendre chaque perspective.

Parfois, le Groupe a opté à la fois pour un encadré et une recommandation. Cela se produit généralement lorsqu'il partage un point de vue qu'il sait être très différent des idées qui font l'objet du débat général. Les 15 recommandations présentées sont celles de tous les membres du Groupe même s'ils en appuient indubitablement certaines plus que d'autres et que, dans de nombreux cas, ils pensent qu'elles représentent le «plus petit dénominateur commun» au sein du Groupe. Quoi qu'il en soit, le Groupe a essayé d'éviter les platitudes et il s'est efforcé d'atteindre le plus grand dénominateur commun.

Remerciements

Membres et responsables du Groupe Crucible II

Les membres du Groupe Crucible interviennent a titre personnel, mais ils exercent tous des activités qui leur permettent d'être bien informés sur un grand nombre des questions dont traite cette publication. En conséquence, nous avons réparti les signataires de cet ouvrage en quatre catégories, dont chacune reflète le secteur dans lequel ils ont essentiellement évolué au cours des dernières années. Nous ne mentionnons pas cependant l'organisme auquel ils appartiennent. Nous avons aussi une cinquième catégorie : le Comité de gestion. Il est composé de représentants des organismes donateurs, plus trois membres venant d'organisations de la société civile. En plus de superviser la gestion du processus, les membres du Comité de gestion ont participé à la rédaction et à la révision de cet ouvrage ainsi qu'au débat dont il a fait l'objet.

Organisations de la société civile (y compris les organisations autochtones) : Alejandro Argumedo, Margarita Florez, Glen Hearns, Dan Leskien, Atencio Lopez, Andrew Mushita, Gurdial Singh Nijar, René Salazar, Priscilla Settee, Hope Shand.

Secteur privé/industrie : Don Duvick, Klaus Leisinger, Brian Lowry, Radha Ranganathan, P. V. Subba Rao, Tim Roberts, Reinhard von Broock. Secteur public : Tewolde Egziabher Gebre Behran, Lim Engsiang, Geoffrey Hawtin, Gesa Horstkotte-Wesseler, Mita Manek, Nora Olembo, Nuno Pires de Carvalho, Théo van de Sande, Louise Sperling, Ricardo Torres, Vo Tuan Xuan.

Universitaires : Assiah Bensalah Alaoui, Carlos Correa, Michael Flitner, Cary Fowler, Jaap Hardon, Francisco Martinez-Gomez, Michel Pimbert.

Comité de gestion (donateurs plus trois OSC) : Susan Bragdon, Chusa Gines, Christine Grieder, Michael Halewood (coordinateur), Pat Mooney, Olle Nordberg, Vicky Tauli-Corpuz, Carl-Gustaf Thornström, Béate Weiskopf, Joachim Voss (président).

Nous voulons remercier particulièrement Bernard Le Buanec, qui s'est penché pendant de nombreuses heures sur ce texte et qui a fait un grand nombre de suggestions judicieuses et utiles. L'apport de M. Le Buanec a été très apprécié par tous ceux qui ont participé au processus. Nous voulons aussi souligner la contribution et les conseils précieux de José Esquinas-Alcazar qui a assisté aux réunions en tant qu'observateur. Enfin, le Groupe remercie Bo Bengtsson pour sa présence à deux de ces réunions et sa participation à l'ensemble du processus.

Le Groupe Crucible II souhaite exprimer sa gratitude au Dr Joachim Voss, du CRDI, qui a présidé ces délibérations. Il désire également remercier le CRDI pour avoir mis à sa disposition Michael Halewood, qui a été un secrétaire général brillant, agréable et infatigable pendant tout le processus. Par ses idées et sa détermination, Michael Halewood a su stimulé tous les membres durant de nombreuses séances qui se sont terminées tard dans la nuit. Le Groupe veut également remercier Hope Shand, de la RAFI, pour le rôle crucial qu'elle a joué dans la réalisation du volume 1. Il n'est pas exagéré de dire que sans Hope Shand, ce volume n'aurait tout simplement pas vu le jour.

Enfin, le Groupe Crucible désire remercier les organisations suivantes pour leur appui financier et leur participation active aux réunions et aux discussions : ACDI (Agence canadienne de développement international) Canada; BMZ/GTZ (Ministère fédéral allemand de la coopération et du développement économique/Coopération technique allemande), Allemagne; CRDI (Centre de recherches pour le développement international), Canada; FDH (Fondation Dag Hammarskjöld), Suède; SDC (Agence suisse de développement et de coopération), Suisse; Sida-SAREC (Agence suédoise de développement international), Suède.

Liste des
Recommandations du Groupe Crucible

1. Elargir la participation à la recherche

2. Appui pour la conservation in situ ou à la ferme

3. Appui aux activités scientifiques des agriculteurs et à la phytogénétique participative

4. Législation antitrust pour l'industrie des semences

5. Protéger la diversité génétique humaine

6. Technologie de restriction de l'usage de la génétique

7. Assurer une participation efficace aux fora intergouvernementaux et y harmoniser les politiques

8. Équilibrer les obligations issues de traités

9. Établir un nouvel Engagement international (El)

10. Mettre en œuvre un Plan d'action mondial

11. Assurer la sécurité des banques de gènes internationales

12. Surveiller la circulation du germoplasme

13. Les droits des autochtones en ce qui concerne les ressources génétiques

14. Un médiateur de la propriété intellectuelle

15. Faut-il modifier l'accord relatif aux ADPIC ?

Introduction

La lutte pour les ressources génétiques

La «diversité biologique» est généralement définie comme étant la diversité de la vie sur terre.1 Alors que le terme contracté «biodiversité»n'était guère connu avant 1988, on le trouve aujourd'hui partout ; c'est un terme populaire, à la mode, utilisé par les décideurs, la population et les mass médias dans l e monde entier. Populaire, mais très mal compris, le mot biodiversité joue un très grand rôle dans notre vie de tous les jours. Selon les estimations, 40 % de l'économie mondiale est fondée sur des produits et des procédés biologiques. Nous dépendons tous de la diversité biologique pour notre survie, mais le Groupe Crucible s'inquiète particulièrement de la perte de biodiversité, en particulier de la diversité biologique des variétés agricoles, et de son possible effet sur la sécurité alimentaire des pauvres du monde, qui dépendent des produits biologiques pour quelque 85 à 90 % de leurs besoins de base (nourriture, carburant, médicaments, logement, transport, etc.). Par exemple, plus de 1,4 milliard de ruraux —surtout des agriculteurs pauvres — dépendent essentiellement des semences récupérées à la ferme et des phytogénéticiens locaux pour leur approvisionnement en graines ; des milliards d'autres comptent sur les semences mises au point par des phytogénéticiens commerciaux. Pour se soigner, plus des trois quarts de la population mondiale comptent sur des guérisseurs locaux et sur la médecine traditionnelle pour leurs soins de base. Dans le même temps, plus de la moitié des médicaments les plus prescrits du monde proviennent de plantes ou de copies synthétiques de produits phytochimiques.2

Bien que généralement perçue comme une question environnementale, la biodiversité est essentiellement un problème politique. Qui doit posséder et contrôler les divers composants de la biodiversité (p. ex., les plantes et les parties de plantes aux niveaux de la génétique, des variétés et des espèces)? Et dans quelles circonstances ? Quelle est la meilleure façon de conserver et d'utiliser la biodiversité ? Comment peut-on réglementer l'accès aux ressources génétiques et comment partager équitablement et durablement les avantages tirés de leur utilisation ? Qui va décider ?

Le terme «propriétéintellectuelle» (PI)se rapporte à divers droits accordés aux inventeurs et aux artistes par une autorité étatique pour leur permettre de rester maîtres de leurs idées ou de leurs innovations.3 Iln'y a pas longtemps, on n'avait guère entendu ce terme à l'extérieur d'un petit cercle d'inventeurs, de fonctionnaires et d'avocats spécialisés dans le droit des brevets. Aujourd'hui, on en parle constamment dans le contexte international du commerce, de l'agriculture et du développement. La PI permet-elle d'accroître la biodiversité, est-elle neutre ou aura-t-elle des effets négatifs ? La propriété intellectuelle favorise-t-elle l'innovation et la dissémination des connaissances ? Est-ce un instrument dont on peut se servir pour protéger les connaissances et les ressources biologiques des collectivités autochtones et locales ? Doit-on breveter les produits et les processus de la vie ? Qui va décider ?

Le défi actuel

Le point de recoupement entre la propriété intellectuelle et la diversité, dont on se demande quelle conséquence plus vaste il peut avoir pour la société, est un objet de conflit et d'incertitude à l'aube du XXIe siècle. Le défi est de taille parce que la pensée scientifique, technologique, sociale et juridique qui se rattache à la biodiversité, et à la propriété intellectuelle évolue rapidement. Les décideurs font face, en matière de PI et de biodiversité à des débats animés et complexes dans de multiples forums intergouvernementaux. Les progrès scientifiques et techniques ont modifié la façon dont la société utilise et apprécie la diversité biologique. Un nombre de plus en plus grand de pays étendent, dans certaines circonstances, la portée de leurs lois sur la propriété intellectuelle pour y inclure divers matériels et processus biologiques (p. ex., ceux dont on peut dire qu'ils sont nouveaux, utiles et non évidents s'il s'agit d'inventions, ou distincts, uniformes, stables et, dans certains cas, découverts, s'il s'agit de variétés végétales). Dans la plupart des cas, cet accroissement de la portée se fait en conformité avec les normes minimales établies dans des accords commerciaux internationaux comme l'accord relatif aux ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) et l'ALENA (Accord nord-américain de libre-échange). En conséquence, les décideurs se retrouvent avec la lourde tâche d'avoir à distinguer entre les matériels et les processus biologiques qui peuvent être protégés par une loi sur la propriété intellectuelle et ceux qui ne doivent pas l'être.

La question de la propriété intellectuelle en matière de ressources biologiques fait l'objet d'un débat au sein à la fois des collectivités locales, des gouvernements nationaux et des organisations intergouvernementales. A tous les niveaux, les acteurs et les intervenants sont extrêmement divers, et il n'est pas rare que de violents conflits les opposent. Les avis divergent sur la façon de partager les avantages de la biodiversité et sur la question de savoir si oui ou non (et dans quelle mesure) les matériels biologiques doivent faire l'objet de revendications en matière de propriété intellectuelle. Pour un certain nombre de gouvernements, de décideurs, de scientifiques, de représentants du secteur privé et d'organisations de la société civile (OSC),4 il s'agit essentiellement d'une question financière et commerciale ; pour d'autres, c'est un sujet qui relève de l'agriculture, de la sécurité alimentaire et des droits de la personne ; pour d'autres encore, cette question s'inscrit dans le contexte de l'environnement et du développement.

Trouver un équilibre entre les obligations immédiates et les engagements à long terme

Le timing est très important, non seulement parce que les gouvernements nationaux font face à des obligations juridiques immédiates en vertu d'accords portant sur le commerce international et l'environnement, mais aussi parce que la perte de diversité biologique, et en particulier celle des variétés agricoles, s'accélère. Bien que la biodiversité soit mieux appréciée et qu'on en prenne davantage conscience, et même si l'on négocie des accords internationaux destinés à la conserver, la perte se poursuit. Nous sommes en train de perdre les options dont nous avons besoin pour renforcer la sécurité alimentaire et résister au changement climatique mondial.5

Après presque 20 ans de discussion sur la biodiversité agricole, il a été fermement établi que tous les pays du monde sont interdépendants pour ce qui est de l'accès aux ressources génétiques. Que l'on trouve la diversité génétique agricole dans les champs des agriculteurs, dans les collections privées ou dans les banques de gènes de haute technologie, aucun pays n'est autosuffisant en matière de ressources phytogénétiques ou zoogénétiques. Même les pays du monde dont les ressources génétiques sont les plus abondantes doivent importer au moins la moitié du germoplasme nécessaire pour leurs aliments de base. Cette réalité souligne la nécessité d'une coopération internationale.

En 1996, la communauté internationale a adopté le Plan d'action mondial de Leipzig, qui est un plan directeur pour la gestion et l'utilisation durables des ressources phytogénétiques. Ce plan n'a pas été entièrement mis en œuvre. En fin de compte, on peut dire qu'il n'est pas possible d'établir une politique mondiale cohérente pour la conservation et l'utilisation des ressources génétiques sans obtenir l'engagement de la communauté internationale.

Il est dit dans la Convention sur la diversité biologique (CDB) que, en matière de diversité biologique, les pays sont souverains, mais les règles régissant l'accès à la biodiversité et à la répartition des avantages sont encore en train d'être négociées. Dans quelle mesure aura-t-on un régime accepté sur le plan international ? L'accès sera-t-il déterminé par un système multilatéral, par des accords bilatéraux, ou par les deux ?

Encourager l'innovation scientifique et promouvoir le bien public

Les questions de propriété intellectuelle et de biodiversité sont soumises à l'influence des processus plus vastes de mondialisation et de privatisation. De plus en plus le développement et l'utilisation des connaissances s'accompagnent de brevets. Les rôles de la recherche agricole dans les secteurs public et privé ont considérablement changé. Au cours des dix dernières années, on a assisté dans l'industrie des sciences de la vie à une forte concentration des activités. Les parts de marché pour les produits bioindustriels dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de la santé sont maintenant concentrées entre les mains d'un tout petit nombre d'entreprises transnationales. Ne devrionsnous pas renforcer et protéger le bien public international découlant de la circulation optimale du germoplasme ? Quels sont les mécanismes les plus appropriés pour encourager l'innovation scientifique ?

Pendant que se déroule le processus de mondialisation, de nouvelles règles et de nouveaux acteurs sont en train de changer les structures de l'autorité. L'établissement multilatéral de règles dans un marché mondial est en train d'influencer (certains diraient éroder) le rôle de l'Etat. Cette situation va-t-elle limiter ou accroître le rôle des organisations de la société civile et de la souveraineté nationale ? Comment va-t-on faire pour véritablement mettre tous les gouvernements sur un pied d'égalité pour ce qui est de l'accès à l'information et de la participation équitable aux négociations sur la biodiversité ?

Les accords de 1994 entre les banques de gènes internationales du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI ou GC) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) établissent juridiquement que la plus importante collection de ressources génétiques du monde pour l'alimentation et l'agriculture est détenue en fiducie au profit de la communauté mondiale. A une époque où une partie de plus en plus importante de la R-D mondiale est assujettie à des droits de propriété intellectuelle et où les budgets de recherche du GC sont en diminution, l'accord de fiducie entre la FAO et le GCRAI peut-il protéger ces ressources génétiques et faire en sorte qu'elles restent dans le domaine public ?

Aujourd'hui, les connaissances sont peutêtre le plus important des facteurs qui déterminent le niveau de vie d'un pays — plus que la terre, l'équipement ou la main-d'œuvre.6 Dans certains cas, l'écart important sur le plan des connaissances entre le Nord et le Sud est encore accru par la privatisation des moyens d'acquisition des connaissances. Quatrevingt pour cent de la R-D commerciale qui se fait dans le monde et une part égale des publications scientifiques viennent des pays les plus industrialisés.7 L'ex-vice-président de la Banque mondiale, Ismail Serageldin, craint l'apparition «d'un apartheid scientifique».8

Le renforcement des régimes de propriété intellectuelle et leur extension aux matériels biologiques ouvrent des perspectives mais créent également des inquiétudes pour les pays en développement. Le Rapport sur le développement dans le monde publié en 1999 par la Banque mondiale fait remarquer que les droits de propriété intellectuelle (DPI) renforcés sont une «caractéristique permanente de la nouvelle économie mondiale».9 Bien qu'il reconnaisse généralement que les DPI constituent un outil important pour stimuler la R-D locale, le rapport note également qu'un nombre limité de preuves empiriques indiquent que des régimes renforcés de propriété intellectuelle mènent à une augmentation des investissements dans la R-D, même dans les pays industrialisés.10

Ce même Rapport sur le développement dans le monde souligne que des régimes renforcés de propriété intellectuelle, qui englobent souvent aussi bien des outils de recherche fondamentale que des produits commercialisables, peuvent faire monter le coût de l'acquisition des connaissances et ériger des obstacles à la participation de nouvelles entreprises et de nouveaux chercheurs dans les pays en développement. On craint que des régimes renforcés de propriété intellectuelle ne puissent en fait ralentir le rythme général de l'innovation et accroître, au niveau des connaissances, l'écart qui sépare les pays industrialisés des pays en développement.11 Là encore, il existe un nombre limité de preuves empiriques pour confirmer cette situation, mais il y en a aussi très peu pour montrer les effets positifs des DPI sur un accroissement de la R-D.12 Certains croient que l'on ne peut réduire l'écart au niveau des connaissances qu'en favorisant le transfert de technologie des entreprises des pays industrialisés à celles des pays en développement et que, pour que cela puisse se faire, il est essentiel de créer un cadre solide en matière de propriété industrielle. «Le régime que l'on veut pour les DPI», conclut ce Rapport sur le développement dans le monde, «est un régime qui permet d'en arriver à un équilibre entre les préoccupations de toutes les parties affectées par des DPI renforcés».13

Trouver un équilibre entre les droits et les responsabilités

On reconnaît de plus en plus que l'innovation due aux agriculteurs et aux populations autochtones revêt la plus grande importance pour ce qui est de comprendre, d'utiliser et de conserver la diversité biologique. Ce principe est l'un des traits marquants de la CDB et des droits des agriculteurs inscrits dans l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques (FAO).14 Le Projet de déclaration sur les droits des populations autochtones reconnaît également les droits des populations autochtones sur leurs ressources culturelles et génétiques.

L'Accord de l'Organisation mondiale du commerce sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) place la propriété intellectuelle au centre des négociations commerciales inter-nationales et oblige les Etats membres à mettre en œuvre des lois nationales sur la PI pour les variétés végétales et d'autres matériels biologiques. Cependant, les régimes existants de PI ne reconnaissent pas ou ne protègent pas les droits des innovateurs informels sur leurs ressources génétiques et leurs connaissances. Certains croient que les régimes existants de PI permettent de s'approprier les ressources génétiques et les connaissances des agriculteurs et des populations autochtones. Récemment, les auteurs de revendications en matière de PI concernant des végétaux et du matériel génétique humain ont été ainsi accusés de «biopiratage» dans de nombreuses régions du monde. D'autres insistent sur le fait que ces accusations de biopiratage sont fondées sur l'ignorance ou sur une mauvaise compréhension des principes et de l'application des DPI. Les gouvernements nationaux peuvent-ils remplir leurs obligations en vertu des accords commerciaux internationaux tout en reconnaissant, protégeant et promouvant, comme ils en ont la responsabilité, les connaissances et les ressources des agriculteurs et des populations autochtones ? Un régime de protect on des connaissances communautaires est-il compatible avec les régimes existants de PI ?

La mise au point de nouvelles technologies génétiques, stimulée, en partie, par la protection de la propriété intellectuelle, a conduit à l'introduction sur le marché de produits biotechnologiques pour l'agriculture et la santé humaine. Cependant, la législation internationale sur la PI concernant la nouvelle technologie des semences permet de plus en plus aux lois nationales de restreindre le droit qu'ont les agriculteurs de conserver et de réutiliser des semences brevetées. Dans le même esprit, des scientifiques sont en train de mettre au point des végétaux transgéniques conçus de façon à donner des semences stériles. La stérilisation des semences génétiques, si ce procédé est commercialisé, pourrait bien empêcher les agriculteurs de conserver et de réutiliser les semences provenant de leurs récoltes. Ces lois et ces technologies menacent-elles la diversité biologique, la sécurité alimentaire mondiale et la capacité novatrice des agriculteurs ? Ou auront-elles des effets positifs sur la diversité biologique ?

Questions de politique internationale

Le Groupe Crucible s'est réuni à nouveau en 1998 parce qu'il était urgent de s'attaquer à ces questions complexes et controversées. Dans les pages suivantes, nous vous présentons un résumé des faits, des luttes et des discussions ayant trait aux ressources génétiques et à la propriété intellectuelle. Nous passons en revue certains des principaux événements socio-politiques qui influencent et alimentent le débat sur la biopolitique, ainsi que les technologies qui sont en train de transformer notre capacité à décoder, à utiliser et à modifier les génomes de tous les organismes vivants. Ce rapport a pour objectif ultime de fournir des renseignements aux décideurs, de faire en sorte que tous les intervenants se retrouvent sur un pied d'égalité et de faire avancer le débat sur la politique.

Le Groupe Crucible s'est longuement penché sur la façon de présenter le plus efficacement possible les sujets interdépendants abordés dans ce volume. Doit-on parler des grands progrès scientifiques avant d'aborder les tendances juridiques et stratégiques, ou vice-versa ? En réalité, les progrès scientifiques ont des conséquences politiques très directes. Inversement, de nombreuses tendances scientifiques et technologiques sont déclenchées par ce qui se passe au niveau institutionnel ou politique. En fin de compte, on pourrait facilement dire que les chapitres devraient se présenter dans un ordre différent, ou qu'a l'intérieur des chapitres, la présentation des sujets devrait être différente. Comme le montre ce document, la science et la politique sont, plus que jamais, inextricablement liées.

Première partie : Contexte

Elargir l'approcheet la biodiversit des questions de biodiversité et de propriété intellectuelle

Introduction

A l'aube du nouveau millénaire, la mondialisation et la privatisation sont parmi les tendances les plus évidentes et les plus fondamentales qui affectent les débats sur la propriété, la conservation et l'échange de matériels biologiques. Au cours des vingt dernières années, on a assisté à une privatisation de plus en plus grande de la R-D agricole, à l'expansion de la portée des droits de propriété intellectuelle pour qu'ils s'appliquent aux produits et aux procédés biologiques, et à la libéralisation des marchés mondiaux. Ces tendances ont stimulé la mise au point, au niveau commercial, de produits biotechnologiques pour l'agriculture et la santé humaine ainsi que la concentration du pouvoir économique entre les mains d'une poignée de très grandes sociétés du domaine des sciences de la vie. Le processus de mondialisation influence non seulement l'économie, mais aussi la culture, la technologie et la gestion relatives aux matériels biologiques.

La mondialisation et la libéralisation du commerce alimentent la croissance économique, accroissent la prospérité et ouvrent de nouvelles perspectives. Les exportations mondiales de biens et de services ont presque triplé entre les années 70 et 1997. Les investissements directs étrangers ont dépassé en 1997 les 400 milliards $ US, soit quatre fois le niveau des années 70.15 Cependant, la disparité entre les pauvres et les riches augmente aussi bien d'un pays ou d'une région à l'autre qu'au sein même de ces pays et de ces régions. Jusqu'à présent, les avantages de la mondialisation se sont révélés inégaux. Les responsables du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont conclu que le cinquième supérieur de la population mondiale dans les pays les plus riches représente 90 % du volume en expansion des exportations et 68 % des investissements directs étrangers. Le cinquième inférieur de l'humanité dans les pays les plus pauvres ne représente que 1 %.16 Alors que des millions de personnes sont intégrées et acquièrent du pouvoir grâce aux technologies de la connaissance et de la communication comme le World Wide Web, d'autres restent isolées et marginalisées.

De nouveaux acteurs, de nouveaux rôles et de nouvelles règles sont en train de redéfinir la gestion du monde. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), par exemple, et l'accord multilatéral sur la propriété industrielle qu'elle administre sont en train de réduire le champ de la politique nationale dans ce domaine. L'établissement multilatéral de règles dans un marché mondial change le rôle de la souveraineté des Etats. On craint, par exemple, que les pays et les collectivités locales puissent de moins en moins établir des normes nationales pour la protection de l'environnement.

Les pressions combinées de la pauvreté, de la croissance démographique et de la dégradation de l'environnement constituent d'immenses obstacles pour l'agriculture et le développement humain, surtout dans les pays en développement. Aujourd'hui, plus de 800 millions de personnes dans le monde sont chroniquement sous-alimentées.17 Il est estimé que 1,3 milliard de personnes vivent avec un revenu inférieur à un dollar par jour.18 Dans moins de dix ans, plus de la moitié de la population mondiale vivra dans des villes.19 D'ici l'an 2020, il yfaura 2 milliards de personnes de plus à nourrir. Les membres du Groupe Crucible peuvent ne pas s'entendre sur les causes sous-jacentes de la pauvreté et de la faim, mais il est clair que différentes visions du développement agricole apparaissent pour faire face au défi de la sécurité alimentaire mondiale et de la durabilité.20

Etant donné que les possibilités d'accroître la surface cultivée sont limitées, le Groupe Crucible admet que notre sécurité alimentaire dépendra à l'avenir d'un ensemble de politiques dé production et de distribution soigneusement élaborées, auxquelles viendront s'ajouter des stratégies scientifiques qui allieront les agriculteurs-chercheurs aux phytogénéticiens du secteur officiel et aux laboratoires de recherche pour maximiser l'amélioration du germoplasme et les systèmes d'exploitation agricole. Au-delà, cependant, les choix de politiques et de programmes diffèrent souvent. L'approche traditionnelle utilisée pour combler l'écart en matière alimentaire met l'accent sur le rôle d'une agriculture à l'échelle industrielle et à forte production, complétée peut-être par des biotechnologies commerciales pour élever les plafonds de rendement. Dans une seconde approche, dite parfois de la «révolution écologique», on envisage une production durable avec moins de produits chimiques et des variétés végétales conçues pour accroître la résistance aux insectes et aux maladies, et aussi avec une résistance à la sécheresse et une qualité nutritionnelle améliorée. D'autres considèrent que la «révolution écologique» n'est rien d'autre que le statu quo pour les multinationales de l'industrie chimique et prônent plutôt une recherche agricole fondée sur la biodiversité, en mettant l'accent sur l'autosuffisance aux niveau local et régional en matière de production alimentaire pour satisfaire surtout les besoins des agriculteurs aux ressources limitées vivant dans un environnement agricole marginal. Cette approche fait ressortir les initiatives dues aux agriculteurs, l'utilisation des variétés végétales mises au point par des agriculteurs/phytogénéticiens en association avec des phytogénéticiens du secteur officiel et l'emploi de technologies qui réduiront la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des semences achetées. Non exempte de critiques, cette approche est parfois attaquée pour ce que l'on perçoit comme étant de la naïveté malthusienne ou une rectitude politique absurde. D'autres pensent que la politique constitue le moteur de changement le plus important et prétendent que des choix judicieux en faveur des pauvres dans les domaines du régime foncier, du crédit et de la subvention des prix sont la clé de la sécurité alimentaire.

Quelle que soit la combinaison de germoplasme, de technologies, de systèmes agricoles et de politiques qui sera employée pour assurer la sécurité alimentaire au cours du XXIe siècle, les agriculteurs commerciaux qui font appel à la biotechnologie, tout comme ceux qui pratiquent l'agriculture de subsistance, devront faire un meilleur usage d'une plus grande partie de la diversité phytogénétique et zoogénétique du monde. Les agriculteurs auront besoin de variétés végétales et de races de bestiaux capables de produire dans des conditions diverses et en rapide évolution. Peu importe le scénario, les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, le rôle des collectivités agricoles dans le domaine de la diversité et les contributions vitales des phytogénéticiens du secteur officiel sont tous d'une extrême importance.

Ce chapitre présente quelques-unes des grandes tendances sociales, économiques et environnementales qui influencent et alimentent un débat plus vaste sur la propriété, la conservation et l'échange des matériels biologiques. Quelles sont ces tendances qui influent sur la façon dont la société envisage, apprécie et utilise la diversité biologique au début d'un nouveau siècle ?

Perte accélérée de diversité biologique

On prend de plus en plus conscience dans le monde de la valeur, de l'importance et de la fragilité de la diversité biologique. Dans les dix dernières années du XXe siècle, un plus grand nombre de personnes se sont rendu compte de l'extinction de certaines espèces, de l'érosion des ressources génétiques et du risque de destruction de l'écosystème. Le concept de biodiversité s'est fait une place dans les préoccupations des gouvernements et, dans certains cas, est sorti des ministères de l'Environnement. Malgré une appréciation et une prise de conscience accrues de la biodiversité et l'établissement de conventions internationales destinées à la conserver, la perte de biodiversité se poursuit. Dans le monde entier, des forêts sont abattues, les ressources halieutiques s'épuisent, et la diversité phytogénétique et zoogénétique est érodée.

Image La perte de diversité dans les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture a été très importante, et ces ressources sont en train de disparaître à un rythme sans précédent. Personne ne sait quelle était la diversité dans les espèces domestiques, de sorte qu'il est impossible de déterminer quelle en a été la perte.21

Image Des races d'animaux domestiques disparaissent à un taux annuel de 5 %, soit six races par mois.22 Selon la FAO, presque un tiers des races de bestiaux sont en danger ou dans une situation critique.

Image Les forêts tropicales sont abattues à un rythme à peine inférieur à 1 % par an, soit 29 hectares par minute.23 De 1980 à 1990, la perte équivalait à une surface de la taille de l'Equateur et du Pérou réunis.

Image Tous les principaux lieux de pêche du monde ont été exploités à la limite du possible ou même au-delà. Environ 70 % des espèces marines ordinaires du monde sont entièrement exploitées, surexploitées, en déclin ou en train de se reconstituer après une surpêche.24 Au cours du XXesiècle, environ 980 espèces de poisson ont été mises en danger.25

Image Près de 60 % des récifs coralliens de la terre sont menacés par l'activité humaine.26

Image Selon une estimation prudente donnée dans une étude récente, 34 000 espèces de plantes — 12,5 % de la flore du monde — sont menacées d'extinction. Au moins une espèce végétale connue sur huit est menacée.27

Image Pour chaque espèce végétale qui disparaît, 30 autres espèces disparaissent avec elles, dont de nombreux micro-organismes. Certains biologistes affirment qu'il faut chercher à conserver de la même façon les agents pathogènes des plantes (y compris les champignons, les virus et les bactéries) que les autres espèces, parce qu'ils jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des écosystèmes.28

La perte de biodiversité menace la sécurité alimentaire, en particulier pour les pauvres, qui dépendent des produits biologiques pour 85-90 % de leurs besoins (nourriture, médicaments, carburant, fibres, vêtements, logement, énergie, transport, etc.). Selon de nouvelles estimations émanant de la FAO, il y a dans le monde 828 millions de personnes chroniquement sous-alimentées, ce qui constitue une légère augmentation par rapport au début des années 90.29

Erosion de la diversité culturelle

Le Groupe Crucible de 1993 a conclu que nous ne pouvions pas conserver la diversité biologique du monde sans maintenir également la diversité humaine qui la protège et la développe. De nos jours, on reconnaît de plus en plus que la perte de diversité culturelle — collectivités agricoles tradition-nelles, langues et cultures autochtones — est intimement liée à la perte de diversité biologique. De nombreux membres du Groupe Crucible II sont alarmés par la perte de connaissances à caractère culturel représentées par des milliers de cultures diverses, elles-mêmes en danger ou en voie de disparition.

Dans le monde entier, la langue est l'un des signes les plus forts de la diversité culturelle. C'est près de l'Equateur que l'on trouve les plus hauts niveaux de diversité végétale et animale, de même que la vie linguistique la plus riche du monde. Dix des douze pays de «mégadiversité» identifiés par l'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources (UICN) figurent parmi les 25 premiers pays pour le nombre de langues «endémiques» (c.-à-d. des langues parlées exclusivement à l'intérieur d'un pays — ce qui veut dire généralement la majorité des langues rares du monde).30 Certaines cultures disposent de nombreux noms pour désigner une seule plante, ainsi que ses différentes parties et ses usages. La diversité des noms désignant les propriétés distinctes d'une espèce est multipliée par e l nombre de langues et de dialectes parlés par les différentes collectivités qui utilisent la même ressource biologique.31 En perdant sa langue, la collectivité perd sa capacité à désigner et donc à utiliser la plante. Même si la perte de connaissances ne veut pas dire qu'il y aura perte de la plante elle-même, c'est ce qui se passe généralement, puisque, en connaissant moins l'utilisation de l a plante, la collectivité peut perdre tout intérêt dans sa conservation.

Comme pour la diversité biologique, l'ampleur et le rythme de la «crise d'extinction» actuelle qui affecte la diversité linguistique sont sans précédent. Les linguistes qui surveillent la situation des langues utilisées de nos jours ont conclu qu'environ 6-11 % des 6 703 langues parlées aujourd'hui dans le monde ont pratiquement disparu, et ils précisent que 50-90 % d'entre elles disparaîtront au cours du XXIe siècle.32

Les populations locales et autochtones qui parlent des langues ancestrales risquent fort de perdre leur souveraineté sur leurs terres, leurs ressources et leurs traditions culturelles, et elles sont extrêmement menacées par l'assimilation linguistique. Au fur et à mesure de leur marginalisation, ces populations locales perdent leurs connaissances scientifiques locales, leur capacité à innover et leur sagesse en matière de gestion des espèces et des écosystèmes.33 Comme le dit un spécialiste : «Toute réduction de la diversité linguistique diminue la force d'adaptation de notre espèce parce qu'elle fait baisser le réservoir de connaissances dans lequel nous pouvons puiser.»34

La perte de collectivités agricoles, de langues et de cultures autochtones traditionnelles constitue une érosion à grande échelle du capital intellectuel humain. Cela équivaut à perdre une carte routière nécessaire pour sa survie, ou encore la clé de la sécurité alimentaire, de la stabilité environnementale et de l'amélioration de la condition humaine. Ainsi, il est de plus en plus difficile de parler de la conservation et de l'utilisation durable des gènes, des espèces et des écosystèmes en dehors du contexte des cultures humaines.

Conservation et utilisation à la ferme des ressources phytogénétiques

Bien que de nombreux scientifiques aient l'habitude de mesurer le progrès au moyen de réalisations bien précises, on peut dire que l'une des «percées» vraiment importantes des cinq dernières années relève davantage de la redécouverte (par certains) que de la découverte. Depuis 1993, la recherche agricole, y compris la phytogénétique et la conservation du germoplasme, a été relancée par la créativité des agriculteurs-innovateurs, et de leurs collectivités, associés aux scientifiques et aux établissements de recherche du secteur officiel. La gestion et l'amélioration des ressources phytogénétiques a été entre les mains des agriculteurs depuis le début de l'agriculture. Heureusement, on reconnaît beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a cinq ans que l'apport des agriculteurs et des populations autochtones est essentiel pour la conservation, l'utilisation et l'amélioration de la diversité biologique, et que cet apport doit être récompensé. Ce principe est l'un des points les plus marquants de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et des Droits des agriculteurs, et il a été discuté et appuyé par la Commission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRGAA) de la FAO. L'activité innovatrice des agriculteurs en ce qui concerne la mise au point de variétés végétales et de méthodes d'exploitation agricole est qualifiée de diverses façons :recherche, phytogénétique, ethnoscience, innovation non officielle, etc. On n'arrive pas à s'entendre sur le terme qui convient le mieux. Collectivement, les membres du Groupe Crucible veulent éviter de s'enliser dans des disputes terminologiques. En fin de compte, ce qui est important, c'est que le Groupe reconnaisse la valeur des innovations des agriculteurs.

Dans le domaine des ressources agricoles, on a pris davantageconscience du fait que la conservation in situ (à la ferme) est un élément crucial de la conservation de la biodiversité agricole et qu'elle doit être le complément des collections des banques de gènes. Lorsque le germoplasme ex situ est retiré de son contexte culturel et environnemental, il perd sa capacité à s'adapter aux parasites et aux maladies en constante évolution ainsi qu'aux besoins toujours renouvelés des collectivités locales. En mettant davantage'l'accent sur la gestion in situ des ressources génétiques, au niveau de l'agriculteur et de la collectivité, aussi bien la CDBque le Plan d'action mondial de Leipzig pour les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RPAA) montrent que l'avenir de la sécurité alimentaire dans le monde dépend non seulement des gènes entreposés, mais aussi des gens qui utilisent et maintiennent quotidiennement la diversité. Le Plan d'action mondial de Leipzig offre le premier exemple de reconnaissance intergouvernementale de l a gestion et de l'amélioration à la ferme des ressources phytogénétiques, et il y apporte son appui. Il recommande que soient prises à la ferme de nouvelles initiatives de conservation et de sélection participative, et souligne la nécessité de créer des liens plus forts entre la conservation et l'utilisation des ressources phytogénétiques.

La «phytogénétique participative» (PP) en est encore à ses débuts, mais elle se répand rapidement.35 La PP est une nouvelle approche de la mise au point et de la conservation du germoplasme qui fait appel aux scientifiques, aux agriculteurs et aux utilisateurs (coopératives rurales, consommateurs, travailleurs, etc.). On l'appelle «participative» parce que les utilisateurs jouent un rôle dans la recherche à toutes les grandes étapes du processus de sélection. La PP est une stratégie d'amélioration des récoltes qui cherche en particulier à faire participer des groupes d'utilisateurs défavorisés (femmes et agriculteurs aux ressources limitées). Une étude a été faite sur plus de 70 cas de phytogénétique participative et elle a porté sur toute une gamme de récoltes et sur différentes régions géographiques.36 On y traite, par exemple, du millet à chandelle en Inde, de l'orge en Syrie, des fèves ordinaires au Brésil, du riz au Népal et du manioc en Colombie.

La conservation à la ferme et la sélection par les agriculteurs reçoivent de plus en plus appui et consécration. Une gamme de stratégies est en train d'être mise au point pour permettre aux agriculteurs d'améliorer les matériels génétiques à la ferme et pour que cette démarche leur profite. En voici quelques exemples : le Programme à l'échelle du système, du GCRAI, sur la recherche participative et l'analyse comparative entre les sexes (et son groupe de travail sur la phytogénétique participative),37 le Programme communautaire de conservation de la biodiversité et du développement (PCBD), le Programme des semences de la survie en Afrique, l'Academy of Development Sciences en Inde et le Projecto en Tecnologia Alternativa (PTA)au Brésil. Des efforts sont faits pour conserver et améliorer des systèmes de germoplasme pour les petites et les grandes récoltes, et dans des zones d'exploitation agricole «marginales» (c.-à-d. celles dont la terre est pauvre, qui reçoivent peu de pluie et qui se situent sur des pentes raides) aussi bien que dans des terres irriguées.

L'augmentation constatée dans la phytogénétique participative et dans d'autres programmes concertés regroupant des agriculteurs et leurs collectivités ainsi que des scientifiques du secteur officiel soulève de nouvelles questions et propose de nouveaux défis pour ce qui est de reconnaître la collaboration en matière d'innovation dans le domaine de l'amélioration des plantes. Certains observateurs croient que ni les droits des agriculteurs ni les droits des phytogénéticiens ne permettent de s'attaquer d'une manière adéquate à ces questions. Le Centre de recherches pour le développement international (Canada) a récemment financé des travaux sur les droits de propriété, le concept des pratiques idéales et l'aspect moral des collaborations communautaires et officielles.

De nombreux membres du Groupe Crucible s'entendent pour dire qu'il faut renforcer le rôle des collectivités autochtones et locales afin d'obtenir leur pleine participation à la conservation et à l'accroissement du germoplasme.

Changement climatique mondial et biodiversité

Bien que tous les scientifiques ne s'entendent pas sur ce sujet, on pense de plus en plus au niveau international que le changement climatique mondial va avoir de sérieux effets sur la biodiversité et mettre en péril la durabilité du développement humain sur la planète. Le Groupe d'experts inter-gouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prédit que l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère fera grimper la température dans le monde de 1à 3,5 degrés centigrades au cours du siècle prochain, et que la fonte des glaciers et l'expansion thermique des océans feront parallèlement monter le niveau de la mer de 15à 95centimètres.38 Des modèles de simulation laissent entendre que chaque augmentation de un degré de la température déplacera l'adaptation des espèces terrestres de quelque 125 kilomètres en direction des pôles ou de 150mètres en altitude. Environ 30 %de la végétation pourrait subir des modifications à la suite du changement climatique. Mais étant donné que le climat changera plus rapidement que la vitesse de migration de nombreuses espèces, les modèles prédisent une «réduction massive» de la diversité des espèces dans le monde.39

De nouvelles recherches sur les effets du réchauffement de la planète sur la végétation ont abouti à des prédictions particulièrement négatives pour les tropiques. Selon l'Institute of Terrestrial Ecology (Edimbourg, R.-U.), d'ici 2050, un réchauffement pouvant aller jusqu'à 8 degrés centigrades dans certaines parties des tropiques se traduira par des taux d'évaporation plus élevés, des pluies moins abondantes et en fin de compte par l'effondrement des écosystèmes tropicaux. La Banquemondiale estime qu'une augmentation de deux à trois degrés dans la température moyenne du monde réduira de 33 à 50 % la masse des glaciers de montagne et mettra en danger au moins un tiers de toutes les espèces qui survivent dans les forêts.40 Une modification de la masse des glaciers et des zones forestières aura un profond impact sur l a productivité agricole. On s'attend à ce que le rendement des récoltes de millet en Afrique diminue de 6 à 8 %; une étude effectuée au Sénégal prévoit que les récoltes de millet dans ce pays baisseront de 11 à 38 %.41 En Asie méridionale, on s'attend à ce que les récoltes de riz et de blé fluctuent de façon marquante. La récolte de maïs en Asie méridionale et en Amérique latine pourrait chuter de 10 à 65 %.42

Tous les scientifiques (et tous les membres du Groupe Crucible) n'acceptent pas les prédictions sinistres relatives au changement climatique mondial et certains font remarquer que l'on peut mettre au point des cultures de remplacement pour compenser les rendements en diminution et accroître la productivité dans certaines régions. Certains modèles ont montré que le réchauffement de la planète pouvait être neutre ou favorable sous des latitudes tempérées et défavorables pour les régions tropicales et subtropicales. A cause des divergences et des incertitudes que l'on y trouve, les modèles sur le climat ne permettent pas de faire des prévisions plus précises. Les projections par région laissent croire que l'Afrique pourrait être le continent le plus touché par le changement climatique.43

En fin de compte, la diversité biologique est l'élément clé qui permet de s'adapter au changement climatique mondial. Si nous devons adapter des systèmes de production alimentaire à des conditions radicalement changeantes au cours des prochaines décennies, la diversité animale et végétale sera à cet effet la ressource essentielle.

Evolution des rôles des secteurs public et privé dans la recherche agricole

Jusqu'à récemment, la recherche agricole a été en grande partie financée par des fonds publics, et ses résultats ont été mis gratuitement à la disposition de tous. Aujourd'hui, la recherche agricole se privatise de plus en plus. Un environnement en matière de PI qui évolue rapidement et des budgets de recherche en baisse ont marginalisé le rôle de la recherche agricole du secteur public à la fois dans les pays industrialisés et les pays en développement. Nous vivons à une époque où, de plus en plus, la science est assujettie à des droits de propriété et où la connaissance est réifiée.

Comme il a été établi que la recherche agricole permet de trouver des solutions scientifiques et technologiques aux problèmes posés par les contraintes de la production agricole, il est paradoxal que la rechercheagricole du secteur public soit maintenant confrontée à une crise dans le monde. De nombreuses institutions nationales de recherche agricole dans les pays en développement manquent d'argent pour acheter les équipements de base ou pour payer les salaires. Les institutions des pays industrialisés et les centres internationaux de recherche du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) font face à des contraintes financières semblables.44

La crise n'est pas seulement financière, c'est également une crise de confiance. Bien que la recherche agricole ait fait ses preuves dans le passé, les décideurs d'aujourd'hui ne sont pas convaincus qu'il faille y investir davantage d'argent ou qu'ils puissent mener à bien la tâche apparemment colossale qui consiste à assurer la sécurité alimentaire à des millions de pauvres parmi les pauvres. Il s'ensuit que les crédits affectés à la recherche agricole sont réduits à un moment où leur importance pour le développement économique demeure critique. Cette réduction du financement conduit à une productivité basse, à une faible visibilité et, en fin de compte, à un appui politique moins important pour la recherche agricole. C'est un cercle vicieux.45

Les fonds publics affectés à la recherche agricole sont restés au même niveau ou ont diminué, alors que les investissements privés ont augmenté à un rythme sans précédent:

Image A l'OCDE, par exemple, les fonds privés consacrés à la R-D agricole se sont élevés à 7 milliards de dollars en 1993 contre 4 milliards en 1981, soit un taux annuel d'augmentation de 5,1 %. Par contre, la R-D du secteur public dans le domaine agricole s'est accrue de 1,7 % par an, passant de 5,7 milliards en 1981 à 6,9 milliards de dollars en 199l.46

Image L'importance relative de la R-Ddu secteur privé dans la R-Dtotale en matière agricole varie d'un pays de l'OCDE à l'autre, mais elle dépasse 50 % dans sept pays, y compris les Etats-Unis et le Japon, qui ensemble représentent plus de la moitié des fonds privés consacrés à l'agriculture dans tous les pays de l'OCDE. La part des fonds privés dans les autres pays de l'OCDE est plus faible (environ un tiers en 1993), mais elle croît rapidement. La R-Ddu secteur privé dans les pays en développement représente de façon typique de 10à 15 % de la R-D totale dans le domaine agricole.47

Image Les organismes privés et les organismes publics effectuent des genres de R-D différents. Seulement environ 12% de la recherche agricole privée porte plus particulièrement sur les technologies à la ferme, alors que 80 % de la recherche publique va dans ce même sens. La recherche agricole privée met l'accent sur la transformation des aliments et la recherche post-récolte, et ces secteurs représentent de 30 à 90 % de toute la R-D agricole privée.48

Le rôle plus important joué par le secteur privé est dû, en partie, aux progrès spectaculaires de la biotechnologie et au renforcement de la protection de la propriété intellectuelle pour les matériels biologiques dans de nombreux pays. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, on semblait prendre généralement pour acquis que la R-D agricole menait à un échec commercial. La principale raison de cet état d'esprit était qu'on ne pouvait retirer des bénéfices de ses activités.49 Les contraintes auxquelles fait face l'investissement privé dans la recherche agricole ont complètement changé. Avec les progrès de la biotechnologie, le processus de création technologique s'est accéléré, permettant ainsi de tirer des bénéfices des investissements relativement tôt. Depuis 1980, l'évolution de la législation sur la propriété intellectuelle a permis de breveter des organismes vivants. Les compagnies de biotechnologie ont pu ainsi breveter des procédés et des produits biologiques,50 ce qui a encouragé davantage le secteur privé à investir dans ce type de recherche.

Avec la mondialisation du commerce et la disparition des barrières commerciales, le marché des produits biotechnologiques s'est étendu, ce qui ouvre des perspectives plus importantes aux grandes multinationales. Le rôle des multinationales a des conséquences à la fois positives et négatives pour la science mondiale. Sur le plan positif, ces sociétés ont d'importantes filiales de recherche et de développement qui s'adonnent à la recherche appliquée et fondamentale, à laquelle prennent part des scientifiques du monde entier et qui produit des résultats dont les effets se font sentir au-delà des frontières. Cependant, les produits de la recherche du secteur privé sont généralement brevetés et pourraient ne pas être accessibles aux pauvres ou à ceux qui en ont besoin.51

La diminution des budgets de recherche agricole du secteur public fait naître de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé, surtout dans le domaine de la biotechnologie agricole. Par exemple, le géant suisse de l'agrochimie, Novartis, et l'Université de Californie à Berkeley ont signé en novembre 1998 un accord quinquennal de 25 millions de dollars. Bien que l'accord précise que Novartis ne peut imposer le genre de recherche qui sera fait avec son argent, elle aura la priorité pour négocier une licence exclusive relativement à 30-40 % de toutes les inventions faites au Département des végétaux et de la biologie microbienne.52 Les interactions entre le secteur privé et le secteur public peuvent créer un terrain fertile pour le développement des connaissances et le transfert de technologies sur le marché. Mais le financement du secteur public par des fonds privés a des adversaires. Cesderniers prétendent que de telles alliances donneront aux compagnies privées la possibilité d'influer sur le programme de recherche d'institutions publiques, permettant ainsi que des fonds publics servent à produire des bénéfices pour le secteur privé.

On discute aussi dans les centres de recherche agricole du GCRAI de la mise sur pied de nouveaux modèles de collaboration avec le secteur privé (projets de recherche communs, alliances stratégiques, etc.)et de l'établissement de politiques relatives à l'utilisation de matériels et de technologies brevetées. Par exemple, un gène B.t. (Bacillus thuringiensis) pour résister aux insectes,

Recommandation 1

Elargir la participation à la recherche

Le Groupe Crucîble croît qu'il est à la fois possible et nécessaire d'accroître la participation et le partenariat en matière de recherche agricole et de conservation des ressources génétiques. Le Groupe recommande que:

Image les gouvernements accroissent leurs contributions et renforcent leurs engagements à long terme pour ce qui est de la recherche agricole et de la conservation des ressources génétiques aux niveaux national et international ;

Image les gouvernements et les organisations non gouvernementales augmentent leur appui financier et leur engagement pour ce qui est de toute la recherche agricole participative sur l'amélioration des plantes et de la conservation des ressources génétiques réalisée à la ferme ;

Image que toutes les parties concernées appuient les initiatives innovatrices afin d'encourager la mise sur pied de formes efficaces et justes de partenariat dans la recherche agricole.

Recommandation 2

Appui à la conservation in situ ou à la ferme

Nous reconnaissons la complémentarité des stratégies de conservation ex situ et in situ. Ces deux modes de conservation ont des effets très différents sur le plan de la durée du germoplasme et de son évolution, mais les deux sont essentiels si l'on veut conserver le germoplasme pour les générations futures et les deux nécessitent une aide accrue. En particulier, la conservation in situ ou à la ferme mérite un meilleur appui car on a trouvé jusqu'à présent peu de méthodes qui soient, sur les plans financier, social et technique, efficientes, efficaces et acceptables pour ceux qui réalisent essentiellement la conservation in situ, c'est-à-dire les collectivités agricoles elles-mêmes. Lorsque l'on augmente l'appui apporté aux activités de conservation in situ ou à la ferme, il n'est pas nécessaire parallèlement de diminuer ou de supprimer le financement de la conservation ex situ.

Recommandation 3

Appui aux activités scientifiques des agriculteurs et à la phytogénétique participative

Les organismes et les gouvernements doivent formuler des politiques et établir des mesures destinées à promouvoir et à accroître les activités scientifiques des agriculteurs à la ferme, y compris dans le domaine de la phytogénétique participative. On pourra mieux atteindre l'objectif d'une agriculture durable, et d'une gestion dynamique des cultures, si l'on stimule et renforce (financièrement et techniquement) les activités créatrices des agriculteurs afin de les associer aux activités plus officielles de recherche et de développement

fourni par Plant Genetic Systems (Belgique), a été transféré à des variétés de pommes de terre, et le Centre international de la pomme de terre est autorisé à les distribuer dans dix pays en développement. Monsanto a passé des accords avec des instituts de recherche agricole du Kenya et du Mexique pour mettre au point des cultures résistantes aux virus. Même si ces collaborations remportent beaucoup de succès, elles sont peu nombreuses, essentiellement bilatérales et elles entrent souvent dans le cadre de programmes philanthropiques.53

La perte potentielle d'intérêt pour le bien public est l'une des principales questions soulevées par les rôles en complète évolution des secteurs public et privé dans le domaine de la recherche agricole. Alors que l'échange de matériels et de technologies pour aider les pauvres se faisait autrefois librement, on craint maintenant qu'il ne soit confronté à des contraintes et à des complications du fait de la propriété intellectuelle. Au cours de cinq dernières années, la Fondation Rockefeller de New York a investi 50 millions de dollars dans la biotechnologie végétale pour les pays en développement. Comme l'a dit M. Gordon Conway, président de la Fondation Rockefeller :

«Vu que la recherche sur les végétaux dans les pays industrialisés est maintenant dominée par des compagnies privées qui surveillent étroitement leurs technologies brevetées, le processus d'innovation dans les pays en développement s'est ralenti. Les phytogénéticiens du secteur public ne savent pas comment faire face à cette situation, et lorsqu'ils s'y essaient, ils sont handicapés par l'immense écart qui sépare leurs ressources et leurs pouvoirs de négociation et ceux des compagnies.»54

Comment peut-on mobiliser les avantages d'une technologie assujettie aux droits de propriété intellectuelle au profit des pauvres et de l'environnement ? Comment les systèmes publics, sur les plans tant national qu'international, peuvent-ils faire en sorte que l'établissement des priorités de recherche ne soit pas indûment influencé par les compagnies privées et que les biens publics dans le monde restent dans le domaine public ? Bien sûr, rien ne garantit que le secteur public est sans tâche ou agit toujours dans l'intérêt public. A l'opposé, il est injuste de supposer que le secteur privé agit à l'encontre de l'intérêt général.

Regroupements dans l'industrie des sciences de la vie

On assiste à des regroupements dans tous les secteurs de l'économie mondiale. En 1997, la valeur de toutes les fusions et acquisitions dans le monde a atteint la somme astronomique de 1,6 milliard (109) de dollars, contre 454 milliards de dollars en 1990.55 En 1998, le volume total des fusions et acquisitions dans le monde entier a atteint la somme record de 2,4 milliards de dollars — une augmentation de 50 % par rapport à 1997.56 Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, plus des quatre-cinquième de tous les investissements directs étrangers dans le monde prennent maintenant la forme de fusions et d'acquisitions à caractère international.57 On a assisté au cours des dix dernières années à un nombre impressionnant de regroupements dans le domaine des «sciences de la vie». Les parts de marché des produits bio-industriels relatifs à l'agriculture, à l'alimentation et à la santé ont été fortement concentrées entre les mains de très grosses entreprises internationales. Par exemple :

Image les dix plus grandes sociétés agrochimiques du monde détiennent 91 % du marché mondial de l'agrochimie (31 milliards de dollars) ;58

Image les dix plus grandes sociétés mondiales de semences contrôlent, selon les estimations, de un quart à un tiers du marché des semences commerciales (30 milliards de dollars) ;59

Image les dix plus grandesles dix plus grandes compagnies pharmaceutiquescompagnies pharmaceutiques représentent 36 % du représentent 36 % du marchémarché mondialmondial desdes produitsproduits pharmaceutiquespharmaceutiques (251(251 milliardsmilliards de de dollars) ; dollars) ;60

Image les dix plus grandes sociétés de produits d'hygiène vétérinaire détiennent 61 % des parts de marché évaluées à 16 milliards de dollars. 61

Dans le cadre de leurs activités dans le domaine des sciences de la vie, Dans le cadre de leurs activités dans le domaine des sciences de la vie, de nombreusesde nombreuses sociétés utilisentsociétés utilisent desdes technologiestechnologies complémentaires pour complémentaires pour jouerjouer unun rôlerôle importantimportant dansdans toutestoutes cesces catégories. catégories.62 LesLes frontières frontières traditionnelles entre les produits pharmaceutiques, la biotechnologie, l'agro- traditionnelles entre les produits pharmaceutiques, la biotechnologie, l'agro-industrie, l'alimentation, les produits chimiques, les cosmétiques et l'énergie industrie, l'alimentation, les produits chimiques, les cosmétiques et l'énergie deviennentdeviennent flousflous et s'estompent. Les grandes compagnies internationales et s'estompent. Les grandes compagnies internationales sont en train de se restructurer pour tirer profit de la révolution moléculaire sont en train de se restructurer pour tirer profit de la révolution moléculaire et de l'utilisation complémentaire de technologies comme le criblage à haute et de l'utilisation complémentaire de technologies comme le criblage à haute capacité, la chimie combinatoire, la transgénèse, la bio-informatique et la capacité, la chimie combinatoire, la transgénèse, la bio-informatique et la génomique. Les sociétés du domaine des sciences de la vie sont en train de génomique. Les sociétés du domaine des sciences de la vie sont en train de protéger leur information et leur technologie au moyen de brevets et, dans protéger leur information et leur technologie au moyen de brevets et, dans certainscertains cas, cette démarche conduitcas, cette démarche conduit à uneà une restructuration derestructuration de l'industrie. l'industrie. Dans l'économie actuelle fondée sur les connaissances, les éléments d'actif Dans l'économie actuelle fondée sur les connaissances, les éléments d'actif représentésreprésentés parpar la propriété intellectuelle ontla propriété intellectuelle ont dépassédépassé les biens matériels les biens matériels comme la terre, l'équipement ou la main-d'œuvre dans le calcul de la valeur comme la terre, l'équipement ou la main-d'œuvre dans le calcul de la valeur d'une entreprise. d'une entreprise.63 A la fin de 1995, par exemple, le groupe Hoechst détenait A la fin de 1995, par exemple, le groupe Hoechst détenait 86 000 brevets86 000 brevets et demandes de brevet. et demandes de brevet.64 Selon M. Richard HelmutSelon M. Richard Helmut Rupp, Rupp, directeur de la R-D chez Hoechst, «les plus importantes publications pour directeur de la R-D chez Hoechst, «les plus importantes publications pour nos chercheurs ne sont pas les revues de chimie, mais les publications des nos chercheurs ne sont pas les revues de chimie, mais les publications des bureaux des brevets du monde entier.» Pour preuve de la valeur des éléments bureaux des brevets du monde entier.» Pour preuve de la valeur des éléments d'actifd'actif représentésreprésentés parpar lala propriétépropriété industrielle, industrielle, ouou noteranotera queque sursur la la couverturecouverture dudu rapport annuelrapport annuel de, 1997 de Novartis, il est indiquéde, 1997 de Novartis, il est indiqué que la que la société détient plus de 40 000brevets. société détient plus de 40 000brevets.65 Dans le monde entier, la demande Dans le monde entier, la demande en matière de brevets montre uneen matière de brevets montre une forte augmentation. A la fin de 1995, il forte augmentation. A la fin de 1995, il y avait dansy avait dans le monde environ 3,84 millionsle monde environ 3,84 millions de brevets. Les bureaux des de brevets. Les bureaux des brevets des Etats-Unis et du Japon ainsi que la Conventionbrevets des Etats-Unis et du Japon ainsi que la Convention sursur le brevet le brevet européen représentaienteuropéen représentaient ensemble 81 % de ce total. ensemble 81 % de ce total.

Regroupements dans l'industrie des semences

Le Groupe Crucible croit qu'il est particulièrement important de surveiller les regroupements dans l'industrie mondiale des semences, une tendance qui a été accompagnée par une forte diminution des activités d'amélioration des plantes dans le secteur public. Dans certains secteurs de l'industrie, en particulier dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il existe certaines données qui établissent l'existence de marchés fortement concentrés. Par exemple :

Image les cinq premières entreprises de semences potagères contrôlent 75 % du marché mondial dans ce domaine ;66

Image quatre entreprises contrôlent 69%du marchénord-américaindes semences de maïs;67

Image à la fin de 1998, une seule entreprise contrôlait 71% du marché américain des semences de coton.68

Les ventes du secteur privé en matière d'amélioration des plantes et des semences ont été un outil très efficace dans de nombreuses parties du monde pour le transfert des innovations relatives à l'agriculture, en particulier par la fourniture de matériels végétaux fiables et propres. Des stratégies comme la segmentation des marchés pourraient être utilisées pour donner aux agriculteurs pauvres des pays en développement un meilleur accès aux nouvelles technologies culturales.69 A l'avenir, cependant, si l'accès aux innovations biotechnologiques et à d'autres innovations relatives à l'amélioration des plantes devait être limité à une poignée d'entreprises semencières, il est possible que le marché soit dominé par quelques fournisseurs, ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour le choix de la technologie et la fixation des prix. Il ne sera peut-être pas possible d'avoir une concurrence libre et juste en l'absence de surveillance et de réglementation de la part du gouvernement, y compris le recours à une législation antitrust. La possibilité pour le gouvernement d'adopter des lois antitrust est un mécanisme qui pourrait être envisagé pour éviter qu'il n'y ait trop de regroupements dans l'industrie des semences. Il faudra sans doute fournir aux pays en développement une assistance technique solide pour leur permettre de maîtriser la complexité des lois antitrust et de les appliquer.

Recommandation 4

Législation antitrust pour l'industrie des semences

Le Groupe crucible recommande que soit élaborée eî appliquée une législation antitrust au niveau international afin de doter l'industrie des semences de pratiques loyales en matière de concurrence,

Commercialisation des cultures transgéniques

Lorsque le premier Groupe Crucible a terminé ses négociations en octobre 1993, les cultures génétiquement modifiées n'étaient pas vendues sur le marché. Bien que les opinions diffèrent sur le caractère moral et la sécurité des cultures transgéniques, le marché commercial pour les semences génétiquement modifiées s'est fortement développé et s'est considérablement étendu géographiquement au cours des dernières années.

Image De 1986 à 1997, environ 25 000 essais de cultures transgéniques ont été effectués en conditions réelles par 45 pays pour plus de 60 cultures et dix caractères. Sur ce total, 15 000 essais ont été effectués au cours des dix premières années et 10 000 dans les deux dernières.70

Image Le soja, le maïs, le coton, le canola/colza et la pomme de terre ont été les cinq principales cultures transgéniques réalisées en 1998. Le soja et le maï's transgéniques représentaient, respectivement, 52 % et 30 % de la surface plantée de végétaux transgéniques dans le monde. Le trait dominant était la tolérance aux herbicides dans 71 % de toutes les cultures transgéniques et la résistance aux insectes dans 28 % des cas.71

Tableau 1 : Surfaces utilisees par les cultures transgeniques (en illions d'ha)73

Pays

1997

1998

E.-U

8,1

20,5

Argentine1,44,3
Canada1,3 2.8
Australie0,10,1
Mexique<0,1<0,1
Espagne0,0<0,1
France0,0<0,1
Afrique du Sud0,0<0,1
TOTAL11,027,8
Source : C. James, ISAAA

Image Selon la Fédération internationale du commerce des semences, on s'attend à ce que le marché des semences transgéniques atteigne les 2 milliards de dollars d'ici l'an 2000 et qu'il triplera pour passer à 6 milliards de dollars d'ici 2005. La Fédération prévoit que le marché des semences génétiquement modifiées atteindra les 20 milliards de dollars d'ici l'an 2010.72

Clive James, de l'International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA) a obtenu des chiffres montrant une forte augmentation entre 1997 et 1998 de la surface des cultures transgéniques dans huit pays (voir tableau 1) et il prévoyait qu'à la fin de 1999, environ 40 millions d'hectares seraient plantés de cultures génétiquement modifiées à travers le monde.74 Les partisans du génie génétique font remarquer qu'après des milliers d'essais sur le terrain et de cultures à l'échelle commerciale sur de nombreux continents, on n'a pas constaté de problèmes écologiques importants pour ce qui est des cultures génétiquement modifiées, ni de dangers liés aux aliments génétiquement modifiés vendus actuellement sur les rayons. Cependant, on craint que les cultures transgéniques n'aient certains effets sur l'écologie et qu'il n'y ait, entre autres, un transfert de gènes aux espèces voisines ainsi qu'une certaine résistance aux biopesticides.

Au cours des dernières années, le «principe de précaution» s'est imposé de plus en plus dans les débats sur la protection de l'environnement et la réglementation qui s'y rapporte, surtout en ce qui concerne l'approbation et la commercialisation des produits de biotechnologie. Défini de façon très générale, le principe de précaution implique que les autorités réglementaires ont la responsabilité de prendre des mesures préventives pour éviter tout danger tant qu'il n'y aura pas de certitude scientifique. Cependant, le principe de précaution n'a pas de définition reconnue dans le monde entier, et son statut en droit international fait l'objet d'un vaste débat.75 De nombreux observateurs le considèrent comme une innovation importante dans le domaine de l'évaluation du risque et de la protection de l'environnement, bien que sa définition, son application et sa portée soient encore en pleine évolution.

En février 1999, les délégués de 175 pays se sont réunis à Carthagène pour mettre un terme à quatre années de négociations sur un projet de protocole international sur la biosécurité, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Etant donné la forte divergence de positions, les négociateurs n'ont pas pu s'entendre sur les critères régissant le mouvement transfrontalier, la manipulation et l'utilisation des organismes vivants modifiés (OVM), que l'on appelle aussi organismes génétiquement modifiés (OGM).

Cette impossibilité d'arriver à un accord à Carthagène, et lors d'autres consultations informelles sur la biosécurité qui se sont déroulées par la suite à Vienne en septembre 1999, n'a pas permis d'apaiser les inquiétudes qu'ont fait naître chez un certain nombre de gouvernements, d'agriculteurs et de consommateurs, les cultures transgéniques et les questions relatives aux effets que pourraient avoir les organismes génétiquement modifiés sur la santé, la sécurité et l'environnement. En 1998 et 1999, un débat public sans précédent s'est instauré au sujet de l'introduction de produits génétiquement modifiés et de leur utilisation pour l'alimentation et l'agriculture, en particulier mais pas exclusivement, en Europe. La résistance opposée par les consommateurs et les agriculteurs à l'utilisation de produits génétiquement modifiés pour l'agriculture est en train d'influencer les décideurs, ainsi que les gros fabricants et détaillants de produits alimentaires. On n'a pas résolu les questions qui se rattachent aux effets sur l a situation économique, la santé et l'environnement. Dans de nombreuses parties du monde, les consommateurs exigent de plus en plus l'étiquetage obligatoire des produits génétiquement modifiés et une réglementation plus rigoureuse en matière de biosécurité.

Image En avril 1999, les sept plus grandes chaînes de vente au détail de produits alimentaires dans six pays européens se sont engagées publiquement à ne vendre que des produits ne contenant pas de matériels génétiquement modifiés.

Image En Europe, Unilever et Nestlé, deux des plus importants fabricants de produits alimentaires et de boissons dans le monde, ont annoncé qu'ils rejetteraient tout ingrédient génétiquement modifié pour la fabrication de leurs produits en Europe.

Image Aux Etats-Unis, Archer Daniels Midland et A.E. Staley Manufacturing Co., deux des plus grands transformateurs de maïs du monde, ont annoncé qu'ils n'achèteraient aucun maïs génétiquement modifié qui ne serait pas accepté en Europe.

ImageEn janvier 1999, l'organisme canadien chargé de la santé a refusé d'approuver l'utilisation de l'hormone de croissance bovine génétiquement modifiée en affirmant qu'il s'inquiétait de ses effets sur la santé et le bien-être des animaux.

ImageUne étude faite en laboratoire par les scientifiques de l'Université Cornell et publiée en mai 1999 montre que le pollen venant du maïs génétiquement modifié traité au B.t. (Bacillus thuringiensis) et résistant aux insectes est toxique pour les chenilles des monarques. M. John Loose, un des chercheurs de Cornell qui ont réalisé l'étude, nous met en garde : «Notre étude a été effectuée en laboratoire et, même si elle soulève une importante question, il ne conviendrait pas de se fonder uniquement sur ces résultats initiaux pour en tirer des conclusions au sujet du risque qu'encourent les populations de monarques.»76

Image A la suite de la publication de l'étude de l'Université Cornell, le ministère japonais de l'Agriculture, des Forêts et des Pêches (MAFP) a annoncé qu'il allait suspendre l'approbation des cultures traitées au B.t. au Japonjusqu'à ce que l'on ait revu les protocoles de sécurité pour les cultures génétiquement modifiées.77

Image L'Etat du Rio Grande do Sul, au Brésil, a banni les produits génétiquement modifiés de son territoire. On est en train d'y rédiger une loi pour interdire la commercialisation et l'importation de semences génétiquement modifiées. En juin 1999, une cour fédérale brésilienne a interdit la plantation et la distribution au Brésil de soja génétiquement modifié jusqu'à ce qu'on en ait évalué les effets sur l'environnement. Le Brésil est le deuxième plus grand exportateur de soja dans le monde.

Image En juin 1999, les ministres de l'Environnement de l'Union européenne ont insisté sur la nécessité de créer un cadre plus transparent et plus strict pour l'évaluation du risque présenté par les OGM ainsi que pour leur surveillance et leur étiquetage. Lesministres français, italien, grec, danois etluxembourgeois ont déclaréque, tant qu'une réglementation plus stricten'aura pas été adoptée, ils prendraient des mesures en vue de suspendre l'octroi de toutes nouvelles autorisations pour cultiver ou commercialiser des OGM.78

On craint que la controverse et le débat portant sur l'introduction de produits génétiquement modifiés et leur utilisation pour l'alimentation et l'agriculture ne puissent compromettre la mise au point et la distribution de produits transgéniques destinés à aider les pauvres et les personnes sous-alimentées.79 Par exemple, la Fondation Rockefeller et l'Union européenne financent la mise au point de souches de riz génétiquement modifiées qui permettront, à leur avis, de combattreles troubles de la nutrition (vitamine A et carenceen fer) qui affectent des milliards de gens dans le monde entier.80 Il est entendu qu'une fois mises au point, les souches de riz seront mises gratuitement à la disposition des centres de recherche agricole du monde entier.

Limitation du droit des agriculteurs en matière de conservation des semences

Les institutions nationales et internationales, à la fois publiques et privées, sont en train de mettre au point, d'appliquer et de promouvoir une série d'outils juridiques et technologiques destinés à permettre à l'industrie des semences de mieux contrôler et protéger les produits phytogénétiques ainsi que de restreindre ou de supprimer le droit pour les agriculteurs de conserver et de réutiliser les semences provenant de leurs récoltes. Par exemple, la Loi de 1991 sur l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) ne prévoit pas d'exemption permettant aux agriculteurs d'utiliser librement les semences conservées à la ferme pour resemer. Si elles sont commercialisées avec succès et largement adaptées, les technologies de stérilisation des semences génétiques pourraient également limiter la possibilité pour les agriculteurs de conserver leurs semences. Dans certains pays industrialisés, l a commercialisation de semences transgénétiques protégées par un brevet est en train de modifier la relation entre l'industrie des semences et son client

Points de vue : Avantages et mythes de la conservation des semences

Le secteur officiel des semences prône ta sécurité alimentaire

La conservation des semences enlève aux agriculteurs la possibilité de faire pousser des végétaux en faisant appel aux innovations scientifiques les plus perfectionnées et les plus récentes, Si tous les agriculteurs abandonnaient cette pratique, le taux d'innovation augmenterait de façon substantielle et les coûts» par rapport aux avantages» diminueraient. Enfin, la diversité agricole augmenterait au même rythme que la gamme des techniques innovatrices d'amélioration des plantes. Alors que la diversité «dans le champ» pourrait sembler moindre, la diversité réelle «dans le temps» augmenterait La société» par l'intermédiaire des gouvernements, doit libérer les phytogénicïens de toute entrave et arrêter le biopiratage des semences de haute technologie par la «conservation des semences».

La conservation des semences pour l'agriculture de subsistance

ll s'est instauré dans le monde un débat compréhensible et franc au sujet des avantages et des mythes de la conservation des semences. Cependant, les petits fermiers qui pratiquent l'agriculture de subsistance ne doivent pas être obligés par des lois ou des règlements de changer leurs pratiques séculaires. Tout agriculteur ou toute collectivité agricole qui conserve traditionnellement moins de 20 % de la récolte en vue de resemer ou de procéder à un échange — y compris la vente sur le marché — doit pouvoir continuer cette pratique sans contrainte quelle que soit l'origine des semences.

Sécurité alimentaire assurée par les agriculteurs

Les agriculteurs — et en particulier ies agricultrices — sont des phytogénétielens. Ils échangent du germoplasme pour améliorer leurs plantes, et c'est là la base de la sécurité alimentaire a l'échelon local. L'amélioration des plantes au niveau local permet de créer et de conserver cette diversité qui est importante pour le monde. Les agriculteurs pauvres, en particulier, améliorent les plantes pour des environnements et des besoins que les phytogénéticiens commerciaux ne connaissent pas ou dont ils ne se soucient pas. Le droit pour les agriculteurs de «conserver leurs semences» est aussi lié au droit à la nourriture et il doit être entièrement garanti par les gouvernements nationaux et la communauté intergouvemementale.

— l'agriculteur — et de changer les pratiques agricoles traditionnelles. Afin de protéger son investissement et de récupérer ses frais de recherche, l'industrie des semences affirme qu'il est illégal pour les agriculteurs de conserver des semences brevetées pour resemer. Aux Etats-Unis, on voit de plus en plus les fabricants de semences demander à leurs clients de signer un accord qui empêche les agriculteurs de conserver, de vendre ou de réutiliser des semences brevetées à n'importe quelle fin même sur leurs propres terres. Certaines sociétés font strictement respecter leurs brevets sur la technologie des semences transgéniques (génétiquement modifiées).81 Pratiquement toutes les semences transgéniques sont protégées par des brevets. Aux Etats-Unis, les brevets de modèle d'utilité ne prévoient pas de «privilèges des agriculteurs».

Dans les pays en développement, où la majorité des agriculteurs dépendent essentiellement pour les semences de celles qu'ils conservent à la ferme, la notion d'interdictions juridique ou biologique relatives à la conservation des semences est perçue par certains comme un phénomène étranger et dangereux. D'autres croient que les restrictions concernant la conservation des semences encouragera le secteur privé à investir dans la mise au point de variétés améliorées, à stimuler l'amélioration des plantes dans les pays en développement et à contribuer de ce fait à la sécurité alimentaire.

Le biopiratage : vrai ou faux ?

Certains craignent qu'en élargissant la portée des DPI et en les étendant aux matériels biologiques, on permet en fait aux institutions et aux chercheurs de s'approprier les ressources et les connaissances des agriculteurs et des collectivités autochtones, en particulier dans les pays en développement. Au cours des dernières années, les auteurs des revendications relatives aux matériels génétiques végétaux et humains ont été accusés de «biopiratage» dans de nombreuses régions. Les membres du Groupe Crucible ne sont pas d'accord pour dire si oui ou non, et dans quelle mesure, le biopiratage est un problème important. Les points de vue sur le biopiratage et le cas particulier du riz basmati montrent que les opinions sur le sujet sont très divergentes.

La biodiversifé humaine

Le Groupe Crucible note qu'un grand nombre de questions qui font actuellement l'objet d'un débat animé sur les ressources phytogénétiques peuvent réapparaître dans le débat qui s'annonce sur la gestion des ressources génétiques humaines.

Un grand nombre de questions auxquelles a été confronté le milieu des ressources phytogénétiques au cours des vingt dernières années, y compris la nécessité d'une collaboration intergouvernementale au sujet de la collecte, de l'entreposage et de l'échange du germoplasme végétal ainsi que le partage des avantages et les aspects de la PI qui se rattachent à ce germoplasme, surgissent également pour la diversité génétique humaine — mais avec des considérations morales plus profondes.

Points de vue: Qu'est-ce que le biopiratage?

Vue légaliste

Le biopiratage, c'est s'approprier des ressources biologiques sans que les populations locales et/ou tes autorités compétentes de l'Etat aient donné, en toute connaissance de cause, leur accord préalable pour que l'accès aux ressources et le partage des avantages se fassent à des conditions convenues. Avec la mise en œuvre de bis nationales et internationales régissant l'accès des ressources génétiques et l'élaboration de lois sui g&neris sur la PI relativement aux connaissances autochtones et locales, il est maintenant plus facile de définir juridiquement le biopiratage.

Lorsqu'elle est convenablement appliquée, la PI va en fait promouvoir les objectifs de la CDB en créant des usages durables pour les biomatérieis, en fournissant les moyens de récupérer une valeur qui peut être équitablement partagée et en favorisant le transfert de technologies. Cela ne va pas empêcher les utilisations traditionnelles des biomatériels par les collectivités autochtones et locales. Bien que les brevets ne soient pas des mécanismes créés à cet effet, ils peuvent générer des avantages susceptibles d'être partagés avec les collectivités autochtones et locales au moyen d'accords de bioprospection par exemple.

Point de vue critique

Lorsque des sociétés privées, souvent des multinationales, et/ou des organismes publics (ou ieurs Intermédiaires) de pays industrialisés s'approprient les ressources génétiques de pays du tiers monde, cela crée un problème structurel qui reflète des questions plus vastes d'équité — aussi bien passées qu'actuelles. Le biopiratage n'est pas seulement une question juridique, c'est surtout une question morale. Même dans les cas où des sociétés ou des organismes respectent des règles ayant force exécutoire sur l'accès et le partage des avantages ou signent des accords de biopraspedJon» c'est encore du biopiratage, parce que les cadres juridiques existants ne protègent pas bien les droits des agriculteurs et des populations autochtones. Les brevets et tes droits des phytogénéticiens ne sont pas des accords de partage des avantages.

Aucun généticien ou spécialiste du génie génétique ne part de zéro lorsqu'il met au point une nouvelle variété végétale. Il bâtit sur le succès accumulé par des générations d'agriculteurs et d'autochtones, Les compagnies de biotechnologie prétendent qu'elles ont «inventé» leurs végétaux transgéniques ou leurs nouveaux produits pharmaceutiques. Mais en réalité, elles ont modifié et affiné des plantes qui ont été mises au point par des agriculteurs anonymes et améliorées grâce aux récentes contributions des phytogénéticiens institutionnels. 11 est donc injuste et immoral de prétendre avoir le contrôle exclusif de ces végétaux (ou gènes, ou traits de caractère),

Point de vue de l'industrie

«Biopiratage» est un terme qui suscite de très nombreux sentiments. Tout le monde peut utiliser librement les connaissances et les matériels qui sont dans le domaine public pour faire avancer la science, et les progrès ainsi réalisés peuvent être convenablement protégés par des DPI» maïs pendant un certain temps seulement. Dans les rares cas où î! ressort que les revendications en matière de PI sont fondées sur des connaissances ou du germopîasme autochtones, ces revendications peuvent être contestées et annulées» ce qui prouve une fois de plus que le système de PI fonctionne efficacement. Sans DPI forts, le monde dans son ensemble se prive d'une diffusion plus vaste d'une technique utile, parce que personne ne prendra le risque de faire l'investissement nécessaire sans la protection de la PI.

Le vrai biopiratage est un problème grave que l'on peut identifier facilement : c'est l'utilisation, la multiplication ou la reproduction non autorisées d'innovations appartenant à des intérêts privés, qui sont protégées par un brevet ou par des droits de phytogénéticiens. Lorsque des fermiers réutilisent des graines brevetées sans en obtenir la permission ou sans payer de redevances, par exemple, c'est là du btopiratage. Pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité, il faut que l'accord sur les ADPiC soit strictement appliqué (et respecté) dans tous tes pays.

Points de vue: Le brevet sur le riz basmati: biopiratage ou invention ?

En septembre 1997 RiceTec Inc., une société texane» s'est vue délivrer le brevet américain no 5 663 484, intitulé «Lignées et graines de riz basmati», Le riz basmati est cultivé depuis des siècles dans la région du Punjab, en Inde et au Pakistan, Les agriculteurs de cette région ont sélectionné et fait pousser des variétés de riz basmati qui sont connues dans le monde entier pour leur arôme et leur goût particulier. A tort ou à raison, le brevet sur le riz basmati a déclenché une énorme controverse.

Biopiratage classique

RiceTec tire profit du génie des agriculteurs de l'Asie du Sud-Est ; elle pirate le germoplasme ainsi que le nom de basmati. Le brevet américain de Rice Tec s'applique à des produits de croisement impliquant 22 variétés de riz basmati provenant du Pakistan et de l'Inde. Le brevet indique qu'il s'agit de l'invention de «nouvelles lignées de riz avec des plantes deminaines, essentiellement insensibles à la photopériode et à haut rendement, et qui donnent des graines de riz ayant des caractéristiques semblables ou supérieures à celles des graines de riz basmati de bonne qualité produites en Inde et au Pakistan.» Le brevet a une portée très vaste qui s'étend aux variétés cultivées dans toute partie de l'hémisphère occidental! Plus précisément, le brevet s'applique aux produits de croisement obtenus à partir de 22 variétés de riz basmati mises au point par des agriculteurs du Pakistan et de l'Inde, Ces variétés ont été Initialement collectées dans le subcontînent indien et déposées (entre autres endroits), dans une banque de gènes américaine, Non seulement le brevet revendique un matériel génétique qui a été mis au point par des agriculteurs de l'Asie méridionale, mais il usurpe également le nom de «basmati», qui est géographiquement propre à des variétés cultivées dans certaines parties de i'inde et du Pakistan, tout comme le nom «Champagne» est propre à la France. Les exportations de riz basmati (qui s'élèvent à 800 millions de dollars par an en Inde seulement) pourraient être menacées si elles sont forcées d'entrer en concurrence avec le «faux» riz basmati. Le brevet met donc en danger les moyens de subsistance de milliers d'agriculteurs indiens et pakistanais qui cultivent le riz basmati pour l'exporter.

Pas de biopiratage

Toute cette affaire repose sur un malentendu. Le brevet américain de RiceTec protège les semences et les méthodes de sélection de la société aux Etats-Unis uniquement, et il n'établit aucun brevet ou marque de commerce pour le nom «basmati». La société n'a aucune revendication au sujet du rîz basmati dans une région quelconque d'Asie. On pense à tort que le brevet de RiceTec va empêcher les agriculteurs indiens d'exporter leur produit. Ce n'est pas vrai. Basmati est un terme générique. Tout comme «durum» désigne une catégorie de blé, basmatï désigne une catégorie de riz. Mais même si ce n'était pas le cas, aucun pays n'est obligé de protéger ce nom puisque ni el Pakistan ni l'Inde n'a de loi protégeant les références géographiques en vertu de l'Accord de I'OMC sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC), article 24.9.

Le germoplasme utilisé pour améliorer le riz basmati de RiceTec vient en partie de banques publiques de gènes établies aux Etats-Unis. Les lignées sont identifiées de façon précise dans le brevet et elles sont accessibles à quiconque veut améliorer des végétaux. Le germoplasme ne vient pas de l'Inde; les variétés de basmati visées dans ce brevet ont été mises au point sur une période de dix ans à l'aide de techniques classiques d'amélioration des plantes, Même si le germoplasme venait de l'Inde, la société n'a fait qu'utiliser ces variétés pour créer un produit nouveau. Ce n'est pas du bîopiratage; il s'agit clairement d'une invention en vertu de la législation américaine sur les brevets! Les variétés de basmati de RïceTec sont véritablement nouvelles; pour la première fois, il est possible de cultiver du riz basmati de très bonne qualité et à haut rendement dans l'hémisphère occidental.

Ce n'est pas la première fois qu'une controverse se fait jour au sujet de l a collecte et du brevetage de matériels génétiques humains. En 1993, le Projet sur la diversité du génome humain, un regroupement informel d'universitaires et de scientifiques d'Amérique du Nord et d'Europe, a proposé de prélever des échantillons d'ADN sur les membres de centaines de collectivités autochtones soidisant «menacées» à travers le monde. De nombreuses organisations autochtones ont protesté vigoureusement en demandant : «Va-t-on réaliser des bénéfices avec les gènes de pauvres qui luttent pour leur survie ? Qui aura accès aux échantillons d'ADN et où va-t-on les entreposer ? Quels avantages éventuels tireront de cette initiative les autochtones sur qui les échantillons d'ADN seront prélevés ?»

En mars 1995, le bureau américain des brevets a émis un brevet pour une lignée cellulaire contenant de l'ADN non modifié prélevé sur un membre de la tribu Hagahai en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les organisations autochtones ont protesté vigoureusement, qualifiant le brevet de menace à la dignité humaine et de violation des droits de l'homme. La controverse, déclenchée par de très nombreuses organisations autochtones, ainsi que par des organisations de la société civile et des gouvernements, a finalement conduit le gouvernement américain à annuler le brevet en octobre 1996.

Le commerce de tissu humain prend de l'ampleur. Les scientifiques, des secteurs aussi bien public que privé, prélèvent des échantillons d'ADN sur les membres de collectivités rurales et urbaines dans le monde entier. Ce qui intéresse particulièrement les généticiens, ce sont les populations qui sont génétiquement homogènes, ou celles qui sont génétiquement prédisposées à contracter une maladie héréditaire. Après avoir situé de façon précise l'endroit où se trouvent, ce qu'on appelle, les «gènes pathologiques», les entreprises de génomique et leurs partenaires pharmaceutiques espèrent mettre au point des produits commerciaux tels que des tests de diagnostic et des thérapies élaborées à partir de gènes humains brevetés. Cette recherche de gènes a mené les prospecteurs dans des endroits aussi éloignés que Tristan da Cunha pour les gènes de l'asthme, Kosrae (Micronésie) pour les gènes de l'obésité et le Tibet pour les gènes de la vie en altitude, pour n'en nommer que quelques-uns.82

Au début de 1998, la perspective d'une collecte et d'unecommercialisation d'ADN humain à l'échelle d'un pays a fait les manchettes lorsque Hoffman-La Roche (Suisse) et DeCode Genetics Inc. (Islande) ont signé un contrat de recherche conjointe de 200 millions de dollars pour identifier des gènes pathologiques en se fondant sur des études de la population relativement isolée et remarquablement homogène de l'Islande.83 L'objectif de DeCode est de réunir la collection de données généalogiques familiales la plus complète du monde pour étudier les causes génétiques des maladies courantes. La société affirme que ces études pourraient permettre d'obtenir de nouveaux tests de diagnostic et des remèdes pour les maladies héréditaires — qui seraient mis gratuitement à la disposition des Islandais si une nouvelle thérapie était découverte grâce à la recherche.84 Ce qui se passe en Islande va devenir un test international pour les nombreuses questions de morale et de propriété intellectuelle qui se rattachent à la collecteet à lacommercialisation d'ADN humain.85 Malgré l'opposition d'un nombre croissant descientifiques et de médecins islandais, le Parlement islandais a adopté le 17 décembre 1998 un projet de loi qui donne à DeCode Genetics le droit de créer une banque de données centralisée où seront regroupés tous les renseignements médicaux, passés et présents, concernant les 270000habitants de l'Islande.86 La nouvelle loi donne à DeCode Genetics le droit exclusif d'exploiter commercialement pendant 12 ans ces renseignements génétiques.

Une minorité agissante de scientifiqueset de médecins islandais y compris l'Association islandaise des médecins, l'Association islandaise pour la morale dans les sciences et l'Association islandaise pour la santé mentale, s'opposent à la mise en œuvre de la loi et conseillent aux médecins et à leurs patients de refuser de participer à la collecte des échantillons d'ADN.87 Lesadversaires de la loi croient qu'elle viole les principes de droit à la vie privée et de consentement éclairé et ils s'opposent à ce que l'on accorde à une seule compagnie le droit exclusif d'accéder à une ressource scientifiqueprécieuse. Par exemple, la loi permet bien aux gens de refuser que leurs renseignements médicaux figurent dans la base de données, mais elle n'exige aucune forme de consentement. Bien que la base de données soit supposée être confidentielle et anonyme, certains prétendent que les renseignements personnels peuvent être décodés et que les mesures de sécurité informatique proposées par la société ne sont pas suffisantes pour assurer la confidentialité.

Recommandation 5

Protéger la diversité génétique humaine

Le Groupe Crucible noie que te matériel génétique humain est collecté dans le monde entier en l'absence de toute surveillance intergouvemementale et sans réglementation uniforme concernant la collecte, l'échange et l'utilisation de la diversité génétique humaine ainsi que la protection des êtres humains.

Le Groupe recommande que tous les aspects de la conservation et de l'utilisation de la diversité génétique humaine soient régis, surveillés et revus par des organismes gouvernementaux ou intergouvernementaux» selon le cas, avec l'autorisation et la participation entières et éclairées de tous les êtres humains impliqués, et en particulier les autochtones.

Bioéthique et choix de société : qui va décider?

A la fin du XXe siècle, les hommes avaient acquis le pouvoir detransformer le fonctionnement de toutes les espèces vivantes, y compris la leur. Les avantages potentiels de ce pouvoir peuvent être excitants et les dangers inquiétants. Considérons, par exemple, cette annonce faite récemment, où il est dit que des scientifiques ont réussi à produire des cultures de cellules embryonnaires.88 Cette percée offre la possibilité de cultiver out genre de tissu humain et pourrait un jour être utilisée pour remettre en bon état des cœurs, des vaisseaux sanguins ou des cerveaux. Exactement la même semaine, le Sunday Times (R.-U.) a indiqué que les scientifiques pourraient théoriquement fabriquer des organismes biologiques mortels pour produire des «ethnobombes» capables d'atteindre des victimes humaines en fonction de Leur origine ethnique.89

Etant donné le rythme étourdissant auquel avance la technologie dans les domaines de la génétique et de la biologie, il n'est pas surprenant que la société se débatte contre les conséquences sociales, morales et juridiques de l a capacité des hommes à décoder et à contrôler le schéma génétique de la vie. Il existe de fortes divergences d'opinions à propos des effets des nouvelles biotechnologies, mais presque tout le monde est d'accord pour dire que les progrès technologiques se font à un rythme beaucoup plus rapide que celui des politiques sociales susceptibles de les guider ou des systèmes juridiques qui pourraient les encadrer.

On reconnaît de plus en plus à travers le monde que le développement des connaissances scientifiques doit être accompagné d'un débat public sur les choix de société et d'une participation éclairée des citoyens. La«bioéthique» cherche à déterminer les conséquences sociales et culturelles des percées des sciences de la vie, pour en prévoir les applications et pour faire en sorte que les progrès réalisés dans les sciences de la vie profitent à l'humanité toute entière.90 Les spécialistes de la bioéthique reconnaissent qu'il faut faire une distinction entre ce qui est scientifiquementpossible et ce qui est moralement acceptable. Qu'est-ce qui est bon pour la société, qu'est-ce qui est équitable et qu'est-ce qui est sans danger ? Qui va décider ? Voici quelques-unes des questions qui alimentent le débat sur les applications de la biotechnologie à l a santé, à l'agriculture et au développement humain.

Au niveau intergouvernemental, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a créé en 1993 le Comité international de bioéthique pour en faire le seul organe international du monde qui sera chargé d'étudier les conséquences de la recherche sur le génome humain et le génie génétique. En novembre 1997, l'UNESCO a adopté une Déclaration universelle du génome humain et des droits de l'homme, un texte sans force exécutoire qui est le premier dans le monde à porter sur la morale dans la recherche génétique. Depuis 1993, un nombre croissant de pays ont créé des comités consultatifs nationaux chargés d'étudier la bioéthique et de conseiller les gouvernements. En 1998, le GCRAI a adopté une série de principes moraux destinés à le guider dans son travail sur les ressources génétiques.

Le Groupe Crucible reconnaît et apprécie l'apport très important des débats sur la morale. On craint, cependant, que la nomination de commissions et de groupes d'experts chargés de se pencher sur la question de la bioéthique ne remplace la mise sur pied d'un vaste débat où le public pourrait participer à l'examen et à l'évaluation des nouvelles technologies.

Evolution de la bioscience moléculaire : son effet sur la société et la biodiversité

introduction

Qu'est-ce qui a changé dans les sciences moléculaires au cours des cinq dernières années et comment cette évolution influe-t-elle sur la façon dont la société envisage, utilise et apprécie la biodiversité ? Les connaissances biologiques continuent à se développer rapidement. Selon une estimation, la capacité à identifier et à utiliser l'information génétique double tous les 12 à 24 mois.91 Les percées scientifiques et techniques dans les sciences biologiques non seulement modifient la pratique ou l'interprétation des sciences, mais elles ont souvent des conséquences graves pour la société.

Certains pensent que l'industrialisation d'une stratégie fondée sur les gènes en vue de prévoir, de comprendre et de manipuler des organismes biologiques pour l'agriculture commercialeet la santé humaine sera le moteur du développement économique au cours du XXIe siècle. Comme le dit un porte-parole de l'industrie : «L'automatisation nous a permis d'installer la découverte biologique sur une chaîne de montage.»92 Les avantages que l'on pourrait tirer du séquençage des gènes et clé l'identification de leurs fonctions sont faciles à prédire. Il est par contre plus difficile de répondre à des questions comme : «Qui aura accès à la technologie et qui déterminera les priorités pour l'usage de l'information ? Certains membres du Groupe Crucible pensent que des projets technologiques de prestige risquent d'éclipser des priorités plus essentielles pour la santé humaine et l'agriculture.

Ce chapitre présente brièvement certaines des percées réalisées récemment dans le domaine de la science et de la technologie moléculaires en ce qui concerne les végétaux et le bétail ainsi que les êtres humains, et aussi dans le domaine de l'agriculture et de la santé humaine. Il ne s'agit en aucun cas d'une étude exhaustive, mais d'un effort déployé pour déterminer lesavancées scientifiques et technologiques marquantes (surtout dans les sciences moléculaires). Il est important de noter que, dans de nombreux cas, les mêmes technologies (c.-à-d. la génomique) s'appliquent de plus en plus à la fois aux humains, aux végétaux et aux animaux.

Les membres du Groupe Crucible désirent souligner que les percées de la science et de la technologie ne sont pas l'apanage des laboratoires de haute technologie ou de scientifiquesen blouse blanche. Les technologies nécessaires pour mettre au point, utiliser et conserver les ressources génétiques viennent non seulement des institutions du secteur officiel, mais aussi des écosystèmes locaux, des connaissances locales et des pratiques traditionnelles. Bien que ce chapitre porte surtout sur les réalisations marquantes dans le domaine de la science et de technologie moléculaires, le Groupe Crucible note qu'un des plus importants changements survenus au cours des cinq dernières années a été la reconnaissance de plus en plus grande, dans certains milieux, du rôle des agriculteurs et des collectivités locales dans l'amélioration des plantes, ainsi que dans la conservation et l'utilisation de la diversité biologique (voir chapitre précédent).

Clonage de mammifères : les débuts de Dolly

Une brebis nommée Dolly arrive en tête des percées scientifiquesrécentes. Le clonage des mammifères est devenu une fascinante réalité en février 1997, date à laquelle l'Institut Roslin, établi en Ecosse, a présenté Dolly — une agnelle obtenue par clonage à partir d'une seule cellule de brebis adulte. Dans les jours qui ont suivi cette annonce, «clonage» est devenu un mot familier dans le monde entier, et les scientifiques ainsi que les historiens ont commencé à revoir entièrement des manuels périmés. Dolly est tellement connue dans le public que l'Institut Roslin a récemment déposé une demande de marque de commerce pour protéger son nom et son image.93

Avant que l'Institut Roslin annonce la naissance de Dolly, les demandes de brevet avaient été présentées au sujet de la technique utilisée pour son clonage. Un des partenaires de l'Institut Roslin dans le domaine de la pharmacie, PPL Therapeutics, une entreprise commerciale, a vu la valeur de ses actions faire un bond du jour au lendemain. Mais les revendications concernant le brevet relatif à Dolly ont soulevé des controverses car les demandes présentées par l'Institut Roslin à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) n'étaient pas limitées à une technique de clonage des animaux de ferme — ce qui comprenait tous les mammifères et n'excluaient pas les êtres humains. Si les bureaux nationaux des brevets à travers le monde accordent des brevets pour la technique qui a servi au clonage de Dolly, cela veut-il dire qu'ils acceptent implicitement les techniques permettant le clonage d'êtres humains, ou qu'ils en admettent même l'aspect moral ? Dans l'affirmative, les grandes questions sociales vont-elles être décidées dans les bureaux nationaux des brevets sans débat public ? (Il est important de noter qu'un brevet n'a rien à voir avec la possibilité de commercialiser une nouvelle technologie ; c'est le droit d'empêcher les autres d'utiliser ou de vendre une technologie sans autorisation.)

En juillet 1998, des scientifiques de l'Université d'Hawaii, dirigés par Ryuzo Yanagimachi, ont rédigé le premier rapport scientifique confirmant que l'on pouvait répéter l'exploit technique représenté par le clonage effectué à partir de cellules de mammifères adultes, ce qui a coupé l'herbe sous le pied de ceux, de plus en plus nombreux, qui prétendaient que Dolly n'était rien d'autre qu'un accident de laboratoire ou une supercherie.94 Les scientifiques de l'Université d'Hawaii ont créé trois générations de souris clonées, c'est-à-dire plus de 50 de ces petits animaux en tout.95 L'équipe hawaïenne a également déposé des demandes de brevet pour les nouveaux aspects de sa technique de clonage. Le même mois, des chercheurs japonais ont annoncé la naissance de deux veaux clonés. En avril 1999, Genzyme Transgenics a signalé l'arrivée de trois chèvres transgéniques clonées, dont l'une a été conçue pour produire une protéine humaine dans son lait.

Pendant que les moralistes et les décideurs continuent de se débattre avec les conséquences inquiétantes du clonage de mammifères, la technique a progressé — sur une période de deux ans — pour passer de nouvelle stupéfiante à la une des journaux à ce que la revue Time a appelé une «technique de laboratoire presque banale».96 Cependant, le clonage de mammifères est encore relativement inefficace, il devra être considérablement affiné avant de devenir une technique commercialement viable.97

La FAO a conclu que la technologie du clonage somatique offre un outil qui pourrait être très précieux pour sauver les races animales locales en danger d'extinction. A la fin de 1997, la FAO a établi un protocole pour la collecte et l'entreposage d'échantillons de tissu animal dans l'espoir que la cryopréservation des tissus somatiques permettra un jour aux scientifiques de recréer les races menacées.98 En Nouvelle-Zélande, les scientifiques ont révélé récemment qu'ils avaient réussi à cloner un veau à partir du dernier spécimen d'un troupeau ancien de vaches Durham.99

Dans les derniers jours de 1998, le spectre du clonage humain a fait les manchettes lorsqu'un médecin sud-coréen a déclaré avoir effectué la première expérience de clonage humain.100 Dans une clinique de traitement des personnes stériles, à Séoul, Lee Bo Yon a obtenu un embryon de quatre cellules à partir de matériel génétique prélevé sur une femme de 30 ans. Il a été mis fin à l'expérience parce que le code de conduite coréen interdit l'insertion d'un embryon humain cloné dans un utérus. En apprenant la nouvelle de l'expérience de clonage humain effectué en Corée, le Dr Mary Lake Polan, de l'Université Stanford, a déclaré au Wall Street Journal : «S'il existe un marché, et que la chose est techniquement possible, alors quelqu'un le fera.»101

Aux Etats-Unis, les lois fédérales interdisent au gouvernement de financer des recherches sur les embryons humains, mais rien n'empêche des scientifiques indépendants de procéder à des expériences de clonage humain. En décembre 1998, un comité consultatif du R.-U. a proposé que le gouvernement permette le clonage humain dans un but de recherche médicale mais non pas pour obtenir des bébés.102 En théorie, ce qu'on appelle le «clonage thérapeutique» pourrait mener à la production d'organes de rechange utilisables pour des transplantations, et ces organes seraient génétiquement identiques à ceux du patient. Cependant, vers le milieu de 1999, des chercheurs ont révélé que l'ADN des cellules de Dolly ressemblait à celui d'un animal beaucoup plus vieux, et cette découverte pourrait avoir des conséquences pour la production à l'échelle commerciale d'animaux clonés et leur utilisation pour effectuer des transplantations.

Accélération de la détermination de séquence de l'ADN

La génomique — la science qui cherche à identifier la totalité des gènes des organismes vivants — est en train de révolutionner les sciences biologiques et elle est à la base de fusions et de retranchements impliquant un bon nombre des plus grandes entreprises du monde.103 Les technologies de la génomique sont actuellement utilisées par les chercheurs des secteurs public et privé qui essaient de percer le code génétique des êtres humains, des végétaux, des animaux et des micro-organismes. Etant donné que le séquençage de l'ADN gagne très rapidement en efficacité, les étapes de la génomique sont franchies beaucoup plus vite que prévu.

En 1995, une entreprise de génomique a annoncé qu'elle avait déterminé l a séquence de tout le génome d'un organisme vivant, la bactérie Haemophilius influenzae, et qu'elle avait fait une demande pour obtenir un brevet de vaste portée sur les usages médicaux des protéines bactériennes de l'organisme.104 «C'est la première fois que tout le contenu génétique d'un organisme libre a été décodé», a déclaré William Haseltine, directeur général de Human Génome Sciences (HGS).105 Avant le milieu de 1997, HGS avait déterminé la séquence de tout le génome de trois agents pathogènes bactériens supplémentaires. Les revendications d'HGS, à qui les brevets n'ont cependant pas encore été délivrés, comprennent l'établissement de diagnostic, ainsi que la mise au point de vaccins et d'antibiotiques au moyen de renseignements génomiques brevetés.106 Aujourd'hui, il est commun de déterminer la séquence du génome entier d'un micro-organisme. Avant la fin de 1997, plus de 50 projets portant sur les génomes microbiens étaient en cours dans le monde entier.107 Vers le milieu de 1998, on avait complètement déterminé la séquence de 14génomes bactériens et «archaéaux».108 Le 10 décembre 1998, des scientifiques ont annoncé qu'ils avaient achevé de déterminer la séquence du premier génome animal, Caenorhabditis elegans (un ver nématode). C. elegans, qui ne mesure qu'un millimètre, est le premier organisme multicellulaire dont toute la séquence génétique - quelque 100 millions de paires debases —est connue.109

Projet du génome humain

Le Projet du génome humain, un projet de 15ans et de 3 milliards de dollars, financé principalement par le gouvernement américain et ses partenaires britanniques, a été lancé en 1990pour établir la carte de la totalité du génome humain, c'est-à-dire les 80 000 à 100 000 gènes qui existent dans notre ADN. Les partisans du Projet du génome humain disent qu'il est «plus important que l'arrivée de l'homme sur la lune ou la division de l'atome».110 La détermination de la séquence de tout le génome humain nécessite l'identification de plus de 3 milliards de nucléotides ou paires de base (les lettres moléculaires qui forment notre code génétique). Elle nécessite également que l'on place les lettres moléculaires dans un ordre précis et qu'on apprenne à les lire.

Le processus de détermination de séquence de l'ADN est maintenant plus rapide et meilleur marché que quiconque l'aurait cru possible il y a cinq ans. Par exemple :

Image Au milieu des années 70, il fallait à un laboratoire deux mois pour déterminer la séquence de 150 nucléotides.111 Aujourd'hui, une entreprise de génomique est équipée pour déterminer à elle seule la séquence de 11 millions de lettres par jour.

Image Il a fallu 10 ans à 1 000 scientifiques pour décoder un génome de levure en utilisant la première génération de séquenceurs de gènes. En utilisant les ordinateurs d'aujourd'hui, les scientifiques pourraient faire le même travail en une seule journée.112

Image Le coût de la détermination de séquence de l'ADN est passé d'environ 100 $ par paire de bases en 1980 à moins de un dollar aujourd'hui, et les experts prédisent qu'il sera inférieur à un cent d'ici 2002.113

Le Projet du génome humain a été conçu sous la forme d'une initiative du secteur public, car il était trop vaste dans sa portée et trop coûteux pour qu'un pays ou une société puisse l'entreprendre seul. Avec l'arrivée de technologies de séquençage plus rapides et meilleur marché, les participants à la course pour l'établissement d'une carte du génome humain se heurtent maintenant à une très forte concurrence de la part du secteur privé.114 En mai 1998, une nouvelle société commerciale, a annoncé qu'elle allait entreprendre et essentiellement achever le séquençage du génome humain en 2001, quatre ans avant la date fixée par le gouvernement américain, à savoir 2005. Une coentreprise réunissant Perkin-Elmer et l'Institute for Genomics Research (TIGR), établie aux Etats-Unis, affirme qu'elle dispose d'un matériel de séquençage moderne dont la capacité dépasse de loin celle de l'ensemble des équipements de tous les laboratoires de génomique existant dans le monde.115 La nouvelle société vise à devenir la «source suprême en matière de génomique et de renseignements médicaux connexes».116

Aiguillonné par la concurrence venant du secteur privé, le Wellcome Trust of London, le plus grand organisme philanthropique du monde dans le secteur médical, a annoncé en mai 1998 qu'il allait doubler la somme qu'il verse au Sanger Centre, basé au R.-U., afin de permettre à ses biologistes de déterminer le séquençage d'un tiers du génome humain dans le cadre d'un partenariat avec le Projet du génome humain. Stimulés par l'appui reçu au niveau international, les responsables du Projet du génome humain ont annoncé en septembre 1998 qu'ils avanceraient de deux ans, c'est-à-dire à 2003, la date qu'ils s'étaient fixé pour terminer le séquençage du génome humain.117 Ce qui tombe très bien, car 2003 marque le 50e anniversaire de la découverte de la double hélice de l'ADN.

Brevets relatifs aux gènes humains

William Haseltine, de Human Genome Sciences, affirme qu'en 1995, sa société avait déjà isolé «plus de 95 % de tous les gènes humains».118 (Seulement 3% environ de l'ADN du génome humain sert au codage des gènes, et le reste est considéré comme du «matériel de remplissage».) De nombreuses entreprises commerciales se concentrent sur les régions «riches en gènes» du génome humain. Elles laissent de côté l'ADN qui ne sert pas au codage. Le 10 septembre 1998, HGS a annoncé que les demandes de brevet publiées dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets concernaient des revendications portant sur un total de 476 gènes humains complets.119 Selon HGS, chacun des gènes décrits dans les demandes de brevet représente un gène humain nouvellement décrit sous la forme d'un ADN complémentaire (ADNc) correspondant, le texte complet de codage de la protéine de chaque gène et des usages médicaux possibles.

La cadence infernale à laquelle se font les découvertes dans le domaine de la génomique se reflète dans le nombre croissant des revendications de brevet relatives aux séquences partielles de gènes ou séquences EST. En 1991, le Patent and Trademark Office des Etats-Unis avait des demandes en instance pour 4 000 séquences EST (Etiquettes de séquences exprimées). En 1996, il y avait un total d'environ 350 000 séquences EST à examiner, et au mois de septembre 1998, des demandes concernant plus de 500 000 séquences EST étaient en instance.120

L'octroi de brevets pour des séquences partielles de gène, ou séquences EST, est controversé. Un grand nombre de scientifiques et de spécialistes des brevets, y compris les National Institutes of Health du gouvernement américain, s'opposent au brevetage des séquences EST. Comment, demandent-ils, peut-on respecter les critères types d'un brevet (nouveauté, non évidence et utilité) dans un cas où l'on ne connaît même pas la fonction d'une séquence partielle de gène (la protéine qu'elle code) ? Nombreux sont ceux qui pensent que l'on fausse le système des brevets en octroyant des brevets sur des renseignements qui peuvent être décodés par des ordinateurs et qui ne semblent comporter aucun élément d'invention. Certains craignent que des revendications pour des séquences partielles de gène puissent empêcher à l'avenir le brevetage d'un gène complet qui contiendrait une séquence déjà brevetée.

En novembre 1998, la société californienne Incyte a annoncé qu'elle avait reçu le premier brevet sur 44 séquences EST.121 Elle a déclaré elle-même que son objectif était maintenant «d'obtenir, d'ici le second semestre de l'an 2000, les séquences et les cartes des gènes nouveaux et les plus pertinents sur le plan commercial, ainsi que de demander un droit de propriété industrielle à leur sujet.»122

En septembre 1999, on a annoncé que les gouvernements britannique et américain étaient en train de négocier un accord en vue de la publication de tous les résultats des recherches sur les gènes humains financées par le secteur public, sans revendication de brevets.123 Ce projet d'accord vise à faire en sorte que les avantages des découvertes relatives à la génomique humaine soient mis librement à la disposition du monde entier.

Chromosomes artificiels humains

En 1997, des chercheurs de la Case Western Reserve Medical School, en Ohio (E.-U.), ont annoncé la création d'un porteur de gène prometteur : un chromosome artificiel humain (CAH) qui se comporte exactement de la même façon qu'un chromosome naturel dans des cellules humaines de culture.124 Le chromosome artificiel humain est reproduit et transmis avec chaque division cellulaire.

Les CAH constituent de puissants outils qui pourraient servir à analyser les fonctions chromosomales et aussi à cloner de grands fragments d'ADN. Ils pourraient un jour être utilisés pour introduire de grands fragments d'ADN dans des cellules ou dans des animaux entiers sous une forme stable.125 Des scientifiques cherchent à créer des CAH qui contiennent des gènes humains spécifiques afin qu'ils puissent étudier la façon dont ils fonctionnent dans des cultures de cellule.

Des scientifiques sont également en train de faire des expériences sur la stabilité et l'expression des chromosomes artificiels dans des cellules de hamster, de souris et de poulet. Bien que l'usage des CAH dans la thérapie des gènes humains ne soit pas encore pour demain, on pense que, une fois perfectionnés, les chromosomes artificiels pourraient servir de vecteurs pour véhiculer des programmes génétiques complexes et faits sur mesure jusqu'à des cellules d'embryons humains.126 La notion de génie génétique humain, jusque-là impensable, devient donc techniquement réalisable.

A l'horizon : la pharmacogénomique

Les progrès faits dans le domaine de la génomique enrichissent le vocabulaire scientifique de nouveaux termes. La «génomique fonctionnelle» comporte l'analyse du rôle des gènes dans une maladie. Dans l'étape suivante, surnommée la «pharmacogénomique», on utilisera des outils génétiques perfectionnés pour comparer la façon dont les renseignements génétiques varient d'un individu à l'autre.127 De nombreux chercheurs des secteurs public et privé sont en train de cataloguer d'infimes variations génétiques —les polymorphismes nucléotides uniques, ou PNU — qui peuvent avoir un rapport avec la prédisposition d'un individu à une maladie ou avec sa réaction aux médicaments. La technologie nécessaire au criblage rapide des PNU permettra un jour d'obtenir un profil génétique unique et précis pour chaque individu. Avec une technologie type de séquençage des gènes, il faudra au moins deux semaines et 20 000 $ pour déterminer chez un seul patient les variations génétiques qui se produisent dans 100 000 PNU. Mais un fabricant de puces d'ADN commerciales annonce la mise au point d'une technologie qui permet de passer au crible 100 000 PNU dans le génome d'un patient en quelques heures et pour seulement quelques centaines de dollars.128

L'établissement d'un profil génétique précis pourrait permettre aux compagnies pharmaceutiques d'adapter pour chaque patient les médicaments d'ordonnance, et de savoir à l'avance si la composition génétique d'un individu le ferait réagir de façon négative à un médicament particulier. La possibilité d'établir un profil génétique soulève également de vastes questions morales et juridiques au sujet d'un mauvais usage potentiel des rensei-gnements génétiques (violations de la vie privée et non-obtention d'un consentement éclairé, discrimination génétique de la part de compagnies d'assurance, d'employeurs, etc.).

Progrès dans la recherche et la découverte de nouveaux médicaments

Jim Niedel, directeur administratif de la recherche chez Glaxo Wellcome, affirme que l'ère de la génomique est le début de la troisième génération de l a recherche de nouveaux médicaments. Selon Niedel, la première génération, qui a commencé il y a une centaine d'années, était fondée sur la chimie et d'heureux hasards. La deuxième, amorcée dans les années 50, était basée sur la biologie et l'empirisme. La troisième génération est entre les mains d'habiles professionnels qui utilisent la génétique, la robotique et l'informatique.129

L'équipement le plus moderne pour un «criblage à haut rendement» (c.à-d. des tests automatisés concernant un grand nombre de produits chimiques et destinés à voir comment ils s'attaquent à certaines maladies) permet de préparer des échantillons pour effectuer jusqu'à 100000tests par jour, ce qui équivaut à a un mois de travail si les échantillons sont préparés manuellement.130 Dans le cas du criblage à haut rendement, on utilise des robots pour tester l'action de milliers de composés sur une maladie moléculaire.

Après que ce criblage ait fait ressortir un médicament prometteur, on a recours à la chimie combinatoire. Avec l'aide de la robotique, les chimistes peuvent composer des milliers de variations à partir du produit chimique original et ils obtiennent ainsi une famille de molécules apparentées à ce produit. Ce procédé peut permettre d'accélérer grandement la découverte de nouveaux médicaments. Par exemple, un laboratoire de Glaxco Wellcome a mis seulement un mois en 1997 pour examiner 150 000 procédés chimiques afin de trouver la meilleure façon de constituer une catégorie de médicaments destinés à venir à bout de troubles d'ordre respiratoire, neurologique et viral. La nouvelle ère de la découverte de médicaments nécessite la capacité technique de digérer d'énormes quantités de données. La compagnie pharmaceutique SmithKline Beecham n'avait que deux bio-informaticiens il y a quatre ans, mais elle en emploie soixante-dix aujourd'hui.

De nouvelles méthodes utilisées pour identifier, quantifier et contrôler les composants actifs des plantes offrent également de nouvelles perspectives pour la mise au point de plantes médicinales. Plus de 80 % de la population mondiale a recours à des guérisseurs locaux et à la médecine traditionnelle pour ses besoins de base en matière de soins médicaux.131 On estime à 12,6 milliards de dollars le marché mondial des plantes médicinales. Une société américaine de biotechnologie est en train de mettre au point une technologie qui permettra de concevoir des médicaments tirés de plantes médicinales ; ces médicaments auront été testés cliniquement et seront réglementés, et leur vente se fera librement ou sur ordonnance. La compagnie, PharmaPrint, crée une «empreinte» de la plante qui peut être utilisée pour identifier la quantité et la bioactivité de chaque élément actif d'une plante médicinale. Nombreux sont ceux qui estiment que les remèdes traditionnels à base de plantes ne peuvent faire l'objet d'un brevet car la connaissance qui les concerne est dans le domaine public.132 Mais le procédé utilisé par PharmaPrint reproduirait les composés chimiques de la plante, «cequi permet d'obtenir un produit chimique qui peut être breveté et qui peut être normalisé pour sa mise au point clinique et sa commercialisation».133 On trouve, par exemple, parmi les plantes médicinales en cours de mise au point clinique, le gui, le cohosh noir, l'herbe de Saint-Jean, le palmier à scie, la valériane, le chardon argenté, l'agnus-castus et le ginkgo.134

Accélération de la recherche sur la génomique des cultures

Les scientifiques utilisent la génomique avancée pour identifier, cartographier et comprendre l'expression des gènes végétaux et leur lien avec les traits de caractère importants sur le plan agronomique. Il s'agit là non seulement d'établir des cartes génétiques des espèces végétales, mais aussi de lier la structure génétique de la plante avec son activité protéinique.135

Depuis 1996, pratiquement chaque grand fabriquant de semences a investi dans la recherche phytogénomique. Stimulés par l'efficacité accrue de la technologie de la génomique et la féroce concurrence entre les grandes sociétés d'agrobiotechnologie, les investissements dans la phytogénomique ont subi une très forte accélération en 1998 (voir tableau 2).136 Les investissements du secteur privé dans la phytogénomique éclipsent les dépenses effectuées par le secteur public en la matière.

En 1996, Pioneer Hi-Bred a lancé en collaboration avec Human Genome Sciences un programme de 16 millions de dollars concernant la génomique du maïs. DuPont (qui a annoncé au début de 1999 qu'il allait acquérir Pioneer Hi-Bred) met fortement l'accent dans sa R-D sur la phytogénomique. Selon Anthony Cavalieri, de Pioneer, la société a identifié des éléments d'ADN correspondant à plus de 350 000 gènes de maïs, ce qui représente plus de 81 % du génome du maïs.137

En septembre 1997, Monsanto et Millennium Pharmaceutical ont annoncé qu'elles avaient créé un partenariat quinquennal d'une valeur de 218 millions de dollars pour identifier des gènes végétaux brevetables en utilisant des technologies de la génomique. Cette transaction exclusive ne se limite pas à une seule plante ou à un seul lieu géographique, mais elle s'étend au contraire à toutes les plantes de tous les pays du monde.

En juillet 1998, Novartis a annoncé qu'elle allait dépenser 600 millions de dollars sur dix ans pour créer le «Novartis Agricultural Discovery Institute», un nouvel organe interne qui se consacrera à la recherche sur la phyto-génomique. La société affirme qu'il s'agit du plus grand projet du monde pour la cartographie des gènes végétaux. Cet institut californien emploiera 180 scientifiques environ.

Tableau 2 : Récentes transactions en matière de génomique agricole

Compagnie/InstitutPartenaireDateActivités
AgrEvo (Allemagne)GeneLogic1998Alliance pour la recherche sur la génomique (trois ans, 45 millions de dollars
Dow (E.-U.)Biosource Technologies1998Alliance pour la recherche sur la génomique (trois ans)
DuPont et Pioneer (E.-U.)CuraGen1998Extension de l'alliance pour la recherche sur la phytogénomique (5 millions de dollars par année)
DuPont (E.-U.)Lynx Therapeutics1998Accent sur le maïs, le soja, le blé et le riz (5 ans, jusqu'à 60 millions de dollars)
Génoplante - Initiative génomique française (France)Alliance secteur public/secteur privé impliquant Rhone-Poulenc, Biogemma, Sigma/Serasem, Florimond
Desprez, INRA, CIRAD, ORSTOM et des universitiés françaises
1998Accent sur la génomique dans les cultures européennes
Monsanto (E.-U.)Incyte Pharmaceuticals1998Vaste accès à la technologie d'expression des gènes d'Incyte
Monsanto (E.-U.)GeneTrace199 8Technologie de la génomique agricole, végétale et animale (17,2 millions de dollars)
NovartisNovartis Ag. Discovery Institute1998Institut de phytogénomique (10 ans, 600 millions de dollars)
NSF Plant Génome Research Project (gvt américain)Université du Missouri (E.-U.)1998Recherche sur la génomique du maïs (11 millions de dollars)
Zeneca Agro (R.-U.)Centre John Innes et Laboratoire Sainsbury (R.-U.)1998Génomique avancée et blé (10 ans, 80 millions de dollars)
Zeneca Agro (R.-U.)Alanex199 8Accord pour le criblage de la banque de composés d'Alanex (trois ans)

Technologies de restriction de l'usage de la génétique

Le 3 mars 1998, Delta & Pine Land Co., du Mississippi, et le ministère américain de l'Agriculture (USDA) ont annoncé qu'ils s'étaient vu octroyer le brevet américain no 5 723 765 pour une nouvelle technologie génétique destinée à empêcher les agriculteurs de conserver leurs semences sans autor-isation.138 Ce brevet est le prototype de ce genre de techniques que l'on est en train de mettre au point dans le but de modifier génétiquement les semences de seconde génération afin d'en empêcher la germination. Les concepteurs de cette technologie lui ont donné le nom de «système de protection de la technologie» ou de «technologie de restriction de l'usage de la génétique» (TRUG). On l'appelle populairement le gène stérilisateur («Terminateur»). Les concepteurs de technologies de type stérilisateur ont fait savoir qu'il faudra attendre au moins quatre ans avant que les semences comportant le trait de caractère stérilisateur ne soient disponibles sur le marché.

La TRUG ou stérilisateur n'est pas une technique unique qui est en train d'être mise au point par une seule société. Plus de 30brevets ont été délivrés à 13 instituts (publics et privés) ; ils décrivent des techniques permettant de contrôler la germination des semences, et/ou l'utilisation de «promoteurs inductibles» pour activer certains traits de caractère des végétaux transgéniques ou leur fonctionnement. Les systèmes de promoteurs inductibles permettent le déclenchement génétique de gènes végétaux ou de caractères par l'application d'un catalyseur chimique externe. A l'avenir, les agriculteurs seront théoriquement en mesure d'activer ou de désactiver des traits de caractère génétiques, comme la germination ou la résistance aux insectes, en traitant leurs semences avec un produit chimique donné. Les adversaires de cette technologie craignent que leur mise au point n'accroisse fortement la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des sociétés d'agrochimie et de leurs découvertes brevetées.139 Par contre, ceux qui les appuient croient que les agriculteurs disposeront d'un plus grand nombre d'options, si on leur donne le choix entre déclencher ou non, et dans quelles circonstances, les traits de caractère améliorants des végétaux transgéniques.140

Pratiquement toutes les grandes entreprises de semences et d'agrochimie effectuent actuellement de la R-D sur les TRUG. Si elle se révèle commer-cialement viable, la stérilisation génétique des semences pourrait, aux dires de certains, avoir des conséquences vastes et négatives pour les agriculteurs et pour la sécurité alimentaire.

Selon un porte-parole du ministère américain de l'Agriculture, Willard Phelps, la nouvelle technologie de ce ministère a pour objectif «d'accroîtrela valeur des semences brevetées appartenant à des entreprises de semences américaines et à ouvrir de nouveaux marchés dans les pays du deuxième et du tiers monde».141

Le président de Delta & Pine Land, Murray Robinson, a déclaré à un magazine américain spécialisé dans les semences que la technologie de stérilisation des semences (dont sa société partage la propriété avec le ministère américain de l'Agriculture) pouvait être utilisée sur plus de 405 millions d'hectares dans le monde entier (une surface de la taille de l'Asie méridionale), et qu'elle pourrait rapporter à sa société des revenus supérieurs à 1 milliard de dollars par année.142 M. Robinson affirme que la technique nouvellement brevetée de sa société offrira aux entreprises semencières, une «voie sûre» pour l'introduction de leurs nouvelles technologies brevetées sur d'immenses marchés encore non exploités, comme la Chine, l'Inde et le Pakistan.143 Le ministère américain de l'Agriculture et Delta & Pine Land Co. ont indiqué qu'ils présenteront une demande de brevet dans 87 pays, dont un grand nombre se situent en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Un nombre important d'organisations de la société civile craignent que les TRUG ne menacent la sécurité alimentaire et la biodiversité agricole, en particulier pour les pauvres, parce que cette technologie, si elle est largement adoptée, pourrait limiter la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser leur savoir en matière de sélection des semences et d'amélioration des variétés locales.144 Plus de 1,4 milliard de personnes — principalement des agriculteurs du Sud aux ressources limitées — dépendent essentiellement pour leur approvisionnement en semences, de celles qu'ils conservent eux-mêmes et de celles qu'ils échangent avec leurs voisins.145 De nombreuses OSC ont demandé l'interdiction à l'échelle mondiale de cette technologie, qu'ils considèrent comme une technique immorale qui privera les collectivités agricoles de leur droit séculaire de conserver leurs semences.

Un groupe de scientifiques réuni par la Conférence des Parties à la CDB recommande que des organes intergouvernementaux comme la FAO, en étroite collaboration avec l'UNESCO et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), examinent davantage les effets des TRUG sur la conservation et l'utilisation durable des ressources génétiques agricoles, et qu'ils déterminent les questions pertinentes de politique sur lesquelles il faut se pencher.146

Les partisans de la technologie de protection des gènes prétendent que, si le secteur privé peut protéger ses investissements dans la recherche, il sera incité à effectuer d'autres investissements dans le domaine de l'amélioration des plantes pour un grand nombre des cultures les plus importantes du monde. Ces personnes croient que la méthode de protection des gènes, si on lui permet de fonctionner efficacement, constituera un nouvel instrument de contrôle des croisements extérieurs involontaires, qui, en fin de compte, protégera l'intégrité des cultures et préservera la biodiversité mondiale.147La stérilisation des semences génétiques pourrait aussi servir à empêcher la germination précoce dans les champs, qui constitue un important problème dans les pays tropicaux lorsqu'il pleut à l'époque des moissons. Ces mêmes personnes font également remarquer que les agriculteurs seront toujours libres de décider s'ils veulent ou non acheter des semences à gènes protégés, et qu'ils ne le feront pas si ces semences ne se révèlent pas nettement plus avantageuses que les semences fertiles et compensent ainsi leur coût plus élevé. Selon un représentant de l'industrie, les pratiques agricoles traditionnelles comme la conservation des semences peuvent présenter un net inconvénient pour les agriculteurs aux ressources limitées : la pratique séculaire de la conservation des semences est en fait un gros inconvénient pour les agriculteurs du tiers monde qui, sans s'en rendre compte, continuent à utiliser des variétés dépassées parce qu'ils empruntent la «voie de la facilité» et qu'ils ne plantent pas des variétés plus récentes et plus productives.»148

La stérilisation des semences génétiques fait l'objet d'une controverse et d'un débat dans le monde entier.

Image En mai 1998, la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDPIV) a recommandé l'application du principe de précaution à l'usage de la nouvelle technologie pour le contrôle de l'expression des gènes des plantes. La CDP IVa demandé à son Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques d'étudier les effets de la technologie sur la conservation et l'utilisation durable de a l biodiversité.

Image Le ministre indien de l'Agriculture, Som Pal, a dit au Parlement indien en août 1998 qu'il avait interdit l'importation de semences contenant le gène stérilisateur car elle pouvait nuire à l'agriculture indienne.149

Image A son assemblée annuelle d'octobre 1998, le GCRAI a adopté une politique dans laquelle il était dit qu'il n'incluait pas dans ses matériels d'amélioration tous les systèmes génétiques conçus pour éviter la germination des semences.150

Points de vue; exterminer le stérilisateur?

Les membres du Groupe Crucible ne s'entendent pas sur le fait de savoir si la technologie de type stérilisateur peut, ou même doit, être interdite. Les points de vue diffèrent sur l'utilisation de la disposition sur la moralité publique des ADPIC (article 27.2) pour exclure la technologie de type stérilisateur.

La TRUG n'est pas en conflit avec la disposition sur ta moralité publique des ADPIC

II serait injuste d'exclure une technologie dans son ensemble de la protection que lui accorde un brevet, juste parce qu'elle pourrait être utilisée à des fins immorales ou qu'elle pourrait avoir des effets secondaires négatifs. En effet, la TRUG peut évidemment être utilisée a des fins qui sont parfaitement morales — et même bénéfiques — et qui ne troublent pas Tordre public. En outre, refuser aux agriculteurs al possibilité de faire leur propre choix relève du paternalisme restrictif, même si cela part d'une bonne intention.

La technologie de type stérilisateur est immorale

La technologie est intrinsèquement immorale et n'a pas été mise au point dans un autre but que celui d'empêcher les agriculteurs de réutiliser des semences. Etant donné que la technologie peut même affecter des agriculteurs qui n'ont jamais utilisé des semences de type stérilisateur elle doit être interdite. Le fait que deux grandes sociétés agrochimïques se soient engagées à ne pas commercialiser les technologies relatives aux semences stériles est un signe positif. Cependant, nous ne pouvons pas dépendre de la bonne volonté et du bon cœur de sociétés qui peuvent être achetées par une autre compagnie te mois prochain. Afin de décourager la mise au point de technologies semblables, les gouvernements doivent faire en sorte que leur législation sur les brevets ne comporte aucune disposition qui puisse servir d'incitation. Le monopole accordé par la technologie de type stérilisateur va bien au-delà des brevets et menace la souveraineté nationale. Un brevet est un monopole légal à durée limitée accordé par un gouvernement en échange d'avantages pour la société dans son ensemble. Dans le cas du stérilisateur, le monopole biologique n'a pas de durée limitée et n'est pas nécessairement approuvé par les gouvernements nationaux.

Image En février 1999, un porte-parole de Zeneca a déclaré : «[La société] ne met au point aucun système qui empêcherait les agriculteurs d'utiliser des semences de seconde génération, et elle n'a aucune intention de le faire.»151

Image En juin 1999, le président de la Fondation Rockefeller a conseillé à l'industrie de la biotechnologie de «désavouer»l'usage de la technologie de type terminateur pour rendre les semences stériles.152

Image En avril 1999, la société Monsanto a annoncé qu'«il fallait entendre et examiner avec soin les préoccupations de ceux qui s'opposent aux technologies de protection des gènes avant de prendre la décision de les commercialiser».153 En octobre 1999, le directeur général de Monsanto, Robert B. Shapiro, s'est engagé publiquement à ne pas commercialiserles technologies relatives aux semences stériles.154 Mais la société n'a pas exclu la mise au point et l'utilisation à l'avenir d'un moyen de contrôle des traits de caractère génétiques pour protéger les gènes.

Recommandation 6

Technologie de restriction de l'usage de la génétique

Le Groupe Cruclbïe reconnaît que la mise au point des TRUG est un exploit scientifique. Alors que l'on doit encore étudier les conséquences sociales et économiques de cette technologie pour la sécurité alimentaire des collectivités rurales dans ies pays en développement, certaines Institutions publiques et privées se sont engagées à ne pas commercialCser ou utiliser la technologie relative aux semences stériles. Quels qu'en soient ies effets sociaux et économiques, le Groupe Cruciale recommande de ne pas utiliser ia technologie pour ies variétés existantes lorsque son objectif premier est d'empêcher la conservation des semences par des agriculteurs au^ ressources limitées dans les pays en développement

Reproduction clonale des végétaux par apomixie

L'apomixie est un type de reproduction naturelle et asexuée, où des embryons de plantes se développent à partir des cellules d'un oeuf sans être fertilisées par du pollen. Elle constitue une façon de cloner des végétaux au moyen des semences. La descendance est génétiquement identique à la plante-mère. La semence apomictique est génétiquement uniforme de génération en génération (contrairement aux hybrides sexués normaux ou aux variétés pollinisées).

Par contraste avec les systèmes de protection de la technologie des gènes (la technologie de type terminateur) décrits ci-dessus qui sont conçus de façon à empêcher les agriculteurs de conserver les semences de seconde génération, la technologie de rapomixie peut étendre et décentraliserfortement les possibilités d'amélioration des plantes, surtout pour les agriculteurs aux ressources limitées. En théorie, les semences hybrides apomictiques pourraient offrir d'énormes avantages aux agriculteurs aux ressources limitées, car les caractères souhaitables peuvent être maintenus indéfiniment, sans perte de la vigueur hybride, et les agriculteurs pourraient conserver leurs semences hybrides pour les replanter année après année. La technologie de l'apomixie pourrait permettre la mise sur pied de stratégies d'amélioration des plantes qui seraient rapides, souples et bon marché et qui répondraient aux besoins des agriculteurs locaux en matière d'amélioration des cultures.

L'apomixie se produit naturellement dans de nombreuses espèces végétales et dans des variétés sauvages apparentées à certaines cultures. Le défi consiste à introduire le caractère de l'apomixie dans des cultures qui se reproduisent sexuellement comme le riz, le blé, le millet, le sorgo, etc. Des phytogénéticiens et des spécialistes de la biologie moléculaire ont réussi à transférer les gènes qui communiquent l'apomixie, d'une espèce d'herbe sauvage, Tripsacum dactyloides, au maïs. Le maïs est la première espèce sexuée à laquelle on a réussi à faire prendre une forme apomictique.155

Qui travaille sur l'apomixie ? De nombreux chercheurs publics et privés du domaine agricole, dans des pays tant en développement qu'industrialisés, effectuent des recherches sur l'apomixie, et plus de deux douzaines de brevets relatifs à la technologie de l'apomixie ont été délivrés.156

Pratiquement toutes les grandes sociétés du domaine des sciences de la vie (les multinationales spécialisées dans les semences et l'agrochimie) s'intéressent à la recherche sur l'apomixie, surtout parce qu'elle peut permettre de réduire le coût des programmes d'amélioration des variétés hybrides.157 Lorsqu'une variété supérieure est créée par la combinaison de lignées naturelles, la plante hybride apomictique et sa descendance génétiquement conforme peuvent produire des semences d'une manière non sexuée avec plus de facilité que les lignées naturelles. En utilisant l'apomixie pour produire des semences hybrides, les sociétés peuvent fortement réduire les coûts liés au maintien des lignées naturelles, dont la terre et les pratiques à base de main-d'œuvre comme l'émasculation pour empêcher la pollinisation croisée.

Pour les entreprises de semences, la technologie des hybrides est une forme de protection brevetée intégrée. Cependant, la technologie de l'apomixie pourrait porter atteinte à la protection brevetée qu'accordent les hybrides traditionnels car les agriculteurs seraient en mesure de conserver et de semer les hybrides apomictiques. De ce fait, les entreprises de semences, aimeraient bien combiner les nouvelles découvertes relatives à la stérilisation des semences génétiques avec l'apomixie. Si les entreprises de semences, réussissent à combiner les avantages de l'apomixie (la possibilité de produire en grande quantité des clones à bon marché) avec ceux de la stérilisation des semences génétiques, elles arriveront à empêcher les agriculteurs de conserver et de réutiliser les semences de variétés apomictiques. Cependant, on ne sait pas encore si cela est techniquement réalisable.

Certains craignent que la production en grande quantité de variétés d'origine clonale à bon marché ne débouche sur l'uniformité génétique et la monoculture. L'introduction de cultivars génétiquement uniformes pourraient, sans qu'on le veuille, réduire la diversité génétique dans l'agriculture, si cette méthode est largement appliquée dans des zones où les agriculteurs font pousser des variétés traditionnelles. Les partisans de l'apomixie répondent à cela en faisant remarquer que rapomixie permettra également la mise au point rapide de variétés nouvelles et résistantes de façon plus régulière. La simplicité et le coût peu élevé de l'amélioration des variétés apomictiques stimuleraient l'introduction d'une gamme plus vaste de variétés qui seraient spécialement adaptées à un micro-environnement donné, et encourageraient ainsi les collectivités agricoles à favoriser la diversité génétique.

A qui profitera l'apomixie ? La technologie de l'apomixie a tout ce qu'il faut pour influer profondément sur les systèmes agricoles et révolutionner l'amélioration des plantes dans le monde entier. En fin de compte, aussi bien le secteur privé que le secteur public joueront des rôles importants dans la mise au point de la technologie de l'apomixie afin qu'elle puisse éventuellement être utilisée dans une vaste gamme de systèmes agricoles. Le Groupe Crucible note que les avantages de la technologie de l'apomixie pour les agriculteurs aux ressources limitées dépendent grandement de la possibilité pour les agriculteurs eux-mêmes d'avoir accès à l'apomixie ainsi que d'en gérer et d'en contrôler l'usage, et d'expérimenter/innover sur le plan de l'amélioration croisée de variétés locales, en partenariat avec le Système national de recherche agricole (SNRA) et les Centres internationaux de recherche agricole (CIRA) du système du GCRAI.158

Deuxième partie : Questions en suspens Accès et échange, connaissance, et innovation

Repères

Importants changements (fans le cadre d'orientation

Au cours des cinq dernières années, les responsables du cadre d'orientation dans el monde ont surmonté leur propre version du réchauffement de la planète et des pluies acides avec l'entrée en vigueur de conventions et d'ententes intergouvernementales qui n'existaient qu'à l'état de théorie il y a cinq ans. il n'est pas surprenant de constater que, dans ce monde où tout est lié, divers accords internationaux ou régionaux sur la gestion de la propriété intellectuelle, la diversité biologique, le commerce et les droits de l'homme puissent tous avoir des conséquences pour la conservation et l'utilisation des ressources génétiques — y compris le contrôle» la propriété et les arrangements d'accès et d'échange. Même s'il est admis par tous que le paysage a considérablement changé, on n'est pas d'accord sur le fait de savoir quels sont les changements que l'on peut considérer comme positifs ou destructifs. Voici quelques-uns des principaux événements :

Image 1993 — La Convention sur la diversité biologique (CDB) entre en vigueur.

Image 1994 — Les Centres internationaux du GCRÂI signent des accords par lesquels ils placent la majeure partie de leur collection de germoplasme «en fiducie» sous Tautorité de la FAO.

Image 1995 — L'Organisation mondiale du commerce est créée et son accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) demande la protection des variétés végétales.

Image 1996 — Le Plan d'action mondial de Leipzig, pour les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RPAA) est adopté (mais il n'a pas encore été entièrement appliqué).

Image 1998 — La Convention de 1991 de l'Union pour la protection des obtentions végétales UPOV) entre en vigueur, fermant la porte à toutes nouvelles parties désireuses d'adhérer ê l'accord de 1978.

Image 1999 — La Commission de la FAO pour les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture continue à renégocier son Engagement international, y compris les droits des agriculteurs.

Les vastes changements intervenus dans les domaines de la science, de la technologie et de l'environnement, dont il est question dans la Première partie, sont débattus dans une série de fora intergouvernementaux interdépendants. Les décideurs ont tendance à comprendre et à formuler les questions de politique au fur et à mesure qu'elles sont négociées et suivies par l'intermédiaire de chaque institution relevant des Nations Unies ou issues des Accords de Bretton Woods. Mais en fait, ces questions ne sont pas si faciles à compartimenter. Il existe un réel danger de perdre de vue les grands thèmes et les grandes tendances dans le dédale des détails des conventions internationales. Dans la Deuxième partie, le Groupe Crucible aborde les questions centrales de politique dans trois vastes domaines : l'accès au germoplasme et les échanges dont il peut faire l'objet ; la formation et la conservation des connaissances ; et, enfin, la gestion de l'innovation. Dans chacun de ces domaines, le Groupe se penche sur les négociations intergouvemementales les plus importantes. Etant donné que ce qui se passe dans un forum influe sur les décisions qui sont prises dans un autre, il est rappelé au lecteur d'utiliser les renvois effectués pour de nombreux points précis et d'être conscient du fait que, par exemple, une position adoptée par les négociateurs commerciaux dans une convention pourrait favoriser ou léser des politiques environnementales nationales en train d'être débattues dans un autre forum.

En répartissant ces discussions en trois domaines (accès/échange, connaissances, innovation), le Groupe a pensé pouvoir encore plus aider les décideurs nationauxà formuler des choix en matière législative. Comme déjà indiqué, le deuxième volume de ce rapport du Groupe Crucible examine de façon détaillée un certain nombre d'options juridiques et stratégiques qui sont déjà appliquées ou en train d'être mises au point dans différentes parties du monde, ou qui se présentent sous la forme de théories sur lesquelles on ne se penche pas actuellement. Le lecteur pourra, le cas échéant, se référer

Recommandation 7

Assurer une participation efficace aux fora intergouvernementaux et y harmoniser les politiques

Le Groupe Crucible note que l'établissement de politiques cohérentes et complémentaires dans divers forums intergouvernementaux a été parfois contrecarré par des obstacles financiers à une participation efficace d'un certain nombre de pays et de régions et par une préparation non uniforme des politiques au niveau national dans d'autres pays et régions. Afin d'éviter des erreurs ei des contradictions graves, le Groupe recommande que;

Image toutes les parties s'efforcent de garantir que tous les gouvernements soient vraiment mis sur te même pied d'égalité en ce qui concerne î'accès à l'information, les périodes de préparation et le nombre de participants à toutes les négociations liées ;

Image même si te rôle prépondérant qu'ils jouent dans la détermination et la présentation des politiques et des objectifs nationaux est reconnu, les gouvernements doivent établir des processus consultatifs officiels qui permettront à tous les organismes publics, privés et de la société civile qui sont parties prenantes dans îa gamme de questions en jeu, de conseiller leurs gouvernements et de suivre ses activités dans chaque forum. En ce qui concerne en particulier les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, la pleine participation de tous les intervenants, y compris les agriculteurs et les phytogénéticiens ainsi que les populations indigènes et les collectivités locales, est essentielle à une bonne gestion gouvernementale.

aux parties du volume 2 portant le même titre (et vice versa) au fur et à mesure qu'il avance dans ce rapport.

Bien sûr, il est de plus en plus difficile pour les décideurs nationaux de cerner les questions et les options. Une étude réalisée actuellement par le Groupe de recherche agricole de la Banque mondiale — plus précisément, le Groupe de développement agricole et d'extension (ESDAR) - examine comment les gouvernements font face à cette situation délicate. Dans des études effectuées avec l'Agence suédoise de développement international (Sida), les deux organismes semblent prêts à conclure que les gouvernements ont besoin d'une plus grande coordination interne afin de disposer d'une stratégie organisée et rationnelle qui puisse s'appliquer logiquement dans chaque forum international.159 La confusion qui se manifeste entre les différents fora est encore accrue par le fait que, dans de nombreuses négociations intergouvernementales, il arrive souvent que les parties ne soient pas sur un même pied d'égalité. Par exemple, au début des années 90, alors que la communauté mondiale prenait des décisions critiques sur lecommerce, l'environnement, la propriété intellectuelle, les nouvelles technologies et les ressources génétiques, plus de 90 % des banques de données sur l'Afrique se trouvaient uniquement dans les pays industrialisés —et non en Afrique.160 Non seulement les décideurs qui en avaient le plus besoin n'avaient pas

Recommandation 8

Equilibrer ies obligations issues fie traités

Le Groupe Crucible souhaite exprimer son inquiétude au sujet de la confusion qui entoure actuellement les obligations issues de traités internationaux liées au commerce et à l'environnement. De nombreux membres du Groupe pensent que, pour fonctionner efficacement, un système de commerce international ne doit pas nécessairement être en conflit avec d'autres vastes objectifs de la société, comme la préservation de l'écosystème. Un système efficace de commerce international peut permettre d'atteindre de tels objectifs par la création d'une communauté mondiale plus riche et plus coopérative. En ce qui concerne la diversité biologique en général et les ressources génétiques en particulier, le Groupe recommande que:

Image des mesures soient prises dans tous les fora pertinents pour résoudre le problème du manque de compatibilité, réel ou perçu, entre les traités et pour établir des mécanismes de surveillance et de révision afin d'éviter toute future discordance ;

Image les gouvernements fassent en sorte que les droits et obligations issus de tout accord international actuel et futur ne nuisent pas à la sécurité à long terme du RPAA ou ne la menacent;

Image lors de la révision d'un Engagement international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture et de l'établissement d'un autre système multilatéral d'échange, les gouvernements veillent à ce que la mise en œuvre d'autres traités ne porte pas atteinte à la sécurité à long terme des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

facilement accès à l'information, mais aucune communication n'était encore possible. Il y a plus de téléphones à Tokyo que dans toute l'Afrique161 et, alors qu'il en coûte aux négociateurs de Madagascar et de Côte d'Ivoire 75 $ pour échanger un texte de 40 pages par messagerie (et il faut cinq jours), le même texte peut être transmis (en deux minutes) entre Canberra et Washington pour 20 cents — avec copie à chaque négociateur de l'OCDE sans que cela prenne plus de temps ou coûte plus d'argent.162 Dès le départ donc, les situations de négociateurs souverains ne sont pas égales. Et cette inégalité est encore aggravée par la diversité des fora de négociation et les inévitables complications qui surgissent sur place. Ce problème a donné lieu aux recommandations 7 et 8 du Groupe Crucible.

Accès et échange

La nécessité — et le principe — de l'accès à la diversité biologique sont bien compris aux niveaux historique et moral. Au cours des cinq dernières années, e l terme «accès» a toujours été accompagné du terme «échange» — une deuxième nécessité (et un deuxième principe) beaucoup moins souvent rencontré, et que l'on a parfois qualifié de partage des avantages. Certains prétendent qu'échanger, ce n'est pas entièrement partager des avantages mais établir les conditions d'un échange réciproque entre parties souveraines. Deux grands fora mondiaux sont devenus les centres principaux dans lesquels chacun essaie de faire valoir ses propres principes et ses pratiques : la FAO, par l'intermédiaire de sa Commission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRGAA), et les Nations Unies, avec la Convention sur la diversité biologique (CDB).

La diversité biologique se manifeste à tous les niveaux des écosystèmes, des espèces et des gènes. Conserver et utiliser la biodiversité exige de l'attention aux trois niveaux. Les négociations sur l'accès et le partage des avantages sont souvent compliquées par le fait que la valeur que l'on accorde aux différents types de diversité est incertaine et en constante évolution. On a tendance à priser la diversité à laquelle on attribue une certaine valeur et à sous-estimer celle à laquelle on n'en reconnaît aucune. Ces valeurs fluctuantes compliquent souvent les négociations intergouvernementales. La Convention sur la biodiversité est l'accord général ayant force de loi pour tous les niveaux et toutes les formes de diversité. Bien que la plupart des gens reconnaissent le caractère central de la CDB, certains pensent cependant qu'elle se préoccupe davantage sur le plan fonctionnel de la diversité «sauvage» (appellation litigieuse) ou «pas encore utilisée» (appellation non moins litigieuse). D'autres croient que la Commission de la FAO se soucie de la diversité «cultivée» ou «alimentée» —celle dont on sait qu'elle a de la «valeur». De telles distinctions soulèvent la question du territoire de chaque organisme ainsi que celle de la science. Dans le passé, d'autres divisions ont existé en matière de souveraineté nationale. Bien que tout le monde reconnaisse que les Etats possèdent la souveraineté sur la biodiversité à l'intérieur de leur territoire, les points de vue continuent à différer fortement pour ce qui est de la propriété des matériels biologiques qui ont été pris dans un pays avant l'entrée en vigueur de la Convention sur la biodiversité. Même si l'on se préoccupe des jardins botaniques, des zoos, des herbariums, des collections de cultures tissulaires et des banques de gènes, l'attention s'est portée essentiellement sur les collections ex situ de germoplasme agricole. Cela conduit les décideurs à un autre forum international important — le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), qui détient dans ses réserves 40% du précieux germoplasme végétal du monde.

La question de l'accès et de l'échange relatifs aux principales cultures alimentaires se complique un peu plus du fait qu'une grande partie de la diversité génétique des espèces en cause a déjà été largement dispersée à travers le monde. Le centre d'origine d'une culture n'est pas nécessairement le même que son centre de diversité et, vu les récents progrès scientifiques, le matériel trouvé dans le centre de diversité n'a pas nécessairement autant de valeur (aujourd'hui) que les mauvaises herbes apparentées à cette culture ou que la même espèce cultivée dans des conditions de stress dans des régions éloignées de sa terre d'origine.

Si la FAO, la CDB et le GCRAI sont en «première ligne» pour la négociation sur l'accès et l'échange, la législation et les conventions sur le commerce et la propriété intellectuelle sont également touchées par une grande partie des préoccupations relatives plus particulièrement au partage des avantages. Certains vont dire, par exemple, que la CDB passe avant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), tandis que d'autres ont affirmé avec vigueur que ce serait là une absurdité sur le plan politique. Il y a des gens qui prétendent que la biodiversité et la connaissance du Sud ont été transmises «gratuitement» au Nord, mais que le Nord a revendiqué la propriété intellectuelle pour l'une et l'autre et demande maintenant au Sud de lui verser des redevances afin d'avoir accès à son propre génie. D'autres avancent un argument tout à fait contraire : la majeure partie de la biodiversité représente une matière première possible pour l'invention. La propriété intellectuelle encourage la société à priser la diversité et fait en sorte que la connaissance obtenue grâce à des inventions «protégées» soit partagée dans le monde entier, du moins à long terme. Entre ces deux positions interviennent un grand nombre de nuances et de variables. Le débat sur l'échange (y compris le partage des avantages) fait ressortir des questions qui opposent les populations autochtones et rurales, d'une part, et les institutions scientifiques, d'autre part. Il éclaire aussi les différends entre les secteurs privé et public. Des tensions au sujet de la territorialité surgissent également entre certains partisans des institutions inter gouvernementales commel'OMC et l'Union pour la protection des obtentions végétales, et ceux de la CDB, de la FAO et du GCRAI. En toute logique, le Groupe Crucible commence son examen des questions en suspens par la Convention sur la diversité biologique.

La position centrale de la Convention sur la diversité biologique (CDB)

En décembre 1993, la CDB est entrée en vigueur afin de fournir un cadre international ayant force de loi pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité. La CDB a trois objectifs principaux :

Image la conservation de la diversité biologique ;

Image l'utilisation durable de ses composants ;

Image le partage juste et équitable des avantages découlant de cette utilisation.

La CDB a une portée énorme puisqu'elle vise à protéger toute la biodiversité dans tous les types d'écosystèmes et d'habitats. Sa mise en œuvre s'est faite lentement à cause d'un manque de fonds et des difficultés rencontrées pour établir des priorités, vu l'immensité du domaine et la présence de 175 parties, aux situations et aux intérêts divers. Il y a eu également un certain flottement au niveau politique, parce que le gouvernement américain n'a pas ratifié la Convention. Néanmoins, les gouvernements ont travaillé raisonnablement bien et ils ont mis sur pied d'importants fora de négociation pour la biosécurité, les connaissances autochtones et l'analyse des questions scientifiques et techniques. A cet effet, les gouvernements ont créé un certain nombre d'instruments, dont la Conférence des Parties (CDP) elle-même, l'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (OSASTT), le Secrétariat et le Centre d'échange pour la coopération scientifique et technique (CE). Un mécanisme de financement géré par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) vise à faciliter la mise en œuvre de la CDB. Beaucoup de temps a été consacré (officiellement et officieusement) aux approches de l'accès et du partage des avantages.

Repères

Image Adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio, la Convention est entrée en vigueur en décembre 1993 et elle compte actuellement 175 Etats membres, (A noter que les E.-U» ne l'ont pas encore ratifiée.)

Image La CDB est un cadre ayant force exécutoire pour la conservation et l'utilisation durable de toute la diversité biologique et elle vise à établir des processus pour le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de la biodiversité.

Image La CDB réaffirme la souveraineté des pays sur les ressources génétiques et insiste sur l'importance de la conservation in situ.

Image La CDB est généralement vue comme un organe qui met l'accent sur une approche bilatérale des négociations sur l'accès/échange entre les pays souverains d'où vient la bïodiversité et ceux qui la reçoivent

Image La CDB reconnaît le rôle central joué par les collectivités autochtones et locales dans la conservation de la bïodiversité grâce à leurs pratiques traditionnelles et à caractère durable ainsi qu'à leurs systèmes de connaissances.

Image La CDB admet les droits de propriété intellectuelle à condition que ces droits servent à promouvoir les objectifs de la Convention et non pas à leur porter atteinte.

Image La CDB doit non seulement surveiller mais également chercher à accroître les ressources financières et autres qui aideront à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité.

Questions en suspens

Image Les mécanismes bilatéraux et multilatéraux pour l'accès et l'échange s'excluent-ils mutuellement ?

Image Les négociations parallèles en cours à la CDB et à la FAO (Engagement international) brouillent-elles ou clarifient-elles les questions d'accès/échange et le rôle des collectivités autochtones et locales (y compris les droits des agriculteurs)?

Image Les obligations nationales en vertu de la CDB et de l'OMC (y compris les ADPIC) sont-elles compatibles ?

Mécanismes bilatéraux et multilatéraux

Le débat sur les systèmes bilatéraux et multilatéraux d'accès et d'échange (y compris le partage des avantages) concernant le germoplasme occupeune position centrale aussi bien pour la Convention sur labiodiversité que pour larenégociation de l'Engagement international de la FAO. Même si toutes les parties reconnaissent qu'il ne s'agit pas là nécessairement d'une discussion portant sur des choix et qu'il existe de nombreuses versions hybrides que l'on peut envisager, la division politique repose aussi sur une base scientifique. La diversité agricole (cultures et bétail) est largement répandue à travers le monde et on la retrouve dans un si grand nombre de banques de gènes qu'il semblerait très problématique de conclure des arrangements bilatéraux pour les espèces lesplus largement utilisées. Par ailleurs, les espèces médicinales et autres espèces végétales moins répandues (p. ex. Hevea, café) ne se retrouvent que dans certaines banques de gènes locales. Des arrangements bilatéraux sont donc possibles ici (bien que la question soit débattue) et ils pourraient permettre aussi de déterminer raisonnablement les sources de connaissances et d'innovations liées à ces espèces.

Dans son article 15 sur l'accès aux ressources génétiques, la CDB établit un cadre de principes généraux destiné à structurer l'échange entre pays des ressources génétiques, en réaffirmant la souveraineté nationale de chaque pays sur les ressources génétiques qui relèvent de lui et en visant à faciliter l'accès aux ressources génétiques plutôt que d'imposer des restrictions qui vont à l'encontre des objectifs de la Convention. Cet article, en conformité avec l'orientation générale du traité, met l'accent sur les initiatives nationales et, en faisant état de dispositions acceptées par les deux parties et avec leur consentement éclairé, laisse sous-entendre une négociation — une approche bilatérale — entre les pays d'origine et les pays récipiendaires pour l'accès aux ressources génétiques. Ils n'exclut cependant pas un système multilatéral si les parties décident d'adopter un tel système pour la totalité ou une portion seulement des ressources génétiques.

Méthodes nationales d'accès

Plusieurs pays et certaines régions sont en train d'élaborer ou ont déjà adopté des lois destinées à réglementer l'accès à leurs ressources génétiques. Les Philippines, la Thaïlande et les pays du Pacte andin (Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie et Venezuela) ont adopté de telles mesures. En outre, le Brésil, l'Ethiopie, les îles Fidji, la Malaisie et l'Inde en sont à différentes étapes de l'adoption d'une loi semblable. (Le volume 2 de ce rapport traite de différentes méthodes possibles pour l'établissement d'une loi nationale sur l'accès.)

La plupart des lois visées ci-dessus soumettent l'accès à des conditions semblables. Par exemple toutes, ou la majorité d'entre elles, demandent au bioprospecteur de :

Image fournir à une institution désignée du pays d'origine deux échantillons de toutes ressources génétiques collectées ;

Image faire participer une institution nationale ou des chercheurs nationaux à la collecte des ressources génétiques et/ou à la recherche sur les ressources génétiques collectées ;

Image communiquer les renseignements existants sur les ressources génétiques pour lesquelles l'accès est demandé ainsi que sur tout usage de ces ressources ;

Image communiquer le résultat des recherches à l'autorité nationale compétente et à ceux qui ont fourni les ressources génétiques ;

Image aider à renforcer les capacités des institutions nationales relatives aux ressources génétiques et partager certains avantages connexes, financiers ou autres (p. ex. les technologies brevetées).

Ces lois diffèrent, cependant, en ce sens que toutes n'exigent pas qu'un bioprospecteur respecte chacune des conditions, ou ne précisent pas que ces conditions constituent un ensemble d'avantages que le bioprospecteur, le fournisseur des ressources et l'Etat peuvent négocier. La Décision 391 (article 17) du Pacte andin, par exemple, permet aux parties de négocier les dispositions, alors que le Projet de règlement du Pérou (article 21)demande au bioprospecteur de respecter chacune des conditions de la Décision 391 et mêmes quelques autres. Grouper ainsi d'éventuels avantages profite clairement aux bioprospecteurs qui ne sont pas en mesure de fournir les types d'information ou d'appui que demande la méthode péruvienne. Avec cette approche, les bioprospecteurs et les fournisseurs de ressources peuvent, par la négociation, établir des conditions adaptées à leurs moyens et à leurs besoins.

La plupart de ces initiatives ne découragent en aucune façon la conservation, l'échange et l'usage des ressources génétiques agricoles ou la création d'un Système multilatéral d'accès et de partage des avantages (SMAPA) dont discute actuellement la FAO. Cependant, elles dressent bel et bien des obstacles importants, en particulier pour le germoplasme détenu par les instituts du GCRAI. Par exemple, aucune des lois n'exempte des procédures d'accès, de façon claire et précise, les ressources génétiques ex situ acquises avant l'entrée en vigueur de la CDB (ou de la loi de mise en œuvre applicable). Les lois déclarent généralement que l'Etat a toute souveraineté sur ses ressources génétiques, y compris les ressources génétiques ex situ et les produits dérivés, et lui accordent le droit de déterminer les conditions d'accès à ces ressources. (Des complications relatives à la FAO et au GCRAI sont traitées un peu plus loin.)

Collections ex situ

En l'absence d'autres lois ou accords nationaux ou internationaux, un institut de recherche établi dans un pays ayant pour l'accès le genre de règles exposées ci-dessus pourrait être assujetti à de fortes contraintes s'il veut utiliser ou échanger ses collections de germoplasme ex situ, même si elles proviennent d'autres parties du monde. L'incertitude ainsi créée doit être clarifiée. Cependant, il n'est pas nécessaire que cette clarification laisse sous-entendre une réduction de la souveraineté.

Il s'agit là sans doute d'une étape juridique très importante pour les ressources ex situ. Avec la création de la CDB, c'est la première fois que la souveraineté des Etats sur leurs propres ressources génétiques est spécifiquement établie dans un traité international. En vertu de l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques (El), de la FAO, signé dix ans plus tôt, les ressources phytogénétiques étaient considérées comme l'héritage de l'humanité, librement accessible à tous sans restriction. On pensait généralement que les banques de gènes des centres du GCRAI étaient en mesure de collecter et d'échanger du germoplasme sans contrainte parce que l'on supposait que la circulation du matériel végétal profitait à toute l'humanité. Après la création de la CDB, la Commission de la FAO — un organe intergouvernemental réunissant plus de 160 gouvernements — a sanctionné, en 1994, les accords passés entre la FAO et le GCRAI, dans lesquels il était dit que des ressources génétiques désignées devaient être gardées en fiducie pour la communauté internationale. Mais la Commission et le GCRAI ont également admis que ces accordsétaient une mesure provisoire prise en attendant le résultat des négociations en cours sur la révision de l'EL II est donc difficile de dire à qui appartiennent en fin de compte ces ressources. Si les négociations sur l'EI ne permettaient pas d'en arriver à un accord sur un système multilatéral, certains vont demander si le nouveau régime juridique de la CDB, qui confirme la souveraineté nationale sur les ressources génétiques, peut modifier la propriété des ressources collectées en vertu de l'ancien régime juridique. La Conférence des Parties à la CDB va-t-elle réussir là où la Commission de la FAO a échoué ? C'est là une question à caractère politique.

On peut également se poser la question de savoir si un Etat peut nationaliser des ressources qui faisaient partie, quand elles ont été acquises, d'un héritage commun. Cela pose problème, en particulier, lorsque les ressources génétiques en question ont été collectées dans un autre pays. La situation est encore plus délicate pour un pays qui est l'hôte d'une institution internationale. Si ce pays est membre de la FAO, on peut supposer qu'il a admis le principe de l'héritage commun établi dans le premier Engagement international de la FAO conclu en 1983, et le statut de fiducie qui figure dans les Accords de 1994 avec le GCRAI. Certains accords passés avec les pays hôtes stipulent également que les ressources génétiques détenues par les instituts sont conservées «en fiducie pour le bénéfice de la communauté internationale». Bien que les pays se montrent encore très bien disposés envers l'échange de germoplasme agricole, il n'y a pas actuellement, dans un pays quelconque, une seule loi ou disposition en matière d'accès qui aborde de façon précise la question unique et complexe des ressources génétiques destinées à l'alimentation et à l'agriculture. En fait, les gouvernements semblent rédiger des lois ou des directives sans avoir conscience, ou si peu, de leurs conséquences pour le matériel agricole —matériel dont on peut dire qu'il est le plus largement utilisé et d'une importance vitale.

Il est difficile d'évaluer les effets d'une loi nationale sur l'accès quand on n'a pas suffisamment de recul. Par exemple :

Image Quel effet cette loi a-t-elle eu sur l'échange et l'utilisation du germoplasme agricole ? Y a-t-il eu une diminution du nombre de demandes d'accès après la mise en œuvre de la loi ? Le coût des transactions est-il raisonnable et les procédures sont-elles suffisamment claires et efficaces, ou la loi at-elle poussé les parties à chercher une autre voie d'accès aux ressources génétiques ?

Image Dans quelle mesure des avantages ont-ils réellement découlé de transactions sur l'accès ?

Image A qui ces avantages sont-ils vraiment allés ; p. ex., les collectivités autochtones et locales ont-elles bénéficié de ces transactions ?

Un système d'accès reposant sur des transactions bilatérales avec le «pays d'origine» — le terme utilisé est défini dans la CDB — va certainement faire face à des problèmes pratiques en ce qui concerne l'agriculture. Il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de déterminer le pays d'origine pour la plus grande partie du germoplasme agricole. En outre, un systèmebilatéral pour l'agriculture pourrait désavantager de nombreux pays en développement, et on n'a pas vu de fonds importants retourner dans des pays d'origine —en fait, personne n'a demandé qu'il en soit ainsi. Rien n'indique, par ailleurs, que d'éventuels revenus compenseront les coûts des transactions que comportera vraisemblablement la surveillance, aux niveaux national et international, de la circulation du germoplasme végétal.

Comment les gouvernements nationaux pourront-ils élaborer, pour les ressources génétiques, des lois sur l'accès et le partage des avantages qui n'affectent ni ne restreignent leur position dans les négociations internationales en cause ? Un Groupe d'experts sur l'accès et le partage des avantages, réuni au Costa Rica en octobre 1999, a donné un certain nombre d'éclaircissements et de conseils sur la façon dont les parties à la CDB pourraient élaborer des lois nationales sur l'accès qui soient compatibles avec les obligations internationales existantes et qui tiennent compte de la nature unique des ressources génétiques destinées à l'alimentation et à l'agriculture.163 Le Groupe d'experts a reconnu la nécessité de trouver des solutions distinctes pour les ressources génétiques destinées à l'alimentation et à l'agriculture, comme l'établissement de régimes multilatéraux. Il a conclu que les parties, lorsqu'elles rédigeront leur loi nationale sur l'accès, devront tenir compte de la mise au point d'un système multilatéral permettant de faciliter l'accès et le partage des avantages relativement à ces ressources.

Négociations parallèles à la CDB et à la FAO

L'analyse qui précède fait clairement ressortir l'importance d'une étroite coopération entre la CDB et la FAO pour ce qui est de l'accès et de l'échange. Des observateurs neutres (s'il en est) aux négociations de la CDB et de la FAO seraient tous d'accord pour dire que les relations entre les deux organes souverains ont été «délicates» mais qu'elles «s'améliorent» avec les années depuis l'entrée en vigueur de la CDB. L'Engagement international (El) a été négocié en 1983, dix ans avant l'entrée en vigueur de la CDB. Non seulement l'EI n'a pas de force obligatoire mais encore il a été conclu à une époque d'intenses conflits entre le Sud et le Nord dans une atmosphère de grande méfiance et d'entente limitée. En fait, pendant la majeure partie de ses 15 années d'existence, l'EI a porté plus particulièrement sur les ressources génétiques «végétales», et ce n'est qu'assez récemment qu'on a envisagé l'importance de la conservation in situ et le rôle vital joué par les variétés sauvages et les mauvaises herbes apparentées, les agents de pollinisation et la conservation de leur écosystème. Ces questions sont traitées dans la section suivante qui porte sur la Commission de la FAO. Les décideurs doivent savoir, cependant, qu'il serait insensé d'envisager les négociations à laCDB séparément des discussions qui se déroulent actuellement à la FAO.

Compatibilité entre la CDB et l'OMC (y compris les questions de propriété intellectuelle)

Les négociations relatives à la conclusion d'un nouvel accord mondial sur le commerce qui se sont déroulées pendant l'Uruguay Round (1986-1993) ont abouti en décembre 1993. La réunion ministérielle au cours de laquellel'accord a été signé s'est tenue en avril 1994 à Marrakech. L'entrée en vigueur de l'accord est intervenue en janvier 1995 — deux ans après celle de la Convention sur la diversité biologique. Etant donné le débat houleux qui a précédé la signature de chacun des traités, il était inévitable que des différences d'interprétation surgissent et qu'il y ait un conflit entre les deux accords. Il se peut que certains différends résultent d'ambiguïtés intégrées volontairement dans des textes hautement politisés, lorsque les gouvernements ont cherché à obtenir un consensus de dernière minute. D'autres font suite aux litiges qui se sont poursuivis tout au long des négociations, étant donné que différentes factions ont cherché à récupérer le terrain politique qu'ils leur semblaient avoir perdu sur certaines questions au moment de la signature des accords. D'autres encore ont surgi lorsque toutes les parties ont découvert que des décisions prises tard dans la nuit avaient des conséquences que personne n'avait entièrement envisagés à ce moment-là. Enfin, d'autres ont surgi avec l'apparition de techniques scientifiques et de pratiques nouvelles.

Les zones de tension entre l'OMC et la CDB concernent la propriété intellectuelle et les pratiques commerciales qui pourraient avoir des effets sur la conservation de la biodiversité du fait de dommages causés à l'environnement. Le Groupe Crucible s'est concentré sur les conflits qu'il perçoit dans le domaine de la propriété intellectuelle. Bien que le sujet soit abordé en partie ici, il est conseillé aux décideurs de se reporter au volume 2 sur1 l'innovation, où figure un chapitre sur les ADPIC de l'OMC et où d'importantes conventions, telles que l'UPOV, sont traitées de façon beaucoup plus détaillée. Ce que nous voulons dire essentiellement ici, c'est que les autorités nationales responsables du commerce et de l'environnement —ainsi que de l'agriculture — doivent se parler entre elles et harmoniser leurs positions dans les fora pertinents.

Les droits de propriété intellectuelle sont mentionnés à l'article 16 de la CDB. Selon l'UICN/Union mondiale pour la conservation, l'article 16 est un «article ambigu dont le texte imprécis reflète la complexité du débat politique et du compromis trouvé par la suite au cours des négociations».164 Le paragraphe 16.2 précise que l'accès à la technologie brevetée et son transfert se feront selon des conditions qui sont compatibles avec la «protection adéquate et effective» de la Pl

L'article 16 offre un équilibre entre la protection/reconnaissance de la PI existante et le transfert de technologies nécessaires pour la préservation et l'utilisation durable de la biodiversité, ainsi que pour la technologie liée aux ressources génétiques fournies par les pays d'origine. L'article 16.5 est une disposition clé relative aux effets des DPI sur la Convention. Il stipule que les DPI doivent favoriser et non pas contrecarrer les objectifs de la Convention (un engagement considéré comme éminemment réalisable par certains et comme une hérésie par d'autres).

Article 16.2 : L'accès à la technologie et le transfert de celle-ci, tels que visés au paragraphe 1 ci-dessus, sont assurés et/ou facilités pour ce qui concerne les pays en développement à des conditions justes et les plus favorables, y compris à des conditions concessionnelles et préférentielles s'il en est ainsi mutuellement convenu, et si nécessaire, conformément aux mécanismes financiers établis aux termes des articles 20 et 21. Lorsque les technologies font l'objet de brevets et autres droits de propriété intellectuelle, l'accès et le transfert sont assurés selon des modalités qui reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective.

Article 16.5 : Les Parties contractantes, reconnaissant que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle peuvent avoir une influence sur l'application de la Convention, coopèrent à cet égard sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non à l'encontre des objectifs de celle-ci.

Les DPI ont été discutés à diverses réunions de la Conférence des Parties (CDP) et de son organe subsidiaire, bien qu'aucune décision n'ait été prise au sujet de leurs effets sur les objectifs de la Convention. En ce qui concerne l'accès aux ressources génétiques et au partage des avantages, certaines parties croient que les DPI existants peuvent contribuer à la bonne marche des mécanismes de partage des avantages parce qu'ils peuvent permettre aux utilisateurs de ressources génétiques de tirer de leurs inventions des revenus, qu'ils pourraient partager avec les pays d'origine ou les

Points de vue ; La CDB et l'accord relatif aux ADPIC de l'OMC sont-ils compatibles ?

Laissons faire tes gouvernements nationaux

Les deux conventions ont été rédigées avec beaucoup de soin et, bien qu'elles traitent de sujets différents» chacune d'allés contient des dispositions relatives à l'autre. La CDB dit que l'on peut faire en sorte que la propriété intellectuelle favorise ses objectifs. L'accord relatif aux ADPÏC interdit la délivrance de brevets pour des inventions qui ne respectent pas l'ordre public ou la moralité, ou pour celles qui présentent un danger pour la faune ou la flore ou qui portent gravement atteinte à l'environnement II s'agit là d'importantes garanties.

Les parties aux deux accords doivent remplir leurs obligations en vertu des deux traités, et il n'y a aucune raison qu'elles ne puissent le faire sans nuire aux objectifs de une et de l'autre si elles procèdent à une mise en œuvre réfléchie des deux accords.

Conflit entre l'accord relatif aux ADPIC et ta CDB

L'accord relatif aux ADPIC oblige les membres à obtenir des brevets ou à adopter des systèmes sui g&rterîs pour les variétés végétales, tandis que la CDB exige la protection et la promotion des connaissances, des innovations et des pratiques autochtones. La conservation et la privatisation sont des objectifs contradictoires. L'existence de droits exclusifs sur les produits et les procédés biologiques restreint la disponibilité des ressources génétiques — ce qui est préjudiciable à la sècyrié alimentaire et au bien-être des collectivités locales. Les régimes de PI de type occidental favoriseront l'uniformité et fintroduction de nouvelles variétés végétales qui, sans qu'on le veuille, supplantent les variétés des agriculteurs. Les brevets ne sont pas des accords de partage des avantages, mais des moyens qui permettent au secteur privé, surtout le monde industrialisé, de profiter de la biodiversité qui a été établie et conservée pendant des millénaires par les collectivités autochtones et locales, Il est clair que les droits et les objectifs concernant les deux traités sont en conflit. Les deux traités prévoient pour les gouvernements des obligations exécutoires; quel est celui qui va être prioritaire?

Appui de l'accord relatif aux ADPIC à la CDB

L'expression «brevetage de la vie» est efficace sur le plan émotionnel mais elle n'est pas exacte. Selon l'accord relatif aux ADPIC, les micro-organismes qui sont de la matière vivante doivent être brevetés. Mais raccord relatif aux ADPIC n'aborde pas la question du brevetage de la vie en elle-même, et il n'exige pas que les pays brevettent des formes supérieures de vie. Cela dît, l'accord relatif aux ADPIC demande bien aux pays d'assurer une protection sui generis efficace (ce qui n'a pas une nature aussi exclusive que les brevets) pour les variétés végétales, 11 n'y a pas d'incompatibilité entre des drotts de propriété intellectuelle accordés au secteur privé pour une invention bien précise, pour une période limitée, et les droits souverains des pays sur leurs ressources biologiques.

Si l'on veut que le secteur privé s'intéresse à la mise au point de nouveaux médicaments, ou de nouvelles variétés végétales à partir des biotes sauvages, on doit lui donner la possibilité de protéger les résultats de ses travaux. La protection est le meilleur ressort que l'on puisse faire jouer pour le partage des avantages. Les lois sur la protection n'empêchent pas les collectivités locales de continuer à utiliser leurs produits et leurs procédés autochtones. Les critères imposés pour obtenir un brevet sont la nouveauté, la démarche inventive (non évidente) et l'applicabilité industrielle (utilité), et les bureaux de délivrance des brevets respectent rigoureusement ces exigences. En oufre, les connaissances autochtones peuvent servir de base à la mise au point d'un -nouveau procédé ou produit brevetable. Dans un tel cas, l'industrie croit que cette situation doit être reconnue par l'inventeur et qu'une compensation doit être attribuée à des conditions convenues, comme le demande la CDB.

De nos jours, l'amélioration des plantes est stimulée par la législation sur la Pi. La mise au point de nouvelles variétés végétales pour l'alimentation et l'agriculture accroît la bïodiversité dont peuvent disposer les agriculteurs. On ne peut mesurer la diversité génétique végétale en comptant simplement les variétés des agriculteurs — étant donné qu'elles ont souvent des origines génétiques très semblables.

collectivités locales. D'autres pensent que ces DPI ne peuvent servir à cet effet, qu'ils ne suffisent pas à protéger les droits des agriculteurs et des populations autochtones et que ces lois constituent une des plus grandes menaces pour l'amélioration et la conservation de la biodiversité. Les DPI, affirment-ils, ne favorisent pas le partage des avantages.

Etant donné la variété des points de vue sur le sujet, les membres de la CDP ont demandé, lors de leur troisième réunion, que l'on étudie l'effet des DPI sur les objectifs de la Convention, qui sont encore en cours d'examen. En conséquence, la CDP a commencé à porter une attention spéciale aux discussions sur la propriété intellectuelle qui se déroule dans d'autres forums. Le Secrétariat a demandé et obtenu le statut d'observateur aux réunions du Comité du commerceet de l'environnement de l'OMC et il cherche à obtenir le même statut à celles du Conseil des ADPIC de l'OMC.

La mission de la Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRGAA) relativement à la biodiversité agricole

Repères

Image La CRGAA a été créée en 1983 et a tenu sa première réunion en 1985. Elle se réunît généralement tous les deux ans mais a tenu un certain nombre de sessions extraordinaires aussi bien sur le Plan de Leipzig que sur la révision de l'Engagement international.

Image 164 pays et la Communauté européenne sont membres de la Commission et/ou ont adhéré à l'El.

Image En plus d'être responsable de i'EI, la Commission supervise l'application de l'Accord de fiducie FAO-GCRAI et surveille la politique relative aux collections de germoplasme visées dans cet accord.

Image En 1995, ta Commission a étendu ses activités au-delà des ressources phytogénétîques pour inclure le bétail. Elle se penchera également sur des travaux semblables relatifs aux forêts et aux pêcheries étant donné que ces secteurs touchent à l'alimentation et à l'agriculture.

Image Par l'intermédiaire de la Commission, les gouvernements suivent la mise en application du Plan d'action mondial de Leipzig.

Questions en suspens

Image Les gouvernements sont-ils désireux de renforcer le rôle joué par la FAO dans le domaine des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture ?

Image Les gouvernements sont-ils prêts à conclure un accord multilatéral ayant force exécutoire pour l'accès et l'échange en matière de ressources phytogénétîques agricoles (Engagement international}?

Image Les droits des agriculteurs doivent-ils être appliqués au niveau national ou sont-ils des droits de l'homme sur le plan international? Voir section sur les «connaissances»,.

Image Les gouvernements peuvent-ils équilibrer de façon intelligente tes fonctions de ta CDB et celles de ta Commission de la FAO?

Image Les gouvernements appliqueront-ils totalement le Plan d'action de Leipzig ?

Renforcement du Système mondial de conservation et d'utilisation durable des ressources phytogénétiques (FAO)

Depuis 1983, les pays membres de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ont pris d'importantes mesures pour résoudre ces questions litigieuses en créant un Système mondial pour la conservation et l'utilisation des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RFAA). Les buts de ce Système mondial sont :

Image la conservation de la diversité biologique ;

Image l'utilisation durable de ses composantes ;

Image le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques.

La Commission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture supervise la mise au point du Système mondial. La principale composante institutionnelle du Système mondial est l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques. La Commission a été créée en 1.983 et a tenu sa première réunion en 1985. Elle sert de forum intergouvernemental où les pays — en tant que donateurs et utilisateurs de germoplasme, de fonds et de technologies — peuvent se réunir, sur un pied d'égalité, pour discuter de questions relatives au germoplasme végétal et en arriver à un consensus à leur sujet. Son mandat (et son nom) a été étendu en 1995 de façon à inclure toutes les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Aujourd'hui, 160 pays ainsi que la Communauté européenne sont membres de la Commission.

Comme les délégués à toute réunion des Nations Unies peuvent en témoigner, chacun des organismes spécialisés peut, en un rien de temps, produire des tableaux, des graphiques et des plans de gestion qui vont prouver clairement la position centrale que leur travail occupe dans le monde. Bien que la FAO ne soit pas à l'abri de ces tentations, il ne fait aucun doute qu'elle a joué un rôle de pionnier en attirant l'attention du monde sur l'urgente nécessité de conserver et d'utiliser le germoplasme agricole. Le secrétariat de la Commission, en particulier, a servi de façon efficace et brillante la collectivité internationale. Néanmoins, certains membres du Groupe Crucible craignent que la FAO ne fasse pas bénéficier les travaux de la Commission de toutes ses connaissances techniques et que ce qu'on appelle le «Système» — y compris les bases de données et les réseaux de banques de gènes, dont on parle beaucoup dans les rapports et les documents — soit davantage un tigre de papier qu'une réalité concrète. Les gouvernements doivent permettre à la FAO d'exécuter le mandat qui lui a été confié, et la FAO doit faire clairement savoir aux gouvernements où s'arrêtent les bonnes intentions et où commence la réalité. La Commission est le forum politique où se déroulent les débats sur le germoplasme agricole. L'Engagement international constitue la base des négociations, et sa révision est essentielle pour les questions d'accès et d'échange.

La révision de l'Engagement international

A la fin des années 70, les pays en développement et les OSC ont fait part pour la première fois à la FAO de leurs inquiétudes au sujet des questions de contrôle, de propriété et d'accès relativement aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RPAA). A cette époque, le RPAA était considéré par pratiquement tous les gouvernements comme le «patrimoine commun de l'humanité». Les pays en développement membres de la FAO ont commencé à affirmer, cependant, que le patrimoine commun sous-entendait l'existence de responsabilités communes pour sauvegarder les ressources génétiques. Ils ont commencé également à faire ressortir la contradiction qu'il y avait entre le libre accès aux ressources phytogénétiques des pays en développement et les droits que l'on accordait aux phytogénéticiens institutionnels pour les nouvelles variétés végétales qu'ils mettaient au point. Ils ont demandé : «Pourquoi des semences brevetées, provenant de pays en développement, procurent-elles des redevances à des phytogénéticiens institutionnels de pays industrialisés sans que, en contrepartie, une compensation ne soit versée aux donateurs/innovateurs originaux des matériels génétiques ? Qui est responsable de la conservation des ressources phytogénétiques ? Qui contrôle l'accès aux matériels génétiques et de quels mécanismes a-t-on besoin pour faire en sorte que les pays industrialisés et les pays en développement reçoivent les uns et les autres des avantages?

Repères

Image La résolution 3 de l'Acte final de Nairobi a établi en 1992 que l'accès aux collections ex situ qui n'ont pas été acquises conformément à la CDB et aux droits des agriculteurs constitue une des questions en suspens pour lesquelles des solutions doivent être recherchées dans le cadre du Système mondial de la FA0.

Image L'Engagement international de la FAO sur les ressources phytogénétiques est un document inter gouvernemental n'ayant pas force exécutoire, qui a été adopté en 1983. Il a été signé par 113 pays. Son objectif est de faciliter l'accès, la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques.

Image L'Engagement international fait actuellement l'objet d'une révision destinée à le mettre en harmonie avec la CDB, Trois questions dominent les négociations : la portée et l'accès, le partage des avantages et les droits des agriculteurs — des questions qui ont des conséquences importantes pour la CDB et les régimes de propriété intellectuelle.

C'est dans ce contexte politique que les gouvernements ont adopté l'Engagement international en 1983. Maintenant, à la lumière des enseignements du Sommet de la Terre de Rio et de la CDB, les gouvernements travaillent à mettre à jour l'EI pour s'attaquer à de nouvelles questions — ou aux mêmes vieilles questions des années 90.

Dans les années qui ont suivi son adoption, de nombreux gouvernements se sont rendu compte que l'EI n'était pas complet et contenait des ambiguïtés qu'il fallait lever. Au cours de la dernière décennie, en fait, trois résolutions interprétatives ont été adoptées pour clarifier un certain nombre de concepts et de termes contenus dans l'EL165 Un des principaux objectifs de la révision actuelle de l'Engagement international est d'harmoniser ces dispositions avec les principes de la CDB relatifs à la souveraineté nationale sur leRPAA, à l'accès, au consentement préalable et au partage des avantages. Les négociateurs de la CDB ont demandé spécifiquement que le Système mondial de la FAO permette de résoudre deux questions en suspens particulièrement pertinentes pour la biodiversité agricole — les droits des agriculteurs et le statut des collections ex situ antérieures à la CDB. Les négociations en vue d la révision de l'EI ont été engagées dans ce contexte au milieu des années 90, bien qu'il n'ait pas encore été décidé, de façon définitive, si l'EI 1) relèvera de la constitution de la FAO, 2) aura le statut de traité ou 3) sera un protocole sous l'autorité de la CDB.

La renégociation de l'Engagement international était à l'ordre du jour de la session d'avril 1999 de la Commission sur le RPAA. Un texte unique a été accepté comme base de négociation.166 Tout le monde est fondamentalement d'accord pour créer un système multilatéral d'accès au RPAA. En vertu d'un tel système, l'accès au RPAA et les avantages qui en découleront seraient ouverts à toutes, les parties qui ont adhéré au système multilatéral relatif à l'accès et au partage des avantages. Trois questions en suspens dominent les négociations actuelles sur l'EI : la portée et l'accès, le partage des avantages et les droits des agriculteurs.

Portée et accès

Savoir sur quelles ressources phytogénétiques l'EI portera et comment leur accès sera réglementé sont des questions clés des négociations. Il est généralement convenu que, dans sa version révisée, l'EI portera sur toutes les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, mais que les gouvernements pourraient vouloir créer un système d'accès à plusieurs niveaux, allant du «libre accès» pour certaines espèces en vertu d'un système multilatéral, à un accès «non libre» ou restreint assujetti à des accords d'échanges bilatéraux (qui pourraient être supervisés ou gérés avec l'aide d'un, organe multilatéral). Les Etats signataires désirent de plus en plus accepter une circulation relativement libre, entre eux, du germoplasme concernant certaines variétés alimentaires très répandues et largement utilisées par les phytogénéticiens. Cependant, les espèces végétales plus difficiles à obtenir et/ou qui ont une forte valeur commerciale (p. ex. le café, les épices rares et les plantes médicinales) seraient soumises à une circulation restreinte et à un accès contrôlé, sous réserve de négociations bilatérales. Au début, une gamme limitée de variétés seraient ouvertes aux échanges multilatéraux, mais leurs listes figureraient en annexe à l'EI et pourraient être modifiées de temps à autre. Toutefois, certains pays ont fait remarquer au cours des négociations d'avril 1999 qu'une révision continue des listes serait problématique.

De nombreuses questions n'ont pas encore été réglées. Est-ce que l'EI révisé s'appliquera aux matériels collectés avant et après l'entrée en vigueur de la CDB, ou seulement à ceux qui ont été acquis avant ? Les collections du GCRAI auront-elles un statut spécial ? Va-t-on refuser aux parties non signataires de l'EI l'accès aux matériels collectés (y compris ceux du GCRAI) ou leur accordera-t-on un accès limité ?

D'une façon générale, de nombreux pays en développement adoptent une attitude défensive vis-à-vis de la «portée» et de l'«accès». Ils craignent qu'on leur demande en fait de donner sans compter leur germoplasme alors que certains pays industrialisés permettent que les revendications concernant un monopole temporaire sur ce même germoplasme soient faites dans le cadre de régimes de propriété intellectuelle. Un certain nombre d'études indépendantes ont laissé entendre que — même si elles sont collectivement inestimables — il est quasiment impossible de déterminer la valeur commerciale de chaque obtention de germoplasme. En fait, les frais à engager pour suivre la circulation des gènes pourrait bien dépasser les revenus réels qui seraient perçus par les pays d'origine.

Le statut du germoplasme protégé par la propriété intellectuelle est controversé. Pour de nombreux pays en développement, il est très important que ce germoplasme entre totalement dans le système multilatéral d'échange «libre». Il s'agit là d'un matériel qui a une valeur commerciale précise et qui constitue une partie essentielle de la contribution du Nord, laquelle est nécessaire pour contrebalancer la quantité plus importante de réserves inexploitées du Sud. Les détenteurs des droits de propriété intellectuelle, cependant, prétendent que le matériel protégé par la PI est déjà librement disponible, dans une certaine mesure — c'est-à-dire (disent-ils) pour servir au développement de l'amélioration des plantes, plutôt qu'à l'exploitation commerciale directe du matériel non modifié. Le matériel protégé par les droits sur les variétés végétales peut être librement utilisé pour d'autres améliorations. L'exemption en matière de recherche pour le matériel breveté est généralement plus restrictive. Aux Etats-Unis, il semble que l'exemption en matière de recherche soit si étroite que les chercheurs ne sont pas autorisés à utiliser du matériel de propagation qui renferme du matériel breveté, même si ce dernier est issu du (c.-à-d. n'est pas inclus dans le) produit final du chercheur. Au Royaume-Uni la loi paraît (être quelque peu plus souple) sur ce point. Il semble que le chercheur peut utiliser le matériel pour créer quelque chose de nouveau, à condition que la partie brevetée n'entre pas dans le produit final. Dans les pays qui ont des exemptions à caractère pratique en matière de recherche, le seul matériel que les chercheurs ne puissent utiliser est celui qui est protégé par la loi sur le secret commercial. Les exemptions en matière de droits des détenteurs de brevet sont analysées de façon plus détaillée dans le volume 2, sujet 3, section 3 : «Options relatives aux lois sur la propriété intellectuelle pour les inventions biotechnologiques».

Les OSC offrent une autre série de points de vue sur la question de l'accès au RPAA. Certains pensent que les collectivités agricoles devraient, pour défendre leurs droits, soit adopter leurs propres régimes de propriété intellectuelle pour les variétés des agriculteurs, ou adopter des mécanismes sui generis non liés à la PL D'autres considèrent toutes contraintes non traditionnelles pour l'échange de germoplasme (quelles soient liées à la PI ou non liées à la PI, sui generis) comme inutiles puisque, prétendent-ils, elles nuiraient aux activités phytogénétiques de la collectivité.

Partage des avantages

Comment les pays qui fournissent du germoplasme au système multilatéral vont-ils obtenir leur part des avantages issus de ce matériel ? Qu'est-ce que le mécanisme de partage des avantages ? Doit-il être facultatif ou obligatoire ? Certains gouvernements prétendent que les pays en développement (et d'autres) sont convenablement indemnisés pour leur germoplasme par le simple fait qu'ils ont accès (gratuitement ou contre paiement de redevances) aux renseignements et aux matériels d'amélioration des plantes créés grâce à un échange international libre. D'autres considèrent cela comme une approche de type «compte-gouttes» qui ne tient pas très bien compte de la contribution des collectivités agricoles et des gouvernements nationaux. Les efforts faits pour adapter à la contribution de chacun les avantages tirés de l'échange de germoplasme et de l'amélioration des plantes ont laissé tous les intervenants hésitants et frustrés, étant donné surtout qu'il existe peu de fonds, même dans les pays industrialisés, pour appuyer cet objectif. Les budgets nationaux pour le RPAA font face à des contraintes et à des réductions sévères aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.

Certaines parties suggèrent que la meilleure façon de réaliser le partage des avantages est d'appliquer intégralement (y compris tout financement nouveau et supplémentaire) le Plan d'action mondial de Leipzig (PAM). On a conçu divers scénarios dans lesquels les pays industrialisés verseraient une contribution financière au PAM par le biais de cotisations au «club» d'échange multilatéral, tandis que les pays en développement (ainsi que certains pays industrialisés) mettraient leur germoplasme à la disposition des membres du club. En fait, la «cotisation» des pays en développement serait constituée par du germoplasme plutôt que de l'argent. Là encore, les conditions relatives à la portée et à l'accès pourraient varier, et on pourrait envisager une ou plusieurs catégories d'espèces. Tous les membres du système multilatéral auraient accès au germoplasme et aux fonds sur la base de projets approuvés et conformes au PAM. Comme on pouvait s'y attendre, ce scénario comporte un grand nombre de variations, et nombreux sont ceux qui sont préoccupés par l'interdiction de revendiquer la PI pour le germoplasme dans le système multilatéral.

On reconnaît de plus en plus que le futur rôle des centres internationaux du GCRAI, dont le mandat est d'effectuer des recherches agricoles pour le compte des pauvres du monde, pourrait permettre d'établir un mécanisme concret pour le partage des avantages du RPAA. A la lumière de l'importance croissante que prennent les centres du GCRAI, les gouvernements et les OSC aimeraient que les aspects de propriété, de tutelle et de gestion ainsi que les règles concernant l'accès et l'échange pour le germoplasme du GC, soient clarifiées et renforcées.

A la Première réunion intersessions du Groupe de contact du président de la Commission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, tenue à Rome du 20 au 24 septembre 1999, les négociations se sont concentrées sur le partage des avantages à l'intérieur du système multilatéral. Tous les observateurs non gouvernementaux ont été exclus des négociations, à l'exception de l'IPGRI, qui représentait le GCRAI. Tout le monde était d'accord pour dire que certains avantages pouvaient découler, au niveau mondial, de l'utilisation du RPAA dans le cadre d'un système multilatéral, grâce à l'échange de renseignements, à l'accès et au transfert en matière de technologie, à l'acquisition de moyens d'action et à l'obtention d'avantages provenant de la commercialisation. De nombreuses questions, y compris les questions financières, sont toujours en cours de négociation. En voici quelques exemples : alors que l'accès aux technologies, aux variétés améliorées et au germoplasme sera facilité, sera-t-il assujetti aux droits de propriété applicables et aux lois sur l'accès ? Y a-t-il des circonstances spéciales dans lesquelles on pourrait avoir librement accès aux renseignements et aux technologies protégés par des accords sur la PI et par la confidentialité? Comment les parties pourront-elles concrétiser le partage juste et équitable des avantages commerciaux ? Comment les parties vont-elles établir et/ou renforcer les programmes sur l'acquisition de moyens d'action, et qui va déterminer les priorités ? Quel rôle jouera le Plan d'action mondial ? Les négociations sur ces questions se poursuivront lors de la prochaine réunion du Groupe de contact du président au début de l'an 2000.

La question des droits des agriculteurs

Le principe des droits des agriculteurs, ratifié par la FAO en 1989, établit que les agriculteurs et les collectivités rurales ont fortement contribué à la création, à la conservation, à l'échange et à la connaissance des ressources génétiques, et qu'ils doivent être récompensés pour leurs apports passés et présents.167

Un grand nombre de gouvernements et d'OSC ont adopté le principe des droits des agriculteurs, non seulement pour faire contrepoids aux droits des phytogénéticiens (comme cela avait été initialement proposé), mais également pour reconnaître le rôle innovateur que les agriculteurs et les collectivités rurales jouent dans la conservation et le développement des ressources génétiques, ainsi que leur droit de tirer profit de ce rôle. En 1991, les participants au Dialogue Keystone (organisé par un groupe d'intervenants dans lequel figuraient des représentants des gouvernements, des OSC, des scientifiques et du secteur privé) ont essayé de préciser la signification des droits des agriculteurs en suggérant d'y intégrer le droit au germoplasme, aux renseignements, aux ressources financières, aux technologies et aux systèmes de recherche et de marketing. Le Groupe Keystone a déclaré que si l'on voulait de façon concrète reconnaître les droits des agriculteurs, il faudrait créer un fonds destiné à appuyer les programmes de conservation et d'utilisation des ressources génétiques. Les membres du Groupe ont également convenu que les collectivités agricoles avaient le droit de conserver et d'échanger des semences. (Au cours des années 80, cependant, la Commission de la FAO avait créé un fonds international destiné à permettre aux pays, aux gouvernements, aux OSC, à l'industrie privée et aux particuliers d'appuyer la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques, mais les contributions à ce fonds étaient facultatives, et n'existaient surtout que sur le papier.)

Peut-être parce que les droits des agriculteurs étaient un concept politique lors de leur création, il a été particulièrement difficile de les définir en termes juridiques. Ils ont fait l'objet d'un débat continu au cours des dix dernières années et sont un des principaux aspects de la renégociation actuelle de l'Engagement international.

L'appui au «principe» des droits des agriculteurs est extrêmement vaste mais (diraient certains) superficiel. Alors que les négociations sur l'EI se déroulent à la FAO, on se demande toujours si les droits des agriculteurs vont être mis en œuvre un jour — ou si cette mise en œuvre se fera seulement au niveau national, à l'exclusion du niveau international.

Les OSC et certains gouvernements ont proposé pour les droits des agriculteurs de nouveaux éléments qui dépassent le cadre de leur définition originale. Certains critiques insistent sur le fait que la gamme des revendications présentées en vertu des droits des agriculteurs dépasse de loin la mission de la Commission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture (CRGAA) de la FAO ou celle de la CDB, et que ces revendications doivent être soit réduites soit carrément supprimées. D'autres souhaitent limiter le débat sur les droits des agriculteurs au sein de la CRGAA au droit de conserver les semences et d'avoir accès aux ressources génétiques, et laisser les questions plus vastes de la terre et de la culture au Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme. D'autres encore considèrent les droits des agriculteurs comme une vague déclaration de principe et d'appréciation, mais rien de plus, et ils insistent pour dire que la concrétisation des droits des agriculteurs ne peut se faire qu'au niveau national.

Dans le contexte du RPAA, l'application du PAM de Leipzig (voir section suivante) serait une façon de mettre en œuvre efficacement les droits des agriculteurs. Certains ont suggéré que la mise en œuvre des droits des agriculteurs grâce au PAM de Leipzig pourrait signifier que les collectivités agricoles auraient un accès spécial aux ressources et une place spéciale dans la structure de gestion du système ou «club» d'échange multilatéral. A la suite du Sommet mondial de l'alimentation, d'autres ont suggéré que certains éléments des droits des agriculteurs pourraient être intégrés dans la révision actuelle du «droit à l'alimentation» entreprise conjointement par la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme (UNHRC) et la FAO. Une étude sur le droit à l'alimentation soumise à la Commission des droits de l'homme soutient que les droits des agriculteurs doivent être traités par les milieux des droits de l'homme et favorisés dans le cadre du droit à l'alimentation.168 Il y a aussi un troisième élément qui s'inspire du droit des collectivités agricoles de «dire non» — de se retirer des systèmes d'échange ou d'amélioration du germoplasme, qu'ils considèrent comme improductifs.

A la réunion d'avril 1999 de la Commission, le débat sur les droits des agriculteurs s'est concentré sur le droit pour les agriculteurs de conserver les semences de leur récolte. Dix années auparavant, lorsque la Commission de a l FAO a admis que les droits des phytogénéticiens n'étaient pas incompatibles avec les objectifs de l'EI, on présumait largement que le modèle utilisé pour les DPI (la Convention UPOV de 1978) permettait aux agriculteurs de réutiliser des semences brevetées. Depuis lors, cependant, les gouvernements et l'industrie ont eu généralement tendance à restreindre la réutilisation de matériels brevetés, sans autorisation au moyen de lois nationales sur la propriété intellectuelle ou de progrès scientifiques comme la stérilisation des semences génétiques (technologie de restriction de l'utilisation des ressources génétiques ou technologie de type stérilisateur. Bien que la situation soit très controversée, la Convention UPOV de 1991 a également été largement interprétée comme étant une mesure destinée à empêcher les agriculteurs de replanter leurs semences. La Convention UPOV de 1991 contient une option d'exemption des agriculteurs, en vertu de laquelle les Etats membres de l'UPOV peuvent exempter les semences conservées à la ferme de l'application des droits des phytogénéticiens «dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes» des phytogénéticiens. Alors que la Convention UPOV de 1978 permettait implicitement aux agriculteurs d'échanger librement des quantités limitées de semences, celle de 1991 ne permet aux agriculteurs d'utiliser, pour semer sur leurs propres terres, que les semences qu'ils ont obtenues de leurs propres récoltes. Cela met en doute a l possibilité pour un agriculteur d'échanger des semences afin de les planter sur ses propres terres. Cependant, l'UPOV prévoit que ceux qui pratiquent l'agriculture de subsistance (et les autres) peuvent utiliser des semences protégées «à des fins privées et non commerciales». Ces questions se sont situées au centre du débat à la FAO.

De nombreux membres du Groupe Crucible conviennent, mais pour des raisons différentes, que l'article sur les droits des agriculteurs adopté par le Groupe de contact en avril 1999 était litigieux et ils pensent qu'un certain nombre de gouvernements et d'OSC vont vraisemblablement s'y opposer lors de futures négociations. Le texte accepté conclut que c'est aux gouvernements nationaux qu'il incombe de concrétiser les droits des agriculteurs prévus dans le RPAA.169 L'article 15.3 précise : «Rien dans cet article ne sera interprété comme limitant tout droit qu'ont les agriculteurs de conserver, utiliser, échanger et vendre des semences conservées à la ferme et des matériels de propagation, sous réserve des lois nationales et aux conditions prévues.» (traduction). Les OSC nous avertissent que, dans le texte actuel, ce sont les lois nationales sur les brevets qui l'emportent sur les droits des agriculteurs. Elles craignent que le texte accepté ne permette aux gouvernements nationaux d'utiliser des lois sur la propriété intellectuelle pour empêcher les agriculteurs de conserver et d'échanger leurs semences. Parallèlement, certains généticiens et certains gouvernements nous avertissent que le texte accepté n'exclut pas expressément les variétés végétales protégées par des brevets ou par les droits des phytogénéticiens.

La décision prise par le Groupe de contact en avril 1999 sera combattue et au cours des années à venir car les gouvernements et les observateurs seront tourmentés par leurs choix et leurs options. Voici trois points de vue sur cette question.

Points de vue : La Commission de la FAO a-t-elle résolu de façon satisfaisante la question de la possibilité pour les agriculteurs de replanter leurs semences?

Non

Pour la première fois, le Sud a abandonné la possibilité de faire des droits des agriculteurs un élément des droits die l'homme et du droit à l'alimentation» En liant le droit de conserver les semences aux lois nationales, on a enlevé aux agriculteurs l'option de se prévaloir des droits de l'homme. Pire encore, les gouvernements ont abandonné les droits des agriculteurs en grande partie par accident lorsqu'ils ont pris une décision à la hâte tard dans la nuit, alors qu'ifs auraient dû attendre le lendemain,

Tout n'est pas encore Uni

Les droits des agriculteurs feront Pobjet de nouvelles négociations vers la fin de la révision de PE1, lorsque les gouvernements évalueront les avantages et les inconvénients de raccord dans son ensemble, A ce moment-là, ou même plus tôt, les gouvernements pourront proposer que des éléments des droits des agriculteurs soient considérés comme des droits de l'homme,

Oui

Pour la première fois, le droit pour les agriculteurs de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences conservées à la ferme est stipulé de la façon la plus catégorique dans un accord international. Bien sûr, ce droit est assujetti aux lois nationales puisque seules des lois nationales peuvent protéger les agriculteurs dans un pays, conformément aux priorités et aux nécessités nationales. La Commission de la FAQ n'a même pas le mandat de discuter et/ou négocier les droits des agriculteurs en tant qu'élément des droits de l'homme.

La prochaine réunion du Groupe de contact du président est prévue pour le début de l'an 2000. La totalité des observateurs représentant les organisations de la société civile sont exclus de toute participation aux activités du Groupe de contact du président. Un texte accepté sera vraisemblablement débattu à une session extraordinaire de la Commission, qui se tiendra en juillet 2000 au plus tard. S'il est approuvé par la Commission sur le RPAA, l'EI sera soumis au Conseil de la FAO en novembre 2000. (La question des droits des agriculteurs est abordée à nouveau plus loin dans le contexte d'autres fora de négociation.)

Recommandation 9

Etablir un nouvel Engagement international (EI)

Compte tenu du fait que les négociations sur le nouvel El devront être terminées très bientôt, le Groupe Crucible recommande que :

Image l'EI ait force exécutoire pour les Etats signataires ;

Image l'EI soit soumis à la Conférence des parties de la CDB pour qu'elle envisage d'en faire un protocole à la Convention, à condition que l'EI soit régi par l'intermédiaire de sa propre Conférence des parties et fonctionne avec un secrétariat indépendant qui serait peut-être administré par la FAO.

La Convention sur la diversité biologique

Malgré le vaste mandat que la CDB a reçu pour protéger la diversité biologique, deux questions particulièrement problématiques sont restées en suspens. Elles se rapportent à la biodiversité agricole et ont été identifiées avant que les gouvernements signent la CDB à Rio de Janeiro170 Les négociateurs de la CDB ont adopté une résolution demandant à la FAO de résoudre 1) la question des droits des agriculteurs (voir ci-dessus) et 2) celle du statut des collections ex situ réunies avant l'entrée en vigueur de la CDB. Par la suite, la Commission de la FAO a entrepris des négociations pour revoir l'EI afin de le mettre en harmonie avec la CDB et pour se pencher sur ces questions en suspens. (Voir ci-dessus discussion distincte à la section sur l'Engagement international.)

La décision prise par la CDB de transmettre la question des droits des agriculteurs et des collections ex situ à la FAO souligne certaines des complexités et des particularités qui surgissent lorsque l'on veut traiter des ressources génétiques agricoles dans un cadre bilatéral. Contrairement à ce qui se passe dans le cas des ressources génétiques rares et implantées dans des régions données, comme les espèces végétales sauvages utilisables à des fins pharmaceutiques, il n'est pas facile d'établir la valeur marchande de la biodiversité agricole, et il est particulièrement difficile de déterminer son origine à cause de la diffusion et de l'adaptation des ressources génétiques végétales dans le monde entier. Un cadre bilatéral d'accès et de partage des avantages pour la biodiversité agricole est, dans la plupart des cas, extrêmement complexe, sinon impossible. Dans les négociations sur la révision de l'EI qui se déroulent actuellement, on envisage, pour certaines cultures importantes, d'adopter une méthode multilatérale plus vaste d'accès et de partage des avantages qui éviterait de lier des avantages ou des compensations à des transactions précises faites pour des ressources génétiques précises, et d'associer ces avantages à un seul pays d'origine.

Compte tenu des demandes faites par les gouvernements à la FAO, les Accords de fiducie FAO-GCRAI et les efforts faits par la Commission pour revoir l'EI et mettre en œuvre les droits des agriculteurs — ainsi que le leadership dont a fait preuve la FAO dans la création du Plan d'action mondial de Leipzig —constituent d'importantes contributions à la réalisation des objectifs de la CDB. Néanmoins, comme indiqué plus haut, des tensions ont surgi entre les deux organismes et les ont empêchés de coopérer. Même si la situation s'est récemment beaucoup améliorée, on ne sait pas encore très bien si l'EIrévisé ne doit être adopté que par les Etats souverains dans le cadre de la FAO ou s'il doit aussi être accepté par la Conférence des Parties de la CDB.

Le Plan d'action mondial de Leipzig

Au début des années 90, la FAO a lancé un processus international conçu pour interroger les pays sur l'état de la diversité agricole et cerner les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elle soit conservée, utilisée et accrue. La phase préparatoire, qui a duré quatre ans, a vu la participation de tous les principaux acteurs du domaine de la biopolitique et de la conservation : 158 gouvernements nationaux, des institutions scientifiques, des représentants du secteur privé, des OSC, des organismes d'agriculteurs et des experts locaux en matière de conservation. Plus de 2 000 recommandations précises ont été présentées au cours des réunions préparatoires qui se sont déroulées aux niveaux national et régional.

Le processus a connu son apogée en juin 1996 lorsque des hauts fonctionnaires des ministères de l'Agriculture, des Affaires étrangères et de l'Environnement de quelque 150 pays se sont réunis à Leipzig (Allemagne) pour participer à la Quatrième conférence technique internationale de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. La Conférence de Leipzig a adopté le premier Plan d'action mondial jamais mis sur pied. Son coût devrait varier entre 131 et 304 millions de dollars par année (1997-2007), mais cette évaluation n'a pas été directement acceptée par les participants à la réunion.

Repères

Image A la suite d'un processus exhaustif de quatre ans qui a conduit à la mise sur pied de 150 plans d'action nationaux et à la présentation de plus de 2 000 recommandations, les gouvernements ont adopté en 1996 à Leipzig un Plan d'action mondial (PAM) pour la conservation et l'utilisation des ressources phytogénétiques.

Image Le PAM de Leipzig contient 20 programmes prioritaires qui mettent Taceent sur la rationalisation des collections de germoplasme ex situ et la mise au point de stratégies de conservation 'm situ et qui favorisent fortement le recours à I'utilisater durable.

Image ll n'y a pas eu d'accord sûr le financement du Plan de Leipzig (dont le coût est généralement estimé à 130-300 millions de dollars par année) et ce plan n'a pas été déclaré officiellement prêt à entrer en vigueur au niveau internationàt.

Image C'est aux gouvernements, par l'intermédiaire de la Commission de la FAO (CRGAA) qu'il incombe de mettre en œuvre le Plan de Leipzig.

La Conférence de Leipzig a également étudié le «Rapport de la FAO sur l'état des ressources phytogénétiques du monde», qui constitue la première évaluation complète de l'état des ressources phytogénétiques et des moyens actuels de les conserver et de les utiliser.

Bien qu'il existe une variété de sources de financement pour la conservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RPAA), on constate que les activités financées présentent des lacunes, se chevauchent et sont parfois inefficaces ou superflues. Le PAM vise à concentrer les ressources sur les priorités qui ont été déterminées aux différents niveaux et à accroître l'efficacité générale des efforts faits dans le monde pour établir des liens et assurer la coordination. Le PAM comprend 20 activités prioritaires qui se répartissent dans les catégories suivantes : 1) conservation in situ et développement ; 2) conservation ex situ ; 3) utilisation des ressources phytogénétiques ; 4) institutions et renforcement des capacités.171

Recommandation 10

Mettre en œuvre un Plan d'action mondial

Le Groupe Crucible considère la mise au point et l'adoption en 1996 du Plan d'action mondial de Leipzig comme l'une des principales réalisations sur le plan international des ressources génétiques au cours des. dix dernières années. Le Groupe se dit profondément déçu que ni la FAO ni la CRGAA n'aient assuré un suivi efficace de la mise en œuvre du PAM.

Gardant à l'esprit le succès obtenu avec le processus de Leipzig pour établir un PAM efficace, le Groupe recommande que:

Image la FAO relance, pour la mise en œuvre du PAM, le processus qui a déjà conduit à son adoption à Leipzig ;

Image les Etats signataires de l'EI reconnaissent qu'un PAM entièrement financé peut constituer un mécanisme important, parmi d'autres, pour un partage équitable des avantages dans un système multilatéral d'accès et d'échange ;

Image l'on demande au Forum mondial sur la recherche agricole, lorsqu'il se réunira à Dresde en l'an 2000, d'entreprendre une évaluation des obstacles qui ont empêché le PAM de progresser depuis son adoption, y compris une analyse des ententes et des contributions institutionnelles et financière

Au début du processus qui a conduit à la Conférence de Leipzig de 1996, on espérait que parallèlement à l'évolution du Plan d'action mondial, il y aurait une révision de l'Engagement international (officialisant un accord sur l'accès/l'échange) et que le PAMet l'EI seraient adoptés en même temps. Cela s'est révélé impossible. Les droits des agriculteurs ont été retirés du PAM. On en a aussi retiré la question de l'accès. En grande partie pour cette raison, le PAM n'a pas été totalement mis en œuvre au niveau international. Bien que certains pays et le GCRAI aient commencé à réorienter leurs travaux pour appuyer les objectifs du PAM, ce dernier ne dispose toujours pas d'un financement propre et d'un mécanisme accepté d'appui, de mise en œuvre et de surveillance.

Le rôle unique joué par le GCRAI pour faciliter l'accès et l'échange

Repères

Image Le GCRAt supervise un réseau de 16 centres internationaux de recherche agricole (CIRA). Doté d'un budget de plus de 340 millions de dollars, c'est le plus important réseau de recherche agricole dans les pays en développement.

Image L'ensemble des recherches effectuées dans les 16 CIRA fournit du germoplasme amélioré qui aide à nourrir au moins deux milliards de personnes chaque jour.

Image Le GCRAI gère environ 600 000 échantillons de semences agricoles, ce qui constitue à pieu près 40% du germopiasrne entreposé dans le monde; Le GCRAI est appuyé par plus de 40 gouvernements» fondations et instituts clé recherche dans le cadre de réunions informelles et d'ententes collégiales, Malgré son influence» le GCRAI n'a pas de personnalité juridique.

Image La FAQ et les centres du GCRAI ayant des collections de germopiasme ont signé des accords plaçant ces collections sous l'autorité de la FAO. La Commission de la FAO sur les RPAA établit les politiques qui déterminent le fonctionnement du réseau.

Questions en suspens

Image Le GCRAi a-t-il résolu le problème des collections Internationales de germoplasme ex situ?

Image Quel rôle le GCRAI peut-il jouer dans une approche à long terme de l'accès et de l'échange ?

Image Le développement de la propriété intellectuelle en matière de germoplasme végétai a-t-il des conséquences pour la recherche du GCRAI et sa gestion du germoplasme ?

Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, créé en 1971, est une association informelle de donateurs publics et privés qui appuie un réseau de 16centres internationaux de recherche agricole (CIRA) ayantchacun son propre conseil d'administration. Le GCRAI a pour mission d'utiliser la science et la technologie, en partenariat avec d'autres organismes, pour accroître la sécurité alimentaire, réduire la pauvreté et protéger l'environnement. Avec un budget d'environ 340millions de dollars américains par année, le GCRAI supervise le plus important réseau de recherche agricole des pays en développement. Le secrétariat du GCRAI se trouve à la Banque mondiale (Washington, DC), et on compte parmi les principaux donateurs du groupe la Banque mondiale, le Japon, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Avec ses 16 instituts internationaux, le GCRAI gère environ 600 000 échantillons de semences, qui représentent à peu près 40 % du germoplasme entreposé dans le monde. Etant donné que les banques de gènes des CIRA contiennent du germoplasme «inventorié», on considère que leurs collections renferment les matériels génétiques les plus précieux, parce qu'elles sont, pour les phytogénéticiens institutionnels, plus facilement identifiables et accessibles que les variétés des agriculteurs ou celles qui sont apparentées aux végétaux sauvages, et aussi parce qu'il existe une grande quantité de renseignements sur les différents échantillons. La majeure partie du germoplasme végétal que détiennent les CIRA a été collectée dans des collectivités agricoles de pays en développement. Mais deux questions ont fait l'objet d'une controverse et d'un débat : «A qui appartient en fin de compte le trésor ?» et «De qui une banque de gènes relève-t-elle ?».

La question des collections internationales ex situ (et des accords de fiducie FAO/GCRA! de 1994)

Pour régler la question du statut des collections ex situ, le GCRAI et la FAO ont signé en octobre 1994, à titre de mesure provisoire, des accords qui placent la majeure partie des matériels des banques de gènes des centres du GCRAI sous l'autorité de la FAO, qui les gardera «en fiducie» pour la communauté mondiale. En vertu de l'Accord de fiducie de 1994, tout le germoplasme désigné doit rester dans le domaine public, ce qui permet d'assurer dans la mesure du possible à tous les chercheurs un approvisionnement continu en germoplasme. La Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture est chargée d'établir une politique concernant un réseau de collections ex situ, y compris les collections en fiducie des centres.

Les centres du GCRAI distribuent régulièrement du germoplasme aux phytogénéticiens dans le cadre d'accords de transfert de matériel (ATM). L'Accord de fiducie exige également que le GCRAI interdise aux destinataires de germoplasme désigné de faire une demande de DPI sur le germoplasme ou tous renseignements qui s'y rapportent. (Les destinataires qui n'ont pas signé d'ATM - par exemple ceux qui ont obtenu du matériel avant 1994 —ne sont pas touchés par ces restrictions.) L'Accord de fiducie n'empêche pas le GCRAI de demander des brevets ou tous autres DPI pour ce qui est des matériels isolés du germoplasme désigné, comme des cellules, des gènes, etc. Les lignes directrices du GCRAI, qui n'ont jamais été officiellement adoptées mais seulement «acceptées», exigent l'autorisation du centre lorsqu'un destinataire souhaite faire une demande de DPI relativement à ces matériels isolés. Cependant, ces lignes directrices ne font pas partie de l'Accord de fiducie FAO/GCRAI. Pn outre, les ATM permettent aux phytogénéticiens d'utiliser du germoplasme désigné pour l'amélioration des plantes et de demander qu'on leur accorde des droits pour leurs nouvelles variétés.

A la fin 1997 et en 1998, on a découvert des exemples documentés de cas où des destinataires de germoplasme désigné du GCRAI ont fait une demande de propriété intellectuelle ou se sont de toute autre façon rendus propriétaires du germoplasme. Même si ni les gouvernements ni les phytogénéticiens ne sont obligés d'adhérer aux Accordsde fiducie FAO/GCRAI, ces initiatives ne respectaient pas ces accords, qui ont été ratifiés par les gouvernements des instituts en cause. Bien sûr, dans la mesure où les gouvernements ou les phytogénéticiens ont adhéré aux dispositions contractuelles contenues dans un accord de transfert de matériel, ils sont obligés de les respecter. Ces exemples ont soulevé de graves questions au sujet de l'entente de fiducie et des moyens dont disposent la FAO et le GCRAI pour faire appliquer les accords. Certains se sont dits particulièrement inquiets en ce qui concerne les accords de transfert de matériel utilisés par les centres du GCRAI pour échanger le germoplasme en fiducie.

Pour faire face à cette situation, le président du GCRAI a demandé un moratoire sur l'octroi de droits de PI pour tout le germoplasme végétal désigné.172 En octobre 1998, la FAO et le GCRAI ont adopté une nouvelle procédure confirmant ce que chaque partie ferait dans le cas du germoplasme en fiducie si quelqu'un présentait une revendication pour s'en assurer la propriété.

Selon certaines OSC, les abus sont généralisés. En septembre 1998, la Fondation internationale pour l'essor rural (RAFI), établie au Canada, et la Heritage Seed Curators Australia (HSCA) ont publié un rapport dans lequel étaient documentés 147 exemples de revendications de propriété intellectuell pour des végétaux (DPet brevets), qu'elles considéraient comme douteuses.173 Le rapport HSCA/RAFI indiquait que, dans plus d'un tiers des cas cités, les variétés végétales avaient été collectées dans des pays étrangers, et une demande de DP avait été présentée à leur sujet sans établir qu'elles étaient destinées à l'amélioration des plantes.174 D'après la RAFI et la HSCA, au moins 16 des revendications suspectes — acceptées et/ou à l'étude —concerneraient du germoplasme relevant de l'Accord de fiducie de la FAO.175 Le rapport affirme qu'il y a des abus systématiques et montre que les brevets sur les végétaux détruisent le travail d'amélioration des plantes entrepris par les agriculteurs et les populations autochtones à travers le monde.

Les associations de phytogénéticiens et l'UPOV, tout en admettant que des droits puissent avoir été accordés dans des cas non justifiés, se refusent à dire qu'il s'agit là d'un problème général. Pour elles, aucun abus n'a été prouvé. Les procédures d'enregistrement peuvent ne pas exiger la preuve d'un travail d'amélioration des plantes — de toute façon, l'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence. Même si l'on arrive à prouver de façon concluante ces 147 soi-disant abus, affirme l'Association internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales (ASSINSEL), ils ne représentent que 0,45 % de tous les droits des phytogénéticiens accordés au cours des cinq dernières années, et seulement 0,15 % des échantillons distribués par les centres du GCRAI. L'ASSINSEL fait remarquer que la plupart des prétendues violations mettent en cause des phytogénéticiens du secteur public, qui ne connaissent souvent pas très bien le système complexe de la PI et des ATM. Il ne serait pas rentable, déclare l'ASSINSEL, de dépenser beaucoup d'argent pour empêcher un si petit nombre de violations. A cela, la RAFI et la HSCA rétorquent que leur étude a porté plus particulièrement sur 118 revendications australiennes, ce qui représente 6 % de toutes les demandes faites auprès du bureau australien des DP depuis l'adoption de a l loi dans ce pays. La RAFI affirme qu'elle ne parle que des violations que la documentation disponible a permis d'établir clairement et assure qu'une étude approfondie et bien financée permettrait vraisemblablement d'en découvrir beaucoup d'autres. L'ASSINSEL, cependant, croit qu'une telle étude montrerait qu'un grand nombre des allégations originales étaient sans fondement.

En fin de compte, six revendications australiennes concernant des DP ont été abandonnées ou retirées en 1998 après la découverte de l'existence de soi-disant abus.176 De plus, le Bureau australien des DP à Canberra a publié des normes révisées pour l'évaluation des demandes de DP, qui ont été conçues pour améliorer les protocoles et éviter d'éventuels abus.177 Néanmoins, en mai 1999, la RAFI a découvert un autre cas, également en Australie, où un institut gouvernemental revendiquait apparemment des droits pour une variété de blé mise au point par le GCRAI.178 Grâce à l'action rapide du centre en cause, il a été mis fin à la revendication.

Qu'est-ce que du germoplasme désigné en vertu de l'Accord de fiducie FAO/GCRAI? L'Accord de fiducie dit que les centres du GCRAI ne revendiqueront pas la propriété légale de germoplasme désigné ou de renseignements connexes. D'après les lignes directrices établies par le Centre international de la pomme de terre (CIP), «renseignements connexes» renvoie aux données de passeport et de caractérisation et, quand elles sont disponibles dans les bases de données des différentes banques de gènes, aux données d'évaluation et aux renseignements sur les connaissances autochtones.179 Les cellules, les organites, les gènes, etc., issus de germoplasme désigné ne sont pas mentionnés spécifiquement dans l'accord. La règle de droit générale est que les destinataires de matériels n'ont pas besoin de la permission du fournisseur pour faire breveter des innovations découlant de ces matériels. Les Principes directeurs du GCRAI adoptés en octobre 1996 exigent que les centres imposent aux destinataires l'obligation de ne protéger ces inventions dérivées qu'avec l'accord du centre d'approvisionnement. Cependant, les Principes directeurs ne font pas partie des Accords de fiducie FAO/CIRA, et on peut donc les modifier ou même ne pas en tenir compte. Quoi qu'il en soit, il faut que les centres demandent aux destinataires de signer des accords spéciaux et qu'ils les fassent respecter.

Selon les lignes directrices du CIP, un centre ne peut autoriser un destinataire de germoplasme désigné à obtenir des DPI sur une variété nouvelle que si le nouveau produit (grâce à un apport intellectuel) est substantiellement différent du matériel transféré à l'origine (c.-à-d. un produit dont les caractéristiques et les qualités principales sont différentes de celles du matériel initial fourni).180

Certains phytogénéticiens aimeraient aussi plus de clarté pour ce qui est du germoplasme qui leur est fourni par les centres. Ils peuvent accepter sans hésitation d'être obligés de ne pas protéger pour leur propre avantage des matériels et des renseignements qu'ils ont reçus des centres. Toutefois, les phytogénéticiens commerciaux ne voient pas pourquoi le GCRAI leur interdirait de faire une demande de DPI pour des matériels qui sont très différents. Des lignes directrices comme celles du CIP se justifient étant donné que les centres ont pour mandat de s'assurer que le germoplasme désigné ne soit pas affecté par des DPI. Les phytogénéticiens commerciauxdisent qu'ils respecteront ces restrictions. Cependant s'ils ne peuvent chercher à obtenir une protection pour tout matériel issu du germoplasme venant des banques de gènes, ils finiront par ne plus utiliser ce germoplasme. Ces politiques, disent-ils, pourraient donc nuire à l'utilisation et au développement du germoplasme désigné. Sans la protection de la PI, l'industrie ne fera pas d'investissements car ils ne pourront pas être récupérés —et ainsi, on laissera de côté des matériels précieux. On va empêcher, disent-ils, les agriculteurs et les consommateurs d'obtenir des avantages par crainte que les phytogénéticiens fassent des bénéfices.

L'Accord de fiducie FAO/GCRAI parle de façon précise du germoplasme et des renseignements connexes. Ces derniers comportent, le cas échéant, des renseignements sur les connaissances des autochtones, qui doivent être protégées conformément au paragraphe 8(j) de la CDB. Cependant, les ATM utilisés par les centres du GCRAI pour transférer du germoplasme désigné ne mentionnent pas spécifiquement cette obligation. L'Accord de fiducie FAO/GCRAI ne porte pas sur les cellules, les organites, les gènes, etc. issus de germoplasme désigné, mais ils sont mentionnés dans les lignes directrices des centres sur la PI, et c'est donc à chaque centre qu'il incombe de les appliquer - sans s'appuyer sur l'autorité intergouvernementale de la FAO.

On a pu voir, à la suite de ce qui s'est passé récemment, qu'il est difficile pour les centres du GCRAI de surveiller les destinataires de germoplasme désigné. En outre, les centres du GCRAI ne disposent pas des mécanismes nécessaires pour faire face aux violations d'ATM. Techniquement, on pourrait utiliser des marqueurs de gènes sur le germoplasme désigné pour en retracer l'utilisation par des tiers. Les centres pourraient, par l'intermédiaire de la FAO, alerter les gouvernements des pays où des violations se sont produites. Cependant, les gouvernements ne vont pas nécessairement penser que c'est à eux de faire appliquer les ATM, qui n'ont que le statut d'accords privés. Ces problèmes méritent qu'on s'y attache davantage. Certains vont dire qu'ils ne voient pas très bien pourquoi il est essentiel que les Centres consacrent beaucoup d'argent à poursuivre des violations de DPI contractuels découlant d'ATM, alors qu'il ne conviendrait pas qu'ils en fassent de même pour d'autres genres de DPI.

On ne sait toujours pas clairement si les parties à l'Accord de fiducie peuvent créer un système de surveillance efficace qui non seulement lierait les renseignements sur le germoplasme en fiducie à l'utilisation et à l'échange de ce germoplasme par le GCRAI, mais qui serait également raccordé aux bases de données nationales et internationales pour les DP et les brevets.

Il faut que les gouvernements se penchent sur la question non résolue de toutes les collections antérieures à la CDB.L'Acte final de Nairobi, de 1992, mentionne la nécessité de traiter de toutes les collections ex situ antérieures à la CDB, c'est-à-dire les collections aussi bien locales que nationales et internationales. Bien que la question des droits sur le germoplasme englobe en fait toutes les collections ex situ détenues à l'étranger avant la création de la CDB par toute institution publique ou privée, le débat international se concentre essentiellement sur les matériels des banques de gènes du GCRAI. Non seulement la collection du GCRAI est vaste et généralement bien tenue, mais elle constitue également la réserve la plus importante de germoplasme détenue par un organe«international».

Points de vue: L'Accord de fiducie FAO/GCRAI est-il satisfaisant ?

Faire confiance aux milieux de la phytogénétique

Malgré des décennies d'efforts pour prouver le contraire, tes abus en matière de DP ou de brevets ou toutes autres formes de «biopiratage» ne représentent qu'une partie infinitésimale de la circulation de germoplasme et des travaux d'amélioration des plantes. Des exemples de gain commercial réel résultant de pratiques douteuses sont encore plus rares. Plutôt que de consacrer le peu de ressources dont on dispose à la poursuite de soi-disant «pirates», il faudrait créer un climat de confiance au sein des milieux internationaux de la phytogénétique et favoriser la circulation la plus fluide possible du germoplasme. Tout nouvel arrangement doit, d'abord et avant tout, renforcer le bien public international et permettre, pour les gènes, ta circulation la plus totale et la plus libre possible.

Fiducie responsable

Après avoir fait pendant des dizaines d'années des efforts discrets et coûteux pour conserver la biodiversité agricole, et avoir ainsi constitué la réserve de germoplasme végétal la plus importante et ta plus sûre du monde, le GCRAI à établi, par l'intermédiaire de ta FAO, un Accord de fiducie avec les milieux intergouvemementaux. La surveillance de la politique incombe maintenant à des organismes autres que 1e GCRAI, mais ce sont toujours les CIRA qui doivent supporter le fardeau financier et matériel. Il est temps que les gouvernements assument leur pleine responsabilité et assurent l'avenir de ces collections de façon permanente.

Conserver les principes — renforcer ta fiducie

Des mesures sont nécessaires. Premièrement, il faut transférer, par l'intermédiaire de al FAO, l'entière propriété juridique des collections du GCRAI aux milieux intergouvernementaux. Deuxièmement, l'Accord de fiducie révisé (entre la FAO et les gouvernements) doit donner une vaste définition du germoplasme de façon à y inclure tous ses éléments, dont les gènes; i! doit aussi réaffirmer que tout le germoplasme compris dans les obtentions en fiducie doit rester dans le domaine public et ne peut être privatisé, L'Accord de fiducie modifié doit être intégré dans les lois nationales afin que les gouvernements puissent le faire appliquer.

Certains croient que tout matériel du GCRAI compris dans une collection située dans un lieu connu doit être rendu par les CIRA au pays en cause, qui pourrait vouloir ou non que la collection soit rapatriée ou reproduite. Parmi ceux qui adoptent ce point de vue, on trouve des personnes qui considèrent l'Accord de fiducie FAO-GCRAI commeun stratagème politique mis sur pied par le GCRAI, même si la CDB entrait alors en vigueur, afin d'éviter d'avoir à rendre le germoplasme à ses propriétaires légitimes.

D'autres prétendent qu'il est évident, par l'histoire même de l'Accord de fiducie, que le GCRAI dans son ensemble et chacun de ses centres pris séparément ont été forcés sous la pression du public d'accepter lerattachement à la FAO, qu'ils désiraient fortement éviter. En fait, c'est la querelle qui a éclaté à la dernière réunion des Etats qui a précédé la première CDP (tenue à Nairobi en juin 1994) qui a littéralement forcé les CIRA à accepter l'autorité de la FAO sur leurs collections. A cette époque, certains gouvernements au sein de la CDB ont accusé la Banque mondiale d'essayer d'absorber les banques de gènes des CIRA afin de négocier avec l'OMC un statut spécial pour le GCRAI. Le débat a forcé le GCRAI, disent-ils, à accepter publiquement l'Accord de fiducie et a poussé le Système à signer précipitamment l'accord en octobre avant la première session de la CDP qui devait se tenir en novembre à Nassau.

D'autres encore pensent que ces deux scénarios vont trop loin. Pour réussir sa mission, qui est d'accroître la production alimentaire, de faire disparaître la pauvreté et de protéger l'environnement dans les pays en développement, le GCRAI doit échanger et utiliser le plus possible les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (RPAA). En outre, l'agrobiodiversité est une composante essentielle de la préservation de l'environnement. L'accroissement de la politisation et de l'ambiguïté juridique a constitué une menace pour l'échange et l'utilisation des RPAA et a incité le GCRAI à chercher une façon de faire en sorte que les collections soient

Points de vue ; Qu'en est-Il du matériel du GCRAI antérieur à la CDB ?

Dans t'attente d'une solution finale

Pour ses signataires, l'Accord GCRAf-FAO est une mesure provisoire en attendant la révision de l'Engagement international de la FAO. Le statut juridique des collections des centres du GC doit encore être clarifié, et il est interdit aux centres de revendiquer des droits de propriété sur le matériel pendant ta période transitoire. A l'heure actuelle, tes centres n'ont également pas le droft de transférer la propriété de leurs collections à un organisme quelconque. Les collections doivent être gérées comme s! elles faisaient partie d'un système de gestion qui est toujours en train d'être défini par les slgnatares de l'Engagement international, et elles sont assujetties aux principes pertinents de fa CDB,

Statu quo

Puisque la CDB n'a proposé aucune solution pour la question du germopiasme collecté et exporté avant sort entrée en vigueur, la situation demeure telle qu'elle Fa toujours été. Sauf accord général sur le rapatriement de tout te germopiasme de toutes les sources (ce qui ne semble pas pratique), on ne comprend pas pourquoi te communauté mondiale accepterait de rapatrier ce germopfasme qui est conservé au profit de tous — étant donné surtout qu'il est difficile de déterminer l'origine de la plus grande partie du matériel.

Rapatriement

On connaît l'implantation des banques de gènes du GCRAI qui abritent l'essentiel des collections de germopiasme. Etant donné que la CDB a reconfirmé le principe de souveraineté et qu'elle a admis que la question des collections antérieures à son entrée en vigueur restait en suspens, la solution logique serait que les CIRA accèdent au désir des gouvernements en cause et rapatrient le matériel connu sî la demande lui en est faite.

utilisées au profit de la communauté mondiale. On a pensé que placer les collections sous l'autorité d'un organe des Nations Unies — la FAO — et en fiducie pour la communauté mondiale était le meilleur moyen dont on disposait (en attendant que la révision de l'EI soit terminée) pour s'assurer que les collections soient utilisées au profit de la communauté mondiale. Ces autres intervenants croient que l'idée de rapatrier les banques de gènes n'est pas une option réalisable. Elle est techniquement complexe car le germoplasme conservé dans les banques de gènes peut avoir acquis les caractéristiques qui le distingue dans un lieu autre que celui où se trouve la collection. Il n'est pas si simple de retourner le germoplasme à son «propriétaire légitime».

Il existe à l'heure actuelle en matière de politique trois positions très différentes.

Le rôle à long terme du GCRAI en matière d'accès et d'échange

II s'est passé plusieurs choses qui ont déclenché une très vaste discussion sur le rôle que pourrait jouer à l'avenir le GCRAI en ce qui concerne l'accès et l'échange. Premièrement, le PAM de Leipzig a prévu clairement que le GCRAI devait jouer un rôle central en offrant des avantages aux collectivités et aux pays grâce à la conservation et à l'accroissement du germoplasme. Deuxièmement, la vérification entreprise par le GCRAI lui-même à l'échelle du système (dont le projet a été soumis par Maurice Strong à la fin de 1998) a fait voir d'un œil nouveau l'avenir des activités du GCRAI en matière de ressources génétiques. Troisièmement, on a entrepris, parallèlement à cette révision de l'ensemble du système, une révision externe spéciale du programme du GCRAI concernant les ressources génétiques. On ne sait pas très bien où les rapports et les intérêts vont converger, mais de nombreuses parties commencent à exprimer leurs points de vue.

Au niveau national, un certain nombre de gouvernements et de scientifiques semblent penser que les centres internationaux leur font concurrence sur le marché des capitaux de recherche. Certains, également, voient dans les CIRA une sorte de «cinquième colonne» capable de recevoir et d'expédier du germoplasme et de prendre des initiatives qui pourraient aller à l'encontre des politiques et des intérêts nationaux. Ces vues ont, à l'occasion, amené leurs auteurs à demander que l'on «nationalise»ou, au moins, «régionalise» les centres.

D'autres, dans un monde où la souplesse financière diminue, considèrent les centres bien établis comme un instrument — et peut-être l'Instrument —essentiel qui permettra de mettre en œuvre le PAM de Leipzig et de renforcer le pouvoir de négociation de la FAO en matière d'échanges multilatéraux. Bien que nombreux soient ceux qui, au sein du GCRAI, seraient entièrement d'accord, certains négociateurs pourraient avoir à l'esprit des mesures beaucoup moins attrayantes pour des CIRA soucieux de leur indépendance. La communauté intergouvernementale devrait-elle «absorber» les centres du GCRAI ? Une telle initiative transformerait-elle le GCRAI en une victime malheureuse de la bureaucratie et ferait-elle un accroc dans le fin tissu des activités scientifiques ? Y a-t-il un juste milieu ? Le Forum mondial sur la recherche agricole, nouvellement créé, constitue-t-il un milieu informel pour l'établissement de politiques, qui — avec la FAO et la Banque mondiale -pourrait offrir de facto une orientation au Système ?

Le rôle du GCRAI sera débattu intensément au cours des prochaines années. Quel qu'en soit le résultat, ce débat pourrait mener à un consensus plus vaste sur quelques points principaux. Premièrement, il faut faire disparaître l'ambiguïté actuelle concernant les collections de germoplasme du GCRAI. Deuxièmement, le statut juridique de chaque collection du GCRAI doit être énoncé clairement dans la législation des pays hôtes et au sein de la communauté internationale. Troisièmement, une partie du germoplasme du GCRAIsera vraisemblablement détenue de par la loi par la communauté internationale.

Recommandation 11

Assurer la sécurité des banques de gènes internationales

Le Groupe Crudble pense que le réseau de banques de gènes internationales mis sur pied par les Centres internationaux de recherche agricole et guidé par te Programme de ressources génétiques à l'échelle du système (PRGES) est vital pour le développement des secteurs alimentaire et agricole dans le monde. Les personnes et les institutions qui ont créé ce trésor mondial vivant doivent être félicitées pour leur prévoyance et feur zèle.

Reconnaissant que te temps est venu de renforcer ce réseau et de faire des banques de gènes un des éléments possibles du partage des avantages en vertu du PAM de Leipzig, le Groupe recommande que:

Image les banques de gènes et le PRGES soient placées sous l'égide de la Conférence des Parties de l'Engagement international révisé afin d'établir le caractère international, juridique et public des banques de gènes et de leur assurer un vohime plus stabîe et plus prévisible de ressources financières;

Image les centres du GCRAI et leur personnel continuent de gérer et d'utiliser les banques de gènes internationales dans Je cadre de leur mandat

II reste cependant à établir si cette partie sera composée entièrement du matériel actuel détenu «en fiducie» par la FAO ou si elle sera limitée au germoplasme dont on ne peut déterminer le lieu de collecte.

La recherche et la propriété intellectuelle du GCRAI

Même ses censeurs les plus sévères ont admis que le GCRAI a agi à la fois avec prudence et rapidité pour régler la question du nouvel environnement créé par la Convention sur la biodiversité et la renégociation de l'Engagement international. La façon dont le Système s'est occupé des abus éventuels en matière de fiducie a également été exemplaire. Néanmoins, nombreux sont ceux qui continuent à adopter une attitude de méfiance vis-à-vis du GCRAI, alors que ces centres continuent de lutter pour régler leurs différends sur la façon d'aborder la propriété intellectuelle dans leur propre recherche sur le germoplasme. Le GCRAI peut-il défendre l'intégrité du germoplasme en fiducie contre des revendications de propriété intellectuelle tout en présentant lui-même des revendications pour du matériel tiré des collections en fiducie ?Le débat sur cette question est présenté ultérieurement dans ce rapport.

Recommandation 12

Surveiller la circulation du germoplasme

Le Groupe Crucible croît qu'un maximum de transparence dans l'entreposage et la circulation des matériels génétiques engendrera une plus grande confiance dans le système muitilatéral et lui assurera un meilleur appui. Afin d'obtenir cette transparence, le Groupe recommande que:

Image on rende compatible les bases de données sur le germoplasme et les variétés végétales existant aux niveaux international et national, comme la base de données SINGER, la base de données de l'UPOV et les catalogues nationaux ;

Image ces bases de données deviennent entièrement accessibles à tous les intervenants.

Connaissances

A la surprise de bien des gens, les connaissances que l'on trouve chez les «populations autochtones» et dans les collectivités agricoles — question génératrice d'émotions depuis toujours mais généralement d'importance secondaire et d'une popularité passagère — ont suscité, aux niveaux national et international, des inquiétudes durables et un intérêt politique toujours présent, ce que l'on ne pouvait pas prévoir il y a seulement cinq ans. Toute discussion portant sur les populations autochtones ou sur le rôle des collectivitésagricoles sera inévitablement vaste, complexe et chargée de beaucoup d'émotions. Le Groupe Crucible reconnaît l'importance et la portée de ces questions mais il a décidé de les aborder dans le cadre des ressources phytogénétiques. Son débat s'est concentré sur le maintien et l'accroissement des connaissances relatives à la diversité biologique grâce à la fois aux politiques nationales et aux traités internationaux. Il est évident que les principaux fora sont la CDB, la Commission de la FAO (CRGAA) et la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme. Comme dans une grande partie du débat sur les «connaissances», il a été question de propriété intellectuelle, on parlera également de l'OMC et de l'OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle).

Quel que soit le forum utilisé, il y a dans plusieurs secteurs clés d'importantes divergences d'opinions qui pourraient avoir des effets sur les droits de l'homme, la propriété et le commerce. Certainsprétendent, par exemple, que les populations autochtones et les collectivités agricoles sont les créatrices et les gardiennes des connaissances biologiques (en particulier dans les domaines de la médecine, de ragriculture et des écosystèmes). De ce fait, ajoutent-ils, les états et les entreprises privées ne doivent pas, en matière de propriété intellectuelle, présenter des revendications qui font passer au second plan les contributions autochtones ou qui permettent de les usurper. D'autres, même s'ils apprécient l'apport essentiel des autochtones et des collectivités rurales, croient que les systèmes de propriété intellectuelle permettent de bien reconnaître les dettes que l'on a envers les innovations du passé et que les revendications ne concernent que les contributions nouvelles. Us insistent également sur le fait que les états souverains doivent être responsables de la diversité biologique. D'autres encore voient une nette différence entrel'apport historique des autochtoneset des collectivitésagricoles et la science moderne. Le débat a incité un certain nombre de gouvernements, d'organisations de la sociétécivileet d'organismes intergouvernementaux (comm l'OMPI) à revoir les régimes actuels de propriété intellectuellepour vérifier si l'on pouvait protéger les connaissances des populations autochtones et des collectivités agricoles.

Une grande partie du débat sur les «connaissances» se rattache aux perspectives concernant les droits de l'homme. Les populations autochtones prétendent souvent qu'on viole leurs droits lorsque l'on ne tient pas compte de leurs demandes d'accès à la terre et aux avantages découlant de leurs contributions scientifiques. D'autres ont également insisté sur le fait que les droits des agriculteurs (dont il a été question dans les sections sur la FAO et la CDB)sont des droits de l'homme. Cette affirmation est particulièrement litigieuse puisque des négociations de la FAO semblent se diriger vers une situation où les droits des agriculteurs seraient reconnus uniquement (ou au moins principalement) dans les lois nationales. Certains croient que des éléments des droits des agriculteurs impliquent le droit à l'alimentation et doivent être considérés comme se situant au-dessus des lois nationales. Le rythme lent des négociations sur ces questions à la CDB et à la FAO a mené certains observateurs à conclure que pour de nombreux pays en développement les agriculteurs et les populations autochtones ne sont que des arguments de négociation qui pourraient être rapidement mis de côté si le Nord était prêt à leur offrir un appui financier ou technologique suffisant. Personne ne s'entend — nulle part — sur le fait de savoir s'il est juste et utile d'intégrer les connaissances autochtones dans un système officiel de propriété intellectuelle. Tous les intervenants dans ce débat parlent à la fois d'aspects pratiques et de questions de principe. Bien sûr, aucun accord n'a pu se faire sur cette question au sein du Groupe Crucible.

Changement de paradigme

Certains des tenants de 1'«innovation officieuse» croient qu'on a assisté au cours de ces dernières années à un changement de paradigme dans la reconnaissance et l'appréciation du rôle des connaissances autochtones. Les scientifiques («classiques», «de laboratoire», «occidentaux» ou «insti-tutionnels» — aucun terme ne fait l'unanimité) ont nouvellement pris conscience du fait que non seulement les agriculteurs et les populations autochtones ont des connaissances, mais encore qu'ils s'adonnent souvent à la recherche. Un peu comme il y a eu la redécouverte des lois de Mendel au début du XXe siècle, on a assisté à la fin de ce siècle à la redécouverte de la créativité et de l'esprit d'innovation des sociétés rurales. Pendant un certain temps, les scientifiques classiques ont cru que les connaissances autochtones n'étaient qu'une suite de succès et d'échecs qui permettaient cependant aux collectivités d'accumuler une mine d'expériences utiles qui passaient de génération en génération. Les adeptes de la sagesse traditionnelle ont prétendu que cette accumulation de connaissances était irrégulière et imparfaite. On a dit que le processus scientifique défendu par Isaac Newton et d'autres différait de l'accumulation traditionnelle de connaissances par l'accent qu'il mettait sur l'expérimentation et la documentation.

Cependant, des chercheurs scientifiques (et membres du Groupe Crucible) comme Bo Bengtsson, Joachim Voss, Bernard Le Buanec et Louise Sperling —entre autres — ont étudié et évalué la façon dont les agriculteurs en Afrique géraient leurs ressources génétiques en vue d'obtenir la sécurité alimentaire et d'améliorer la productivité. Ils ont découvert, par exemple, que les Ethiopiennes inscrivaient chaque année le rendement de leurs récoltes de sorgho sur le montant de leur porte. Ils ont remarqué que les femmes choisissaient dans les champs les semences les plus productives, les plus résistantes et, d'une façon générale, les plus utiles avant de permettre aux hommes de moissonner. Ces semences étaient «testées» dans de petits bacs dans la cuisine et elles étaient même échangées avec des voisins pour qu'ils procèdent à des essais dans différents sols. Il s'agit là d'expérimentation et de documentation. Cet important échange de semences entre collectivités agricoles, courant dans le monde entier, vise à obtenir divers matériels de recherche pour améliorer la sécurité alimentaire. Il y a quelques décennies seulement les scientifiques classiques disaient parfois que les variétés des agriculteurs «dataient de l'âge de pierre» ou étaient «primitives», mais on a assisté au cours de ces dernières années à un changement de point de vue. On a effectué une analyse beaucoup plus réaliste de ces variétés et on a constaté qu'elles étaient en constante évolution et qu'elles présentaient des différences par rapport aux semences de la campagne précédente.

Tout comme elle a adapté son langage et ses méthodes pour tenir compte de la recherche expérimentale des collectivités agricoles, la science traditionnelle a dû également revoir ce qu'il fallait entendre par «connu» et «inconnu», «sauvage» et «domestiqué». La découverte qu'une «jungle» en Afrique occidentale était en fait un système agroforestier créé intentionnellement a déclenché la réévaluation d'hypothèses acceptées depuis longtemps. De nombreuses collectivités autochtones et agricoles évitent par exemple le terme «sauvage», qui, prétendent-elles, montre bien les limites des renseignements dont dispose la science traditionnelle. Une plante soi-disant sauvage peut en fait être nourrie et protégée, sinon carrément cultivée. Elle est souvent plantée et utilisée. Vu la compréhension limitée qu'a de ce domaine la science traditionnelle, insistent-elles, elle ne devrait appliquer le mot «sauvage» qu'aux espèces dont elle peut prouver qu'elles n'ont jamais été utilisées ou protégées. En l'absence d'une telle preuve, le monde doit supposer qu'elles ont bénéficié d'une intervention humaine.

Certaines collectivités rurales se montrent également sceptiques à propos de ce que la science traditionnelle appelle une découverte ou une innovation. Pendant de nombreuses années, on a pensé par exemple que le caoutchouc n'avait eu que des usages très limités chez les autochtones des Amériques parce qu'ils n'avaient jamais mis au point un processus de vulcanisation pour l'empêcher de devenir cassant. En fait, Charles Goodyear a obtenu un brevet américain en 1844 après avoir découvert par accident qu'un mélange de latex et de soufre ne brûlait pas lorsqu'on le plaçait sur un fourneau et que le caoutchouc y gagnait en élasticité.181 Or, des recherches récentes effectuées par des scientifiques du Massachussetts Institute of Technology ont prouvé que les Mayas, en mélangeant du latex avec de la sève de volubilis, avaient mis au point leur propre processus de vulcanisation du latex 3500 ans avant le brevet de Goodyear.182

Connaissances à ce jour

La science dite «traditionnelle» est partagée sur ce sujet. De nombreux scientifiques reconnaissent avec enthousiasme que les collectivités rurales possèdent des renseignements et sont capables d'innovation, et ils sont très désireux de participer avec elles à des projets de phytogénétique ainsi qu'à d'autres travaux de recherche. (Certains de ces cas figurent dans la Première partie de ce volume. A noter également que ce sujet est traité dans le deuxième volume.)

Certains phytogénéticiens institutionnels font remarquer que collaborer avec les agriculteurs n'est pas vraiment quelque chose de nouveau et que c'est précisément ce qu'ils font depuis de nombreuses années dans le monde entier. Après tout, les phytogénéticiens commerciaux dépendent des agriculteurs, qui sont leurs clients.

D'autres pensent que les affirmations de la science «traditionnelle» relèvent beaucoup plus «du politiquement correct» et de l'idéalisme romantique que de la réalité. La redécouverte des lois de Mendel, affirment-ils, a fait faire à la phytogénétique des progrès qui en 70 ans ont fortement multiplié les rendements obtenus au cours des neuf millénaires précédents.183 D'autres encore, même s'ils voient une possibilité de collaboration entre «les systèmes d'innovation communautaires»et «les systèmes d'innovation institutionnels», décrivent la relation différemment. Les collectivités, pour une raison quelconque, produisent souvent des innovations de macro-système qui seront très vraisemblablement utiles dans des micro-écosystèmes précis (comme la ferme ou la collectivité). Ces innovations mettent souvent en jeu, au niveau de la génétique et de la gestion, un ensemble d'améliorations qui ont besoin, pour être efficaces, de tout le milieu qui les entoure. Ces améliorations peuvent être intentionnelles et avoir une valeur élevée mais leur application pourrait ne pas être très vaste. Par contre, les innovateurs institutionnels créent souvent des micro-inventions qui ont des applications dans le macro-système comme les manipulations génétiques qui pourraient servir dans de nombreux écosystèmes. Entre ces positions, on trouve une multitude de variantes.

Intégrité intellectuelle

Certains prétendent que les revendications en matière de propriété intellectuelle présentées de nos jours pour des variétés végétales ou des traits de caractère génétiques et des composés médicinaux constituent une usurpation des connaissances autochtones et une insulte à la contribution intellectuelle des populations rurales. L'extraction d'un gène de résistance à une maladie à partir d'une variété traditionnelle dont la résistance est connue des agriculteurs équivaut à du piratage même si les agriculteurs n'ont pas la formation scientifique nécessaire pour comprendre ce qu'est un gène. D'autres ne sont pas du tout d'accord et font remarquer qu'une telle position pourrait se traduire, sur le plan pratique, par une diminution de la recherche et qu'il faudrait en déduire principalement que nous devrions encore tous payer des redevances à l'inventeur de la roue. Certains organismes d'agriculteurs et de populations autochtones répliquent en faisant remarquer, pour leur part, qu'ils ne sont pas à la recherche d'une reconnaissance pour les réalisations passées mais seulement pour l'innovation évolutive dont ils ont fait bénéficier l'agriculture à l'époque où la collecte a été faite.

Malgré l'ampleur de ces différences, tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut préserver les connaissances traditionnelles et les systèmes de connaissances et qu'il faut même en encourager le développement. Tout le monde s'entend également sur le fait que les populations autochtones et les collectivitésrurales doivent prendre une part active, aux niveaux national et international, à la formulation des politiques qui portent sur les connaissances. Peu nombreux, également, sont ceux qui affirment que la collaboration créative qui pourrait s'établir entre des milliers de chercheurstravaillant dans des milliers de parcelles tests (c.-à-d. les agriculteurs) et des milliers de phytogénéticiens œuvrant dans des stations expérimentales ainsi que de nombreux autres genres de chercheurs travaillant dans des centaines de laboratoires (c.-à-d.les scientifiques classiques), ne serait pas un avantage pour les connaissances et la diversité.

Le Groupe Crucible examine dans les pages suivantes, trois questions en suspens qui se rapportent aux connaissances :

1. Les droits de l'homme et les connaissances autochtones ;

2. La participation des collectivités autochtones et locales à l'établissement des politiques en matière de connaissances ;

3. La propriété intellectuelle et les collectivités autochtones/locales.

Les droits de l'homme et les connaissances autochtones : un rôle potentieAl! pour la Commission des droits de l'homme des Nations Unies

Repères

Image La Commission des droits de l'homme des Nations Unies, dont le siège est à Genève, est le principal organe décisionnel des Nations Unies qui traite des droits de l'homme. Dirigée par un conseil d'administration composé des représentants des 51 pays membres, elle rédige des études, fait des recommandations et établît des projets de conventions et de déclarations internationales sur les droits de l'homme.

Image Au cours des dix dernières années, le Groupe de travail des populations autochtones, qui relève de la Commission, a joué un rôle de premier plan dans la structuration des droits des populations autochtones. Le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones fait une place Emportante aux droits des peuples autochtones sur les ressources culturelles et génétiques.

Image A la suite d'une décision prise en 1996 au Sommet mondial de l'alimentation, la Commission des droits de l'homme a travaillé avec la FAO et d'autres parties pour revoir les divers accords internationaux relatifs au «droit à l'alimentation».

Image Avec la nomination, en juin 1997, de Mary Robinson (ancienne présidente de Tlrlande) au poste de Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, la Commission a fortement amélioré sa crédibilité et son influence.

La Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948 reconnaît à la fois le droit d'innover et le droit d'imiter. Même si la Déclaration a été presque universellement admirée en tant que contribution importante à la démocratie et au développement, elle a néanmoins été critiquée par ceux qui y voient une perspective quelque peu axée sur l'Occident, qui met l'accent sur les droits et les libertés de chacun et ne traite pas suffisamment des droits culturels et collectifs, en particulier ceux des collectivités autochtones. On peut dire, dans une certaine mesure, que la longue succession de protocoles et de délibérations depuis 1948 témoigne de cette lacune. Le Groupe Crucible a examiné deux questions où intervient le travail de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

Les droits autochtones

Bien qu'il n'y ait pas d'accord au sein du Groupe sur ce point, certains de ses membres pensent que la question de la protection des connaissances autochtones entre dans le cadre des droits de l'homme et doit être résolue par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies — et non pas par l'OMPI, l'OMC ou la CDB. Ces membres proposent que d'autres parties, pour d'autres traités, reportent leurs conclusions jusqu'à ce que la Commission puisse les conseiller à ce sujet.

Les droits des agriculteursfie droit à l'alimentation

Deuxièmement, comme déjà indiqué dans la Deuxième partie ci-dessus à propos des droits des agriculteurs, certains négociateurs croient que plusieurs éléments du débat sur les droits des agriculteurs que l'on trouve dans l'Engagement international de la FAO pourraient être traités de façon plus substantielle dans le cadre du droit à l'alimentation si la Commission des droits de l'homme s'en chargeait. Une étude sur le droit à l'alimentation réalisée en juin 1999par le Conseil économique et social (ECOSOC) et soumise à la Commission des droits de l'homme préconise avec force que les droits des agriculteurs soient envisagés dans le cadre du droit à l'alimentation, étant donné surtout que «pour nos futures réserves alimentaires et leur durabilité, il faut que ces droits soient solidement établis».184

La participation des sociétés autochtones et locales à l'établissement de politiques sur les connaissances

L'importance d'assurer la participation des populations autochtones et locales aux négociations sur l'établissement de politiques nationales ou internationales touchant leurs connaissances est évidente. C'est dans les relations entre les populations autochtones et les gouvernements nationaux que les difficultés surgissent. Certains autochtones se voient comme un état dans l'Etat où un état dont la population traverse les frontières de deux ou plusieurs états. Certains gouvernements se considèrent comme la voix unique et entièrement suffisante de toutes les populations qui vivent sur leur territoire. Dans un monde de frontières héritées de l'époque coloniale (ou imposée par les vainqueurs) et de sociétés privées de leur patrimoine, il est facile de sympathiser avec les tenants de tous les points de vue. C'est pour cette raison que de nombreux organismes nationaux et internationaux ont adopté des procédures souples et souvent ambiguës en vue d'encourager la formulation de politiques globales. Cette souplesse n'est jamais plus appropriée que lorsqu'on traite des connaissances sur les ressources biologiques, qui ont elles-mêmes connu une sorte de diaspora.

Pour en savoir plus à ce sujet, il est essentiel de se reporter au Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il s'agit d'une restructuration d'ensemble des droits des populations autochtones, élaborée au cours des dix dernières années par le Groupe de travail des populations autochtones. En plus du droit à l'autonomie politique et juridique, le Projet de déclaration fait une large place aux droits des populations autochtones sur leurs ressources culturelles et génétiques. Certains gouvernements, comme celui des Philippines avec sa nouvelle Loi sur les droits des populations autochtones, ont essayé d'adopter des lois nationales qui reflètent l'esprit de l'article 29 du Projet de déclaration.

Bien que la déclaration en soit encore à l'état de projet, elle contient des dispositions reconnues dans le monde entier comme des normes minimales dans le domaine des droits autochtones. L'article 29 dit :

II est normal que l'on reconnaisse aux populations autochtones la propriété, le contrôle et la protection, pleins et entiers, de leurs droits culturels et intellectuels... Elles ont le droit de prendre des mesures spéciales pour

Recommandation 13

Les droits des autochtones en ce qui concerne les ressources génétiques

Le Groupe Crucible recommande que tes gouvernements nationaux intègrent dans leurs propres lois l'esprit et fa lettre de l'article 29 du Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones. Pour intégrer davantage l'esprit de l'article 29 dans les lois nationales, le Groupe Crucible recommande que les gouvernements nationaux :

Image reconnaissent juridiquement les droits collectifs des populations autochtones et des collectivités locales et leurs connaissances concernant les ressources génétiques;

Image reconnaissent les pratiques coutumières et traditionnelles que les populations autochtones et les collectivités locales ont mis au point pour les ressources génétiques;

Image adoptent une loi prévoyant que des tiers ne puissent pas faire valoir des droits ou faire des revendications concernant des variétés végétales et des usages de plantes médicinales mises au point par des collectivités autochtones et locales sans que ces dernières aient donné au préalable leur consentement

contrôler, développer et protéger leurs sciences, leurs technologies et leurs manifestations culturelles, y compris les ressources humaines et génétiques, les semences, les médicaments, la connaissance des propriétés de la faune et de la flore, les traditions orales, les littératures, les dessins ainsi que les arts visuels et de la scène (traduction).

Lorsqu'il sera adopté, le Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones n'aura pas force exécutoire mais il apportera au monde une très forte orientation morale.

L'attention du monde s'est logiquement portée sur la participation des populations autochtones à la Convention sur la biodiversité, mais leur participation est par ailleurs tout aussi importante chaque fois qu'il est proposé de commercialiser les connaissances — dans le cadre, entre autres, de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et de l'OMC.

Participation à la CDB

La CDB reconnaît le rôle central que les collectivités autochtones et locales jouent dans la conservation de la biodiversité grâce à leurs pratiques traditionnelles et durables et à leurs systèmes de connaissances. La CDB encourage les Etats signataires à protéger et à promouvoir les droits qu'ont les collectivités, les agriculteurs et les populations autochtones sur leurs ressources biologiques et leurs systèmes de connaissances. Elle encourage également le partage équitable des avantages découlant de l'usage commercial des ressources biologiques et des connaissances locales des collectivités :

«Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra [...] sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques.»

La Convention sur la diversité biologique, article 8(j)

La CDBest devenue un forum solide et important pour les populations autochtones et les collectivités locales, dont les représentants ont participé activement aux négociations et au débat. Les populations autochtones ont fait pression aux réunions de la Conférence des Parties (CDP) pour s'assurer une place plus importante au sein de la CDB. En novembre 1997, la CDP a organisé à Madrid une discussion de son groupe de travail intersessions ouvert sur les connaissances traditionnelles et la diversité biologique. Cet atelier a donné lieu à des recommandations sur, entre autres, un programme de travail relatif à la mise en œuvre de l'article 8(j). En mai 1998, la CDP IV a créé un groupe de travail ouvert pour se pencher sur la mise en œuvre de l'article 8(j) et des dispositions qui s'y rapportent.

Il existe différents points de vue sur la nature de la participation des populations autochtones à la CDB et sur le fait de savoir s'il s'agit là d'un forum utile pour faire avancer leurs droits. Certaines organisations autochtones se demandent si les accords multilatéraux négociés entre états où l'accent est mis sur la souveraineté nationale sur les ressources génétiques, permettront d'aborder ou de protéger convenablement les droits des populations autochtones. Nombreux sont ceux qui considèrent que l'adoption du Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones par l'Assemblée générale des Nations Unies doit occuper une place beaucoup plus importante sur la scène intergouvernementale. Certains voient dans la CDB un traité qui, sous le prétexte de défendre l'environnement, favorise en fait l'exploitation commerciale des ressources biologiques, et ils sont sceptiques au sujet du rôle qu'elle joue dans la protection des droits des populations autochtones.

Points de vue: La CDB constitue-t-elle un forum utile pour faire avancer les droits des populations autochtones ?

Un pas en avant

Contrairement au Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la CDB est un document ayant force exécutoire. "L'article 8(j) est une victoire pour les populations autochtones car il établit la nécessité de promouvoir et de protéger leurs connaissances dans le domaine de la conservation et de l'utilisation durable de la bïodiversité. Etant donné qu'il a force de loi, les parties contractantes sont obligées d'en respecter les dispositions. Les populations autochtones doivent surveiller étroitement la façon dont leurs gouvernements se comportent à cet égard.

Même si l'article 8(j) ne permettra pas de résoudre toutes les questions concernant les populations autochtones, îl constitue déjà une solide base de départ dans la lutte pour leurs droits et leur autodétermination.

Deux pas en arrière

La CDB détourne l'attention de questions plus importantes comme la territorialité et les droits de la personne. Elle n'est pas très utile aux populations autochtones car elle est fondée sur le principe de la souveraineté nationale. Et elle met l'accent sur la réification des ressources biologiques en prétendant conclure un traité environnemental. Il faut s'opposer à ce que I'on sorte la biodîversité du contexte de la culture et des droits territoriaux. Le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a dans une large mesure la faveur de ces derniers et il constitue la structuration la plus complète de leurs droits — y compris le droit de contrôler leur territoire et leurs ressources. II s'agit là du cadre dans lequel doivent entrer tous les autres droits. Il ne faut pas que les populations autochtones soient détournées de leur objectif principal, qui est de faire en sorte que le Projet de déclaration soit adopté par les Nations Unies.

Points de vue : Quelle doit être la représentation des populations autochtones à la CDB ?

Siège

II faut que les populations autochtones aient le statut de participants à part entière à tous les fora internationaux qui traitent de leurs préoccupations (surtout, mais pas exclusivement, fa CDB), car ce n'est que dans un tel cas qu'elles pourront promouvoir et protéger leurs intérêts. Les gouvernements ne peuvent pas représenter convenablement les populations autochtones car, dans la plupart des cas, ce sont principalement les premiers qui violent les droits des secondes. Si les populations indigènes veulent traiter de leurs préoccupations sur la scène internationale, c'est essentiellement parce qu'elles sont marginalisées ou ignorées au niveau national. Il est donc impératif pour les gouvernements et pour la communauté internationale de reconnaître et de promouvoir tes droits des populations autochtones.

Strapontin

Les populations autochtones peuvent être représentées de diverses façons :

1. les gouvernements incluent des autochtones dans leur délégation ;

2. les autochtones assistent en tant qu'observateurs avec la participation la plus large possible aux délibérations ;

3. les secrétariats peuvent choisir des autochtones qui seront considérés comme des experts et qui pourront devenir membres d'un organe subsidiaire. Cependant, ils ne peuvent être parties prenantes à des traités et seront considérés comme des observateurs exactement de la même façon que tous ceux qui ne représentent pas un état. Une fois à l'intérieur, les autochtones pourront chercher à prendre plus de place. Ainsi, même s'ils ne disposeront en fait que d'un strapontins, ils auront quand même la possibilité de faire avancer les droits des autochtones.

La propriété intellectuelle et les collectivités autochtones/locales

La plus épineuse de toutes les questions abordées dans le débat sur les connaissances est le fait de savoir s'il faut créer des mécanismes juridiques pour protéger les connaissances des populations autochtones et locales. Certains croient que ces connaissances doivent être protégées dans le cadre de régimes de propriété intellectuelle que l'on modifierait, le cas échéant, à cet effet. D'autres affirment que l'inclusion d'innovations autochtones dans des régimes de PI «de type occidental» non seulement ne créerait pas de nouveaux avantages mais encore camouflerait le biopiratage et constituerait une pente glissante vers de plus grands monopoles ainsi que la fin de l'opposition au brevetage de la vie. Une partie de ceux qui partagent cette opinion font campagne pour la création d'un autre régime de droits qui ne soit clairement pas un régime de propriété intellectuelle. Ils pensent qu'on pourrait concevoir un système qui soit compatible avec les pratiques traditionnelles de chaque collectivité et qui permette à cette collectivité de régir l'accès à ses connaissances. D'autres encore croient que les autres régimes de droits qui seraient créés ne sont qu'une forme plus naïve de pente glissante qui conduirait inévitablement à des modèles de brevet et à des transactions en la matière. Ils estiment que chercher à adopter une loi sur les connaissances autochtones va à l'encontre des pratiques habituelles et menace la stirvie des systèmes coopératifs d'innovation. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle est au centre de ce débat.

Ceux qui voudraient en savoir davantage sur cette question doivent se reporter aux points de vue sur la valeur de la propriété intellectuelle pour la protection des connaissances autochtones, qui se trouvent dans le volume 2.

Le rôle potentiel de l'OMPI dans la protection des connaissances autochtones

Repères

Image Créée en 1974, l'OMPI, dont le siège est à Genève, compte 171 Etats membres et est responsable de la promotion et de la protection de la propriété Intellectuelle dans le monde entier. Elle administre 19 traités internationaux sur la propriété intellectuelle.

Image L'OMPI coopère avec I'OMC et offre aux pays en développement et à d'autres pays une aide juridique et technique concernant la mise en œuvre de l'Accord sur les ADPIC.

Image En 1997, I'OIMPI a créé la Division des questions mondiales de propriété intellectuelle, qui explore les besoins en matière de propriété intellectuelle, des détenteurs de connaissances traditionnelles» d'innovations, de culture et de ressources génétiques.

Question en suspens

Image Peut-on et doit-on protéger officiellement au moyen de la propriété intellectuelle les connaissances des collectivités autochtones et locales?

Image Dans l'affirmative, comment doit-on reconnaître ces connaissances sur les plans national et international et quel effet cette reconnaissance aura-t-eile sur d'autres accords intergouvemementaux ?

Dans le cadre d'une nouvelle initiative, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) admet que les régimes actuels de PI ne tiennent pas compte des besoins des innovateurs officieux, et elle cherche à régler cette situation. Au cours des cinq dernières années, des représentants des organisations de populations autochtones ont participé activement, dans des fora régionaux et internationaux, à des débats sur la PI et les ressources génétiques. En 1997, l'OMPI a créé la «Division des questions mondiales de propriété intellectuelle (DQMPI)». Au cours des années 1998 et 1999, la DQMPI a mis l'accent sur : 1) les besoins des nouveaux bénéficiaires en matière de propriété intellectuelle ; 2) la biodiversité et la biotechnologie ;3) les expressions et le folklore ;4) la PI en dehors du territoire. L'OMPI est en train d'explorer les approches actuelles de la protection de la PI et des connaissances autochtones, ainsi que différentes options pour des formes de protection nouvelles ou adaptées.

En 1998-1999, l'OMPI a effectué une série de missions d'information en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et Centrale, dans le Pacifique Sud, en Afrique occidentale et méridionale et en Asie méridionale, dans le but de déterminer et d'étudier «les besoins et les attentes en matière de propriété intellectuelle des nouveaux bénéficiaires, y compris les détenteurs des connaissances et des innovations autochtones, afin de promouvoir la contribution du système de propriété intellectuelle à leur développement social, culturel et économique». Elle publiera le rapport complet de sa mission d'information au début de l'an 2000. L'OMPI a également invité les populations autochtones à participer à deux Tables rondes sur la propriété intellectuelle et les connaissances traditionnelles. La première s'est tenue en juillet 1998 et la seconde en novembre 1999.

Certaines organisations autochtones mettent en doute les objectifs de l'OMPI et l'hypothèse selon laquelle les détenteurs des connaissances traditionnelles ont quelque chose à gagner des régimes actuels de PL. Certains leaders autochtones craignent que des régimes de PI à prédominance occidentale pourraient nuire aux systèmes de connaissances locales plutôt que les favoriser ou les protéger. D'autres croient que l'OMPI aurait un rôle à jouer dans la création d'autres formes de PL. II y a une très forte divergence d'opinions pour ce qui est de savoir si l'on peut ou doit utiliser des régimes de PI pour protéger les connaissances traditionnelles, mais on s'accorde généralement pour dire que c'est à l'OMPI et à d'autres éléments de la communauté internationale de se pencher sur la question des connaissances traditionnelles dans le cadre de l'application de l'article 8(j) de la CDB.

Autres activités en matière de PI extérieures à l'OMPE

Un grand nombre de gouvernements nationaux et d'organisations de populations autochtones sont en train de concevoir des protections fondées sur la PI pour les connaissances autochtones et locales. Beaucoup de ces activités sont antérieures à l'initiative de l'OMPI.

Plusieurs OSC et décideurs travaillent actuellement à mettre au point, pour les agriculteurs et les populations autochtones, des régimes collectifs de droits qui soient distincts des régimes monopolistiques de propriété intellectuelle. Par exemple, les OSC de 19 pays se sont réunies en Thaïlande en 1997 pour étudier la création de droits sui generis qui permettent de reconnaître et de protéger l'innovation communautaire et aussi de favoriser le fonctionnement de systèmes durables d'alimentation et de santé.185 La «Résolution Thammasat» qui est sortie de cette réunion affirme que les droits sui generis sont des droits communautaires qui sont fondamentalement différents des systèmes sui generis fondés sur la propriété intellectuelle préconisés par l'Accord sur les ADPIC. Les participants à cette réunion ont rejeté l'octroi de DPI sur toutes les formes de vie.

La Loi sur les droits communautaires de propriété intellectuelle dans le réseau du tiers-monde (LDCP), publiée en 1994, est l'une des premières initiatives d'ensemble prise pour mettre au point un modèle de lois nationales sui generis qui donneraient aux collectivités des droits de type propriété intellectuelle sur le contrôle de leurs connaissances collectives. La loi traite d'un grand nombre de questions qui continuent à contrecarrer les efforts faits actuellement pour élaborer des lois qui protègent les connaissances autochtones et locales. On y pose par exemple plusieurs questions : «Quels sous-ensembles de connaissances ces lois peuvent-elles protéger ? A qui les droits de protection doivent-ils être confiés ? Peut-on donner à plus d'une collectivité des droits sur les mêmes connaissances ? Quel genre de droits de contrôle doit-on créer en relation avec ces connaissances ? Quelle doit être la durée de ces droits ? Bien sûr, tout le monde n'est pas d'accord sur la façon dont la LDCP aborde tous ces sujets. La loi n'est pas suffisamment détaillée pour traiter de façon complète de toutes les questions qu'elle soulève. C'était cependant la première fois que l'on essayait sérieusement de formuler, en des termes juridiques et législatifs, des façons d'intégrer les connaissances autochtones et locales dans des lois nationales sui generis sur la propriété intellectuelle. (Voir volume 2, sujet deux, section 2 — «Options relatives à des lois sui generis sur la propriété intellectuelle pour les connaissances autochtones et locales» — pour avoir plus de détails sur les lois sui generis qui visent à protéger les connaissances locales et autochtones.)

A l'OMC, un certain nombre de pays en développement soulèvent actuellement la question de la protection des droits des populations autochtones et locales sur leurs connaissances collectives. Le Kenya, au nom du groupe africain à l'OMC, a soumis des propositions au sujet de l'Accord sur les ADPIC en prévision de la Conférence ministérielle de 1999.186 II a proposé, entre autres, que toute loi sui generis sur la protection des variétés végétales puisse comprendre des dispositions sur la protection des innovations des collectivités agricoles autochtones et locales dans les pays en développement, qui soient conformes à la Convention sur la diversité biologique et à l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques. Dans une proposition conjointe présentée en octobre 1999, les gouvernements du Pérou, de la Bolivie, de la Colombie, de l'Equateur et du Nicaragua ont demandé à l'OMC de réaliser une étude et de faire des recommandations sur la façon la plus appropriée de reconnaître et de protéger les connaissances traditionnelles grâce à la PI.187 Ils lui ont également demandé d'établir, dans les négociations à venir, un cadre juridique multilatéral «qui accordera une protection efficace aux connaissances traditionnelles dans toutes leurs manifestations».

Une grande partie des travaux sur les connaissances autochtones et locales recoupent d'autres travaux en cours sur des formes sui generis de protection des variétés végétales par la PL. Une des possibilités envisagées pour les connaissances autochtones et locales, dans le contexte de la protection sui generis des variétés végétales, est l'extension d'une certaine forme de DPI aux variétés végétales mises au point et cultivées par les agriculteurs autochtones et locaux. Pour plus de détails, voir la section intitulée «Options pour la mise en œuvre de l'article 27.3(b)».

Ce qui unit la majeure partie des activités des groupes extérieurs à l'initiative de l'OMPI (il est encore trop tôt pour savoir ce que l'OMPI fera ou recommandera), c'est le désir à la fois de reconnaître l'aspect collectif de la gestion des collectivités autochtones et locales et d'offrir à ces collectivités différentes formes de contrôle (allant de «partiel» à «total») sur leurs connaissances.

Il y a désaccord sur ce qu'il faut voir dans certaines de ces activités. Pour certains censeurs, des modèles de protection qui accordent à une collectivité des droits totaux ou partiels de contrôle sur les connaissances sont des systèmes qui n'entrent pas dans le cadre de la législation sur la propriété intellectuelle. Pour d'autres, tous droits de contrôle sanctionnés par une loi et susceptibles d'être opposés à des tiers, qu'ils soient accordés à des particuliers ou à des collectivités, sont des formes de propriété intellectuelle (même si elles sont sui generis), et ils pensent que certains censeurs refusent d'admettre ce fait par peur de ne pas être politiquement corrects.

Points de vue : Est-il opportun de protéger les connaissances et les droits autochtones au moyen de la propriété intellectuelle ?

Ce n'est pas opportun

Il est absurde de vouloir protéger rétroactivement de vieilles Idées émanant éventuellement de une ou plusieurs collectivités (voire de un ou plusieurs pays). Les DPI n'ont toujours offert qu'un monopole limité pour de nouvelles idées, En générai, on ne peut protéger des idées qui ont déjà été commercialisées, ou même publiées. S'il y a protection, elle ne dure que deux décennies environ, et non pas deux millénaires. Parce que nous verrions alors les inventeurs de la couleur indigo poursuivre Léonard de Vinci en justice pour sa Mona Lisa, et les descendants de ce dernier en faire de même avec Madonna pour violation de marque de commerce.

//est toujours opportun de reconnaître juridiquement ls connaissances

ll faut protéger les idées et/ou leur expression, qu'elles émanent de populations autochtones et/ou locales ou de multinationales. On peut différencier les régimes juridiques de façon à les adapter à leurs objets respectifs, mais tes principes économiques et moraux restent les mêmes,

Innovation évolutionniste

Personne n'essaie de breveter le feu. Les DPI modernes permettent simplement de reconnaître qu'il peut exister différentes formes d'innovation et que, en ce qui concerne les matériels biologiques, les particuliers et les collectivités continuent à innover en matière de médicaments, de préparations et de variétés agricoles.

Le terme «innovation évolutionniste» laisse entendre que chaque génération de matériel biologuique a été améliorée par rapport à la précédente, de la même façon qu'un phytogénéticîen effectue un croisement principal et, à partir de là, met au point une série de variétés sur de nombreuses années. Les niveaux de protection pour ces divers niveaux d'innovation peuvent aussi fortement varier.

Intégrité intellectuelle — pas de monopole exclusif

ll ne s'agit pas de protéger des collectivités précises mais de sauvegarder la libre circulation des idées et des ressources biologiques dans le monde. Les organes intergouvernementaux doivent donc s'assurer de l'intégrité intellectuelle de ceux qui revendiquent des innovations. Ces personnes doivent «prouver», hors de tout doute raisonnable, qu'elles ont réellement apporté quelque chose de nouveau et d'utile à l'humanité. Il ne faut en aucune circonstance accorder aux inventeurs un monopole sur leurs inventions pour une durée quelconque. On ne peut revendiquer un monopole sur toutes formes de vie. Après tout, il ne s'agit pas d'inventions mais de découvertes.

Si i'on modifiait les procédures officielles de propriété intellectuelle, est-ce que cela sauvegarderait de façon adéquate les intérêts des collectivités autochtones et locales ? Certains croient que, si les bureaux de la propriété intellectuelle tenaient bien compte des connaissances autochtones, les revendications contestées sur les plantes médicinales et les variétés végétales (c.-à-d. la ayahuasca, le neem et le basmati) pourraient fortement diminuer ou même disparaître.

En novembre 1999, le US Patent and TrademarkOffice (PTO)a annulé un brevet qu'il avait délivré à un citoyen américain pour une espèce végétale, Banisteriopsis caapi, indigène de la forêt tropicale amazonienne. Connue vulgairement sous le nom de ayahuasca, cette plante est utilisée dans des cérémonies sacrées autochtones à travers l'Amazonie. Le PTO a pris cette décision en réponse à une demande de réexamen du brevet présentée en mars 1999 par le Centre for International Environmental Law (CIEL), basé à Washington (DC), l'Organe de coordination des organisations autochtones du bassin de l'Amazone (COICA) et la Coalition amazonienne. Ces groupes ont demandé l'annulation du brevet «parce que la plante sur laquelle porte le brevet n'a pas de caractère nouveau et distinctif, [qu'elle] est trouvée à l'état sauvage et, en tant qu'élément sacré de nombreuses cultures autochtones de l'Amazonie, elle ne doit devenir la propriété de personne».188

A la suite de l'annulation par le PTO du brevet sur l'ayahuasca, l'avocat du CIEL, David Downes, a fait remarquer que le PTO n'avait pas encore supprimé dans ses politiques les lacunes qui ont en fait permis à quelqu'un de faire breveter cette plante. Il a demandé au PTO de modifier ses règles afin

Recommandation 14

Un médiateur de la propriété intellectuelle

Pour aider au règlement des questions relatives aux populations autochtones et locales, le Groupe Grucible recommande que :

Image l'OMFI et l'UPOV créent un bureau de médiation, auquel les collectivités autochtones et rurales pourront soumettre leurs questions et leurs inquiétudes concernant lies sujets qui relèvent de la compétence de ces organismes. Le médiateur devra être doté des pouvoirs nécessaires pour résoudre toutes les questions que son bureau jugera pertinentes ;

Image pour marquer davantage l'importance que la CDB attache à la participation des collectivités autochtones et locales et l'appui exprimé pour les droits des agriculteurs à la FAO, un bureau de médiation permanent soit créé aux Nations Unies (peut-être au sein d'un forum permanent des populations autochtones) pour se pencher sur une gamme plus vaste de préoccupations relatives aux connaissances, qui pourront être convenablement abordées dans le cadre de IOMPI ou de l'UPOV ;

Image ces bureaux soient dotés de ressources financières suffisantes et d'un appui technique adéquat de façon à être efficaces et fonctionnels.

d'éviter qu'à l'avenir des revendications ne soient fondées sur des connaissances traditionnelles et l'usage d'une plante par des populations autochtones.189

Dans une autre intervention faite auprès du PTO, les trois groupes lui ont demandé d'apporter des changements afin d'exiger que tous ceux qui lui présentent une demande de brevet identifient toutes les ressources biologiques et toutes les connaissances traditionnelles qu'ils ont utilisées pour mettre au point l'invention qu'ils revendiquent, révèlent l'origine géographique des ressources biologiques utilisées et fournissent la preuve que le pays et la collectivité autochtone d'origine ont consenti à leur utilisation.

Innovation

Les gouvernements du monde entier pensent tous qu'il faut stimuler l'innovation scientifique et technologique. Comme il est dit dans le volume 2 de ce rapport, les décideurs nationaux peuvent encourager l'innovation grâce à un certain nombre de mécanismes stratégiques et législatifs, allant d'un appui général à l'éducation supérieure et à la recherche conjointe, à des instruments plus ciblés sur la science communautaire et la propriété intellectuelle. Comme nous l'avons mentionné plus haut, cependant, les frictions se concentrent essentiellement sur les conventions internationales sur la propriété intellectuelle reliées à l'OMPI et à l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Comme déjà indiqué également, le rôle de l'OMC et de sa section sur les ADPIC est considéré comme étant à la fois crucial et controversé.

Il existe actuellement un débat (jugé non pertinent par certains et important par d'autres) au sujet de l'effet de la propriété intellectuelle sur le développement national. Certains pensent que la PI a été, dans toute son histoire, une tentative faite pour refuser des innovations aux pays démunis. Ils prétendent que la façon dont un pays voit la PI change lorsqu'il passe de la catégorie des pays démunis à celle des pays nantis. D'autres insistent pour dire que la propriété intellectuelle a été le principal catalyseur des progrès scientifiques sans précédent qu'a connu ce siècle.

D'autres préoccupations s'inscrivent dans le débat sur la PI et l'innovation. Des agriculteurs doivent-ils avoir le droit de conserver et d'échanger des semences brevetées ? Les chercheurs scientifiques doivent-ils avoir accès à des produits ou des processus brevetés pour mettre au point de nouvelles variétés végétales ? Certaines revendications en matière de brevet sont-elles trop vastes ? Faut-il maintenir la souplesse actuelle de l'accord sur les ADPIC de l'OMC en ce qui concerne les systèmes sui generis ? Chacun de ces sujets peut être débattu de trois manières différentes au moins, et chacune d'elles soulève des questions fondamentales à propos de l'avenir des ressources génétiques du monde.

Dans cette section, le Groupe Crucible examine les questions suivantes :

1. L'Accordsur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce ;

2. La mise en œuvre de l'article 27.3(b) ;

3. Les autres formes de protection des variétés végétales qui peuvent permettre la mise en œuvre de l'article 27.3(b) ;

4. Le droit pour les agriculteurs de conserver et d'échanger des semences brevetées ;

5. La révision de l'article 27.3(b) ;

6. Le GCRAI et la propriété intellectuelle.

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) au cœur de nombreuses questions

Repères

Image L'OMC est établie à Genève, et à l'heure actuelle 137 états ont signé l'Accord de 1995. C'est l'organisme le plus puissant du monde dans le domaine de la réglementation du commerce intergouvernemental.

Image A l'OMC, chaque pays dispose d'une voix.

Image Les Etats membres de I'OMC ont échoué dans leur tentative de lancer un cycle du «millénaire» à la réunion ministérielle qui s'est tenue à Seattle en novembre/décembre 1999. Il est trop tôt pour dire quand ils essaieront à nouveau d'entreprendre des négociations.

Image Aujourd'hui, I'OMC administre, par l'intermédiaire des ADPIC, le plus vaste accord multilatéral sur la propriété intellectuelle.

Image En vertu de l'Accord sur les ADPIC, tous les membres sont obligés d'adopter des normes minimales pour les droits de propriété intellectuelle ainsi qu'un mécanisme pour leur application.

Image L'Accord sur les ADPIC exige que tous les pays membres permettent l'obtention dé brevets pour les inventions, qu'il s'agisse de produits ou de processus, qui interviennent dans tous les domaines de la technologie. Cependant, les plantes et les animaux peuvent en être exclus. Pour bien protéger les variétés végétales, on aura recours à des brevets et/ou à un système sui generis efficace,

Questions en suspens

Image L'accord sur les ADPIC affectent-ils négativement ou positivement la conservation et l'utilisation de la diversité biologique et y a-t-il un conflit entre les initiatives prises par les Etats signataires pour respecter les ADPIC et la CDB ?

Image L'article 27.3(b) de l'accord sur les ADPIC doit-il être conservé ou modifié ? Faut-il supprimer les exclusions de la liste des inventions brevetables ou au contraire les étendre pour donner aux membres la possibilité d'exclure de cette liste tous les matériels biologiques ?

L'Accord relatif aux Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)

Depuis toujours, la législation sur la propriété intellectuelle se fonde sur le principe de la souveraineté nationale. La PI était une question de politique intérieure qui se fondait sur le niveau de développement et les besoins technologiques de chaque pays. Jusqu'à récemment, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) était considérée comme le plus important forum intergouvernemental sur les droits de propriété intellectuelle. Mais tout a changé avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994. Une des raisons de cette évolution est que les conventions sur la PI de l'OMPI comportent peu de mécanismes pour la mise en œuvre ou le respect de leurs dispositions et le règlement des différends. Par contraste, l'OMC exerce beaucoup plus de pression sur les pays pour qu'ils adoptent des normes minimales de PI ; les pays signataires doivent assumer les obligations des Accords de I'OMC (y compris celles qui portent sur la propriété intellectuelle) pour pouvoir devenir membres de l'OMC. L'OMC dispose, pour le règlement des différends, d'une procédure qui comporte un solide mécanisme pour le respect des règles. Elle a le pouvoir, entre autres, d'imposer des sanctions commerciales aux Etats membres qui ne respectent pas ses accords exécutoires.

L'Organisation mondiale du commerce administre aujourd'hui le plus vaste accord multilatéral sur la PL L'OMPI continue à fournir une aide technique pour ce qui est des lois et des institutions nationales qui traitent de PI, et elle administre 19 traités internationaux portant sur la propriété intellectuelle (comme la Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle et la Convention de Berne sur la protection des œuvres littéraires et artistiques). Mais bien qu'elle demeure un organe important pour l'établissement de normes internationales sur la PI, elle est dépassée par l'OMC qui est plus puissante.

L'année 1994 a vu l'achèvement de l'Uruguay Round de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et la création, en janvier 1995, de l'Organisation mondiale du commerce(OMC). L'OMC fonctionne selon le principe qu'un système libéralisé de commerce international, fondé sur la non-discrimination et la suppression des barrières commerciales, est essentiel au bien-être économique mondial. Elle est établie à Genève et, au 31 décembre 1999, elle comptait 135 états membres. Ses principales fonctions sont les suivantes :

Image administrer les accords commerciaux de l'OMC ;190

Image servir de forum pour les négociations commerciales multilatérales ;

Image régler les différends commerciaux;

Image surveiller les politiques commerciales nationales ;

Image fournir une aide et une formation technique aux pays en développement ;

Image coopérer avec d'autres organismes internationaux.

Que veut dire l'Accord relatif aux ADPIC ?

L'Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) figure à l'annexe 1C de l'Accord instituant l'OMC. Les ADPIC placent la propriété intellectuelle au centre des négociations commerciales multilatérales. Avant l'Uruguay Round, le GATT traitait principalement du commerce des marchandises et il ne s'intéressait pas aux services et à la propriété intellectuelle. L'inclusion de la PI reflète, en partie, la croissance explosive de la technologie de l'information et de la biotechnologie au sein du commerce international, et le fort désir de certains pays industrialisés, en particulier les Etats-Unis, l'Europe et le Japon, de protéger leurs produits contre le «piratage» intellectuel sur les marchés étrangers. Entre 1980 et 1994, la part des produits de haute technologie dans le commerce international a doublé, passant de 12 à 24 %.191

L'Accord sur les ADPIC dispose que tous les signataires doivent établir des normes minimales de protection dans un certain nombre de secteurs de la législation sur la propriété intellectuelle (p. ex., brevets, droits d'auteur, indications géographiques, etc.). De cette façon, les ADPIC rendent universelles ces normes minimales, du moins pour ce qui est de l'ensemble des Etats signataires. L'Accord sur les ADPIC exige que les Etats membres permettent l'obtention de brevets pour les inventions, qu'il s'agisse de produits ou de procédés, dans tous les domaines de la technologie sans discrimination, sous réserve des critères habituels exigés pour les brevets, à savoir la nouveauté, l'innovation et l'applicabilité industrielle. Les ADPIC exigent que les brevets soient délivrés sans discrimination quant au lieu de l'invention et sans tenir compte du fait que les produits sont importés ou d'origine locale (article 27.1). Cependant, les ADPIC ne visent pas à obtenir des lois nationales identiques en matière de PI et n'établissent pas un système international de brevet. Ils fixent plutôt des normes minimales que les pays membres doivent respecter. En vertu de l'Accord sur les ADPIC de l'OMC, tous les pays membres sont obligés d'adopter des normes minimales pour les droits de propriété intellectuelle ainsi qu'un mécanisme pour leur mise en œuvre.

Chose particulièrement significative pour la diversité biologique, l'article 27 des ADPIC exige que tous les Etats membres adoptent des systèmes nationaux de PI pour tous les produits et procédés, y compris les produits pharmaceutiques, les micro-organismes modifiés et les procédés microbiologiques. Au cours des négociations, cependant, les pays membres ont eu de la difficulté à atteindre à un consensus sur le secteur controversé des inventions biotechnologiques. Alors que certains pays industrialisés insistaient pour qu'il n'y ait pas d'exclusion de la liste des inventions brevetables, certains pays en développement voulaient exclure des lois sur la PI toutes les inventions ayant un lien avec la diversité biologique. D'autres membres encore préféraient, pour leur part, une solution intermédiaire.

Le texte qui a prévalu se trouve à l'article 27.3(b). Il indique que les plantes et les animaux ainsi que les processus essentiellement biologiques peuvent être exclus de la liste des inventions brevetables. Cependant, les pays membres de l'OMC doivent protéger les variétés végétales au moyen de brevets et/ou d'un système «sui generis» efficace. «Sui generis» veut dire qu'il s'agit d'un système de droits unique, «d'un genre spécial», destiné à une technologie ou à un élément précis.

Toutefois, l'Accord sur les ADPIC ne définit pas «sui generis». Malgré plusieurs tentatives, ce terme n'a pas été défini au cours des négociations sur les ADPIC.

Etant donné la difficulté d'atteindre un consensus, il a été convenu de revoir en 1999 l'alinéa controversé. Bien sûr, 1999 relève maintenant du passé, et on n'a toujours pas amorcé la révision de l'article 27.3(b). Il est difficile de dire à l'heure actuelle quand on se penchera sur cet alinéa et de quelle façon. il ne fait aucun doute que l'on parlera beaucoup de l'effet du libellé actuel de l'article 27.3(b) dans le contexte de l'examen général de la mise en œuvre de l'Accord sur les ADPIC qui était prévu pour l'an 2000 (comme l'exige l'article 71.1). En fin de compte, cependant, les pays membres de l'OMC pourraient se retrouver trop pris par d'autres activités pour pouvoir envisager la possibilité de modifier l'article 27.3(b) au cours des prochaines années.

L'Article 27.3(b) de l'Accord sur les ADPIC

Les Membres peuvent aussi exclure de la brevetabilité :

b) les végétaux et les animaux autres que des micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques. Toutefois, les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. Les dispositions du présent alinéa seront réexaminées quatre ans après la date d'entrée en vigueur de l'Accord de l'OMC.

Les pays en développement ont jusqu'à l'an 2000 pour adopter des lois en ce sens, et les pays les moins développés (PMD) ont jusqu'à 2006.

Ordre public ou moralité

L'Article 27.2 permet d'exclure de la liste des inventions brevetables celles qui sont contraires à l'ordre public ou à la moralité. Cette disposition inclut explicitement les inventions qui sont dangereuses pour la vie ou la santé des êtres humains, des animaux ou des végétaux ou qui portent gravement atteinte à l'environnement.

Cette exclusion ne peut intervenir que si l'on interdit l'exploitation commerciale de l'invention et que cette interdiction soit nécessaire pour la protection de l'ordre public et de la moralité.

Les membres du Groupe Crucible ne sont pas d'accord sur la portée de cette exclusion facultative et sur son application à des technologies précises, comme la technologie de restriction de l'usage de la génétique (TRUG).

A une époque où le système économique mondial fait face à une crise sévère, le coût à court terme de la mise en œuvre des ADPIC, y compris des éléments comme les capacités structurelles, les ressources financières et la compétence technique, constitue un facteur important pour de nombreux PMA. Dans une étude effectuée en 1996, la CNUCED estime que, pour respecter l'Accord sur les ADPIC, le Bangladesh devra engager des frais ponctuels de 250 000 $ pour la rédaction législative et des frais annuels de plus de 1,1 million de dollars pour le travail juridique, l'équipement et les mesures d'application — sans compter les frais de formation du personnel.192 Pour la République Unie de Tanzanie, les frais de mise en œuvre de l'accord sur les ADPIC ont été estimés entre 1 et 1,5 million de dollars.

On craint que la mise en œuvre de l'accord sur les ADPIC ne détourne des programmes sociaux de base les rares ressources dont disposent les pays en développement. L'article 67 de l'accord sur les ADPIC prévoit que les pays industrialisés apporteront une aide technique bilatérale aux pays en développement ; ce qui pourrait contribuer à réduire une partie de ces coûts. Les pays africains, en particulier, se sont plaints que l'on n'avait pas assez fait (en vertu de l'article 67)pour fournir l'aide technique nécessaire à la mise en oeuvre de l'Accord sur les ADPIC.193

Points de vue : Peut-on utiliser l'exclusion pour cause de moralité publique prévue dans l'Accord sur les ADPIC pour rejeter des demandes de brevet sur des formes de vie ou de nouvelles technologies controversées ?

On pourrait exclure les inventions dont il est nécessaire d'interdire l'usage

L'Accord sur les ADPIC n'exige pas que l'on interdise réellement la commercialisation d'une invention pour qu'on puisse exclure cette dernière de la liste des produits pratégeables par un brevet, il suffit que cette interdiction soit «nécessaire» pour protéger l'ordre public ou là moralité. Autrement, de nombreuses inventions — en particulier celles auxquelles personne n'avait songé auparavant» et qui ne sont donc pas réglementées — passeraient avec succès le test de moralité, qu'il faille ou non en empêcher l'exploitation.

Le problème ne se pose pas

Un brevet donne le droit d'empêcher d'autres personnes d'utiliser une invention sans le consentement de celui qui le détient; il ne donne en fait aucunement le droit d'utiliser réellement une invention. Le droit des brevets et les avocats qui y sont spécialisés ne doivent donc pas avoir à traiter de la moralité d'une invention. II faut laisser à d'autres branches du droit, comme la législation sur la, biosécurité, le soin de décider si une invention peut ou non être utilisée.

Pas de récompenses pour les inventions immorales

On dit que les brevets doivent servir à stimuler l'effort intellectuel, à encourager les investissements financiers et à récompenser la communication de connaissances qui seraient autrement restées secrètes. Le droit des brevets ne doit pas récompenser les inventions immorales. 11 ne doit pas récompenser la communication de connaissances relatives à ces inventions. Et les Etats ne doivent pas encourager la mise au point de telles inventions.

ll ne faut pas exclure les inventions dont l'usage n'est pas interdit

L'Accord sur les ADPIC interdit aux membres de l'OMC de rejeter une demande de brevet pour une invention dont l'application, ou au moins l'exploitation commerciale» n'est même pas interdite par leur législation nationale, comme celle sur la bîosécurïté. Même si une invention est interdite en vertu de cette législation, elle ne doit pas être exclue simplement parce que son exploitation est interdite.

La mise en œuvre de l'article 27.3(b)

Options pour la mise en œuvre de l'article 27.3(b)

L'Accord sur les ADPIC exige que les pays en développement adoptent pour la première fois une législation sur la PI en ce qui concerne les variétés végétales (et d'autres matériels biologiques). Etant donné que le délai fixé pour la mise en place de nouveaux régimes juridiques approche rapidement, les pays membres n'ont plus grand temps pour explorer leurs options et mettre en œuvre un système de brevets et/ou un système sui generis en vue de la protection des variétés végétales. L'Accord sur les ADPIC ne précise pas ce qu'il faut entendre par un «système suigeneris efficace», et de nombreux systèmes différents peuvent ainsi être créés.

La mise en œuvre de l'article 27.3(b) a fait l'objet d'un débat centré sur les questions suivantes : vaut-il mieux que les pays en développement, dont la plupart ne disposent pas encore d'un système de PI pour la protection des variétés végétales, suivent le modèle de protection des phytogénéticiens prévu dans les Conventions UPOV ? Ou les pays en développement doivent-ils examiner d'autres systèmes de protection pour les variétés végétales plutôt que d'adopter ceux qui sont actuellement utilisés dans un grand nombre de pays industrialisés ? Laquelle des différentes options va le mieux servir les intérêts particuliers d'un pays ? C'est dans le contexte de cette question que l'on va examiner l'UPOV et les conventions de l'UPOV et, par la suite, d'autres formes de protection des variétés'végétales.

Même si certains prétendent que le système actuel de droits des phytogénéticiens est de loin la meilleure façon de respecter l'obligation faite par l'Accord sur les ADPIC de fournir une protection efficace pour les variétés végétales, il est admis que cet accord n'oblige pas les Etats membres de l'OMC à adopter un système de protection qui s'inspire du système actuel de droits des phytogénéticiens. On s'entend également pour dire que les Etats membres de l'OMC ne sont aucunement obligés d'adhérer à l'UPOV.

L'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV)

Fondée en 1961, l'UPOV est un organe intergouvernemental qui établit les règles internationales en vertu desquelles les pays octroient des droits de propriété intellectuelle à ceux qui mettent au point de nouvelles variétés végétales (particuliers ou institutions). Pour pouvoir bénéficier de la protection, une variété doit être nouvelle, distincte, uniforme et stable. La première Convention de l'UPOV a été révisée en 1972, en 1978 et en 1991. Aujourd'hui, la vaste majorité des membres de l'UPOV adhèrent soit à la convention de 1978, soit à celle de 199l.194

Dans le passé, l'UPOV n'avait essentiellement pour membres qu'une poignée de pays industrialisés. Au cours des dernières années, les choses ont commencé à changer. Avec l'adhésion récente de la République populaire de Chine, du Kenya, de la Bolivie, du Brésil et de la Slovénie, l'UPOV compte maintenant un total de 44 membres.

L'UPOV devient de plus en plus le modèle législatif suivi pour les droits des phytogénéticiens car l'article 27.3(b) des ADPIC oblige les membres de l'OMC à adopter un système de brevets et/ou «un système sui generis efficace» pour les variétés végétales. Bien qu'un tel système n'ait pas été défini, l'UPOV affirme qu'il constitue le «seul système sui generis reconnu dans le monde pour la protection des variétés végétales».195 En outre, un certain nombre d'organes influents, dont l'OMC, insistent pour qu'on limite l'option sui generis au modèle législatif fourni par l'UPOV.

Au Congrès de l'Association internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales (ASSINSEL), qui s'est tenu en juin 1999, les phytogénéticiens des secteurs privé et public de 31 pays industrialisés et

Repères

Image L'UPOV est un organe intergouvernemental qui établit les règles internationales en vertu desquelles les pays octroient des droits de propriété intellectuelle à ceux qui mettent au point de nouvelles variétés végétales.

Image L'UPOV devient de plus en plus le modèle législatif suivi pour les droits des phytogénéticiens car l'article 27.3(b) des ADPIC oblige les membres de I'OMC à adopter un système de brevets et/ou «un système sui generis efficace» pour les variétés végétales.

Image En avril 1998, la Convention de 1991 de l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) entre en vigueur. Cette Convention était censée mettre un terme à l'Accord de 1978, vieux de 22 ans, et rendre ainsi impossible toute nouvelle adhésion à cet Accord. Le Conseil de l'UPOV, cependant, a accordé une dérogation aux pays qui avaient envoyé pour examen à I'UPOV leurs projets de loi avant l'expiration du délai. De ce fait, l'Inde, par exemple, a la possibilité d'adhérer à la Convention de 1978 plutôt qu'à celle de 1991.

Image La Convention de 1991 ne prévoit pas d'exemption permettant aux agriculteurs d'utiliser librement, pour les replanter, les semences qu'ils ont conservées. Elle laisse, toutefois, chaque Etat libre d'inclure dans sa législation nationale une exemption (ou un privilège) pour les agriculteurs.

Questions en suspens

Image Les collectivités agricoles doivent-elles avoir le droit de replanter ou d'échanger des semences protégées par la propriété intellectuelle, que les agriculteurs ont conservées ?

en développement, représentant plus de 1000 entreprises de semences, se sont réunis pour définir leur position sur la protection de la propriété intellectuelle. L'ASSINSEL est arrivée à la conclusion que le type de protection nécessaire pour les variétés végétales varie selon la situation de chaque pays sur les plans technique, juridique et socio-économique. Les représentants des pays en développement ont conclu qu'il était prématuré de créer une protection pour les variétés végétales au moyen de brevets de modèle d'utilité. Le Congrès de l'ASSINSEL a recommandé que les pays en développement adoptent un système sui generis fondé sur la Convention UPOV de 199l.196

A l'heure actuelle, un grand nombre de pays en développement ne protègent d'aucune façon les variétés végétales. Bien qu'une grande discrétion

Etats qui ont adhère a la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (situation au 1er juillet 1999)

Image Ont adhéré à la loi de 1961, révisée en 1972: Belgique et Espagne.

Image Ont adhéré à la Convention UPOV de 1978: Argentine, Australie, Autriche, Brésil, Bolivie, Canada, Chili, Chine, Colombie, République tchèque, Equateur, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Italie, Kenya, Mexique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Paraguay, Pologne, Portugal, Slovaquie, Afrique du Sud, Suisse, Trinidad-et-Tobago, Ukraine, Uruguay.

Image Ont adhéré à la Convention UPOV de 1991: Bulgarie, Danemark, Allemagne, Israël, Japon, Pays-Bas, République de Moldavie, Fédération russe, Slovénie, Suède, Royaume-Uni, Etats-Unis d'Amérique.

ait été laissée aux pays pour l'interprétation de l'option sui generis, le délai fixé pour la mise en oeuvre de l'article 27.3(b) de l'Accord sur les ADPIC est en principe dépassé. C'est pourquoi, des pressions considérables sont exercées sur un certain nombre de pays en développement pour qu'ils envisagent d'adopter le modèle sui generis de l'UPOV pour la protection des variétés végétales au moyen de la PL

Les membres du Groupe Crucible ne sont pas d'accord sur le fait de savoir si, et dans quelle mesure, la Convention UPOV de 1991 restreint le droit des agriculteurs de conserver des semences protégées pour leur propre usage.

Un certain nombre d'OSC et de pays en développement considèrent la Convention UPOV de 1991 comme une forme plus rigoureuse de protection des variétés végétales qui renforce fortement les droits des phytogénéticiens commerciaux tout en diminuant ceux des agriculteurs. Ils croient que la Convention UPOV de 1991 favorise les intérêts des phytogénéticiens commerciaux et ne protège pas convenablement les droits des agriculteurs et des innovateurs communautaires.197 La Convention UPOV de 1991 étend largement les droits des phytogénéticiens et la portée du matériel protégé (voir ci-dessous). L'effet cumulatif, soutiennent certaines OSC, est que la protection des variétés végétales prévue dans les règles fondées sur la Convention UPOV de 1991 ressemble de plus en plus à la protection de la «puissance industrielle»accordée par les brevets.

L'UPOV prétend qu'une solide protection assurée par la propriété industrielle est nécessaire pour faire en sorte que les investissements dans la recherche aient un rendement acceptable et pour encourager la recherche en matière phytogénétique, dont on a absolument besoin pour accroître la production alimentaire au cours des années à venir. Les partisans de l'UPOV insistent pour dire que ses détracteurs interprètent mal la Convention de 1991. Même si la Convention UPOV de 1991 renforce clairement la position des phytogénéticiens par des mesures précises, elle laisse également aux pays membres la possibilité de permettre à leurs agriculteurs de conserver et de replanter des semences protégées (ceque la Convention appelle l'exemption des agriculteurs ou le «privilège des agriculteurs»).

Malgré la forte divergence d'opinion au sujet de l'interprétation de la Convention UPOV de 1991, l'article 5(1) de la Convention de 1978 est généralement interprété par les gouvernements et les OSC comme permettant aux agriculteurs de conserver et de replanter des semences protégées pour leur propre usage (sans paiement de redevances). Cette disposition critique ne mentionne pas du tout les semences conservées par les agriculteurs, mais elle indique simplement que l'autorisation du phytogénéticien n'est pas nécessaire pour la production et la distribution non commerciale de matériel protégé.198 Les partisans de l'UPOV affirment avec insistance qu'il n'y a en fait aucune différence à cet égard entre les Conventions de 1978 et de 1991 de l'UPOV — étant donné, prétendent-ils, qu'aucune des deux ne prévoit d'exemption permettant aux agriculteurs d'utiliser pleinement les semences qu'ils ont conservées.

La Convention de 1991 laisse chaque Etat membre libre d'inclure l'exemption des agriculteurs dans sa législation («dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes des phytogénéticiens»).199 En vertu de la Convention de 1991, l'exemption des agriculteurs devient explicitement une option pour les pays membres. Certains estiment que cela veut dire que l'exemption des agriculteurs n'est plus une disposition automatique des règles internationales régissant la protection des végétaux en vertu de l'UPOV. Certain craignent que si les Etats membres ne prennent pas des mesures concrètes en faveur de leurs agriculteurs, ces derniers verront leurs droits supprimés ou fortement limités. Qui déterminera les «intérêts légitimes» des phytogénéticiens ? Certaines OSC ont peur que les phytogénéticiens commerciauxn'exercent des pressions pour que leurs droits l'emportent sur ceux des agriculteurs dans les lois nationales.

La Convention 1991 sur l'UPOV est interprétée comme permettant l'inclusion d'une disposition impérative qui autorise ceux qui pratiquent l'agriculture de subsistance à utiliser les semences qu'ils ont conservées.200Lorsque ces agriculteurs cultivent leur terre à des fins non commerciales—pour nourrir leur famille — ils remplissent clairement les conditions pour pouvoir bénéficier de l'exclusion. Cependant, presque tous ces agriculteurs commercialisent une partie de leur récolte. S'ils utilisent des variétés protégées à des fins commerciales, l'exemption relative aux semences qu'ils ont conservées ne s'applique pas. Certaines OSC croient qu'en refusant aux agriculteurs pauvres la possibilité de vendre ou d'échanger des semences dans leur marché habituel, on risquerait de réduire le rôle qu'ils jouent dans la conservation de la diversité génétique et dans l'amélioration des obtentions locales, ce qui menacerait en fin de compte la sécurité alimentaire. Les partisans de l'UPOV font remarquer qu'il est très peu vraisemblable que des phytogénéticiens intentent une action en justice contre quelqu'un qui pratiquerait l'agriculture de subsistance même s'il commercialise une partie de sa récolte.

La Convention de 1991 étend les droits des phytogénéticiens au produit récolté de la variété protégée, si cette variété a été utilisée sans l'autorisation du phytogénéticien (violation des droits des phytogénéticiens).201 Toutefois, si la variété a été utilisée avec l'autorisation du phytogénéticien (c.-à-d. si des redevances ont été payées sur les semences), le phytogénéticien ne peut revendiquer des droits sur le produit récolté.

Certains OSC critiquent les dispositions qui étendent la portée des droits des phytogénéticiens en les faisant passer du matériel de reproduction au produit récolté. Aux termes du paragraphe 14(1) de la Convention de 1991, par exemple, une autorisation explicite du phytogénéticien est nécessaire, pour, entre autres activités, vendre, exporter ou importer des semences de la variété protégée. Si un pays qui n'est pas membre de l'UPOV cultive une variété protégée par l'UPOV (sans l'autorisation du phytogénéticien), le phytogénéticien peut l'empêcher d'exporter sa récolte dans un pays membre de l'UPOV. Sans ces dispositions, soutiennent les partisans de I'UPOV, il serait impossible pour les phytogénéticiens commerciaux qui opèrent sur les marchés mondiaux des denrées alimentaires, de protéger leur matériel protégé lorsqu'il passe de pays à pays. Certaines OSC affirment que si l'on accroît la portée de ces dispositions, on donnera aux entreprises semencières un contrôle trop important sur les droits des agriculteurs et sur le système alimentaire.

La Convention UPOV de 1991 étend ses dispositions à l'ensemble des types et des espèces de plantes. Dans la Convention UPOV de/1978, les variétés végétales pouvaient être protégées par les droits des phytogénéticiens ou la législation sur les brevets, mais les pays ne pouvaient permettre que la même espèce de plante soit protégée à la fois par des brevets et par des droits sur les variétés végétales. La Convention de 1991 permet la double protection au moyen des droits des phytogénéticiens et des brevets, si les pays en décident ainsi.

La Convention UPOV de 1991 introduit le concept de la «dérivation essentielle», qui a été établi pour empêcher la pratique de l'amélioration de pure forme. Si l'on obtient une nouvelle variété végétale en apportant à l'ancienne une légère modification — l'insertion d'un seul gène, par exemple — la nouvelle variété est censée être «essentiellement dérivée» de l'ancienne. Le concept de la dérivation essentielle vise à protéger les phytogénéticiens contre le piratage. Il n'a pas encore été mis en œuvre et n'a toujours pas reçu d'application technique et juridique. On ne sait pas très bien quelle différence génétique minimurn sera nécessaire pour faire la distinction entre des variétés protégées, surtout dans le cas des obtentions mineures.

Les tenants du concept de la dérivation essentielle disent qu'il favorisera la mise au point et l'amélioration de variétés nouvelles et de plus en plus productives. L'amélioration de pure forme doit être éliminée car elle a pour effet de réduire la diversité génétique ainsi que d'accroître la vulnérabilité génétique, et elle ne fait rien pour augmenter la productivité. Les défenseurs du concept de la dérivation essentielle croient qu'elle protégera les agriculteurs, ainsi que les phytogénéticiens, contre le piratage.

Certaines OSC craignent que les critères qui seront établis pour définir la dérivation essentielle ne favorisent les phytogénéticiens institutionnels et ne désavantagent les agriculteurs et les phytogénéticiens du Sud. Elles ont peur que l'utilisation de mécanismes de haute technologie (profils de marquage moléculaire, données sur la distance généalogique) pour déterminer le niveau de différence génétique et d'innovation dans l'amélioration des végétaux, ne défavorise les phytogénéticiens communautaires et donne un pouvoir de contrôle trop important aux régimes de PL

Autres formes de protection des variétés végétales susceptibles de contribuer à la mise en œuvre de l'article 27.3(b)

Bien que l'Accord sur les ADPIC ne donne aucun détail sur les éléments constitutifs d'un système sui generis efficace, on pourra tirer certaines exigences minimales que ce système devra respecter, du contexte de l'article 27.3(b), du contexte de l'Accord qui fait partie intégrante de l'Accord de l'OMC et, enfin, des objectifs de l'Accord sur les ADPIC lui-même.

Etant donné que l'Accord sur les ADPIC ne donne pas plus de précisions sur l'expression «variété végétale», les Etats membres pourraient avoir à protéger des variétés végétales de toutes les espèces et de tous les genres botaniques. Le système sui generis doit être un droit de propriété intellectuelle. Il doit respecter le principe fondamental de la clause du traitement national. Ainsi, chaque Etat membre doit faire bénéficier les ressortissants des autres Etats membres d'un traitement qui ne sera pas moins favorable que celui qu'il accord à leurs propres ressortissants en matière de protection des variétés végétales. En outre, tout avantage, faveur, privilège ou exemption accordé par un Etat membre aux ressortissants de tout autre Etat membre doit l'être immédiatement et sans conditions aux ressortissants de tous les autres Etats membres (clause de la nation la plus favorisée).

Enfin, le système sui generis doit être efficace. Alors que certains soutiennent que le mot «efficace» signifie qu'il doit y avoir un niveau minimum de protection, d'autres prétendent qu'un système sui generis est efficace s'il comporte une procédure de mise en œuvre qui permet d'introduire une action en justice efficace contre toute violation du droit sui generis.

De ce fait, même si le système sui generis doit respecter certaines exigences fondamentales, il permet aux pays d'adopter, pour la protection des variétés végétales, des règles qui sont distinctes du modèle UPOV. Une des propositions discutées en ce moment vise à assurer la protection des variétés des agriculteurs, à ne protéger les variétés que si le nom du pays d'origine du matériel phytogénétique est révélé ou que l'on accorde aux phytogénéticiens des droits plus faibles que ceux qui leur ont été octroyés par les Conventions UPOV de 1978 ou de 199l202 (voir volume 2 pour plus de détails).

Un grand nombre de pays et d'organisations de la société civile sont en train de rédiger, pour la protection des variétés végétales, des lois nationales qui englobent également les droits des agriculteurs, les droits communautaires et les systèmes de gestion des ressources génétiques sur le plan de l'usage et de l'accès. Certaines d'entre elles visent à créer des mécanismes pour l'échange et le transfert des ressources biologiques ainsi qu'à rémunérer les collectivités locales pour leurs contributions. La plupart des pays n'ont pas encore adopté ces lois. La rédaction de lois sur la protection des variétés végétales, où l'on cherche à incorporer les droits des agriculteurs et des collectivités locales, avance rapidement malgré le peu d'expérience en la matière. Cette question des régimes de droit communautaire et des options législatives est traitée de façon plus complète dans le volume 2.

La Genetic Resources Action International (GRAIN), une OSC dont le siège est à Barcelone, a récemment recensé les lois sui generis sur la protection des variétés végétales ne relevant pas de l'UPOV, qui font actuellement l'objet d'un débat dans les pays en développement.203 En voici quelques exemples parmi tant d'autres :

Image Au Sommet de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) qui s'est tenu en juin 1998, les gouvernements africains ont accepté d'adopter une «position africaine commune»pour sauvegarder le droit souverain des Etats membres ainsi que pour combiner les intérêts des phytogénéticiens nationaux avec les préoccupations des agriculteurs nationaux et l'engagement politique de l'Afrique vis-à-vis des droits des agriculteurs.204 L'OUA a depuis longtemps élaboré la «Loi modèle africaine pour la reconnaissance et la protection des droits des collectivités, des agriculteurs et des phytogénéticiens locaux ainsi que pour la réglementation de l'accès aux ressources génétiques». La version finale de la loi modèle sera prête au début de l'an 2000.

Image Le gouvernement zambien a rédigé un projet de loi sur la protection des variétés végétales, qui cherche à protéger les innovations des collectivités locales et des populations autochtones, conformément à ses obligations en vertu de la CDB. Ce projet de loi est actuellement soumis à un vaste processus de consultations publiques.

Image Le projet de loi indien sur la protection des variétés végétales vise à trouver un juste équilibre entre la reconnaissance des droits des phytogénéticiens et celle des droits des agriculteurs. Il précise : «Rien dans la présente loi n'affectera le droit traditionnel d'un agriculteur pour ce qui est de conserver, d'utiliser, d'échanger, de partager ou de vendre des produits de sa ferme tirés d'une variété protégée en vertu de la présente loi, sauf lorsqu'une vente est faite dans un but de reproduction aux termes d'un arrangement commercial.» Le projet de loi sur la POV prévoit également que les collectivités doivent enregistrer les droits collectifs.

Image En Thaïlande, deux projets de loi ont été élaborés pour reconnaître les connaissances traditionnelles et les droits des collectivités locales. Le projet de loi sur la protection des variétés végétales va combiner la reconnaissance des droits des phytogénéticiens sur les variétés qu'ils viennent de mettre au point avec la protection des variétés locales qui ont été mises au point et conservées par les agriculteurs et les collectivités locales. Le projet de loi sur la médecine traditionnelle va reconnaître le droit d'avoir recours à des guérisseurs traditionnels et d'utiliser des ressources génétiques médicinales, en se fondant sur le concept des droits collectifs. Il englobe l'enregistrement des remèdes traditionnels et une certaine forme de partage des avantages au cas où des chercheurs des secteurs médical ou scientifique feraient usage des connaissances protégées.

Image Le projet de loi sur les variétés végétales, rédigé au Bangladesh par le Comité national des ressources phytogénétiques, reconnaît les droits communautaires et les droits des agriculteurs, et propose la création d'un fonds pour aider les collectivités à mettre au point et à conserver les variétés végétales. Ce projet de loi est soumis à l'heure actuelle à un débat public.

Image Le Costa Rica a introduit à la fin de 1999 un projet de loi sur les droits des phytogénéticiens dans le but de se conformer aux ADPIC. Par suite des préoccupations exprimées par des organisations de la société civile, le projet de loi est en train de passer par un processus de consultations publiques. Cependant, le «projet de loi sur la biodiversité» du Costa Rica a été adopté en mai 1998. Il vise à respecter le mandat de la CDB.205 Sous l'application de «droits intellectuels communautaires sui generis», le projet de loi reconnaît et protège expressément les pratiques et les innovations des populations autochtones et des collectivités locales en ce qui concerne l'utilisation des composantes de la biodiversité et des connaissances qui s'y rattachent. Le Bureau national des semences et le Bureau de la propriété intellectuelle sont obligés, avant d'accorder la protection de la PI, de consulter la Commission nationale pour la gestion de la biodiversité (CONAGBIO) en ce qui concerne les innovations dans lesquelles entrent des composantes de la biodiversité. La loi oblige le Bureau technique de le CONAGBIO à rejeter toute demande de reconnaissance des droits intellectuels ou industriels relatifs à des composantes de la biodiversité ou à des connaissances pour lesquelles des droits communautaires qui ont déjà été reconnus.

Certains membres du Groupe Crucible se demandent si les gouvernements ne pourraient pas adopter des politiques qui stimulent véritablement la recherche innovatrice et prendre quand même des mesures législatives responsables pour répondre à l'article 27.3(b) des ADPIC de l'OMC. Un fossé trop large sépare ceux qui voient dans la propriété intellectuelle un système rentable où aussi bien la société que les inventeurs sont gagnants, et ceux qui jugent que ces dispositions monopolistiques font obstacle à l'innovation et vont à l'encontre des besoins de la société. Compte tenu de ce clivage, le Groupe Crucible ne donne pas de réponse définitive, mais il établit une liste d'options législatives (voir volume 2) accompagnées des conséquences qu'elles pourraient avoir. Le Groupe insiste sur le fait que le lecteur ne doit pas en conclure qu'à son avis, toute option législative est en ce moment suffisante ou souhaitable. Certains de ses membres pensent que toutes les options sont fondamentalement mauvaises.

Les droits des phyfogénétïciens sur la protection des variétés végétales peuvent-ils englober les variétés des agriculteurs ?

Cette question fait ressortir la très grande divergence de vues qui existe entre les partisans et les détracteurs de la propriété intellectuelle. Si elle soulève la controverse, c'est aussi parce qu'on s'entend peu sur la définition d'une variété, sur la possibilité de mettre en œuvre un tel système et sur l'équilibre à trouver entre la découverte et la diffusion de nouvelles idées. Beaucoup conviennent qu'il faut reconnaître et encourager les activités innovatrices des agriculteurs et de leurs collectivités pour obtenir la sécurité alimentaire et améliorer la productivité agricole ainsi que pour créer et conserver la biodiversité agricole. On sait moins par contre si un système sui generis qui protège les variétés des agriculteurs contribuera à atteindre ces objectifs.

Toute discussion sur l'inclusion — ou pas — de DPI officieux pour les variétés des agriculteurs soulève des questions sur la possibilité de modifier des conventions existantes. Cependant de, nombreux observateurs seraient d'accord pour dire qu'on peut modifier les lois et les conventions actuelles pour mieux tenir compte des préoccupations spéciales des agriculteurs et des populations autochtones. Dans le volume 2, nous examinons diverses façons d'introduire de tels amendements dans les lois nationales.

Points de vue : Faut-Il protéger les variétés des agriculteurs au moyen de la propriété intellectuelle?

Cela en vaut vraiment la peine

On peut créer une catégorie d'éléments protégeables, avec des lignes directrices claires sur la définition de «variété végétale». On établira une définition large ou étroite du terme en fonction de la portée ou du type de la protection que l'on veut accorder. Si I'on donne une définition large de «variété végétale», on fixera ensuite des limites étroites pour le niveau de protection. Pour pouvoir protéger une variété, il faudra, au strict minimum, qu'elle puisse être suffisamment distinguée ou décrite. Les variétés qui satisfont à des critères plus sévères pourront bénéficier d'une protection plus forte et/ou plus longue.

C'est possible, mais à quel prix ?

L'intention est louable. Mais créer une catégorie d'éléments protégeables constitue une tâche colossale. On peut rédiger des lois, mais il faut ensuite pouvoir les appliquer. Quelle portée doit avoir la définition de «variété végétale» pour qu'elle ne fasse pas perdre leurs droits aux collectivités agricoles tout en stimulant l'innovation et la conservation? Faut-il prendre en ligne de compte toutes les espèces qui contribuent à l'alimentation et à l'agriculture ou faut-il se limiter à celles que l'on considère comme vitales pour la sécurité alimentaire. La mise en œuvre d'un tel système constituera-t-elle un fardeau trop lourd pour les autorités compétentes?

Cea ne sert à rien

Ce système doit permettre de trouver un juste équilibre entre la création et la diffusion de nouvelles variétés, deux objectifs fondamentalement contradictoires. Avec des stimulants importants et des droits forts, on favoriserait l'innovation. Mais il faudrait alors établir une définition étroite de «variété», au risque de ne pas couvrir les variétés des agriculteurs. Avec une définition large et des droits faibles, on pourrait, au mieux, empêcher le mauvais usage ou l'appropriation illicite des variétés des agriculteurs, mais on ne fournirait aucun stimulant pour assurer la sécurité alimentaire et améliorer la productivité agricole, et on ne contribuerait pas par ailleurs à la création et à la conservation de la bïodiversité agricole.

Le droit pour les fermiers de conserver et d'échanger des semences brevetées

II existe des vues fondamentalement opposées sur la portée de l'exemption des agriculteurs (c.-à-d. le droit pour les agriculteurs de conserver et d'échanger des semences brevetées en vertu des lois sur la PI). Un système sui generis pour la protection des variétés végétales peut différer du modèle de l'UPOV pour ce qui est de l'exemption des agriculteurs. Même si les membres du Groupe Crucible ne s'entendent pas sur la portée de l'exemption des agriculteurs, ils croient qu'une étude cas par cas des questions serait utile et pourrait faire évoluer la situation.

Certains prétendent que chaque agriculteur et chaque collectivitéagricole ont le droit inaliénable de conserver et d'échanger tout matériel phytogénétique de la façon qu'ils désirent, y compris par la vente de germoplasme protégé par la PI Pour d'autres, une utilisation aussi libre de matériel protégé par la PI viole leurs droits et menace l'avenir de la sécurité alimentaire du monde. D'autres encore sont prêts à reconnaître le droit pour certains groupes d'agriculteurs, définis peut-être en fonction de leur situation économique, de leurs terres et de l'usage qu'ils font des semences, d'utiliser des semences de façons qui seraient interdites à d'autres groupes d'agriculteurs.

Certains membres du Groupe Crucible croient que les phytogénéticiens qui ont des variétés brevetées sont, en général, prêts à accepter que les agriculteurs qui replantent habituellement les semences qu'ils conservent après la récolte parce qu'ils ne peuvent obtenir de nouvelles semences pour chaque campagne — ou n'ont pas les ressources financières à cet effet —puissent continuer à agir ainsi. En outre, on devrait permettre à ces agriculteurs d'échanger des semences avec leurs voisins, puisque cette activité représente une forme traditionnelle d'amélioration communautaire des plantes, que l'on peut facilement faire entrer dans l'exemption normale des phytogénéticiens. On pourrait aussi accorder aux agriculteurs/phytogénéticiens le privilège d'échanger et même de vendre des semences dans leur marché habituel. Les phytogénéticiens qui ont mis au point des variétés brevetées font remarquer que ces activités devront être conformes aux pratiques traditionnelles et ne pas constituer simplement une façon de ne pas respecter leurs droits et d'exploiter commercialement des semences protégées. Il est admis que si l'on refusait à des agriculteurs qui sont pauvres ou qui cultivent leurs terres essentiellement à des fins de subsistance la possibilité d'échanger ou de vendre des semences dans leur marché habituel, on pourrait les priver d'un mécanisme important qui leur permet de conserver la diversité génétique et d'améliorer localement la sélection des plantes.

La plupart des phytogénéticiens qui ont mis au point des variétésbrevetées reconnaissent également qu'un grand nombre d'agriculteurs et de pays pauvres fonctionnent dans des environnements géographiques et économiques où il est difficile pour le secteur commercial de leur fournir des services complets et durables. De la même façon, les phytogénéticiens acceptent que, de temps en temps, il puisse se produire des catastrophes nationales ou autres menaces à la sécurité alimentaire qui exigent la suspension de leurs droits afin que l'on puisse faire face à des urgences. De telles situations sont convenablement couvertes dans les conventions ordinaires sur la propriété intellectuelle et d'autres ententes internationales.

Ces mêmes phytogénéticiens font cependant remarquer qu'il faut surveiller avec soin cette suspension de droits qu'ils estiment juste et conforme aux conventions sur la PI et qu'ils doivent avoir la possibilité de s'y opposer et de demander une compensation lorsqu'ils jugent qu'on a violé leurs droits. De plus, les phytogénéticiens pensent que toute cette fureur déclenchée dans le monde par cette question a transformé à tort les agriculteurs en David qui affrontent les Goliath des multinationales. Même les agriculteurs qui cultivent à des fins de subsistance des terres marginales dans des économies pauvres pourraient profiter de l'accroissement des initiatives locales dans le domaine de l'amélioration des plantes et aussi dans celui de la multiplication et de la distribution des semences. Mais ces initiatives mises sur pied par l'intermédiaire d'organisations privées ou coopératives pourraient être injustement limitées si l'on ne surveille pas la réutilisation des semences par les agriculteurs et si l'on en restreint indûment la commercialisation. Les gouvernements doivent profiter de chaque occasion pour encourager les initiatives locales qui se justifient.

D'autres membres du Groupe Crucible estiment que le droit pour les agriculteurs et les collectivités agricoles de conserver et d'échanger, et aussi de vendre, des semences est vital pour la sécurité alimentaire et essentiel pour la conservation et l'accroissement des ressources phytogénétiques. Il faut examiner scrupuleusement toute tentative faite pour limiter ce droit, et s'y opposer. On ne peut limiter ce droit en se fondant sur les terres, la situation économique ou l'objectif si l'on tient compte de l'usage habituel qui est fait des semences et de l'importance de cette pratique pour la conservation et l'accroissement de la diversité biologique pour les générations futures.

L'examen de l'article 27.3(b) en 1999

L'examen tant attendu de l'article 27.3(b), la disposition qui prévoit l'octroi de brevets ou de droits suigeneris pour les variétés végétales, était programmé pour 1999. Toutefois, on se pose de plus en plus de questions sur la nature de cet examen. Lorsque le Conseil des ADPIC s'est réuni en avril 1999, ses membres ne savaient pas s'il s'agissait simplement d'examiner les initiatives prises par les Etats membres pour appliquer l'article 27.3(b) ou s'il fallait également renégocier le texte.206 Pendant toute l'année 1999, le Conseil des ADPIC s'est renseigné auprès des pays industrialisés et en développement pour savoir où en était l'application de l'article 27.3(b). Certains pays industrialisés, dont les E.-U. et les membres de l'UE, préfèrent que l'on se contente de réunir des renseignements plutôt que de renégocier le texte. Cependant, un certain nombre de pays en développement proposent de rouvrir les négociations et de modifier le libellé de l'article 27.3(b).

Aucune décision définitive n'a encore été prise sur la portée de l'examen et sur la renégociation éventuelle de l'article 27.3(b). Mais l'attention s'est détournée de l'examen de cet article (ou du moins de l'idée que l'on ne pourrait faire que ça), puisque les Etats membres se préparaient à lancer un nouveau cycle de négociations commerciales à la Conférence ministérielle de l'OMC qui devait se tenir à Seattle du 29 novembre au 4 décembre 1999. Pendant un certain temps, on a cru que cet examen pourrait être inclus dans l'étude d'un tas d'autres questions. Mais comme les Etats membres n'ont pas réussi à lancer un nouveau cycle de négociations, l'examen de l'article 27.3(b) se retrouve en première ligne, et ils devront maintenant décider ce qu'ils veulent faire à son sujet.

La renégociation de l'article 27.3(b) fait actuellement l'objet de propositions diamétralement opposées. Les Etats-Unis et d'autres pays industrialisés voudraient que l'on supprime tout l'alinéa, ce qui éliminerait les exclusions de la liste des produits brevetables. L'OMPI, l'UPOV et certains pays membres de l'UPOV suggèrent que l'on fasse explicitement de la Convention UPOV de 1991 un (ou le) système sui generis «efficace». Par contraste, un certain nombre de pays en développement et d'OSC se prononcent en faveur d'un accroissement des éléments qui pourraient être exclus de la liste des produits brevetables en vertu des ADPIC afin de fournir aux Etats membres la possibilité d'exclure de cette liste tous les matériels biologiques.207 Alors que les Etats-Unis ne prévoyaient pas ou ne préconisaient pas de nouvelles négociations sur les ADPIC à la réunion ministérielle de Seattle, les pays en développement ont soumis des propositions au Conseil des ADPIC de l'OMC pour la tenue de nouvelles négociations.208

Points de vue : Des brevets pour les formes de vie?

Pas de brevets pour la vie

Nous vivons dans un monde de sociétés : les multinationales obtiennent généralement ce qu'elles veulent et les gouvernements ne font pas grand-chose pour protéger les intérêts de la population. Les matières vivantes ne sont pas des inventions. Dans I'environnement scientifique et commercial actuel, tout octroi de droits de propriété intellectuelle sur toute matière vivante se traduira inévitablement par un monopole sur chaque forme de vie. II faut établir des limites aussi claires que possible. Les ADPIC doivent interdire tous brevets sur des éléments de vie; ils doivent au minimum cesser d'exiger la protection des variétés végétales et des micro-organismes.

Garder le cap

On attend toujours les désastres auxquels devait conduire, comme certains l'avaient prédit, l'application de l'article 27.3(b) de l'accord sur les ADPIC, Toutefois, il n'y a pas très longtemps que le système est en place. Toute disposition relative à la délivrance de brevets pour des plantes et des animaux soulève de fortes émotions, et même ceux qui les appuient reconnaissent que tous les problèmes n'ont pas encore été réglés, y compris dans les pays en développement. II est trop tôt pour imposer une nouvelle extension.

Suivre son temps

Les progrès scientifiques et technologiques ont été le moteur de la marche en avant de l'économie au XXe siècle. La propriété intellectuelle est aussi importante aujourd'hui que la propriété matérielle l'a été dans le passé. Dans tous les secteurs, la PI est essentielle au financement d'autres projets- Lorsque l'on introduit l'innovation dans te domaine des ressources biologiques, on crée inévitablement des complications et des incertitudes, mais il s'agit là de problèmes transitoires que I'on peut rapidement régler. Il n'est pas logique de se réfugier dans le passé. Les ADPIC doivent être renforcés pour exiger une solide protection, au moyen de brevets, pour tous les matériels biologiques issus de l'invention. 11 faut éliminer toutes les exemptions visées à l'article 27.3(b).

A la réunion du Conseil des ADPIC de l'OMC qui s'est tenue du 20 au 22 octobre 1999, les Etats-Unis et l'Inde ont chacun soumis des documents concernant l'article 27.3(b).209 Pour ce qui est de la protection des variétés végétales, les Etats-Unis sont en faveur du modèle de type américain fondé sur les brevets et ils soutiennent qu'il faudra examiner chaque modèle sui generis qui ne s'inspire pas de la Convention UPOV de 1991. A l'opposé, l'Inde affirme que l'Accord sur les ADPIC est en conflit avec la CDB et qu'il faut concilier les deux avant de pouvoir les mettre en œuvre au niveau national. Elle montre dans son document que les régimes de PI ne permettent pas de traiter convenablement certains aspects des connaissances autochtones. L'Inde conseille aux pays en développement d'envisager différents modèles de protection avant de mettre en œuvre précipitamment des systèmes sui generis.

Enfin, toute modification de l'article 27.3(b) nécessitera un consensus. Or, étant donné que les délais approchent rapidement et que la délivrance de brevets pour les plantes et les animaux est de nature litigieuse, ce consensus pourrait être difficile à atteindre.

L'étude de l'accord sur les ADPIC de l'OMC s'est placée en plein centre du débat qui s'est instauré dans le monde au sujet des revendications de propriété intellectuelle portant sur des matériels biologiques. L'opposition monte au sein des organisations agricoles et autochtones à l'encontre du «brevetage de la vie». Au milieu, se situe un groupe qui croit qu'il est trop tôt pour imposer des brevets pour les formes de vie.

Recommandation 15

Faut-il modifier I'accord sur les ADPIC ?

Le Groupe Crucible recommande à nouveau, comme en 1994, que les pays en développement signataires de l'Accord de I'OMC tirent pleinement avantage des possibilités et de la souplesse qu'offre la partie sur l'accord sur les ADPIC, en ce qui concerne les variétés végétales, pour exercer leur souveraineté nationale et faire leur choix ainsi que pour mettre au point les instruments législatifs les plus appropriés au développement de l'agriculture chez eux. Les gouvernements doivent garder à l'esprit qu'il n'est pas nécessaire d'avoir adhéré à une convention intergouvemementale pour avoir une loi sui generis efficace. Au moment où les gouvernements envisagent d'adopter une loi» le Groupe recommande que;

Image l'on maintienne l'option de refuser la protection des plantes et des animaux par un brevet. En outre, il faut conserver l'option, donnée par l'article 27.3(b), de protéger les variétés végétales par une loi sui generis efficace;

Image le Conseil des ADPIC reconnaisse que les pays les moins développés doivent se doter de moyens avant de pouvoir raisonnablement introduire une loi, et leur accorde les extensions dont ils ont besoin pour respecter les obligations imposées par le traité.

Le GCRAI et la propriété intellectuelle

Une évolution rapide de l'environnement de la PI et une privatisation croissante de la recherche agricole ont forcé le GCRAI, au cours des dix dernières années, à mettre au point des politiques et des procédures sur la PI. Cette démarche a été compliquée par le fait que le Système du GCRAI n'a pas de statut juridique et que ses membres représentent souvent des parties opposées dans le débat hautement politisé sur la PI. En outre, il y a au moins 14organes d'«élaboration de politiques» au sein du GCRAI. Après des années de discussion de la question par de nombreux comités, le Système du GCRAI en est toujours à mettre au point une politique d'ensemble cohérente sur la PI. Etant donné l'évolution trop rapide du cadre d'orientation international et le débat qui se poursuit dans de nombreux fora internationaux, le GCRAI a décidé en 1996 de faire du document intitulé «Principesdirecteurs sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques destinés aux Centres du GCRAI» un «document de travail provisoire qui sera constamment revu et corrigé». On y trouve entre autres principes celui-ci : «Les Centres ne revendiqueront pas la propriété légale du germoplasme qu'ils détiennent en fiducie et n'en demanderont pas la protection au moyen de la propriété intellectuelle ; ils demanderont aux destinataires de ce germoplasme de respecter les mêmes conditions, conformément aux accords signés avec la FAO.

L'utilisation de matériels et de technologies brevetés constitue un problème de plus en plus complexe pour le GCRAI. En 1998-1999, le Groupe d'experts du GCRAI sur la science et la technologie brevetées a été chargé d'examiner minutieusement les questions complexes de la propriété intellectuelle et de son rôle dans l'avenir du GCRAI. L'Accord FAO/GCRAI oblige les centres à exclure la protection par la PI du germoplasme «en fiducie». Jusque-là tout est clair. Mais qu'en est-il de la protection par la PI des technologies et des matériels mis au point par les scientifiques du GCRAI ? Les centres du GCRAI doivent-ils chercher à obtenir des droits sur les produits brevetés et, si oui, dans quelles circonstances ? Une enquête effectuée à la fin de 1997 par le Service international pour la recherche agricole nationale (SIRAN) a montré que les scientifiques des CIRA utilisent couramment des technologies brevetées (c.-à-d. des marqueurs optionnels, des promoteurs de gènes, des systèmes de transformation, etc.) dans la recherche biotechnologique.210 Quelles sont les conséquences juridiques de l'utilisation des produits brevetés de quelqu'un d'autre dans la recherche effectuée par le GCRAI ? Les scientifiques des CIRA sont-ils libres de diffuser les résultats qu'ils obtiennent grâce à.la science brevetée ? L'usage et le développement de la science brevetée au sein du GCRAI faussent-ils ou favorisent-ils sa mission, qui est d'assurer aux pauvres la sécurité alimentaire ? Voici quelques-unes des questions complexes auxquelles se trouve confronté le GCRAI dans les efforts qu'il fait pour définir son rôle de premier organe public de recherche agricole dans le monde, à une époque où les régimes de PI évoluent rapidement/où la science brevetée est présente et où les budgets de recherche déclinent.

Points de vue : Le GCRAI et la propriété intellectuelle

Conserver la Pl

La science brevetée a profondément changé la recherche agricole financée par le secteur public ainsi que Taccès et l'échange des ressources génétiques. Plus de 70 % de la biotechnologie agricole de pointe est produite et contrôlée par le secteur privé et elle est essentielle à l'augmentation de la production alimentaire, qui est l'objectif visé, Afin de pouvoir accéder aux technologies pertinentes, les CIRA doivent établir des partenariats avec le secteur privé et jouer un rôle actif dans les régimes de 'PI du monde, Ils ont besoin d'«êléments de négociation» de façon à pouvoir commencer à échanger des technologies brevetées avec le secteur privé. Les nouvelles technologies issues des CIRA doivent être protégées de façon à pouvoir être utilisées au profit des SNRA des pays en développement et des agriculteurs pauvres. Les accords sur la Pi sont finstrument essentiel qui permet de faciliter la commercialisation et le transfert de technologies. A l'avenir, ils pourraient môme être une source de revenus pour le GCRAi (bien que cela soit beaucoup moins important que d'assurer I'accès à et l'utilisation de la technologie),

Utiliser la PI à des fins défensives

Le GCRAI peut mener à bien la majeure partie de ses activités sans se tourner de façon Importante vers l'utilisation de la science brevetée. Cependant il doit chercher à défendre la PI pour les innovations lorsqu'elle est nécessaire, pour empêcher des opérateurs privés de les revendiquer et de se les approprier et pour s'assurer qu'elles demeurent dans le domaine public. Ce qui importe, c'est de ne pas perdre de vue la mission première ; servir les pauvres. Avec la réduction des budgets, le GCRAI doit examiner soigneusement les frais importants qu'il devra engager pour accroire ses possibilités de gestion de la PI, en tenant compte des autres besoins. II doit préconiser avec prudence te recours à la PI pour les éléments biologiques. Il serait utile au GCRAJ, par exemple, de chercher à obtenir une déflnîlton plus claire de l'exemption pour la recherche en vertu du droit des brevets. Tout cela peut être fait sans mettre en danger la mission du GCRAI, qui est de produire des biens publics Internationaux.

Rejeter te PI

Le GCRAi doit éviter la science brevetée parce qu'elle n'a que peu ou pas de rapport avec sa mission, à savoir soulager la faim et réduire la pauvreté, et, qu'elle faussera le mandat du GCRAi, qui est de servir les agriculteurs pauvres. La PI deviendra un obstacle qui empêchera le GCRAI d'accomplir sa mission. Les revendications en matière de PI sur la biodiversité permettent souvent à leurs auteurs de s'approprier les ressources et ; des connaissances des agriculteurs et des populations autochtones. La science brevetée paralyse déjà le libre-échange des ressources génétiques et les connaissances et ralentit considérablement la recherche et Tlnnovation dans le domaine agricole. Au lieu de créer avec [Industrie de la biotechnologie des partenariats commerciaux concernant des technologies capitaiistiques qui favorisent la monoculture industrielle, les CIRA doivent plutôt chercher à établir des partenariats avec les agriculteurs aux ressources limitées, et a utiliser les connaissances autochtones dans les systèmes agroécologiques locaux. Le GCRAI doit se prononcer clairement contre tous les accords de PI.

Même si aucune politique ne leur donne un mandat clair à ce sujet, plusieurs CIRA continuent à demander la protection de la PI pour des recherches liées au GCRAI. Le Centre international pour l'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), par exemple, figure comme co-inventeur sur un brevet de 1997relatif au maïs apomictique. Le CIMMYT affirme que l'obtention de ce brevet est une mesure défensive destinée à faire en sorte qu'il puisse mettre gratuitement du maïs apomictique à la disposition des agriculteurs aux ressources limitées des pays en développement.211 D'autres CIRA ont demandé (ou vont le faire) un brevet sur un nouveau vaccin pour animaux et sur une lignée améliorée résistante aux virus.212 En 1998, le GCRAI a clarifié sa position sur la PI. II a défini une série de lignes directrices sur les ressources génétiques et la PI, dont l'Accord de fiducie sur les ressources génétiques conclu avec la FAO. Il a aussi créé au sein du SIRAN une unité spéciale destinée à offrir aux CIRA des conseils juridiques sur la PI. En 1999, le Conseil consultatif du GCRAI a demandé au Comité des présidents des conseils d'administration des Centres et au Comité des directeurs des Centres de voir quelles pourraient être les prochaines étapes. Est-il nécessaire de mettre à jour la vérification de la PI à l'échelle du système ? Est ce que chaque CIRA doit-il gérer sa propre PI ou doit-il y avoir à cet effet un organe centralisé au sein du GCRAI ? Le GCRAI a déjà refusé, comme on le lui avait proposé, de centraliser entièrement entre les mains d'un nouvel organe la propriété des technologies protégées par les CIRA. Il est par ailleurs question de créer une filiale ad hoc qui gérerait, sous leurs plein contrôles, la PI de tous les CIRA concernés.

Autres développements

Les régimes de propriété intellectuelle évoluent rapidement. Dans les pages suivantes, le Groupe Crucible passe brièvement en revue les derniers développements concernant la PI. Malgré les efforts concertés déployés pour atteindre l'harmonie de part et d'autre des frontières nationales et régionales, la PI qui s'applique aux formes de vie reste entourée d'un climat decontroverse et d'incertitude.

Le Parlement européen approuve la directive sur les brevets

En vue d'harmoniser les règles au sein de l'Union européenne, le Parlement européen a approuvé de façon définitive en mai 1998 une «directive sur les brevets», controversée, en matière de biotechnologie. La Directiveeuropéenne sur la protection juridique des inventions biotechnologiques vise à harmoniser, au sein de l'UE, les lois nationales sur le brevetage du matériel génétique. Cette directive crée, pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, un droit explicite d'obtenir des brevets pour des organismes de niveau plus élevé, comme les plantes et les animaux.213 Toutefois, elle ne crée pas un brevet européen214 et n'a pas force exécutoire pour l'Office européen des brevets.215 La nouvelle directive est entrée en vigueur le 30 juillet 1998, et les Etats membres de l'UE ont deux ans pour appliquer ses dispositions.

Pendant la décennie qui a précédé son approbation, la directive sur les brevets a été, dans toute l'Europe, au centre d'un débat houleux sur la moralité de la biotechnologie et du brevetage de la vie. En 1995, les organisations de la société civile européenne opposées au brevetage de la vie ont pratiqué un lobbying intense et efficace pour faire rejeter un projet antérieur de la directive sur les brevets. Malgré l'adoption par l'UE de la directive sur les brevets, le brevetage de la biotechnologie reste controversé en Europe,216 et cette directive est d'ailleurs actuellement attaquée devant les tribunaux.

En octobre 1998, le gouvernement hollandais a introduit devant la Cour européenne de justice une demande en annulation contre la directive sur les brevets de l'UE. Le gouvernement italien s'est joint à l'initiative du gouvernement hollandais au début de 1999. Le nouveau gouvernement allemand a également exprimé son inquiétude au sujet de la directive et il a laissé entendre qu'il pourrait ne pas être en mesure d'adopter la loinécessaire pour la faire entrer dans le droit allemand.217

La directive sur les brevets de TUE établit clairement jusqu'à quel point il est possible, dans les 15Etats membres de l'UE, de demander un brevet pour des inventions liées à la biotechnologie. Elle permet le brevetage de végétaux et d'animaux transgéniques, à condition que soient respectés les critères habituellement requis pour l'obtention de brevets. Pour tenir quand même compte des préoccupations morales, la directive interdit la délivrance de brevets concernant des animaux transgéniques lorsqu'il s'agit d'inventions «susceptibles de causer des souffrances [aux animaux] sans que l'on en retire un avantage important sur le plan médical pour les hommes ou les animaux». La directive indique aussi que les demandes de brevet portant sur des végétaux et des animaux doivent préciser l'origine géographique des matériels brevetés. Dans le cas de matériels humains, la personne sur laquelle a été prélevé le matériel génétique doit avoir eu la possibilité de donner son consentement libre et éclairé «conformément à la législation nationale». Cependant, la directive ne prévoit pas de sanction pour ceux qui ne respectent pas ces exigences.218

Les êtres humains et les embryons humains ne peuvent faire l'objet d'un brevet, mais l'article 5 de la directive admet que des gènes humains «isolés du corps humain ou produits de toute autre façon au moyen d'un procédé technique» peuvent être brevetés, «même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel». La directive clarifie également la position de l'UE sur le brevetage de séquences partielles de gènes, en exigeant que la fonction ou l'application industrielle d'une séquence de gènes soit indiquée dans toutes les demandes de brevet.

La directive sur les brevets permet ce que l'on a appelé l'exemption des agriculteurs. Les petits agriculteurs peuvent utiliser librement, à des fins de propagation ou de multiplication dans leur propre ferme, les semences de certaines variétés végétales qu'ils ont conservées. Les gros agriculteurs doivent payer des redevances pour les semences qu'ils conservent à la ferme.

La directive ne prévoit pas que les phytogénéticiens pourront utiliser librement des variétés végétales, y compris des inventions biotechnologiques brevetées, comme base pour la création d'autres variétés — ce que l'on a appelé l'exemption des phytogénéticiens. De ce fait, les phytogénéticiens ne savent plus très bien s'ils peuvent, et dans quelles conditions, utiliser une variété végétale contenant des traits de caractère brevetés en vue de l'améliorer.219

Selon ceux qui s'opposent au brevetage de toutes formes de vie, l'approbation de la directive sur les brevets a ouvert les vannes à la «réification industrielle» de toutes les formes de vie, éliminant par là le dernier obstacle symbolique de l'Europe à la résistance légale. Pour ceux qui, au sein des gouvernements et de l'industrie, se prononcent en sa faveur, la directive sur les brevets apporte des éclaircissements dont on avait grandement besoin dans un secteur controversé du droit et offre un «compromis raisonnable» entre les vues de l'industrie biotechnologique et les préoccupations morales suscitées par la nouvelle orientation de la recherche génétique.220

Les Américains contestent devant les tribunaux la validité des brevets de modèle d'utilité sur les végétaux

En janvier 2000, une Cour d'appel fédérale a confirmé qu'un brevet pouvait être délivré aux Etats-Unis pour des végétaux et des semences. Cette décision constitue une victoire pour Pioneer Hi-Bred (Dupont), car elle établit que le Patent and Trademark Office américain a le pouvoir d'accorder des brevets pour des végétaux qui se reproduisent sexuellement. La Cour de circuit fédérale a déclaré que les phytogénéticiens pouvaient choisir pour la protection par la propriété intellectuelle soit les brevets de modèle d'utilité soit la loi américaine dite Plant Variety Protection Act, et elle a pris soin de préciser que les deux lois étaient compatibles.221

Il s'agissait d'un procès intenté par Pioneer Hi-Bred à un marchand de semence qu'elle accusait de ne pas avoir respecté un de ses brevets en achetant et en revendant 600 sacs de ses semences de maïs brevetées. Le marchand de semences a déclaré que l'affaire devait être classée parce que les brevets de modèle d'utilité (de type industriel) pour les variétés végétales sont illégaux. La Cour, en fin de compte, n'a pas retenu cet argument.

Mesures bilatérales/unilatérales destinées à protéger la PI

La création de l'OMC est censée empêcher ses membres d'adopter des mesures unilatérales pour atteindre leurs objectifs commerciaux. Toutefois, les Etats-Unis continuent à prendre de sévères mesures unilatérales et bilatérales, comme les sanctions dont ils frappent leurs partenaires commerciaux en vertu du processus de révision annuelle de la «Section Super 30l».222 Dans le cadre de ce processus, le gouvernement américain (en étroite consultation avec les groupes industriels) examine comment la propriété intellectuelle a été protégée dans plus de 70 pays et publie chaque année les noms de ses partenaires commerciaux qui, d'après lui, ne protègent pas de façon efficace la propriété intellectuelle. Les mesures de représailles prises par le gouvernement américain entrent dans différentes catégories, allant du simple avertissement à l'imposition de sanctions commerciales.

Dans certains cas, les Etats-Unis poussent les pays en développement à accepter, pour la protection par la PI, des mesures plus sévères que celles qu'exigé l'Accord sur la ADPIC de l'OMC. Par exemple, les Etats-Unis se sont plaints du fait que la nouvelle loi sur les brevets adoptée en Argentine reportait à l'an 2000 la délivrance de brevets pour les produits pharmaceutiques. Aux termes de l'Accord sur les ADPIC, les pays en développement ont jusqu'à dix ans après l'entrée en vigueur de l'Accord -c'est-à-dire bien après l'an 2000 — pour introduire progressivement la protection des nouveaux types de produits au moyen de brevets.

D'e nombreuses personnes, représentant différents points de vue dans le débat sur le commerce, considèrent que la «Section Super 301»va à l'encontre des objectifs de l'OMC et viole ses règles, lesquelles exigent qu'avant toutes sanctions commerciales, le Groupe spécial établi par l'Organe de règlement des différends de l'OMC rende une décision et approuve les mesures de représailles.

Accord multilatéral sur les investissements

L'Accord multilatéral sur les investissements (AMI)était un projet d'accord économique international qui a été négocié dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) entre 1995 et 1998. L'AMI visait à réduire les obstacles et les formalités inutiles qui gênent les entreprises désireuses d'investir — qu'il s'agisse de capitaux ou d'installations de production — au-delà de leurs frontières. En s'appuyant sur les préoccupations en matière de souveraineté nationale, l'absence de protection pour la main-d'œuvre et l'environnement et les questions de responsabilité des entreprises, un certain nombre de PMA et d'OSC ont vigoureusement protesté contre le manque de transparence dans les négociations de l'AMI et ont soutenu que les gouvernements allaient renoncer à leur pouvoir réglementaire au profit des multinationales. Après le retrait de la France, l'OCDE a suspendu les négociations de l'AMI en décembre 1998. Cependant, le Partenariat économique transatlantique, entre les Etats-Unis et l'Union Européenne est en train de promouvoir des accords semblables destinés à faciliter les mouvements d'investissements étrangers. Certains ont prédit que des questions de ce genre seraient ou devaient être incluses dans les négociations commerciales du cycle du millénaire. Bien sûr, en ne réussissant pas (mais ce n'est sans doute que partie remise) à lancer un nouveau cycle de négociations lors de leur réunion de Seattle, les Etats membres de l'OMC ont contrecarré les efforts de ceux qui auraient aimé les y voir incluses.

Un système trilatéral de brevets internationaux ?

Les bureaux des brevets du Japon, de l'Europe et des Etats-Unis traitent approximativement 80 % de toutes les demandes de brevet présentées dans le monde. En novembre 1997, les directeurs des bureaux des brevets des Etats-Unis, de l'Union européenne et du Japon se sont réunis à Kyoto et ont convenu de mesures destinées à intégrer dans un réseau mondial leurs systèmes respectifs d'examen des brevets.223

Les participants à la réunion de Kyoto ont convenu de créer un «Réseau trilatéral des brevets» informatisé qui permettra aux bureaux des brevets d'échanger des données technologiques et administratives sur les technologies pour lesquelles des demandes de brevet sont présentées. Les responsables gouvernementaux qui ont participé à la réunion trilatérale ont déclaré qu'à la suite des efforts faits pour intégrer les trois bureaux des brevets, un brevet pourrait un jour être reconnu et protégé dans les trois régions simultanément.

Conclusion*

Nous voici arrivés à la fin du volume 1 des rapports relatifs au Projet du Groupe Crucible II. Alors même que cette édition est en train d'être mise en page, d'importants changements se produisent dans les sciences biologiques et la biotechnologie. De la même façon, le cadre d'orientation évolue rapidement. Les délégués gouvernementaux et les observateurs engagés se préparent pour d'importantes réunions internationales, comme la Réunion spéciale intersessions sur l'alinéa 8(j) et sur les connaissances autochtones et locales, qui s'est tenue à Séville en mars 2000 ; la CDP V de la CDB, qui a eu lieu à Nairobi en mai 2000 ; le Forum mondial sur la recherche agricole et la Réunion intermédiaire du GCRAI, qui se sont déroulé à Dresde en mai 2000, pour n'en mentionner que quelques-unes. Les gouvernements nationaux sont en train de mettre sur pied des politiques internes. Le Pérou, par exemple, semble être sur le point d'introduire une loi réglementant l'accès et créant des formes de droits sui generis de propriété intellectuelle pour les connaissances traditionnelles. Les responsables kenyans travaillent à une loi nationale sur l'accès. La Malaisie a mis en chantier une loi sur la protection des variétés végétales. Très vraisemblablement, chaque pays du monde est en train d'élaborer des lois et des politiques qui affecteront la réglementation des ressources génétiques dans ce pays et, par voie de conséquence, dans le monde. Les groupes communautaires, les organisations de la société civile et les organisations autochtones travaillent durement pour établir des politiques aux niveauxlocal, national et international afin de s'assurer que leur voix soit entendue. On peut dire qu'il existe, au moment d'aller sous presse, un nombre incalculabled'initiatives de cegenre. Au Canada, le British Columbia Council of Indian Chiefs devait parrainer une conférence sur la protection des connaissances des populations autochtones.

Il est très difficile de simplement se tenir informé de tout ce qui se passe, en matière de ressources génétiques, dans les domaines de la science, de la technologie, des politiques, de la politique, des changements d'opinions au sein de la population et du droit. Il est encore plus difficile de contribuer de manière constructive au fonctionnement des rapports entre les divers acteurs. Notre intention, au départ, était de travailler dans le cadre d'un même projet avec un maximum d'intervenants représentant la gamme d'opinions la plus vaste possible, afin de nous frayer un chemin au travers de la masse de questions qui constitue ce que nous appelons maintenant le domaine des ressources génétiques. Nous espérons avoir ainsi rendu plus transparentes les diverses options qui s'ouvrent aux décideurs et aux intéressés dans les fora aussi bien nationaux qu'internationaux.

L'évolution dans ce domaine se fait à un rythme accéléré. Nous espérons que ce volume (et le volume 2 qui suit) permettra à tous de mieux comprendre la relation qui existe entre les différentes questions en jeu et conduira, à l'élaboration de politiques satisfaisantes pour toutes les parties.

* Ces remarques ont été ajoutées à la version anglaise du manuscrit par le Comité de gestion immédiatement avant publication.

Abréviations

ACTSAfrican Centre for Technology Studies
ADPICAspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce
ALENAAccord de libre-échange nord-américain
ASSINSELAssociation internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales
CAHchromosom e artificiel humain
CDBConventio n sur la diversité biologique
CDPConférenc e des Parties (à la Convention sur la diversité biologique)
CIMMYTCentre Internacional de Mejoramiento de Maiz y Trigo (Centre international pour l'amélioration du maïs et du blé)
CIPCentr o Internacional de la Papa (Centre international de la pomme de
terre)
CNUEDConférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement
CRDICentr e de recherches pour le développement international
CRGAACommission sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture
CTCComit é technique consultatif
DPDroit s des phytogénéticiens
DPI
EST
Droit s de propriété intellectuelle séquenc e EST (etiquettes de séquences exprimées)
FAOOrganisatio n des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
GATTAccord général sur les tarifs douaniers et le commerce
GCRAIGroup e consultatif pour la recherche agricole internationale
GIECGroup e intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat
IPGRIInstitu t international des ressources phytogénétiques (ancien IBPGR)
ISAAAInternational Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (Service international pour l'acquisition d'applications agrobiotechnologiques)
OCDEOrganisatio n de coopération et de développement économiques
OGMorganism e génétiquement modifié
OMCOrganisation mondiale du commerce
OMPIOrganisatio n mondiale de la propriété intellectuelle
OMVorganism e modifié vivant
OSCOrganisatio n de la société civile
PAMPla n d'action mondial
PCBD
PI
Programm e communautaire de conservation de la biodiversité et du développement propriét é intellectuelle
PNUpolymorphism e nucléotide unique
PNUDProgramm e des Nations Unies pour le développement
PPPhytogénétiqu e participative
RAFIFondatio n internationale pour l'essor rural
RGAARessource s génétiques pour l'alimentation et l'agriculture
RPAARessource s phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture
SINGERRésea u d'information à l'échelle du système pour les ressources génétiques (GCRAI)
SIRAN
TRUG
Service international pour la recherche agricole nationale technologie de restriction de l'usage de la génétique
UICNUnio n mondiale pour la conservation de la nature
UNESCOOrganisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

Notes

1. La CDB définit la «diversité biologique» comme étant le caractère variable des organismes vivants provenant de toutes les sources y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et, d'une façon générale aquatiques ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes.

2. United Nations Human Development Report, Oxford University Press, 1999, p. 70.

3. L'expression «propriétéintellectuelle (PI)» est souvent utiliséepour désigner globalement des droits tels que brevets, marques de commerce, secrets commerciaux, droits d'auteur, droits des phytogénéticiens, etc. Il s'agit de droits privés accordés par une autorité étatique à des «propriétaires» de PI pour une période précise, de façon à ce qu'ils puissent contrôler si, et dans quelles circonstances, d'autres peuvent utiliser leurs idées ou leurs innovations.

4. Dans ce document, nous utilisons l'expression «organisation de la société civile» (OSC) au lieu de «organisation non gouvernementale» (ONG). Cette expression désigne une association créée à des fins collectives et qui est essentiellement extérieure à l'Etat et au marché. Les OSC définissent des objectifs en matière de démocratie et de développement aux niveaux national et/ou international. L'expression «société civile» a une histoire longue et complexe dans la philosophie politique. Pour en savoir plus, voir Van Rooy, Alison, Civil Society and the Aid Industry: the Politics and Promise , Earthscan, Londres, avec l'Institut Nord-Sud, Ottawa, 1998.

5. Les membres du Groupe Crucible ne croient pas tous que le changement climatique mondial présente un grave danger.

6. Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, Knowledge for Development, New York, Oxford University Press, 1999, p. 16.

7. Ibid., p. 27.

8. Serageldin, Ismail et Joan Martin-Brown (éds), Ethics and values: a global perspective: proceedings ofan associated event ofthefifth annual World Bank Conference on Environmentally and Socially Sustainable Development, Banque mondiale, 1998, p. 46.

9. Banque mondiale, op. cit.

10. Ibid., p. 34.

11. Ibid., p. 34-35.

12. Ibid., p. 34.

13. Ibid., p. 35.

14. On est en train de réviser l'Engagement international afin de le rendre conforme à la CDB. Les droits des agriculteurs sont l'une des questions qui restent à résoudre. Pour plus de détails, voir le chapitre intitulé «Questions en suspens».

15. United Nations Human Development Report 1999, Oxford University Press, p. 25. 16. Ibid., p. 31.

17. Communiqué de presse 98/69 de la FAO, FAO Releases Annual State Of Food And Agriculture Report Showing Worldwide Number OfHungry People Rising Slightly Warns Of Slower Economie Growth In Most Developing Countries, FAO, Rome, 26 novembre1998. 18. United Nations Human Development Report 1999, p. 28.

19. Fonds des Nations Unies pour la population, The State of thé World's Population, 1996, p.l.

20. Voir par exemple : Serageldin, Ismail, «Biotechnology and Food Security in thé 21st Century», Science, 16 juillet 1999 ; Rosset, Peter, «Why Genetically Altered Food Won't Conquer Hunger», New York Times, 1er septembre1999.

21. FAO, Report on the State ofthe World's Plant Genetic Resourcesfor Food and Agriculture, 1996, p. 13, et IPGRI, Diversity for Development, 1999, p. 1. Selon la FAO, les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture comprennent la diversité desmatériels génétiques contenus dans les variétés traditionnelles et les cultivars modernes, ainsi queles variétés sauvages apparentées et autres espèces végétales sauvages que l'on peut utiliser maintenant ou qui pourront l'être à l'avenir pour l'alimentation et l'agriculture.

22. Communiqué de presse de la FAO, New FAO World Watch List for Domestic Animal Diversity Warns: Ûp to 1,500 Breeds are ai Risk of Extinction, 5 décembre 1995.

23. Cette estimation de 29 hectares par minute est tirée d'un communiqué de presse du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), PoorFarmers could Destroy Half of Remaining Tropical Forest, 4 août 1996.

24. Service des pêches de la FAO, The State of World Fisheries and Aquaculture, Rome, 1995, p. 8.

25. GCRAI, Déclaration du GCRAI lors de la 4e réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, Bratislava (Slovaquie), mai 1998.

26. Bryant, D. et L. Burke,Reefs at Risk: A Map-Based Indicator of Threats to thé World's Coral Reefs, Institut des ressources mondiales, 1998.

27. Walter, K.S., et H.J. Gillett (éds), 1997 IUCN Red List of Threatened Plants. Compiled by thé World Conservation Monitoring Centre, UICN, Gland (Suisse) et Cambridge (R.-U.), 1998. Lesauteurs précisent que cette étude repose sur des données réuniesprincipalement dans des pays industrialisés et qu'elle sous-estime de ce fait la véritable situation dans le monde.

28. Edwards, Rob, «Save our pathogens», New Scientist, 22 août 1998, p. 5.

29. Communiqué de presse 98/69 de la FAO, FAO Releases Annual State of Food and Agriculture Report Showing Worldwide Number of Hungry People Rising Slightly ; Warns of Slower Economie Growth in Most Developing Countries, FAO, Rome, 26 novembre 1998.

30. Maffi, Luisa, Linguistic and BiologicalDiversity: The Inextricable Link, document présenté à la Conférence internationale ayant pour thème : «La diversité en tant que ressource : les relations entre la diversité culturelle et une société axée sur l'environnement», Rome, 2-6 mars 1998.

31. Voir par exemple le texte sur les différents noms du croton dans les divers groupes ethniques et linguistiques, dans E.N. Meza et M. Pariona, «Nombres Aborigènes Peruanos de las especies de Croton que producen le latex denominado "Sangre de Grado"», dans E.N. Meza, (éd.), Desarrollando Nuestra Diversidad Biocultural: «Sangre de Grado» y le Reto de su Producciôn Sustentable en le Perû., Universidad Nacional Mayor de San Marcos Fondo Editorial, Lima, 1999.

32. Maffi, Luisa, op. cit.

33. Ibid.

34. Luisa Maffi cite R. Bernard dans son document, ibid.

35. Selon Louise Sperling, du CIAT, il existe deux approches générales de la phytogénétique participative : l'approche officielle et l'approche des agriculteurs. Dans l'approche des agriculteurs, ces derniers participent aux activités d'amélioration des plantes et de fournitures des semences lancées par des scientifiques agricoles appartenant à des organismes de recherche et développement. Dans l'approche officielle, les programmes peuvent viser à restructurer les méthodes officielles d'amélioration (p. ex. le type de germoplasme utilisé — local ou exotique ; la façon dont les tests sont effectués — centralisée ou décentralisée). Dans l'approche officielle, on peut aussi combiner deux objectifs : l'amélioration de la biodiversité et, de manière plus classique, l'accroissement de la production. Avec l'approche des agriculteurs, des agents extérieurs comme des chercheurs formés, des agents de mise au point et des paraprofessionnels appuient les systèmes de mise au point des cultures utilisés par les agriculteurs eux-mêmes. Chercher à accroîtreles aptitudes des agriculteurs de façon à contrôler et à structurer plus efficacement l'amélioration des plantes devient aussi important qu'identifier les diverses variétés adaptées à leur milieu géographique.

36. McGuire, S., G. Manicad et L. Sperling, Working Document 2. Technical and Institutional Issues in Participatory Plant Breeding: Done from thé Perspective of Farmer Plant Breeding, Programme sur la RPAS, Cali (Colombie), 1999. Voir aussi Weltzein, E., M. Smith, L. Meitzner et L. Sperling, Working Document 3, Technical and Institutional Issues in Forma Led Participatory Plant Breeding. A Global Analysis of Issues, Results and Current Expérience, Programme sur la RPAS, Cali (Colombie), 1999.

37. Le groupe de travail fait partie du Programme à l'échelle du système sur la recherche participative et l'analyse des sexes pour le développement technique et l'innovation institutionnelle (GCRAI).

38. Ces renseignements ont été fournis par M. RobertWatson, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat à la réunion intermédiaire du GCRAI tenue à Brasilia en juillet 1998. Source : CGIAR News, «Climate Change Expert Speaks at MTM98», août 1998, p. 14.

39. Heywood, V.H., éditeur exécutif, Global Biodiversity Assessment, publié pour le Programme des Nations Unies pour l'environnement par Cambridge University Press, 1995, p. 321.

40. Watson, Robert, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Remarque faite pendant son exposé à la réunion intermédiaire du GCRAI tenue en juillet 1998 à Brasilia. Cette donnée est tirée de copies des diapositives présentées par M. Watson.

41. Ibid.

42. Ibid.

43. Voir le rapport provisoire du Comité technique et consultatif au GCRAI,Climate Change and thé CGIAR, octobre 1999. Ce document a été distribué lors de la Semaine du Centre international, octobre 1999.

44. Petit, M.J., The Emergence of a Global Agricultural Research System. ESDAR Spécial Report No. 1, Banque mondiale, Washington (D.C.), 1996.

45. Ibid.

46. Alston, J.M.,P.G. Pardey et J. Roseboom, «Financing Agricultural Research:International Investment Patterns and Policy Perspectives», World Development, vol. 26, n° 6, 1998, p. 1057-1071.

47. Ibid.

48. Ibid.

49. Ibid.

50. Erbisch, F.H. et K.M. Maredia, Intellectual Property Rights in Agricultural Biotechnology, CAB International, Wallingford, 1998.

51. Brady, N.C., «Quo Vadis International Agricultural Research», p. 15-26. Dans C. Bonte-Friedheim et K. Sheridan (éds), The Globalization of ScienceThe Place of Agricultural Research, SIRAN, La Haye, 1998.

52. Anonyme, UC Berkeley and Novartis, «An Unprecedented Agreement», Global Issues in Agricultural Research, vol. 1, n° 3, 25janvier 1999, p. 5.

53. Serageldin, I., op.cit.

54. Discours de Gordon Conway intitulé The Rockefeller Foundation and Plant Biotechnology. Ce discours a été prononcé devant le conseil d'administration de Monsanto le 24juin1999 à Washington (DC).

55. Entretien personnel avec Richard Peterson, de la Securities Data Company. Voir aussi M & A Activity Hits Historié Levels, communiqué de presse de la Securities Data, 5 janvier 1998.

56. Securities Data, Inc.

57. Communiqué de presse de la CNUCED, Continued Upswing of Global FDI in 1996, 10 juillet 1997.

58. Agrow, n°335, 27 août 1999, et RAFI, RAFI News Release, 3 septembre 1999, «World Seed Conférence: Shrinking Club of Industry Giants Gather for Wake or Pep Rally?», sur l'internet: http://www.rafi.org

59. L'évaluation de la part de marché des dix premières entreprises semencières dépend de l'estimation de la valeur du commerce mondial des semences. L'ASSINSEL estime la valeur du marché des «semences et graines» à 22,8 milliards de dollars américains pour 44pays et à 30 milliards de dollars américains pour l'ensemble du monde. Les statistiques sur les semences établies par l'ASSINSEL (Association internationale des sélectionneurs pour la protection des obtentions végétales) sont disponibles sur l'internet : http://www.worldseed.org/~assinsel/stat.htm. La RAFI estime la valeur du commerce des semences à 23 milliards de dollars américains. Voir : Seed Industry Giants: Who Owns Whom et RAFI News Release, 3septembre 1999, sur l'internet: http://www.rafi.org

60. RAFI, The Gène Giants: Masters of thé Universe?, fondé sur des documents fournis par Fountain Agricounsel, LLC, RAFI Communiqué, mars/avril 1999.

61. Ibid.

62. On trouve parmi les grandes sociétés du domaine des sciences de la vie : Novartis, Monsanto, DuPont, Hoechst et AstraZeneca.

63. Bratic, W., P. McLane et R. Sterne, «Business Discovers the Value of Patents», Managing Intellectual Property, septembre 1998.

64. Le Dr Rupp a été cité sur le site électronique de Hoechst en 1996 : http://www.hoechst.com/press-e/13096e3.htm

65. Novartis, «We Are Novartis», Novartis Communication, Baie (Suisse), mars 1997.

66. Grooms, Lynn, «With Merger Completed, Harris Moran Focuses on Future», Seed & Crops Digest, janvier1999.

67. Hayenga, M., «Structural Change in thé Biotech Seed and Chemical Industrial Complex», AgBioForum, vol. 1, n° 2, automne 1998.

68. Ibid.

69. On peut diviser les marchés de la technologie en deux grandes parties : les marchés par produit et les marchés par territoire. Les deux dépendent des droits des propriétés intellectuelles, à des degrés divers. On trouve un exemple de subdivision des marchés dans une entente conclue par l'intermédiaire de l'ISAAA entre Monsanto et le gouvernement mexicain dans le but d'accorder une licence à Monsanto pour sa technologie transgénique antivirale en vue de l'utiliser pour les pommes de terre. La technologie a été transférée — gratuitement — au Mexique pour qu'il l'utilise dans deux variétés de pommes de terre cultivées localement. Il n'existe pas de marché d'exportation pour ces variétés, et les échanges commerciaux les concernant sont peu importants au Mexique, ce qui fait qu'elles ne seraient pas présentes sur les marchés où Monsanto pouvait demander le prix courant. Il est probable qu'ici, la subdivision ne dépendait pas essentiellement des droits des pays mais plutôt de la difficulté présentée par le transfert de la technologie à partir des variétés dans lesquelles ils étaient vendus. De tels arrangements se rencontrent dans d'autres cultures, en particulier celles qui sont plus importantes pour la subsistance que pour le commerce.

70. James, C, Global Review of Commercialized Transgenic Crops: 1998,Mémoire n° 8 de l'ISAAA. ISAAA, Ithaca (N.Y.), 1998.

71. Ibid.

72. Bernard Le Buanec, secrétaire général de la Fédération internationale du commerce des semences, dans un discours prononcé le 16 janvier 1998. Voir sur l'internet à : http://sci.mond.org/pubs.html, News Direct Alert C-127, 20/1/98.

73. James, C., op. cit.

74. Anonyme, «Food for Thought», The Economist, 19 juin 1999.

75. Les raisons de cette absence d'accord sur la portée, la définition et l'application du principe de précaution varient de question en question. Mais on peut dire qu'elles viennent d'un certain nombre de thèmes fondamentaux. On y trouve : le niveau de risque qui déclenche le besoin de mesures de précaution ; la nature et le volume des connaissances scientifiques qui doivent exister, ou ne pas exister, pour faire jouer le principe ; le degré de précaution qui est garanti une fois que le principe est censé s'appliquer ; la mesure dans laquelle on peut nuire à l'efficacité économique pour éviter tout risque en vertu de ce principe. Si l'on hésité au sujet de la définition du principe de précaution, c'est essentiellement parce que l'on se demande si a) il n'y a rien d'autre à faire au sujet d'une activité particulière à moins que ceux qui veulent la mener à bien ne puissent démontrer qu'elle ne présente aucun risque ou si b) il ne faut arrêter l'activité en question que lorsque l'on peut établir l'existence d'un risque évident, même si ce risque est plutôt restreint ou aléatoire. C'est cette divergence fondamentale —absence complète de risque contre existence d'un certain risque — qui semble opposer les observateurs intéressés.

76. Anonyme, dépêche d'agence, Washington (DC), 10 juin 1999.

77. Saegusa, Asako, Nature, 24 juin 1999.

78. Procès-verbal de la réunion du Conseil tenue les 24 et 25 juin 1999. Annexe : «Déclaration relative à la proposition de modifier la directive 90/220/CEE sur les organismes génétiquement modifiés». Déclaration du Conseil et de la Commission.

79. Anonyme, «A Golden Bowl of Rice», Nature Biotechnology, vol. 17, septembre 1999, p. 831.

80. Ibid.

81. Communiqué de presse de Monsanto, Monsanto Releases Seed Piracy Case Settlement Détails, 29 septembre 1998.

82. Marshall, Eliot, «Whose DNA is it, anyway?», Science, vol. 278, 24 octobre 1997, p. 565.

83. Moran, N., «Roche to Pay DeCode $200 Million for Disease Gène Discovery», BioWorld Today, 3 février 1998.

84. Marshal, Eliot, «Tapping Iceland's DNA», Science, vol. 278, 24 octobre 1997, p. 566.

85. «DeCode Deferred», lettre à l'éditeur dans Nature Biotechnology, volume 16, juin 1998, p. 496. Voir aussi, Andrews, Lori, et Dorothy Nelkin, «Whosebody is it anyway», The Lancet, 3janvier 1998.

86. Schwartz, John, «With Gène Plan, Iceland Dives Into a Controversy: Sale of Citizens' Genetic Code Pits Privacy Issues vs. Science»,International Herald Tribune, 13 janvier1999.

87. Voir site électroniquecréé par Mannvernd, un groupe de défense formé pour promouvoir des normes morales dans la recherche médicale : http://www.simnet.is/mannvernd/english/index.html

88. Cohen, P., «Hold thé Champagne», New Scientist, 14 novembre 1998, p. 6.

89. Mahnaimi, U., et M. Colvin, «Israël Planning Ethnic Bomb as Saddam Caves In», Times of London, 15 novembre 1998.

90. Kutukdjian, G., «The need for bioethics is universal», Biotechnology and Development Monitor, n° 31, juin 1997, p. 24.

91. Monsanto, rapport annuel de 1997.

92. Anonyme, citant William Haseltine, P.D.G. de Human Génome Sciences, Inc., Company Hopes Gène Trawl Will Bring in Big Cash Catch, Reuters, 16 juillet 1999.

93. Cohen, P., «Who Owns thé Clones»,New Scientist, 19septembre 1998, p. 4.

94. Pennisi, E., «Cloned Mice Provide Company for Dolly», Science, 24 juillet 1998, vol. 281, p. 495-497.

95. Cohen, P., «Who Owns thé Clones?», op cit.

96. Lemonick, M., «Dolly, You're History», Time, 3 août 1998, p. 64.

97. Brower, V., «Cloning Improvements Suggested», Nature Biotechnology, vol. 16, septembre 1998, p. 809.

98. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Working Group on thé Implications of Developments in Biotechnology for Conservation of Animal Genetic ResourcesRéversible DNA Quiescence and Somatic Cloning, rapport d'un atelier, 26-28 novembre 1997, Rome, 1998.

99. Anonyme, «Cloning Saves Endangered Breed», AgBiotech Reporter, septembre 1998, p. 19.

100. Schuman, M., M. Waldholz et R. Langreth, «Korean Experiment Fuels Cloning Debate», Wall Street Journal, 21 décembre 1998.

101. Ibid.

102. Cookson, Clive, «Cloned body parts, not babies, may get thé thumbs up», Financial Times, 9 décembre 1998.

103. Enriquez, J., «Genomics and thé World's Economy», Science, vol. 281, 14 août 1998, p. 925.

104. WO9633276 Nucleotide séquence of H Influenzae Rd génome, fragments thereof and uses therefore.

105. Human Génome Sciences, Inc., Human GénomeSciences Announces Haemophilus Influenza B Vaccine Project, communiqué de presse, 28 juillet 1995.

106. Ibid.

107. Erickson, D., «Microbial Genomics», Start-Up, décembre 1997. Voir aussi, Culotta, Elizabeth, «Science's Breakthroughs of thé Year», Science, vol. 278, numéro 5346, 19 décembre 1997, p. 2038.

108. Koonin, E., «Genomics microbiology: Right on target?», Nature Biotechnology, vol. 16, septembre 1998, p. 821.

109. Ferry, G., «The Human Worm», New Scientist, 5 décembre 1998, p. 33.

110. Belkin, L., «Splice Einstein & Sammy Glick. Add a Little Magellan», New York Times Magazine, 23 août 1998.

111. Moukheiber, Z., «A hail of silver bullets», Forbes, 26 janvier 1998, p. 78.

112. Thompson, Dick, «Gène Maverick», Time, 11 janvier 1999, p. 55.

113. Sansom, C., «Unravelling thé human génome», Scrip Magazine, septembre 1998, p. 45.

114. Wade, N., «It's a Three-Legged Race to Decipher thé Human Génome», New York Times, 23 juin 1998.

115. Belkin, L., op. cit.

116. Communiqué de presse de PerkinElmer, 9 mai 1998, PerkinElmer, Dr J. Craig Venter, and TIGR Announce Formation OfNew Genomics. Sur l'internet : http://www.perkin-elmer.com/press/prc5447.html

117. Wade, N., «In Génome Race, Government Vows to Finish First», New York Times, 15 septembre 1998.

118. Wade, N., «It's a Three-Legged Race to Decipher thé Human Génome», New York Times, 23 juin 1998.

119. Dépêche d'agence, Company's PCT Publications Now Cover 476 Human Gènes, 17 septembre 1998.

120. Entretien particulier avec John Doll, Bureau des brevets et marques de commerce (E.-U.), Division des brevets sur la biotechnologie, 22 septembre 1998.

121. McFarling, Usha Lee, «The Code War: Biotech Firms Engage in High-Stakes Fight Over Rights to thé Human Blueprint», San José Mercury News, 17 novembre 1998.

122. Communiqué de presse d'Incyte, Incyte Reports Year-End Results and 1999 Financial Targets, 3 février 1999. Sur l'internet: http://www.incyte.com

123. Hencke, D., R. Evans et T. Radford, «Blair (UK) and Clinton (US) Push to Stop Gène Patents», The Guardian, 20 septembre 1999.

124. Kher, U., «A Man-Made Chromosome», Discover, 8 janvier 1998, p. 40.

125. Ikeno, M. et al., «Construction of YAC-based mammalian artificial chromosomes», Nature Biotechnology, vol. 16, mai 1998, p. 431.

126. Taylor, R., «Superhumans», New Scientist, 3 octobre 1998.

127. Stix, G., «Personal Pills: Genetic différences may dictate how drugs are prescribed», Scientific American, octobre 1998.

128. Ibid.

129. Sansom, C., op. cit.

130. Dépêche d'agence, Bristol-Myers Squibb Commissions Largest-Ever Haystack New Automated System ; Will Accelerate High-Throughput Drug Discovery, 9 septembre 1998.

131. Inglis, Julian, «Traditional Health Systems», Nature and Resources, vol. 30, n°2, 1994, p. 3.

132. Gouvernement indien, communiqué de presse officiel, Asian Seminar on IPR Issues, 7octobre 1998. Sur l'Internet: http://206.252.12/gov/press/Oct07

133. Anonyme, Herbs as drugs, Directives sur la R-D, janvier/février 1998, p. 58.

134. Ibid.

135. Coen, S., «Fast Forward into thé World of Genomics», Seed World, septembre 1998, p. 26.

136. Ratner, M., «Compétition drives agriculture's genomics deals», Nature Biotechnology, vol. 16, septembre 1998, p. 810.

137. Freiberg, B., «Top Pioneer Executives Discuss a Completely Changing Seed Industry», Seed and Crops Digest, juin/juillet 1999, p. 12.

138. Delta and Pine Land Company, Delta and Pine Land Company and thé USDA Announce Receipt of Varietal Crop Protection System Patent, 3 mars 1998. Sur l'internet : http://biz.yahoo.com/prnews/980303/ms_delta_p_l.html

139. RAFI, «Traitor Tech: The Terminator's Wider Implications», RAFI Communiqué, janvier/février 1999. Sur l'internet : http://www.rafi.org

140. Subsidiary Body on Scientific, Technical and Technological Advice, Conséquences of thé Use of the New Technology for thé Control of Plant Gène Expression for thé Conservation and Sustainable Use of Biological Diversity, UNEP/CBD/SBSTTA/4/l/Rev.l , 17mai 1999, rédigé pour la quatrième réunion du SBSTTA, Montréal, 21-25 juin 1999, p . 4

141. RAFI, «The Terminator Technology», RAFI Communiqué, mars/avril 1998.

142. Freiberg, B., «Is Delta and Fine Land's Terminator Gène a Billion Dollar Discovery?», Seeds and Crop Digest, mai/juin 1998.

143. Ibid.

144. RAFI, The Terminator Technology: New Genetic Technology Aims to Prevent Farmers from Saving Seed, op. cit.

145. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, The State of thé World's Plant Genetic Resourcesfor Food and Agriculture (document de travail établi pour la Conférence technique internationale sur les ressources phytogénétiques, Leipzig (Allemagne), 17-23juin 1996), Rome, 1996.

146. Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SSBTTA), Conséquences of thé Use of thé New Technology for thé Control of Plant Gène Expression for thé Conservation and Sustainable Use of Biological Diversity, UNEP/CBD/SBSTTA/4/l/Rev.l, 17 mai 1999, rédigé pour la Quatrième réunion du SBSTTA, Montréal, 21-25 juin 1999, p. 11.

147. Ramsay,J., document non publié distribué par JonathanRamsay, de Monsanto Europe, Bruxelles, août 1998, jonathan.ramsay@monsanto.com

148. Collins, H., New Technology and Modernizing World Agriculture. Document non publié distribué par H. Collins à la réunioçi de la Commission de la FAO sur les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture, tenue à Rome en juin 1998.

149. Anonyme, «India Wary of Terminator», Nature Biotechnology, vol. 16, septembre 1998.

150. Le 30 octobre 1998, le GCRAI a annoncé qu'«il n'intégrerait pas dans ses matériels d'amélioration tous systèmes génétiques conçus pour empêcher la germination des semences. Cette décision a été prise pour tenir compte a) des craintes de propagation non intentionnelle par le pollen ;b) des possibilités de vente ou d'échange de semences viables en vue de les planter ; c)de l'importance des semences conservées à la ferme, surtout pour les agriculteurs aux ressources limitées ; d) des effets négatifs possibles sur la diversité génétique ; e) de l'importance pour l'agriculture durable de la sélection et de l'amélioration effectuées par les agriculteurs».

151. Lettre en date du 24février 1999 adressée par M.D.A. Evans, de Zeneca Agrochemicals, à Richard Jefferson, de CAMBIA. Cette lettre faisait partie de la documentation fournie pour la Quatrième réunion du SBSTTA, Montréal, 21-25juin 1999. Point 4.6 de l'ordre du jour provisoire.

152. Conway, Gordon, discours prononcé devant le conseil d'administration de Monsanto le 24 juin 1999 à Washington (DC).

153. Monsanto Corporation, Gène Protection Technologies:A Monsanto Background Statement, avril 1999, sur le site électronique de Monsanto: http://monsanto.com/monsanto/terminator/default.htm

154. Lettre ouverte envoyée par le P.D.G. de Monsanto, Robert B. Shapiro, au président de la Fondation Rockefeller, Gordon Conway, et à d'autres, 4 octobre 1999. Sur l'internet : http://www.monsanto.com/monsanto/gurt/default.htm

155. Becker, H., «Revolutionizing Hybrid Corn Production»,Agricultural Research, publié par l'USDA, décembre 1998.

156. Bicknell, R., et K. Bicknell, «Who will benefit from apomixis?», Biotechnology and Development Monitor, n° 37, mars 1999.

157. Ibid. Leministère américain de l'Agriculture, le Centre international pour l'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) au Mexique, l'Institut français de recherche pour le développement coopératif (ORSTOM), le Centre John Innés (R-U), l'Université de la Californie et l'Université de l'Utah figurent parmi les instituts publics de recherche qui détiennent des brevets concernant la technologie de l'apomictie.

158. Pour plus de renseignements sur l'apomixie et la Déclaration Bellagio sur l'apomixie, voir : http://billie.harvard.edu/apomixis/

159. Bengtsson, Bo, et Carl-Gustaf Thornstrôm, Biodiversity and Future Genetic Policy: A Study of Sweden, ESDAR, rapport spécial n° 5, Banque mondiale et ACDI, avril 1998. Voir également : Collins, Wanda et Michel Petit, Stratégie Issues for National Policy Décisions in Managing Genetic Resources, ESDAR, rapport spécial n° 4, Banque mondiale, avril 1998.

160. PNUD, Rapport sur le développement humain, 1999, p. 60.

161. UNESCO, Our Creative Diversity, Rapport de la Commission mondiale sur la culture et le développement, 1995, p. 107.

162. PNUD, Rapport sur le développement humain, 1999, p. 58.

163. Rapport du Groupe d'experts sur l'accès et le partage des avantages, première réunion, San José (Costa Rica), 4-8 octobre1999.

164. UICN, A Guide to thé Convention on Biological Diversity, p. 84.

165. La première résolution, C4/89, donne une interprétation acceptée qui reconnaît que les droits des phytogénéticiens ne sont pas nécessairement incompatibles avec l'UI. La seconde résolution, C5/89, reconnaît les «droits des agriculteurs» et les définit. La troisième résolution réaffirme le droit souverain des Etats sur leurs ressources génétiques et convient en principe qu'il faut mettre en œuvre les droits des agriculteurs au moyen d'un fonds international.

166. FAO, CGRFA-8/99/Rep, Annexe E, texte pour les articles 11, 12 et 15 rédigé par le Groupe de contact durant la Huitième session ordinaire de la Commission.

167. Voir résolution 5/89, adoptée lors de la 25 esession de la Conférence de la FAO en novembre 1989. Cette résolution indique, entre autres, que : «On entend par "droits des agriculteurs" les droits découlant des contributions passées, présentes et futures des agriculteurs pour ce qui est de conserver, d'améliorer et d'offrir des ressources phytogénétiques...».

168. Commission des droits de l'homme, Sous-commission de la prévention de la discrimination et de la protection des minorités, The Realization of Economic, Social and Cultural Rights, étude mise à jour sur le droit à l'alimentation, soumise par M. Asbj0rn Eide le 28 juin 1999, E/CN.4/Sub.2/1999/12.

169. FAO, CGRFA-8/99/Rep, Annexe E, texte de l'article 15 — droits des agriculteurs —rédigé par le Groupe de contact durant la huitième session ordinaire de la Commission.

170. Résolution 3 de l'Acte final de Nairobi de la Conférence pour l'adoption du texte accepté de la CDB.

171. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Global Plan of Action for thé Conservation and Sustainable Utilization of Plant Genetic Resources for Food and Agriculture and thé Leipzig Déclaration adopted by thé International Technical Conférence on Plant Genetic Resources, Leipzig (Allemagne), 17-23juin1996.

172. Communiqué de presse de la RAFI, Toward A Global Moratorium on Plant Monopolies, 9 février 1999.

173. Rural Advancement Foundation International and Héritage Seed Curators Australia,

Plant Breeders' Wrongs: An Inquiry into the Potential for Plant Piracy through thé International Intellectual Property Conventions, septembre 1998. Sur l'internet : http://www.rafi.org

174. Dans plus d'un tiers des cas concernant l'Australie, le Plant Varieties Rights Journal du PBRO australien n'apporte aucune preuve d'amélioration, et rien n'indique par ailleurs qu'une réelle amélioration s'est produite. On se trouve donc là en contradiction avec l'article 5 de la Loi de 1987 sur les variétés végétales et l'article 10 de la Loi de 1994 sur les droits des phytogénéticiens, qui indique : «Rien dans la présente loi n'exige ou ne permet l'octroi de DP sur une variété végétale... sauf si... l'amélioration de cette variété végétale constitue une invention» (traduction). Source : Rural Advancement Foundation International et Héritage Seed Curators Australia, Plant Breeders' Wrongs, septembre 1998. Sur l'internet: http://www.rafi.org

175. Pour une liste détaillée des revendications (acceptées et en suspens) en matière de propriété intellectuelle et de licences exclusives concernant les variétés végétales, qui font l'objet d'une enquête de la RAFI et de la HSCA, voir : http://www.rafi.org/pbr/

176. Communiqué de presse de la RAFI, Plant Breeders' Wrongs Righted in Australia?, 10 novembre 1999. Sur l'internet: http://www.rafi.org/pr/release24.html

177. Les nouvelles instructions destinées aux demandeurs de DP en Australie ont été publiées dans le Plant Variety Rights Journal, vol. 11, n°3, p. 2-5.

178. Différentes directions du Queensland Dept. of Primary Industry offraient une variété de blé du CIMMYT, le SERI, avec un contrat de propagation à durée limitée. Le CIMMYT a réagi, et il a été mis fin à cette initiative.

179. CIP (Centre international de la pomme de terre), Rapport annuel de 1998, Lima (Pérou), 1999, p. 20.

180. ibid., p. 36 et 39.

181. Roberts, Royston M, SerendipityAccidentai Discoveries in Science, Wiles & Sons, 1989, p. 54.

182. New Scientist, «Bouncing Back», 26 juin 1999, p. 27.

183. Fostering Plant Innovation: ASSINSEL Brief on Review of TRIPs 27.3(b) sur http://www.worldseed.org/~assinsel/IntpropO.pdf

184. Commission des droits de l'homme, Sous-commission de la prévention de la discrimination et de la protection des minorités, The Realization of Economic, Social and Cultural Rights, étude mise à jour sur le droit à l'alimentation, soumise par M. Asbjørn Eide, 28 juin 1999, E/CN.4/Sub.2/1999/12.

185. The Thammasat Resolution: Building and Strengthening our Sui Generis Rights, résolution adoptée pa r 45représentants d'organisations autochtones, agricoles, non gouvernementales, universitaires et gouvernementales de 19 pays à une réunion tenue du 1erau 6 décembre 1997 près de Bangkok (Thaïlande).

186. Communication du Kenya au nom du groupe africain, Préparations for thé 1999 Ministerial ConférenceThe TRIPs Agreement, World Trade Organization, WT/GC/W/302, 6août 1999. Sur l'internet: http://www.wto.org/wto/ddf/ed/public.html

187. Conseil général de l'OMC, préparatifs de la Conférence ministérielle de 1999, Proposai on Protection of the Intellectual Property Rights Relating to the Traditional Knowledge of Local and Indigenous Communities, Communication de la Bolivie, de la Colombie, de l'Equateur, du Nicaragua et du Pérou, WT/GC/W/36212, octobre1999.

188. Lettre de David R. Downes, avocat principal, Centre pour le développement du droit international de l'environnement, à Todd Dickinson, secrétaire adjoint au Commerce par intérim et Commissaire par intérim des brevets et marques de commerce, 30 mars 1999.

189. Centre pour le développement du droit international de l'environnement (CIEL), communiqué de presse du CIEL, US Patent Office Cancels Patent on Sacred «Ayahuasca» Plant, 4 novembre 1999.

190. La Loi finale regroupant les résultats de l'Uruguay Round des négociations commerciales multilatérales comprend l'Accord établissant l'Organisation mondiale du commerce et, entre autres, les accords multilatéraux suivants qui ont force exécutoire pour toutes les parties contractantes: 1)les Accordsmultilatéraux sur le commercedes marchandises ; 2)l'Accord général sur le commerce des services ; 3)l'Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce.

191. PNUD, Rapport sur le développement humain, 1999, p. 67.

192. CNUCED, The TRIPS Agreement and Developing Countries, Nations Unies, Genève, 1996.

193. «La Déclaration de Nairobi», Conférence internationale sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerceet la Convention sur la diversité biologique, organisée par le African Centre for Technology Studies (ACTS) en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), 6 et 7 février 1999.

194. Deux pays adhèrent toujours à la Convention de 1961, révisée en 1972 : la Belgique et l'Espagne.

195. Communiqué de presse de l'UPOV, The 1991 Act of the International Convention for thé Protection of New Varieties of Plants Enters into Force, Genève, 21 avril 1998.

196. ASSINSEL, Development of New Plant Varieties and Protection of Intellectual Property, déclaration adoptée au Congrès de Melbourne en juin 1999. Sur l'Internet: http://www.worldseed.org.

197. Voir, par exemple, Ekpere, J.A., Alternative to UPOV for the Protection of New Plant Varieties, document distribué à l'atelier régional organisé conjointement par l'UPOV, l'OMPI et l'OMC sur The Protection of Plant Varieties under Article 27.3(b) of the TRIPS Agreement, Nairobi, 6-7mai 1999. Voir aussi, Sahai, Suman, «Protection of New Plant Varieties: A Developing Country Alternative»,Economie and Political Weekly, vol. XXXTV, nos 10 et 11, mars 1999.

198. En fait, la Loi de 1978 sur la Convention de l'UPOV ne dit rien sur les semences conservées à la ferme. L'article 5(1) sur les droits protégés et la portée de la protection stipule : «(1) L'effet du droit accordé au phytogénéticien est que son autorisation préalable sera nécessaire pour : la production à des fins de commercialisation ; la mise en vente ; et la commercialisation des semences reproductives ou végétatives de la variété.» (traduction). Etant donné que seule la commercialisation est interdite, la production à d'autres fins est permise.

199. Article 15(2) de la Loi de 1991 : «[Exception optionnelle] Nonobstant l'article 14, chaque Partie contractante peut, dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes du phytogénéticien, restreindre le droit de ce dernier sur toute variété afin de permettre aux agriculteurs d'utiliser pour semer, sur leurs propres terres, le produit de la récolte qu'ils ont obtenu en plantant, sur leurs propres terres, la variété protégée ou une variété visée par les sous-alinéas 14(5)(0)(i) ou (ii). (traduction)»

200. Alinéa 5(l)(i) de la Loi de 1991 : «Exceptions obligatoires :les droits des phytogénéticiens ne doivent pas être étendus à des mesures prises à titre privé et à des fins non commerciales, (traduction)»

201. Il s'agissait d'une disposition facultative de la loi de 1978, paragraphe5(4).

202. Voir Leskien, Dan, et Michael Flitner, «Intellectual Property Rights and Plant Genetic Resources: Options for a Sui Generis System»,Issues in Genetic Resources,n° 6, Rome,1997.

203. Pour plus de renseignements, voir Beyond UPOV: Examples of developing countries preparing non-UPOV sui generis plant variety protection schemesfor compliance with TRIPs, GRAIN, juillet 1999. Sur l'internet : http://www.grain.org/publications/reports/nonupov.htm

204. Ekpere, J.A., Alternative to UPOV for thé Protection of New Plant Varieties, document distribué à l'atelier régional organisé conjointement par l'UPOV, l'OMPI et l'OMC sur The Protection of Plant Varieties under Article 27.3(b) of thé TRIPs Agreement, Nairobi, 6-7 mai 1999.

205. Rivera, V.S., et P.M. Cordero, Costa Rica's Biodiversity Law: Sharing thé Process, document établi pour l'atelier sur le Biodiversity Conservation and Intellectual Property Régime, organisé par le Système de recherche et d'information pour les pays non alignés et autres pays en développement (SRI)en collaboration avec l'Union mondiale pour la nature, New Delhi, Inde, 29-31janvier 1999.

206. Centre international pour le commerce et le développement durable, «TRIPs Council discusses plant patenting», Bridges Weekly Trade News Digest, vol. 3, n° 15/16, Genève, 26 avril 1999.

207. Ekpere, J.A., op. cit. Voir aussi TRIPs vs. Biodiversity: What to do with thé 1999 review of Article 27.3(b), GRAIN, mai 1999. Sur l'internet : http://www.grain.org/publications/reorts/tripsmay99.htm

208. Anonyme, «US Sees No TRIPs Negotiations at Seattle, Focuses on Implementation», Inside US Trade, vol. 17, n° 31, 6 août 1999.

209. Centre international pour le commerce et le développement durable, «North-South Divide Splits TRIPs Council», Bridges Weekly Trade News Digest, vol. 3, n° 42, 25 octobre1999.

210. SIRAN, The Use of Proprietary Biotechnology Research Inputs at Selected CGIAR Centres, projet, 29janvier1998.

211. Reeves, T.G., 1997, Apomixis Research: Biotechnology for the Resource-PoorSome Ethical And Equity Considérations.

212. CGRAI, Report of the CGIAR Expert Panel on Proprietary Science and Technology, réunion intermédiaire, 25-29 mai 1998, Brasilia (Brésil).

213. Leskien, D., «The European Patent Directive on biotechnology», Biotechnology and Development Monitor, n° 36, septembre/décembre 1998, p. 16-19.

214. A noter que la Convention sur le brevet européen compte plus d'Etats membres que l'Union européenne. On y trouve en effet tous les Etats membres de l'UE plus Chypre, le Liechtenstein, Monaco et la Suisse.

215. Pour plus de renseignements sur le système européen des brevets, voir : Leskien, D., op. cit., p. 16-19. Leskien note que l'interprétation de «variétés végétales» dans les directives sur les brevets est incompatible avec celle de la CBE. Toutefois, la CEE n'empêche pas ses membres de délivrer des brevets pour des inventions qui ne sont pas brevetables en vertu de la CBE.

216. En juin 1998, les Suisses ont tenu un référendum national sur le brevetage des gènes. Ils ont répondu non à ce référendum qui, dans le cas contraire, aurait rendu illégal le brevetage des végétaux et des animaux. (La Suisse n'est pas membre de l'Union européenne mais elle a adhéré à la Convention sur le brevet européen.)

217. Nature, 10 décembre 1998.

218. Les dispositions pertinentes se trouvent dans le Préambule:

(26) Attendu que, si une invention est fondée sur du matériel biologique d'origine humaine ou si elle fait appel à un tel matériel, lorsqu'une demande de brevet est déposée, la personne sur laquelle le matériel a été prélevé doit avoir eu la possibilité de donner son consentement libre et éclairé, conformément à la loi nationale ;

(27) Attendu que, si une invention est fondée sur du matériel biologique d'origine végétale ou animale ou si elle fait appel à un tel matériel, la demande de brevet doit, le cas échéant, comporter des renseignements sur l'origine géographique de cematériel, si elle est connue, sans préjudice du traitement de la demande de brevet ou de la validité des droits découlant du brevet accordé, (traduction)

219. En juin 1999, les phytogénéticiens des secteurs privé et public de 31 pays industrialisés et en développement, représentant plus de 1000entreprises semencières, se sont retrouvés à Melbourne dans le cadre d'une réunion de l'ASSINSELpour définir leurs positions sur la PI. Lesmembres de l'ASSINSEL ont adopté une motion indiquant que lorsqu'une variété végétale disponible dans le commerce, qui bénéficie de la protection des variétés végétales, contient des caractères brevetés, elle doit rester librement accessiblepour être améliorée davantage, conformément à l'exception des phytogénéticiens prévu dans les systèmes de l'UPOV et dans ceux qui s'en inspirent.

220. Cohen, S., «Unravelling code of genetic patents», The Lawyer, 29 septembre 1998.

221. fl existe aux Etats-Unis trois systèmes distincts de propriété intellectuelle pour les plantes : 1)la Plant Patent Act (PPA) de 1930, pour les nouvelles variétés végétales qui ne se reproduisent pas sexuellement ; 2) la Plant Variety Protection Act de 1970, pour les variétés végétales qui se multiplient sexuellement ; 3)les brevets de modèle d'utilité américains (protection étendue aux végétaux en 1985 par le Bureau américain des brevets et marques de commerce).

222. Le gouvernement américain soutient que les Etats-Unisconcluent des accords régionaux et bilatéraux qui ne créent pas des blocs commerciauxrégionaux fermés et qui n'érigent pas non plus des obstacles pour ceux qui ne sont pas parties à ces accords. Les ADPIC ne permettront aucun de ces types de programmes.

223. Anonyme, «Japan, US, EU to integrate patent screening Systems», Japan Economic News Wire, 14novembre 1997.