Le marché mondial
de la propriété intellectuelle
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Droits des communautés traditionnelles et indigènes
• CENTRE DE RECHERCHES POUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL •
• WWF ( SUISSE ) — FONDS MONDIAL POUR LA NATURE •
Publié conjointement par le
Centre de recherches pour le développement international
BP 8500, Ottawa ( Ontario ), Canada K1G 3H9
et le
WWF ( Suisse )
14 chemin de Possy, 1214 Vernier, Genève, Suisse
© Centre de recherches pour le développement international /WWF ( Suisse ) — Fonds Mondial pour la Nature 1997
Données de catalogage avant publication ( Canada )
Posey, Darrell A. ( Darrell Addison ), 1947–
Le marché mondial de la propriété intellectuelle : droits des communautés traditionnelles et
indigènes
Traduction de : Beyond intellectual property.
Publ. en collab. avec : WWF ( Suisse ) — Fonds Mondial pour la Nature.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 0-88936-823-6
1. Autochtones — Droits.
2. Biens culturels — Protection.
3. Propriété intellectuelle.
4. Etnologie.
I. Dutfield, Graham.
II. Centre de recherches pour le développement international ( Canada ).
III. WWF ( Suisse ) ( Organisation ).
IV. Titre.
GN380.P67141997 342’.0872 C97-900048-3
Édition microfiche offerte sur demande.
Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée dans un système d’interrogation ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique, mécanique, photocopié ou autrement, sans l’autorisation préalable du Centre de recherches pour le développement international ou du WWF ( Suisse ).
Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles du Centre de recherches pour le développement international ou du WWF ( Suisse ). La mention de noms déposés ne constitue pas une acceptation du produit et n’est faite qu’à titre d’information.
Les Éditions du CRDI s’efforcent de produire des publications respectueuses de l’environnement. Tout le papier utilisé est recyclé et recyclable. Toutes les encres et couleurs sont des produits à base de végétaux.
Avant-propos |
|
Remerciements | |
Introduction | |
Chapitre 1 | |
Quelles sont les personnes qui visitent les communautés autochtones ? | |
Qu’ycherchent-elles ? | |
Pourquoi ces connaissances et ces ressources sont-elles recherchées ? | |
Conclusions | |
Chapitre 2 | |
Centres de conservation des ressources biogénétiques | |
Le secteur commercial | |
Musées, galeries d’art et commerce des œuvres d’art | |
Musées, universités et restes humains | |
Bibliothèques, archives et bases de données électroniques | |
Conclusions | |
Chapitre 3 | |
Valeur et importance des connaissances traditionnelles | |
Publicationetdomainepublic | |
Qu’est-cequ’une « indemnisationjuste » ? | |
Conclusions | |
Chapitre 4 | |
Violation du droit des peuples autochtones à être informés | |
Conclusions |
Chapitre 5 |
|
Les effets du commerce | |
Première option : « refuser » lecommerce | |
Deuxième option : « accepter » lecommerce | |
Conclusions | |
Chapitre 6 | |
Les systèmes de propriété occidentaux et autochtones et le droit coutumier | |
Options organisationnelles | |
Qui sont les partenaires ? | |
Conclusions | |
Chapitre 7 | |
Accords juridiques | |
Accords non juridiques | |
Pactes et contrats types | |
Conclusions | |
Chapitre 8 | |
Brevets | |
Petits brevets | |
Droit d’auteur | |
Marques de commerce | |
Dessins et modèles industriels | |
Secrets commerciaux | |
Droits des obtenteurs | |
Indications géographiques et appellations d’origine | |
Authentification et étiquetage | |
Conclusions | |
Chapitre 9 | |
Que sont les droits sur les ressources traditionnelles ? | |
Droits de propriété intellectuelle communautaires | |
Projet de loi type sur les droits intellectuels communautaires | |
Les dispositions types UNESCO-OMPI | |
Conclusions |
Chapitre 10 |
|
L’accord du GATT relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce | |
La Convention sur la diversité biologique | |
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et Pacte international relatif aux droits civils et politiques | |
La Convention du patrimoine mondial | |
La Conventionde Rome | |
Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels | |
La Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail | |
Conclusions | |
Chapitre 11 | |
Qu’appelle-t-on « lois douces » et en quoi sont-elles pertinentes ? | |
La Déclaration universelle des droits de l’homme | |
L’ECOSOC et le Groupe de travail sur les populations autochtones | |
La Déclaration de Rio | |
Action 21 | |
Le Code international de conduite de la FAO pour la collecte et le transfert de matériel phytogénétique | |
Les documents culturels de l’UNESCO | |
Conclusions | |
Chapitre 12 | |
Déclarations des peuples autochtones | |
Orientations et déclarations de nature éthique | |
Conclusions | |
Chapitre 13 | |
Qui sont les bailleurs de fonds ? | |
Le Fonds pour l’environnement mondial | |
Le Fonds pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs | |
Conclusions |
Chapitre 14 | |
Initiatives communautaires | |
Réseaux | |
Lois types de mise en œuvre de la Convention sur la divesité biologique | |
Autres lois nationales | |
Chapitre 15 |
|
Annexes | |
1. Le Projet sur la diversité du génome humaine | |
2. Le Pacte relatif aux ressources intellectuelles, culturelles et scientifiques | |
3. Déclaration des principes du Conseil mondial des peuples indigènes | |
4. Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones | |
5. Déclaration de Kari-Oca et Charte de la terre des peuples autochtones | |
6. Charte des peuples indigènes et tribaux des forêts tropicales | |
7. La Déclaration de Mataatua sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones | |
8. Recommandations formulées au congrès intitulé « Voix de la Terre » | |
9. Réunion régionale COICA-PNUD sur les droits de propriété intellectuelle et la biodiversité | |
10. Consultation du PNUD sur la protection et la conservation des connaissances autochtones | |
11. Consultation du PNUD sur les connaissances et droits de propriété intellectuelle des peuples autochtones | |
Glossaire | |
Acronymes et abréviations | |
Références bibliographiques | |
Ressources | |
Noms de personnes et d’organisations | |
Courrier électronique | |
Adresses World Wide Web | |
Bibliographie analytique |
Liste des encadrés |
|
La Déclaration de Belém | |
1.1 Le tourisme ethnique à Tana Toraja | |
1.2 L’Institut de biodiversité d’Éthiopie | |
1.3 La forêt de l’enfant perdu, appelée Naimina Enkiyio, dans les collines de Loïta ( comtéde Narok ), au Kenya | |
1.4 La Réserve de la biosphère de Manu | |
2.1 Membres du GCRAI ( Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale ) | |
2.2 Trois demandes de brevets relatifs à des cellules de peuples autochtones | |
2.3 Les centres de ressources sur les connaissances autochtones | |
2.4 Le Fonds mondial pour la sauvegarde des cultures autochtones | |
2.5 Programa de Colaboración sobre Medicina Tradicional y Herbolaria | |
3.1 Homalanthus nutans | |
3.2 La Shaman Pharmaceuticals et la COICA | |
3.3 Stevia rebaudiana | |
4.1 Utilisation commerciale d’images humaines : un exemple de l’Amazonie | |
4.2 Abus de confiance : une affaire judiciaire en Australie | |
5.1 Bixa orellana : l’Association des Yawanawas et la société Aveda | |
6.1 Contrôles et sanctions dans le bassin de la rivière Kafue, en Zambie | |
7.1 Les lois sur les logiciels, fondement d’un contrat de licence | |
7.2 Les lettres de collecte du National Cancer Institute | |
7.3 Le protocole d’entente des Royal Botanical Gardens | |
8.1 Qu’est-ce que l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ? | |
8.2 Le neem, un biopesticide traditionnel et moderne | |
8.3 L’endode d’Éthiopie | |
8.4 La thaumatine, un édulcorant naturel de l’Afrique de l’Ouest | |
8.5 Bulun Bulun contre Nejlam Pty Ltd | |
8.6 La méthode rapide et facile de posséder une « forêt tropicale humide » | |
10.1 Étude d’impact sur l’environnement | |
10.2 Un centre d’échange | |
10.3 Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques | |
10.4 Protocoles spéciaux sur les technologies autochtones et traditionnelles fondées sur les connaissances, innovations et pratiques des communautés locales incarnant des modes de vie traditionnels | |
10.5 Options concernant un protocole sur la biosécurité et les technologies traditionnelles | |
10.6 Les tissus sacrés de Coroma, en Bolivie | |
13.1 Le Programme « Protéger une acre » de Rainforest Action Network | |
A1.1 L’Organisation du génome humain | |
A1.2 Hoffmann-LaRoche, les NIH et les Aetas | |
A1.3 Les DPI et le matériel génétique humain |
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Le Groupe de travail sur les droits de propriété intellectuelle a été établi en 1990 par la Coalition mondiale pour la diversité bioculturelle dont la mission était d’amener les peuples autochtones, les organisations scientifiques et les groupes écologistes à travailler ensemble à la mise en œuvre d’une stratégie énergique portant sur l’utilisation des connaissances traditionnelles, la participation des populations locales à la réalisation des stratégies de conservation et de développement, et l’application de nouveaux modèles de conservation axés sur les populations.
Grâce au généreux soutien du Fonds Mondial pour la Nature ( WWF International ), le groupe de travail a réussi à dresser une liste d’envoi ainsi qu’à établir un catalogue informatisé de publications sur les droits de propriété intellectuelle ( DPI ) et de personnes qui s’y intéressent, et à organiser plusieurs colloques sur ce thème à l’intention des peuples autochtones. Ces colloques visaient à sensibiliser ces peuples à la pertinence et à l’urgence des questions de DPI dans le contexte créé par deux grands processus mondiaux de négociation — la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement ( CNUED ), ou Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992, et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ( GATT ). Ils ont aussi permis de se mettre à l’écoute des communautés autochtones et de comprendre leurs préoccupations pour que le débat sur les DPI porte sur leurs besoins, leurs espoirs et les problèmes pratiques auxquels ils sont confrontés.
Au Sommet de la Terre, la Coalition mondiale a organisé le Parlement de la Terre, principal forum des peuples autochtones et traditionnels. Les leaders autochtones de plus de 80 pays s’y sont retrouvés et y ont examiné des questions d’intérêt mutuel, y compris les DPI.
Depuis le Sommet de la Terre, des douzaines de conférences, de colloques et d’ateliers ont été tenus avec des représentants des peuples autochtones pour discuter de l’évolution du débat sur les DPI. Mentionnons les rencontres organisées pendant quatre années consécutives par le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones, à Genève, en Suisse, ainsi que la Conférence des Nations Unies sur les droits de l’homme, qui a eu lieu à Vienne, en Autriche, en 1993. Dans le présent ouvrage, il a été tenu compte de ces efforts ainsi que de la contribution de nombreuses personnes sur une très longue période.
Notre ouvrage s’articule autour d’une série de questions qui risquent, à notre avis, de surgir dans une communauté lorsqu’un visiteur arrive pour recueillir de l’information ou des matériels culturels ou biogénétiques. Qu’il s’agisse d’un établissement autochtone dans l’Amazonie ou d’un village rural d’Angleterre, ces questions seraient les mêmes. Au
début de chaque chapitre, on trouvera un résumé des principales questions qui y sont abordées et, à la fin, une liste d’options et d’actions possibles.
La terminologie utilisée est un mélange de jargon scientifique, juridique, économique et politique — pas toujours facile à comprendre et encore plus difficile à traduire. Mais l’élaboration de la notion sui generis de droits sur les ressources traditionnelles ( DRT ) nous obligeait, en raison de la synthèse qu’elle suppose, à familiariser le lecteur avec un aussi grand nombre de termes que possible. Dans le glossaire, nous proposons une définition des termes clés qui sont en gras et italiques la première fois qu’ils sont utilisés dans le texte.
À la fin du livre, nous formulons des mises en garde et proposons une série d’actions à l’intention des communautés locales. Notre but est d’aider ces communautés à s’y retrouver dans la multitude de questions qu’elles doivent poser aux personnes qui s’intéressent à leur savoir, à leurs ressources naturelles ou à leur matériel biogénétique.
Puisque les instruments juridiques servant à mettre en application les DPI ne protègent pas adéquatement les ressources culturelles, scientifiques et intellectuelles des peuples autochtones, la notion de DPI n’arrive plus à englober la réalité. C’est ainsi que l’expression « droits sur les ressources traditionnelles » ( DRT ) s’est peu à peu imposée pour définir les nombreux « faisceaux de droits » entourant la protection, l’indemnisation et la conservation de ces ressources. L’objet du présent ouvrage est justement d’aider à préciser la nature de ces faisceaux de droits et d’indiquer comment les communautés locales pourraient y accéder.
En 1994, en réaction aux conseils, suggestions, critiques et, surtout, aux matériels et ressources inestimables présentés par plus de 450 participants, le Groupe de travail sur les droits de propriété intellectuelle est devenu le Groupe d’étude des droits sur les ressources traditionnelles. Cet ouvrage est aussi l’aboutissement concret des efforts déployés par les très nombreuses personnes qui ont participé à ce long processus.
Darrell A. Posey
Graham Dutfield
décembre 1995
Nous remercions Ernst Josef Fittkau, directeur de la Zoologische Staatssammlung à Munich, d’avoir aimablement mis des locaux à notre disposition en 1989 et 1990, période au cours de laquelle nous avons pu, grâce à une bourse de la Alexander von Humboldt Stiftung mettre sur pied le premier Groupe de travail sur les droits de propriété intellectuelle. Au cours de cette période, quatre chercheurs infatigables —Ulrike Hagen-Sautier, Christiane Lambert-Dobler, Sybille Nahr et Andreas Zeidler — et leurs adjoints, nous ont aidé à poser les fondements intellectuels des notions de droits de propriété intellectuelle ( DPI ) et de droits sur les ressources traditionnelles ( DRT ).
Nous remercions aussi Chris Elliot, du Fonds Mondial pour la Nature ( WWF ) International, qui a su reconnaître l’importance des DPI pour la conservation de la biodiversité et a réuni les premiers fonds pour le groupe de travail. Son collègue, Michel Pimbert, a lui aussi appuyé généreusement ces activités ; ses perceptions, ses idées, ses critiques et ses encouragements, prodigués généreusement, ont été des plus utiles à des moments cruciaux.
La Fondation Heinz, qui a accordé une bourse au Centre d’études latino-américaines de l’Université de Pittsburg, a permis à D.A. Posey de faire, pendant une année, des recherches sur les DPI et leur application aux peuples autochtones de l’Amérique latine. Cet ouvrage a bénéficié de cette recherche et aussi des consultations menées auprès de l’Union internationale pour la conservation de la nature ( UICN ) concernant l’importance des DPI dans la Convention sur la diversité biologique, dans la mesure où ces droits s’appliquent aux communautés autochtones et traditionnelles. Nous remercions Jeffrey McNeely et Caroline Martinet de nous avoir donné cette occasion.
L’Institut d’anthropologie sociale et culturelle ( ISCA ) de l’Université d’Oxford a aussi fait preuve de générosité en mettant des bureaux à la disposition du Groupe d’étude des droits sur les ressources traditionnelles durant la période de préparation de cet ouvrage. Nos remerciements vont à Isabella Birkin et à ses collègues de l’ISCA pour l’appui et l’intérêt qu’ils ont donnés à ce projet, en particulier Peter Rivière et John Davis.
Nous remercions aussi John Muddiman et Michael Freeden de l’Oxford Centre for the Environment, Ethics and Society, de même que Dennis Trevelyan, directeur du Collège Mansfield, pour leur soutien.
Nous remercions le Centre de recherches pour le développement international ( CRDI ), en particulier Chusa Gines, Daniel Buckles et Danna Leaman, d’avoir reconnu l’importance de cette publication et d’en avoir financé l’achèvement et l’édition.
Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans le travail ardu et l’apport intellectuel d’un très grand nombre de personnes, d’organisations non gouvernementales et d’organisations de peuples autochtones. Certaines sections de ce livre ont été nettement améliorées
par la participation experte de Kristina Plenderleith, de Sarah Laird et de Tom Griffiths, ainsi que de Gernot Brodnig et d’Eugenio da Costa e Silva. Casper Henderson en a été l’éditeur adjoint.
Plusieurs personnes et organismes avant-gardistes ont alimenté l’apprentissage que nous avons dû faire au cours du projet par leurs communications, articles et ouvrages, ou en organisant des discussions, des conférences et des ateliers. Nous tenons à exprimer notre gratitude à : Julian Berger ( Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme ), qui a facilité la tenue matérielle des ateliers organisés par le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones ; Stephen Brush et les participants à la Conférence sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances autochtones, à Lake Tahoe, en Californie, en octobre 1993 ; Valerio Grefa, qui a organisé la rencontre parrainée par la Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazónica sur les droits de propriété intellectuelle et la biodiversité, à Santa Cruz, en Bolivie, en octobre 1994 ; le Groupe de travail de l’UICN sur les peuples autochtones, présidé par Cindy Gilday ; Peter Jaszi, Martha Woodmansee et les participants à la conférence intitulée Organisme culturel /Pouvoir culturel : la politique et la poésie de la propriété intellectuelle à l’époque postcoloniale, à Bellagio, en Italie ; Ahora Mead et les participants à la Première Conférence internationale sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones, à Whakatane, Aotearoa, Nouvelle-Zélande, en juin 1993 ; les participants au Colloque sur les droits de propriété intellectuelle, les cultures autochtones et la conservation de la biodiversité organisé par le Green College Centre for Environmental Policy and Understanding à l’Université d’Oxford, en mai 1993, et Dinah Shelton et tous les participants à la Conférence de Montezillon.
Par ailleurs, nous tenons à remercier les personnes et institutions suivantes : l’African Centre for Technology Studies et son ancien directeur général, Callestous Juma ; Alejandro Argumedo et l’Indigenous Peoples’ Biodiversity Network ; Anna Borioni et Massimo Pieri de la Cooperativa Técnico Scientífica de Base ; Donna Craig, Université Macquarie ; Anthony Cunningham, ancien président de l’International Society of Ethnobiology ; Elaine Elisabetsky ; Andrew Gray ; Anil Gupta, de la Society for Research and Initiatives for Sustainable Technologies and Institutions ; Alan Hamilton, WWF, R.-U. ; Christine Kabuye des National Museums of Kenya et présidente de l’International Society of Ethnobiology ; Anatole Krattiger et William Lesser à l’Académie internationale de l’environnement ; Gary Martin, Unesco ; Jeffrey McNeely, Caroline Martinet et Jeremy Carew-Reed de l’UICN ; Pat Mooney et Hope Shand, de la Fondation internationale pour l’essor rural ; Katy Moran, de « Healing Forest Conservancy » ; Dorothy Myers ; Vandana Shiva ; Marcos Terena ; le Third World Network ; le Conseil mondial des peuples indigènes ; Renée Vellvé et Henk Hobbelink, de Genetic Resources Action International ; Farhana Yamin, de la Foundation for International Environmental Law and Development ; Durwood Zaelke, David Downes et Chris Wohl, du Centre international de droit comparé de l’environnement et Charles Zerner, de la Rainforest Alliance.
Nous sommes extrêmement reconnaissants à l’endroit de toutes les personnes qui ont aimablement envoyé du matériel et de l’information en réponse à notre
questionnaire, en particulier les personnes suivantes ( qui s’ajoutent à celles déjà mentionnées ) : Janis Alcorn, Biodiversity Support Program, WWF, É.-U. ; Patrick Bernard, Fonds mondial pour la sauvegarde des cultures autochtones ; le Centre for International Research and Advisory Networks /Nuffic » ; Shelton Davis, Banque mondiale ; Kristin Dawkins, Institute for Agriculture and Trade Policy ; Madhav Gadgil, Indian Institute of Science ; Stephen King, Shaman Pharmaceuticals ; Hector McQueen, Université d’Edinburgh ; Patrick O’Keefe ; Gordon Pullar, Keepers of the Treasures ; Helen Ross, Centre for Resource and Environmental Studies ; Abayomi Sofowara ; Johanna Sutherland, Département des relations internationales, Université nationale d’Australie ; Peter Usher, Inuit Tapirisat du Canada.
Liz Evans ( Organisation du génome humain ) et Keith Howard ( École d’études orientales et africaines, Université de Londres ) ont aimablement accepté d’être interviewés au sujet de ce livre, et les personnes et institutions suivantes ont répondu à nos demandes de renseignements et requêtes particulières : R. Anderson, directeur du British Museum ; Bruno Bath, premier secrétaire, ambassade du Brésil au Royaume-Uni ; Miges Baumann, Swissaid ; Jeroen Breekveldt, NoGen ; Cristina Bubba Zamora ; Lynne Caporale, Merck ; Mac Chapin, Native Lands ; Jean Christie, Fondation internationale pour l’essor rural ; Jason Clay, Rights and Resources ; Stephen Corry, Survival International ; José Graça Aranha, consultant du Bureau de coopération pour le développement et les relations extérieures pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ; Henry Greely, Stanford Law School ; Charlotte Haynes, Groupement international de travail pour les affaires indigènes, Service international pour la recherche agricole nationale ; Byongwon Lee et Judy Van Zile, Université d’Hawaï à Manoa, et John Murra et Francis Sullivan, WWF, R.-U.
John Barton ( Standford Law School ), Michael Gollin ( Keck, Mahin and Cate ), Tom Greaves ( Université Bucknell ), Thandi Hurworth ( Intellectual Property Bulletin ) et Janet McGowan ( Cultural Survival ) ont gentiment relu les ébauches de ce qui est devenu le chapitre 8 du présent ouvrage.
Darrell A. Posey
Graham Dutfield
décembre 1995
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
À l’origine, la notion de droits de propriété intellectuelle ( DPI ) a été intégrée au droit européen et nord-américain pour protéger les inventions faites par des individus et des sociétés industrielles. Jusqu’à récemment, on ne voyait pas comment les DPI pourraient être appliqués aux qualités et aux avoirs collectifs et transhistoriques nébuleux ( du point de vue du droit occidental ) des cultures autochtones. Cependant, les gouvernements et les sociétés, entre autres, en sont peu à peu venus à considérer que les modes de vie traditionnels, les connaissances et les ressources biogénétiques des peuples autochtones, traditionnels et locaux avaient une certaine valeur commerciale et étaient donc des biens pouvant être achetés et vendus. Parallèlement, les discussions sur la section de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ( GATT ) traitant des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ( ADPIC ) ainsi que les débats de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement ( CNUED ou Sommet de la Terre ) — où la Convention sur la diversité biologique ( CDB ) a été élaborée — ont clairement fait saisir aux peuples autochtones que les lois sur les DPI sont, pour eux, d’une importance qui ne pourra que grandir dans l’avenir.
Si les sociétés peuvent invoquer les DPI pour protéger leurs « inventions » —même celles qui découlent des systèmes de connaissance des peuples autochtones —alors, laisse-t-on entendre, les peuples autochtones devraient, eux aussi, pouvoir se prévaloir des DPI. Certains peuples autochtones recourent déjà aux lois sur les DPI, du moins dans une certaine mesure. Mais un nombre beaucoup plus grand d’entre eux ont remis cette approche en question. Ils affirment que, même si les mécanismes actuels de protection et d’indemnisation au titre des DPI étaient appliqués intégralement aux connaissances traditionnelles et aux ressources biogénétiques, cela ne renforcerait pas la position des peuples autochtones. En effet, ces peuples ne divisent pas les biens intellectuels, culturels et scientifiques en trois domaines distincts mais y voient plutôt les parties d’un tout, à la manière de la notion de culture dans l’Occident. Et c’est pourquoi ils rejettent cette division qui leur paraît étrange. Dans les sociétés traditionnelles, les concepts sont des réalités collectives et les biens appartiennent à la communauté. La privatisation ou la banalisation de ces réalités leur est non seulement inconnue mais incompréhensible. Cependant, les peuples autochtones et communautés traditionnelles participent en plus grand nombre aux économies de marché et un volume croissant de leurs ressources y sont l’objet d’échanges commerciaux.
Ce livre est l’aboutissement d’un long processus de consultation lancé en 1988 au cours du Premier Congrès mondial d’ethnobiologie à Belém, au Brésil. Les peuples autochtones et traditionnels ( qualifiés de « communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels » dans la CDB ) originaires de diverses parties de la planète se sont réunis avec des scientifiques et des écologistes pour discuter de l’adoption d’une stratégie commune visant à stopper l’appauvrissement rapide de la diversité biologique et culturelle de la planète. Si la façon propre aux peuples traditionnels
et autochtones de percevoir, d’utiliser et de gérer leurs ressources naturelles a été au cœur de leurs préoccupations, ceux-ci se sont aussi demandé de quelle manière ils pourraient élaborer des programmes assurant la préservation et le renforcement des communautés autochtones et de leurs connaissances traditionnelles.
La Déclaration de Belém
Nous, les ethnobiologistes, alarmés de constater :
Que
- les forêts tropicales et autres écosystèmes fragiles disparaissent ;
- de nombreuses espèces végétales et animales sont menacées d’extinction ;
- les cultures autochtones dans toutes les parties du monde sont perturbées et détruites ;
Et aussi que
- la situation économique et agricole et la santé des peuples dépend de leurs ressources ;
- les peuples autochtones ont été les gérants de 99 pour 100 des ressources génétiques du monde ;
- le lien entre la diversité culturelle et biologique est inextricable ;
Nous, les membres de l’International Society of Ethnobiology, lançons un appel pressant pour que les mesures suivantes soient prises :
- Que dorénavant, une proportion substantielle de l’aide au développement soit consacrée à des activités poursuivies dans le cadre de programmes d’inventaire, de conservation et de gestion ethnobiologique.
- Que des mécanismes soient établis pour que les spécialistes autochtones soient reconnus comme des autorités compétentes et soient consultés relativement à tous les programmes qui les affectent et qui ont une incidence sur leurs ressources et leur environnement.
- Que tous les autres droits inaliénables de la personne leurs soient reconnus et garantis, y compris l’identité culturelle et linguistique.
- Que des mécanismes soient établis afin que les peuples autochtones soient indemnisés pour l’utilisation qui est faite de leurs connaissances et de leurs ressources biologiques.
- Que des programmes éducatifs soient mis en œuvre pour alerter la communauté mondiale à l’utilité des connaissances ethnobiologiques pour le bien-être de l’humanité.
- Que tous les programmes médicaux comprennent des dispositions qui reconnaissent et respectent les guérisseurs traditionnels et qui reprennent les pratiques de santé traditionnelles susceptibles d’améliorer l’état de santé de ces populations.
- Que les ethnobiologistes mettent à la disposition des peuples autochtones avec lesquels ils ont travaillé les résultats de leurs recherches, et qu’ils les diffusent dans la langue autochtone.
- Que l’échange d’information soit favorisé entre peuples autochtones et paysans concernant la conservation, la gestion et l’utilisation durable des ressources.
Le congrès a adopté La Déclaration de Belém, qui affirmait explicitement que les scientifiques et les écologistes avaient l’obligation de répondre aux besoins des communautés locales, et qui reconnaissait que les peuples autochtones avaient un rôle central à jouer dans tous les aspects de la planification mondiale. Même si la formulation de La Déclaration de Belém peut sembler un peu démodée aujourd’hui, c’était la première fois qu’une organisation scientifique internationale reconnaissait que l’établissement de « mécanismes en vue d’indemniser les peuples autochtones pour l’utilisation que d’autres font de leurs connaissances et de leurs ressources biologiques » ( Déclaration 4 ) était une obligation fondamentale. Depuis 1988, des douzaines d’autres institutions, associations professionnelles et organisations ont emboîté le pas.
Au Congrès mondial de 1990 de l’International Society of Ethnobiology ( ISE ) à Kunming, en Chine, des délégués de 52 pays ont établi un plan d’action mondial — Le Plan d’action de Kunming — demandant que des mesures précises soient prises de toute urgence pour stopper la destruction de la biodiversité biologique et culturelle selon les obligations énoncées dans La Déclaration de Belém. Plus concrètement, la Coalition mondiale pour la diversité bioculturelle a été établie en vue d’amener les peuples autochtones, les organisations scientifiques et les groupes écologistes à travailler ensemble à la mise en œuvre d’une stratégie énergique portant sur l’utilisation des connaissances traditionnelles, la participation des populations locales à la réalisation des stratégies de conservation et de développement, et l’application de nouveaux modèles de conservation axés sur les populations.
Une des premières tâches qui attendait la Coalition mondiale était de former un Groupe de travail sur les droits de propriété intellectuelle. Aujourd’hui connu sous le nom de Groupe d’étude des droits sur les ressources intellectuelles, culturelles et scientifiques ( ou plus simplement le Groupe d’étude des droits sur les ressources traditionnelles ( GEDRT ) ), ce groupe a tenté d’élargir la notion de protection des DPI et d’indemnisation, tout en reconnaissant que les ressources traditionnelles — aussi bien corporelles qu’incorporelles — sont déjà visées par un nombre non négligeable d’accords internationaux. Le mot « propriété » dans l’expression DPI n’a pas été retenu parce que, pour les peuples autochtones, la propriété a souvent une dimension incorporelle ou spirituelle et, même lorsqu’elle vaut d’être protégée, est une réalité inaliénable qui ne peut appartenir à aucun être humain en particulier. C’est plutôt l’expression « droits sur les ressources traditionnelles » ( DRT ) qui a été adoptée pour indiquer qu’il fallait repenser la notion limitée et limitative des DPI. Le mot « traditionnel » désigne les pratiques, croyances, coutumes, connaissances ainsi que le patrimoine culturel jalousement conservés par les communautés autochtones et locales qui vivent en étroite association avec la Terre ; le mot « ressource » est utilisé dans son sens le plus large pour désigner toutes les connaissances et technologies, toutes les qualités esthétiques et spirituelles, toutes les sources corporelles et incorporelles qui, ensemble, sont réputées par les communautés locales être nécessaires à la réalisation de modes de vie sains et valorisants pour les générations actuelles et futures ; et le mot « droits » désigne le droit inaliénable fondamental de tout être humain — ainsi que des entités collectives dans lesquelles ils choisissent de vivre — à tout ce qui est nécessaire pour appuyer leur dignité et leur bien-être, de même que la dignité et le bien-être de leurs ancêtres et de leurs descendants.
La notion de DRT est conciliable avec un très grand nombre d’accords internationaux pertinents et peut servir de fondement à un système sui generis de protection des peuples autochtones et de leurs ressources — c’est-à-dire un système tout à fait unique ne relevant d’aucune catégorie existante de DPI. Autrement dit, il se pourrait que nous trouvions dans la communauté internationale beaucoup plus d’éléments que nous ne le pensions sur lesquels tabler.
La gamme complexe des questions abordées dans cet ouvrage n’est traitée que de façon générale et, par conséquent, assez superficielle. Cette largeur de vue doit cependant être préservée au nom d’une perspective holistique. C’est d’ailleurs la seule façon qu’il est possible de transformer les DPI en DRT et d’en arriver à un partage équitable et à une conservation effective des ressources biologiques et culturelles.
Les étrangers qui visitent les communautés autochtones et locales le font pour diverses raisons et pour des périodes plus ou moins longues. Ils viennent peut-être y chercher des connaissances, des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables ( telles que des ressources biogénétiques et des minéraux ) ou des biens fabriqués par la population locale. Dans ces cas, ils aborderont la population locale directement ou indirectement par l’entremise d’une organisation non gouvernementale, d’un organisme gouvernemental, d’un établissement de recherche ou d’un organisme religieux. Souvent, ils mèneront leurs recherches sans en parler à la population locale. L’information, les ressources et les produits peuvent être d’une grande importance pour les étrangers et être utilisés pour procurer de l’argent à une société ou à une personne, même s’il arrive qu’ils aient des retombées plus générales et aident par exemple à améliorer l’état de santé et la nutrition ou à prévenir la faim et la famine par une augmentation de la production alimentaire. Enfin, certains étrangers viennent pour protéger les zones où vivent les peuples autochtones ou pour gérer les ressources locales.
Les visiteurs viennent parfois pour aider la population locale. Mais nombreux sont ceux qui, dans la poursuite de leurs propres intérêts, n’entendent ni l’aider ni lui faire du tort. Néanmoins, même s’ils n’ont pas d’intention hostile, ils ne sont peut-être pas conscients des répercussions possibles de leurs activités. D’autres, encore, planifient de tirer parti de la population locale et préféreront probablement cacher leurs véritables intentions. Pour diverses raisons, donc, il n’est pas inutile de chercher à savoir qui sont ces visiteurs et pourquoi ils sont venus.
Les touristes sont normalement des visiteurs pressés qui voyagent en groupe, bien que certaines personnes viennent toutes seules pour s’adonner à leurs loisirs, par exemple à la découverte des paysages, à la marche, aux bains de soleil et au ski. Le tourisme de masse envoie un grand nombre de personnes dans certaines localités où des hôtels et autres installations ont été construits pour les accueillir. Mais beaucoup de personnes dans les pays industrialisés sont insatisfaites du tourisme de masse et préfèrent voyager en plus petit groupe pour être plus directement en contact avec la nature et la population locale.
Le tourisme peut avoir de vastes répercussions sur les cultures autochtones. La vente d’objets d’artisanat et artistiques peut rapporter des sommes intéressantes à nombre de communautés mais la demande débouche parfois sur une production de masse, donc sur une détérioration de la qualité et sur la production d’imitations par des étrangers qui trompent parfois les touristes sur l’origine de leurs marchandises ( voir Blundell 1993 pour des exemples au Canada ). Les touristes aiment assister à des représentations d’art de la scène et à des cérémonies traditionnelles mais comme ces activités sont modifiées et banalisées pour les amuser, elles peuvent accélérer la destruction de l’identité culturelle d’un peuple. Idéalement, les peuples autochtones devraient disposer d’une autonomie politique qui leur permette soit de contrôler l’accès des touristes comme le font les Kuna du Panama et la Fédération Awa de l’Équateur à l’égard des chercheurs ( voir le chapitre 14 ), soit d’administrer eux-mêmes les activités touristiques ( peut-être dans le cadre d’une stratégie de développement local comprenant un élément de conservation ). Autrement, il se peut qu’ils soient exploités comme l’a été le peuple Toraja en Sulawesi ( voir l’encadré 1.1 ).
Les peuples autochtones doivent s’attendre à rencontrer plusieurs types de tourisme : tourisme vert, tourisme d’aventure et tourisme contrôlé par la communauté.
Les touristes verts voyagent pour admirer l’exceptionnelle beauté naturelle de la faune et des paysages. Les riches peuplements zoologiques des parcs nationaux et réserves naturelles de l’Afrique de l’Est attirent un nombre particulièrement important de
Encadré 1.1
Le tourisme ethnique à Tana Toraja
Le peuple Toraja de Sulawesi, en Indonésie, est récemment devenu une grande attraction touristique à cause de ses cérémonies funéraires spectaculaires, de ses falaises de tombes ornées d’effigies à l’architecture élaborée, qui sont en passe de devenir « des images internationales d’une culture exotique séduisante ». Les touristes reprochent maintenant aux communautés Toraja de s’être trop commercialisées sous l’effet de leur popularité. Réagissant à ces critiques, le gouvernement local a désigné certaines communautés et falaises d’enterrement comme des « objets touristiques », et a formé une équipe de consultants ( parmi lesquels on ne retrouvait aucun représentant des Toraja ) pour planifier un système de zonage. Selon une des propositions, les maisons et tombes traditionnelles seraient préservées dans certaines zones, mais à condition d’obtenir la permission de centaines, voire de milliers de personnes associées à chacun de ces objets. Selon une autre proposition, il faudrait créer une « zone hors traditions », où les Toraja exécuteraient leurs rites et danses de vie et de mort devant un auditoire de touristes, même si la tradition interdit que ces rites soient mélangés. Incapables de comprendre la culture Toraja, les consultants n’ont réussi qu’à fomenter des ressentiments et des rivalités entre divers segments de la société Toraja. En 1987, plusieurs communautés ont refusé d’accepter des touristes. Cependant, elles ont bientôt rouvert leurs portes pour continuer le commerce des souvenirs dont elles étaient devenues dépendantes. Cet exemple montre que l’exploitation commerciale d’un bien culturel peut devenir irréversible et contribuer à la perte d’autonomie d’une population.
Source : Adams ( 1990, p. 31, 33 )
touristes du monde entier. Malheureusement, cet énorme flux de visiteurs verts risque de détériorer les écosystèmes qu’ils sont venus admirer.
Au Kenya, la réserve naturelle Mara des Massaïs est l’une des destinations les plus populaires en Afrique ( Loita Naimina Enkiyio Conservation Trust Company, 1994 ). En haute saison, les droits perçus des touristes peuvent s’élever à 18 500 $ par jour 1. Mais comme aucune limite n’a été imposée au développement du tourisme dans le parc, un trop grand nombre de campements y ont été construits, trop de bois de chauffage est consommé et les touristes disposent d’un nombre illimité de véhicules. Les effets d’érosion et de dégradation du parc sont déjà visibles. La population locale ne profite pas des recettes générées par le parc parce que le 25 pour 100 des recettes perçues à l’entrée qui est censé être redistribué à la communauté locale s’élève tout au plus à 5 pour 100 en raison de la piètre administration des fonds.
La notion d’écotourisme est apparue pour combattre les effets pervers du tourisme populaire. En principe, ce type de tourisme centré sur la nature :
1 Sauf indication contraire, toutes les valeurs monétaires sont indiquées en dollars américains.
Cette description, cependant, est un idéal à atteindre plutôt qu’un reflet de la situation réelle. Les écologistes, surtout dans les pays développés, espèrent qu’elle facilitera la prise de mesures assurant la protection des environnements naturels. Le gouvernement du Costa Rica, par exemple, souhaite que l’écotourisme permette aux parcs nationaux de s’autofinancer ( Burnie, 1994 ). La preuve reste à faire que le tourisme peut, cependant, malgré ses bonnes intentions, générer des recettes importantes sans répercussions environnementales de plus en plus néfastes. Une étude d’impact du tourisme au Belize a conclu, par exemple, que « malgré certains résultats prometteurs, une grande partie de l’écotourisme au Belize crée les mêmes problèmes que le tourisme de masse : fuite des devises étrangères, propriété étrangère et dégradation de l’environnement » ( Wheat, 1994, p. 17 ).
Les touristes à la recherche d’aventure se rendent dans les régions les plus isolées du monde pour s’adonner à des activités comme le trekking, la descente en eau vive, l’observation de la faune sauvage et la visite de populations « exotiques ». Parmi les destinations les plus populaires, on retrouve l’Himalaya, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique de l’Est.
Même si ces nouvelles formes de tourisme n’ont pas la portée du tourisme de masse et prétendent avoir une incidence sociale et environnementale plus faible que celui-ci, elles ont parfois sur les communautés locales des répercussions encore plus graves que le tourisme de masse. En effet, la population locale est parfois moins acculturée que celles des régions moins éloignées et par conséquent moins habituée à un flot de personnes souvent très curieuses qui ne savent pas toujours comment se comporter avec leurs « hôtes » pour respecter leur culture. Ces visiteurs « pénètrent parfois plus avant dans l’espace personnel des résidents » que les touristes de masse ( Butler, dans Zurich, 1992, p. 611 ). En outre, même un petit nombre de visiteurs peut représenter une forte intrusion si l’on compare leur nombre à celui des résidents locaux et de leurs besoins en aliments, en eau et en bois de chauffage. En fait, ces touristes peuvent être les catalyseurs d’un tourisme de masse.
Selon un commentateur ( Swain, 1989, p. 37 ), si « un groupe ethnique a un pouvoir juridique reconnu de déterminer les modes d’utilisation locale de l’infrastructure nationale ( systèmes d’éducation, de communications, de transport et de santé ) et d’exploitation des ressources naturelles, il est alors probable qu’il jouera un rôle dans son propre développement touristique ». La meilleure solution pour les peuples autochtones serait le tourisme contrôlé par la communauté, qui pourrait être une initiative indépendante ou un volet d’un projet de développement financé entièrement ou en partie par
des sources extérieures — par exemple, dans le cadre d’un projet intégré de conservation-développement ( PICD ) ( voir Wells et Brandon, 1993 ; Brown et Wyckoff-Baird, 1992 ). Les PICD sont des projets communautaires, de petite ou grande échelle, qui visent à équilibrer développement économique et conservation. Parmi les exemples comprenant un volet touristique, mentionnons le Projet de la zone de conservation de l’Annapurna au Népal, la Réserve de la biosphère Sian K’an au Mexique et le Parc national Amboseli au Kenya.
Une organisation maya, Toledo Ecotourism Association ( TEA ), au Belize, accueille les touristes dans des installations construites par la population locale avec des matériaux pris sur place. Selon un observateur, « ce sont les villageois eux-mêmes qui s’occupent des touristes et ils veillent à ce que tous les avantages financiers demeurent dans la communauté. Ils insistent beaucoup sur la préservation de leur culture ancienne et de leur environnement fragile [ . . . ] Conscients du fait que leur commerce touristique risque de devenir une monoculture, les membres de la TEA mettent également en place une base agricole solide » ( Wheat, 1994, p. 19 ; voir Young, 1995 pour des exemples en Australie et au Canada ).
Le tourisme pratiqué dans le cadre des PICD peut procurer des avantages non négligeables aux communautés locales où l’on trouve de beaux paysages et une faune intéressante. Dans le cas contraire et si elles ne disposent pas non plus de bonnes routes, et de bons hôtels et restaurants, les possibilités sont bien moindres. Il est essentiel que les planificateurs de la conservation comprennent que les communautés visées par des PICD où il y a du tourisme doivent pouvoir en tirer des avantages directement, et non par l’entremise d’une bureaucratie. Le Zimbabwe a cherché à suivre cette voie avec son Programme de gestion des zones communales en faveur des ressources indigènes ( CAMPFIRE ), en vertu duquel les communautés locales sont les propriétaires de la faune dans leur région et sont payées par les touristes qui désirent participer à des expéditions de chasse et à des safaris ( Wells, 1992, p. 239 ).
Certaines personnes viennent dans les communautés autochtones pour enrichir leur collection de plantes, d’animaux et de minéraux. Elles collectionnent des fleurs, des papillons, de belles pierres ou des objets archéologiques. Ces amateurs ne poursuivent aucun objectif commercial et leurs activités de collection sont purement et simplement une activité de loisir ou un passe-temps.
Certains visiteurs vendent parfois les objets qu’ils ont recueillis à des sociétés ou à d’autres personnes — parfois même dans des pays étrangers. Ils approvisionnent parfois des jardins botaniques, des universités qui offrent un programme de collecte de plantes ou des instituts de recherche, privés et publics. Certaines collectes sont limitées et n’ont qu’une faible incidence sur l’environnement mais, dans d’autres cas, la collecte d’échantillons peut être si importante qu’elle épuise totalement les ressources en question.
L’aspect mercantile des activités de collecte n’est peut-être pas évident pour la communauté ; en fait, la collecte est peut-être effectuée sans aucun but commercial mais il arrive que les objets acquis de façon informelle par les voyageurs soient vendus à un magasin de souvenirs. Souvent même, ce sont les acquisitions de touristes qui signalent aux commerçants l’existence d’objets d’artisanat très intéressants.
Les exploitants de ressources naturelles sont à la recherche de minéraux, de bois, de plantes et d’animaux. Il peut s’agir de ressources non renouvelables dont la disparition risque de modifier du tout au tout un paysage, ou de ressources renouvelables dont l’extraction menace la biodiversité locale et peut-être même les modes de subsistance locaux. L’ampleur des activités d’extraction varie énormément parce que l’« exploitant de ressources naturelles » peut aussi bien être un individu qu’une multinationale approvisionnant un marché mondial. Certains exploitants de ressources naturelles ne se soucient guère de savoir si leur exploitation des ressources renouvelables n’excède pas la rapidité de renouvellent de celles-ci, causant ainsi leur déperdition ou même leur disparition.
L’expression « organismes de développement » est plutôt large et peut englober des gouvernements, des sociétés ou des organisations non gouvernementales ( ONG ) intéressés à mettre en valeur une région ( pour la transformer sur les plans économique et social ). Le développement comporte une vaste gamme d’activités possibles telles que la construction de routes, la construction d’immeubles et les plans de peuplement des terres, et peut s’effectuer à petite, moyenne ou grande échelle. Son objet est de générer de la richesse localement ou bien d’enrichir des gens ailleurs dans le pays. Certaines activités de développement sont très avantageuses pour les communautés locales mais comportent des répercussions environnementales, économiques et sociales au sujet desquelles les communautés ne sont pas toujours pleinement informées.
Même les planificateurs du développement ont parfois de la difficulté à prédire toutes les conséquences positives et négatives de leurs activités. La planification de ces activités passe par la collecte de renseignements sur la zone à « développer », peut-être dans le cadre d’une étude d’impact sur l’environnement ou d’impact social. Il s’agit de sondages économiques qui aident les planificateurs à prédire assez précisément les conséquences possibles, positives et négatives, de la mise en œuvre d’un projet. La banque ou le gouvernement qui avance les fonds pour le projet exige parfois que de telles études soient effectuées.
De plus en plus conscients de la nécessité d’utiliser les ressources judicieusement au profit des générations actuelles et futures, les représentants des planificateurs disposent de nouvelles informations d’un grand intérêt sur les cultures traditionnelles, notamment sur les connaissances traditionnelles en matière de protection de l’environnement et de gestion des ressources naturelles. Depuis quelques années, par exemple,
certains gouvernements qui s’intéressent aux connaissances autochtones dans le domaine de la gestion de l’environnement appuient des recherches scientifiques visant à mieux connaître ces pratiques et à en prouver l’efficacité ( Ross et al., 1994 ). Des ONG consacrent certaines de leurs activités à se renseigner sur les pratiques agricoles autochtones.
Les organisations non gouvernementales peuvent être locales, nationales ou internationales, petites ou très grandes. Leurs activités sont également fort variées, allant du développement à la conservation en passant par l’assistance offerte à la population locale, par exemple sous forme de services médicaux. Certaines désirent exécuter des projets de conservation de l’environnement ou de développement, tandis que d’autres ( ou les mêmes ONG ) sont intéressées à aider la population locale dans des situations d’urgence créées par la famine, les inondations, les guerres et les tremblements de terre. Certaines mènent des recherches en vue d’influer sur les gouvernements et l’opinion publique, et sont parfois qualifiées de « groupes de pression ».
Les ONG œuvrant en faveur de la conservation, comme le Fonds Mondial pour la Nature ( WWF ) et Conservation International, cherchent peut-être à protéger des régions ou des espèces bien précises et, dans certains cas, à aider les peuples autochtones.
D’autres ONG internationales sont bien connues, dont Oxfam, Cultural Survival et la Fondation internationale pour l’essor rural ( RAFI ). Les représentants des ONG sont parfois d’utiles sources d’information pour les populations locales. Cependant, les ONG ne sont pas normalement des organismes communautaires et rendent beaucoup moins compte de leurs actions aux communautés locales que les organisations des peuples autochtones ( voir le chapitre 6 ).
Les gouvernements nationaux envoient parfois dans les communautés locales des scientifiques, des soldats, des agents de la santé, des équipes médicales et des gestionnaires de zones protégées telles que les parcs nationaux. Ou encore, ils veulent dresser l’inventaire des ressources naturelles du pays, surveiller les activités se déroulant sur le territoire national ou protéger les frontières nationales contre les populations de pays voisins. Certaines de ces personnes offrent parfois de l’assistance aux communautés locales.
Les missionnaires ont normalement l’intention de demeurer longtemps dans une communauté locale pour convertir la population à leur religion ou lui fournir des services, notamment de santé et d’éducation. Certains groupes religieux restent auprès de la population locale pour apprendre sa langue et traduire des textes religieux dans cette langue. D’autres missionnaires ne cherchent qu’à procurer des avantages matériels aux communautés. D’un autre côté, il y a des groupes religieux qui imposent leurs valeurs
spirituelles et culturelles à la population locale, ce qui peut causer des problèmes sociaux à long terme.
Les organismes à but lucratif ne sont intéressés qu’à collecter du matériel biologique ou d’autres ressources précieuses ou à mettre en valeur une région de diverses façons. Le but de leur visite est mercantile puisqu’ils cherchent, soit directement à faire de l’argent en vendant ce qu’ils ont recueilli, acheté ou extrait — ou en l’utilisant pour fabriquer d’autres produits, notamment des médicaments —, soit indirectement à examiner les possibilités d’une mise en valeur commerciale. Les profits sont parfois versés aux propriétaires de la société ou partagés entre les personnes qui investissent dans celle-ci.
Pour d’autres entités, le but n’est pas de réaliser des profits. Il peut s’agir de fondations de bienfaisance qui recueillent de l’argent afin d’appuyer des activités dont le but est d’améliorer le bien-être des populations ( voir le chapitre 6 ).
Les chercheurs, par exemple les anthropologues, les archéologues et les biologistes, font des recherches d’ordre scientifique ou culturel. Ce sont des universitaires agissant à titre individuel ou des employés de sociétés, de gouvernements, d’universités, de jardins botaniques, d’ONG ou d’organismes de conservation. Certains désirent parfois rester dans la région un certain temps. Les membres de la communauté locale trouvent généralement ces chercheurs assez sympathiques même si ces derniers ne se sentent pas nécessairement obligés d’aider la population locale, par exemple en partageant avec celle-ci les résultats de leur travail — données, film, objets d’artisanat, ressources et profits.
Les photographes sont d’habitude des touristes qui n’entendent pas vendre leurs photos ou bien des photographes professionnels à leur propre compte ou employés par un journal, une revue ou une agence. Les journalistes sont à la recherche de sujets de reportage intéressants. Les équipes de tournage travaillent pour le compte d’un poste de télévision ou d’une société de films ou ont peut-être l’intention de vendre leurs films à des entreprises de ce genre ou à une agence de publicité. Ce sont la communauté locale elle-même, les événements qui se déroulent dans la région ou l’environnement naturel qui intéressent ces gens-là. Ils se mettent parfois en communication avec la communauté pour lui demander de collaborer, bien que certains photographes, journalistes et équipes de tournage pensent parfois qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission ou même de respecter la vie privée de la population locale ( voir le chapitre 4 ).
Les chercheurs universitaires, par exemple les anthropologues et les ethnobiologistes, s’intéressent souvent davantage aux connaissances et à la culture du peuple qui vit dans une région qu’à ses ressources naturelles. Les archéologues sont à la recherche d’objets d’art anciens et de restes humains pour en savoir davantage sur les cultures du passé, voire parfois sur les ancêtres des habitants actuels. D’autres s’intéressent aux cultures passées et présentes pour des motifs commerciaux. Ils souhaitent faire le commerce de certains aspects du patrimoine culturel de la population locale, en particulier des objets manufacturés, des images, de l’artisanat, ou enregistrer sur bandes vidéo et audio des chants et des spectacles. D’autres visiteurs encore sont à la recherche de ressources biogénétiques ( biologiques et génétiques ) ou d’autres ressources utilisées par les communautés traditionnelles. Ou encore, ils viennent recueillir de l’information sur la région, sa population ou l’environnement local. Ces visiteurs s’intéressent souvent beaucoup aux connaissances locales. Les personnes à la recherche de ressources biogénétiques ou minérales ne savent parfois pas comment les trouver ni où les chercher, et souhaitent donc se faire aider localement.
Ce ne sont pas uniquement des personnes de l’extérieur qui sont intéressées à collecter les connaissances et ressources traditionnelles ; les peuples autochtones sont de plus en plus conscients de la valeur économique de leurs connaissances et ressources, et se mettent eux-mêmes en communication avec des étrangers ou des organismes de l’extérieur pour explorer la possibilité d’exploiter commercialement leurs connaissances et ressources — mais à leurs propres conditions.
Il peut être demandé aux populations locales de communiquer les renseignements suivants :
Voici quelques autres types d’intérêt possibles :
Les raisons pour lesquelles les connaissances et les ressources biologiques sont recherchées sont multiples : recherche scientifique à but commercial ou non commercial, par exemple la pure recherche universitaire ou la prospection de la biodiversité ou encore la recherche agricole pour un développement commercial. Le but des recherches sur les ressources et les connaissances peut aussi être de trouver comment les conserver pour les générations actuelles et futures.
La recherche est un examen systématique effectué dans le but de découvrir de nouveaux faits et de tirer de nouvelles conclusions fondées sur des données recueillies sur le terrain ou au laboratoire. Une personne peut mener des recherches pour décrocher un diplôme ou pour faire avancer sa carrière universitaire. Ce genre de recherche pourra l’amener à observer les communautés traditionnelles et à faire des entrevues avec photos, dessins ou enregistrements, et comporter aussi la collecte de végétaux, d’animaux, d’échantillons du sol et autres objets. Les recherches non lucratives sont parfois financées par le chercheur, par l’université, par un gouvernement ou une ONG, par une fondation privée ou une société. Dans ces derniers cas, les institutions de financement reçoivent copie des données et rapports de recherche. Les bailleurs de fonds peuvent décider comment les matériels scientifiques et biologiques recueillis dans le cadre de la recherche seront diffusés ; ils demandent fréquemment d’être propriétaires des rapports finaux.
Prospecter la biodiversité ( ce qui est parfois appelé bioprospection ), c’est rechercher des ressources génétiques et biochimiques ayant une valeur commerciale ; cette activité est surtout menée au profit des secteurs de la pharmacologie, de la biotechnologie et de l’agriculture. Grâce aux immenses progrès techniques des dernières décennies, il est beaucoup plus facile pour les scientifiques d’étudier les possibilités commerciales des espèces. C’est ce qui explique que de nombreuses sociétés ont commencé à étudier le monde naturel, en particulier les forêts tropicales riches en espèces, ou ont donné plus d’importance à cette activité. À cette fin, les scientifiques s’appuient souvent sur les conseils des communautés locales qui connaissent à fond les plantes et animaux locaux.
Des 119 médicaments dont la structure chimique connue est encore extraite de plantes plus complexes et qui sont utilisés dans les pays industriels, plus de 74 pour 100 ont été découverts par des chimistes qui cherchaient à identifier des substances chimiques présentes dans les plantes utilisées par la médecine traditionnelle ( Farnsworth, 1988 ). À la recherche de matériel utile à la médecine occidentale, les sociétés pharmaceutiques étudient non seulement les végétaux mais aussi les animaux, les insectes et les micro-organismes.
La recherche botanique est née le jour où des voyageurs ont ramené chez eux des plantes inconnues ou différentes de celles qui poussaient dans leur jardin. Ces plantes ont été cultivées à des fins ornementales ou économiques, ou sont aller enrichir les jardins botaniques. La classification de nouvelles espèces de plantes et leur comparaison avec celles qui étaient déjà connues expliquent le développement de la taxonomie, science d’une importance vitale pour la recherche botanique, étant donné qu’elle établit un langage universel de description non ambiguë du matériel végétal.
La recherche botanique remplit diverses fonctions issues du besoin de connaître et de comprendre la vie végétale. Les chercheurs sont, par exemple, intéressés à savoir comment les plantes croissent et se multiplient, à connaître leur biochimie et leurs interactions au sein d’un milieu végétal. Ce type de recherche est mené aussi bien pour améliorer les soins de santé, accroître la productivité des récoltes et favoriser le développement industriel que pour elle-même, en vue d’être utilisée à des fins de développement commercial. Les raisons pour lesquelles les chercheurs se rendent dans une communauté varient donc d’un chercheur à l’autre, mais leur premier objectif est de cataloguer et de recueillir des échantillons de matériel végétal. Ils ne sont parfois intéressés qu’à un seul type d’arbre ou de plante, ou à la biodiversité d’un écosystème particulier. Dans tous les cas, ils auront besoin, pour s’orienter et s’informer, de la collaboration et des connaissances de la population locale en raison du temps limité dont ils disposent pour effectuer leurs recherches.
L’objet de la recherche agricole est d’améliorer la productivité des plantes de culture ainsi que leur résistance aux insectes et aux maladies pour que les agriculteurs aient de meilleures récoltes. Au cours des années 1960, les nouvelles techniques d’obtention ont permis de produire des souches de maïs, de riz et de blé à haut rendement, et les Centres internationaux de recherche agricole ( CIRA ) ont encouragé les agriculteurs à utiliser ces variétés au lieu des variétés traditionnelles ( voir le chapitre 2 ). À l’époque, cette « révolution verte » a été vue comme un jalon du développement agricole ; la productivité a beaucoup augmenté dans certaines régions grâce à la plantation de variétés à haut rendement ( VHR ) en monoculture sur de grandes superficies de terre. Auparavant, ces terres étaient exploitées selon les méthodes culturales traditionnelles consistant à planter toute une gamme de plantes et de variétés de plantes ( cultivars ).
Les nouvelles VHR requièrent d’importants intrants sous forme d’énergie, d’eau, de produits agrochimiques coûteux ( engrais et pesticides ) ainsi que du matériel pour préserver leur productivité. Et malgré cela, elles demeurent vulnérables à la maladie et aux insectes. Les gains en productivité des années 1960 et 1970 ne se sont pas maintenus dans les années 1980 et 1990, et nous reconnaissons aujourd’hui que la révolution verte était lourde de nombreuses répercussions économiques, sociales et environnementales néfastes, comme la disparition des variétés locales, l’abandon croissant des terres, le chômage, l’endettement, l’inégalité croissante des revenus et la dégradation des sols.
Depuis les années 1980, une part plus importante de la recherche agricole, surtout dans les pays développés, est appuyée par des intérêts commerciaux. Les sociétés développent la biotechnologie, par exemple le génie génétique, pour obtenir de nouvelles variétés de cultures qui, encore une fois, font peser une menace sur la diversité des cultures traditionnelles.
La recherche agricole a besoin d’un nouveau matériel provenant de régions où les pratiques agricoles traditionnelles persistent en raison du grand nombre des variétés de cultures et des adaptations environnementales. Même si certains chercheurs s’intéressent à des méthodes d’agriculture et d’amélioration des cultures pratiquées par les communautés autochtones et les agriculteurs traditionnels et qu’ils sont prêts à travailler avec les groupes autochtones, la plupart d’entre eux n’apprécient pas à sa juste valeur l’efficacité de l’agriculture traditionnelle.
Un développement et une surexploitation irresponsables provoquent un appauvrissement rapide de nombreuses ressources biogénétiques. Certaines politiques gouvernementales inadéquates donnent parfois aux sociétés un accès illimité aux ressources locales au lieu de les obliger à recueillir le matériel sans compromettre sa durabilité. Les techniques agricoles traditionnelles — cultures intercalaires et développement de cultures bien adaptées à un endroit particulier — ont assuré la productivité des terres pendant de multiples générations. Malheureusement, certaines de ces techniques sont en voie de disparition lorsque de grandes surfaces de terre servent plutôt à des cultures commerciales ( canne à sucre, bananes et café ) destinées à l’exportation. Cette tendance
a été stimulée par l’adoption de VHR et par la croissance des exportations de produits agricoles des pays endettés qui ont suivi en cela les instructions des gouvernements prêteurs et des banques de développement multilatéral ( telles la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement ).
De nombreuses ONG et même certains gouvernements et institutions intergouvernementales s’intéressent aujourd’hui davantage aux pratiques agricoles traditionnelles pour diverses raisons, entre autres pour freiner l’appauvrissement de la diversité génétique des cultures et pour résoudre d’autres problèmes liés à l’expansion des monocultures. Il existe deux grands types de conservation : la conservation in situ et la conservation ex situ.
La conservation in situ consiste à faire en sorte qu’une espèce végétale ou animale se maintienne dans un écosystème vivant. Une des fonctions des zones protégées est justement de préserver les espèces végétales et animales dans leur habitat naturel pour qu’elles puissent continuer de se multiplier librement.
Les peuples autochtones et les communautés locales ont un important rôle à jouer dans la conservation. Là où les agriculteurs ont obtenu des variétés de cultures adaptées à leurs terres et à leur climat, spécialement dans des conditions difficiles, l’encouragement apporté aux agriculteurs pour qu’ils continuent de cultiver et de développer des cultures spécialisées est une forme de conservation in situ absolument essentielle à la satisfaction des besoins alimentaires de la population mondiale croissante. Ironiquement, la conservation in situ est également importante pour les sociétés productrices de semences, même si le remplacement des cultivars par leurs variétés modernes est en grande partie responsable de la perte de la diversité génétique des cultures traditionnelles.
Le principe de la conservation in situ est affirmé à l’article 8 de la Convention sur la biodiversité biologique ( CDB ), notamment au paragraphe j, qui précise que ce mode de conservation « respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique » ( voir le chapitre 10 ).
La conservation ex situ consiste à préserver des espèces végétales ou animales à distance de leur lieu d’origine pour éviter leur extinction ou parce qu’elles comportent une caractéristique utile que les chercheurs désirent étudier. Le lieu de conservation peut être un institut de recherche, une banque de germoplasme, un zoo ou un jardin botanique. Les espèces peuvent être gardées dans leur pays d’origine ou à l’étranger, mais le sont toujours en vue d’être protégées et conservées. Un jour, elles pourraient être réintroduites dans leur pays d’origine à la suite, par exemple, de catastrophes naturelles ou de guerres qui menacent la diversité biologique. Ainsi, au Rwanda, le Centre international d’agriculture tropicale ( voir l’encadré 2.1 ), qui conserve des banques de semences des principales variétés de cultures élevées au Rwanda, prévoit distribuer des semences aux agriculteurs rwandais afin de remplacer les stocks ruinés par la guerre.
La conservation ex situ n’exige pas que les ressources soient retenues dans une institution internationale éloignée des communautés où ces variétés existent à l’état naturel. En Éthiopie, par exemple, l’Institut de biodiversité travaille en étroite collaboration avec les agriculteurs pour sauvegarder les cultures indigènes ( voir l’encadré 1.2 ).
Encadré 1.2
L’Institut de biodiversité d’Éthiopie
L’Institut de biodiversité d’Éthiopie ( anciennement le Centre de ressources phytogénétiques ) fournit aux agriculteurs du germoplasme pour qu’ils continuent d’expérimenter des cultures. Les cultivars des agriculteurs sont conservés dans des banques de gènes et leur sont accessibles. La production des ressources, leur marketing et leur distribution communautaire peuvent jouer un rôle essentiel dans la multiplication de ces variétés, les réseaux d’agriculture traditionnelle effectuant les essais et la sélection des semences.
Conservation et amélioration des cultivars à la ferme
Depuis 1988, des agriculteurs, des scientifiques et des agents de vulgarisation participent à l’exécution d’un programme de conservation des ressources génétiques dans le nord-est de Shewa et le sud-est de Walo, avec l’appui du Unitarian Service Committee of Canada. Le but du projet est d’aider les agriculteurs à préserver la diversité des cultures en conservant les cultivars mais aussi en améliorant leurs performances génétiques. Des matériels précédemment collectés dans les zones et régions avoisinantes sont donnés aux agriculteurs pour qu’ils les plantent et effectuent des formes simples de sélection de masse qui améliorent leurs caractéristiques. Les agriculteurs sont assistés par des obtenteurs ; d’autres scientifiques ont accès aux champs des agriculteurs pour effectuer des recherches. La plupart des agriculteurs sont des femmes qui ont été choisies par les coopératives agricoles.
Maintenir la sélection des cultivars indigènes d’élite sur les exploitations des paysans
L’Institut de biodiversité, de concert avec le Debre Zeit Research Centre de l’Université d’agriculture Alemaya, élabore un programme de conservation du germoplasme du blé indigène d’élite qu’il a recueilli au cours des sept dernières années. Plusieurs lignées génétiques sont choisies en fonction de leur adaptation à des conditions environnementales particulières, notamment le stress. Après les essais sur le rendement, au moins deux lignées supérieures sont choisies pour être multipliées et distribuées aux agriculteurs. Les agriculteurs multiplient et utilisent le stock le mieux assorti à leurs conditions. L’Institut de biodiversité conserve dans ses banques de gènes des échantillons représentatifs pour entreposage à long terme. Les agriculteurs peuvent ainsi faire des expériences avec les variétés de cultivars d’élite sans crainte de perdre les anciennes variétés indigènes.
Au niveau national, les variétés adaptées à partir des cultivars locaux sont offertes aux agriculteurs pour qu’ils puissent choisir leurs semences à long terme ou revenir à des versions améliorées de variétés locales adaptées lorsque des récoltes à risque élevé échouent. Cela est particulièrement utile dans les zones où les conditions de croissance sont marginales ou bien dans des environnements aux conditions extrêmes, où les variétés améliorées ne répondent pas aux exigences des agriculteurs.
Banque de gènes sur le terrain pour les zones enclines aux sécheresses
Avec la collaboration de l’Université d’agriculture Alemaya, une banque de gènes sur le terrain est en voie de constitution à Dire Dawa, dans l’est de l’Éthiopie, pour l’essai de cultures de famine, les communautés agricoles étant appelées à conserver et à évaluer les semences. Ce programme est essentiel à l’avenir de la production alimentaire en Éthiopie. Ce pays est, en effet, ravagé par des sécheresses périodiques, et la guerre et la famine qui ont sévi dans le pays dans les années 1980 ont sérieusement endommagé l’infrastructure agricole, forçant les familles à consommer les semences devant normalement servir à la prochaine campagne agricole. En Éthiopie, plusieurs plantes sauvages connues sous le nom de « cultures de famille » ont la capacité de résister aux sécheresses là où les plantes conventionnelles périssent. L’Institut de biodiversité mène des expériences sur le yeheb ( Cordaeuxia edulis ), un buisson vivace résistant aux sécheresses qui pousse dans la région d’Ogaden. Ses semences sont pour les nomades une excellente source alimentaire.
Source : Worede et Mekbib ( 1993 )
Lorsque les Nations Unies ont dressé leur première liste de parcs nationaux et de réserves analogues, leur premier but était la conservation de la faune et des écosystèmes. La création de zones protégées s’inspirait de l’idée de préserver ces lieux pour les générations futures, mais on reconnaît aujourd’hui que nombre de ces endroits changeront et seront même appauvris si l’on n’y maintient pas les modes d’utilisation et d’occupation qui y ont existé depuis de centaines d’années. C’est ainsi que la portée originale du terme « zone protégée » a été élargie de manière à inclure les occupations et activités humaines compatibles avec la conservation.
Cependant, cela ne garantit pas nécessairement une utilisation durable des terres. Au Kenya, le parc Mara — où vit une des tribus des Massaïs — a fait l’objet d’une telle surutilisation par les touristes que le conseil local cherche à englober dans la zone réservée les terres adjacentes des Massaïs vivant dans les collines de Loïta. Cependant, cela aurait non seulement pour effet de perturber une communauté dont le mode de vie aide à maintenir l’environnement semi-aride, mais constituerait également une désacralisation de leurs lieux sacrés ( voir l’encadré 1.3 ). Toute expansion des activités touristiques dans les terres des Massaïs des collines voisines de Loïta devrait être menée avec une prudence et une sensibilité extrêmes.
Selon la liste des Nations Unies ( UICN, 1994 ), un parc national est :
[ une ] aire protégée gérée principalement dans le but de protéger les écosystèmes et à des fins récréatives [ en particulier une ] zone naturelle, terrestre et ( ou ) marine, désignée a ) pour protéger l’intégrité écologique dans un ou plusieurs écosystèmes dans l’intérêt des générations actuelles et futures, b ) pour exclure toute exploitation ou occupation incompatible avec les objectifs de la désignation et c ) pour offrir des possibilités de visite, à des fins spirituelles, scientifiques, éducatives, récréatives et touristiques, dans le respect du milieu naturel et de la culture des communautés locales.
Les premiers parcs nationaux ont été créés aux États-Unis pour protéger les zones les plus spectaculaires de ce qui semblait être aux yeux des nouveaux venus des terres vierges libres de toute ingérence humaine ( le parc national de Yellowstone a été créé en 1872 ). De nombreux pays ont adopté cette notion de conservation et d’exclusion en s’efforçant de sauvegarder les zones caractérisées par une beauté exceptionnelle, une grande diversité ou de fortes populations fauniques en menant des politiques qui interdisent à quiconque de s’installer dans la zone protégée ou qui en excluent les personnes qui y vivaient peut-être déjà.
Depuis les années 1980, au cours desquelles la notion de zone tampon a été introduite dans le cadre du Programme sur l’homme et la biosphère de l’UNESCO, l’harmonisation des activités humaines avec la conservation de la faune a le plus souvent été réalisée par l’établissement de zones tampons. Ces zones sont des aires qui entourent une zone protégée, par exemple un parc national, où certaines activités seulement sont autorisées.
Encadré 1.3
La forêt de l’enfant perdu, appelée Naimina Enkiyio, dans les collines de Loïta ( comté de Narok ), au Kenya
Une des dernières forêts indigènes en Afrique de l’Est se trouve dans les collines reculées de Loïta. Cette forêt est protégée et vénérée par une tribu de Massaïs qui vivent dans ces collines et y tiennent leurs cérémonies traditionnelles et en tirent des plantes et herbes médicinales.
Les Massaïs des collines de Loïta sont des pasteurs semi-nomadiques qui ont préservé leur mode de vie traditionnelle fondé sur de fortes affiliations de clans et de groupes d’âge. On compte environ 17 000 membres dans ce sous-groupe de Massaïs. Ils possèdent leurs terres selon le droit coutumier sans droit de propriété individuel. Les efforts qu’ils ont faits pour rester indépendants ont été appuyés par les missionnaires hollandais qui ont mis sur pied le Projet de développement intégral dit Ilkerin Loïta, dans le cadre duquel les Massaïs ont reçu une formation agricole et communautaire. Aujourd’hui, le projet est géré de façon autonome par le conseil d’anciens Massaïs. Les fonds sont suppléés par une ONG hollandaise, mais plus de 50 pour 100 des fonds sont autogénérés.
Le mode de vie des Massaïs des Loïta est menacé à cause d’une mauvaise gestion et d’une surexploitation de la réserve voisine de Massaïs de la réserve de Mara. Même si leurs terres leur appartiennent selon le droit coutumier, le titre juridique sur les collines de Loïta appartient au Conseil du comté de Narok en fiducie pour les Massaïs, qui désire faire de la forêt Naimina Enkiyio une réserve naturelle afin d’attirer les touristes. Cette désignation chasserait les Massaïs de Loïta de leurs terres ancestrales. Or celles-ci sont pour eux non seulement d’une grande importance culturelle, mais ils y trouvent aussi des pâturages essentiels en saison sèche.
Les Massaïs de Loïta contestent l’interprétation que le Conseil du comté de Narok donne de la Trust Land Act et ils les poursuivent afin d’empêcher le ministre kenyan du gouvernement local d’approuver le plan relatif à Naimina Enkiyio. Leur action est, à leurs yeux, une mise à l’épreuve de l’article 8j de la CDB ( voir ci-dessus ) dont le Kenya est signataire.
Source : Loita Naimina Enkiyio Conservation Trust Company ( 1994 )
Elles facilitent la conservation de la vie végétale et animale, qui est protégée contre les dommages que peuvent causer des activités extérieures, telles l’agriculture à grande échelle ou l’établissement d’immigrants.
Les activités autorisées dans les zones tampons sont l’agriculture traditionnelle, par exemple, ou l’implantation d’une infrastructure pour une petite industrie d’écotourisme. Ces activités doivent, en principe, s’harmoniser avec les objectifs de protection du parc. Cependant, les principes guidant la gestion des zones protégées et des zones tampons pourraient créer des conflits, surtout si les gouvernements et les ONG participant à la désignation et à l’administration de ces zones ne se montrent pas assez sensibles aux préoccupations de la population locale ( voir l’encadré 1.4 ). Dans un parc national ou une zone tampon, les populations locales risquent de rencontrer diverses catégories de visiteurs dont le séjour sera plus ou moins long, l’impact social et économique de ce séjour étant proportionnellement plus ou moins profond.
Encadré 1.4
La Réserve de la biosphère de Manu
Les organisations internationales croient que l’établissement de zones protégées améliorera du même coup la situation des peuples autochtones, mais c’est tout le contraire qui peut arriver si elles négligent les communications avec les communautés locales. Et les dommages n’apparaîtront fort probablement qu’à posteriori, malheureusement. L’« apprentissage par l’expérience » a été la règle dans de nombreux cas.
La Réserve de la biosphère de Manu est le plus grand parc national au monde. Le Parc national de Manu a été établi par le gouvernement du Pérou en 1973 et, en 1977, la superficie de la réserve a été agrandie lorsqu’elle celle-ci est devenue une partie officielle de la Réserve de la biosphère de l’Unesco. En 1986, le Parc national de Manu a été déclaré site du patrimoine mondial ( voir le chapitre 10 ) à cause de sa valeur naturelle exceptionnelle. La réserve inclut le parc national, ainsi qu’une « zone réservée » et une « zone culturelle », zones tampons où la population autochtone peut vaquer à ses activités de subsistance traditionnelles.
Le gouvernement du Pérou et des organisations internationales telles que le WWF ont beaucoup fait pour conserver la zone à l’intérieur de la réserve de Manu, car elle est perçue comme un exemple unique de l’écosystème de la haute Amazonie qui a survécu en raison de son inaccessibilité. Cependant, les buts poursuivis par les agents de la conservation de la nature sont suspects aux yeux des populations locales à cause de la « mentalité de musée » dont elle découle ( l’intention était de garder le statu quo et de ne pas tenir compte du besoin d’évolution constante ).
Il était inévitable que des groupes autochtones isolés aient des contacts avec des visiteurs de l’extérieur et que ces contacts modifient leur perception de la vie. Les rapports entre les peuples autochtones de la zone et les groupes censés travailler à la défense de leurs intérêts ont à maintes reprises révélé que ces groupes étaient totalement incapables de définir ce que les peuples autochtones croient être dans leur intérêt.
Les cultures autochtones se sont détériorées au contact des missionnaires et des gardiens du parc, qui les ont introduits à la culture occidentale. Les programmes de santé appliqués dans la zone n’ont pas réussi non plus à répondre aux besoins de la population et ont dévalorisé leurs pratiques médicales traditionnelles. Au contact des visiteurs, les populations isolées contractent des maladies contre lesquelles elles ne sont pas immunisées. De plus, l’imposition de pratiques médicales occidentales, pour lutter contre des maladies occidentales, a sérieusement perturbé les communautés en marginalisant ou dévalorisant les chamans et leurs pharmacopées traditionnelles.
Aujourd’hui, les peuples autochtones contre-attaquent avec l’appui de groupes tels que la Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazónica ( COICA ) et la Fédération autochtone de la rivière Madre de Dios et de ses affluents ( FENAMAD ). La FENAMAD exige que l’ensemble du parc national soit déclaré territoire autochtone traditionnel en vue de centraliser et de renforcer le contrôle autochtone. Les Autochtones veulent que les personnes qui vivent dans le parc aient accès à des activités commerciales. La FENAMAD a pris en main la santé de la population locale dans le cadre du Projet de santé de la FENAMAD, dont l’objet est de promouvoir la médecine traditionnelle en utilisant uniquement ces aspects de la médecine occidentale qui complètent les pratiques traditionnelles, par exemple les programmes d’immunisation. La COICA a déclaré que « le parc n’est pas une réalité comme une personne, il est semblable à une loi, est changeable, dépendant et violable »; il a lancé un appel pour que le gouvernement reconnaisse et rétablisse les territoires ethniques, étant donné que la meilleure façon de protéger un territoire est de le faire administrer par les peuples autochtones et selon leur propre culture.
Les ONG internationales devraient tirer des leçons des réactions des peuples autochtones vivant dans la réserve de Manu. Ainsi, l’application des connaissances à la préservation d’autres zones d’une valeur naturelle exceptionnelle profiterait des méthodes durables qui ont façonné ces écosystèmes.
Source : Gradwohl et Greenberg ( 1988 ), COICA ( 1990 ), A. Gray, Oxford, R.-U., 1993 ( communication personnelle )
Les gouvernements et les ONG soucieux de conserver les paysages ne sont peut-être pas conscients du fait que ces derniers ont peut-être été transformés, au fil des générations, par les activités des populations locales et ne sont par conséquent pas des paysages sauvages mais bien des paysages culturels ( voir le chapitre 10 ). Les agents de la conservation des ressources naturelles doivent savoir qu’ils ne gèrent pas des lieux sauvages mais un genre de propriété culturelle sur laquelle la population locale qui habite la région depuis des générations revendique à juste titre un droit antérieur.
Les membres des communautés locales doivent savoir qui sont leurs visiteurs. Les interactions avec les visiteurs peuvent être fort avantageuses pour les peuples autochtones ; en effet, ils obtiennent ainsi des renseignements utiles, ils élargissent leurs connaissances par des échanges culturels et collaborent à la réalisation de projets de conservation, de recherche et de développement susceptibles de leur procurer des avantages monétaires, sociaux et politiques.
D’un autre côté, les communautés peuvent avoir affaire à des visiteurs qui ont l’intention de profiter d’elles et qui recourent parfois à des moyens malhonnêtes pour se procurer information et ressources. On examine dans les sections suivantes comment les communautés locales peuvent profiter au maximum de ces interactions et comment elles peuvent exercer leur droit de ne pas collaborer si tel est leur choix.
Nombreux sont les biens, les ressources et les connaissances qui viennent des communautés traditionnelles. Dans ce chapitre, nous nous demandons où le matériel génétique humain et le matériel phytogénétique, les connaissances et les objets — tels que les œuvres d’art — sont gardés à des fins de conservation, scientifiques et autres ou encore, dans certains cas, échangés à des fins commerciales.
Les connaissances, les ressources biologiques, les produits manufacturés, les œuvres d’art et même les restes humains sont des objets que l’on recherche à des fins de collection ou d’entreposage, et parfois d’achat et de vente. Les opérations portant sur ces objets se déroulent parfois très loin de leur point d’origine et il peut être difficile, voire même impossible, de préciser la destination finale des objets une fois qu’ils ont quitté la communauté source.
La recherche a besoin de matériel humain, animal et végétal. Les chercheurs doivent examiner et analyser le matériel qu’ils recueillent et le conserver pour la postérité. Les ressources biologiques ( et peut-être les renseignements qui les accompagnent ) peuvent être conservées à leur lieu d’origine ou ailleurs au pays. Les centres de conservation ex situ peuvent être des jardins botaniques, des musées, des banques de graines ou de gènes, ou encore des laboratoires appartenant à des gouvernements, des organismes intergouvernementaux ou des sociétés.
Il y a des siècles que les êtres humains collectent et stockent du matériel phytogénétique, par simple curiosité, pour faire des recherches taxonomiques ou à des fins commerciales à mesure que le marché mondial du germoplasme s’accroît. Les collections les plus anciennes et les plus riches appartiennent aux pays industrialisés ( le Nord ). La plus grande partie du germoplasme dans ces collections provient des principales sources de diversité génétique qui se trouvent principalement dans les tropiques ( le Sud ) ( Kloppenburg, 1988a,b: Juma, 1989 ).
On compte au moins 1 550 jardins botaniques dans le monde et environ 800 d’entre eux s’occupent activement de conservation de plantes pour que les espèces végétales menacées ou en voie de disparition survivent. Désirant coordonner leur travail, les botanistes à l’emploi de ces jardins s’échangent leurs connaissances dans le cadre de programmes tels que celui de la Botanic Gardens Conservation International ( BGCI ). Cet organisme envoie des rapports et de l’information à tous ses membres et exploite aussi un réseau d’échange d’espèces végétales. La plupart des grands jardins botaniques collaborent de plus en plus avec d’autres jardins dans le monde. Ainsi, les Royal Botanical Gardens ( RBG ) de l’agglomération de Kew, à Londres ( Angleterre ), viennent en aide aux Jardins botaniques de Limbe, au Cameroun, pour encourager la population locale à conserver les ressources naturelles du mont Cameroun.
Les centres de recherche agricole ont des collections de germoplasme de cultures en vue de soutenir la recherche et les obtentions de variétés améliorées de même que la conservation. Certes, la conservation a été une dimension mineure de leur travail mais les variétés de la « révolution verte » ayant perdu leur vigueur et résistant moins bien aux insectes, il faut maintenir un riche approvisionnement en matériel génétique nouveau pour développer des graines de remplacement. Cela se fait à partir de cultivars conservés dans les collections ou sur les exploitations. Le Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale ( GCRAI ) est la principale association mondiale vouée à l’amélioration et à la conservation de la productivité des cultures alimentaires dans le monde. Ses 16 organismes membres — ou CIRA ( voir l’encadré 2.1 ) — détiennent plus de 500 000 accessions « en fiducie pour la communauté mondiale » ( Diversity, 1994 ; Seedling, 1994 ), y compris jusqu’à 40 pour 100 de tous les échantillons uniques des principales cultures vivrières possédés par les banques de gènes à l’échelle mondiale. Les CIRA travaillent parfois dans un pays de concert avec les centres de recherche agricole nationaux, ou de façon indépendante. Si l’on insiste pour que les collections des systèmes des GCRAI soient détenues « en fiducie », c’est qu’il importe d’éviter que ces collections ne soient absorbées dans les collections nationales ou des collections appartenant à des gouvernements nationaux ou aux pays où elles se trouvent.
Un des principaux centres du genre est l’Institut international des ressources phytogénétiques ( IPGRI ) installé à Rome, dont les objectifs sont les suivants :
Le matériel végétal recueilli par les chercheurs peut être conservé dans des banques de semences, des banques de gènes sur place, des herbiers ou des collections in vitro ( voir ci-dessous ). Il appartient parfois à des institutions, tel un jardin botanique, un musée ou la banque de semences d’une société. Par exemple, des herbiers se trouvent associés à des universités ou à des musées, et certaines sociétés de biotechnologie ont des collections in vitro dans leurs laboratoires.
Les banques de semences sont des collections de semences stockées dans un endroit central. Les semences ne peuvent pas être stockées indéfiniment parce qu’elles perdent de leur force avec le temps. Cette perte varie d’un type de semence à l’autre, mais en général seules les semences orthodoxes conviennent à ce type de collection.
Les banques de gènes sur le terrain sont utilisées pour conserver des espèces ayant des semences récalcitrantes, surtout les espèces qui possèdent un potentiel commercial pour l’agriculture ou l’exploitation forestière. Ces banques sont plus coûteuses à maintenir et beaucoup moins efficaces du point de vue de l’espace que les banques de semences, parce qu’on conserve les espèces en les plantant dans des conditions
Encadré 2.1
Membres du GCRAI ( Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale )
- Center for International Forestry Research ( CIFOR ), Indonésie ; fondé en 1992 — conservation et amélioration de la productivité des écosystèmes des forêts tropicales.
- Centre international d”agriculture tropicale ( CIAT ), Colombie, fondé en 1967 —développement du germoplasme ( mandat mondial pour les haricots, le manioc, les cultures fourragères ; mandat régional pour le riz ) et recherches sur la gestion des ressources en Amérique latine et dans les Antilles ( recherches sur l’utilisation des terres, sur les falaises, les bordures de forêt, les savanes ) ;
- Centre international d”amélioration du maïs et du blé ( CIMMYT ), Mexique ; fondé en 1966 — amélioration des cultures ( recherches sur le maïs, le blé, l’orge et la triticale ).
- Centre international de la pomme de terre ( CIP ), Pérou ; fondé en 1970 — amélioration de la pomme de terre et de la patate ( recherches sur la pomme de terre et la patate douce ).
- Centre international des recherches agricoles dans les régions sèches ( ICARDA ), Syrie ; fondé en 1975 — amélioration des systèmes agricoles en Afrique du Nord et en Asie de l’Ouest ( recherches sur le blé, l’orge, le pois chiche, les lentilles, les légumineuses fourragères et les petits ruminants ).
- Centre international pour la recherche en agroforesterie ( CIRAF ), Kenya ; fondé en 1977 — lutte contre le déboisement dans les régions tropicales et la dégradation des terres ; lutte contre la pauvreté rurale par une amélioration des systèmes agroforestiers.
- International Center of Living Aquatic Resources Management ( ICLARM ), Philippines ; fondé en 1977 — amélioration de la production et de la gestion des ressources aquatiques dans les pays en développement.
- Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides ( ICRISAT ), Inde ; fondé en 1972 — amélioration des cultures et des systèmes de culture ( recherches sur le sorgho, le mil, les pois chiches, les pois cajans et les arachides ).
- Institut international de recherche sur les politiques alimentaires ( IFPRI ), É.-U. ; fondé en 1975 — repérage et analyse des politiques susceptibles de répondre aux besoins alimentaires des pays en développement, en particulier les groupes plus démunis dans ces pays ( recherches sur les façons d’atteindre une production alimentaire et une utilisation des terres qui soient durables, d’accroître la consommation des aliments et les niveaux de revenu des démunis, de renforcer les liens entre l’agriculture et les autres secteurs de l’économie et d’améliorer la situation commerciale et macro-économique ).
- Institut international d”agriculture tropicale ( IITA ), Nigéria ; fondé en 1967 — amélioration des cultures et gestion des terres dans les zones tropicales humides et subhumides et des systèmes agricoles ( recherche sur le maïs, le manioc, le niébé, le plantain, les fèves soja, le riz et le yam ).
- Institut international de management de l”irrigation ( IIMI ), Sri Lanka ; fondé en 1984 — amélioration des systèmes d’irrigation et maintien de leur rendement par une meilleure gestion.
- International Livestock Research Institute ( ILRI ), Kenya et Éthiopie ; fondé en 1995 —élevage du bétail, contrôle des maladies et cultures fourragères.
Encadré 2.1 ( fin )
- Institut international des ressources phytogénétiques ( IPGRI ), Italie ; fondé en 1974 — conservation des bassins de gènes des cultures alimentaires et fourragères, actuelles et potentielles ( recherches sur les ressources phytogénétiques ).
- Institut international de recherche sur le riz ( IIRR ), Philippines ; fondé en 1960 —amélioration du riz à l’échelle mondiale dans les principaux environnements consacrés à sa culture : irrigués, terres basses pluviales, terres hautes, eau profonde et terres humides intercotidales.
- Service international pour la recherche agricole nationale ( ISNAR ), Pays-Bas ; fondé en 1979 — renforcement des systèmes nationaux de recherche agricole par l’amélioration de leurs politiques de planification, d’organisation et de gestion.
- Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l”Ouest ( ADRAO ), Côte d’Ivoire ; fondée en 1970 — amélioration des variétés et des méthodes de production du riz par les petites exploitations agricoles familiales dans la suite continue des marais des terres hautes et intérieures, de la zone sahélienne et des mangroves.
Source : Ayad ( 1994 ), GCRAI ( 1995 )
soigneusement contrôlées afin que la semence et le tissu végétal puissent être récoltés pour réutilisation et à des fins d’essais d’obtention. Comme la plante pousse et fleurit, il faut prendre bien garde d’isoler les spécimens pour empêcher toute fécondation réciproque avec des variétés sauvages, ce qui exige d’agrandir encore la superficie réservée à la plantation. Pour protéger la plus large diversité génétique possible, de nombreux spécimens de diverses variétés sont requis.
Le stockage in vitro du germoplasme consiste à conserver du tissu végétal vivant dans des conditions de laboratoire. Les échantillons sont stockés à basse température —ce qui freine leur croissance — mais ils ne demeurent pas viables longtemps et doivent être renouvelés et recultivés. Le stockage in vitro est un processus intensif et coûteux et requiert un personnel spécialisé, ce qui explique que cette méthode soit moins populaire que les autres.
Des échantillons séchés de plantes et d’arbres sont conservés dans les herbiers à des fins de référence et non pas de propagation ou d’expérimentation. Les jardins botaniques et les universités ont parfois des herbiers en plus de registres entreposés pour de longues durées. S’ils sont bien organisés selon les règles acceptées à l’échelle internationale, les herbiers peuvent être d’une importance cruciale pour l’enregistrement de la flore mondiale. L’établissement d’herbiers appartenant aux communautés et contrôlés par celles-ci peut aussi être un bon moyen d’informer et de soutenir les connaissances des populations sur leur flore locale et ses utilisations ( voir l’encadré 2.5 ).
Un herbier bien entretenu est un registre de la flore d’une localité et peut durer des centaines d’années. Il vaut donc la peine que, dès le départ, la collecte s’effectue selon des méthodes bien établies. La jardins botaniques nationaux donnent des conseils et de l’aide sur la façon de constituer un herbier.
Encadré 2.2
Trois demandes de brevets relatifs à des cellules de peuples autochtones
La demande de brevet visant les Guaymis
Cette demande est l’aboutissement d’un projet exécuté par les Centres for Disease Control ( CDC ) du Département de la santé et des services sociaux des États-Unis et des National Institutes of Health ( NIH ) en collaboration avec des scientifiques panaméens. Ce projet consiste à enquêter sur les rares virus T-lymphotropes humains ( VTLH ), dont l’un ( type II ) est une cause connue de leucémie des cellules T chez les adultes et d’une maladie neurologique. Pour une raison quelconque, l’infection au type II de VTLH est répandue parmi les Guaymi et d’autres peuples amérindiens de l’Amérique du Nord et du Sud qui ont également donné des échantillons.
Selon Isidro Acosta, président du Congrès général des Ngobe-Bugles ( Guaymis ), « les médecins sont arrivés en petits groupes dans les communautés de Pandilla et se sont mis à recueillir du sang autochtone sous prétexte que la population souffrait d’une maladie mortelle et qu’il fallait donc analyser son sang pour étudier la malformation ou le type de maladie dont souffrait ce groupe. On donnait aux participants un petit comprimé en compensation de la perte de sang » ( Acosta, 1994, p. 48 ).
Il a été établi qu’une des trois femmes de la localité qui souffraient de leucémie avait une capacité inhabituelle de résistance à la maladie. Une lignée cellulaire T infectée au VTLH-II a été développée aux États-Unis avec le sang donné en 1990 et une demande de brevet a été déposée par les NIH plus tard au cours de cette année-là, d’abord aux États-Unis et ensuite à l’échelle mondiale en vertu du Traité de coopération sur les brevets ( accord international en vertu duquel une demande de brevet unique peut être déposée dans plusieurs pays où l’on souhaite bénéficier de la protection d’un brevet ).
Le document affirmait qu’il s’agissait « de la première fois qu’un VTLH-II était isolé à partir d’un médicament défini non intraveineux et utilisant un représentant de la population ». Les CDC soutiennent que l’on voulait favoriser la recherche sur le VTLH-II en mettant la lignée cellulaire à leur disposition. Néanmoins, il semblerait que la demande ait été déposée sans que ni la femme en question, ni aucun Guaymi, ni les collaborateurs panaméens du projet, ni le gouvernement panaméen n’en aient été informés, et sans tenir compte de la sensibilité culturelle et religieuse des Guaymis. Même si les CDC prétendent que la donatrice a donné son « consentement oral en connaissance de cause » ( Bangs, 1993–1994 ), il paraît peu probable qu’elle ait été mise au courant d’une possible demande de brevet ou de ses implications. Plusieurs organismes ont condamné ce geste, notamment la RAFI, qui avait découvert la demande de brevet, ainsi que le Conseil mondial des peuples indigènes et le Congrès général des Ngobe-Bugles. Isidro Acosta a écrit au secrétaire au Commerce des États-Unis pour lui demander de retirer la demande, ainsi qu’au Patents and Trademarks Office pour qu’il rejette la demande. Il a également dénoncé la demande de brevet auprès du secrétariat du GATT de même que lors d’une réunion du Comité intergouvernemental sur la CDB, déclarant qu’« il était contraire à toutes les traditions et lois des Guaymis de faire des cellules vivantes [ . . . ] un bien privé breveté [ . . . ] » Moins d’un mois plus tard, la demande de brevet a été retirée, prétendument à cause des coûts connexes élevés.
Encadré 2.2 ( fin )
C’est plutôt le tollé international que cette demande a soulevé qui explique ce retrait. Pour Acosta, en tout cas, le dossier n’est pas encore clos. Il demande que la lignée cellulaire soit retirée de l’ATCC et soit rapatriée. Cependant, selon le Traité de Budapest, l’échantillon doit être conservé pour 30 ans.
La demande de brevet relative aux Hagahais de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
Cette demande de brevet porte sur une lignée cellulaire T développée à partir d’un échantillon de sang provenant d’un membre des Hagahais, un groupe de 260 cultivateurs-chasseurs découvert en 1984 par des représentants gouvernementaux et des missionnaires. Une lignée cellulaire provenant du sang d’un donateur a été cultivée et infectée avec une variante locale du VTLH-I, devenant ainsi éventuellement utilisable pour la mise au point d’un vaccin et d’essais diagnostics pour le dépistage de ce virus et le traitement des Mélanésiens infectés. Après le dépôt de cette lignée à l’ATCC, des demandes de brevet ont été présentées par les NIH. En 1995, un brevet américain a été délivré en dépit des objections du gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La demande de brevet relative aux îles Solomon
Cette demande est semblable à la précédente. Dans ce cas, les donateurs étaient une femme souffrant d’une hépatite contractée par transfusion sanguine et un homme au foie et à la rate agrandis ( hépatosplénomégalie ). La lignée cellulaire T qui a également été déposée à l’ATCC contient une souche virale locale de VTLH-I. Ici encore, les NIH sont les demandeurs du brevet ; deux des inventeurs sont également nommés dans la demande. Ils prétendent que les deux résidents des îles Solomon ont donné leur consentement en connaissance de cause. Néanmoins, le gouvernement des îles Solomon a demandé au gouvernement des États-Unis de retirer la demande.
On peut obtenir d’autres renseignements sur ces demandes de brevets du RAFI ( voir la section Ressources, à la fin de l’ouvrage, sous Canada ).
Pour avoir d’autres renseignements, joindre CIRAN/Nuffic ( voir la section Ressources, sous Pays-Bas ).
Les cellules humaines peuvent être conservées, stockées et même cultivées in vitro sous forme de lignées cellulaires. Celles-ci peuvent être entreposées indéfiniment à basse température et être reproduites dans des conditions artificielles en laboratoire pour fournir, de façon constante, le code génétique intégral de l’organisme donateur. De même, l’ADN humain provenant de matériel humain recueilli, par exemple du sang, des os, des racines de cheveux ou d’échantillons cellulaires de la joue, peut être reproduit indéfiniment à l’aide de la réaction de la polymérase en chaîne ( PCR ), qui est réalisable en laboratoire ( le brevet de procédé pour la technologie PCR appartient à Hoffman La-Roche ; voir l’annexe 1 pour d’autres renseignements ). Cette technique est moins coûteuse que le développement de lignées cellulaires mais ne préserve pas l’intégralité du code génétique.
Vingt-six institutions sont reconnues aux termes du Traité de Budapest sur la reconnaissance internationale du dépôt de micro-organismes à des fins de brevetage ( administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ( OMPI ) ; voir l’encadré 8.1 ) comme dépositaires de matériel biologique à des fins de traitement de demandes de brevet. La plus importante de celle-ci est l’American Type Culture Collection ( ATCC ) aux États-Unis, une société à but non lucratif qui a stocké au moins trois lignées cellulaires provenant de peuples autochtones en rapport avec des demandes de brevet ( voir l’encadré 2.2 ). Ces dépôts ne sont pas librement disponibles, même pour le donateur, avant qu’un brevet soit accordé. Le matériel biologique humain est réputé pouvoir faire l’objet d’un brevet aux États-Unis parce que, une fois retiré de l’organisme humain, il est considéré par le Bureau des brevets et des marques de commerce comme n’étant rien d’autre qu’un produit chimique — ou ce que les avocats des brevets appellent parfois « une composition de matière ».
Les activités prévues par le Projet sur la diversité du génome humain ( PDGH ) feront peut-être grossir énormément la collecte et le stockage d’échantillons de sang, de racines de cheveux et de cellules de joues provenant de membres des groupes autochtones ciblés. Les planificateurs de ce projet semblent avoir pour attitude que la conservation ex situ de l’ADN provenant de groupes autochtones isolés est nécessaire du fait que ceux-ci sont « menacés ». Le projet lui-même, ainsi que toute l’idée du brevetage de cellules et de gènes humains, a soulevé une forte opposition de la part des peuples autochtones ( voir l’annexe 1 ).
Les connaissances, les produits et les ressources traditionnels, même le matériel génétique provenant d’un organisme donateur, sont des marchandises commercialisables que l’on peut acheter et vendre sur les marchés ou transférer directement à l’acheteur, souvent en vertu d’un accord antérieur.
Les marchés sont une destination temporaire pour les produits manufacturés, les produits alimentaires et les ressources biogénétiques qui sont achetés et vendus a quiconque est disposé à les payer. Les aliments et ressources biogénétiques peuvent être échangés à l’état brut ou après avoir subi plusieurs transformations. Chaque fois qu’ils subissent un traitement, et plus ils s’éloignent de leur source, une valeur leur est ajoutée et leur prix augmente. Ainsi, les fournisseurs qui vendent les matières premières localement reçoivent une petite proportion du prix qu’obtient le vendeur de l’article fini, surtout si ces matières font l’objet de plusieurs opérations d’achat et de vente entre leur point d’origine et l’acheteur final. Les propriétaires de magasins de souvenirs achètent des objets d’artisanat et des textiles sur les marchés locaux à très bon prix pour les revendre, souvent à des prix gonflés, dans des magasins spécialisés dans d’autres pays. Dans de nombreux pays, les sociétés qui vendent des remèdes naturels et des préparations
végétales achètent aussi des matières premières sur les marchés. Cependant, les sociétés qui produisent des médicaments occidentaux les achètent normalement directement des cueilleurs professionnels.
Les collectes de végétaux sont le principal moyen par lequel des connaissances et des ressources biologiques sont fournies à ceux qui poursuivent des intérêts commerciaux. La collecte est effectuée soit par des particuliers qui se font payer immédiatement dans le cadre de programmes de collecte de plantes destinés à une université, soit par des jardins botaniques en vue de compléter leurs budgets de recherche sur le terrain, soit encore par des courtiers privés à des fins lucratives ou des instituts de recherche ( privés ou publics ) installés dans des pays en développement.
Les connaissances traditionnelles sont un aspect important de la commercialisation des produits naturels parce qu’elles sont riches de renseignements sur la façon dont ces produits peuvent être commercialisés. À l’heure actuelle, les connaissances traditionnelles sont fournies aux intérêts commerciaux par l’intermédiaire de banques de données, de publications savantes ou de collectes sur le terrain.
L’identité culturelle d’une population est souvent fortement liée à certains objets qui ont une profonde signification religieuse. Pourtant, les musées, les galeries d’art et les particuliers s’approprient souvent ces objets, les achètent et les vendent, parfois à fort prix, sur le marché des arts international. Ces objets sont parfois volés ou sortent des pays en contrebande. Il arrive que des autochtones, à cause de leur pauvreté, violent le droit coutumier qui leur interdit de vendre ces objets à des étrangers. Même alors, les vendeurs n’obtiendront qu’une fraction du prix payé par un musée, une galerie ou un collectionneur privé. Le marché de l’art ethnique est un secteur très lucratif, les collectionneurs privés payant d’énormes sommes pour des objets dont la valeur tient au talent artistique de leur auteur, à leur ancienneté ou à leurs caractéristiques perçues comme exotiques et « primitives ».
Les musées aiment exposer un large éventail d’objets intéressant le public, parmi lesquels on retrouve des objets produits par des populations qui ont vécu dans le passé. Mais ils exposent parfois aussi des articles fabriqués par des populations d’aujourd’hui, y compris des objets sacrés et secrets. Les galeries d’art exposent aussi des œuvres d’art et des objets d’artisanat. Il peut s’agir de grands établissements possédant plusieurs expositions semi-permanentes ou de petites galeries privées offrant des collections spécialisées, par exemple des textiles ou des sculptures acquises dans certaines parties du monde. À l’occasion, les peuples autochtones récupèrent leurs objets sacrés ( voir l’exemple récent des tissus sacrés du peuple de Coroma, en Bolivie, au chapitre 10 ).
Les restes humains qui ne sont pas dans des tombes démarquées sont souvent considérés par la loi comme ayant été abandonnés et n’étant plus la propriété culturelle des descendants de ceux qui ont été enterrés. Ils deviennent plutôt la propriété de l’État, du propriétaire du terrain ou de l’établissement qui commandite les fouilles. Dans certains pays, un grand nombre de restes de squelettes ont été recueillis et stockés au cours des ans par l’État ou par des musées privés et des universités, et ont été exposés au public.
Nombre de ces restes ne sont pas des ossements anciens découverts par un archéologue. Les 25 hommes, femmes et enfants de Cheyenne du Nord, par exemple, dont les restes ont été rendus à leur tribu en 1993 par le Smithsonian de Washington, ont été tués au cours d’une révolte infructueuse contre l’armée américaine, en 1879. Les médecins de l’armée ont recueilli leurs corps pour étudier la diversité des squelettes humains et les effets des armes modernes ( National Geographic, 1994 ).
Les peuples autochtones contestent aujourd’hui activement le droit de ces institutions de posséder les restes d’anciens membres de tribus. Jusqu’à récemment, le Smithsonian possédait les restes de 18 000 indigènes, mais les restes de 2 000 personnes ont été rendus à leurs descendants à la demande des peuples autochtones qui ont invoqué la Native American Grave Protection and Repatriation Act de 1990.
Le British Museum est un grand collectionneur d’objets d’artisanat et de restes humains dans le monde entier depuis plus de 100 ans. Sa politique est régie par une loi qui lui interdit de transférer la propriété des objets qu’il possède. Selon le directeur du musée ( R. Anderson, communication personnelle, 1994 ), « “rendre” les objets constituerait une infraction à la loi ». Cependant, le musée n’expose pas de restes humains de peuples dont les descendants, selon le musée, auraient des objections.
L’information concernant les ressources culturelles et biogénétiques des peuples autochtones découvertes par les scientifiques, les chercheurs et d’autres écrivains, notamment les journalistes, est souvent publiée dans des livres ou enregistrée sur bande audio ou vidéo, voire même photographiée. Ces documents peuvent être stockés dans des bibliothèques, des archives ou des bases de données électroniques. L’apparition du courrier électronique a suscité la création de réseaux de communication mondiaux. Les utilisateurs communiquent entre eux et ont accès à de l’information, par exemple par Internet, qui couvre la plupart des continents et, par satellite, l’Afrique et le Pacifique. Sur Internet, les utilisateurs ont accès aux catalogues des universités et des bibliothèques, à des bases de données et à des réseaux spécialisés tels que le GreenNet, un réseau de communication électronique mondial sur les questions d’environnement, de paix, de droits de l’homme et de développement. Installé au Royaume-Uni, GreenNet fait partie de l’Association for Progressive Communications, qui a accès à plus de 20 000 groupes et particuliers.
Encadré 2.3
Les centres de ressources sur les connaissances autochtones
Un réseau de plus en plus dense de centres de ressources sur les connaissances autochtones se met en place en vue de recueillir, d’enregistrer et de diffuser des connaissances traditionnelles, par exemple le Center for Indigenous Knowledge for Agriculture and Rural Development ( CIKARD ) dans l’Iowa, États-Unis, le Centre for International Research and Advisory Networks ( CIRAN ), aux Pays-Bas, et le Programme de Leiden pour les ethnosystèmes et le développement ( LEAD ), également aux Pays-Bas. Le CIKARD, par exemple, « s’attache à comprendre, enregistrer, conserver et utiliser les connaissances autochtones des agriculteurs et des populations rurales dans le monde entier et à mettre ces connaissances à la disposition des professionnels du développement et des scientifiques » ( Warren, directeur du CIKARD, 1990, p. 1 ). Le réseau comprend aujourd’hui quatre centres mondiaux, deux centres régionaux et 18 centres nationaux dans les pays en développement. Il publie un bulletin intitulé Indigenous Knowledge and Development Monitor, organise des conférences internationales et publie des bases de données régionales et nationales sur les recherches consacrées aux connaissances autochtones. Ces bases de données veulent favoriser le développement durable et l’éducation, en améliorant le statut des connaissances traditionnelles.
Selon un éditorial paru dans le bulletin susmentionné ( vol. 1, no 3, p. 1 ), les connaissances traditionnelles « devraient faire partie, avec les connaissances scientifiques plus habituelles, des discussions nationales et internationales, et aider à renforcer la capacité intellectuelle ».
La position que défend le réseau est que l’information devrait circuler librement et que cela sera avantageux pour les pays en développement et les communautés locales. Cependant, aucune politique n’a été établie concernant les DPI ou les DRT. Il serait certes avantageux pour les peuples autochtones de voir que leurs connaissances sont mieux respectées et d’avoir accès à de nouvelles connaissances, mais leur apport intellectuel aux bases de données peut être exploité librement à des fins commerciales par des entreprises qui ne sont pas tenues d’indemniser les communautés.
Même s’il est vrai que les bases de données peuvent être protégées en vertu des lois sur le droit d’auteur, et que les utilisateurs ont parfois à payer pour avoir le droit de les consulter, il est difficile pour les fournisseurs originaux d’une information stockée dans une base de données d’empêcher que les données n’entrent dans le domaine public et d’en contrôler l’utilisation. NAPRALERT est l’une des très grandes bases de données sur l’ethnobotanique installée à l’Université de l’Illinois, à Chicago, qui fournit de l’information à des sociétés a titre onéreux.
On a assisté à une prolifération d’activités de stockage et de diffusion des connaissances autochtones. Normalement, on peut accéder à l’information sans avoir à reconnaître les DPI des peuples autochtones. Cependant, les études de cas présentées dans les encadrés 2.3 et 2.4 montrent que l’on stocke parfois des connaissances traditionnelles et de l’information relatives aux peuples autochtones tout en cherchant à renforcer le statut des connaissances traditionnelles ou à respecter le désir de ces peuples d’assujettir de l’information « délicate » sur le plan culturel à des restrictions.
La meilleure façon de garantir que les principaux bénéficiaires soient la population locale et que l’accès des visiteurs soit restreint est de faire en sorte que les collections, herbiers, musées et bases de données soient contrôlés par la communauté ( voir
Encadré 2.4
Le Fonds mondial pour la sauvegarde des cultures autochtones
Cette organisation, mise sur pied en France en 1993, poursuit les objectifs suivants :
- contribuer à la protection du patrimoine de l’humanité en pleine consultation avec les organisations autochtones ;
- convaincre les individus, les nations et leurs leaders de l’importance de sauvegarder la richesse ethnique culturelle des peuples autochtones ;
- conserver des traces des connaissances et des techniques créées par les peuples autochtones au cours des siècles ;
- promouvoir et encourager la recherche ainsi que la réalisation de films, d’enregistrements et d’autres documents par les peuples autochtones ;
- envoyer des équipes faire des recherches sur le terrain, là où les populations et groupes existants veulent affirmer leurs différences culturelles ;
- promouvoir la préparation de monographies sur les populations menacées dont le sort est peu connu.
Ses principales activités consistent à dresser la liste de documents ( comprenant des publications, des films et des enregistrements ), à recueillir des connaissances traditionnelles, à les conserver dans des archives installées au siège social de l’organisation et à les communiquer sur demande. Deux types d’archives sont prévus : des archives publiques qui seront ouvertes sans restriction et des archives réservées renfermant des documents qui peuvent « être directement ou indirectement dommageables pour les populations concernées [ . . . ]. » De plus, « les scientifiques, les producteurs de films, etc., qui ont donné ou prêté leurs documents au Fonds et les représentants des peuples autochtones dont les mémoires ont été recueillis, auront le droit d’en restreindre l’accès. » « Néanmoins, le FMCA pourra publier ces matériels à des fins de recherche, une fois qu’une demande écrite expliquant son objet aura été approuvée par le Conseil de gestion du Fonds ou par un Comité d’éthique nommé ou élu. » Ainsi, le Fonds est conscient que certaines informations sont sensibles et ne devraient pas être divulguées librement.
Pour avoir d’autres renseignements, joindre Patrick Bernard, FMCA/WOFIC ( voir la section Ressources sous France ).
l’encadré 2.5 ). Ces systèmes favorisent l’éducation non seulement de la population locale mais aussi des visiteurs, amenant ces derniers à être plus conscients du riche patrimoine culturel et intellectuel de la population locale, et des retombées économiques et scientifiques éventuelles d’une collaboration plus équitable avec celle-ci.
Au Canada, la nation dénée possède des archives renfermant les documents suivants :
Encadré 2.5
Programa de Colaboración sobre Medicina Tradicional y Herbolaria
Le PROCOMITH est installé au Chiapas, au Mexique, a été mis sur pied pour examiner les connaissances traditionnelles des communautés locales mayas sur l’utilisation des plantes. Les données de recherche ont été publiées dans les langues de la région.
Une des activités du PROCOMITH est l’établissement de l’Herbier ethnobotanique du Chiapas et la création de Jardins ethnobotaniques locaux à des fins de recherche, d’éducation du public et de promotion des connaissances et de la culture autochtones.
Parallèlement à l’herbier, des bases de données ethnomédicales et ethnobotaniques sont en voie de constitution dans les langues locales. Le format multimédia de ces bases de données rend celles-ci accessibles à la population locale —même aux gens illettrés — ainsi qu’aux étudiants et aux scientifiques en visite. Le PROCOMITH aide ainsi la population locale à constituer une ressource qu’elle n’a pas réussi à créer seule.
Pour avoir d’autres renseignements, joindre le PROCOMITH ( voir la section Ressources, sous Mexique ).
Source : Berlin ( 1993 )
Les Dénés ont présenté une proposition concernant le développement de la bibliothèque et la mise en place d’un système de base de données au bénéfice de leur population. Ils espèrent constituer ainsi une ressource éducative inestimable et créer des emplois. ( Pour avoir d’autres renseignements, joindre Bill Erasmus, chef national des Dénés. )
Les connaissances et ressources traditionnelles sont fréquemment stockées ex situ dans des centres de conservation spécialisés tels que des jardins botaniques, des herbiers et des centres de recherche agricole. Parfois, les ressources biogénétiques sont achetées et vendues après avoir été recueillies à des fins scientifiques. Les musées, les galeries d’art et les universités conservent également des collections de ressources, d’objets d’artisanat et même de restes humains provenant des communautés traditionnelles. Chaque fois qu’il est demandé à des communautés de fournir de l’information et des ressources, elles devraient, avant d’accepter de collaborer, établir où et sous quelle forme les visiteurs ont
l’intention de les stocker et comment ces visiteurs et les institutions qui financent les collectes entendent les utiliser par la suite. Ce faisant, les communautés seront en position de force pour dicter des conditions avantageuses entourant l’accès à leurs ressources traditionnelles ainsi que le commerce de celles-ci. Puisque de nombreuses communautés s’inquiètent de la perte de connaissances et de ressources auxquelles elles tiennent, la meilleure option pourrait consister à conserver celles-ci in situ. Les centres de conservation contrôlés par la communauté sont un moyen d’assurer que la protection de ces connaissances et de ces ressources profite d’abord et avant tout aux populations locales.
Les produits finaux dérivés des ressources et des connaissances des peuples autochtones ont normalement beaucoup plus de valeur que les avantages que ces peuples en retirent. Il arrive souvent que les collectionneurs de ressources biologiques, ainsi que les sociétés ou établissements qui commanditent les collectes ou achètent les échantillons, ignorent s’ils ont des obligations juridiques à l’égard de la population locale. Une juste indemnisation est une obligation morale ; on peut également soutenir qu’en vertu de principes internationaux, l’indemnisation est un droit légal. Nous examinons dans le présent chapitre la valeur et l’importance des connaissances traditionnelles et explorons la notion d’indemnisation juste. Nous examinons aussi ce qu’implique la publication de ces connaissances et comment elle peut accroître le nombre de bénéficiaires éventuels.
Il est probablement impossible d’établir la pleine valeur marchande des connaissances traditionnelles mais elle est certainement énorme et pourrait augmenter à mesure que les progrès de la biotechnologie élargissent la gamme des formes de vie renfermant des caractéristiques susceptibles d’applications commerciales. Selon une estimation, les médicaments à base de plantes ( dont un grand nombre ont d’abord été utilisés par des peuples autochtones ) vendus dans les pays développés avaient, à eux seuls, une valeur de 43 milliards de dollars en 1985 ( Principe, 1989, p. 79–124 ). Mais, une infime proportion seulement de ce montant ( beaucoup moins que 1 pour 100 ) a été récupérée à ce jour par les communautés-sources ( Posey, 1990 ).
Les pratiques agricoles modernes dépendent d’espèces culturales dont les caractéristiques de productivité et de résistance aux maladies ne peuvent être maintenues et améliorées sans l’apport constant de nouveau germoplasme. La plupart du nouveau germoplasme provient de cultivars ( ou de variétés populaires ) obtenus et conservés par les communautés traditionnelles au cours des millénaires. L’agriculture, ainsi que les sociétés qui produisent et vendent des semences et des produits agrochimiques, profitent aussi de pesticides à base de plantes — dont certains ont d’abord été utilisés par les communautés traditionnelles. Ainsi, les cultivateurs autochtones et autres cultivateurs traditionnels subventionnent l’agriculture moderne mais ne reçoivent rien en contrepartie si ce n’est, peut-être, de petits paiements des représentants locaux qui acceptent de fournir des semences et autres échantillons à des organisations extérieures ( voir les exemples donnés aux encadrés 8.2 et 8.3, au chapitre 8 ).
L’industrie pharmaceutique continue d’étudier ( et de confirmer ) l’efficacité de nombreux médicaments et toxines utilisés par les peuples autochtones ( voir l’encadré 3.1 ). D’autres industries qui fabriquent des produits de soins personnels, des aliments et des huiles industrielles profitent aussi du savoir et des ressources des peuples autochtones. Cependant, rares sont les sociétés fabriquant ces produits à se demander si elles ne provoquent pas parfois une perte des connaissances traditionnelles et une disparition des ressources lorsque la terre est convertie à d’autres usages pour leur fournir un plus grand nombre de matières premières.
Récemment, les secteurs des soins personnels et de l’alimentation ont suscité un regain d’intérêt chez les consommateurs pour les produits « naturels » et pour les pratiques de récolte éthiquement saines, et y ont répondu. C’est ainsi que plusieurs sociétés et organismes à but non lucratif se sont mis à travailler avec des communautés autochtones en vue d’obtenir de l’information débouchant sur la mise au point de nouveaux produits et à élaborer des stratégies d’acquisition des matières premières qui soient bénéfiques pour la société et respectueuse de l’environnement. Il arrive, cependant, que des sociétés obtiennent des connaissances et du matériel biologique sous de fausses représentations — par exemple en envoyant dans des communautés des employés qui n’admettent pas qu’ils sont là pour trouver des connaissances ou des ressources présentant un intérêt financier.
Encadré 3.1
Homalanthus nutans
L’Homalanthus nutans est une espèce de plante des forêts tropicales recueillie en Samoa occidentale pour le National Cancer Institute ( NCI ) par Paul Cox, de l’Université Brigham Young. Le composé anti-VIH prostratine en a été extrait. Les collectes ont été entreprises dans les forêts menacées par les activités d’abattage. Dans des entrevues avec les guérisseurs locaux, Cox a découvert que cette espèce était utilisée pour traiter la fièvre jaune et a pensé qu’elle pourrait intéresser le NCI également. Cox a servi d’intermédiaire pour la conclusion d’un accord entre le NCI et ces communautés.
Au NCI, les expériences ont prouvé l’efficacité de la plante contre le VIH-1. Ce cas est inhabituel, en ce sens qu’il constitue un exemple récent de recherche et de développement pharmaceutique découlant de connaissances traditionnelles. C’est un exemple évident que de telles connaissances peuvent déboucher sur un produit commercial. Sans ces connaissances, il est probable que le NCI n’aurait jamais appris l’existence de cette plante.
Pour avoir d’autres renseignements, joindre Paul Cox, Université Brigham Young, Salt Lake City, UT, É.-U.
Les connaissances traditionnelles ne procurent pas seulement des avantages commerciaux à des tiers. Il est vrai que les universitaires et les scientifiques s’enrichissent rarement en faisant des enregistrements de connaissances traditionnelles, mais les recherches de ce genre donnent un sérieux coup de pouce à leurs carrières universitaires aux niveaux du statut et du salaire.
Lorsque le savoir d’une communauté traditionnelle est transmis à un étranger qui le publie, il est alors difficile pour la communauté de contrôler l’utilisation qui en est faite ou sa diffusion, parce que ce savoir tombe dans le domaine public ( n’est ni secret, ni protégé par la loi et peut être utilisé librement par n’importe qui, y compris les sociétés pour lesquelles ce savoir a de l’utilité et de la valeur ). Même si la plupart des visiteurs des communautés ne sont probablement pas intéressés à exploiter commercialement les connaissances traditionnelles, ils peuvent, à leur insu ou délibérément, transmettre de l’information à des gens qui le sont. Les résultats des recherches universitaires sont en fait communiqués dès qu’ils sont publiés ou qu’ils enrichissent une collection de germoplasme.
On s’attend à ce que les chercheurs universitaires publient les résultats de leurs travaux et c’est ainsi que les sociétés peuvent obtenir de l’information utile en lisant ces rapports de recherche. En fait, les publications universitaires sont couramment consultées par les chercheurs de l’industrie et certaines connaissances fort utiles ( par exemple de l’information ethnobotanique ) deviennent en douce une composante de la recherche-développement ( R-D ) de sociétés commerciales. La société pharmaceutique Merck a ainsi décidé d’étudier le potentiel commercial d’un extrait d’écorce d’arbre utilisé par les chercheurs Urueu-Wau-Wau du Brésil après avoir pris connaissance de la plante et de ses caractéristiques dans un article de revue ( Jacobs et al., 1990 ; McIntyre, 1989 ).
Un exemple encore mieux connu est celui de la Pervenche de Madagascar ( Catharanthus roseus ) que plusieurs peuples autochtones du monde utilisent depuis des siècles pour traiter le diabète. Les recherches effectuées sur cette plante ont été déclenchées par le dépouillement de publications effectué par une société pharmaceutique américaine ( Eli Liley ) et une université canadienne ; elles ont conduit à la découverte de deux composés, la vinblastine et la vincristine, qui sont depuis utilisés pour lutter contre certaines formes de cancer.
Une publication peut facilement avoir d’autres effets : même si le livre ou le rapport de recherche repose sur des informations fournies gratuitement par un peuple autochtone, c’est le chercheur, l’auteur, la société d’édition ou le commanditaire de la recherche qui réclame le droit d’auteur. Les gouvernements ou commanditaires universitaires estiment justifié d’obtenir ce droit, du fait que le projet de recherche a été appuyé par des fonds publics. Par exemple, à la fin d’un projet de relevé ethnobotanique mené auprès du peuple Topnaar, en Namibie, et financé par l’Union européenne, non seulement des plantes médicinales ont-elles été exportées par les chercheurs, mais la Commission européenne a soutenu être propriétaire de tous les résultats de la recherche ( Cunningham 1993a ). Bien que les échantillons de végétaux aient été déposés dans l’herbier national de la Namibie et que les résultats de la recherche aient été communiqués aux autorités namibiennes, il est probable que c’est le gouvernement de Namibie qui en profitera — bien plus que le peuple dont la collaboration a assuré la réussite du projet.
Certains peuples autochtones sont aujourd’hui conscients de cette absence de reconnaissance des sources autochtones. Ainsi, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a publié deux documents sur la gestion des ressources par les Maoris mais prétend avoir le droit d’auteur sur ces documents sans reconnaître les nombreux informateurs maoris qui y ont contribué ( Mead, 1993, p. 33–34 ). Pour résoudre ce genre de problème, il suffit parfois de faire de la population locale l’auteur principal ou les coauteurs des communications et des livres, ou les coproducteurs des films et des vidéocassettes.
En avertissant les lecteurs de leurs obligations à l’égard d’un matériel publié, on garantit dans une certaine mesure que celui-ci soit utilisé correctement. Dans une publication de la Fondation Ciba, par exemple, les auteurs Elisabetsky et Posey ( 1994 ) avertissent le lecteur que l’information contenue dans leur article a été autorisée et librement donnée par les leaders autochtones. Dès le premier paragraphe, les lecteurs sont
informés qu’en le lisant, ils sont tenus, d’un point de vue éthique et moral, de respecter la source de l’information et de partager avec la communauté autochtone tous les avantages, économiques ou autres, qui pourraient en découler2. Même si cet avertissement n’a peut-être pas force légale dans certains pays, il renvoie à l’obligation universelle du respect des normes et des devoirs moraux et éthiques. La publication défensive est une autre façon de bloquer le brevetage ( voir le chapitre 8 ).
Les collectes de plantes et d’autre matériel biologique effectuées à des fins de recherche dans les universités peuvent donner lieu à une exploitation commerciale. Les communautés d’origine et les chercheurs universitaires ignorent parfois qu’un produit commercial a été mis au point à partir du matériel ou de l’information provenant d’une telle collecte. Cependant, dans certains cas, les collectionneurs de végétaux et d’autre matériel biologique à des fins commerciales sont des universitaires qui ont signé un contrat avec l’industrie. Grâce à ces contrats, les chercheurs peuvent poursuivre leurs recherches botaniques, pharmacologiques ou autres travaux universitaires qui sont souvent sousfinancés, mais il arrive fréquemment, en pratique, qu’aucune distinction ne soit faite du point de vue des collectivités d’origine entre les collectes destinées à des fins universitaires et celles faites dans un but mercantile.
Qu’une indemnisation soit justifiée pour des motifs moraux seulement ou qu’elle soit un droit juridiquement exécutable dépend des lois nationales, de la mise en œuvre de principes énoncés dans les lois internationales ( voir le chapitre 10 ) et de la capacité des membres d’une communauté de négocier — avec une société ou un organisme de collecte — une entente prévoyant une indemnisation. Il n’est pas facile, cependant, de savoir comment indemniser les communautés d’origine pour les connaissances et les ressources biogénétiques qu’elles ont fournies, chaque cas différant de l’autre, non seulement en ce qui a trait au montant de l’indemnisation mais aussi à sa forme, monétaire ou autre. Les collectionneurs sont souvent liés par des accords qui les obligent à approvisionner des sociétés ou d’autres institutions en ressources, mais il est difficile d’énoncer une politique générale sur la façon d’indemniser les individus et les communautés pour leurs ressources intellectuelles et culturelles.
2 Voici le texte de cette déclaration : « Les auteurs du présent article souscrivent aux principes du Pacte sur les ressources intellectuelles, culturelles et scientifiques établi par la Coalition mondiale pour la diversité biologique et culturelle. Les données ont été obtenues avec le plein consentement du peuple Kayapó. L’article est publié en esprit de copartenariat avec les Kayapó dans le but de faire progresser les connaissances pour le plus grand bien de toute l’humanité. Toute information qui en est tirée à des fins commerciales ou autres doit être adéquatement citée et reconnue : tout avantage commercial susceptible de découler directement ou indirectement devrait être partagé avec le peuple des Kayapó » ( Elizabetsky et Posey, 1994, p. 78 ).
Pour illustrer la complexité des cas concrets, Bennett ( Laird, 1993 ) montre à quel point il est difficile d’attribuer la propriété lorsque des communautés se sont échangé du germoplasme et des connaissances ethnobotaniques pendant des siècles.
Une plante, appelée chiri caspi ( Brunfelsia grandiflora ) chez les Quechuas Quijos, se nomme chini kiasip selon le peuple des Shuars. Non seulement les deux groupes ethniques utilisent la plante de la même manière, mais les Quechuas Canelos ont probablement joué les intermédiaires entre les Quijos et les Shuars. Qui faudrait-il donc indemniser relativement à une découverte de médicaments basée sur cette plante : les Canelos, les Quijos ou les Shuars?
Cette situation soulève trois questions :
Le montant de l’indemnisation dépendra de divers facteurs. Dans l’industrie pharmaceutique, par exemple, si les connaissances et les ressources n’ont été fournies qu’aux premières étapes de la recherche, l’indemnisation sous forme de pourcentage des ventes ( redevances ) sera assez faible ( 1 à 5 pour 100 ). Cependant, si les connaissances et les ressources permettent d’identifier un produit réel, les redevances pourraient être de l’ordre de 10 à 15 pour 100 ( Laird, 1993, p. 111 ). Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour déterminer le montant de l’indemnisation payable en vertu d’un accord conclu entre une ou des communautés et une société ou une autre institution :
La forme de l’indemnisation reflète-t-elle les besoins et désirs des communautés ou bien la façon dont les chercheurs perçoivent la situation? L’argent comptant n’est peut-être pas toujours la meilleure forme d’indemnisation. Existe-t-il un processus idéal de négociation ou de détermination des avantages? L’indemnisation doit-elle être un « versement initial » ou représenter un pourcentage des ventes ou les deux?
La Shaman Pharmaceuticals est une société qui a cherché à donner une indemnisation juste. Elle met au point des produits pharmaceutiques nouveaux à partir de spermatophytes et s’est engagée à rendre une portion des avantages découlant de ses produits à toutes les communautés et à tous les pays où elle travaille. Sa direction estime que c’est une façon de partager les risques et que cela assure un rendement plus rapide des ressources pour tous ses collaborateurs, y compris une portion des profits générés par le produit. La société créera aussi de nouvelles industries durables d’approvisionnement de produits naturels dans les pays où elle est active ( voir l’encadré 3.2 ).
La Shaman Pharmaceuticals demande aux groupes avec lesquels elle travaille de déterminer les besoins les plus pressants qu’elle pourrait satisfaire dans les collectivités. Selon Steven King, vice-président pour la section ethnobotanique de la Shaman, « pour n’importe quel groupe autochtone, une période d’attente de 10 ans avant de profiter des avantages éventuels est une attente infinie, les besoins de ces familles étant beaucoup trop urgents pour qu’elles puissent espérer une certaine réciprocité ». Parmi les avantages immédiats reconnus, mentionnons à titre d’exemple les fonds accordés pour l’agrandissement d’une piste d’atterrissage, principale voie de sortie d’urgence pour les patients d’une communauté de Quechuas. La Shaman a également fourni, à la demande de la Commission pour la création du parc national de Yanomami, des centaines de doses de méthaloquine destinées aux Amérindiens Yanomami qui mouraient d’une forme de paludisme résistant à la chloroquine, maladie introduite par les exploitants de mines d’or.
D’autres groupes ont signé des accords de cession de matériel ( ACM ) avec telle ou telle communauté en échange de leurs ressources biologiques et intellectuelles. Par exemple, le National Cancer Institute des États-Unis ( NCI ) a signé une lettre de collecte ( qui n’a pas force exécutoire ) avec la Fédération des Awas en Équateur.
Encadré 3.2
La Shaman Pharmaceuticals et la COICA
En 1990, la société Shaman Pharmaceuticals ( SP ) a entamé des négociations avec le Consejo Aguarana-Huambisa ( CAH ) au Pérou et avec la Coordinadora de las Organizaciones Indigenas de la Cuenza Amazonica ( COICA ) concernant les fournitures à long terme de matières premières pour leurs produits. Ce genre de collaboration représente, pour le personnel de la SP, une contribution majeure aux économies et modes de subsistance locaux.
Les premières discussions qui portaient sur la négociation de points de détail tels que le prix et le mécanisme d’approvisionnement, incluant les coûts de transport et d’exportation du matériel, ont réglé les inquiétudes soulevées au sujet de la durabilité des fournitures, de la conservation et du type d’avantages qu’en retireraient les collaborateurs locaux. Sur demande, la SP a assumé le coût du billet d’avion et le transport d’un membre de la COICA pour lui permettre de retourner discuter, avec sa fédération dans le nord de l’Amazonie péruvienne, de la proposition de la SP qui désirait obtenir du matériel directement de ces communautés.
Les leaders autochtones ont insisté pour que les nombreux leaders de la fédération et de la communauté aient le temps d’en discuter. Ils ont indiqué que si la SP était très pressée de conclure un accord d’approvisionnement, elle pouvait aller ailleurs. Pendant cette période, des études écologiques ont été effectuées en vue de déterminer la qualité et la quantité du matériel végétal dans la région.
En décembre 1992, un accord a été signé par la SP et le CAH. Une des principales préoccupations du CAH était de savoir qui paierait les divers coûts liés à l’achat et au transport du matériel vers un centre d’exportation. Des conditions précises incluant le prix d’achat ( qui était plus élevé que tous les prix payés alors par les intermédiaires commerciaux indépendants ), ont été convenues et mises par écrit avec l’aide d’un conseiller juridique. Le prix supérieur a été un facteur de négociation important pour la fédération ; de son côté, la SP a demandé qu’un niveau minimal de qualité et d’intégrité du produit lui soit garanti.
Une lettre d’intention a été signée par 138 délégués du CAH attestant ces négociations. La SP a débloqué des ressources pour permettre à un collaborateur du pays de s’initier aux procédures d’exportation au Pérou et de transmettre ces connaissances au CAH. Les Aguarana et la SP ont mis plus de deux ans à établir une relation satisfaisante. Outre qu’elle obtiendra des matières premières de ces communautés, la SP s’est engagée à fournir des ressources pour la gestion de la conservation et pour soutenir une activité communautaire locale de soins de santé.
La SP cherche à établir d’autres accords expérimentaux d’approvisionnement et d’achats semblables avec d’autres groupes dans l’Amazonie péruvienne et en Colombie, en Équateur et au Mexique. Dans chaque cas, il y a eu des lenteurs et il a fallu du temps.
Steven King de la SP estime qu’il y a un avantage à ces longues périodes de gestation précédant le développement de produits pharmaceutiques : les discussions et les négociations peuvent être menées « de façon rationnelle et réfléchie ».
On peut cependant adresser des critiques à la SP : même si sa volonté de mener de longues négociations et de verser immédiatement des avantages est sans doute louable, elle ne s’est pas encore engagée à verser des redevances. De plus, même si la société a fait des demandes de brevet, elle ne semble pas avoir envisagé la possibilité de partager la propriété du brevet avec les collectivités ou de nommer les membres des communautés locales comme inventeur ( Kennedy et Zerner, 1994 ). Cependant, la société soutient qu’elle est à la recherche d’espèces largement utilisées et répandues et que, par conséquent, de telles offres sont peut-être inapplicables.
Pour avoir d’autres renseignements, joindre la Shaman Pharmaceuticals ( voir la section Ressources, sous États-Unis ).
Le défi est grand : faire en sorte que l’indemnisation soit partagée équitablement parmi les groupes existants et les générations futures, et qu’elle soit versée au titulaire réel des connaissances et aux personnes qui conservent les ressources pose problème. Ce problème complexe n’est cependant pas insurmontable. Le cas présenté à l’encadré 3.3 soulève la question des revendications rétroactives portant sur les avantages découlant de la commercialisation de biens biologiques et intellectuels. On y apprend que, même si les connaissances et les ressources commercialisées sont largement répandues, le partage des avantages dans de telles circonstances est encore possible.
Le rapport d’une conférence sur les peuples autochtones et les DPI3 ( Working Group on Intellectual Property Rights, 1993 ) propose trois moyens d’assurer la protection et l’indemnisation des ressources biogénétiques et des connaissances traditionnelles : DPI, contrats et fonds ( voir les chapitres 8, 7 et 13 ). On indique qu’un système d’indemnisation reposant sur un fonds — tel que le Fonds pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs de l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture ( FAO ) —serait le plus approprié lorsque les connaissances remontent à un lointain passé et ne sont pas seulement récentes et lorsque les ressources ( et les connaissances les concernant ) sont largement répandues. Par conséquent, dans le cas du neem ( voir le chapitre 8 ), que les agriculteurs indiens utilisent depuis des siècles pour protéger leurs récoltes et qui est maintenant commercialisé par des sociétés aux États-Unis, un fonds international pourrait constituer le moyen le plus efficace de partager les avantages. Trois raisons militent en ce sens :
Un contrat est un accord juridiquement contraignant entre deux ou plusieurs parties. Les contrats sont de mise lorsque les connaissances et les ressources ne sont pas largement répandues et ne sont pas dans le domaine public, et que les deux parties croient que le contrat peut leur être avantageux. Avant d’accepter de signer un contrat, les parties devraient toujours obtenir un avis juridique indépendant. Les contrats sont examinés plus en détail au chapitre 7.
3 Il s’agit de la Conférence sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances autochtones tenue à Granlibakken, Lake Tahoe ( Californie, É.-U. ), en octobre 1993.
Encadré 3.3
Stevia rebaudiana
Le Stevia rebaudiana ( Asteraceae ) est un buisson originaire du Paraguay répandu dans les régions de l’Amérique au climat chaud et tropical. Il renferme un composé qui est jusqu’à 250 fois plus sucré que le sucre. Stevia rebaudiana est utilisé depuis longtemps par les peuples autochtones pour adoucir les boissons ; il était l’édulcorant préféré pour le café et le thé au Paraguay et dans le sud du Brésil longtemps avant que le sucre devienne populaire. Ce composé commande un marché en croissance de plusieurs milliards de dollars.
Les membres autochtones et non autochtones du Paraguay et du sud du Brésil font pousser le S. rebaudiana dans leurs jardins, à des fins de consommation domestique. Cependant, la participation des populations locales aux activités industrielles se limite généralement à travailler dans les plantations.
Lorsque la commercialisation à grande échelle s’est installée, l’utilisation du S. rebaudiana était si courante dans la région et par delà les frontières de tel ou tel pays qu’il était impossible de réclamer le titre sur l’espèce ou son utilisation, de sorte qu’il est peu probable qu’une communauté en particulier puisse légalement obtenir le droit aux recettes provenant de sa vente. Ce qui ne signifie pas, cependant, qu’une portion des recettes générées par la vente de S. rebaudiana ne pourrait être utilisée au profit des communautés dans la région où il était utilisé à l’origine. Des pressions pourraient, par exemple, être exercées sur les sociétés qui le produisent pour qu’elles soutiennent gratuitement des activités de conservation et de développement dans la région.
Pour obtenir d’autres renseignements, joindre la Herb Research Foundation, Boulder, CO, É.-U., ou l’American Botanical Council, Austin, TX, É.-U.
Les communautés locales devraient savoir qu’il est important pour elles de contrôler la publication des connaissances traditionnelles et de l’information portant sur leurs pratiques de gestion des ressources. Les chercheurs publient normalement les résultats de leurs études dans des revues spécialisées, des livres ou même des revues à grand tirage en vue d’accroître leur réputation dans la communauté universitaire. Cette perspective les pousse à rapporter l’information qu’ils ont recueillie sur les cultures et les connaissances traditionnelles autochtones et sur leurs pratiques de gestion des ressources.
Il faut souvent que les chercheurs soient sensibilisés aux implications de leurs publications. Beaucoup d’entre eux ne se sont jamais vraiment arrêtés au fait qu’une fois que les connaissances autochtones sont publiées, elles tombent dans le domaine public et échappent au contrôle des communautés dont elles sont originaires ou du scientifique lui-même. D’autres chercheurs ne respectent délibérément pas leurs responsabilités en ce domaine.
Les associations professionnelles ont commencé à établir des codes d’éthique régissant les activités de recherche, mais les communautés elles-mêmes devraient être prêtes à négocier des contrats avec les chercheurs et à fixer les conditions de leur travail. Elles devraient protéger leur autonomie en établissant un partenariat dans le cadre d’une recherche fondée sur la collaboration, en sous-traitant à des chercheurs de l’extérieur les travaux exigés ( recherche contrôlée par la communauté ), ou en établissant des orientations devant inspirer des contrats de recherche équitables ( voir le chapitre 14 ).
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les communautés ont le droit de savoir comment d’autres personnes utiliseront leurs connaissances, styles de vie, images et ressources. Ce droit est distinct de tout droit de souveraineté reconnu par les lois nationales. Par exemple, le droit à la vie privée — d’être à l’abri de toute intrusion et de toute attention publique non désirée — est reconnu dans le droit international comme un droit fondamental de la personne. Or, le fait de ne pas révéler pleinement à une personne, à une famille ou à une communauté ce qui est recherché, et comment et par qui cela sera utilisé, peut être interprété comme une intrusion dans la vie privée. Comme les lois en la matière varient beaucoup d’un pays à l’autre, il est difficile de faire des généralisations à partir de tel ou tel pays. La notion de consentement préalable donné en connaissance de cause implique des procédures que tout visiteur s’intéressant aux connaissances ou aux ressources locales devrait respecter pour que le droit à la protection de la vie privée soit respecté.
Une foule de pratiques abusives imposées aux peuples autochtones peuvent être considérées comme des violations de leur droit à être informés. En voici quelques-unes :
Certaines des activités susmentionnées constituent une intrusion dans la vie privée. La vie privée est un droit de la personne selon le droit international. L’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( PIRDCP ) stipule ce qui suit :
Les lois protégeant la vie privée varient d’un pays à l’autre et il faudra probablement consulter un avocat pour trouver les outils juridiques appropriés dans les lois nationales. Le système juridique d’un pays peut accorder aux citoyens un droit légal à la vie privée ou assurer une protection plus indirecte contre les atteintes à ce droit. Mais de nombreux pays n’ont pas de loi sur la protection de la vie privée comme telle ; néanmoins, plusieurs domaines du droit peuvent protéger les droits des populations contre certaines formes d’intrusion dans la vie privée. Les lois sur les DPI peuvent être invoquées pour protéger certains aspects de la vie privée. En voici quelques exemples :
Les concepts juridiques qui existent dans certains pays, notamment ceux de vol, d’intrusion et de diffamation, protègent parfois les aspects de la vie privée auxquels une communauté tient. Certaines des possibilités et des limites du droit à la vie privée dans la protection des peuples autochtones sont illustrées à l’encadré 4.1. Il est parfois difficile d’intenter des poursuites qui ont des chances raisonnables de réussir. Et une démarche de ce genre peut être coûteuse! Par conséquent, dans de nombreux cas, la meilleure ligne de conduite consiste à faire de la publicité négative et peut-être à menacer de poursuites.
La publication des connaissances secrètes d’une population sans son consentement sont une autre forme de violation de sa vie privée. Lorsque le groupe ou la communauté avait signé avec la personne qui reçoit les connaissances un accord selon lequel ces connaissances ne seraient pas révélées à d’autres, la publication pourrait bien être un acte illégal : selon le système juridique du pays, cela pourrait constituer une violation de contrat, une intrusion dans la vie privée, un abus de confiance, voire plusieurs de ces infractions. Cependant, même en l’absence d’un accord, un groupe ou une communauté n’a pas nécessairement à demeurer une victime passive ; les recours légaux sont peut-être encore possibles, mais les conseils juridiques peuvent être coûteux et l’issue incertaine. Les exemples suivants montrent qu’une communauté traditionnelle peut intenter des poursuites légales lorsque les connaissances secrètes sont publiées sans son consentement ( encadré 4.2 ).
Encadré 4.1
Utilisation commerciale d’images humaines : un exemple de l’Amazonie
Kukryt Kako Kaiapo, un membre de la communauté Kayapó, a été choqué d’apprendre qu’une société avait reproduit une photographie de lui-même, de sa femme et de son enfant sur des t-shirts et les vendait au Sommet de la Terre. Que dit la loi dans une telle situation? Dans la plupart des pays ( sauf en France ), la loi sur le droit d’auteur ne protège pas le droit d’une personne d’empêcher que sa photographie soit subséquemment utilisée à des fins commerciales à moins que, peut-être, cette photographie ait été commandée par la personne. Au Brésil, des poursuites légales pour intrusion dans la vie privée pourraient réussir dans plusieurs circonstances, notamment les suivantes :
- si la photographie a été prise contre le gré de la personne ;
- si la photographie nuit à la réputation de la personne ;
- si l’exploitation de la photographie a procuré à la société d’importants profits ;
- si la personne est bien connue et que sa personnalité fait l’objet d’une exploitation sans son consentement.
Dans le cas de Kayapó, la famille n’est pas bien connue au Brésil et n’aurait pas eu d’objection à être photographiée, mais la société a peut-être fait un gros coup d’argent en vendant les t-shirts. Les poursuites légales seraient sans aucun doute coûteuses et la décision incertaine. Par conséquent, la meilleure stratégie pour les populations autochtones et leurs partisans dans un cas comme celui-ci consisterait à faire connaître leurs sentiments à la société délinquante et à faire de la publicité autour de l’affaire pour que d’autres sociétés comprennent que ce genre de comportement peut être offensant et donne une image négative de la société. Cette méthode aurait, en l’occurrence, été inutile parce que la société a par la suite changé de nom pour éviter de payer les taxes et ne pouvait plus être retracée.
Le consentement préalable donné en connaissance de cause ( CPDCC ), sans être clairement défini, est une notion du droit international. Deux documents contraignants juridiquement l’utilisent, à savoir la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination et la CDB. La clause 5 de l’article 15 de la CDB stipule que « l’accès aux ressources génétiques est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie contractante qui fournit lesdites ressources, sauf décision contraire de cette partie ». Dans le guide de l’Union internationale pour la conservation de la nature ( UICN ) relatif à la CDB ( Glowka et al., 1994, p. 105 ), on trouve la définition suivante du consentement donné en connaissance de cause :
( 1 ) consentement de la Partie contractante qui est le fournisseur de la ressource génétique, ( 2 ) fondé sur de l’information fournie par l’utilisateur potentiel de la ressource génétique, ( 3 ) avant que ne soit donnée l’autorisation d’accès.
Encadré 4.2
Abus de confiance : une affaire judiciaire en Australie
En 1976, la Cour suprême du Territoire du Nord de l’Australie a décidé de bannir la vente d’un livre écrit par M. Mountford, un anthropologue australien connu, parce qu’il renfermait des connaissances sacrées qui lui avaient été révélées 35 années auparavant par les aînés d’une tribu d’aborigènes. Même s’il n’existait aucun accord écrit sur la confidentialité, l’anthropologue connaissait très bien ce peuple et savait très certainement qu’il s’agissait de renseignements secrets de nature très confidentielle. Le livre renfermait même un avertissement selon lequel il ne fallait pas en utiliser le contenu sans consulter les leaders religieux mâles locaux, ce qui indique que Mountford était au courant de la situation.
Selon le juge, qui parlait du groupe d’aborigènes,
la révélation des secrets à leurs femmes et enfants ainsi qu’aux hommes non initiés risque de déstabiliser socialement et religieusement leur communauté aux abois. En dépit du pronostic prononcé par M. Mountford selon lequel leur vie et leurs croyances « disparaissent si rapidement », il existe encore un urgent désir chez ce peuple de préserver ces choses, et aussi leurs terres et leur identité.
Même si l’Australie ( contrairement à de nombreux autres pays ) a une loi sur la protection de la vie privée, la décision de la Cour était fondée sur la loi relative à l’abus de confiance que Mountford a été jugé avoir enfreint en publiant son ouvrage. Cette loi existe dans de nombreux pays dont les régimes juridiques sont fondés sur le système britannique.
Source : Golvan ( 1992, p. 230 ), ECOSOC ( 1993, p. 22 )
[ En outre, ] l’obligation relative au consentement donné en connaissance de cause donne à une Partie contractante le pouvoir d’obliger l’utilisateur potentiel d’un matériel génétique — qu’il s’agisse d’une autre partie ou, par exemple, d’un collectionneur ou d’une société du secteur privé — non seulement à obtenir son autorisation avant d’accéder à des ressources génétiques qui relèvent de sa compétence, mais aussi à l’obliger à indiquer quelles seront les conséquences de l’accès, entre autres en précisant comment et par qui les ressources génétiques seront ultérieurement utilisées. Cette information ou ce manque d’information peut être un élément important dans la décision que prendra le fournisseur d’accorder ou non l’accès et à quelles conditions.
La mise en œuvre de ces dispositions requerra probablement une législation nationale à la fois dans le pays qui fournit les ressources génétiques et dans celui qui les utilise. Les utilisateurs de ressources génétiques sur les terres des peuples autochtones seront-ils ainsi tenus d’obtenir le consentement préalable donné en connaissance de cause des communautés locales? La CDB peut être interprétée en ce sens.
Le consentement préalable donné en connaissance de cause est pris en compte dans les accords de recherche fondés sur la collaboration et les codes d’éthique ( voir les chapitres 11 et 14 ). Une définition est pourtant requise ; nous proposons la suivante :
Le consentement préalable donné en connaissance de cause est un consentement qu’une personne ou un groupe donne à une activité après avoir été mis au courant de l’ensemble des raisons la motivant, des procédures particulières que l’activité impliquerait, des risques courus ainsi que de toutes les répercussions raisonnablement
prévisibles. Le consentement préalable donné en connaissance de cause comprend le droit d’empêcher que l’activité ne commence et de l’arrêter si elle est déjà en cours. Les types d’activités suivants devraient être assujettis aux conditions du CPDCC :
- recherches médicales ou autres menées sur un corps humain, qu’elles comportent ou non le prélèvement de matériel tel que des organes, des fluides organiques, etc. à des fins commerciales ou non ;
- traitement médical, surtout s’il comporte des risques ;
- prélèvement de matériel biogénétique et de minéraux des communautés ou territoires locaux de communautés traditionnelles, que ces communautés aient ou non un titre légal sur ces terres ;
- connaissances obtenues d’une personne ou d’une population ;
- tous les projets affectant les communautés locales, par exemple les travaux de construction, les plans de colonisation et les zones protégées.
Les demandes de consentement devraient être accompagnées d’une divulgation complète des éléments suivants, par écrit, dans la langue parlée localement :
- l’objet de l’activité ;
- l’identité des personnes exécutant l’activité et ses commanditaires, s’ils sont différents ;
- les avantages qu’en retirera le peuple ou la personne dont le consentement est demandé, ainsi que les commanditaires ;
- les coûts et inconvénients pour le peuple dont le consentement est demandé ;
- les activités et procédures de remplacement possibles ;
- tous les risques que l’activité implique ;
- les découvertes faites dans le cours de l’activité susceptibles de modifier l’intention de la population de continuer à collaborer ;
- la destination du savoir ou du matériel qui est acquis, son statut de propriété et les droits de la population locale sur eux une fois qu’il a quitté la communauté ;
- tout intérêt commercial que les exécutants ou commanditaires ont dans l’activité et dans le savoir ou le matériel acquis ;
- les options juridiques dont dispose la communauté si elle refuse d’accepter l’activité.
Il est très important que les pays qui adoptent des lois de mise en œuvre de la CDB contraignent les sociétés ou les établissements de recherche à obtenir le consentement préalable donné en connaissance de cause des peuples autochtones et de l’État — ou en lieu et place de celui-ci.
Il n’est pas facile d’assurer le respect de la vie privée des peuples et communautés autochtones parce que les lois pertinentes s’inspirent des notions occidentales de la vie privée et de la confiance, notions qui ne correspondent pas adéquatement aux préoccupations de ces peuples. Des recours juridiques existent cependant et il est possible de trouver sur place des autochtones ayant une formation d’avocat ou d’autres avocats sympathiques à leur cause et qui peuvent leur donner des conseils. Il peut être efficace aussi d’exposer et de faire connaître les cas flagrants d’invasion de la vie privée parce qu’une publicité négative peut amener les individus et les sociétés à se comporter autrement.
Il y a des siècles que de nombreux peuples autochtones commercent avec des étrangers. Aujourd’hui, cependant, les connaissances et ressources biogénétiques suscitent un regain d’intérêt et les éventuels profits qu’elles procurent expliquent qu’elles soient plus en demande sur les marchés modernes. Certaines sociétés pharmaceutiques et de soins personnels se mettent en rapport avec les communautés autochtones soit directement, soit par l’entremise d’intermédiaires ou de courtiers. Ces communautés ont souvent besoin de comptant pour payer leurs outils, le transport, les manuels scolaires, les radios, les médicaments, les articles culturels et l’aide juridique dont elles ont besoin, et aussi pour maintenir leurs propres institutions et négocier entre elles et avec l’État. Comment concilier le besoin de trouver des sources de revenu externes et le désir des peuples autochtones de ne pas vendre, commercialiser ou perdre certains domaines de leur savoir, des lieux sacrés, des plantes, des animaux et des objets? L’établissement de relations commerciales avec des étrangers est une décision importante et de nombreux facteurs doivent être pris en compte par les personnes qui la prennent. Elles doivent connaître leurs droits aux termes de la loi ainsi que toutes les répercussions de cette décision.
Le commerce est une arme à double tranchant. Source de richesse et d’indépendance, il peut aussi accroître la dépendance à l’égard d’étrangers et rendre plus vulnérable à l’exploitation. De nombreux écologistes ( et même certaines sociétés ) croient que le commerce des produits forestiers non ligneux ( PFNL ), comme les fruits, les noix, les fibres, les huiles et les exsudats des forêts tropicales ( la prétendue « moisson des forêts tropicales humides » ), comporte des avantages pour les forêts et leurs habitants. Cultural Survival, une ONG qui est reconnue pour la promotion de ce point de vue, participe activement à titre d’intermédiaire aux négociations entre les groupes autochtones et les sociétés intéressées à acheter des produits tels que les PFNL. Une autre ONG, Survival International, qui fait des campagnes en faveur des droits des peuples autochtones depuis plus de 25 ans, est bien plus sceptique. Au début des années 1990, le débat faisait rage entre les ONG, les journalistes et les universitaires concernant la théorie et la pratique d’un commerce durable des PFNL. Quelles hypothèses sous-tendent les vues contraires de Cultural Survival et de Survival International? Les réponses qu’elles donnent aux quatre déclarations suivantes sont révélatrices :
1. Les peuples autochtones font déjà partie de l’économie mondiale et ont des besoins qui ne peuvent être satisfaits que par le commerce.
Cultural Survival déclare qu’elle adopte une position réaliste : la plupart des peuples autochtones sont déjà imbriqués dans le système économique mondial et n’ont plus le choix d’en sortir. Selon Jason Clay, ancien directeur des activités commerciales de l’organisation, « nous n’avons trouvé aucun groupe qui ne participe pas, de quelque manière, à l’économie de marché, pas plus que nous n’avons trouvé de groupe ne souhaitant pas obtenir un meilleur prix pour les marchandises qu’il produise » ( Clay, 1992 ). Cultural Survival souligne également que, pour mener des campagnes de reconnaissance de leurs droits, les communautés autochtones doivent jouir d’une certaine indépendance financière ( Clay, 1992, p. 251 ). Les groupes ont aussi besoin d’argent pour acheter des médicaments et d’autres biens importants. On peut également affirmer qu’il pourrait sembler paternaliste de supposer que la consommation de biens de luxe affaiblirait nécessairement l’identité culturelle d’un groupe. Les Kayapós, par exemple, qui ont des relations commerciales avec Cultural Survival et The Body Shop, se servent de magnétoscopes pour enregistrer leurs cérémonies en plus d’enregistrer les promesses que leur font les représentants des sociétés et les gouvernements sur des magnétophones. S’ils ne peuvent obtenir de revenus d’une source respectueuse de l’environnement, ils cherchent ailleurs, en vendant par exemple des droits d’exploitation forestière et minière.
Survival International, de son côté, sans être en désaccord ( Stephen Corry, directeur général, 1994, communication personnelle ), affirme que les nouvelles activités de cueillette sont loin d’être lucratives et ne peuvent profiter qu’à un petit nombre de personnes. L’organisation a accusé Cultural Survival d’exagérer le potentiel économique des activités de collecte et son importance comme moyen de favoriser l’autonomie des peuples autochtones, d’une part, et de tromper le public qui croit aider les peuples autochtones en achetant leurs produits, d’autre part ( Corry, 1993 ).
2. Faire le commerce des produits de la forêt pour approvisionner les marchés outre-mer est une forme d’exploitation.
Survival International soutient qu’on peut trouver dans l’histoire de ce genre de commerce de solides preuves de cette déclaration. Par exemple, la quinine, un remède passe-partout découvert par les Autochtones de l’Amazonie pour lutter contre une maladie introduite par les Européens envahisseurs, a été surexploitée sans aucune retombée pour les peuples autochtones. De même, l’« essor du caoutchouc » au début du XXe siècle a été la cause d’énormes souffrances pour de nombreux habitants des forêts qui ont été maltraités par les commerçants. Les prix de nombreux PFNL sont bas et, même lorsque les produits ont une valeur économique élevée, les communautés locales reçoivent rarement un pourcentage juste de la valeur ajoutée aux produits transformés et transportés au loin. Il est donc certainement raisonnable de penser que le commerce des produits forestiers a toujours été une expression du colonialisme le plus rapace ; le désir de sauver les forêts tropicales humides en accroissant la consommation de ces produits dans le Nord est purement contradictoire. Selon Corry ( 1992 ), « il est dangereusement ironique de constater que la consommation accrue sur les marchés occidentaux, qui est cause d’une bonne partie de la destruction, soit maintenant acclamée comme bénéfique ». Non seulement Cultural Survival fait-elle erreur en épousant cette idée, mais elle se rend coupable d’une forme subtile de néocolonialisme, cela en dépit de ses bonnes intentions.
Cultural Survival rétorque que les forêts tropicales humides doivent s’autofinancer. Non seulement le commerce durable des produits forestiers ajoute de la valeur à une forêt sur pied mais il incite à la conservation en fournissant de l’emploi et des revenus. Le fait que, plus souvent qu’autrement, une valeur économique en a normalement été tirée sans aucun égard pour l’environnement ou la vie et les habitants des forêts n’invalide pas l’argument. Même si Cultural Survival soutient que la notion de type « c’est à prendre ou à laisser » fait ressortir la nécessité de créer les marchés internationaux qu’elle favorise, Survival International répond que les communautés locales utilisent déjà les ressources de la forêt mais que cette « utilité de subsistance » n’est pas prise en compte dans le processus de développement. Ainsi, ce n’est pas le commerce international qui sauvera les forêts mais bien les droits garantis aux communautés qui y habitent et qui obligent les planificateurs et les politiciens à reconnaître ce genre de valeur non monétaire ( Corry, 1993, p. 3–5 ).
3. Le commerce accentue plutôt qu’il ne diminue la dépendance des peuples autochtones.
Selon Survival International, les groupes autochtones seront forcément victimes des sautes d’humeur des forces du marché s’ils se mettent à vendre des matières premières pour la production de confiseries et de produits de beauté. Le commerce des produits exportés dont la popularité est peut-être sans lendemain accroîtra la dépendance à l’égard du commerce et des sociétés avec lesquelles les groupes travaillent, les relations fondées sur le commerce devenant nécessairement paternalistes. Selon Survival International, « la “récolte” ne rendra pas la communauté des forêts tropicales plus autonome. [ . . . ] Son véritable effet sera d’enfermer tout à fait la population dans le même type de relations de dépendance et de favoritisme que n’importe quelle forme
traditionnelle d’exploitation par laquelle les riches dictent les conditions d’échange aux peuples et pays appauvris » ( Corry, 1993, p. 6–7 ).
Sans nier les risques, Cultural Survival répond que, en l’absence de sources de revenus de remplacement, le commerce durable des produits de la forêt est une activité valable. Selon Clay, « si les producteurs de matières premières n’en tirent pas un meilleur profit, cela ralentira, et peut-être même stoppera, la destruction d’une grande partie de cette ressource. Cela aidera aussi ces peuples autochtones, s’ils possèdent une base économique, à conserver la diversité culturelle » ( voir Lerner, 1992, p. 160 ).
4. Le commerce peut causer des divisions intestines dans les communautés autochtones.
Survival International a prétendu qu’un des projets auxquels la société britannique The Body Shop travaille avec les Amérindiens Kayapós du Brésil consistant à extraire l’huile des noix du Brésil pour exportation en Grande-Bretagne a divisé cette communauté. Selon Corry, « cela a favorisé les antagonismes et divisions internes, sans parler de la dislocation sociale et de l’aliénation qui ont récemment totalement détruit la communauté » ( Corry, 1993, p. 2 ). Certes, l’impact social d’une richesse soudaine et les tiraillements entre ceux qui désirent participer au commerce et ceux qui s’y opposent peuvent avoir un effet destructeur sur une communauté.
Cultural Survival et The Body Shop reconnaissent qu’il y a des risques mais soutiennent que les peuples autochtones et leurs cultures ont une capacité d’absorption beaucoup plus grande que Survival International ne semble le supposer. Ils font aussi remarquer que la société Kayapó a toujours été déchirée par des disputes qui ne datent pas de leurs relations avec Cultural Survival et The Body Shop. Selon le président de cette société commerciale, « les Kayapós ne sont pas un peuple placide ; leur histoire est remplie de luttes intestines et de villages qui se divisent en factions et éventuellement en sous-villages » ( Roddick, 1992 ). Ce point de vue est corroboré par la plupart des anthropologues qui connaissent bien ces populations.
Que Cultural Survival ou Survival International ait ou non les arguments les plus convaincants, il reste que les communautés locales dans le monde entier estiment de plus en plus nécessaire de trouver des sources fiables de revenu qui leur procurent une plus grande autonomie. Elles peuvent chercher à faire de l’argent en travaillant à l’extérieur de la communauté, bien que ce moyen soit rarement lucratif. Une autre option souvent plus attrayante consiste à établir des liens avec le marché. Des membres d’une communauté peuvent prendre l’initiative de vendre des ressources locales, des biens manufacturés et des objets d’art sur les marchés locaux et régionaux, comme de nombreuses communautés l’ont fait depuis des siècles, ou bien ils peuvent conclure un accord avec une société, peut-être d’un pays étranger, intéressée à commercialiser les connaissances, les ressources ou les arts et l’artisanat de la communauté.
Puisque, dans la réalité, certaines sociétés et certains individus concluront des accords de ce genre sans même demander le consentement des communautés locales, quels droits celles-ci peuvent-elles invoquer pour prévenir une commercialisation non désirée et pour s’assurer le contrôle des activités commerciales?
Les « prospecteurs de la biodiversité » et les concepteurs de biotechnologies ne sont pas réputés pour leur sens éthique ou leur souci et leurs connaissances des peuples autochtones et des communautés locales : ils le sont pour leur capacité de profiter d’une occasion. Par conséquent, la banalisation des biens culturels, intellectuels et scientifiques des peuples autochtones et traditionnels — sans parler de leurs plantes, de leurs animaux, de leurs semences et même de leur matériel génétique — devrait préoccuper ces peuples à plusieurs égards.
La population des Guajajaras du Brésil, par exemple, utilise une plante appelée Pilocarpus jaborandi pour traiter le glaucome. Bien que l’exportation de cette plante procure actuellement au Brésil des revenus annuels de 25 millions de dollars, les Guajajaras seraient devenus des péons et des esclaves aux mains d’agents de la société exploitant ce commerce. De plus, les approvisionnements s’épuisent rapidement ( Davis, 1993, p. 8–11 ).
Mais les sociétés et les individus ne sont pas les seuls à vouloir commercialiser les ressources sans le consentement de la population locale ; les communautés locales ont à faire face aux graves problèmes de l’expropriation de leurs ressources par les États-nations. La plupart des accords de collecte et des arrangements internationaux concernant les échanges sont conclus avec les gouvernements nationaux et non avec les communautés. Ainsi, les peuples autochtones se voient souvent nier, par leur propre gouvernement, le droit d’exploiter leurs propres ressources à des fins commerciales.
Deux types de jurisprudence peuvent être invoqués pour renforcer la capacité des peuples autochtones de refuser que leurs connaissances et leurs ressources soient commercialisées par des tiers : le droit à l’autodétermination et les droits inaliénables.
Selon le droit international, la doctrine de l’autodétermination peut être considérée comme un droit de la personne de nature collective. Deux traités des Nations Unies —le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ( PIRDESC ) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( PIRDCP ) — affirment que tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes et, en vertu de ce droit, de déterminer librement leur statut politique et d’assurer librement leur développement économique, social et culturel ( voir aussi le chapitre 10 ).
Bien que le droit de disposer de soi-même soit enchâssé dans le droit international, il n’est accordé aux peuples autochtones par les États-nations qu’à des degrés divers, allant d’une reconnaissance presque nulle aux droits de pleine souveraineté. Ces droits de pleine souveraineté englobent le droit :
Dans certains pays, les peuples autochtones ont une souveraineté limitée sur leurs propres territoires. C’est sans doute le peuple autochtone du Groenland qui, en vertu de la Loi d’autonomie du Groenland de 1979, adoptée par le Parlement danois, exerce les droits de souveraineté les plus étendus ( Nuttall, 1994 ; Petersen, 1994 ). Le peuple du Nunavut, dans le Nord du Canada, jouira bientôt de droits semblables. De nombreuses tribus autochtones en Amérique du Nord ainsi que les Maoris de la Nouvelle-Zélande ont signé avec leurs États-nations des traités qui reconnaissent, à toutes fins pratiques, leur droit de disposer d’eux-mêmes. Aux États-Unis, les tribus autochtones reconnues par le gouvernement fédéral ont des droits de souveraineté en vertu desquels des tribunaux tribaux peuvent rendre des jugements concernant les violations du droit coutumier par les autochtones et les non-autochtones ( T. Greaves, Département de sociologie et d’anthropologie, Université Bucknell, Lewisburg, PA, É.-U., 1994, communication personnelle ). Les visiteurs qui enfreignent leurs lois interdisant la commercialisation et l’« exportation » de certaines ressources peuvent être poursuivis ( bien qu’une telle action puisse être contraire à la loi fédérale ). Certaines tribus américaines autochtones délivrent même des passeports.
Lorsqu’ils ne peuvent disposer d’eux-mêmes et qu’ils n’ont pas de titre légal sur leur territoire, il est très difficile pour les groupes traditionnels de fonder leur droit de « refuser » la commercialisation. Toutefois, certains principes du droit international appuient efficacement le droit des communautés autochtones et traditionnelles à disposer d’elles-mêmes.
Dans les sociétés traditionnelles, les droits de disposer de ressources de subsistance ( mises à part les possessions personnelles immédiates ) telles les arbres, les espèces de cultures et les plantes médicinales, ne sont pas mutuellement exclusifs ( Okoth-Ogendo, 1989, p. 11 ). Ils sont souvent partagés entre plusieurs individus ou groupes sociaux et communautaires dont chaque membre dispose d’un « faisceau » de droits hiérarchisés sur les mêmes ressources dans une région donnée. Ces droits sont réputés être inaliénables ; ils ne peuvent être cédés, sous forme de don ou d’échange commercial. En règle générale, les connaissances et les ressources sont communautaires et, même si des hommes, des femmes, certains lignages ou certains spécialistes des rites ou de la société, comme les chamans, peuvent posséder des connaissances spéciales, cela ne leur donne pas le droit de privatiser le patrimoine communautaire ( voir aussi le chapitre 6 ). Ainsi, le droit coutumier peut interdire à quiconque de vendre des connaissances et des ressources. De nombreux pays africains reconnaissent le droit coutumier et ont deux systèmes juridiques qui permettent de régler les crimes et les différends soit au sein de la communauté, soit devant un tribunal qui obéit à la coutume locale. D’autres États-nations, qu’ils aient ou non concédé des droits de souveraineté aux groupes autochtones,
reconnaissent parfois aussi le droit coutumier. Ainsi, la Commission royale sur les peuples autochtones du Canada a recommandé que les lois coutumières indigènes l’emportent sur les lois fédérales et provinciales en cas de conflit ( Richardson et al., 1994, p. 45 ). Dans les pays où le droit coutumier est reconnu comme faisant partie de la loi nationale et où les communautés locales ont des droits inaliénables sur certaines connaissances et ressources, le recours juridique devant les tribunaux nationaux devrait être possible en cas de commercialisation non autorisée des connaissances et des ressources.
Les droits collectifs ainsi que le caractère inaliénable des ressources s’articulent autour du besoin des peuples autochtones d’obtenir un titre juridique sur leurs territoires et peuvent être invoqués pour renforcer leur revendication territoriale. Selon Gray ( 1994 ) :
Les droits territoriaux des autochtones reposent sur l’occupation antérieure d’une région par un peuple, normalement avant même la formation d’un État. En ce sens, les peuples autochtones peuvent invoquer un « pouvoir d’expropriation » ( inaliénabilité ) normalement considéré par un État comme étant un de ses droits exclusifs. [ . . . ] la responsabilité collective d’un peuple à l’égard de son territoire est liée à la notion d’inaliénabilité. Cela ne signifie pas que des personnes individuelles ne peuvent détenir des terres et des ressources pour leur propre utilisation, mais que la propriété personnelle repose sur le consentement collectif. Les droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres et sur leurs ressources sont reconnus par des dispositions constitutionnelles de nombreux pays et aussi par les dispositions de déclarations internationales.
Il y a peut-être de nombreuses années que certains groupes autochtones font le commerce des ressources locales et des produits manufacturés. D’autres groupes sont possiblement des commerçants moins expérimentés et moins conscients du fait que les ressources biogénétiques et les connaissances locales les concernant peuvent être la source de produits qui généreront des profits pour les sociétés de produits pharmaceutiques, de soins personnels ou autres. Qu’un groupe autochtone choisisse de commercer de façon indépendante ou d’établir des relations avec ces sociétés, divers choix juridiques existent. On trouvera au chapitre 8 des explications sur la façon dont les peuples autochtones peuvent mettre en œuvre les outils de DPI pour protéger les connaissances relatives aux ressources qu’ils désirent commercialiser. Dans de nombreux cas, cependant, la meilleure façon de profiter du commerce serait de faire des pressions pour avoir le droit de recevoir une juste indemnisation. Selon Corry ( 1993, p. 6 ) :
Les meilleures techniques de commercialisation sont celles que les peuples trouvent et contrôlent eux-mêmes, qui conviennent à leur situation économique et sociale, qui débouchent sur une autonomie économique véritable par rapport aux intermédiaires exploiteurs, qui renforcent la cohésion plutôt que les divisions au sein des communautés concernées et qui ne sont pas exécutées par des organismes de l’extérieur à leur seul avantage. Les profits devraient appartenir à la communauté qui ne devrait subir aucune pression si elle désire abandonner le plan.
Encadré 5.1
Bixa orellana : l’Association des Yawanawas et la société Aveda
Le buisson Bixa orellana ( ou rocouyer ) est originaire des néotropiques où il est très répandu. Il est souvent cultivé autour des villages et dans les jardins. Ses usages traditionnels sont nombreux, notamment en médecine populaire.
La bixine qui en est dérivée est vendue dans le monde entier comme colorant alimentaire. Au XIXe siècle, l’Amazonie brésilienne a exporté d’importantes quantités de poudre de rocou en Europe. Aujourd’hui, le rocouyer suscite un regain d’intérêt de la part des sociétés de transformation des aliments et de produits cosmétiques parce que la bixine peut être consommée et appliquée sur la peau sans danger.
Les Amérindiens Yawanawas vivent dans la région d’Acre, au Brésil, depuis des siècles, mais depuis plus de 100 ans, à l’instar de nombreux groupes autochtones, ils sont soumis à des pressions extrêmes de la part d’immigrants venus s’installer dans la région. La société Aveda, installée au Minnesota, a récemment commencé à mettre au point, avec la collaboration des Yawanawas, des produits commerciaux tirés du rocouyer. Le personnel d’Aveda a travaillé directement avec l’association communautaire yawanawa à l’élaboration de leur programme de recherche.
Le projet lui-même a été monté et est administré par l’association communautaire avec l’appui des institutions locales. L’Association des Yawanawas a un statut d’institution juridique et est autonome. Aveda a couvert tous les coûts d’établissement des « plantations ». Le financement est étalé selon un programme qui tient compte des besoins opérationnels et administratifs de la communauté. Aveda doit approuver les rapports de dépenses avant de verser les fonds et ceux-ci doivent correspondre au plan préapprouvé.
Une fois que la production du rocou se fera à grande échelle, l’association pourra vendre et exporter le matériel comme elle le désire, Aveda étant traitée comme n’importe quel autre acheteur. L’accord conclu entre l’association et Aveda n’est pas exclusif, et Aveda n’est pas non plus tenue d’acheter tout ce qui est produit, bien qu’elle se soit engagée à écouler toute production excédentaire sur le marché. On croit savoir que les quantités produites excéderont de loin les besoins actuels d’Aveda, mais le personnel de la société Aveda cherche de nouvelles applications du rocou dans sa ligne de produits de beauté, et la demande locale et internationale est importante et en hausse.
Le rocou étant un produit très connu et largement utilisé dans toute la région néotropicale, et qui peut être trouvé sur n’importe lequel de ces marchés, l’accord entre Aveda et les Yawanawas ne reposait pas sur des indices ethnobotaniques mais vise principalement à assurer l’approvisionnement en matières premières pour les produits d’Aveda. Aveda cherche à réduire au minimum sa participation et dirige la communauté au niveau de la sélection du produit ( selon une liste d’espèces ) et la récolte durable.
Pour obtenir d’autres renseignements, joindre la société Aveda, Rua Marques de Abrantes 148/1104, Flamengo, Rio de Janeiro, Brésil.
Selon Clay ( Lerner, 1992, p. 159, 161 ) :
Tous les groupes autochtones avec lesquels j’ai travaillé et la grande majorité des autres vendent ou échangent quelque chose parce qu’ils ont tous besoin d’acheter des articles. [ . . . ] [ Cultural Survival ] tente de définir comment ces groupes peuvent gagner leur vie dans le monde moderne. Nous nous attachons à leur façon de commercer, de vendre ou de troquer des produits pour obtenir ce dont ils ont besoin en vue d’améliorer leur santé, leur éducation ou que sais-je encore. Nous voulons savoir quelles sont les aptitudes dont ils auront besoin dans le monde moderne et qui ne détruiront ou ne dégraderont pas leurs ressources. Il faut pour cela travailler avec eux et leur fournir une assistance technique.
Il existe au moins un principe du droit international qui accorde à tout peuple le droit de participer au développement à ses propres conditions : le droit au développement. Dans le cas des peuples autochtones, ce droit englobe :
Il s’agit d’un important principe parce que les gouvernements pourraient interpréter la CDB comme si elle donnait aux États-nations des droits de souveraineté sur toutes les connaissances et ressources biogénétiques se trouvant dans les limites de leurs frontières. Par ailleurs, les organismes gouvernementaux et les ONG qui s’occupent de conservation dénient parfois aux communautés le droit d’exploiter et de commercialiser les ressources locales. Le principe du droit au développement est enchâssé dans le droit international, et aussi dans l’article premier de deux pactes importants, le PIRDESC et le PIRDCP. Ce principe, qui figure aussi dans la Convention no 169 de l’Organisation internationale du travail ( OIT ), est formulé de la façon suivante :
Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière, et d’exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. [ Article 7.1 ]
Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources. [ Article 15.1 ]
Qu’un groupe décide de favoriser la commercialisation de ses connaissances ou de s’y opposer, il dispose de diverses options juridiques : contrats et conventions prévoyant des fonds de démarrage, des redevances, des fonds juridiques et l’arbitrage. Certaines sociétés élaborent également des politiques accordant des avantages aux peuples
autochtones qui collaborent avec elles. L’étude de cas présentée à l’encadré 5.1 illustre certains des avantages que les communautés locales peuvent tirer de liens commerciaux qu’elles créent avec les rares sociétés acceptant de collaborer en respectant leurs droits.
Compte tenu de ses éventuelles répercussions économiques et sociales de grande portée et du risque d’une perte de contrôle sur ses connaissances et ressources, la décision de commercialiser ces dernières peut être l’une des plus importantes qu’une communauté ou un groupe ait à envisager. Avant de décider de se mettre à commercer, de façon indépendante ou en collaboration avec une ONG ou une société, la communauté doit clairement savoir comment procéder légalement. Les trois prochains chapitres donnent de l’information sur la façon dont les communautés peuvent s’y prendre.
Pour intenter des poursuites dans le but de commercialiser un produit ou d’en empêcher la commercialisation, il faut comprendre en quoi l’administration des biens diffère dans les communautés autochtones et locales et dans les sociétés industrielles. Les poursuites peuvent être plus efficaces si les communautés ou groupes locaux sont inscrits à titre de « personne morale » ( constituent une entité légale ), comme le serait une société, une ONG ou une communauté religieuse. Quelle que soit la forme de collaboration, les partenaires étrangers à un accord seront des organismes qui envoient leurs représentants visiter les groupes autochtones et recueillir les connaissances ou les ressources sous une forme ou une autre.
À proprement parler, la « propriété » désigne un droit sur quelque chose plutôt que la chose ellemême qui est « possédée ». La propriété peut prendre la forme de droits sur des terres, des biens manufacturés, des produits de base, des services, des ressources ou des connaissances. Les droits de propriété s’accompagnent normalement d’obligations. Un propriétaire peut, par exemple, être tenu d’obtenir la permission d’autres parties ( p. ex. le gouvernement, les autorités locales ou les voisins ) avant d’ériger un bâtiment ou pour la transformation d’une forêt en terre agricole.
Le titulaire d’un droit de propriété est autorisé par la loi ou la coutume à restreindre l’accès à la propriété ou son utilisation par d’autres. Si la propriété appartient à une personne morale ( un individu, une personne naturelle ) ou à un groupe de personnes formant une personne morale, elle est réputée être privée. Cependant, si elle appartient à l’État, il s’agit de propriété publique, parce que l’État représente tous les citoyens du pays. Les terres, les biens, les ressources et les connaissances auxquelles une population locale a accès peuvent être une propriété commune ( c’est l’ensemble de la société qui les possède ) ou communautaire ( c’est la population locale qui les possède ).
Dans les sociétés industrielles, la propriété des terres, des biens et des services peut être cédée par une personne ou société à une autre pour de l’argent. Sauf dans le cas d’effets personnels, les droits de propriété ( tels que les DPI ) sont normalement détenus par des personnes morales ( sociétés ) plutôt que par des individus. Les sociétés traditionnelles considèrent parfois que ce genre d’opérations est contraire à leurs coutumes et droits. La propriété communautaire est le mode de propriété principalement utilisé dans la plupart des sociétés traditionnelles pour contrôler l’accès aux ressources de base comme la nourriture et le combustible, mais les droits sont multiples en ce sens que les individus, les anciens, les femmes, les clans, les lignages, etc. ont chacun des droits de propriété dans une région de ressources donnée et sur telle ou telle ressource dans ces limites. Ces droits peuvent être de portée différente d’un groupe à l’autre, mais ils sont inaliénables ( les autres ne peuvent les leur ravir ou les diminuer ).
Dans les sociétés occidentales, le créateur d’une nouvelle chanson est normalement une personne qui devient automatiquement son propriétaire et a le droit non seulement de vendre les enregistrements de la chanson mais aussi d’empêcher que d’autres ne le fassent. Dans une société traditionnelle, cependant, le « créateur » peut attribuer la « paternité » à un être du monde spirituel. Dans tous les cas, les anciens et les lignages peuvent avoir certains droits sur le chant. Par exemple, les anciens peuvent interdire que le chant soit interprété devant des femmes ou des membres d’un autre clan. Un clan peut avoir le droit d’empêcher l’« auteur » ( ou « le premier exécutant » dans les cas où la « paternité » est une notion inconnue ou bien est attribuée à des êtres spirituels ) du chant de signer un contrat avec une maison d’enregistrement ou, encore, d’obtenir une part des profits.
Même lorsque certaines connaissances ésotériques sont la propriété intellectuelle et exclusive d’individus, de familles, de chamans, de clans ou de lignages, ces propriétaires n’ont pas nécessairement le droit de commercialiser les connaissances sans
Encadré 6.1
Contrôles et sanctions dans le bassin de la rivière Kafue, en Zambie
Depuis le début du présent millénaire, les peuples tonga et ila occupent les terres entourant la rivière Kafue, en Zambie. Ils vivent sur les hautes terres qu’ils utilisent pour la culture et le pâturage en saison humide, et font la chasse et la cueillette dans les terrains boisés ; les plaines inondables servent à la pêche et au pâturage pendant la saison sèche.
S’adaptant à un écosystème imprévisible, la population locale a mis au point des systèmes de gestion souples fondés sur des droits fermement tenus et protégés et des obligations renforcées par des croyances spirituelles. Toutes les terres sont contrôlées par des leaders de clan nommés d’après le propriétaire original et c’est une personne de la lignée matrilinéaire qui en hérite parmi une série de prétendantes. Ces personnes sont dites être les propriétaires des terres.
Les produits des terres boisées sont un des principaux moyens de subsistance de ces peuples et sont assujettis à diverses lois traditionnelles qui peuvent varier légèrement d’un endroit à un autre suivant le besoin auquel un arbre ou une plante répond dans l’économie locale, la rareté de la plante ou du produit et la mesure dans laquelle les systèmes de contrôle traditionnels ont été respectés. Aucun arbre fruitier, ou certains autres arbres réputés être bénéfiques pour le sol ou la population, ne peut être abattu sans l’approbation du propriétaire de la terre. En contrepartie de cette permission, un tribut peut avoir à être payé aux ancêtres de la terre. Cependant, les fruits, l’écorce, les feuilles, les racines et les autres produits de l’arbre peuvent librement être utilisés par la communauté s’ils ne font pas partie d’un patrimoine de famille et si la récolte des produits ne tue pas l’arbre. Le produit d’un arbre n’a aucune valeur marchande tant qu’il n’est pas commercialisé ou converti en objet commercialisable. Le respect des lois traditionnelles est essentiel à une utilisation durable de l’écosystème.
Les pressions externes exercées sur le système par les barrages hydroélectriques érigés sur la rivière et l’immigration d’un nombre croissant de personnes rendent encore plus essentiel le maintien de ce système complexe de contrôle et de sanctions.
La communauté a réagi en adoptant de nouveaux règlements de conservation. Tous les membres de la communauté sont maintenant tenus d’obtenir une permission pour faire de la cueillette. Les femmes ont commencé à cultiver les plantes sauvages dont elles recueillaient auparavant les produits, et à sauvegarder et à distribuer les semences des plants les plus productifs. Les habitants des terres plates ont un système de connaissances et de croyances assez souple qui leur permet de maintenir la productivité du bassin de la rivière.
Source : Sorenson ( 1993 )
l’autorisation de l’ensemble de la communauté ou des anciens de la tribu. L’étude de cas présentée à l’encadré 6.1 est un bon exemple d’un système complexe de propriété et de gestion des ressources traditionnelles.
L’hypothèse selon laquelle il existerait une forme générique de droits de propriété collectifs non occidentaux autochtones ne tient pas compte de la nature complexe des
systèmes de propriété autochtones. Plus précisément, tout instrument juridique dont l’objet est de protéger les connaissances culturelles doit tenir compte des diverses formes locales et culturelles de ces systèmes.
Le droit coutumier semble offrir les meilleures options. Cependant, les peuples autochtones constatent fréquemment que leurs lois ne sont pas reconnues par les États-nations ; ils peuvent être obligés de se conformer à des lois qu’ils connaissent mal et qui peuvent être inadéquates au point d’être contraires à leurs propres lois. En général, les lois coutumières sont non écrites et, dans certains pays, notamment en Australie et au Canada, la codification ( rédaction écrite ) du droit coutumier a fait l’objet de nombreuses discussions. Cependant, la codification des lois coutumières pourrait, en fixant ces lois dans le temps, les empêcher d’évoluer. D’un autre côté, leur intégration dans les régimes juridiques nationaux pourrait requérir une compréhension et des analyses en profondeur que seule une codification rendrait possible ( Allot 1987 ).
Si une communauté traditionnelle, un peuple autochtone, une tribu ou un groupe devient une personne morale, il se pourrait que ses options légales soient bien meilleures. La procédure à suivre variera sans doute d’un pays à l’autre. Des fédérations de groupes autochtones telles que la COICA, qui a un statut consultatif auprès des Nations Unies, devraient pouvoir suivre le même processus. On trouvera au chapitre 14 une étude de cas de la Fédération awa en Équateur. Cette fédération administre les terres détenues à titre communautaire par le peuple awa et rend des décisions collectives concernant son utilisation.
Dans certains cas, il sera non seulement avantageux mais nécessaire de devenir une personne morale pour négocier et signer des contrats. Les recettes, par exemple, doivent être reçues et administrées par une personne morale représentant la population locale. Il peut être requis par le mode d’occupation juridique que les documents soient détenus par une entité reconnue juridiquement ( Lynch et Alcorn 1993 ).
Ces structures légales amèneraient probablement les communautés à composer avec des procédures administratives qui leur sont peu familières, par exemple à déposer des rapports d’exercice et à dresser des procès-verbaux de réunions ( Lynch et Alcorn 1993 ). La population locale peut préférer que l’entité qui les représente ait une structure et suive des procédures conformes aux structures et coutumes de la communauté traditionnelle, mais constater que la loi nationale relative aux personnes morales s’harmonise mal avec ce désir. Au lieu de devenir une personne morale, il est aussi possible d’établir un fonds fiduciaire indépendant de manière à ce que la population locale ne soit pas exploitée par des organismes avec lesquels elle choisit de traiter ( voir également le chapitre 7 ).
Dans la plupart des pays, les institutions religieuses ont des structures juridiques qui rassemblent le plus à celles des États — et sont, par conséquent, capables de les contester. Même s’il est vrai que les peuples autochtones ont souvent eu à souffrir des institutions religieuses et de leurs représentants, et ont été aliénés par eux, la capacité de résistance et le statut spécial des structures religieuses sont peut-être intéressants comme modèle d’organisation. Par exemple, les communautés ecclésiales « non conformistes » en Écosse peuvent posséder des terres et des biens, avoir des droits communaux et jouir d’un statut relativement indépendant en vertu des lois nationales. Elles ne sont pas assujetties aux règles, lois et taxes des structures organisationnelles, et leurs membres sont libres de quitter l’organisation si tel est leur choix. De plus, la communauté a le droit de choisir ses membres à son gré. Elle n’a pas à nommer un groupe responsable de personnes élues ou choisies qui la représenterait, mais peut se faire représenter de la manière qui lui convient.
Les « communautés de base » au Brésil se sont inspirées de ce modèle, bien qu’elle demeurent affiliées à une Église établie. Elles se composent d’individus qui travaillent ensemble pour améliorer la situation sociale, économique et spirituelle de leur communauté. En tant que structure religieuse, cependant, elles bénéficient d’une protection spéciale aux termes de la loi nationale.
Il n’est pas nécessaire d’être affilié à une organisation religieuse pour avoir droit au statut juridique spécial des structures religieuses. L’avantage qu’il y a à recourir au modèle ou à un principe organisateur d’une structure religieuse est de pouvoir peut-être jouir des mêmes privilèges juridiques que ceux dont jouit une organisation religieuse.
Les représentants des organismes qui désirent travailler en partenariat avec un groupe autochtone peuvent le faire au nom de l’un ou de plusieurs des partenaires possibles énumérés ci-dessous ; il faut que le visiteur étranger explique clairement au groupe autochtone pour qui il travaille. La communauté devrait insister pour avoir cette information par écrit et, si possible, sur cassette audio ou vidéo. Il faudrait aussi que la promesse de ne pas utiliser les données scientifiques à des fins d’exploitation commerciale sans le consentement de la communauté soit enregistrée.
Les sociétés à but lucratif sont des entités commerciales dont le but est d’accroître leurs revenus au profit de leurs actionnaires ou propriétaires. Elles réalisent leurs bénéfices en commercialisant un produit et la seule raison pour laquelle elles établissent des liens avec les peuples autochtones, c’est pour écouler les connaissances ou ressources autochtones sur le marché. Les sociétés qui vendent des produits de soins personnels, par exemple, seront à la recherche de plantes ou de produits dont les autochtones se
servent pour se nettoyer ou se décorer et qui peuvent être adaptés ou développés pour un marché mondial.
Les sociétés à but non lucratif ne cherchent pas à accroître leur rendement financier mais poursuivent un but défini. Il peut s’agir de fondations de bienfaisance ou de groupes religieux, appartenant à un groupe privé ou à une fiducie, d’organisations gouvernementales ou de ministères qui utilisent des fonds alloués par un gouvernement national. Elles sont parfois soutenues par un pays ou par un groupe international et pourraient vraisemblablement être classées dans l’une ou l’autre des catégories suivantes.
Les institutions publiques font partie de l’infrastructure gouvernementale d’un pays —un jardin botanique, un musée ou un établissement d’enseignement comme une université, voué à la découverte et à la diffusion du savoir. Leurs représentants seront des chercheurs qui recueillent de l’information précise destinée à être utilisée dans et par l’établissement et aussi à faire avancer la carrière du chercheur.
Aujourd’hui, compte tenu des coûts élevés et croissants de l’éducation, les départements de recherche des universités s’associent à des sociétés à but non lucratif pour accroître leur moyens de financement. Il faut par conséquent prendre garde que les connaissances données à des chercheurs universitaires ou à des banques de données gouvernementales n’aboutissent pas par mégarde et par des voies indirectes entre les mains d’une société commerciale.
Les ministères de gouvernements nationaux sont également représentés par des spécialistes en développement qui visitent les pays en développement pour leur offrir de l’aide sous forme d’assistance technique ou pour recueillir de l’information. Ils travaillent parfois en étroite collaboration avec des ONG.
On trouve aussi des organisations internationales qui font partie, par exemple, du système des Nations Unies et ont des fonds pour entreprendre des tâches spécifiques ; mentionnons la FAO et le Programme des Nations Unies pour le développement ( PNUD ).
Les ONG vivent des dons et des subventions de bailleurs de fonds, qui sont des gouvernements ou des personnes et des groupes privés. Leur mission se rattache généralement à la conservation et au développement. Depuis la CNUED en 1992, les ONG poursuivent un développement moins nocif pour l’environnement, souvent appelé développement durable. Des groupes de pression travaillent en faveur des populations dans les pays en développement — par exemple le « Third World Network » en Asie, Genetic Resources Action International et la Fondation Gaia en Europe, et la RAFI en Amérique du Nord — et diffusent de l’information sur des questions de conservation et d’utilisation durable des ressources biogénétiques dans des bulletins, des communiqués
et des groupes de discussion électroniques. Leur approche va « de bas en haut » ( travail en collaboration avec les communautés locales ). Les ONG internationales plus importantes dont l’approche se situe généralement au niveau gouvernemental emboîtent peu à peu le pas à ces groupes de pression et se mettent à l’écoute « des gens sur le terrain ».
Les organisations de défense des peuples autochtones sont des groupes tels que le Conseil mondial des peuples indigènes, la Cordillera People’s Alliance ou des groupements locaux plus petits qui sont créés et dirigés par les populations locales pour satisfaire leurs propres besoins, par exemple dans les domaines de la santé, du marketing, de la protection des connaissances ou de leur diffusion, mais toujours en préservant leur autonomie. ( Voir, à la section Ressources, les noms et adresses de nombreuses organisations de défense des peuples autochtones ).
À long terme, la reconnaissance du droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes et la reconnaissance du droit coutumier créeraient les conditions les plus favorables à un contrôle de la commercialisation par la communauté. Cependant, avec ou sans les avantages que cela procurerait, il importe pour la communauté de savoir qu’en collaborant avec une organisation de l’extérieur, elle pourrait se trouver très désavantagée du point de vue de l’accès aux fonds et à l’information. Par conséquent, en décidant de se mettre à commercer et en planifiant la mise sur pied d’un organisme qui la ou le représenterait, la communauté ou le groupe doit examiner soigneusement les questions suivantes :
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les contrats sont probablement les instruments juridiques les mieux compris et les plus accessibles. Ils peuvent être convenus rapidement, requièrent relativement peu de compétences juridiques pour être mis en œuvre et sont adaptables à chaque situation. Mais pour que les peuples autochtones en profitent, ils doivent avoir la capacité de conclure des contrats et d’intenter des poursuites en leur propre nom ; or, cela n’est peut-être pas possible dans certains pays. Dans le présent chapitre, nous examinons divers types de contrats et analysons différentes options possibles.
Les contrats forment une catégorie d’ententes contraignantes juridiquement qui comprennent un échange de promesses ou de mesures négociées. Les contrats relatifs à l’échange de connaissances ou d’échantillons biologiques prévoient en général que des communautés donneront leur consentement à des activités de collecte, d’identification, de traitement, de réapprovisionnement d’échantillons et, dans certains cas, de recherches plus poussées en laboratoire sur des échantillons envoyés aux entreprises pour sélection. Idéalement, les communautés doivent diriger toutes les étapes de ce processus, y compris l’enregistrement des connaissances locales se rapportant à l’espèce recueillie. Dans certains cas, cependant, il faudra collaborer avec des instituts de recherche extérieurs. De leur côté, les sociétés peuvent convenir de fournir aux communautés quelques-uns ou la totalité des éléments suivants :
Les accords écrits et signés ne sont pas tous contraignants. Une lettre d’intention ou un protocole d’entente n’est pas un contrat mais un ensemble d’énoncés convenus devant servir de fondement à un contrat juridiquement contraignant à une date ultérieure.
Un accord de cession de matériel ( ACM ) établit les normes devant régir la cession de ressources biologiques à des fins de recherche et peut-être de commercialisation en échange d’avantages accordés à la partie reconnue comme fournisseur et qui peut être un gouvernement, un organisme de collecte ( un jardin botanique ) ou même une communauté locale. Ces avantages peuvent être des bénéfices initiaux, un fonds fiduciaire ou des redevances futures. En échange, les ACM accordent normalement au bénéficiaire du matériel le droit de faire une demande de brevet si une partie quelconque du matériel a un potentiel commercial.
Par exemple, un ACM a été conclu entre l’Instituto Nacional de Biodiversidad du Costa Rica ( INBio ) et la société pharmaceutique Merck. INBio reçoit un paiement immédiat en plus de redevances correspondant à environ 3 pour 100 des ventes lorsqu’un produit est élaboré à partir de n’importe laquelle des quelque 10 000 plantes
ou autres extraits biologiques envoyés à Merck. Cependant, comme cela est courant dans les contrats commerciaux, les termes exacts de l’accord sont secrets sauf pour les signataires.
Nous proposons qu’une nouvelle expression — accord de cession d’information — soit adoptée dans les accords conclus entre une communauté ou un groupe traditionnel et un organisme de l’extérieur qui s’intéresse aux possibilités commerciales des ressources biologiques locales. Le mot « matériel » ( dans ACM ) ne rend pas justice à tout ce que la communauté a fait pour conserver, entretenir, utiliser et développer le « matériel » biologique auquel l’organisation extérieure s’intéresse. L’organisation ( société ou établissement public ) doit savoir que le contrat doit non seulement prévoir une indemnisation pour le matériel fourni mais aussi reconnaître les droits de propriété intellectuelle de la communauté. Une façon d’y arriver serait d’indiquer dans la demande de brevet que ce sont des membres de la communauté qui sont les inventeurs ou de partager la propriété du brevet avec la communauté.
Une communauté, une institution ou une société peut préférer ne pas commercialiser elle-même un produit sur lequel elle a un droit de propriété ( par exemple un brevet ) mais vendre plutôt le brevet ou signer un contrat de licence avec une autre société mieux outillée pour le commercialiser. Plus le potentiel commercial de l’information brevetée ou du savoir-faire non breveté est grand, plus la licence coûtera cher à moins que le titulaire de brevet soit un organisme gouvernemental. Par exemple, le NCI aux États-Unis ne peut, en vertu des lois fédérales, commercialiser des produits ou vendre des licences. Par conséquent, les sociétés peuvent recevoir des droits exclusifs de commercialiser un produit protégé par un brevet qui a été mis au point, du moins en partie, par le NCI dans le cadre d’une licence libre.
L’exemple donné à l’encadré 7.1 illustre une forme de contrat de licence reposant sur les types de contrats que les sociétés de logiciels concluent avec d’autres sociétés qui utilisent et modifient les logiciels de la première société.
Les contrats de licence qui s’inspirent de ce modèle devraient permettre à une communauté traditionnelle d’obtenir des revenus pour les connaissances qu’elle partage avec des étrangers, à l’abri de toute exploitation commerciale non désirée. Pour adopter ce modèle, il suffit d’inclure une clause de confidentialité dans un contrat relatif à la cession de connaissances autochtones. Les parties au contrat qui reçoivent ces connaissances auraient à payer des droits à la communauté qui les fournit et à s’engager à ne pas céder les connaissances à des tiers. Stephenson ( 1994 ) indique qu’avant de conclure une entente de ce genre, une communauté devrait être une personne morale ( voir le chapitre 6 ).
Encadré 7.1
Les lois sur les logiciels, fondement d’un contrat de licence
Les sociétés qui fabriquent des logiciels font face à un problème : leurs produits peuvent facilement être copiés et vendus par d’autres. C’est pourquoi un grand nombre d’entre elles ont conclu des contrats de licence qui donnent à des tiers l’autorisation d’utiliser le logiciel et de le modifier. Cependant, les utilisateurs licenciés n’ont ni le droit d’obtenir un droit d’auteur pour leurs versions modifiées, ni le droit de céder le logiciel à quelqu’un d’autre. La propriété de tout logiciel dérivé d’un produit original continue d’être détenue par le producteur original. Les contrats de licence relatifs aux logiciels renferment souvent les dispositions suivantes ( Stephenson 1994, p. 183 ) :
- un droit de licence annuel, payable par le titulaire de licence en échange du droit d’utiliser ses versions modifiées ;
- des honoraires d’expert-conseil, en raison des relations consultatives constantes entre les propriétaires de logiciels et les titulaires de licences.
Contrairement aux accords juridiques, les accords non juridiques sont le plus souvent ouverts, surtout s’ils sont conclus avec une institution publique ( laquelle recourt parfois à ces deux formes d’accords ). Le NCI américain, par exemple, se sert d’un ACM pour céder à des sociétés intéressées des échantillons recueillis antérieurement. Mais pour obtenir des échantillons en vue de ses propres recherches, il utilise une lettre d’intention ( qu’il appelle une lettre de collecte ; voir l’encadré 7.2 ). Normalement, les lettres d’intention énoncent l’entente préliminaire intervenue entre des parties qui entendent conclure un contrat. Dans le cas du NCI, les meilleurs composés seront octroyés sous licence à des sociétés, le NCI s’attendant ensuite à ce que celles-ci concluent des contrats avec des communautés. Lorsque des lettres d’intention sont signées avec des communautés pendant la collecte, les conditions continuent de s’appliquer pour un ACM. Cependant, le NCI ne peut juridiquement obliger une société à verser des redevances si celle-ci refuse de le faire.
Certaines institutions utilisent un protocole d’entente. Ce protocole, pas plus que la lettre d’intention, ne constitue un contrat contraignant. Il sert néanmoins de déclaration d’intention et peut constituer le point de départ de négociations ultérieures ( voir l’encadré 7.3 ).
Ces types d’accords peuvent porter sur des questions de confidentialité, de partage des résultats de la recherche et de versements des avantages aux fournisseurs, mais ne protègent pas les droits des communautés locales et ne sont pas, de soi, juridiquement contraignants.
Encadré 7.2
Les lettres de collecte du National Cancer Institute
En quête de traitements contre le cancer, le sida et d’autres infections virales, la Direction des produits naturels du NCI fait des recherches sur les végétaux, les microbes, les insectes, les organismes marins et les champignons. Son programme de collecte et de sélection de produits naturels est probablement le plus vaste du monde à l’heure actuelle.
Les collectes du NCI s’effectuent principalement au hasard en fonction de données taxonomiques. Une petite proportion ( moins de 5 pour 100 ) des collectes sont d’ordre ethnobotanique et sont effectuées par des institutions telles que le New York Botanical Garden, le Missouri Botanical Garden et certaines universités. Le NCI s’intéresse à toute espèce endémique qui, selon les connaissances locales, est utilisée pour traiter des cancers, guérir des plaies et améliorer l’état de santé. Le NCI compte énormément sur les contacts et les capacités de représentation de ses cueilleurs pour qu’une lettre de collecte ( LDC ) soit utilisée. C’est pourquoi le rôle de ces institutions et de leurs collaborateurs « organisés par pays » est crucial pour déterminer la nature du contrôle que les communautés locales exerceront et les avantages que leur collaboration aux collectes du NCI leur procureront. La LDC stipule, en partie, ce qui suit :
- Si le gouvernement du pays source ou une ou des organisations du pays source connaissent des plantes utilisées à des fins médicinales par une population locale ou des guérisseurs traditionnels, cette information sera la première à orienter la collecte des végétaux, si possible. Des détails sur les modes d’administration ( infusion chaude, etc. ) recommandés par les guérisseurs traditionnels seront fournis, le cas échéant, pour que des extraits adéquats soient réalisés.
- Toute cette information doit être tenue confidentielle par le NCI jusqu’à ce que les deux parties acceptent de la publier.
- Il faudra obtenir la permission du guérisseur traditionnel ou de la communauté avant de publier leur information et de reconnaître adéquatement leur contribution.
Même si la LDC reconnaît clairement l’utilité des contributions intellectuelles des populations autochtones — en vertu de la loi sur les brevets américaine si celles-ci ne sont pas mises par écrit, datées et signées — elles ne peuvent être de véritables inventions comme le seront, par exemple, les renseignements taxonomiques d’un cueilleur. La LDC ne renferme aucune disposition explicite contraignante juridiquement. On y trouve des expressions telles que « s’efforcer de » plutôt que « être tenu de » parce que le gouvernement américain n’est pas autorisé « à octroyer sous licence ou à affecter sa propriété intellectuelle » et que le Patent Policy Board du NIH a pour politique « de reporter les négociations et l’accord relatif à un taux de redevances précis jusqu’au moment où l’invention spécifique a été bien établie ».
Encadré 7.3
Le protocole d’entente des Royal Botanical Gardens
Les Royal Botanical Gardens ( RBG ) — les jardins botaniques royaux de l’agglomération londonienne de Kew — ont élaboré un premier protocole d’entente relatif aux collectes de semences et un second concernant la biochimie. Ils énoncent la politique menée par l’institution dans la répartition des bénéfices qu’elle tire de ses opérations et l’établissement d’arrangements équitables entre les RBG et leurs collaborateurs.
Le protocole d’entente porte sur les questions de confidentialité, de partage des résultats de la recherche et de distribution égale de tous les profits nets que les collaborateurs commerciaux procurent aux RBG. Ceux-ci conviennent d’envoyer les résultats de leurs recherches au fournisseur aussitôt qu’ils sont disponibles. Le fournisseur est tenu de faire tout son possible pour fournir d’autres échantillons de tout matériel intéressant. Si un composé semble particulièrement prometteur, les RBG, avec l’assentiment du fournisseur, chercheront à poursuivre les recherches en collaboration avec un partenaire commercial. Les RBG acceptent de partager avec le fournisseur tous les profits nets découlant de sa collaboration. Aucune stipulation écrite ne précise comment la part des profits nets du fournisseur lui sera remise.
Les accords sur les banques de semences stipulent explicitement que les RBG remettront 50 pour 100 de tous les bénéfices commerciaux aux collaborateurs locaux et déposeront des garanties végétales de toutes les collections dans les herbiers locaux. Les RGB choisissent « avec soin » leurs collaborateurs qui travaillent normalement de façon responsable avec les instituts nationaux chargés des recherches connexes ; ils se fient à eux pour que tous les revenus soient distribués dans le pays d’origine. La banque de semences a récemment inclus dans ses accords avec les bénéficiaires de matériel une mise en garde selon laquelle les RBG doivent être consultés et un accord négocié relativement à toute activité commerciale proposée.
Les RBG ont établi des relations étendues et souvent de longue durée avec des collaborateurs dans plus de 50 pays ; ces spécialistes travaillent en général pour des institutions botaniques ou des instituts scientifiques. Les accords conclus avec la banque de semences ne sont signés qu’avec des institutions ( jamais des individus ) ; il s’agit normalement d’instituts de recherche gouvernementaux. Cependant, étant donné que les relations commerciales à ce jour sont fondées sur les collections de spécimens vivants ou de semences que l’on retrouve à Kew, aucune collecte ethnobotanique n’est effectuée dans le cadre d’accords commerciaux.
Pour obtenir d’autres renseignements, joindre les Royal Botanical Gardens ( voir la section Ressources, sous R.-U. ).
Mise à part l’indemnisation, deux autres importants principes sont souvent inscrits dans les contrats, à savoir la confidentialité et l’exclusivité. Si une communauté traditionnelle est disposée à donner des connaissances ou du matériel biologique à des étrangers mais ne veut pas que des tiers en disposent, elle peut conclure une entente renfermant une disposition de confidentialité. Une clause de confidentialité garantit que le bénéficiaire ne transmettra aucune connaissance ( par exemple un secret commercial ) et aucun matériel à quiconque sans la permission du fournisseur. En retour, l’autre partie peut demander des droits exclusifs sur l’information ou le matériel fourni. C’est-à-dire
que le donneur ne doit pas communiquer la même information ou le même matériel à quelqu’un d’autre pour une période déterminée. Par exemple, une communauté peut accepter d’envoyer un certain nombre de plantes à une société et celle-ci peut demander l’exclusivité pour six mois. Au cours de cette période, la communauté n’est autorisée à fournir les mêmes plantes à aucune autre société.
Il suffit de comparer l’utilité potentielle des contrats aux faiblesses des contrats existants pour se convaincre de la nécessité d’élaborer des contrats types adaptables aux exigences spécifiques des peuples autochtones. Les pactes servent à établir des principes pouvant déboucher sur un contrat contraignant juridiquement, mais ils renferment des engagements éthiques et moraux qui débordent les accords commerciaux. On présente ci-dessous un important pacte de rédaction récente.
Le pacte que la Coalition mondiale pour la diversité bioculturelle a rédigé découle de l’idée que la protection des connaissances traditionnelles est l’élément central de toute négociation entre une population locale et des institutions extérieures. L’analyse de quelques éléments de ce pacte fait ressortir les dispositions qui pourraient utilement être incluses dans un contrat. Ce modèle a été intitulé Pacte relatif aux ressources intellectuelles, culturelles et scientifiques ( voir le texte intégral à l’annexe 2 ). Les partenaires d’une négociation devraient s’en inspirer pour conclure des associations éthiques et équitables mutuellement avantageuses. Ce pacte vise à être plus qu’un simple contrat. Il établit un ensemble de principes que tous les partenaires doivent accepter, tout en soulignant qu’un engagement à long terme est requis pour renforcer les communautés locales et la conservation de la biodiversité.
Le pacte traite avant tout du commerce équitable, mais tout accord doit nécessairement prévoir des mesures de protection. En voici quelques éléments essentiels :
Plusieurs des contrats qui ont été élaborés pourraient servir de documents de référence ou de modèles aux communautés locales, bien que la plupart d’entre eux ne traitent pas des ressources traditionnelles mais plutôt d’échantillons biologiques collectés au hasard. The Biodiversity Prospecting Contract ( Downes et al., 1993 ; voir aussi King, 1994 ) et The Contract between the Collector and the Government Parties en sont de bons exemples ( pour avoir de l’information, joindre le Third World Network — voir la section Ressources, sous Malaisie ).
Les contrats et autres accords donnent aux communautés locales d’utiles moyens pour tirer parti de la commercialisation de leurs connaissances et de leurs ressources. Cependant, les contrats existants sont loin d’être satisfaisants. Les communautés qui songent à conclure un accord avec une institution extérieure devraient faire preuve d’une grande prudence. Il a été question dans le présent chapitre des dispositions qui figurent normalement dans un contrat et de celles qui devraient y être incluses. Même si les deux parties ont des obligations juridiquement contraignantes, la communauté sera moins en mesure d’intenter des poursuites si l’autre partie ne respecte pas ses obligations. Il sera aussi presque certainement nécessaire d’obtenir des avis juridiques indépendants aux premières étapes de la négociation ; la meilleure façon de procéder serait d’insister pour qu’un fonds fiduciaire soit établi. Il serait bon également de communiquer avec des ONG capables de donner des conseils juridiques sûrs ou de l’assistance financière, de manière à ce que la communauté acquière cette capacité ( Kloppenburg et Gonzales, 1994 ). Il est crucial aussi de trouver un observateur indépendant convenant aux deux parties qui servira de médiateur et évaluera les modalités et la mise en œuvre de l’accord.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les communautés traditionnelles conçoivent sans doute à leur manière les droits de propriété intellectuelle et les droits sur les ressources. Cependant, des pressions s’exercent sur les pays en voie d’industrialisation pour qu’ils adoptent les notions européennes et nord-américaines de propriété intellectuelle qui, en garantissant à des personnes juridiques le droit de profiter de leurs inventions, sont considérées comme favorisant le développement. En général, les lois sur les DPI n’ont pas desservi jusqu’à présent les intérêts des communautés autochtones mais elles pourraient le faire.
La plupart des pays ont des lois sur les DPI et les notions occidentales de propriété intellectuelle y sont normalement prédominantes. Ces notions s’inspirent de l’idée que l’innovation est due au génie de personnes individuelles. Lorsque celles-ci partagent le fruit de leur génie créateur avec une société, elles sont réputées mériter des droits économiques que leur accorde l’État au nom de la société. Ce sont ces mêmes droits économiques qui sont collectivement connus sous le nom de DPI. Au XXe siècle, les sociétés modernes sont de plus en plus dominées économiquement par des entreprises qui recourent à des chercheurs et à des inventeurs. Résultat : les DPI sont attribués non à des individus mais aux entreprises, organismes gouvernementaux et universités qui les emploient ou financent leurs recherches.
On distingue plusieurs types de DPI ; chacun d’eux peut jouer un rôle dans la protection des connaissances autochtones et aider les populations indigènes à vendre sur le marché les produits qu’ils ont décidé de commercialiser. Certains de ces DPI peuvent aussi être utilisés pour protéger le patrimoine culturel et la biodiversité.
Cependant, les DPI ne protègent pas adéquatement les connaissances et ressources des peuples autochtones et ils ne sont pas une panacée qui contrebalancerait soit l’incapacité de ces peuples de disposer d’eux-mêmes, soit les inégalités entre les communautés locales d’un côté et les gouvernements et sociétés de l’autre sur les plans de la richesse et du pouvoir. Par ailleurs, non seulement les DPI ne s’obtiennent-ils qu’au terme d’un processus complexe, long et coûteux, mais ils doivent aussi être défendus. Or, pour obtenir et sauvegarder la protection que donnent les DPI, il faut avoir accès à de l’information, à de bons avis juridiques et à des ressources financières, autant d’éléments qui dépassent parfois les capacités de nombreux peuples autochtones.
Bien que les lois sur les DPI varient d’un pays à l’autre, les traités internationaux comme les pactes de Paris et de Vienne constituent leur tronc commun. Le récent accord du GATT sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce renforcera la convergence des lois nationales sur les DPI dans l’avenir ( voir le chapitre 10 ). La plupart des conventions internationales relatives aux DPI sont administrées par l’OMPI, un organisme des Nations Unies installé en Suisse ( voir l’encadré 8.1 ).
Les catégories suivantes de DPI sont présentées et analysées dans le présent chapitre : brevets, petits brevets ou « modèles d’utilité », droits d’auteur, marques de commerce, concurrence déloyale, dessins et modèles industriels, secrets commerciaux, droits des obtenteurs ( DO ), indications géographiques telles que les appellations d’origine, homologation ( qui n’est pas normalement considérée comme un DPI mais qui est mentionnée ici en raison de sa pertinence ).
Un brevet est un certificat légal qui confère à un inventeur le droit exclusif d’empêcher des tiers de produire, d’utiliser, de vendre ou d’importer son invention pour une période déterminée ( normalement de 17 à 20 ans ). Une poursuite peut être intentée contre les personnes qui violent le brevet en copiant l’invention ou en la vendant sans la
Encadré 8.1
Qu’est-ce que l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle?
L’OMPI a été établie à la suite d’une convention adoptée en 1967, bien que ses origines remontent aux conventions de Paris et de Berne adoptées respectivement en 1883 et 1886. Les principaux objectifs poursuivis par l’OMPI sont les suivants : administrer les traités internationaux relatifs aux lois sur la propriété intellectuelle ; aider les pays signataires à promulguer des lois sur la propriété intellectuelle et chercher à harmoniser les lois nationales en vue de « promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde ». Les lois sur les DPI sont celles que les gouvernements promulguent en vue d’intégrer ces traités internationaux aux lois nationales. L’OMPI administre, entre autres, les traités suivants portant sur les DPI :
- Convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle ( 1883 ) ;
- Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques ( 1886 ) ;
- Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques ( 1891 ) ;
- Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement ( 1958 ) ;
- Convention de Rome sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion ( 1961 ) ( voir le chapitre 10 ) ;
- Traité de coopération en matière de brevets ( 1970 ) ( voir également le chapitre 2 ) ;
- Traité de Budapest sur la reconnaissance internationale du dépôt des micro-organismes aux fins de la procédure en matière de brevets ( 1977 ) ( voir le chapitre 2 ).
Les négociations susceptibles d’aboutir à de nouveaux accords internationaux sur les DPI se déroulent sous les auspices de l’OMPI ( 34, chemin des Colombettes, B.P. 18, Genève 20, CH-1211, Suisse ).
permission du titulaire de brevet. Les brevets peuvent être achetés, vendus, loués ou octroyés sous licence. Une demande de brevet doit convaincre les examinateurs de brevet que l’« invention » est :
Plusieurs types de brevets peuvent être accordés ( Lesser, 1991, p. 14 ) :
Ces catégories ne doivent pas nécessairement être considérées comme constituant des catégories distinctes de brevets étant donné que les demandes de brevet générales peuvent englober plusieurs produits, procédés et utilisations.
Les inventions qui remplissent les conditions susmentionnées ne peuvent pas toutes être protégées par un brevet. Dans de nombreux pays, les médicaments et les organismes modifiés génétiquement ( végétaux, animaux ou micro-organismes renfermant un gène transformé artificiellement à partir d’un autre organisme ) ne sont absolument pas brevetables. Ces différences des lois nationales sur les brevets sont en partie imputables au fait que chaque pays préfère définir quelles inventions peuvent être brevetées en fonction de sa perception de l’intérêt national.
Il faut fréquemment compter plus de deux ans pour obtenir un brevet à partir du jour où la demande est déposée et où l’invention est communiquée au bureau national des brevets ( la date de priorité ). Le bureau des brevets fait une recherche pour s’assurer que l’invention est réellement nouvelle et non évidente. Lorsqu’il est convaincu qu’il en est bien ainsi, la demande est publiée et un examen en profondeur est effectué. Dans le cas d’une invention dérivée d’un produit naturel, l’examen pourrait comporter l’obligation de décrire la source et l’emplacement du produit naturel ( Gollin, 1993, p. 166 ) et de prouver que le consentement préalable donné en connaissance de cause ( voir le chapitre 4 ) des fournisseurs des ressources et de l’information a été obtenu. Pour obtenir des brevets dans d’autres pays, il faut habituellement déposer une demande différente dans chacun d’eux, de préférence dans les 12 mois de la date de priorité. Cependant, plusieurs accords internationaux ( tel le Traité de coopération en matière de brevets —le Patent Cooperation Treaty, ou PCT — ) simplifient ce processus et acceptent qu’une
seule demande internationale soit présentée. Dans le cas du PCT, cette demande est alors soumise à un bureau central qui la distribue aux bureaux de brevets nationaux nommés dans la demande. Il est très important que les inventeurs ne révèlent pas leur invention avant de faire une demande, si ce n’est dans la plus stricte confidentialité. Autrement, le brevet pourrait être invalidé.
Trois questions se posent :
1. Les peuples autochtones peuvent-ils breveter leurs propres connaissances?
Il n’est pas possible d’obtenir un brevet de produit pour un organisme existant à l’état naturel ou un gène qui n’a pas été isolé. Cela élimine le brevetage d’un grand nombre de connaissances autochtones éventuellement utiles se rapportant aux organismes existant à l’état naturel. Néanmoins, certaines pharmacopées traditionnelles ou autres à base de substances naturelles pourraient être considérées comme des modifications ou des combinaisons ( des procédés ), et les brevets relatifs aux procédés pourraient être obtenus dans leur cas.
Cependant, cela n’est possible que dans le cas de nouvelles inventions et du moment que des individus peuvent en être dits les « inventeurs ». Dans cette mesure, les peuples autochtones pourraient breveter un certain nombre de leurs propres connaissances. Un des principaux obstacles, c’est que le procédé d’obtention d’un brevet, qui implique des paiements pour le dépôt, l’examen et la délivrance, est long et coûteux. De plus, le brevet devra être renouvelé chaque année. Or, de nombreuses communautés ne disposent peut-être pas de ces moyens.
2. Les sociétés peuvent-elles obtenir des brevets fondés sur des connaissances autochtones?
Cela est certainement possible. Fréquemment, des sociétés ont fait des recherches sur les caractéristiques utiles d’une substance biologique connue d’une communauté traditionnelle. En général, il n’est pas possible d’obtenir un brevet de produit pour un organisme existant à l’état naturel ou pour des produits chimiques ou des gènes. Dans certains pays industriels, toutefois, un produit qui a été modifié d’une façon quelconque est brevetable. Par conséquent, après avoir isolé le principal élément d’une substance, une société peut le modifier et s’en servir dans l’élaboration d’un nouveau composé synthétique qui est peut-être plus stable ou moins toxique que la substance originale. Une « invention » de ce genre peut être brevetée par la société. On trouvera aux encadrés 8.2, 8.3 et 8.4 une description de trois cas où cela s’est produit.
3. Que faire si quelqu’un copie une invention sans permission?
Un des plus graves problèmes auxquels une communauté autochtone jouissant d’une personnalité juridique aurait à faire face ( voir le chapitre 6 ) après avoir obtenu un brevet est la violation de celui-ci par des tiers cherchant à le copier. La communauté peut ne pas être au courant et, même si elle est mise au courant, les poursuites judiciaires peuvent être très coûteuses. Alors que les sociétés ont leurs propres avocats et les moyens
Encadré 8.2
Le neem, un biopesticide traditionnel et moderne
Il y a des siècles que les agriculteurs indiens répandent dans leurs champs la poussière de semence d’une espèce de neem ( Azaderachta indica ) pour protéger leurs récoltes contre les insectes. Cependant, le neem a de nombreux autres usages : il semble être efficace contre le paludisme et les vers solitaires ; ses feuilles sont utilisées pour protéger les grains stockés contre les insectes et pour protéger les habits contre les mites ; l’huile de neem entre dans la fabrication de bonbons, de savons, d’un contraceptif et peut même servir de combustible pour moteurs diesel, et 500 millions d’Indiens utiliseraient le neem pour se laver les dents. La plupart de ces découvertes ont d’abord été faites par les membres des communautés rurales indiennes.
Comme pesticide, le neem offre un énorme potentiel puisque c’est un produit bon marché et écologique susceptible de remplacer les pesticides synthétiques commerciaux. Deux entreprises, W.R. Grace et Agrodyne, ont récemment obtenu des brevets aux États-Unis pour les dérivés du neem qu’ils ont développés dans leurs laboratoires, même si les propriétés insecticides, non toxiques pour l’homme et biodégradables du neem sont loin d’être nouvelles et non évidentes pour des milliers d’agriculteurs indiens.
Un autre brevet a été délivré aux États-Unis pour un extrait d’écorce de neem efficace contre certaines formes de cancer. W.R. Grace produit aujourd’hui des pesticides à base de neem avec une société indienne appelée PJ Margo, dans de nouvelles installations en Inde. Selon les estimations, leur produit aurait un marché mondial de 50 millions de dollars par an d’ici l’an 2000 ( AgBiotechnology News, février 1993, p. 4 ). La société Agrodyne Technologies a reçu du gouvernement américain l’autorisation de vendre des bioinsecticides à base de neem et a déposé des demandes d’enregistrement de ces produits dans plusieurs pays européens et latino-américains.
Ces mêmes sociétés ( ainsi que celles de l’Inde qui sont titulaires de brevets pour le neem ) ont de bonnes chances de profiter de la perspicacité des agriculteurs indiens. Néanmoins, ceux-ci sont dans une position de faiblesse pour demander une indemnisation parce que le savoir est aujourd’hui répandu et qu’il est tombé dans le domaine public. L’Inde elle-même aurait de la difficulté à en revendiquer la propriété parce que l’arbre est également originaire de pays voisins et est cultivé dans le monde entier aujourd’hui.
Récemment, le brevet détenu par W.R. Grace a été contesté devant les tribunaux américains du fait que les connaissances concernant l’effet pesticide du neem existaient déjà dans le domaine public lorsque le brevet a été accordé. Si ce brevet est révoqué, de nombreux autres brevets qui sont étroitement liés à des connaissances traditionnelles pourraient également faire l’objet de contestations qui auraient un taux de réussite élevé.
Pour obtenir de l’information sur la campagne antibrevet relative au neem, joindre la Research Foundation for Science, Technology and Naturel Resource Policy ( voir la section Ressources, sous Inde ).
financiers nécessaires pour fournir un soutien juridique efficace, les communautés locales ont rarement de telles ressources. Et lorsqu’une cause aboutit devant le tribunal, la société pourrait fort bien réussir à convaincre ce dernier que son produit, son utilisation ou le processus diffère assez de l’original pour constituer une invention.
Encadré 8.3
L’endode d’Éthiopie
L’arbre à savon africain ( Phytolacca dodecandra ) est depuis longtemps cultivé par les Éthiopiens pour ses fruits qui servent principalement de détergent. En 1964, un scientifique éthiopien, Aklilu Lemma, a découvert que les escargots porteurs de la douve qui cause la schistosomiase, une maladie dont souffrent 200 millions de personnes et qui tue 200 000 personnes par an, mourraient par centaines lorsque les gens lavaient leur linge avec ce produit.
Lemma et Legesse Wolde-Yohannes de l’Université d’Addis Abeba ont réalisé la préparation d’un molluscicide bon marché à base d’endode. Avec l’appui du gouvernement néerlandais, Wolde-Yohannes a réussi à identifier la variété d’endode la plus efficace, à savoir E-44, et des études de toxicité ont été effectuées. Malheureusement, l’Éthiopie n’ayant pas les capacités voulues pour mener des essais toxicologiques respectant les normes requises pour obtenir une reconnaissance internationale, Lemma n’a pas réussi à faire financer la suite de ses recherches. Jusqu’à aujourd’hui, le seul produit molluscicide recommandé par l’Organisation mondiale de la santé est le Bayluscide, qui peut coûter jusqu’à 25 000 $ la tonne.
Des recherches ultérieures menées par Lemma en collaboration avec Harold Lee, biologiste américain de l’Université de Toledo, ont confirmé que l’endode était également efficace contre les moules zébrées et l’ingrédient actif a été appelé lemmatoxine. Les moules zébrées introduites par accident dans les Grands Lacs canadiens nuisent maintenant au système de prise d’eau, perturbent la navigation et menacent l’industrie de la pêche.
Quelques mois après cette découverte, l’Université de Toledo a fait une demande de brevet pour l’utilisation de l’endode comme agent de contrôle de la moule zébrée, Lemma, Lee et un autre scientifique étant nommés comme inventeurs. Si une société se voit délivrer par l’université une licence pour commercialiser l’endode, l’université partagera les redevances avec les trois scientifiques. Ni l’Éthiopie, ni la population locale qui utilisait l’endode et a ainsi attiré l’attention de Lemma, n’en tirera aucun avantage ; ils devront continuer d’importer le Bayluscide. Le seul avantage pour l’Éthiopie consistera à continuer de fournir les fruits. Mais si elle cherche à en élever le prix, les sociétés qui produisent l’endode trouveront peut-être qu’il est moins coûteux d’en synthétiser le principe actif et de tuer ainsi le marché des fruits.
Pour obtenir d’autres renseignements, joindre la RAFI ( voir la section Ressources, sous Canada ).
Certaines connaissances traditionnelles sont brevetables mais le coût d’une demande de brevet pourrait être prohibitif. En outre, le groupe autochtone concerné aurait à prouver que l’invention était nouvelle en convainquant les examinateurs de brevet qu’il était le seul groupe à disposer de ce savoir. Cela pourrait être difficile et serait probablement incompatible avec le partage des connaissances pratiqué par les peuples autochtones. Les cas susmentionnés indiquent que les lois sur les brevets favoriseront forcément les sociétés au détriment des communautés locales.
Encadré 8.4
La thaumatine, un édulcorant naturel de l’Afrique de l’Ouest
La thaumatine est un édulcorant naturel extrait des fruits d’un arbuste appelé katemfe ( Thaumatococcus daniellii ) qui pousse dans les forêts de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. La protéine, qui est environ 2 000 fois plus sucrée que le saccharose, a été découverte par des chercheurs de l’Université de l’Ife, au Nigéria. Les fruits étaient apparemment utilisés depuis des siècles comme édulcorant et renforçateurs de goût, bien que dans certaines régions, seules les tiges et les feuilles soient utilisées et que les fruits soient considérés comme des déchets.
Depuis quelques années, la thaumatine est utilisée par les industries de l’alimentation et de la confiserie dans plusieurs pays, et est parfois commercialisée comme édulcorant à faible teneur en calories. Elle sert aussi de fourrage. Pendant plusieurs années, la société sucrière britannique Tate and Lyle a commercialisé le produit sous le nom de Taline. Comme cette plante ne porte pas de fruits en dehors de son habitat naturel, la société importe le fruit de ses propres plantations au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Malaisie.
La méthode d’extraction étant coûteuse, plusieurs sociétés ont tenté d’utiliser la technologie de l’ADN recombinant sur le gène producteur de la protéine de la thaumatine. Beatrice Foods a obtenu un brevet aux États-Unis pour le procédé de clonage du gène dans la levure. Selon les estimations, la société pourrait retirer de substantielles redevances s’élevant à 25 millions de dollars.
Des chercheurs de la société Lucky Biotech Corporation et de l’Université de Californie ont reçu un brevet américain pour tous les fruits, semences et légumes transgéniques renfermant le gène qui produit la thaumatine. La concurrence dont les recherches biotechnologiques sur la thaumatine font l’objet indique que l’information génétique revêt une valeur potentielle pour les sociétés concernées. En fait, le marché des édulcorants à faible teneur en calories s’élèverait, aux États-Unis seulement, à 900 millions de dollars par an. Il est fort probable que des plantations de katemfe ne seront bientôt plus nécessaires ; les pays où le katenfe est cultivé ne pourront alors même plus en exporter les fruits.
Source : Sasson ( 1989 ), Walgate ( 1990, p. 161 ), Myers ( 1993 ), Shand ( 1993, p. 1 ), A.A. Elujoba, Département de pharmacie, Université Obafemi Awolowo, Nigéria, 1994 ( communication personnelle )
Un groupe autochtone pourrait toujours contester le droit d’autres personnes à breveter une invention fondée sur de l’information obtenue du groupe et utilisée sans son autorisation ( Gollin, 1993, p. 167 ; voir aussi le cas du neem présenté à l’encadré 8.2 ). Certaines ONG, notamment la RAFI et Swissaid, ont utilement vérifié les demandes de brevet présentées dans divers pays, à la recherche de cas où les peuples autochtones ont pu être exploités. Dans la plupart des pays, ( les États-Unis font exception ), les copies de demandes de brevets peuvent être consultées par des membres du public s’ils en font la demande aux bureaux nationaux des brevets avant que le brevet ne soit accordé. ( C’est ainsi que ces ONG ont découvert les demandes relatives aux lignées cellulaires des peuples autochtones dont il a été question au chapitre 2. ) Si elles prévoyaient qu’une demande de brevet risque d’être contestée, les sociétés seraient plus disposées à envisager d’indemniser les peuples autochtones d’une manière ou d’une autre afin d’éviter de régler hors cours à grands frais, de nuire à leur réputation ou de voir la demande de brevet rejetée.
L’inventeur qui n’est pas intéressé à obtenir un brevet, et qui ne veut pas qu’une autre personne puisse en obtenir un, peut publier une description complète de la méthode à suivre pour réaliser l’invention. Aux États-Unis, cela s’appelle la « publication défensive ». Le matériel publié fait partie de l’antériorité qu’un bureau des brevets est obligé d’établir ; ainsi, après la date de publication, toute demande de brevet portant sur la même invention sera invalide. Ce pourrait être une façon pour les peuples autochtones d’empêcher que d’autres ne brevettent des inventions dérivées de leurs connaissances et ressources.
Dans de nombreux cas, cependant, cela ne suffit pas. Dans le cas du neem, par exemple, il aurait fallu que les agriculteurs indiens isolent et nomment les ingrédients actifs du neem puis publient des explications détaillées pour empêcher les sociétés de faire une demande de brevet. Et puis, la publication pourrait attirer l’attention des sociétés et leur donner un indice sur la façon d’obtenir un nouveau produit. ( Voir aussi le tableau 1. )
Les petits brevets ( également connus sous le nom de « modèles d’utilité » ) diffèrent des brevets classiques à plus d’un égard :
Les petits brevets varient davantage que les types de DPI puisqu’il n’existe aucun accord ou pacte international à leur sujet.
Il est vraisemblable que certaines connaissances ou savoir-faire autochtones, surtout dans le domaine des pharmacopées dérivées des plantes, rempliraient la condition de l’activité inventive. Même si un extrait végétal et la méthode utilisée pour l’obtenir peuvent être « évidents », ils pourraient encore être nouveaux, utiles et constituer une activité inventive différente de tout ce qui existe dans le domaine public ( Gollin, 1993, p. 173 ). Ce point se trouve renforcé dans le cas des médicaments préparés par des méthodes uniques et à partir de mélanges censés avoir des effets synergiques ou diminuer les effets secondaires nuisibles. Il est intéressant de noter que le Kenya a récemment adopté une loi en vertu de laquelle les connaissances médicinales traditionnelles peuvent faire l’objet de petits brevets ( « formules herbacées aussi bien que nutritionnelles qui produisent de nouveaux effets » — The Industrial Property Act, 1989 ).
Les petits brevets pourraient devenir un instrument utile de protection des connaissances autochtones ( tableau 1 ). Cependant, pour le moment, quelques rares pays ( dont l’Allemagne, le Brésil, la Chine, le Japon et la Malaisie ) les acceptent et il n’existe aucun accord international — semblable au PCT — simplifiant la procédure d’application dans plusieurs pays. Les peuples autochtones pourraient tirer parti d’une reconnaissance internationale accrue de ce type de DPI. Il pourrait être utile également de dévoiler et de rendre publics les gestes posés par les sociétés et les institutions désirant demander un brevet à partir de l’information contenue dans les demandes de petits brevets étrangères.
Le droit d’auteur protège légalement les types suivants d’œuvres :
Les lois sur le droit d’auteur visent à protéger les auteurs en leur accordant le droit exclusif de vendre des copies de leur œuvre sous quelque forme tangible que ce soit ( publication imprimée, bande sonore, film, émission, etc. ) utilisée pour transmettre leurs expressions créatrices au public. Bien qu’aucun enregistrement ne soit normalement requis, il est conseillé aux auteurs d’inscrire leur nom sur l’œuvre. Cependant, la protection légale porte sur l’« expression » des idées qui y sont renfermées, et non sur les idées elles-mêmes, qui n’ont pas en fait à être nouvelles du tout. Le droit d’auteur donne aux propriétaires des droits exclusifs, normalement pour la vie de l’auteur plus 50 ans. Dans le cas des enregistrements sonores, le droit d’auteur est normalement accordé pour 50 ans et peut être obtenu par la personne ou la société qui a réalisé l’enregistrement. Les titulaires de droits d’auteur ont le droit juridique d’empêcher des tiers :
Tableau 1. Avantages et inconvénients des divers mécanismes de DPI pour les communautés locales.
Mécanisme | Avantages | Inconvénients |
Brevets | Peuvent sauvegarder les connaissances juridiquement | Période de protection limitée |
Existent dans la plupart des pays | Demandes coûteuses qui requièrent des avis juridiques | |
Protègent les connaissances d’inventeurs individuels, mais non le savoir collectif d’une communauté | ||
Difficiles et coûteux à défendre | ||
Petits brevets | Peuvent sauvegarder les connaissances juridiquement | Offerts seulement dans quelques pays |
Plus de connaissances traditionnelles peuvent être protégées qu’en vertu d’un brevet | Aucun accord international facilitant la présentation des demandes dans plusieurs pays | |
Comparée aux brevets, la procédure de demande est moins coûteuse et plus courte ; l’examen est moins exigeant | Période de protection plus courte que les brevets | |
Droits d’auteur | Faciles à obtenir | Protègent l’expression des idées mais non les connaissances elles-mêmes |
Longue période de protection | La période de protection n’est pas indéfinie | |
Le contenu doit exister sous une forme matérielle | ||
Marques de commerce | Peu coûteuses | Ne protègent pas les connaissances en soi |
Période de protection indéfinie, mais doivent peut-être être renouvelées périodiquement | ||
Pourraient attirer plus de clients vers les produits de commerçants autochtones et d’organismes commerciaux | ||
Secrets commerciaux | Peuvent protéger les connaissances traditionnelles ayant des applications commerciales | Offerts dans un moins grand nombre de pays que les brevets et les droits d’auteur |
Peuvent protéger plus de connaissances que les autres types de DPI | ||
Peuvent être échangés contre des avantages économiques par contrat | ||
Peu coûteux à protéger | ||
Droits des obtenteurs | Moins coûteux que les brevets | Seulement offerts dans les quelques pays signataires de la convention de l’UPOV |
De nombreuses variétés populaires ( cultivars ) seraient admissibles | Difficile de satisfaire aux critères d’admissibilité |
Nota : UPOV, Union internationale pour la protection des obtentions végétales.
Les tiers qui veulent exploiter du matériel visé par le droit d’auteur selon l’un de ces modes doivent habituellement obtenir la permission du titulaire des droits d’auteur ou d’une organisation qui représente les titulaires de droits d’auteur dans une industrie donnée. La permission entraîne normalement le versement de redevances. Dans certains pays, les titulaires de droits d’auteur ont parfois le droit légal d’être identifiés sur leur œuvre même et de s’opposer à toute distorsion de celle-ci. Il s’agit de droits moraux dont l’auteur demeure toujours titulaire, même s’il ou si elle cède le droit d’auteur à un tiers.
Les peuples autochtones craignent souvent que des étrangers reproduisent leurs œuvres d’art, objets d’artisanat, chants et dessins sans autorisation et qu’ils négligent de reconnaître la source de la créativité ou encore ne substituent à des œuvres d’art autochtone véritable des œuvres qui ne le sont pas. Voici les principales limites que le droit d’auteur comporte comme outil de DPI pour protéger la culture autochtone :
Le droit d’auteur classique est d’une utilité limitée comme moyen d’empêcher l’exploitation de la culture populaire, bien qu’un certain nombre de pays aient cherché à incorporer cette culture dans leurs lois nationales sur le droit d’auteur ( voir le tableau 1 ). En Australie, les artistes aborigènes ont invoqué le droit d’auteur pour intenter des poursuites fructueuses ( voir l’encadré 8.5 ). La loi sur le droit d’auteur est également utilisée par les Dénés du Canada, ainsi que par plusieurs autres groupes autochtones dans le monde, pour contrôler tout ce qui fait état de leurs connaissances traditionnelles ( Greaves, 1993, p. 7 ).
Une marque de commerce est un outil de commercialisation que les sociétés utilisent souvent pour revendiquer le caractère « authentique » ou « distinct » de leurs produits comparativement aux produits semblables d’autres entités commerciales. Il peut s’agir d’un dessin distinctif, d’un mot ou d’une série de mots, normalement placé sur l’étiquette du produit et figurant parfois dans des annonces. Par exemple, Coca Cola est une marque de commerce qui peut uniquement être utilisée sur les produits fabriqués par la société Coca Cola. Une marque de commerce n’a pas à être enregistrée, mais les titulaires qui le font peuvent poursuivre les contrevenants et soumettre à des licences l’utilisation de leur marque. L’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques permet à un demandeur d’être protégé dans plusieurs pays en déposant une seule demande de marque de commerce. Environ 30 pays ont signé cet arrangement.
Encadré 8.5
Bulun Bulun contre Nejlam Pty Ltd
L’art autochtone est aujourd’hui une importante source de revenus pour de nombreuses communautés en Australie. L’industrie ainsi créée donne de l’emploi à des milliers de personnes, notamment à des artistes et à des employés de centres d’art où les œuvres sont vendues. Un grand nombre de ces personnes ne sont pas autochtones. Les ventes au détail se sont élevées à plus de 18 millions $AU en 1988 ( 1,315 $AU [ australiens ] = 1 $US ), dont 7 millions $AU ont été reçus par les artistes. Selon Golvan ( 1992 ), « les œuvres des artistes autochtones sont devenues nos symboles artistiques nationaux ». « Aujourd’hui », ajoute-t-il, « l’ouverture de tout immeuble public important est inconcevable sans la présence d’une forme quelconque d’art autochtone. »
Malheureusement, dans de nombreux cas, des non-autochtones ont produit des versions déformées et banalisées des œuvres d’art indigènes. En 1989, John Bulun Bulun, qui avait découvert qu’un fabricant de t-shirts avait imprimé une reproduction de deux de ses peintures sans autorisation, a poursuivi ce dernier pour violation du droit d’auteur. La société et deux magasins qui avaient vendu les t-shirts ont convenu de les retirer de la vente. Par la suite, 14 autres artistes ont déposé des plaintes contre la même société. Ces cas ont été réglés hors cour, les artistes recevant 150 000 $AU en frais d’indemnisation et pour couvrir leurs coûts.
Ce recours à la loi par les artistes autochtones désirant protéger leurs droits a eu pour résultat positif de mettre fin aux reproductions non autorisées de dessins autochtones sur des vêtements. Cela n’a toutefois pas empêché certaines personnes de continuer à produire et à vendre des imitations grossières de dessins autochtones. La conséquence la plus importante, c’est que ces peuples autochtones sont conscients que la loi n’est pas nécessairement contraire à leurs intérêts et peut même les aider à se défendre. Le plus difficile pour eux, c’est de trouver les ressources financières pour poursuivre une société devant les tribunaux.
Source : Golvan ( 1992 ), ECOSOC ( 1993, p. 35 )
Les objets d’artisanat et œuvres d’art des peuples autochtones sont des produits recherchés dans certains pays, mais les reproductions faites par des personnes non autochtones risquent de saper ce marché. Si les noms des tribus étaient protégés par une marque de commerce, les gens préféreraient sans doute acheter les produits sur lesquels ces noms figurent, même à des prix plus élevés, parce qu’ils en apprécient l’authenticité. Cela pourrait aussi dissuader les imitateurs qui craindraient d’être poursuivis. La vente de reproductions que l’on substitue à des objets d’artisanat autochtone véritable constitue aussi une violation des droits des consommateurs ; d’autres instruments légaux pourraient donc également s’appliquer.
De nos jours, beaucoup de gens choisissent d’acheter des produits compatibles avec leurs valeurs éthiques. Une marque de commerce peut être conçue de manière à indiquer que l’achat de produits qui portent cette marque est un appui donné à une
bonne cause. La société The Body Shop a fait enregistrer le mot « forêt tropicale humide » pour que l’achat de ses produits provenant des forêts tropicales devienne une mode ( voir l’encadré 8.6 ). Beaucoup de clients croient qu’en achetant des produits qui portent cette marque ils aident à protéger les forêts. Cependant, une autre société qui vend des produits similaires risque d’empiéter sur la marque de commerce si elle utilise le mot « forêt tropicale humide » dans sa publicité ou sur ses étiquettes. Ainsi, une société peut encourager d’autres sociétés à commercer de façon éthique. La société qui a une marque de commerce a le droit soit de ne pas tenir compte des violations, soit d’enregistrer le nom des utilisateurs lorsqu’elle croit que cela fera progresser la cause d’un marketing éthique ( C. Haynes, directeur, Rainforest Foods, Londres, R.-U., 1994, communication personnelle ). En l’absence d’une association commerciale régissant l’utilisation de marques de commerce d’authentification, une société pourrait suivre l’exemple
Encadré 8.6
La méthode rapide et facile de posséder une « forêt tropicale humide »
Les commerçants peuvent monopoliser l’utilisation du mot « forêt tropicale humide » pour distinguer leurs produits des produits similaires sur le marché. Ce sont les connotations d’exotisme et d’« écologisme », bien à la mode ( du moment que les produits ne sont pas faits d’acajou ), qui leur procurent un avantage commercial.
Une marque de commerce ne s’applique pas à une marchandise en particulier mais à des catégories de marchandises. Ainsi, si une société enregistre l’expression « forêt tropicale humide » pour des produits de beauté, comme l’a fait The Body Shop, les sociétés rivales ne peuvent utiliser l’expression pour dire à leurs clients que c’est de ces forêts que proviennent les composants de leurs produits, si ce n’est en petits caractères sur l’étiquette ou dans leur publicité. De même, aucune société de confiseries ne peut inscrire l’expression « croquant de la forêt tropicale humide » sur les étiquettes d’un produit, sauf celle qui est propriétaire de cette marque de commerce, en l’occurrence Ben and Jerry’s.
Même si des sociétés peuvent prétendre avoir été les premières à commercialiser les produits des forêts tropicales selon les normes de l’éthique et ne voudraient évidemment pas voir d’autres sociétés qui se soucient peu de la durabilité et du commerce loyal utiliser l’expression, il sera interdit à d’autres sociétés soucieuses d’éthique d’utiliser l’expression « forêt tropical humide » pour vendre des produits semblables. Ce n’est peut-être pas la meilleure façon de faire progresser le commerce durable et équitable des produits forestiers non ligneux ( PFNL ) d’origine tropicale.
Les marques de commerce peuvent être des moyens utiles de promotion de la commercialisation de produits des forêts tropicales humides, mais il peut être contreproductif de monopoliser l’utilisation de marques de commerce qui attirent les acheteurs.
Source : C. Haynes, directeur, Rainforest Foods, Londres, R.-U., 1994 ( communication personnelle )
de Cultural Survival, qui permet à d’autres sociétés d’utiliser sa marque de commerce, Forest Flavors, ainsi que le logo représentant une feuille de palmier portant la mention « Rainforest Seal of Approval », en échange d’un pourcentage des matières premières ou des ventes ( Snead, 1992 ). Cet argent sert alors à soutenir les peuples qui habitent les forêts ainsi que la conservation in situ de la base génétique des matières premières.
Il y a mieux encore. Une association commerciale ou une alliance autochtone formée de représentants de différentes communautés qui vendent des produits similaires pourrait enregistrer une marque de commerce que toutes les communautés participantes auraient le droit d’utiliser. Cette marque de commerce deviendrait ainsi une sorte de marque d’authentification ( voir « Authentification » ci-dessous ).
Dans certains pays, une marque de commerce peut être contestée devant les tribunaux si elle constitue une insulte à l’égard d’un groupe ethnique. C’est pour cette raison, par exemple, que des poursuites ont été intentées contre l’équipe de football des Redskins de Washington ( T. Greaves, Département de sociologie et d’anthropologie, Université Bucknell, É.-U., 1994, communication personnelle ).
Les marques de commerce peuvent non seulement aider les peuples autochtones qui désirent commercialiser certains produits mais appuyer aussi leurs allégations de « concurrence déloyale », expression que la Convention de Paris définit ainsi :
Cependant, il n’est pas nécessaire pour intenter des poursuites fondées sur le motif d’une concurrence déloyale que les marchandises soient déjà protégées par une marque de commerce ou jouissent d’une autre forme de protection légale ( voir le tableau 1 ).
Selon la Convention de Paris, les dessins et modèles industriels sont « l’aspect ornemental ou esthétique d’un article utile », ce qui peut viser la forme, le motif ou la couleur de cet article ; par exemple, le motif d’un article de vêtement ou d’une poterie pourrait être protégé. Les dessins doivent être originaux et reproduisibles de façon industrielle. La
période de protection n’est pas indéfinie mais peut être de cinq, dix ou 15 ans, voire jusqu’à un maximum de 25 ans. À l’instar des marques de commerce, il est moins coûteux et plus rapide d’enregistrer un dessin ou modèle que de faire une demande de brevet. Cela donne aussi aux propriétaires le droit d’intenter des poursuites contre les contrevenants.
Le savoir-faire est une information pratique qui peut donner à une personne ou à une entreprise un avantage concurrentiel. Tant que cette information n’est connue que de quelques personnes, elle peut être légalement reconnue et protégée comme secret commercial même si elle ne remplit pas les critères de brevabilité. Pour exiger qu’un savoir-faire soit protégé à titre de secret commercial, il faut s’efforcer d’en empêcher la divulgation. Les accords conclus entre les peuples autochtones et d’autres personnes dans le but de faire respecter la nature confidentielle de l’information divulguée ainsi que les strictes limites à l’accès en sont de bons exemples. En vertu de la loi, il est illégal d’utiliser sans permission un secret commercial, mais la découverte de ce secret par ses propres moyens ( c.-à-d. en vertu d’une découverte indépendante ), de façon accidentelle ou à la suite d’une divulgation ou encore par ingénierie inverse, ne l’est pas.
Les connaissances ou le savoir-faire d’un individu ou de toute une communauté peuvent être protégés à titre de secret commercial si l’information a une valeur commerciale et procure un avantage concurrentiel, que la communauté désire ou non en profiter ( voir le tableau 1 ). Si une société obtient cette information par des moyens illicites, des poursuites peuvent être intentées afin de l’obliger à partager ses profits ( Gollin, 1993, p. 164 ).
En théorie, un grand nombre des connaissances des peuples autochtones pourraient être protégées comme des secrets commerciaux. Il faudrait, à cette fin, qu’ils restreignent l’accès à leurs territoires ainsi que l’échange d’information avec des étrangers dans le cadre d’accords garantissant la confidentialité ou des avantages économiques. Les lois sur le secret commercial peuvent faciliter la rédaction de contrats qui obligent « les bénéficiaires à obtenir régulièrement une protection de brevet et à partager les redevances » ( Axt et al., 1993 ).
Certains ont indiqué que le savoir partagé par tous les membres d’une communauté pourrait ne pas être admis comme secret commercial mais que « si un chaman ou une autre personne a un accès exclusif à de l’information en raison de son statut dans le groupe, cette personne, ou le groupe autochtone détiennent ensemble probablement un secret commercial » ( Axt et al., 1993 ).
La Convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales ( UPOV ) prévoit des droits couramment appelés droits de l’obtenteur ( DO ). Selon la révision la plus récente de la Convention, datant de 1991, les obtenteurs sont des personnes qui améliorent génétiquement des variétés végétales ou les découvrent et les développent. Les DO empêchent d’autres obtenteurs d’améliorer génétiquement ou de vendre les mêmes variétés. La convention n’est en vigueur que dans ses 20 pays signataires, qui sont tous des pays développés à l’exception de l’Argentine, de l’Afrique du Sud et de l’Uruguay. Quelques pays en développement ont des formes nationales de DO.
Pour bénéficier d’une protection, la variété végétale doit être :
Une demande de protection de variété végétale doit comprendre une description écrite de la variété ainsi que des dépôts d’échantillons sous forme de semences, d’implants secs ou d’implants vivants à des fins d’examen et une preuve concluante de la stabilité et de l’homogénéité à la suite d’essais de multiplication. La protection est valide de 15 à 20 ans.
Jusqu’en 1991, la Convention de l’UPOV accordait des droits exclusifs empêchant la vente de la partie reproductive ou de multiplication végétative de la plante ainsi que la production commerciale à des fins de commercialisation de la variété. La révision de 1991 élargissait la protection à l’ensemble de la plante. Deux autres changements importants ont été apportés à la version précédente concernant deux exceptions :
La révision de 1991 de l’UPOV a supprimé la première de ces deux exemptions et rendue optionnelle plutôt qu’obligatoire la deuxième pour les pays signataires. La révi-
sion semble vouloir donner une protection aussi étendue que celle d’un brevet. Jusqu’ici, seuls les États-Unis ont signé le nouvel accord, mais plusieurs pays élaborent de nouvelles lois conformes à la convention de 1991.
La Convention de l’UPOV est peu pertinente en raison du petit nombre d’États signataires. Théoriquement, il est certainement possible pour ces peuples d’obtenir un certificat de variété végétale pour certaines de leurs variétés et peut-être même pour certaines plantes non domestiquées qu’ils utilisent ( Gollin, 1993, p. 164 ), bien que la diversité génétique intravariétés commune aux cultivars traditionnels rendrait un grand nombre de celles-ci non admissibles. En réalité, les peuples autochtones préfèrent réellement les variétés douées de variabilité et d’adaptabilité, et cherchent par conséquent à obtenir ces qualités.
La communauté ou le groupe aurait présumément à prouver qu’il était le seul à avoir obtenu le cultivar ou utilisé le cultivar traditionnel. Il est moins coûteux de satisfaire à toutes les exigences légales susmentionnées que de faire une demande légale de brevet, et donc les DO pourraient être un outil utile aux peuples autochtones. Cependant, il serait peut-être difficile, voire même impossible, d’exécuter les essais sur le terrain et d’enregistrer les résultats prouvant aux examinateurs que la variété donne droit à un certificat ( tableau 1 ). C’est l’une des raisons pour lesquelles les obtenteurs professionnels cherchent de façon plus courante à obtenir de nouvelles variétés fondées sur les cultivars traditionnels et à les protéger légalement. Les obtenteurs professionnels ont également des ressources financières, une expérience juridique et des installations scientifiques plus importantes. Tant qu’ils disposent de tels avantages par rapport aux obtenteurs-agriculteurs traditionnels, la convention risque de saper les droits des communautés traditionnelles plutôt que de les appuyer.
Les indications géographiques « identifient un produit comme étant originaire du territoire [ d’un membre ], ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique » ( article 22 du GATT-ADPIC ). Un des types bien connus d’indication géographique est l’appellation d’origine.
L’appellation d’origine était, au départ, une indication géographique française s’appliquant aux produits considérés comme distinctifs par suite d’une combinaison de savoir-faire traditionnel et de conditions naturelles très locales ( ECOSOC, 1993, p. 35 ; pour avoir des renseignements sur les indications géographiques, voir Moran, 1993 ). En France, un organisme gouvernemental valide l’appellation d’origine contrôlée de telle sorte que les producteurs de vins, de fromages et d’autres aliments, dont les produits sont renommés pour leurs qualités distinctives et origines géographiques, sont protégés de ceux qui porteraient atteinte à leur bonne réputation en revendiquant faussement y
être semblables ( Bérard et Marchenay, 1993 ). Par exemple, les vins de la région du Champagne en France sont ainsi protégés ; les producteurs locaux ont collectivement empêché que le mot « Champagne » soit utilisé sur les bouteilles de parfum, le vin anglais et le shampoing allemand ( Freedman, 1994, p. 14 ).
Selon la loi britannique sur les marques de commerce, les fabricants locaux peuvent mettre sur pied leur propre association et enregistrer une « marque de commerce d’authentification » collective, bien que l’association faisant la demande ne puisse elle-même faire le commerce du produit. Les fabricants d’un fromage britannique bien connu, qui doit être produit dans son village d’origine ou près de celui-ci ( Stilton ) selon une recette et un procédé déterminés, l’ont protégé de cette façon. L’Union européenne a un registre de produits protégés par les indications géographiques.
Jusqu’ici, l’utilisation de cette méthode a principalement été confinée à certains aliments, mais elle pourrait en théorie être étendue à la protection d’expressions de la culture populaire ( voir les dispositions types de l’UNESCO et de l’OMPI, au chapitre 9 ). Cela serait réalisable vraisemblablement si des associations régionales de peuples autochtones formaient leurs propres appellations d’origine ou entités d’authentification ( voir ci-dessous ) qui seraient reconnues par les gouvernements.
L’authentification et l’étiquetage sont tout simplement des moyens de prendre position à l’égard d’un produit susceptible d’intéresser un client. L’authentification peut être utilisée pour protéger l’environnement afin que des ressources, par exemple le bois, soient consommées de façon durable. Le bois peut, par exemple, porter une marque certifiant qu’il provient d’une forêt gérée de manière à durer, ou un objet d’artisanat peut porter une marque indiquant de quelque façon que c’est une pièce authentique. Les boîtes de thon portent souvent l’étiquette « protecteur des dauphins », indiquant qu’aucun dauphin n’a été tué par la méthode servant à attraper le thon. L’authentification atteste que ces déclarations ont été entérinées par un organisme indépendant du particulier ou de la société qui fait ou vend le produit. Ce pourrait être une association régionale de peuples autochtones ( comme ci-dessus ). Il arrive que des imitateurs posent des étiquettes trompeuses sur leurs produits. L’authentification devrait aider les acheteurs à distinguer les faux produits des véritables et donner aux commerçants la possibilité d’intenter des poursuites contre des tiers qui utilisent la marque sans autorisation.
Au Canada, on a soutenu que les étiquettes portant l’indication « fait à la main », « artisanat » et « authentique » qui ne sont pas authentifiées par un organisme indépendant sèment la confusion dans l’esprit des acheteurs et font concurrence aux produits fabriqués et vendus par les peuples autochtones ( Blundell, 1993, p. 69 ). En réponse, le Canada a adopté des marques d’authentification officielles attestant l’originalité des œuvres des peuples autochtones ( Blundell, 1993 ; ECOSOC, 1993, p. 34–35 ). Les sculptures inuit en stéatite, par exemple, portent une marque authentifiée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ( Blundell, 1993, p. 78 ). Un programme
d’authentification est en cours d’élaboration en Australie afin d’authentifier les produits des aborigènes.
Cependant, l’étiquetage n’a pas donné dans certains États américains les résultats escomptés pour ce qui est de la promotion du commerce des produits des peuples autochtones. Cela est peut-être dû au fait que les clients ne connaissent pas les marques et se soucient peu de savoir si les articles qu’ils achètent sont des originaux ( Axt et al., 1993, p. 46 ). Les étiquettes peuvent également prêter à confusion. Ces problèmes illustrent les difficultés que l’utilisation de l’authentification ou d’indications géographiques risquent de soulever dans le cas de produits manufacturés et d’œuvres d’art. Néanmoins, elles peuvent être des stratégies de marketing efficaces, surtout si les commerçants comprennent clairement pourquoi les gens veulent acheter leurs articles.
L’authentification est également utilisée pour favoriser le commerce de bois tropicaux exploités de façon durable. Par exemple, un organisme indépendant — le Forest Stewardship Council ( FSC ) — regroupant des forestiers, des marchands de bois et des groupes écologistes militant en faveur d’une exploitation forestière durable — a été mis sur pied et a le pouvoir d’authentifier les groupes, n’importe où dans le monde, qui respectent les principes qu’ils a énoncés. Un de ces principes est que la propriété d’une forêt doit être clairement définie et que les lois traditionnelles des peuples autochtones doivent être protégées.
En général, les lois sur les DPI ne constituent pas un moyen approprié et adéquat de défendre les droits et les ressources des communautés locales. La protection au titre des DPI est purement économique, alors que les intérêts des peuples autochtones ne sont que partiellement économiques et sont liés à l’autodétermination. De plus, il faut tenir compte des incompatibilités culturelles, en ce sens que les connaissances traditionnelles sont généralement partagées ; quand elles ne le seraient pas, les dépositaires de connaissances partielles n’auraient probablement pas le droit de les commercialiser pour réaliser des gains personnels.
Divers groupes ethniques et communautés autochtones qui ont habité dans des environnements similaires peuvent posséder des connaissances techniques identiques ou similaires sur une ressource donnée et son utilisation. Par conséquent, si une communauté était payée, cela pourrait susciter des conflits entre groupes autochtones et donner lieu à des batailles juridiques sans fin. Cette possibilité de conflit entre groupes indique qu’il n’est peut-être pas sage d’utiliser les mécanismes des DPI pour chercher à accorder rétroactivement des montants relatifs aux connaissances autochtones.
De plus, en raison du manque d’autonomie économique des peuples autochtones et du rapport de force inégal existant entre ceux-ci et l’ensemble des sociétés commerciales, les communautés auraient beaucoup de mal à défendre leurs DPI. Compte tenu des coûts souvent élevés d’un procès, il peut être très difficile d’empêcher les sociétés d’empiéter sur leurs DPI, par exemple lorsqu’elles font une demande de brevet fondée
sur des connaissances découlant de celles de la communauté mais non identiques à celles-ci.
Les organismes autochtones tels que la COICA prennent de plus en plus conscience des problèmes entourant les DPI et comprennent que, même s’il peut être avantageux dans certaines circonstances de recourir à certains types de DPI présentés ci-dessus, il leur faut, comme le suggère cet ouvrage, regarder par delà les DPI et envisager d’autres systèmes de protection, d’indemnisation et d’autodétermination. La déclaration adoptée à la fin d’une réunion internationale organisée en Bolivie, en septembre 1994, propose de nombreuses stratégies pour sensibiliser des personnes concernées aux possibilités et aux limites ( beaucoup plus nombreuses ) des lois sur les DPI en vigueur. La déclaration finale propose aussi la création et la mise en œuvre de systèmes de remplacement ( voir le texte intégral à l’annexe 3 ).
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les DPI étant en soi incapables de protéger les droits des peuples autochtones, de nouveaux modèles et notions sont envisagés pour servir de fondements à des systèmes juridiques inédits qui leur procureraient la protection recherchée. Plusieurs de ces solutions de rechange aux DPI sont analysées dans le présent chapitre.
Nous avons déjà établi que les DPI peuvent être utiles aux communautés locales mais qu’ils sont fondamentalement incapables de protéger réellement les droits, à titre individuel et collectif, des peuples autochtones à leurs connaissances, à leur culture et à leurs ressources, et de leur garantir une indemnisation. Depuis quelques années, sous la pression des pays du Nord, en partie dans le cadre des négociations du GATT dont il sera question dans le prochain chapitre, les lois nationales sur les DPI des pays en développement ressemblent de plus en plus aux lois des États-Unis et de l’Europe, lois qui ont pour principal but de défendre les sociétés de haute technologie. Parmi les industries qui en profitent le plus, on retrouve les sociétés pharmaceutiques et celles des semences, qui ont besoin des ressources biologiques provenant des territoires occupés par les communautés traditionnelles.
Cette situation foncièrement injuste inquiète non seulement de nombreuses communautés mais aussi les gouvernements des pays en développement qui n’ont pas hésité à exprimer leurs critiques. Ils avancent habituellement les deux arguments suivants :
À la Troisième Convention mondiale sur les brevets à New Delhi, en mars 1990, les négociations touchant les ADPIC dans le cadre du GATT ainsi que l’incapacité du GATT de protéger les coutumes traditionnelles des agriculteurs et des peuples autochtones ont été un des sujets de préoccupation. La Déclaration de New Delhi énonçait ce qui suit :
Il est impossible qu’une série de normes uniformes d’égale valeur ou pertinence s’applique au large éventail des pays en développement qui doivent impérativement tenir compte de leurs besoins culturels et socio-économiques respectifs. Ce n’est pas parce qu’un groupe de pays industrialisés a le monopole mondial des brevets représentant une masse énorme de science et de technologie que ces pays ont le droit d’exiger des pays en développement qu’ils respectent des normes communes ou aient à payer pour être admis au sein d’un système mondial multilatéral de commerce et d’échanges.
Même si les gouvernements du Sud et les populations locales semblent avoir des préoccupations semblables au sujet des DPI, leurs intérêts ne sont pas nécessairement les mêmes. Par conséquent, les communautés locales elles-mêmes devraient participer à l’élaboration d’un régime juridique sui generis plus approprié. Plusieurs nouvelles notions et lois types fort intéressantes ont été élaborées. L’une des plus prometteuse est celle des DRT, qui comprend des droits, des obligations et des notions déjà présentes dans les instruments légaux, qu’ils soient « durs » ou « mous » ( voir le chapitre 11 ).
Les connaissances et les ressources traditionnelles sont essentielles au maintien de l’identité des peuples autochtones, d’où la place centrale que le contrôle sur ces ressources occupe dans leur lutte pour disposer d’eux-mêmes. L’expression « droits sur les ressources traditionnelles », ou DRT, s’est imposée pour définir les nombreux « faisceaux de droits » auxquels on peut faire appel à des fins de protection, d’indemnisation et de conservation ( Posey, 1994 ; Posey et al. 1995 ). Ce changement de terminologie —passer des DPI aux DRT — récupère les notions de protection et d’indemnisation des DPI, mais reconnaît en plus que les ressources traditionnelles — corporelles et incorporelles — sont également visées par un nombre non négligeable d’accords internationaux qui peuvent constituer le fondement d’un système sui generis. Les « ressources traditionnelles » englobent les végétaux, les animaux et autres objets matériels ayant des qualités sacrées, rituelles, patrimoniales ou esthétiques. Pour les peuples autochtones, la « propriété » se manifeste fréquemment de façon non corporelle et spirituelle et, même si elle mérite d’être protégée, elle ne peut appartenir à aucun être humain. La privatisation ou la banalisation de leurs ressources est une approche qui leur est non seulement étrangère mais incompréhensible, voire impensable. Néanmoins, les communautés autochtones et traditionnelles sont de plus en plus présentes dans les économies de marché et, que cela leur plaise ou non, force leur est de constater qu’un nombre croissant de leurs ressources sont échangées sur ces marchés.
La notion de DRT renvoie à des droits intégrés et reconnaît que les dimensions culturelle et biologique de la biodiversité sont inextricablement liées ; elle est fondée sur l’absence de contradiction entre les droits de la personne dans les communautés autochtones et locales, notamment le droit au développement et à la conservation de l’environnement. En fait, ces droits s’appuient mutuellement puisque la destinée des peuples traditionnels non seulement détermine largement l’état de la diversité biologique mondiale mais elle est déterminée par celle-ci. Les DRT englobent des faisceaux de droits qui se chevauchent et se renforcent mutuellement. Ces droits et les accords internationaux qui les appuient sont énumérés au tableau 2.
Les DRT peuvent être mis en œuvre aux niveaux local, national et international. Ils peuvent orienter la pratique et le droit au niveau international, ainsi d’ailleurs que la législation nationale. En outre, ils constituent un ensemble de principes susceptible d’orienter le dialogue entre les communautés autochtones et locales d’un côté, et les
Tableau 2. Droits sur les ressources traditionnelles.
Accords connexesa | ||
Catégorie | Juridiquement contraignants | Non juridiquement contraignants |
Droits de la personne | PIRDESC, PIRDCP | DUDH, PDDPA, DVPA |
Droit à l’autodétermination | PIRDESC, PIRDCP | PDDPA, DVPA |
Droits collectifs | OIT 169, PIRDESC, PIRDCP | PDDPA, DVPA |
Droit sur les terres et territoires | OIT 169 | PDDPA |
Droit à la liberté religieuse | PIRDCP, LN | DUDH |
Droit au développement | PIRDESC, PIRDCP, OIT 169 | PDDPA, DDD, DVPA |
Droit à la protection de la vie privée | PIRDCP, LN | DUDH |
Consentement préalable donné en connaissance de cause | CDB, LN | PDDPA |
Intégrité de l’environnement | CDB | DR |
Droits de propriété intellectuelle | OMPI, GATT, UPOV, LN, CDB | |
Droits voisins | CR | |
Droit de participer à des accords légaux, tels que des marchés et des conventions | LN | |
Droits de propriété culturelle | UNESCO-CPC, UNESCO-CPM, LN | |
Droit à la protection du folklore | UNESCO-OMPI, UNESCO-F | |
Droit à la protection du patrimoine culturel | UNESCO-CPM | |
Reconnaissance des paysages culturels | UNESCO-CPM | |
Reconnaissance du droit de la pratique coutumier | ILO 169, LN | PDDPA |
Droits des agriculteurs | FAO-EIRP |
a CDB, Convention des Nations Unies sur la diversité biologique ( 1992 ) — 108 États signataires au 31 décembre 1994 ; CR, Convention de Rome sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion ( 1961 ) — 47 États signataires au 31 décembre 1994 ; DDD, Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement ( 1986 ) ; DR, Déclaration de Rio ( 1992 ) ; DUDH, Déclaration universelle des droits de l’homme ( 1948 ) ; DVPA, ONU, Déclaration de Vienne et Programme d’action ( 1993 ) ; FAO-EIRP, Engagement international sur les ressources phytogénétiques ( version de 1987 ) ; GATT, Acte final reprenant les résultats des négociations commerciales multilatérales de l’Uruguay Round ( 1994 ) ; LN, lois nationales ; OIT 169, Organisation internationale du travail, Convention no 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants ( 1989 ) — 7 États signataires ; OMPI, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ( administre des accords internationaux sur les DPI tels que la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ( 1883, dernière révision en 1967 ) — 129 États signataires au 31 décembre 1994 ; Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques ( 1886, dernière révision en 1971 ) — 111 États signataires au 31 décembre 1994 ; Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques ( 1891, dernière révision en 1967 ) — 43 États signataires au 31 décembre 1994 ; Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international ( 1958, dernière révision en 1967 ) — 17 États signataires au 31 décembre 1994 et le Traité de coopération en matière de brevets ( 1970 ) — 77 États signataires au 31 décembre 1994 ; PDDPA, Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ( officiellement adopté par le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones en juillet 1994 ; PIRDCP, ONU, Pacte international relatif aux droits civils et politiques ( 1966 ) — 129 États signataires au 31 décembre 1994 ; PIRDESC, NU, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ( 1966 ) —131 États signataires au 31 décembre 1994 ; UNESCO-CPC, Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels ( 1970 ) — 79 États signataires au 1er janvier 1994 ; UNESCO-CPM, Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ( 1972 ) — 135 États signataires au 1er janvier 1994 ; UNESCO-F, Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire ( 1989 ) ; UNESCO-OMPI, Dispositions types de législation nationale sur la protection des expressions du folklore contre leur exploitation illicite et d’autres actions dommageables ( 1985 ) ; UPOV, Convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales ( 1961, révisée en 1972, 1978 et 1991 ) — 27 États signataires au 31 décembre 1994.
institutions gouvernementales et non gouvernementales de l’autre, suscitant, par exemple, la signature de contrats innovateurs qui procurent des avantages liés à la cession de ressources naturelles, ou encore la rédaction de nouveaux codes d’éthique et de normes de conduite professionnelle, favorisant des pratiques commerciales socialement responsables et écologiques ou même des approches holistiques sur la viabilité.
Les DRT ont une plus grande portée que les autres modèles sui generis, en ce sens qu’ils visent non seulement à protéger les connaissances relatives aux ressources biologiques mais aussi à affirmer le droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et de sauvegarder la « culture » au sens le plus large.
Les DPI communautaires sont apparus en réaction à ce que Shiva ( 1994a ) a appelé « la colonisation de la semence » par les multinationales qui vendent des semences et des produits agrochimiques. Les DPI communautaires permettraient aux agriculteurs d’exercer leurs « droits sur la semence » en affirmant qu’une société qui utilise des connaissances ou des ressources locales sans l’autorisation des communautés locales commet un acte de piraterie intellectuelle.
Une équipe de chercheurs, le Groupe Le Creuset ( 1994, p. 67–68 ) — en anglais, The Crucible Group — conclut que, pour que les DPI communautaires soient exercés de manière efficace, il faudrait :
À une réunion sur les méthodes de reconnaissance du rôle d’innovation informelle dans la conservation et l’utilisation des ressources phytogénétiques, qui a eu lieu à Madras, en Inde, en janvier 1994, il a été proposé que les lois sur les DPI portant sur les ressources phytogénétiques englobent les droits des obtenteurs et ceux des agriculteurs. Pour assurer l’exercice efficace des DPI communautaires, les membres du Groupe Le Creuset ( The Crucible Group, en anglais ) proposent ce qui suit :
Le Third World Network a préparé un document de travail ( Nijar, 1994 ) dans lequel il propose une loi type sur les droits intellectuels communautaires. Ce projet de loi prévoit que de nouveaux critères puissent être invoqués pour présenter une demande de droits qui soient conformes aux valeurs et aux pratiques culturelles des peuples autochtones. Cette loi répondrait à l’appel lancé par le GATT au sujet des aspects des DPI qui touchent le commerce ( les ADPIC ) en vue de trouver des formes sui generis de protection des DPI. Elle est aussi compatible avec les exigences de la CDB, notamment l’article 8j ) de cette convention.
Cette loi aurait pour objet d’empêcher la « privatisation et l’usurpation des droits et des connaissances communautaires sous le couvert des définitions actuelles de l’innovation ». Elle affirmerait que certaines connaissances appartiennent à une communauté et sont partagées parmi ses membres puisque le titre de propriété n’est pas une notion acceptée par de nombreux peuples autochtones. Il serait par conséquent plus exact de parler d’un savoir qui a une valeur, qui n’est pas privatisé et qui est cumulatif comme des droits intellectuels communautaires ( les DIC ).
Pour satisfaire au critère de nouveauté ou d’innovation requis en vue d’obtenir la protection d’un brevet, les peuples autochtones sont qualifiés d’« innovateurs » puisque les connaissances qu’ils ont accumulées ont longtemps été inconnues du monde extérieur. Deux fondements légaux sont proposés pour que « les droits de garde d’une innovation soient enchâssés dans les communautés locales » :
L’article 5 de la loi type sur les DIC propose la création d’un registre des inventions dans lequel une communauté pourrait enregistrer ses innovations, ce qui serait une façon simple d’en déclarer l’existence au monde. L’idée est semblable à celle des lois sur le droit d’auteur : en vertu de ces lois, la protection existe sans avoir nécessairement à être officiellement acceptée par une autorité d’enregistrement ; de plus, le mécanisme est plus souple que celui du dépôt d’un brevet. Les droits sur l’innovation ne disparaissent pas faute d’enregistrement, mais celui-ci peut bloquer une demande de brevet portant sur une « innovation » identique ou semblable ( voir ce qui est dit sur la « publication défensive » au chapitre 8 ).
Il existe une autre proposition, qui est sensiblement identique à la précédente : les communautés pourraient dresser un registre communautaire dans lequel la population locale inscrirait tous les détails recueillis sur l’usage que l’on tire de l’ensemble connu de plantes et d’animaux. Les membres de la communauté seraient alors en mesure de refuser l’accès au registre ou de fixer à quelles conditions il serait autorisé. Il pourrait même arriver qu’une communauté utilise un registre communautaire comme preuve de sa connaissance intime de l’environnement local pour appuyer une demande de titre légal sur son territoire. Même si les registres communautaires seraient conservés sur place, ils pourraient constituer les éléments de registres régionaux et nationaux renfermant de l’information à laquelle les communautés auraient librement accès. Cette information demeurerait ainsi dans le domaine public4.
En 1985, l’UNESCO et l’OMPI ont publié les Dispositions types de législation nationale sur la protection des expressions du folklore contre leur exploitation illicite et d’autres actions dommageables. Le but était, par delà les droits d’auteur conventionnels, de protéger les expressions non corporelles ainsi que les œuvres fixées. Le document ne propose pas de définition du folklore mais, à l’article 2, il explique ce que expressions du folklore devrait englober :
4 Pour obtenir d’autres renseignements sur les registres communautaires, joindre la Fondation pour la revitalisation des traditions de santé locale, ou Ashish Kothari ( voir la section Ressources, sous Inde ).
travaux d’aiguille, les textiles, les tapis, les costumes, les instruments de musique et les ouvrages d’architecture.
Bien que cela ne soit pas explicité, une loi de mise en œuvre des dispositions types pourrait faire des ressources génétiques traditionnelles des « expressions du folklore » susceptibles d’être protégées si les organismes de législation nationaux approuvent cette interprétation.
Selon les dispositions types, certaines utilisations des expressions du folklore sont assujetties à une autorisation préalable donnée par un organisme compétent ou par la communauté elle-même lorsque ces utilisations « sont faites à la fois dans un but de lucre, en dehors du contexte traditionnel ou coutumier » ( article 3 ) et constituent par conséquent « une exploitation illicite » lorssqu’elles sont utilisées sans cette autorisation. Par « contexte traditionnel », on entend le fait de demeurer « dans son cadre artistique normal conformément à l’usage constant de la communauté » ( OMPI, 1989, p. 6 ). Le « contexte coutumier » désigne la conformité aux pratiques de la vie quotidienne de la communauté. Quatre autres types d’« actions dommageables » peuvent donner lieu à des sanctions pénales ( article 6 ) :
Un « organisme compétent », qui pourrait être les communautés elles-mêmes, serait établi pour traiter les demandes d’utilisation des expressions du folklore et peut-être pour fixer et percevoir les droits d’autorisation.
Les droits visés par les dispositions types ont certains caractères en commun avec les droits énoncés dans les lois sur les droits d’auteur, en ce sens qu’ils protègent les créateurs ( communautaires ) d’expressions artistiques de même qu’ils protègent les droits voisins ( voir le chapitre 10 ) — c’est-à-dire qu’ils peuvent protéger les exécutions. Néanmoins, comparativement à ces deux mécanismes, les dispositions types offrent certains avantages :
Cependant, les dispositions types permettent à un organisme d’État de percevoir des droits des utilisateurs ; cela pourrait poser un problème si l’organisme n’arrive pas à le faire de façon efficace ou fait un mauvais usage des droits qu’il perçoit. Plusieurs pays africains, notamment le Nigéria, ont adopté des lois reposant, en partie du moins, sur les dispositions types. Par contre, peu d’assemblées législatives nationales ont emboîté le pas.
Les notions de DRT, de DPI communautaires et de DIC, ainsi que les dispositions types, sont des solutions de rechange aux DPI qui répondent mieux au souci des communautés traditionnelles d’empêcher des tiers de privatiser leurs connaissances et leurs ressources. Cependant, la notion de DRT est celle qui va le plus loin sous plusieurs aspects :
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les chapitres 10 et 11 sont consacrés à l’examen des divers instruments juridiques et non juridiques aptes à soutenir la lutte pour la reconnaissance des DRT. Le présent chapitre passe en revue la nature et la portée des principaux accords internationaux juridiquement contraignants qui énoncent des droits, des principes et des notions s’appliquant à la protection des connaissances et des ressources des peuples autochtones.
Comme les gouvernements refusent souvent de signer les accords internationaux qui leur paraissent aller à l’encontre des intérêts de leur pays ou ne s’acquittent pas des obligations juridiques internationales qu’ils ont pourtant acceptées, il pourrait sembler inutile d’analyser les instruments juridiques internationaux. Pourtant, ces accords énoncent d’importants droits, principes et notions pour l’établissement d’un régime de DRT sui generis. Dans le présent chapitre, nous analysons ces instruments et répondons à deux questions : Ces instruments juridiques comportent-ils des dispositions jugées utiles? Comment les peuples autochtones peuvent-ils alors exploiter de telles dispositions?
À une réunion tenue en 1986, des ministres provenant des quatre coins du globe ont lancé l’Uruguay Round dans le cadre des négociations du GATT. La déclaration ministérielle ( GATT, doc. MIN.DEC, 20 septembre 1986 ) qui suivit réclamait l’élaboration d’un accord multilatéral sur les niveaux minimaux de protection des DPI afin que l’importance de la propriété intellectuelle dans le commerce international soit mieux reconnue.
Les DPI ont été inclus dans les négociations du GATT à la demande des États-Unis et de ses partisans en vue d’harmoniser le traité. On invoquait pour cela deux motifs ( van Wijk et al., 1993 ) :
La section relative aux « aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent le commerce » ( ADPIC ) représente peut-être l’accord multilatéral le plus ambitieux jamais conclu dans le domaine de la propriété intellectuelle. Cette section, qui comprend sept parties et 73 articles, aborde les questions suivantes : droits d’auteur et droits connexes, marques de commerce, indications géographiques, dessins et modèles industriels, brevets, schémas de configuration de circuits intégrés, secrets commerciaux et lutte contre les pratiques anticoncurrentielles dans les licences contractuelles. Il renferme aussi des dispositions sur la façon de faire respecter, d’acquérir ou de maintenir les DPI et sur les mécanismes de règlement des différends.
On trouve dans l’accord relatif aux ADPIC une disposition ( article 27 3b ) qui exclut de la brevetabilité « [ l ]es végétaux et les animaux autres que les micro-organismes et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques ». La même disposition garantit également « la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace ou par une combinaison de ces deux moyens ».
Cette disposition a été perçue comme une menace pour les droits communautaires parce qu’elle pouvait créer des monopoles juridiques relativement aux ressources communes. Elle pouvait aussi, cependant, ouvrir une porte sur autre chose. Il y a toutefois une menace puisque, même si les pays en développement ont une période de grâce de quatre à dix ans, on les presse de s’engager à protéger les ressources phytogénétiques et à en limiter l’accès, à l’encontre de leurs pratiques habituelles. Plus précisément, on s’attend à ce qu’ils adoptent soit un système de protection des brevets s’appliquant aux variétés végétales, soit un système sui generis de protection reposant sur la Convention de l’UPOV de 1991 ( voir le chapitre 8 ). On cherche en fait à imposer aux pays en développement une réglementation qui écarterait une coutume pluricentenaire de partage des semences et des innovations communautaires, au profit d’un système qui, aux yeux de certains secteurs de la population, n’est pas nécessairement à leur avantage. Vandana Shiva ( 1994b, p. 12 ), opposante bien connue des ADPIC, parle au nom des agriculteurs indiens lorsqu’elle déclare que « [ les ADPIC ] ne reconnaissent pas le système d’innovation communautaire plus informel dans le contexte duquel les agriculteurs du tiers monde produisent, sélectionnent, améliorent et obtiennent une pléthore de variétés végétales ».
Par contre, cette disposition ouvre une porte car il serait possible d’élaborer, conformément à l’article 27, un système sui generis desservant les intérêts des communautés locales. De plus, même si les peuples autochtones ne peuvent pas eux-mêmes obtenir une protection similaire à celle offerte par les DPI pour les matériels végétaux et animaux, ils peuvent néanmoins exiger des gouvernements qu’ils interdisent aux sociétés pharmaceutiques internationales et autres entreprises de breveter ce genre de matériel trouvé sur leurs terres. Il n’est pas certain que les gouvernements accepteraient de le faire, mais les peuples autochtones doivent savoir qu’une action de ce genre est possible en vertu du droit international.
La plupart des pays du monde ont signé l’Accord du GATT de 1994 qui crée l’Organisation mondiale du commerce ( OMC ) ; ils seront par conséquent obligés de respecter l’article 27 des ADPIC. Cependant, si les pays en développement ne cèdent pas aux pressions exercées par les États-Unis et l’Europe, il leur serait possible d’édicter des lois qui protégeraient les connaissances et les procédés traditionnels reliés à la vie végétale, en supposant que les assemblées législatives nationales et les gouvernements soient disposés à explorer cette possibilité. Shiva ( 1994b ) préconise cette approche en demandant à l’Inde de répondre au GATT et en insistant sur la nécessité de reconnaître les connaissances communautaires : « Ce qui nous reste à faire maintenant, c’est d’utiliser cette clause pour établir un système sui generis qui assure la protection de l’innovation collective et du potentiel créateur de notre peuple et de notre pays. »
L’article premier de la CDB stipule ce qui suit :
Les objectifs de la présente Convention [ . . . ] sont la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un
accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat.
Ces objectifs impliquent que la biodiversité ne peut être conservée que si les ressources font l’objet d’une utilisation durable, en particulier par les industries de la biotechnologie, et si les avantages économiques découlant de cette utilisation sont réinvestis dans des activités de conservation, surtout dans les pays en développement. Les États conservent des droits souverains sur leurs ressources biologiques et culturelles et ont la responsabilité de voir à ce que les citoyens profitent des avantages que procure leur utilisation.
Les peuples autochtones, qui ont en grande partie été marginalisés par ces processus dans le passé ( sinon totalement exclus ), sont naturellement sceptiques et doutent que, cette fois-ci, ce sera mieux. Cependant, pour la première fois, les communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels sont à tout le moins expressément mentionnées dans la CDB et leurs contributions à la conservation de la biodiversité sont reconnues. Les signataires de la CDB se sont engagés, à l’alinéa 8j ) à :
[ R ]especte[ r ], préserve[ r ] et maint[ enir ] les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et en favorise[ r ] l’application sur une grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage[ r ] le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques.
Il est donc maintenant possible pour les communautés d’agriculteurs, par exemple, d’invoquer des DPI, non seulement pour les avantages qu’ils reçoivent des ressources biologiques mais pour la part qu’ils prennent ou peuvent prendre à la conservation des ressources in situ et ex situ. Cependant, l’article en question donne également aux gouvernements la priorité en cas de conflit d’intérêts entre les besoins des peuples autochtones et ceux de la conservation, la décision devant bien sûr dépendre de l’interprétation que le gouvernement donnera dans chaque cas.
Les termes de la CDB, de la Déclaration de Rio et de Action 21 ( voir le chapitre 11 ) sont vagues et ne seront précisés que par des actions politiques et économiques encore à venir. Puisqu’il est reconnu que les peuples autochtones ont des droits précis et des avantages, et que leurs moyens de subsistance sont liés au développement et à la conservation des ressources naturelles, il faudrait déployer le plus d’efforts possible pour appuyer concrètement les articles de la Convention traitant des droits autochtones, spécialement la reconnaissance, la protection et l’indemnisation de la propriété intellectuelle. Tant les négociateurs du GATT que les membres de la FAO, de l’OMC et de l’OMPI devront tous s’adapter à cette réalité dans l’avenir puisque la très grande majorité des pays ont signé la CDB.
La CDB renferme plusieurs dispositions qui, une fois mises en œuvre, pourraient aider les communautés à devenir plus autonomes. L’article 6 demande que des stratégies, des plans et des programmes soient élaborés en vue d’assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Les peuples autochtones devraient s’impliquer
activement dans ces études nationales non seulement à titre de participants et d’exécutants mais aussi, s’agissant du fond du débat, en élaborant leurs critères et leurs systèmes de valeurs particuliers. De même, l’article 7 demande que les éléments constitutifs de la diversité biologique soient repérés et surveillés en fonction de critères établis par les peuples autochtones dont la participation est requise.
L’article 8 traite de la conservation in situ, laquelle implique en fait un soutien des communautés autochtones et locales puisqu’elles sont partie intégrante de l’écosystème d’ensemble. L’alinéa 8j ) traite explicitement des peuples autochtones ( voir ci-dessus ) ; une mise en œuvre de cet alinéa suppose au moins les mesures suivantes :
En vertu de l’alinéa 10d ), chaque partie contractante « [ aide ] les populations locales à concevoir et à appliquer les mesures correctives dans les zones dégradées où la diversité biologique a été appauvrie ». Puisque la notion d’« aide » est loin d’être une idée claire, les peuples autochtones devraient établir leurs propres lignes directrices. La CDB et Action 21 réclament la remise en état des zones dégradées et l’application de mesures correctives. Les priorités de financement concrétiseront probablement cette demande et les projets de remise en état et de reconstitution proliféreront. Les peuples autochtones devraient être prêts à concevoir leurs propres projets pour leurs terres et territoires, en utilisant leurs propres techniques de conservation et modèles de gestion.
Les articles 11, 12 et 13 prévoient des « mesures d’incitation » pour financer la recherche, la formation, l’éducation et la sensibilisation du public en vue d’assurer la conservation et l’utilisation durable des éléments constitutifs de la diversité biologique. Les peuples autochtones devraient y voir des dispositions qui renforcent leurs propres programmes de recherche. L’accent doit être mis sur la recherche fondée sur la collaboration et contrôlée par la communauté ( voir le chapitre 14 ), dans le cadre desquelles les communautés autochtones et traditionnelles fixent, orientent et contrôlent elles-mêmes les priorités de la recherche, les normes et les lignes directrices à l’intention des partenaires ou des entrepreneurs non autochtones. Les peuples autochtones devraient chercher à obtenir un appui, financier et autre, pour l’établissement de leurs propres programmes d’éducation et de formation scientifiques et techniques « pour identifier et conserver la
diversité biologique [ . . . ] et en assurer l’utilisation durable » ( alinéa 12a ) ). De même, selon l’alinéa 13a ), ils devraient chercher à favoriser leur promotion par les médias.
L’article 14 porte sur les « études d’impact et [ la ] réduction des effets nocifs ». En vertu de l’alinéa 1a ), chaque partie :
adopte des procédures permettant d’exiger l’évaluation des impacts sur l’environnement des projets qu’elle a proposés et qui sont susceptibles de nuire sensiblement à la diversité biologique en vue d’éviter et de réduire au minimum de tels effets et, s’il y a lieu, permet au public de participer à ces procédures.
La mise en œuvre effective de cet article dépend de la participation de représentants locaux aux projets qui ont un impact sur les communautés autochtones, traditionnelles ou locales ( voir l’encadré 10.1 ).
L’article 16 est intitulé « Accès à la technologie et transfert de technologie ». Les technologies autochtones et traditionnelles ont rarement été qualifiées de « technologies » dans le langage international. Cette attitude est une des manifestations de la tendance plus générale à dévaloriser, passer sous silence et minimiser les connaissances, les innovations et les pratiques des peuples autochtones. Cependant, la CDB fait explicitement de ces éléments une préoccupation centrale ( voir l’alinéa 8j ). À l’article 18.4 ) on considère qu’il s’agit d’une technologie se rapportant à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique. Ainsi, il est clair que les « technologies autochtones et traditionnelles » sont visées par les dispositions suivantes de l’article 16 :
Encadré 10.1
Étude d’impact sur l’environnement
Les communautés autochtones, traditionnelles et locales doivent obtenir ce qui suit pour que les dispositions relatives aux études d’impact sur l’environnement ( EIE ) soient efficaces :
- pleine participation à toutes les étapes de la conceptualisation, de la mise en œuvre et de l’analyse ;
- inclusion de leurs propres orientations, critères et mécanismes d’étude ;
- pleine divulgation de toute l’information se rapportant au projet, y compris les études techniques de faisabilité et les évaluations ;
- accès à l’information sur les résultats de l’EIE ( Principe 10 du préambule ) ;
- consentement préalable donné en connaissance de cause de ces populations ( voir le Principe 10 et l’article 8 ) avant que des études ne soient entreprises ou mises en œuvre dans une région ;
- mécanismes nationaux et internationaux accordant le pouvoir juridique de régler les questions de recours, de responsabilité, de remise en état et d’indemnisation.
doivent se faire selon des conditions adoptées d’un commun accord qui « reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective ».
À certains égards, l’article 16, auquel il faut ajouter l’alinéa 8j ) et l’article 18.4, est l’une des dispositions les plus importante pour les peuples autochtones. Cet article stipule explicitement qu’il faut adopter des mesures législatives, administratives et de politique générale nationales et internationales pour protéger les DPI sur les technologies, dont l’interprétation englobe « les technologies autochtones et traditionnelles ». La mention explicite du secteur privé relativement à « la mise au point conjointe et [ au ] transfert » de la technologie doit faire l’objet de modalités mutuellement convenues comportant la reconnaissance juridique et la protection des brevets et autres DPI.
On ne saurait réclamer plus clairement une protection des DPI sur les connaissances, innovations et pratiques autochtones. De plus, des mesures internationales sont explicitement prévues et requièrent la mise sur pied d’un système international de réglementation des DPI, y compris ceux qui concernent les technologies autochtones et traditionnelles ( on trouvera dans Glowka et al., 1994, un analyse des instruments de DPI participants ).
L’article 18 traite de la coopération technique et scientifique. L’article 18.2 demande que la coopération technique et scientifique soit encouragée par le développement et le renforcement « des moyens nationaux par le biais de la mise en œuvre des ressources humaines et du renforcement des institutions ». À l’article 18.3, la création d’un centre d’échange « pour encourager et faciliter la coopération technique et scientifique » est explicitement envisagée. Ce mécanisme serait établi par une « Conférence des parties » qui pourrait comprendre un bureau central avec de nombreux satellites, notamment des recherches contrôlées par la communauté et des centres de formation mis sur pied en partenariat avec les peuples autochtones ( voir l’encadré 10.2 ). Outre ce centre d’échange, d’autres mécanismes pourraient comprendre des bases de données conçues et maintenues à jour par les peuples autochtones ainsi que des centres de surveillance et de conservation qui devraient figurer parmi les priorités de financement aux termes du mécanisme de subvention établi par la CDB ( articles 20 et 21 ). Quelle que
Encadré 10.2
Un centre d’échange
Pour être efficace, un centre d’échange devrait prévoir :
- la participation des autochtones à toutes les étapes de la conceptualisation, de la mise en œuvre et du maintien ;
- l’établissement de priorités et d’orientations élaborées par les communautés incarnant des modes de vie traditionnels ;
- la création de centres d’échange régionaux dirigés par la communauté ;
- la conclusion d’accords sur les DPI pour garantir la protection de l’information transférée et son indemnisation.
soit la solution ou les combinaisons de solutions adoptées, la notion d’un centre d’échange implique l’établissement d’orientations éthiques et juridiques devant régir l’accès à l’information obtenue dans le cadre d’accords sur les DPI et l’utilisation de celle-ci.
L’article 23 institue la Conférence des parties qui a pleins pouvoirs pour établir, étudier et prendre les mesures, avis, organismes subsidiaires, protocoles et mécanismes de mise en œuvre. Deux possibilités particulièrement intéressantes sont mentionnées :
L’article 24 établit le Secrétariat de la CDB. Pour que le Secrétariat puisse s’acquitter de ses fonctions — telles qu’elles sont définies aux alinéas 1a-e ) — les peuples autochtones doivent figurer parmi ses membres et son personnel permanent.
L’article 25 donne des détails sur l’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques ; il est ouvert à la participation de toutes les parties et « est » ( remarquer le libellé impératif ) pluridisciplinaire. La Conférence des
parties établit les lignes directrices et fixe le pouvoir du groupe consultatif. La CDB lui attribue les fonctions suivantes :
Les peuples autochtones devraient être bien représentés au sein de l’organe subsidiaire. Puisque les connaissances, innovations et pratiques des communautés locales incarnant des modes de vie traditionnels sont citées ailleurs comme pertinentes pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique ( par exemple à l’alinéa 8j ) et à l’article 18.4 ), l’organe subsidiaire devrait donner à la recherche sur les technologies traditionnelles et à l’application de celles-ci la plus grande priorité ( voir l’encadré 10.3 ).
À titre de deuxième solution, un organe subsidiaire spécial chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques autochtones et traditionnels pourrait être établi pour s’occuper exclusivement de ces questions ( voir l’analyse de l’article 23 ).
L’article 28 porte sur le processus d’adoption de protocoles. Ces protocoles établissent une série d’accords subsidiaires dans le cadre d’une convention. Ainsi, un protocole relatif à la CDB définirait certains aspects spécifiques des articles de la convention. Deux possibilités intéressantes se présentent :
Encadré 10.3
Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques
L’organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques dont il est question à l’article 25 de la CDB devrait :
- comprendre un nombre représentatif de spécialistes scientifiques et techniques des communautés autochtones, traditionnelles et locales ;
- repérer les technologies, innovations et pratiques traditionnelles ;
- appliquer les connaissances, innovations et pratiques autochtones et traditionnelles, et en chercher de nouvelles applications sur une plus grande échelle ;
- mettre au point des méthodes, des techniques et des stratégies pour l’utilisation de critères autochtones d’évaluation et de surveillance ;
- donner la priorité à la recherche fondée sur la collaboration et contrôlée par les communautés autochtones, traditionnelles et locales, et élaborer des lignes directrices à ce sujet ;
- formuler des orientations et des propositions concernant une législation type sur les DPI et les DRT à l’intention des communautés autochtones, traditionnelles et locales ;
- formuler des orientations et des propositions de lois types concernant l’établissement d’institutions de surveillance et d’exécution qui veilleraient à ce que la CDB soit mise en œuvre de façon juste et adéquate et que les communautés autochtones, traditionnelles et locales en profitent.
L’inconvénient de cette stratégie, c’est que peu d’États appuieraient la négociation de tels protocoles en raison de leur nature controversée et de leur peu d’intérêt pour la plupart des parties contractantes.
Il existe déjà, cependant, un solide mouvement international en faveur de la mise en œuvre d’un protocole sur la biosécurité concernant la CDB. Ce protocole traiterait de l’impact de la biotechnologie et de ses risques sur les communautés locales. Il pourrait comprendre des orientations et assurer un partage équitable ainsi que la protection des DPI puisque ce sont ces mécanismes-là qui donnent aux communautés locales l’assurance qu’elles profiteront des avantages de la diversité biologique et qu’elles continueront de la conserver ( encadré 10.5 ).
L’alinéa 8g ) prévoit la mise en place et le maintien :
[ . . . ] des moyens pour réglementer, gérer ou maîtriser les risques associés à l’utilisation et à la libération d’organismes vivants et modifiés résultant de la biotechnologie qui risquent d’avoir sur l’environnement des impacts défavorables qui pourraient influer sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine.
Les communautés autochtones, traditionnelles et locales seraient clairement celles qui risquent d’être les plus touchées par ces organismes modifiés.
Encadré 10.4
Protocoles spéciaux sur les technologies autochtones et traditionnelles fondées sur les connaissances, innovations et pratiques des communautés locales incarnant des modes de vie traditionnels
Voici quelques options de protocoles :
- définir et élaborer des mécanismes assurant « le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles intéressant la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable de ses éléments » ( préambule de la CDB ) ;
- définir, étayer et étudier « les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique » ( alinéa 8j ) ) ;
- définir et élaborer des mécanismes qui « favorise[ nt ] l’application sur une plus grande échelle » des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles ( alinéa 8j ) ) ;
- établir des orientations et des mécanismes concernant la formation et la surveillance des programmes sur les connaissances autochtones et traditionnelles ( article 17 ) ;
- mettre sur pied un centre d’échange pour favoriser la coopération technique et scientifique entre et avec les communautés locales ( article 18 ) ;
- élaborer des mécanismes financiers de renforcement des communautés locales afin de préserver et de maintenir leurs connaissances, innovations et pratiques ( article 20 ).
Le PIRDESC et le PIRDCP sont les deux principaux instruments juridiques internationaux traitant des droits de l’homme. L’article 1( 2 ) de ces deux documents stipule ce qui suit :
Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondées sur le principe de l’intérêt mutuel et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
Appel on ne peut plus clair à la reconnaissance des droits humains collectifs.
L’article 15( 1c ) de la PIRDESC stipule que « les États parties au présent Pacte
Encadré 10.5
Options concernant un protocole sur la biosécurité et les technologies traditionnelles
- Élaborer des critères et des mécanismes permettant de définir et de constituer des répertoires de base des éléments constitutifs actuels de la diversité biologique avec l’aide des communautés locales et de leurs propres critères.
- Élaborer des critères et des mécanismes permettant de définir et de constituer des répertoires de base des connaissances, innovations et pratiques des communautés traditionnelles qui maintiennent et conservent actuellement la diversité biologique.
- Élaborer des critères et des mécanismes permettant d’évaluer l’impact des nouvelles technologies prévues et des organismes modifiés génétiquement sur les modes de vie traditionnels et sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique par les communautés locales.
- Élaborer des critères et des mécanismes permettant de surveiller le changement, y compris les effets néfastes des technologies externes et des organismes modifiés génétiquement sur les modes de vie traditionnels et la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.
- Élaborer des mécanismes de partage équitable concernant la biotechnologie créée à partir des technologies traditionnelles ou bien fondée sur celles-ci ou en dérivant.
reconnaissent à chacun le droit [ . . . ] de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ».
Ces dispositions appuient l’idée que le droit international donne aux peuples autochtones le droit de sauvegarder leurs propres ressources et de profiter des avantages découlant de leurs connaissances et des biens qu’ils produisent ou qui leur appartiennent, que ces peuples désirent ou non les commercialiser. Cependant, ces pactes sont fréquemment écartés par de nombreux gouvernements qui les violent impunément, bien que même des gouvernements non démocratiques pourraient donner suite aux pressions internationales exercées par les citoyens et les gouvernements étrangers. Les communautés ne peuvent pas faire grand-chose isolément mais, à l’occasion, des tribus, des organisations de défense des peuples autochtones et des communautés ont eu du succès, en agissant de concert, surtout lorsque leurs campagnes ont suscité l’appui du public et même de gouvernements dans le monde. Par exemple, les efforts des Yanomamis, en Amazonie, pour obtenir la reconnaissance juridique de leurs droits territoriaux ont connu un succès raisonnable grâce à l’appui international.
Le principal instrument du droit international traitant du patrimoine culturel est la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972 de l’UNESCO ( souvent appelée la Convention du patrimoine mondial ). Le but de cette convention est de mobiliser la coopération internationale pour la protection du patrimoine culturel et naturel de l’humanité. Selon cette convention, le patrimoine culturel désigne :
Le « patrimoine naturel » désigne exclusivement les aspects naturels ou géologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle.
En raison de la valeur universelle de ces éléments, les États parties sont tenus de dresser l’inventaire des biens du patrimoine culturel et naturel mondial ( article 11 ). À partir de ces inventaires, les États peuvent nommer des sites qu’ils désirent voir figurer sur la liste du patrimoine mondial. Le Comité du patrimoine mondial étudie ces sites et, s’il les accepte, les inscrit sur la Liste du patrimoine mondial afin qu’ils soient protégés aux termes de la convention à l’aide de fonds fournis par les États parties. Cette coopération internationale est jugée nécessaire parce que de nombreux pays n’ont pas les moyens d’empêcher que leurs biens culturels et naturels ne se détériorent et disparaissent.
Pour être retenus par le Comité, les biens choisis doivent répondre à certains critères. Ainsi, chaque bien culturel proposé doit ( UNESCO, 1994 ) :
v ) soit constituer un exemple éminent d’établissement humain ou d’occupation du territoire traditionnel représentatif d’une culture ( ou de cultures ), surtout quand il devient vulnérable sous l’effet de mutations irréversibles ; vi ) soit être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle ( le Comité considère que ce critère ne devrait justifier une inscription sur la Liste que dans des circonstances exceptionnelles, ou lorsqu’il est appliqué concurremment avec d’autres critères culturels ou naturels ).
Environ 300 des quelques centaines de sites inscrits ont été choisis en raison de leur importance culturelle et plus de 100 autres en raison de leur importance naturelle. Les autres sont soit des sites du patrimoine à la fois culturel et naturel, soit des
« paysages culturels ». Ce n’est que récemment que le paysage culturel a été ajouté à la catégorie des « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature ». Cette catégorie vise à reconnaître les « interrelations complexes entre l’homme et la nature dans la construction, la formation et l’évolution des paysages » ( Rossler, 1993a, p. 14 ). Elle pourrait être d’une grande utilité pour la protection du patrimoine culturel de certains peuples autochtones.
On distingue trois grandes catégories de paysages culturels :
Le premier paysage culturel à avoir été désigné est le Parc national Tongariro, en Nouvelle-Zélande, qui à l’origine avait été nommé comme site naturel et culturel conjugué et a ensuite été inscrit comme site naturel. Il a été retenu en raison de l’importance de cette région dans la mythologie des Maoris et de la nature sacrée des montagnes. Selon le Bulletin du patrimoine mondial ( Rossler, 1993c, p. 15 ), « le parc a été le premier au monde à être donné par un peuple autochtone à un État ». À sa 17e session, le Comité du patrimoine mondial a conclu qu’il s’agissait d’un « exemple exceptionnel d’un paysage culturel associatif lié à l’identité culturelle du peuple Maori ».
Outre le Tongariro, d’autres lieux importants pour les groupes autochtones figurent sur la Liste du patrimoine mondial. Mentionnons le site d’Uluru ( Ayers Rock ), en Australie, qui appartient au peuple des Anangus et est considéré par celui-ci comme un lieu sacré. Cependant, on ne peut pas en déduire que les droits des communautés locales sur leurs territoires et leurs ressources sont nécessairement respectés. Il arrive que les gouvernements qui croient que les peuples autochtones ne sont pas les meilleurs conservateurs limitent le droit d’accès des populations locales à ces endroits désignés.
La Convention du patrimoine mondial ne sera utile aux peuples autochtones que si le Comité et ses organismes consultatifs ( tels l’UICN ) tiennent compte des intérêts des peuples autochtones lorsqu’ils considèrent de nouvelles candidatures ainsi que les propriétés déjà inscrites selon les nouveaux critères. En dernière analyse, la mesure dans laquelle il sera tenu compte sur la Liste des patrimoines mondiaux des endroits et objets d’importance religieuse et culturelle pour les minorités ethniques et les peuples autochtones sera fonction :
La notion de « droits voisins » est née en réaction aux progrès technologiques qui permettent une diffusion beaucoup plus large des œuvres artistiques. Cette notion a mis en lumière l’incapacité des lois sur les droits d’auteur de protéger les droits des exécutants, des organismes d’enregistrement et des autres diffuseurs. C’est à ces derniers groupes que l’on doit l’énorme augmentation de la représentation en public, mais seuls les titulaires de droits d’auteur sur les œuvres ont pu en profiter. De même, certains peuples autochtones se rendaient compte des possibilités plus étendues d’exploitation commerciale de leurs expressions folkloriques mais ont eu de la difficulté à en bénéficier commercialement ou à empêcher d’autres de le faire. Comme les lois sur les droits d’auteur ne protégeaient pas les œuvres « non fixées » ( voir le chapitre 8 ), les peuples autochtones ont eu de la difficulté à ne pas perdre la maîtrise de leurs arts du spectacle. C’est ainsi que des tiers étaient libres de diffuser les enregistrements de ces exécutions et d’en profiter, et d’apporter des changements à leur forme et à leur contenu sans obligation légale à l’endroit des exécutants originaux.
En 1961, la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des productions de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion ( la Convention de Rome ) a garanti une protection des prétendus droits voisins contre les actes suivants qui seraient exercés sans le consentement préalable de l’exécutant :
Selon l’article 12, si un phonogramme est effectué à des fins commerciales et communiqué au public, l’utilisateur doit verser une « rémunération équitable » aux exécutants ou au producteur du phonogramme ou aux deux. La durée minimale de protection est de 20 ans à compter de la date de l’exécution, de la fixation ou de la diffusion.
Selon l’OMPI, « la Convention revêt un grand intérêt pour les pays de civilisation et de tradition orales où l’auteur est souvent l’exécutant en même temps » ( OMPI, 1988, p. 240 ). Plus de la moitié des 50 pays qui ont, jusqu’à ce jour, promulgué des lois liées à la Convention de Rome, sont des pays en développement. Les droits voisins peuvent
certes être un instrument juridique utile de protection du folklore dans les pays où ils sont légalement reconnus, mais la protection est limitée dans le temps et exclut la copie de ce qui n’est pas exécuté, diffusé ou contenu dans des phonogrammes ( OMPI, 1988, p. 246 ).
Cette convention de l’UNESCO de 1970 mentionnée en titre est le principal instrument juridique international permettant de supprimer le transfert illégal et le commerce de biens culturels par delà les frontières nationales. Elle stipule que des certificats d’exportation doivent être délivrés et qu’il est interdit d’importer des biens culturels volés. Comme instrument de protection des biens culturels des peuples autochtones, cette convention comporte les lacunes suivantes :
Il n’est pas clair dans quelle mesure la convention a réussi à endiguer le flot de biens culturels cédés aux commerçants d’œuvres d’art ethniques, et cette incidence pourrait être minime. Cependant, dans le cas par exemple de la restitution par les États-Unis à la population des Aymaras, de Coroma en Bolivie, de ses tissus sacrés, le fait que les deux pays en cause aient été parties à la convention a certainement aidé. Mais d’autres facteurs ont aussi joué un rôle essentiel, notamment les efforts déployés par des individus, par un cabinet d’avocats et par la communauté autochtone elle-même ( voir l’encadré 10.6 ).
Le succès ou l’échec des demandes de restitution dépend de la portée des lois de mise en œuvre de la convention adoptées par les pays qui détiennent des objets
Encadré 10.6
Les tissus sacrés de Coroma, en Bolivie
Les vêtements sacrés de Coroma, en Bolivie, ont une énorme importance spirituelle, historique et sociale pour la population aymara locale. Ces tissus, selon leurs croyances, incarnent les âmes de leurs ancêtres et sont réputés appartenir à l’ensemble de la communauté ; personne ne peut les vendre ni les donner.
Depuis la fin des années 1970, un grand nombre de ces tissus sont tombés entre les mains de marchands d’œuvres d’art et d’antiquités ethniques nord-américains, à la suite soit d’un vol pur et simple par des intermédiaires, soit d’un achat auprès de la population locale, en violation des lois de la communauté concernée.
Le repérage des tissus disparus a commencé sur un coup de chance. Un jour, John Murra, un spécialiste de la région des Andes, a reçu une carte postale qui lui annonçait qu’un marchand de San Francisco organisait une exposition d’art ethnique où l’un de ces tissus serait exposé. Il a communiqué avec l’ambassade de Bolivie et une spécialiste en sciences sociales ( Cristina Bubba Zamora ) qui travaillait à l’inventaire des tissus Coroma. Plusieurs universitaires se sont intéressés à ce cas, notamment des anthropologues, des archéologues et des historiens de l’art ainsi que des autochtones américains.
En février 1988, agissant sur une demande de l’ambassade de Bolivie et de deux représentants de Coroma, les autorités douanières américaines ont confisqué environ 1 000 objets ( surtout des tissus ) du marchand en question.
Au terme d’une campagne internationale menée avec l’aide d’une étude d’avocats de San Francisco, le marchand a accepté de céder quelques-uns des tissus — pas tous — à condition de ne pas faire l’objet de poursuites. En septembre 1992, le gouvernement américain a remis les tissus au président Samora qui les a reçus au nom du peuple de Coroma.
Selon le Pr Murra, cette issue heureuse était moins attribuable au fait que les deux pays étaient signataires de la convention de l’Unesco qu’aux efforts déployés par Mme Bubba — facteur le plus important — pour trouver des appuis en faveur du peuple de Coroma. Néanmoins, le fait que le gouvernement américain ait reconnu que les tissus étaient « un matériel d’intérêt ethnologique », et constituaient par conséquent un « bien culturel » au sens de la convention, a été crucial. Parmi les autres facteurs importants, il faut mentionner la participation du cabinet d’avocats et le fait que des anciens de la communauté étaient conscients de la signification culturelle des tissus.
Une des importantes leçons à tirer de ce cas, c’est qu’il est difficile, long et coûteux de retracer des objets volés, de les identifier et de prouver qu’ils n’ont pas été achetés légalement. En effet, comme la loi adoptée par les États-Unis pour mettre en œuvre la convention exige des preuves d’une acquisition frauduleuse des objets, le marchand n’a été obligé de retourner que 49 des tissus ; les autres ont dû lui être remis.
Pour obtenir d’autres renseignements, communiquer avec Cristina Bubba Zamora, responsable du projet Textiles de Coroma, Casilla 12154, La Paz, Bolivie.
d’artisanat « volés ». Malgré ces réserves, la convention permet une interprétation large de l’expression « biens culturels ». L’article 4, par exemple, englobe les biens « nés du génie individuel ou collectif de ressortissants de l’État [ . . . ] » et l’article 1 « les collections et spécimens rares de zoologie [ et ] de botanique [ et ] le matériel ethnologique », qui pourraient tous en théorie comprendre plusieurs catégories de biens culturels d’intérêt pour les peuples autochtones et même les variétés végétales populaires et les plantes médicinales ( Downes et al., 1993, p. 285–286 ).
Ainsi, aux termes de la loi australienne de mise en œuvre de la convention ( Protection of Movable Cultural Heritage Act, 1986 ), l’expression « patrimoine culturel meuble » peut comprendre les objets culturels se rapportant aux résidents aborigènes et à ceux du détroit de Torres qui semblent être importants pour l’Australie « pour des motifs ethnologiques, archéologiques, historiques, littéraires, artistiques et scientifiques ou technologiques ». Ces critères pourraient comprendre, à titre de biens dignes de protection, « les coffrets en écorce et en bois, les restes humains, l’art rupestre, les arbres taillés, les objets rituels sacrés et secrets, de l’information concernant les leaders et activistes autochtones, des documents originaux, des photographies, des dessins, des enregistrements sonores, des enregistrements filmés et vidéo et tout autre registre semblable se rapportant à ces objets » ( Sutherland, 1993 ).
L’OIT a été la première institution des Nations Unies à s’occuper des questions autochtones. Un Comité d’experts sur la main-d’œuvre autochtone a été établi en 1926 pour élaborer des normes internationales protégeant les travailleurs autochtones. En 1957, l’OIT a adopté une convention spéciale ( no 107 ) connue sous le nom de Convention concernant la protection et l’intégration des populations aborigènes et autres populations tribales et semi-tribales dans les pays indépendants. Cette convention a été révisée en juin 1989 et est devenue la Convention no 169, Convention concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, et une bonne partie de la « terminologie assimilationniste » de la convention originale en a été supprimée.
Dans le préambule, il est question de la « contribution particulière des peuples indigènes et tribaux à la diversité culturelle et à l’harmonie sociale et écologique de l’humanité ». L’article 7 garantit aux peuples autochtones le droit de définir leurs propres priorités en matière de développement et d’exercer un contrôle sur leur propre développement économique, social et culturel. Le paragraphe 13( 1 ) stipule que les gouvernements doivent « respecter l’importance spéciale que revêt, pour les cultures et les valeurs spirituelles des peuples intéressés, la relation qu’ils entretiennent avec les terres ou territoires, ou les deux selon le cas, qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation ». Cette reconnaissance des droits collectifs est un aspect capital de la convention et a de l’importance pour les questions de DPI parce que la collectivité est indispensable à la transmission, à l’utilisation et à la protection des connaissances traditionnelles.
La Convention no 169 de l’OIT n’accorde que des droits limités aux peuples autochtones relativement à la protection de leurs connaissances, bien qu’elle maintienne leurs droits à des terres, à des ressources naturelles et à des activités de subsistance traditionnelles. Elle prévoit aussi une reconnaissance limitée du droit coutumier ( article 9 ) ainsi que la consultation des peuples autochtones et tribaux avant d’adopter des « mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement » [ alinéa 6 ( 1.a ) ]. Les peuples autochtones peuvent ainsi influer sur la rédaction des nouvelles lois nationales.
Malgré ses nombreuses lacunes, la Convention no 169 renferme une terminologie qui fait l’objet d’un large consensus et qui devrait être exploitée dans la définition des DRT. Cependant, jusqu’à ce jour, seulement sept pays reconnaissent le caractère légal de la convention : Bolivie, Colombie, Costa Rica, Mexique, Norvège, Paraguay et Pérou. D’autres pays qui prétendent ne pas avoir de peuples autochtones ne la signeront vraisemblablement pas, même si l’on peut soutenir que cette convention s’applique également à un grand nombre d’entre eux. Cela est dû au fait que les peuples autochtones subissent les retombées des politiques de gouvernements étrangers sous forme d’aide publique au développement.
Plusieurs instruments juridiques internationaux énoncent des principes et des droits que la notion de DRT peut récupérer. Malheureusement, ces dispositions et principes sont souvent passés sous silence. Un des problèmes que soulève toute poursuite intentée contre un gouvernement est que, même si celui-ci signe et ratifie des lois internationales, il n’est pas obligé de promulguer des lois nationales pour les mettre en œuvre et souvent ne le fait pas.
Par ailleurs, la plupart des gouvernements adoptent une attitude dualiste ( le droit international ne peut être invoqué devant leurs tribunaux nationaux ) plutôt que moniste ( tout traité international devient une partie des lois nationales d’un pays dès qu’il a été ratifié par un gouvernement ). La connaissance des lois internationales peut donc difficilement devenir pour un groupe autochtone une stratégie qui favoriserait leur mise en œuvre dans leur propre pays. Néanmoins, les campagnes menées conjointement par des alliances et des organisations de défense des peuples autochtones, des ONG et même des individus peuvent amener les gouvernements à considérer que les lois internationales sont des outils plus efficaces de protection des droits des autochtones et même orienter la rédaction de législations nationales. Le cas de Coroma montre que ces efforts sont parfois couronnés de succès, bien que cela soit plutôt une exception qui confirme la règle.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les lois douces sont des documents qui ne sont pas directement opposables devant les tribunaux mais qui ont néanmoins un impact sur les relations internationales et, en définitive, sur le droit international. Un grand nombre d’accords internationaux de ce genre pourraient s’avérer utiles et servir de fondement à des accords juridiquement contraignants à venir, tout comme le PIRDESC et le PIRDCP sont issus de la Déclaration universelle des droits de l’homme. On trouvera dans le présent chapitre des détails sur les accords traitant de la protection des DRT.
La communauté internationale ne dispose d’aucun organe de législation central ; les nouvelles lois résultent donc d’un consensus. Historiquement, le droit international dérive de deux sources : le droit coutumier et les traités. Le droit coutumier se précise au fil du temps et devient universellement accepté par une pratique constante, tandis que les traités prennent la forme de documents signés par les gouvernements qui acceptent d’être liés par leur contenu.
Les lois douces sont une source, en pleine expansion mais controversée, du droit international. L’expression est elle-même trompeuse étant donné que, à proprement parler, il ne s’agit pas de lois du tout. En pratique, les lois douces désignent toute une gamme d’instruments : déclarations de principes, codes de pratique, recommandations, lignes directrices, normes, chartes, résolutions, etc. Aucun de ces documents n’a de statut juridique ( aucun n’est contraignant juridiquement ), mais l’on s’attend fermement à ce que leurs dispositions soient respectées et suivies par la communauté internationale. Selon Bothe ( 1980 ) :
Il est souvent plus facile pour un État d’accepter [ . . . ] un engagement non légal qu’un engagement légal. C’est fort probablement la raison pour laquelle les États ne rejettent pas des résolutions dont ils n’accepteraient aucunement les termes sous forme de traité. Cela représente à la fois une occasion et un danger. Comme les résolutions font naître des attentes, elles déclenchent une certaine obligation d’observation qui est souvent, comme cela a été indiqué, efficace à long terme. Elles influent sur la pratique et celle-ci influe sur la loi.
Une des raisons pour lesquelles les lois douces sont intéressantes, c’est que les gouvernements s’engagent moralement lorsqu’ils signent ces accords et que certains gouvernements ne sont parfois pas insensibles à la persuasion morale. L’évolution du droit international coutumier peut être accélérée par l’inclusion de principes dans les accords non contraignants et dans les déclarations et résolutions non gouvernementales ( James Cameron, Foundation for International Environmental Law and Development, Londres, R.-U., 1995, communication personnelle ). Compte tenu du nombre et de l’influence croissante de ces documents, qui défendent les droits des peuples autochtones à leurs connaissances, territoires et ressources, il n’est pas impossible que ces droits puissent faire partie du droit international dans un proche avenir, même s’ils ne sont pas intégrés dans des conventions ( Tobin, 1995 ). Dans le présent chapitre, nous présentons plusieurs de ces lois douces et examinons quelle peut être leur utilité.
La Déclaration universelle des droits de l’homme ( DUDH ) de 1948 est un important accord international non contraignant. Elle garantit les libertés fondamentales que sont l’intégrité personnelle et l’action ainsi que les droits politiques, sociaux, économiques et culturels particuliers. Pour ce qui est de la protection des ressources culturelles et traditionnelles, un des principaux problèmes que pose « l’approche fondée sur les droits
de l’homme » de la DUDH est que les mesures visent les États-nations. Elle peut difficilement servir de fondement à des revendications faites contre des multinationales ou des individus qui profitent des connaissances traditionnelles.
En vertu de l’article 7 de la DUDH, tous sont égaux devant la loi, ce qui implique donc que la protection des DPI devrait être offerte à tous les peuples, y compris les peuples autochtones. Aux termes de l’article 17, toute personne a le droit à la propriété, à titre collectif, comprenant le droit de ne pas être arbitrairement privé de cette propriété. L’article 23 garantit le droit à un salaire juste et égal pour un travail égal, ce qui peut vouloir dire un travail lié aux connaissances traditionnelles. Enfin, l’article 27 prévoit le droit de prendre part à des activités culturelles et de participer au progrès scientifique, y compris le droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique.
L’utilisation de lieux sacrés à d’autres fins par des étrangers et le non-respect de ces endroits par des visiteurs pourraient être comparés à la destruction d’une église, d’un temple ou d’une mosquée et à un empiétement sur les droits religieux d’une population. Selon cette interprétation, l’article 18 de la DUDH est pertinent. On y déclare que « [ t ]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte ou l’accomplissement des rites ».
La liberté religieuse est une notion importante pour les peuples autochtones. Par exemple, lors d’un séminaire sur les DPI tenu au Congrès des Nations Unies sur les droits de l’homme, à Vienne, en juin 1993, Ray Apoaka du « North American Congress » a laissé entendre que les DPI sont une question de liberté religieuse pour les peuples autochtones : « Beaucoup d’éléments qu’ils veulent commercialiser sont sacrés pour nous. La propriété intellectuelle fait partie de notre culture. Elle ne peut être séparée en catégories comme les avocats [ occidentaux ] le voudraient. »
Pauline Tangiora, une dirigeante maorie, renchérit : « La religion des peuples autochtones n’est pas limitée à des bâtiments, toute leur vie étant placée sous le signe du sacré » ( Posey 1994 ). Les lois régissant la liberté religieuse pourraient donc donner lieu à des interprétations de grande portée. Le brevetage de lignées cellulaires humaines, par exemple, pourrait empiéter sur la liberté religieuse des peuples autochtones s’il entre en conflit avec des croyances religieuses.
Un grand nombre des pays qui ont signé la Déclaration ont enfreint de nombreux droits qui y sont enchâssés. Néanmoins, il peut être soutenu que l’acceptation à l’échelle mondiale de la DUDH implique qu’elle fait maintenant partie du droit coutumier international et est, par conséquent, contraignante juridiquement. S’il en est bien ainsi, c’est un exemple important de loi douce qui devient « dure » ( Shaw, 1994, p. 196 )5. Il est indéniable, cependant, que plusieurs autres traités sur les droits de l’homme sont issus de la DUDH, notamment le PIRDESC et le PIRDCP ( voir le chapitre 10 ), qui rendent ses dispositions contraignantes.
5 Lorsque la DUDH a été adoptée par les Nations Unies ( sans qu’aucun pays ne s’y oppose ), il était prévu qu’elle aurait force de loi internationale peu de temps après sous forme d’une convention unique. Mais plusieurs conventions sur les droits de la personne ont été élaborées et adoptées par la suite au cours d’une période beaucoup plus longue.
Le Conseil économique et social des Nations Unies ( ECOSOC ) a autorisé la Commission des droits de l’homme à mettre sur pied une sous-commission spéciale « chargée d’étudier en profondeur le problème de la discrimination contre les peuples autochtones » ( Kahn et Talal, 1987, p. 121 ). La Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a constaté que les instruments internationaux actuels « ne sont pas suffisants pour assurer la reconnaissance et la protection des droits spécifiques des populations autochtones en tant que telles au sein des sociétés des pays dans lesquels elles vivent » ( ECOSOC, 1986 ).
En 1982, l’ECOSOC a créé un Groupe de travail sur les populations autochtones ( GTPA ), qui est devenu le forum international le plus ouvert pour les représentants autochtones et les défenseurs de leurs droits. Le GTPA a rédigé une Déclaration sur les droits des peuples autochtones ( voir à l’annexe 4 le projet officiel le plus récent ) qui devrait déboucher sur une Convention sur les droits des peuples autochtones.
Dans la résolution 1990/27, la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a recommandé que toute convention issue de la CNUED affirme explicitement le rôle des peuples autochtones en tant qu’utilisateurs et gestionnaires des ressources, et garantisse la protection du droit des peuples autochtones à contrôler leurs propres connaissances traditionnelles des écosystèmes. La résolution 1991/31 demande que soit étudiée l’applicabilité des droits collectifs touchant la propriété, incluant la propriété intellectuelle.
En 1991, la Sous-commission a demandé que le secrétaire général de l’ONU se penche, dans un bref rapport, sur la capacité pour les peuples autochtones d’utiliser les normes et mécanismes internationaux existants pour protéger leurs biens intellectuels ; le rapport devait aussi attirer l’attention sur les lacunes ou les obstacles en ce domaine, et sur les façons d’y remédier. Il a aussi explicitement été demandé à l’OMPI d’aider à formuler des recommandations en faveur d’une protection efficace de la propriété intellectuelle des peuples autochtones ( ECOSOC, 1992a ).
En mai 1992, les Nations Unies ont tenu une Conférence technique sur les peuples autochtones et l’environnement à Santiago, au Chili. Les participants ont établi certains principes de base, notamment la reconnaissance, la protection et le respect des connaissances et des pratiques autochtones essentielles à la gestion durable de l’environnement. Il a aussi été recommandé que le système des Nations Unies prenne des mesures efficaces pour protéger les droits des peuples autochtones à leurs biens culturels, leurs ressources génétiques, leur biotechnologie et leur biodiversité ( ECOSOC, 1992b ).
En juillet 1993, la Sous-commission a produit son Document de travail sur la question de la protection de la propriété intellectuelle et du contrôle des biens culturels des peuples autochtones ( ECOSOC, 1993 ). Ce document passe en revue les questions du patrimoine autochtone, l’accent étant mis sur le patrimoine culturel, et les instruments juridiques internationaux — en particulier les droits de l’homme et les DPI. Cette insistance sur les
questions culturelles explique que peu d’attention ait été accordée à la protection des ressources biologiques et des connaissances traditionnelles.
Dans ces déclarations, recommandations et études ainsi que dans le Projet de déclaration des droits des peuples autochtones, la Commission des droits de l’homme a clairement lancé un appel en faveur de la protection des DPI des peuples autochtones et tribaux et de leur juste indemnisation. Ce forum pouvant faire bouger d’autres organismes des Nations Unies, il se pourrait qu’il en sorte éventuellement des résultats importants à l’échelle internationale.
La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement a été signée en juin 1992 à la CNUED et établit clairement la pertinence des peuples autochtones et l’importance centrale de leur protection dans la poursuite d’un « développement durable ». Comme un grand nombre d’États-nations ont hésité à reconnaître les droits des peuples autochtones dans le passé, le ton de la Déclaration de Rio est réellement progressiste et bienvenu. Le principe 22 déclare que :
Les populations et communautés autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d’un développement durable.
Action 21 est un programme d’action en faveur du développement durable adopté à la CNUED. Certains pensent qu’il s’agit d’un échantillon de loi douce internationale « dont la portée est peut-être la plus grande qui soit à ce jour et qui représente le plus gros effort jamais tenté », que c’est un texte « qui a force morale sinon légale, et qui pourrait par la suite servir de point de départ à des actions nationales et subséquemment à des accords internationaux peut-être plus exigeants dans des domaines précis » ( Johnson 1993 ).
La conservation et l’utilisation des ressources phytogénétiques in situ est présentée comme un volet des programmes de promotion d’une agriculture durable ( ODI, 1993 ). On y reconnaît l’importance des communautés autochtones et locales, de leurs connaissances, de leurs cultures et de leurs contributions possibles à la protection de la biodiversité ; on y affirme que ces communautés doivent être récompensées.
On trouvera aux chapitres 14, 15, 16, 26 et 32 d’Action 21 des éléments intéressant la protection des droits des communautés agricoles autochtones. L’accent est mis sur le renforcement des droits des communautés autochtones pour qu’elles poursuivent leur mode de vie traditionnelle et conservent leurs droits territoriaux. Les paragraphes consacrés à l’utilisation des connaissances autochtones pour la formation d’autres peuples
ruraux et pour l’exécution de travaux de conservation de la diversité végétale sont également dignes de mention.
Le chapitre 32 porte sur le rôle des agriculteurs et soutient que « les agriculteurs doivent être au centre des mesures prises pour instaurer une agriculture durable ». Ce chapitre vise à renforcer le rôle des agriculteurs dans la prise de décisions par la création d’organisations et la décentralisation du processus.
Le chapitre 26 est le plus important pour ce qui est des droits des peuples autochtones. Il énonce les prescriptions de la CNUED pour renforcer le rôle des peuples autochtones et de leurs communautés. Les « terres » sont dites comprendre « l’environnement des zones occupées traditionnellement par les populations concernées ». La clause 4 donne aux peuples autochtones la possibilité d’exercer un plus grand contrôle sur leur vie et leurs terres « conformément à la législation nationale » et de participer « à la création et à la gestion de zones protégées ». C’est une clause extrêmement importante parce qu’elle recommande des mesures gouvernementales susceptibles de renforcer la position juridique des peuples autochtones à l’échelle nationale et internationale. Elle est appuyée par la clause 26.5 recommandant que les gouvernements, les institutions des Nations Unies et d’autres organisations internationales intègrent officiellement les peuples autochtones dans les travaux de planification d’abord en nommant « un responsable de la coordination au sein de chaque organisme international », puis en organisant des réunions annuelles en vue d’une coordination interorganisations.
Le Code est une composante du système mondial de la FAO sur les ressources phytogénétiques — l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques — et de ses annexes. Il énonce une série de principes généraux dont les gouvernements pourraient s’inspirer pour établir des règlements nationaux ou formuler des accords bilatéraux sur la collecte de germoplasme.
Le code de conduite a été adopté dans la Résolution 8/93 par la 27e session de la Conférence de la FAO de novembre 1993. Son premier objectif est de « promouvoir la collecte dans leurs habitats ou milieux naturels, la conservation et l’utilisation des ressources phytogénétiques d’une manière qui respecte l’environnement et les traditions et cultures locales ».
Le code vise à amener des agriculteurs, des scientifiques et des organisations à participer à des programmes de conservation dans les pays où la collecte s’effectue, à promouvoir la « répartition des avantages », et à faire reconnaître les droits et les besoins des communautés locales et des agriculteurs de manière à ce que leur contribution à la conservation et au développement des ressources phytogénétiques soit indemnisée et que le transfert des ressources ne nuise pas aux avantages qu’ils en tirent actuellement.
Les dispositions du code stipulent entre autres ce qui suit :
L’UNESCO a produit plusieurs documents non contraignants se rapportant aux peuples autochtones. La Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale de 1966, par exemple, stipule que « [ t ]oute culture a une dignité et une valeur qui doivent être respectées » et que [ t ]out peuple a le droit et le devoir de développer sa culture ». Cette déclaration est importante parce qu’elle peut être interprétée de manière à soutenir les droits collectifs par opposition aux droits individuels.
Même si les dispositions types UNESCO-OMPI, dont il a été question au chapitre 9, n’ont pas été adoptées intégralement par aucun pays, elles ont eu une influence sur les rédacteurs de la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989 de l’UNESCO qui a été approuvée à l’unanimité par les États membres. La culture populaire y est définie de la façon suivante ( UNESCO, 1990 ) :
La culture traditionnelle et populaire est l’ensemble des créations émanant d’une communauté culturelle fondée sur la tradition, exprimées par un groupe ou par des individus et reconnues comme répondant aux attentes de la communauté en tant qu’expression de l’identité culturelle et sociale de celle-ci, les normes et les valeurs se transmettant oralement, par imitation ou par d’autres manières. Ses formes comprennent, entre autres, la langue, la littérature, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites, les coutumes, l’artisanat, l’architecture et d’autres arts.
Les recommandations renferment entre autres les dispositions suivantes :
E. Diffusion de la culture traditionnelle et populaire : Les populations devraient être sensibilisées à l’importance de la culture traditionnelle et populaire en tant qu’élément d’identité culturelle. Afin de permettre une prise de conscience de la valeur de la culture traditionnelle et populaire et de la nécessité de préserver cette dernière, une large diffusion des éléments constituant ce patrimoine culturel est essentielle. Lors d’une telle diffusion, il importe néanmoins d’éviter toute déformation afin de sauvegarder l’intégrité des traditions. Pour favoriser une diffusion équitable, les États membres devraient [ . . . ] encourager la communauté scientifique internationale à se doter d’une éthique appropriée à l’approche et au respect des cultures traditionnelles.
F. Protection de la culture traditionnelle et populaire : La culture traditionnelle et populaire, en tant qu’elle constitue des manifestations de la créativité intellectuelle, individuelle ou collective, mérite de bénéficier d’une protection s’inspirant de celle qui est accordée aux productions intellectuelles. Une telle protection de la culture traditionnelle et populaire se révèle indispensable en tant que moyen permettant de développer, perpétuer et diffuser davantage ce patrimoine, à la fois dans le pays et à l’étranger, sans porter atteinte aux intérêts légitimes concernés. En dehors des aspects « propriété intellectuelle » de la « protection des expressions du folklore », il y a plusieurs catégories de droits qui sont déjà protégées, et qui devraient continuer à l’être à l’avenir dans les centres de documentation et les services d’archives consacrés à la culture traditionnelle et populaire. À ces fins, les États membres devraient : a ) en ce qui concerne les aspects « propriété intellectuelle » : appeler l’attention des autorités compétentes sur les importants travaux réalisés par l’UNESCO et l’OMPI dans le domaine de la propriété intellectuelle, tout en reconnaissant que ces travaux ne touchent qu’à un aspect de la protection de la culture traditionnelle et populaire et que l’adoption de mesures distinctes dans divers domaines s’impose d’urgence pour sauvegarder la culture traditionnelle et populaire ; b ) en ce qui concerne les autres droits impliqués : i ) protéger l’informateur en tant que porteur de la tradition ( protection de la vie privée et de la confidentialité ) ; ii ) protéger les intérêts des collecteurs [ sic ] en veillant à ce que les matériaux recueillis soient conservés dans les archives, en bon état et de manière rationnelle ; iii ) adopter les mesures nécessaires pour protéger les matériaux recueillis contre un emploi abusif intentionnel ou non ; iv ) reconnaître que les services d’archives ont la responsabilité de veiller à l’utilisation des matériaux recueillis.
G. Coopération internationale : Compte tenu de la nécessité d’intensifier la coopération et les échanges culturels, notamment par la mise en commun de ressources humaines et matérielles, pour la réalisation de programmes de développement de la culture traditionnelle et populaire visant à la réactivation de cette dernière, et pour les travaux de recherche effectués par des spécialistes d’un État membre dans un autre État membre, les États membres devraient : c ) coopérer étroitement en vue d’assurer sur le plan international aux différents ayants droit ( communauté ou personnes physiques ou morales ) la jouissance des droits pécuniaires, moraux, ou dits voisins découlant de la recherche, de la création, de la composition, de l’interprétation, de l’enregistrement et ( ou ) de la diffusion de la culture traditionnelle et populaire.
Les lois douces sont importantes pour au moins deux raisons :
Par conséquent, bien que les peuples autochtones puissent avoir le sentiment qu’il faut avant tout chercher à influencer le droit international, ils ne devraient pas pour autant négliger les options qu’offrent les lois douces. Les efforts déployés par le Groupe de travail sur les populations autochtones ( GTPA ) montrent que de nombreux peuples autochtones en ont déjà pris conscience.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les instruments non juridiques ont également leur utilité. Les institutions non gouvernementales, y compris les organisations professionnelles, les associations universitaires, les organisations autochtones et les ONG, produisent des déclarations, des codes de conduite, des codes d’éthique et des orientations. Certains de ces documents peuvent contribuer à sensibiliser les populations, les gouvernements et d’autres institutions qui s’occupent des peuples autochtones, facilitant l’établissement de relations plus équitables. Dans le présent chapitre, nous examinons les instruments non juridiques pouvant servir à édifier un régime de DRT.
Les organisations universitaires ou scientifiques, les organismes intergouvernementaux et les organisations de défense des peuples autochtones élaborent parfois des déclarations, des résolutions et des codes de pratique qui sont souvent l’aboutissement de conférences internationales au cours desquelles les délégués ont pris conscience de leurs nombreuses préoccupations communes. Ils espèrent ainsi mieux sensibiliser l’opinion publique à ces préoccupations, améliorer le comportement des populations et parfois même influencer les législateurs. Il arrive que l’on en tienne compte dans la rédaction d’instruments légaux « durs » et « mous ». S’ils sont respectés, ils deviennent une pratique coutumière qui peut ainsi acquérir un statut légal devant les tribunaux.
Les organisations et conférences de peuples autochtones ont produit leurs propres déclarations en vue de sensibiliser leurs populations et d’aider à créer des alliances internationales. En voici quelques-unes :
6 Pour obtenir d’autres renseignements, joindre Henrietta Fourmile ( voir la section Ressources, sous Australie ).
Certains groupes autochtones ont déjà adopté des politiques pour être en mesure de contrôler l’accès à leurs territoires, de surveiller les activités des cueilleurs de plantes et des chercheurs, et d’être les bénéficiaires des collections de plantes et de la recherche. Les mesures prises par les Kunas et les Awas sont présentées au chapitre 14.
Les orientations de nature éthique ( ou codes d’éthique ) sont des énoncés qui fixent le comportement moralement acceptable que les scientifiques doivent adopter dans l’exécution de leur travail. Bien qu’elles ne soient pas juridiquement contraignantes, elles résultent souvent d’un consensus parmi les scientifiques concernés et leur observation va de soi. Les déclarations, par contre, renferment des principes plus généraux.
En 1988, l’ISE a formulé un ensemble de principes devant régir la recherche et le travail effectués avec des communautés autochtones et locales. La Déclaration de Belém ( voir l’introduction ) a été la première déclaration du genre à attirer l’attention sur le « lien inextricable » entre conservation de la diversité biologique et préservation de la diversité culturelle. C’est la première déclaration internationale à avoir lancé un appel explicite en faveur de la protection et de l’indemnisation des DPI ( qui sont traités comme des droits inaliénables ). Le principe de la déclaration demande que « des mécanismes soient établis afin que les peuples autochtones soient indemnisés pour l’utilisation qui est faite de leurs connaissances et de leurs ressources biologiques ».
Voici une liste des orientations et déclarations à caractère éthique adoptées par des organisations scientifiques et professionnelles :
Les orientations communes de la WWF, de l’UNESCO et des RBG abordent toute la gamme des questions touchant à l’établissement de relations équitables entre institutions, sociétés, communautés locales et peuples autochtones, et c’est là leur intérêt. Tout en reconnaissant que les gouvernements ont des droits souverains sur les ressources biogénétiques, ces orientations leur lancent un appel pour qu’ils « acceptent d’établir ou de mettre en œuvre des politiques nationales de conservation et d’utilisation de la diversité biologique » ( article 1.1 ) ; les bioprospecteurs sont instamment invités à « respecter les valeurs sociales, traditionnelles locales et le droit coutumier » ( article 5.4 ). Tout en favorisant un tri et une collecte « ethnocentrique », les orientations remettent la question des DPI entre les mains des gouvernements nationaux qui « devraient avoir la liberté de décider s’il convient ou non d’assurer la protection des DPI pour les nouveaux produits naturels » ( article 8.3 ). On y trouve malheureusement très peu d’éléments pouvant apaiser les craintes, encourager ou même orienter les communautés locales dans le domaine des DPI.
Le NCI des États-Unis a également élaboré un ensemble de principes généraux devant régir ses importantes activités de collecte dans le monde. L’indemnisation des connaissances traditionnelles et des ressources biogénétiques est l’un des principes fondamentaux mis de l’avant. Par « indemnisation », on entend « la formation, le renforcement des institutions et le transfert d’information » ( voir le chapitre 7 ). Le New York Botanical Garden et les RBG de la banlieue londonienne ont fait de semblables arrangements dont les gouvernements tirent nécessairement avantage.
À son congrès de 1994, l’ISE a accepté de rédiger un code d’éthique. Des représentants des peuples autochtones placés sous la direction d’un avocat maori participent à la rédaction de ce code et des nouveaux statuts de l’ISE.
Ces déclarations, orientations à caractère éthique et codes de pratique ont un inconvénient : ils ne sont pas juridiquement contraignants. Leur efficacité dépend souvent de la volonté de l’organisme gouvernemental ou de l’ONG de les respecter. Or, ce n’est souvent pas le cas et les documents de ce genre ont prêté le flan à la critique. Du seul fait qu’ils existent, cependant, les scientifiques devraient être plus conscients de
leurs obligations morales. En outre, ils peuvent avoir une influence sur les législateurs qui rédigent des lois nationales et internationales, voire même servir de modèle à ces lois.
Les peuples autochtones et les pays en développement ont, de leur propre gré, pris des mesures pour enrayer les détournements et le mésusage ( ou l’utilisation non autorisée ) des connaissances traditionnelles. En 1979, l’Organisation de l’Unité africaine a demandé avec insistance que des recherches sur les produits phytogénétiques soient effectuées en secret afin d’empêcher les multinationales de mettre au point de nouveaux médicaments qu’elles revendent aux pays en développement à des prix élevés ( Hanlon, 1979 ). En 1988, les Kunas du Panama ont rédigé un manuel de 26 pages pour réglementer la recherche scientifique dans leur région ( voir le chapitre 14 ). Les Kayapós, des Amérindiens du Brésil, négocient actuellement un code de DPI et un contrat avec The Body Shop en vue de réglementer les activités commerciales dans leur région, surtout en ce qui concerne le développement de nouveaux produits fondés sur les connaissances traditionnelles et les ressources biologiques locales ( voir le chapitre 5 ).
Les communautés locales auraient avantage à connaître les déclarations officielles produites par les peuples autochtones car ces documents font état de préoccupations communes et proposent de nouvelles stratégies qui peuvent s’avérer efficaces. Ces déclarations favorisent en effet la création de nouvelles alliances internationales, sous la pression desquelles il est plus difficile pour les gouvernements et sociétés de méconnaître les justes revendications des communautés autochtones et traditionnelles.
Il est aussi utile de connaître les codes de déontologie d’associations professionnelles et universitaires parce que, même si ces documents ne sont pas juridiquement contraignants, ils le sont au moins moralement pour de nombreux scientifiques avec lesquels les membres des communautés sont appelés à travailler. Ces documents peuvent également avoir un impact sur les lois nationales et internationales ainsi que sur l’élaboration d’orientations par les peuples autochtones et traditionnels eux-mêmes.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Nous avons indiqué au chapitre 3 que la création de mécanismes de financement serait une des façons d’indemniser les communautés ( mis à part les mécanismes ou contrats entourant les DPI ). Les communautés locales estiment souvent, en effet, que la protection de leurs DRT passe nécessairement par un financement adéquat des initiatives qu’elles dirigent elles-mêmes. Le Programme de microfinancements du Fonds pour l’environnement mondial ( FEM ) et le Fonds pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs sont des exemples de fonds internationaux établis au profit des communautés locales, mais il existe d’autres sources auxquelles les communautés ont plus facilement accès. Que l’objectif explicite d’un mécanisme de financement soit la conservation, le développement de la communauté ou l’indemnisation, il devrait idéalement comporter une gamme d’avantages, monétaires et non monétaires. De préférence, ce mécanisme soutiendrait les projets dirigés par la communauté ( pas seulement ceux qui sont réalisés dans la communauté ). Le présent chapitre propose, pour conclure, divers moyens que les peuples autochtones peuvent mettre en œuvre pour que leurs priorités et leurs critères soient pris en compte par les institutions de financement dans les projets de conservation et de développement.
Savoir à qui présenter une demande de financement n’est pas toujours une tâche facile. En fait, c’est l’une des principales difficultés auxquelles les organisations à but non lucratif sont confrontées. Au Royaume-Uni, par exemple, il existe des listes d’organismes de financement par domaine d’intérêt, mais elles ne sont pas exhaustives et leur dépouillement est long. Savoir comment remplir une demande de financement est devenu une spécialité. On trouve des organismes de financement, privés et publics, qui poursuivent des fins exclusivement humanitaires ( y compris les organismes de protection des animaux et des plantes dont l’humanité peut bénéficier indirectement ). Mais il peut être très compliqué de trouver ceux à qui il convient de présenter une demande et ensuite de leur soumettre une demande impeccable ( parfois rédigée dans une langue étrangère ), surtout pour les communautés locales qui ne disposent pas des compétences nécessaires.
Ce sont les organismes religieux qui, historiquement, ont fourni de l’aide aux peuples autochtones et traditionnels. Mise à part la question du bien-fondé de ces sources d’assistance, les Églises disposent encore de montants d’aide considérables et sont prêtes à donner du temps et de l’argent.
Depuis quelques années, le nombre d’organismes de bienfaisance voués à la protection de l’environnement aux niveaux national et international a considérablement augmenté. L’un des plus connus est la WWF, qui était à l’origine un organisme de bienfaisance consacré à la protection des espèces animales menacées ( d’où le panda figurant sur son logo ) et qui s’est transformé en un organisme de protection de la nature sous toutes ses formes. À l’autre extrémité de l’échelle, on trouve de petits organismes de bienfaisance, tel Rainforest Action Network aux États-Unis, qui financent des projets précis ( voir l’encadré 13.1 ). Il faut examiner attentivement les lignes directrices fournies sur la manière de remplir les demandes de projet pour s’assurer de respecter les critères du bailleur de fonds et pour fournir tous les renseignements dont le bailleur a besoin pour évaluer une proposition.
Un grand nombre d’organismes et d’individus fortunés dans le monde ont consacré une partie de leur fortune à une cause en laquelle ils croient en établissant des fonds fiduciaires. Des capitaux sont investis et les profits sont distribués au profit de la cause ( éducation, santé, bien-être des animaux, voyages, ou tout autre domaine choisi par le bienfaiteur ). Lorsque les fonds investis sont bien gérés, ils gardent leur valeur en capital et les mêmes niveaux de décaissement peuvent être maintenus pendant de nombreuses années.
Les gouvernements affectent une portion de leur budget à l’aide qui est répartie par des ministères, des organismes ou des ONG. Au Royaume-Uni, par exemple, l’Overseas Development Administration offre des fonds au nom du gouvernement en faveur de programmes exécutés par des universités tels que celui lancé par l’Institut de foresterie d’Oxford. Le financement des programmes universitaires est complexe parce qu’un département peut administrer des fonds provenant de plusieurs sources. Les liens établis dans le cadre de programmes universitaires ne sont pas nécessairement dommageables pour une communauté qui désire protéger ses connaissances et ses ressources, dès lors
Encadré 13.1
Le Programme « Protéger une acre » de Rainforest Action Network
L’objet du programme « Protéger une acre » est de préserver l’intégrité écologique et culturelle des forêts tropicales humides. Le programme finance des projets qui aident les habitants des forêts à obtenir des droits sur les terres pour ainsi préserver leur identité ethnique et leur autonomie sociale grâce au maintien de leurs coutumes et pratiques traditionnelles. Seuls sont approuvés les projets qui appuient les communautés et renforcent le respect des droits de la personne dans la population originelle ( par exemple, la démarcation des territoires autochtones ). Sont aussi acceptés les projets qui favorisent la création de réserves minérales, la gestion des ressources naturelles ou la préservation de l’équilibre écologique d’une forêt.
Le montant affecté à un projet est limité et une seule subvention est faite par projet. Les demandeurs doivent envoyer la proposition, d’au plus huit pages, avec une lettre de présentation. La proposition comprend : un sommaire ; de l’information sur les objectifs généraux et particuliers qui sont poursuivis, sur la définition du projet et sur son importance ; l’historique de l’organisme ou du groupe ; un énoncé de la stratégie et des méthodes d’évaluation des résultats ; un budget des dépenses estimatif ; une évaluation de la durabilité du projet.
Un tel programme attire de nombreuses demandes qui sont généralement évaluées par un comité. Les fonds sont décernés aux projets qui satisfont le mieux aux critères de l’organisme de bienfaisance.
Source : Rainforest Action Network
que les liens sont créés en pleine connaissance de cause des objectifs poursuivis par l’université. En fait, une communauté qui comprend bien ses besoins et objectifs ainsi que ceux des chercheurs peut tirer parti de la compétence du personnel universitaire pour obtenir des fonds.
Les institutions spécialisées des Nations Unies peuvent aussi assurer le financement pour tel ou tel projet. Par exemple, le Fonds pour l’environnement mondial ( voir ci-dessous ) administre un Programme de microfinancements auquel des demandes peuvent être présentées. La FAO se propose d’offrir un Fonds pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs ( voir ci-dessous ) dont l’objet est d’indemniser les agriculteurs, « particulièrement ceux des centres d’origine et de diversité des ressources phytogénétiques [ pour ] leurs contributions passées, présentes et futures à la conservation, à l’amélioration et à la disponibilité de ces ressources » ( Résolution 5/89 de la FAO ).
Le Fonds pour l’environnement mondial ( FEM ) a été établi en 1990 pour financer des projets favorisant la protection de l’environnement mondial dans les domaines des émissions de gaz à effet de serre, de la diversité biologique, des eaux internationales et de
l’appauvrissement de la couche d’ozone ( PNUD, 1993 ). Les organismes de mise en œuvre du FEM sont :
Les pays représentés au Sommet de la Terre ont accepté d’adopter le FEM comme mécanisme temporaire pour financer des projets de protection de l’environnement d’importance mondiale, conformément aux conventions sur la biodiversité et les changements climatiques signées à Rio.
Le Programme de microfinancements est un projet pilote qui a pour principal objet de définir et d’étayer des stratégies communautaires pour atténuer les menaces qui pèsent sur l’environnement mondial dans 32 pays : en Afrique, dans les États arabes, en Asie et dans le Pacifique, en Europe, en Amérique latine et dans les Antilles7. Le programme verse des subventions maximales de 50 000 $ aux ONG et aux groupes communautaires pour des activités à petite échelle qui « atténuent ou éliminent les problèmes environnementaux dans les zones visées par le programme du FEM [ et ] incitent les communautés et populations à maintenir la diversité biologique de leur environnement et sa capacité productive, et qui leur en donnent les moyens ( PNUD, 1993, p. 2 ). C’est ainsi qu’un montant de 6 590 $ a été affecté à un projet d’étude des méthodes de protection phytosanitaire du riz utilisées par les Holocs et des systèmes de gestion forestière appliqués par les Muyongs, aux Philippines ( PNUD, 1993, p. 29 ). Les projets financés sont choisis par un Comité de sélection national normalement composé de représentants d’ONG, du gouvernement hôte, d’institutions universitaires et scientifiques et d’organisations communautaires. La priorité est censée être donnée aux projets qui « font participer les communautés à leur conception, mise en œuvre et planification, qui répondent aux besoins des femmes et ( ou ) des peuples autochtones et impliquent leur participation, qui ont un volet de renforcement des capacités pouvant être réalisé avec des ressources locales et qui comportent une évaluation » ( PNUD, 1993, p. 5 ).
Après analyse des dossiers de ce programme, on peut se demander, cependant, si ce mécanisme sera approprié pour financer la conservation de la biodiversité. Voici ce qu’écrivait déjà en 1991 Kothari ( 1993, p. 17 ) :
Le gouvernement indien a demandé à recevoir, du fonds du FEM consacré à la protection de la diversité par l’écodéveloppement, un montant important ( 10–12 millions $US ) pour que cesse la pression démographique exercée sur les régions riches en biodiversité. Cependant, la proposition avait été formulée de manière ad hoc sans
7 Pour obtenir d’autres renseignements sur le Programme de microfinancements, joindre le PNUD, One United Nations Plaza, bureaux 2050–2052, New York, NY 10017, É.-U. ; téléc. : ( 212 ) 906–5313.
aucune consultation des principaux groupes de citoyens, et encore moins des communautés locales. [ . . . ] Heureusement, le FEM n’a pas accordé les fonds et le ministère de l’Environnement et des Forêts propose maintenant de faire participer un grand nombre de citoyens et de groupes communautaires à l’élaboration des plans. Il est à souhaiter que, dans l’avenir [ . . . ] l’utilisation des fonds sera fondée sur une plus grande participation du public ainsi que sur la transparence et l’ouverture les plus grandes qui soient.
La communauté locale qui désire obtenir un financement pour un projet communautaire doit produire une proposition de financement détaillée selon une formule acceptée qui comprend une déclaration explicative sur l’importance du projet et sur sa conformité aux orientations susmentionnées. Un budget doit également être présenté. Si une ONG devait obtenir une subvention pour réaliser un projet communautaire, les collectivités participantes doivent savoir que les orientations ne renferment aucune disposition sur les DPI ou sur le consentement préalable donné en connaissance de cause. Elles doivent par conséquent faire de l’obtention de telles dispositions une condition de leur collaboration.
Le Fonds pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs devait, à l’origine, être une caisse internationale dont les fonds étaient versés aux gouvernements nationaux au profit de leurs agriculteurs. En dépit du large accord sur la nécessité d’une caisse d’indemnisation des agriculteurs, le mode de répartition des fonds a été jugé inadéquat et le plan n’a pu être réalisé. Cependant, cette question est maintenant l’une de celles qui figurent à l’ordre du jour international ; il se pourrait que, lors de leurs prochaines conférences, les Parties à la CDB élaborent un protocole donnant aux droits des agriculteurs un statut juridique.
Genetic Resources Action International ( GRAIN ) et la RAFI se sont attaqués à la définition des droits des agriculteurs ( GRAIN, 1995 ). Cette initiative GRAIN-RAFI permet de penser que les communautés d’agriculteurs ont le droit :
Ce genre de caisse serait un atout si l’on trouvait comment en faire profiter les agriculteurs et les communautés locales. Il est à craindre toutefois que les retombées d’un fonds intergouvernemental au niveau communautaire ne seront que minimales. Pour que les communautés locales en profitent, certains ont proposé qu’elles se servent de leur part pour financer des mécanismes de DPI tels que les brevets ou les droits des obtenteurs ( le cas échéant ) afin de redevenir propriétaires de leurs propres ressources. Ce serait une façon pour les communautés d’obtenir le même genre de protection juridique que les sociétés internationales, financièrement bien établies, de production de semences.
Plusieurs institutions de financement peuvent fournir aux peuples autochtones et aux communautés locales les ressources dont ils ont besoin pour mener leurs activités de conservation et d’application des connaissances autochtones et traditionnelles ou pour profiter d’occasions économiques. Cependant, les peuples autochtones sont souvent mal renseignés sur les sources de financement et sur les formalités de demande de subvention. Un grand nombre des institutions énumérées dans la section Ressources, ci-dessous, peuvent leur fournir des conseils adéquats.
Malheureusement, il arrive souvent que des fonds soient offerts pour des projets de recherche ou de développement communautaires sans que les communautés concernées aient donné leur autorisation. Pour assurer la protection des DPI et des DRT, les mesures suivantes devraient être envisagées :
Ténacité et créativité, voilà ce dont il faut faire preuve pour élaborer des politiques, des stratégies et des lois qui protègent les communautés et qui assurent qu’elles soient indemnisées et deviennent plus autonomes. Le droit international a son importance et les alliances d’organisations de défense des peuples autochtones peuvent avoir une incidence à l’échelle internationale. Cependant, les communautés locales et les peuples autochtones réaliseront peut-être que ce sont les initiatives réalisées aux niveaux local, régional et national qui donnent le plus de résultats à court terme. Il est donc utile de connaître les activités communautaires et les politiques nationales qui, dans différentes parties du monde, renforcent l’autonomie des communautés, protègent les milieux naturels et donnent un nouvel élan aux cultures traditionnelles.
Le présent chapitre fait un inventaire des diverses stratégies, politiques, notions et lois intéressantes que des universitaires, des décideurs, des politiciens et des communautés locales ont élaborées et qui pourraient renforcer l’autonomie des communautés, assurer la protection de leur milieu naturel et garantir leur intégrité culturelle.
La recherche fondée sur la collaboration suppose un partenariat entre parties égales, les communautés locales étant traitées comme des collaborateurs experts. Les conditions requises pour réaliser une recherche véritablement fondée sur la collaboration pourraient dépendre de la capacité d’un groupe autochtone de contrôler l’accès à ses terres. Ce contrôle crée, en effet, des « règles de jeu équitables » puisqu’il est alors plus facile pour le groupe de réglementer ( ou d’empêcher ) les activités de chercheurs et donc de négocier des conditions de participation favorables. Si les terres appartiennent à l’État, à un individu ou à une société, le groupe pourrait avoir plus de mal à exercer un contrôle mais il pourrait toujours exercer son droit de refuser de participer.
Cependant, si les peuples autochtones entendent collecter, enregistrer et contrôler les connaissances qui leur sont utiles, il leur faudrait idéalement entreprendre eux-mêmes des projets de recherche au lieu de simplement participer à ceux d’autres personnes. Dans le cas d’une recherche sous la direction de la communauté, les priorités, méthodes et procédures sont fixées par la population locale. Dans certains cas, ces recherches doivent contribuer à la réalisation d’un projet de conservation ou de développement contrôlé par la communauté. Il est souvent souhaitable d’avoir des collaborateurs de l’extérieur, mais toutes les données de la recherche demeurent la propriété des membres de la communauté, à moins d’entente contraire. En fait, au cours des dernières années, il est arrivé que des peuples autochtones embauchent des chercheurs qui acceptent que la communauté ou la tribu possèdent les droits d’auteur sur les résultats. Les communautés des îles Solomon, par exemple, ont obtenu les droits d’auteur sur leurs connaissances écologiques enregistrées par des chercheurs ( Baines, 1992 ).
Certains groupes autochtones ont rédigé des directives à l’intention des chercheurs qui visitent leurs territoires afin que toute la recherche scientifique qui s’y déroule appuie la cause de ces groupes, étant donné qu’elle est fondée sur la collaboration ou contrôlée par la communauté.
En 1988, le Proyecto de Estudio para el Manejo de Areas Silvestres de Kuna Yala ( PEMASKI ) et l’Associatión de Empleados Kunas du Panama ont rédigé, à l’intention des chercheurs, un manuel d’information, Programa de Investigación : Monitoreo y Cooperación Científica ( Programme de recherche : surveillance et coopération scientifiques ). On y trouve un énoncé des objectifs poursuivis par les Kunas dans les
domaines de la gestion des forêts, de la conservation de la santé biologique et culturelle, de la collaboration scientifique et des priorités de recherche, ainsi que des directives à l’intention des chercheurs, en particulier sur la nature des avantages que les Kunas doivent en retirer. On y reconnaît la nécessité d’une collaboration entre le peuple kuna et les scientifiques occidentaux pour améliorer la documentation et la gestion de ses ressources culturelles et naturelles. Parmi les priorités de la recherche, mentionnons les recherches écologiques de base, les répertoires de botanique et de zoologie, les levées de sol, les études socio-économiques et ethnobotaniques et l’enregistrement de traditions et d’expressions de la culture kuna. Cependant, toute la recherche a pour but de fournir aux Kunas eux-mêmes le maximum d’information.
En conclusion du manuel, on trouve des orientations à l’intention des scientifiques en visite ainsi que des dispositions réglementant les activités de recherche et une description des avantages que les Kuna doivent recevoir. Les chercheurs doivent notamment :
En vertu de ces directives, il est également interdit d’introduire des espèces de végétaux ou d’animaux exotiques ou de manipuler les gènes. La recherche ne peut s’effectuer que dans certaines zones délimitées de la réserve ; elle est interdite sur certains sites tels que les lieux rituels ou sacrés ; elle est contrôlée dans d’autres sites définis tels que les zones forestières gérées par la communauté.
En avril 1993, au terme de 30 années de relations informelles, le New York Botanical Garden a signé avec la Fédération awa, qui vivent dans la province de Cachi, en
Équateur, et possèdent une très grande biodiversité, un accord relatif à la recherche scientifique universitaire. La Fédération awa est une institution juridique qui administre les terres dont les titres sont détenus collectivement par le peuple awa et qui prend des décisions collectives concernant leur utilisation. Ce n’est qu’en 1988 que les Awas ont été reconnus juridiquement comme citoyens de l’Équateur. Depuis, ils mettent au point un programme de protection de leur territoire, comportant la plantation d’une bande d’arbres fruitiers, de 50 mètres de large, et l’expulsion des immigrants pionniers. L’accord — intitulé Reglamentos para la Realización de Estudios Científicos en al Territorio de la Federación Awa — sera en vigueur pour deux ans. Il comprend les règles suivantes :
Inuit Tapirisat a produit un document de travail intitulé Negociating research relationships in the North ( Négocier les relations de recherche dans le Nord ). Il renferme une liste utile de principes reposant sur les orientations éthiques existantes et tenant compte des préoccupations exprimées par les membres des communautés inuit8. Ces principes pourraient être du plus grand intérêt pour les peuples autochtones d’autres pays. Les voici :
8 Pour obtenir d’autres renseignements sur ces lignes directrices, communiquer avec Inuit Tapirisat du Canada ( voir la section Ressources, sous Canada ).
D’autres peuples autochtones ailleurs dans le monde ont, eux aussi, mis en pratique les principes de la recherche fondée sur la collaboration et contrôlée par la communauté. Mentionnons le projet de recherche mené dans le Parc national Uluru, en Australie, qui reposait sur les connaissances écologiques du peuple des Anangus. La réussite de ce projet semble être liée au fait que « les Anangus étaient les propriétaires des terres sur lesquelles [ la recherche ] a été effectuée, que l’information a circulé dans les deux sens, que les Anangus avaient un pouvoir de décision et avaient participé à toutes les étapes du projet, que des compétences spécifiques aux hommes et aux femmes avaient été reconnues, que des experts anangus ont été rémunérés aux mêmes taux que des experts-conseils, que de bons arrangements et de bonnes relations de travail ont été établis et que les Nangus ont validé toute l’information avant sa publication » ( Sutherland, 1993 ).
Certaines associations professionnelles et certains organismes d’État tels que la Commission royale du Canada sur les peuples autochtones ont élaboré des codes de conduite relatifs à la recherche ( voir le chapitre 12 ) ( Sutherland, 1993 ). Ainsi, dans certains pays au moins, les institutions et scientifiques sont plus ouverts aux dimensions éthiques des recherches qui ciblent les peuples autochtones et sont menées sur leurs territoires. Néanmoins, comme il est fréquent que les peuples autochtones n’aient pas leurs propres installations de recherche et de documentation, et qu’il est fort probable qu’ils soient les « sujets » de recherche de personnes venues de l’extérieur, il est essentiel qu’ils négocient un accord scientifique fondé sur la collaboration avec des chercheurs éventuels plutôt que de supposer que ceux-ci respecteront volontairement des codes de déontologie. Les cas des Anangus, des Kunas et des Awas révèlent qu’un groupe autochtone a plus de chances d’y arriver s’il a un titre juridique sur les territoires ou s’il est reconnu comme une personne morale ( voir le chapitre 6 ). Cependant, même à défaut de cela, un groupe peut s’appuyer sur des traités internationaux et, peut-être, sur des lois nationales, des règlements ou des stipulations constitutionnelles pour faire valoir le droit des peuples autochtones et exiger que les activités de recherche qui les touchent respectent leurs connaissances et qu’elles soient justes et non mercantiles.
Il est extrêmement important que les communautés traditionnelles acquièrent un titre légal sur leurs territoires. Pour exercer leurs droits au développement ( voir le chapitre 5 ), ils doivent en effet pouvoir contrôler l’accès aux terres qu’ils occupent et utilisent. Comme les étrangers ont du mal à percevoir le genre d’impact que les peuples autochtones ont sur les terres et l’utilisation des ressources naturelles, il leur est facile de justifier une colonisation sous prétexte qu’une terre non délimitée n’est rien d’autre qu’une « forêt vierge » non occupée et non utilisée. L’autodélimitation est l’une des stratégies efficaces dans ces cas-là.
L’intégrité du territoire des 3 600 Ye’kuanas du Sud du Venezuela, et de ceux de nombreux autres peuples autochtones de l’Amazonie, est menacée par les incursions d’agents gouvernementaux nationaux et régionaux ainsi que d’étrangers qui semblent tous indifférents sinon hostiles à l’idée que ces peuples ont des droits sur les terres. Le gouvernement national du Venezuela est même allé jusqu’à établir un parc national et une réserve de la biosphère sur le territoire des Ye’kuanas sans les consulter.
En 1993, Simeon Jimenez, un membre de la communauté ye’kuana, a réuni plusieurs communautés pour qu’elles envisagent la possibilité de délimiter elles-mêmes leurs terres. Après consultation d’un avocat et d’une ONG de Caracas, Otro Futuro, il a été confirmé que l’autodélimitation serait une des meilleures façons d’obtenir la reconnaissance juridique de leurs droits territoriaux. Otro Futoro, l’Assemblée des Premières Nations ( APN ) et le Projet local d’observation de la Terre ont donc aidé les Ye’kuanas à rédiger une proposition de projet.
Cette initiative, à laquelle la presque totalité des communautés ye’kuanas ont accepté de participer, consiste à créer des frontières territoriales constituées d’une série de cercles déboisés reliés les uns aux autres par des pistes et des signes peints le long de frontières naturelles comme les rivières. Chaque village sera relié aux frontières par des sentiers. Une carte sera établie à l’aide de l’imagerie satellite et les frontières seront inscrites sur cette carte avec précision au moyen d’unités du système mondial de localisation. Cette « carte technique » sera ensuite présentée par les Ye’kuanas au gouvernement et aux membres du Congrès à l’appui d’une demande de titres sur les terres.
Même avant d’être mis en œuvre, le projet a unifié les Ye’kuanas dans la poursuite d’un objectif commun, unité disparue depuis le boum du caoutchouc et l’arrivée des missionnaires dans la région. Cependant, c’est lorsque le projet sera terminé que les Ye’kuanas en profiteront vraiment et pourront invoquer la loi pour résister à l’invasion de leur territoire par des étrangers.
À plus long terme, les Ye’kuanas espèrent être mieux armés pour fixer des stratégies de subsistance autonomes respectueuses de l’environnement et reposant en partie sur des relations commerciales équitables avec les autres peuples. À cette fin, ils entendent établir une « carte économique et culturelle » qui comprendra des zones de pêche et de chasse, des aires de plantes médicinales et d’autres endroits ayant une importance économique et culturelle. L’utilisation traditionnelle des terres par les Ye’kuanas serait ainsi mise en plein jour, mettant ainsi à jour de nouvelles façons d’exploiter leur environnement naturel de façon durable. Ce projet confirmerait aussi la propriété sur les ressources biologiques, empêchant du même coup les bioprospecteurs d’en détourner l’utilisation. Ce cas est d’un très grand intérêt pour les peuples autochtones des Amériques. C’est pourquoi l’APN prévoit communiquer les résultats du projet à d’autres peuples dans le cadre d’un dossier sur l’autodélimitation9.
Le Réseau des peuples autochtones sur la biodiversité ( IPBN )10 a été créé par les peuples autochtones pour leur permettre d’avoir une influence sur l’élaboration des politiques et d’échanger de l’information sur la biodiversité. Il a établi le Groupe de travail autochtone sur les questions d’intégrité culturelle et intellectuelle formé de membres de l’IPBN provenant des Amériques, de l’Afrique et de l’Asie. Ce groupe a pour but d’échanger des idées, de trouver des solutions de rechange et d’établir une position distincte sur la question de l’intégrité culturelle. Ainsi, les peuples autochtones prennent en
9 Pour obtenir d’autres renseignements, joindre Nelly Arvelo-Jiménez ou Keith Conn, Assemblée des Premières Nations, ou encore Peter Poole ( voir la section Ressources, sous Canada ).
10 Alejandro Argumedo est le coordinateur par intérim au Bureau de coordination général de l’IPBN ( voir la section Ressources, sous Canada ). L’IPBN a des bureaux de coordination régionaux au Bangladesh, en Équateur, aux États-Unis, au Kenya, à Panama et au Pérou.
main la recherche d’une protection à long terme de leurs connaissances, de leurs ressources et de leurs droits à l’autodétermination.
Les objectifs de l’IPBN sont les suivants :
La création de la Society for Research and Initiatives for Sustainable Technologies and Institutions ( SRISTI, Société de recherches et d’initiatives pour les technologies et les institutions durables ) est une initiative prise par l’Inde pour assurer la diffusion de connaissances par les agriculteurs et à leur intention. Fondée par Anil Gupta, de l’Indian Institute of Management, la SRISTI est en contact avec 300 villages dans le sous-continent indien. Ses principaux objectifs sont de « renforcer la capacité des innovateurs et inventeurs de la base travaillant à conserver la biodiversité afin de protéger leurs droits de propriété intellectuelle ; de faire des expériences qui ajoutent de la valeur à leurs connaissances ; d’acquérir des aptitudes d’entrepreneur pour tirer des revenus de ces connaissances; d’enrichir leur base culturelle et institutionnelle dans leurs rapports avec la nature ».
La recherche, dans le monde entier, de technologies écologiques est une bonne occasion de renforcer l’autonomie des habitants pauvres des collines, des forêts et des zones souvent ravagées par la sécheresse et les inondations. La SRISTI entend soutenir les DPI des novateurs ruraux en exerçant des pressions pour faire reconnaître leurs droits sur les gènes, les produits phytosanitaires, la protection des plantes, les pharmacopées vétérinaires, l’outillage, les teintures végétales, les antioxydants, etc. Son but est d’établir entre les connaissances, les institutions, les technologies et les politiques des liens
propres à faire passer le contrôle de l’orientation future du développement entre les mains de ceux qui savent régler les problèmes de façon écologique ( les communautés elles-mêmes ). Les principales tâches de la SRISTI sont les suivantes :
La SRISTI veut mettre sur pied une base de données informatisée qui pourra être consultée par courrier électronique afin que les solutions novatrices soient portées à la connaissance d’un aussi grand nombre possible de personnes dans les pays en développement. Elle publie The Honey Bee Newsletter en anglais, en hindi, en gujarati, en malayalam, en tamoul, en oriya et en zonkha pour faire connaître les innovations aux agriculteurs. La première place est donnée à l’information fournie par les agriculteurs eux-mêmes. Pour empêcher les sociétés commerciales d’obtenir gratuitement les connaissances autochtones communiquées dans le bulletin, Anil Gupta11 propose quatre types de mécanismes d’indemnisation des innovateurs :
11 On peut obtenir d’autres renseignements sur la SRISTI d’Anil Gupta ( voir la section Ressources, sous Inde ).
Le GEDRT, qui est installé au Centre pour l’environnement, l’éthique et la société du Collège Mansfield, à l’Université d’Oxford, a lancé un groupe de discussion sur le GreenNet. Les usagers pourront ainsi librement s’échanger des points de vue et de l’information sur les droits de propriété intellectuelle, scientifique et culturelle des communautés autochtones et locales. Le GEDRT gérera le groupe de discussion et donnera de l’information sur demande, notamment des rapports sur des événements récents et à venir, des déclarations issues de rencontres et de conférences, de l’information bibliographique et des détails sur les organisations et groupes de travail autochtones travaillant sur des DRT.
Ce réseau permettant un échange dans les deux sens, il est à souhaiter que les usagers enrichiront eux aussi le dialogue en mettant le GEDRT12 au courant des nouvelles et événements pouvant intéresser d’autres personnes. Ce groupe de discussion se nomme « IPR, Indigenous Peoples and TRR » ( indig.ipr-trr ) et peut être repéré sous les catégories « Human rights » et « Environment, general ».
Dans certains pays et régions, des lois nationales et régionales de mise en œuvre de la CDB sont en voie d’élaboration. Pour être conformes à la convention et pour que les communautés locales en profitent, elles doivent comprendre au moins les dispositions suivantes :
12 Adresse postale : Le Groupe d’étude des droits sur les ressources traditionnelles, Oxford, Centre for the Environment, Ethics and Society, Mansfield College, Oxford University, Oxford OX1 3TF, Royaume-Uni ( tél. et téléc. : 1865 284665 ; CÉ : wgtrr.ocees@mansfield.ox.ac.uk ).
Un certain nombre de lois types ont déjà été rédigées.
La loi type du Pacte andin — dont le premier rédacteur a été le Centre du droit de l’environnement de l’UICN — porte sur la conservation et l’utilisation durable du matériel biologique servant de ressource génétique. En vertu de cette loi, les États membres sont autorisés à fixer des modalités d’accès à leurs ressources biologiques, lesquelles modalités peuvent comprendre les éléments suivants :
La loi type prévoit aussi le versement de fonds, sous forme de redevances fixées dans des accords relatifs à l’accès, qui seront administrés par le Pacte andin et les États membres et utilisés pour conserver les ressources génétiques.
13 Union économique régionale comprenant la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Venezuela.
Un grand nombre des dispositions susmentionnées sont extrêmement vagues. Il reste donc à voir si la version définitive de la loi donnera des garanties fermes et sans équivoques assurant le respect des droits des communautés locales.
La loi sur les bioprospecteurs est une loi nationale type qui a été proposée par le Third World Network ( Nijar, 1994 ) et qui est fondée sur la notion de consentement préalable donné en connaissance de cause. Elle fixerait les obligations des cueilleurs, qui se verraient délivrer une licence s’ils sont jugés aptes à remplir les conditions qui leur sont imposées. La licence serait délivrée pour une période déterminée, sous réserve de certaines conditions. Les pouvoirs conférés par cette loi seraient tels que toute nonobservation de ses conditions serait passible de sanctions pénales au point que les directeurs et l’employé des sociétés contrevenant à la loi pourraient être emprisonnés et se voir retirer leur licence.
Le fournisseur d’échantillon serait tenu de fournir ce qui suit :
Les conditions imposées à la collecte et les obligations entourant les activités suivant la collecte seraient énumérées pour que la collectivité ou l’État soit justement récompensé d’avoir partagé ses ressources. Les montants à verser comprennent :
Le pays ( ou l’un de ses représentants agréés ) du bioprospecteur serait tenu d’accepter d’indemniser le pays source pour toute perte que celui-ci subirait si le bioprospecteur violait l’accord, et de renoncer aux résultats de tout rapport d’étude ou de toute expérimentation effectuée sur les spécimens collectés. L’obligation imposée au cueilleur serait libellée de la façon suivante :
Comme il faudra qu’un contrat soit conclu entre le gouvernement et le bioprospecteur, un pays aura plus de latitude pour faire respecter les pénalités qu’entraînerait la violation du contrat. Les lois d’un pays ne s’appliquent pas en dehors de son territoire bien que de nombreux pays aient signé des accords d’exécution réciproques qui renferment des dispositions sur la violation des contrats. En outre, un contrat est un instrument plus souple, adaptable à telle ou telle circonstance, et plusieurs contrats peuvent coexister du moment qu’ils n’entrent pas en conflit les uns avec les autres.
Michael Gollin, un avocat américain, a proposé un nouveau concept nommé « droits du découvreur », en vertu duquel des droits exclusifs sur les ressources vivantes seraient accordés à toute personne ou communauté qui réaliserait une description taxonomique d’une espèce ou d’une variété n’appartenant pas encore au domaine public ( Gollin, 1993, p. 180–181 ). Théoriquement, un groupe qui dresserait un registre communautaire ( voir le chapitre 9 ) pourrait revendiquer ces droits relativement à certaines espèces et variétés décrites dans ce registre. Cette communauté pourrait ensuite partager les avantages d’une exploitation commerciale dans le cadre d’un accord de technologie international ( International Technology Agreement — ITA ), d’un accord de cession de matériel ( ACM ) ou d’un accord de licence conclu avec une société, en vertu duquel celle-ci serait autorisée à utiliser l’espèce ainsi que le savoir de la communauté à son sujet en échange de droits de licence, de redevances, d’un partage du brevet ou d’autres avantages. Il convient de souligner que la mise en œuvre de ces droits du découvreur serait controversée et que cette idée manque peut-être de réalisme. Quoi qu’il en soit, de nombreuses espèces inconnues des scientifiques occidentaux ( qui formeraient sans doute la majorité des demandeurs ) sont connues des peuples autochtones qui ont leurs propres règles taxonomiques pour décrire les espèces. En outre, même si une communauté faisait une demande pour faire reconnaître ses droits de découvreur à l’égard d’une plante, il est probable que des communautés voisines auraient la même connaissance de cette plante. Si cela se vérifiait, la communauté privatiserait en fait une ressource commune.
Sous réserve d’une élaboration plus poussée, le concept de droits du découvreur pourrait être intégré dans les lois nationales de mise en œuvre de la CDB. Cependant, puisque la même espèce ou variété pourrait faire l’objet de nombreuses revendications de la part de citoyens étrangers, il serait peut-être préférable de mettre sur pied un organisme international qui accepterait les dépôts, répondrait aux demandes et prendrait les décisions.
La Corée du Sud a adopté un système de protection de son patrimoine national en vue de préserver et de promouvoir les expressions culturelles, corporelles et incorporelles. Ce système est fondé sur une approche qui est aux antipodes de celle des lois sur les droits d’auteur et des dispositions types UNESCO-OMPI ( voir le chapitre 9 ) mais qui a pourtant assez bien réussi à maintenir la diversité régionale des expressions culturelles traditionnelles dans un pays homogène sur le plan ethnique. Le système protège aussi les lieux naturels, les paysages et les espèces uniques et importants ( Howard, 1989, 1993 ).
En 1962, le gouvernement sud-coréen a adopté la Loi sur la protection des biens culturels portant sur le recensement, la conservation et la promotion des biens culturels, corporels et incorporels, pour les générations présentes et futures, l’accent étant nettement mis sur la culture populaire locale ( le folklore ) plutôt que sur la seule « culture » ( high culture ). En cela, le système est unique. Un Comité des biens culturels mis sur pied au sein du ministère de la Culture est chargé d’exécuter ce travail non limité dans le temps.
Lorsqu’un bien culturel important a été choisi et approuvé par le ministère, il est numéroté et enregistré sous l’une des désignations suivantes :
Le système n’apaise pas toutes les tensions, par exemple, entre, d’une part, les universitaires membres du Comité qui ont, face à la conservation, un point de vue occidental à l’égard de la culture populaire comme relique du passé et, d’autre part, le gouvernement qui a eu tendance à trouver d’abord et avant tout des « images pour favoriser l’identité nationale ». Alors que ces universitaires s’intéressent à l’« authenticité » historique, le gouvernement a indiqué qu’il préférait permettre que l’on porte atteinte à l’authenticité d’exécutions si cela devait les rendre plus attrayantes pour les Coréens des villes. Une telle manipulation pourrait faire perdre à une exécution sa pertinence culturelle pour la population locale comme cela semble effectivement s’être produit dans le cas de certains rituels chamanistes. Par ailleurs, le choix des personnes et des genres artistiques a parfois été controversé. Ainsi, certaines personnes, dont plusieurs chamans, étaient d’avis que le rituel chamaniste connu sous le nom de ssikkim kut, exécuté pour aider l’âme d’une personne décédée à cheminer vers l’autre monde, était une relique primitive du passé qui ne méritait pas cet honneur.
Le rapide essor économique des dernières quelques années a beaucoup marqué la Corée. Malgré l’influence omniprésente de la culture occidentale, les Coréens conservent une identité culturelle profondément enracinée dans la longue histoire d’un peuple distinct. Ce système, parrainé par l’État, de maintien de l’héritage culturel a sensibilisé de nombreux Coréens dans certaines parties du pays, hormis le conflit entre partisans de la conservation et de l’exécution et les cas de corruption. Un nombre important de villageois ont eu le goût de revenir aux arts de la scène traditionnels et les festivals annuels de culture populaire sont à la mode, les exécutants rivalisant pour être reconnus par le gouvernement et recevoir des prix. Selon Van Zile ( 1993, p. 118 ) « que ces danses soient des activités historiques réelles ou des constructions récentes d’un passé teinté de romantisme, elles contribuent néanmoins au maintien d’une importante tradition vivante contemporaine ».
La réussite du système a eu des retentissements inattendus. Un exemple remarquable est le regain d’intérêt, au cours des années 1980, pour les arts de la scène traditionnels parmi les étudiants de niveau collégial dont un grand nombre avaient embrassé une forme politiquement plus radicale de nationalisme anti-occidental et antinippon que celle du gouvernement. De nombreuses manifestations étudiantes se sont déroulées au son de fanfares traditionnelles d’agriculteurs et ont donné lieu à des danses masquées et des rituels chamanistes « dont l’objet était de “purifier” le campus des sympathisants au gouvernement » ( Howard, 1989, p. 244 ).
Le système coréen ne pourrait être adopté par d’autres pays sans que les gouvernements ne prennent des engagements financiers à long terme pour le mettre sur pied et le faire fonctionner. Bien qu’il ne semble pas convenir à des pays plus divers sur le plan ethnique, ce système fait renaître le respect pour les traditions locales, même dans les populations urbaines occidentalisées. Il n’est donc pas tout à fait impensable qu’un système semblable puisse être efficace dans des pays qui s’emploient à créer une identité nationale reposant sur la tolérance et le respect des minorités ethniques et des peuples autochtones, et de leurs cultures.
Le projet de loi mentionné en titre a, à l’origine, été rédigé pour le Congrès du Brésil par une ONG, le Noyau pour les droits indigènes ( NDI ). En juin 1994, le projet de loi était approuvé par la Chambre des députés ( no 2057/1991 ) et a, depuis, été adopté par le Sénat ; il sera évalué par un comité spécial qui se prononcera sur sa constitutionnalité avant d’être finalement promulgué. Cette loi vise à protéger l’organisation sociale, les coutumes, les langues, les croyances, les traditions et les droits sur leurs territoires et possessions des peuples autochtones, et à en assurer le respect. Les articles 18 à 29 traitent de la propriété intellectuelle des peuples autochtones. Voici quelques-unes des dispositions énoncées en faveur des peuples autochtones :
Lorsqu’elle est enchâssée dans une loi, la liberté de religion peut être une notion utile parce qu’un très grand nombre des préoccupations des peuples autochtones peuvent être ramenées au désir de sauvegarder leurs droits religieux. L’American Indian Religious Freedom Act, adoptée en 1978, stipule ce qui suit :
Dorénavant, les États-Unis auront pour politique de protéger et de préserver pour les Amérindiens leur droit inhérent de croire, d’exprimer et de pratiquer les religions
traditionnelles de l’Indien, de l’Inuit, des Aléoutes d’Amérique et des Hawaïens autochtones, y compris, mais sans y être limité, l’accès aux sites, l’utilisation et la possession d’objets sacrés et la liberté de vénérer dans le cadre de rites et de cérémonies traditionnels.
Les peuples autochtones entretiennent d’intimes rapports avec le monde naturel puisqu’ils considèrent en être une partie. Au bout de milliers d’années, certains endroits sont peut-être devenus des sites d’une importance culturelle et spirituelle spéciale. Il peut s’agir d’endroits où des morts ont été enterrés, où d’importantes cérémonies ont lieu et où du matériel utilisé dans ces cérémonies est recueilli, ou encore de sites de plantes médicinales ou de demeures des divinités dans lesquelles personne ne peut pénétrer. Ce sont souvent des milieux qui ont été modifiés par l’homme, qui résultent de pratiques de gestion de l’environnement menées pendant des centaines d’années et qui sont maintenus grâce à un système de connaissances écologiques très perfectionné. L’existence et l’utilisation de sites et de grottes sacrés prouve, elle aussi, que la distinction entre ressources culturelles, scientifiques et intellectuels est sans fondement.
Mais comme ces endroits ne sont pas toujours habités en permanence, il peut être plus difficile de revendiquer une souveraineté à leur égard en vertu de la loi. Les peuples autochtones peuvent aussi ne pas vouloir empêcher d’autres personnes de les visiter, du moment que les lieux sont traités avec respect. Les groupes autochtones du Sud-Ouest des États-Unis font face à un autre problème : toute revendication de souveraineté sur des sites sacrés implique une divulgation des caractéristiques sacrées du site, compromettant automatiquement son caractère essentiel. C’est un dilemme très douloureux ( Pinel et Evans, 1994 ; Ruppert, 1994 ). Un projet de loi vise à modifier cette disposition de la loi ; s’il est adopté par le Congrès, l’information sensible sur le plan culturel n’aurait plus à être rendue publique.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
On trouvera dans ce dernier chapitre des directives générales concernant la protection des connaissances et des ressources des communautés autochtones et locales, et l’indemnisation de ces communautés.
Si vous travaillez avec une société ou une autre organisation de l’extérieur, établissez des relations sur un pied d’égalité. La communauté pourrait se contenter de fournir les matières premières, mais très souvent ce n’est pas la façon d’obtenir le plus d’avantages. La communauté peut aussi « ajouter de la valeur », par exemple en obtenant des extraits de la plante, et être indemnisée pour ce travail. Elle peut encore participer plus activement à la recherche et au développement du matériel ou à sa commercialisation. Autant que possible, les compétences locales devraient faire partie de ces relations. Assurez-vous que ce que vous recevez en échange des connaissances partagées correspond bien à votre contribution. Cependant, vous devez savoir non seulement que ce que vous partagez peut être commercialisé, mais aussi que la plupart des connaissances traditionnelles ne génèrent pas d’avantages commerciaux.
Il importe aussi de comprendre que les peuples non autochtones, incluant les scientifiques et les sociétés, ont très peu l’habitude de traiter avec les peuples autochtones, d’où les malentendus possibles. Par ailleurs, les institutions et sociétés ont souvent une organisation fragmentée, et leurs politiques et leur personnel changent avec le temps ; ce qui explique un manque possible de cohérence dans leurs relations avec vous ; ne pas oublier non plus que les négociations différeront d’une société commerciale à l’autre.
Avant d’établir des relations avec des courtiers ou des intermédiaires qui arrivent dans votre communauté dans le seul but de commercialiser vos connaissances et vos ressources, il faut soigneusement examiner tous les articles de ces contacts. Il peut être sensé de passer par ces agents qui ont accès à de l’information juridique sur les marchés, une information que les communautés ont souvent de la difficulté à obtenir. Cependant, il faut y regarder à deux fois et chercher à établir :
Déterminez avec précision comment vos connaissances et ressources seront utilisées et quels avantages votre communauté en tirera. Sachez aussi que certaines personnes croient que les peuples autochtones ne connaissent rien aux marchés et aux accords de DPI. Il faudra mettre par écrit ou sur bande la nature exacte de votre collaboration avec la société ou le courtier. Obtenez des avis et des réactions de groupes tels que ceux énumérés à la section Ressources ci-dessous. Il existe de nombreuses bonnes raisons de collaborer avec des établissements commerciaux et de recherche de l’extérieur, mais assurez-vous d’avoir toute l’information dont vous avez besoin et que la relation soit organisée de manière à desservir les intérêts de la communauté.
Avant tout contact avec les visiteurs, exercez votre droit au consentement préalable donné en connaissance de cause et à la pleine divulgation. À cette fin :
Il faut insister pour voir toutes les propositions et les budgets, et exiger que les accords soient écrits ou enregistrés sur bande audio ou vidéo.
Entendez-vous sur le groupe ou sur la personne indépendante qui seraient chargés de surveiller les accords ainsi que sur les critères de la communauté qui seront utilisés dans l’évaluation.
En faisant affaire avec des sociétés ou des entreprises :
Préservez votre autonomie :
Votre communauté peut décider qu’il vaut mieux ne pas collaborer avec des institutions et organisations de l’extérieur qui veulent étudier vos connaissances et ressources, et cherchera donc à empêcher de telles activités sur son territoire. Dans ce cas, inspirezvous de la Consultation sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances des peuples autochtones qui s’est déroulée à Suva, Fidji ( annexe 11 ), imposez un moratoire sur toute prospection de la biodiversité et incitez fortement tous les membres de la communauté à ne pas collaborer à des activités de ce genre. Si d’autres communautés sont également contre la prospection de la biodiversité, une déclaration commune pourrait être élaborée. Cette action est facile à réaliser, n’exige aucun avis juridique et peut aider à sensibiliser les membres des groupes autochtones et des communautés locales. Il peut être difficile de faire respecter cette décision mais elle constitue une affirmation de la volonté de disposer de soi et envoie un message très clair aux institutions de l’extérieur, à savoir qu’elles n’ont pas le droit de pénétrer dans les terres des peuples autochtones et d’y collecter des ressources biogénétiques et des connaissances traditionnelles sans le consentement préalable donné en connaissance de cause des populations locales.
Contrôlez les publications qui traitent des connaissances traditionnelles et des pratiques de gestion des ressources. Dans le cadre de leur travail, les chercheurs publient normalement les résultats de leurs études dans des revues spécialisées, des livres ou même des magazines à grand tirage, et donnent de l’information sur les cultures, les connaissances traditionnelles et les pratiques de gestion des ressources autochtones. Les auteurs désirent partager leurs écrits mais aussi accroître leur réputation dans la communauté universitaire. Il faut souvent que les chercheurs soient sensibilisés aux implications de cette pratique. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais réfléchi aux conséquences de la divulgation de connaissances autochtones dans le domaine public, hors de tout contrôle par les communautés. D’autres chercheurs n’assument intentionnellement pas leurs responsabilités en ce domaine.
Les associations professionnelles ont commencé à élaborer des codes d’éthique à l’intention des chercheurs mais il faut que les communautés soient prêtes à sensibiliser les chercheurs et à soumettre leurs travaux à certaines conditions. Les communautés peuvent préserver leur autonomie en participant à une recherche fondée sur la collaboration, en demandant à des chercheurs de l’extérieur d’effectuer les travaux de recherche requis ( recherche contrôlée par la communauté ) ou en établissant des directives devant régir l’établissement de contrats de recherche équitables à l’instar des Kuans et des Awas ( voir le chapitre 14 ).
Assurez-vous que les chercheurs fournissent une description détaillée de leurs sources de financement et des obligations qui les lient à celles-ci. Les organismes de financement, qu’ils soient privés, commerciaux ou publics, posent souvent certaines conditions aux projets de recherche qu’ils financent. Assurez-vous d’être entièrement informés de ces conditions avant de collaborer avec un chercheur. Aux États-Unis, par exemple, les résultats de recherches financées par des fonds publics doivent être publiés, ce qui ferait tomber les connaissances traditionnelles dans le domaine public. Dans plusieurs pays, les organismes de recherche gouvernementaux sont tenus de communiquer à l’industrie nationale les résultats de toute recherche ayant un potentiel commercial. Demandez à obtenir des copies des accords et contrats de recherche et étudiez attentivement les arrangements relatifs aux DPI, notamment en ce qui concerne les possibilités de commercialisation des résultats.
Établissez quelles sont les conditions implicites sous-jacentes à chaque programme de recherche proposé pour votre communauté.
Les sociétés commerciales désirent parfois se servir de photographies et d’images des personnes, maisons et objets d’artisanat culturel autochtones sur leurs marchandises ou dans la publicité. Certaines d’entre elles supposent même qu’en achetant des matières premières et les marchandises d’une communauté, elles sont autorisées à utiliser de telles images. Les communautés doivent faire connaître aux sociétés leurs opinions sur la reproduction de telles images ( les objections qu’elles ont à ce sujet et ce qui leur paraît être une exploitation et une invasion de leur vie privée ).
Vous devez savoir que la rédaction des lois nationales comporte des processus incluant parfois des consultations avec des représentants du public, des ONG et des organisations de défense des peuples autochtones. Insistez pour en faire partie. Une des façons de mettre à profit les lois nationales pour faire reconnaître ses droits est d’étudier les lois sur la liberté de religion afin d’établir dans quelle mesure elles peuvent servir à protéger les sites sacrés, les plantes ou les animaux.
Les communautés traditionnelles vivent souvent des expériences semblables mais n’ont guère accès aux fruits de leur travail respectif. En s’organisant au niveau international, les communautés autochtones peuvent se soutenir l’une l’autre plus efficacement. Ainsi,
il serait avantageux d’élargir les alliances conclues entre groupes autochtones, autres groupes traditionnels et communautés de la manière suivante :
Si vous mettez sur pied un organisme chargé de vous représenter, tenez compte des éléments suivants :
Il importe d’examiner soigneusement comment se fait le choix des représentants à l’étranger afin d’éviter que des personnes ou des groupes sans scrupules ne cherchent à utiliser votre image à leurs propres fins. Utilisez des réseaux d’information pour partager vos expériences et empêcher ainsi toute exploitation.
La CDB ouvre des voies que les peuples autochtones pourraient emprunter ( voir les chapitres 10 et 14 ). Cependant, l’acceptation de cette Convention implique la nationalisation des ressources et une perte de contrôle sur les DRT. Les peuples autochtones peuvent prendre des dispositions pour faire en sorte d’être consultés et fixer les conditions de ces consultations dans :
Envisagez la possibilité de travailler avec d’autres communautés et groupes autochtones pour mettre au point des stratégies novatrices communautaires, des solutions uniques, ainsi que des régimes de DRT sui generis correspondant à la vie culturelle de vos communautés. Les déclarations des peuples autochtones et des communautés locales publiées en annexe renferment une foule d’idées utiles.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
L’Organisation du génome humain s’est donné pour tâche de superviser le Projet sur la diversité du génome humain ( PDGH ) dans le cadre beaucoup plus large du Projet sur le génome humain. Le PDGH porte sur la collecte, la préservation et l’analyse de matériel génétique humain provenant de groupes ethniques du monde entier, ainsi que sur l’accumulation et le stockage, dans des bases de données, de l’information génétique tirée de ce matériel. Bien que les planificateurs du projet n’aiment pas que cela soit souligné en ce moment, un grand nombre des populations à étudier sont de très petits groupes autochtones choisis en partie à cause de la précarité de leur situation. On pensait jusqu’à récemment que la modernisation sonnerait inévitablement le glas des peuples autochtones et de leurs cultures. Mais ces peuples ont déjoué ce scénario, refusant de s’assimiler. Ainsi, pour de nombreux observateurs, il est quelque peu contradictoire de demander à des groupes menacés de donner des échantillons avant qu’ils ne disparaissent, idée qui semble relever d’attitudes dépassées et d’un pessimisme qui s’autoréaliserait. Mais il y a d’autres raisons pour lesquelles le Projet sur la diversité du génome humain est très controversé, comme en font foi les explications qui suivent.
L’idée d’un Projet sur la diversité du génome humain vient de Luigi Luca Cavalli-Sforza, un généticien démographe de l’Université Stanford, et d’autres scientifiques aux États-Unis ( Cavalli-Sforza et al., 1991 ). Walter Bodmer, le président à l’époque de l’Organisation du génome humain ( HUGO ) ( voir l’encadré A1.1 ), s’est joint à la planification du projet qui lui paraissait être « une obligation culturelle découlant du Projet sur le génome humain » ( Lewin, 1993, p. 27 ). Selon les estimations, le projet coûterait de 23 à 35 millions de dollars sur cinq ans ( RAFI, 1993, p. 1–2 ). Une fois que les fonds nécessaires auront été trouvés, il serait possible de prélever des échantillons de sang, de peau et de cheveux de centaines de groupes ethniques dans le monde et, grâce aux nouvelles techniques, de préserver l’information génétique indéfiniment soit en développant des lignées cellulaires, soit en isolant et en stockant des segments d’ADN par la technologie de la réaction de la polymérase en chaîne ( PCR ). Au moyen de ces techniques, les scientifiques pourront étudier les échantillons loin dans l’avenir, peut-être après que nombre des groupes ethniques qui les ont fournis se seront fondus à d’autres populations, perdant ainsi le caractère distinct qui les rendaient intéressants pour la science. En effet, la précarité de nombreuses populations est, selon les planificateurs, l’une des raisons qui confère une certaine urgence à la mise en œuvre du projet ( Cavalli-Sforza et al., 1991, p. 490 ) :
Les populations qui en ont le plus à nous dire au sujet de notre passé évolutif sont celles qui vivent dans l’isolement depuis assez longtemps, qui ont le plus de chances d’être distinctes du point de vue linguistique et culturel et qui sont souvent entourées de barrières géographiques naturelles. Les populations humaines isolées ont un bagage génétique beaucoup plus riche que celui des populations urbaines plus récentes. Or, les populations isolées sont en voie rapide d’assimilation par leurs voisines, ce qui entraîne la destruction à tout jamais de l’information indispensable à la reconstitution de notre évolution. La croissance de la population, la famine, la guerre et le progrès des transports et des communications envahissent des populations autrefois stables. Il serait tragiquement ironique que, au cours de la décennie où les outils biologiques de compréhension de notre espèce ont été créés, on ne profite pas de l’une des plus belles occasions des les appliquer.
Le projet vise à faire avancer les recherches dans les domaines de l’origine humaine, des comportements migratoires et de reproduction, de l’adaptation et des maladies, et de l’anthropologie médico-légale ( Lewin, 1993 ).
Une des questions qui préoccupent le plus les anthropologues et les archéologues est celle des origines de l’espèce humaine. Bien que la plupart des scientifiques soient convaincus que les êtres humains sont uniquement apparus en Afrique avant de se répandre sur le globe, certains d’entre eux n’écartent pas la possibilité d’une apparition simultanée en plusieurs endroits, c’est-à-dire pas seulement en Afrique. Le projet, espère-t-on, permettra de trancher définitivement cette question.
Encadré A1.1
L’Organisation du génome humain
Le Projet sur le génome humain est une entreprise menée à l’échelle mondiale consistant à trouver l’origine de chacun des quelque 100 000 gènes que comprennent les chromosomes humains. Il est formé de tous les programmes nationaux de cartographie du génome humain dont la plupart sont financés par des fonds publics. De nombreux scientifiques participant au projet ont reconnu : qu’ils devraient coordonner leurs efforts ; que le projet devait garder sa portée mondiale afin que les données ne soient pas monopolisées par un pays ou une institution ; que les nouvelles données devraient être librement accessibles dans des bases de données. Pour favoriser l’atteinte de ces buts, les scientifiques ont établi l’Organisation du génome humain ( HUGO ) en 1988 dont le financement proviendrait de fondations de bienfaisance consacrées à la recherche et dont les bureaux administratifs se trouverait en Europe, en Amérique et dans le Pacifique. Sir Walter Bodmer en est devenu le président pour un mandat de trois ans. L’organisation n’effectue pas elle-même de recherche mais organise des ateliers et des conférences qui réunissent des scientifiques du monde entier chargés de mener les travaux.
Les planificateurs espèrent retracer les déplacements des populations humaines et mesurer leurs rapports généalogiques. Plus précisément, le projet devrait mettre en plein jour les anciens comportements migratoires qui sont à l’origine, par exemple, du peuplement des Amériques et de l’Australie à partir de l’Asie, et donner d’importants indices sur l’évolution, la dispersion et la répartition actuelle des langues. À un niveau local, on estime que la comparaison des gènes de populations vivant à proximité de peuples autochtones donnerait des indications sur les croisements de ces groupes et aiderait peut-être même les scientifiques à évaluer à quel moment dans le passé, lointain ou proche, chacune de ces populations est arrivée sur le territoire qu’elle occupe actuellement et d’où elle venait. Les planificateurs croient que cette « carte géographique » des gènes humains fournira d’abondantes données aux linguistes, aux anthropologues, aux archéologues et aux historiens, et non pas seulement aux généticiens-démographes, et y voient donc une des principales raisons de soutenir le projet ( HUGO, 1994, p. 7 ). Cependant, la génétique ne peut être riche d’enseignements pour l’histoire humaine que s’il existe, comme en est convaincu Cavalli-Sforza, une étroite corrélation entre langues et modes de dispersion et de distribution démographiques, au point que les arbres généalogiques des populations et des langues manifestent un chevauchement évident ( Cavalli-Sforza et al., 1994 ).
Toute cette approche a été contestée par des scientifiques qui s’opposent au projet. Leur principale critique tient au fait que les unités d’étude et d’analyse sont des populations humaines. Or, l’on suppose que ces populations sont, au moins dans une certaine mesure, des entités distinctes du point de vue génétique, linguistique et culturel, et qu’elles le sont depuis les temps préhistoriques. C’est ce qui permettrait aux linguistes et historiens de faire supposément des déductions révélatrices à partir des données génétiques. Cette hypothèse, soutiennent ces opposants, est loin d’être certaine compte tenu
des milliers et milliers d’années de brassage des populations ( Lewin, 1993, p. 25 ; Lock, 1994, p. 604 ; Marks, 1995 ). Plus encore, bien que les responsables d’HUGO prétendent que leurs conclusions pourraient saper les fondements même du racisme, des critiques font remarquer que la division de l’humanité en unités génétiquement distinctes ne peut que faire revivre de manière implicite la notion déjà réfutée des groupes raciaux. Une des autres critiques soulevées contre cette approche fondée sur la population est que les lignes de démarcation de telle ou telle population peuvent varier énormément selon que l’on parle à un généticien, un anthropologue, un linguiste ou un membre de la population en question ( Lock, 1994 ).
Selon les scientifiques du PDGH, il importe de connaître toutes les variations génétiques normales au profit des études à venir de maladies à base génétique. On sait à l’heure actuelle que 4 000 maladies sont causées par les défauts d’un seul gène. Cependant, un grand nombre d’autres désordres sont plus ou moins liés aux gènes. La comparaison des différentes caractéristiques de populations sur les plans de la physiologie et de la vulnérabilité à certaines maladies comme le diabète, l’anémie falciforme et l’hypertension, dont l’incidence semble résulter d’interactions génétiques et environnementales, serait d’un grand intérêt pour les chercheurs médicaux. Ceux-ci aimeraient surtout savoir si ces différences sont dues à une adaptation des populations, établies depuis longtemps, à des conditions locales ou si elles proviennent de changements génétiques aléatoires. En outre, l’étude des greffes d’organes qui implique une correspondance parfaite entre la structure génétique des anticorps et des antigènes du donneur et du receveur pourrait bénéficier de l’étude des différences génétiques relevées dans des populations très diverses.
L’analyse des « empreintes digitales de l’ADN » est une technique qui permet d’identifier un individu et de déterminer des relations sanguines à partir d’échantillons d’ADN. Cette technique est utilisée dans les enquêtes criminelles et peut servir de preuve devant certains tribunaux. Les défenseurs du PDGH croient qu’elle permettra de découvrir tout un éventail de marqueurs d’ADN dans diverses populations, rendant encore plus précise l’analyse des empreintes digitales de l’ADN.
Les planificateurs du projet ont organisé une série d’ateliers pour décider comment le projet serait mis en œuvre et élaborer les propositions de financement. Lors du premier atelier, qui a eu lieu à l’Université Stanford en juillet 1992, il a été convenu que les échantillons renverraient à des populations plutôt qu’à des individus. On a jugé qu’il serait suffisant d’obtenir des échantillons de 25 individus de chaque population.
Au deuxième atelier tenu à l’Université d’État de Pennsylvanie en octobre 1992, les discussions ont porté sur le choix des groupes et les critères de sélection. Les anthropologues ont dressé une liste de populations qu’il serait intéressant d’échantillonner ( H. Greely, président du Sous-comité de l’éthique au sein du Comité régional nordaméricain du projet, 1994, communication personnelle ). HUGO nie aujourd’hui que les peuples autochtones soient le principal objet de l’étude et que la précarité soit l’un des
critères essentiels de sélection ( E. Evans, secrétaire de HUGO Europe, 1994, communication personnelle ). Cependant, on trouve sur la liste plusieurs petits groupes isolés géographiquement qui ont très certainement été retenus parce qu’il s’agit de populations distinctes sur le plan génétique ( ou d’« unités intégrales » selon la terminologie du PDGH ) qui seraient menacées. Certains de ces groupes sont réellement très petits, ne comptant pas 100 personnes. Par exemple, les Yukaghirs de Sibérie, les Onges et Andamanais ( qui ne comptent plus qu’un seul couple fertile ) des îles Andaman, les Dorasques du Panama, les Akuriyos de l’Amazonie et les Onas, les Yahgans et les Alacalufs du Sud du Chili et de l’Argentine. Lors du deuxième atelier, ces groupes ont été présentés comme des « cas isolés d’intérêt historique [ . . . ] parce qu’ils représentent des groupes dont il faut obtenir des échantillons avant qu’ils ne disparaissent comme unités intégrales afin que l’on puisse garder une trace de leur rôle dans l’histoire » ( RAFI, 1993, p. 2 ).
Le troisième atelier, qui s’est déroulé aux National Institutes of Health ( NIH ) en février 1993, a été consacré à des questions d’éthique et de droits de l’homme. Le consentement donné en connaissance de cause, le droit à la vie privée et à la confidentialité, les DPI, l’accès aux données et leur utilisation, le droit international et la moralité entourant l’« immortalisation » de gènes de populations dont la disparition serait imminente, sont autant de sujets éthiques à avoir été discutés.
Au quatrième atelier, qui a eu lieu en Sardaigne en septembre 1993, les divers sujets de discussion abordés au cours des ateliers précédents, y compris les questions éthiques, ont continué d’être examinés ainsi que les mérites respectifs des lignées cellulaires et de l’extraction d’ADN à l’aide de la technologie PCR. Les lignées cellulaires peuvent être utilisées pour stocker et copier par réplication toute la structure génétique du donneur. Avec cette technologie, qui est cependant beaucoup moins coûteuse, les scientifiques peuvent stocker et seulement copier des segments d’ADN. C’est pour cette raison probablement que seulement 10 pour 100 des échantillons seront élaborés sous forme de lignée cellulaire ( E. Evans, 1994, communication personnelle ). Il a été convenu que le projet devrait être mené sous les auspices d’HUGO, qui organiserait les discussions sur les dimensions éthiques et sociales du projet et mettrait sur pied des comités d’éthique régionaux. Une autre liste de populations a été dressée14, mais le document émanant d’HUGO sur l’atelier de Sardaigne ne parle ni de cette liste-là ni des autres. Ce document révèle par contre qu’alors que 25 échantillons par groupe de peuplement « pourraient suffire [ . . . ], une norme de 150 échantillons est généralement recommandée » ( HUGO, 1994, p. 16 ) et qu’un grand nombre d’échantillons déjà prélevés par les scientifiques participant au projet peuvent être introduits dans la base de don-
14 « Pour le moment, les listes de Penn State et de Sardaigne sont clairement perçues comme peu utiles. Tout au plus peuvent-elles servir à indiquer certaines des choses pour lesquelles les groupes sont intéressants [ . . . ] notamment les caractéristiques d’un intérêt linguistique, culturel ou historique inhabituel ; la proximité ( géographique, linguistique ou culturelle ) d’un groupe aussi intéressant et l’ “étendue” linguistique, géographique ou culturelle. La rapidité actuelle apparente de l’assimilation ou, très rarement, le décès physique réel, demeure un facteur, mais parmi plusieurs autres. L’isolement géographique n’est jamais un facteur positif et peut au contraire être négatif » ( Greely, 1994, communication personnelle ).
nées. De plus, on trouve la déclaration suivante dans ce document ( HUGO, 1994, p.15 ):
Des chercheurs ont, à une date antérieure, prélevé des échantillons d’un grand nombre de populations différentes. C’est ainsi que des échantillons de lignées cellulaires et d’ADN se retrouvent dans de nombreux laboratoires dans le monde. Il y aurait lieu de regrouper les échantillons les plus pertinents dans les archives centrales du PDGH pour que les chercheurs y aient accès.
Cette déclaration donne l’impression que le projet n’a pas encore été lancé et que seuls les échantillons existants peuvent être utilisés. Pourtant, dans un ouvrage récent ( Bodmer et McKie, 1994 ), Bodmer semble contredire HUGO :
Un des nombreux centres du projet est le laboratoire du professeur Kidd [ membre du Bureau du PDGH ] à l’Université Yale. On y trouve d’immenses congélateurs d’azote liquide remplis d’échantillons de sang prélevés de races et de tribus du monde entier. Au début de 1992, Kidd et ses collègues avaient une collection de plus de 800 spécimens que des anthropologues avaient obtenus de pigmés Baikas d’Afrique centrale, de Cambodgiens, de Basques, de Néo-Guinéens, de Samoans, de Juifs yéménites, de Juifs éthiopiens, de Malaisiens, de Sardes et d’une foule d’autres populations ethniques. De nombreux autres laboratoires ont formé des archives génétiques aussi importantes.
Il est clair que le prélèvement d’échantillons s’effectue systématiquement et il est à peine concevable qu’HUGO ne fera pas ajouter les données déjà recueillies à la base de données. En fait, cette possibilité est mentionnée dans le rapport de HUGO de 1994 ( p. 15–16 ).
Les questions d’éthique, de loi et de droits de l’homme sont autant de domaines légitimes de préoccupation abordés par les planificateurs du projet, surtout aux ateliers des NIH et en Sardaigne. Dans quelle mesure auront-ils trouvé des réponses satisfaisantes? Jusqu’à ce jour, aucun représentant des populations à qui l’on a demandé de donner des échantillons n’a été invité à assister à l’un des ateliers. Cela ne signifie pas pour autant que les personnes participant à ces ateliers ne soient pas conscientes de la nécessité d’amener des représentants des peuples autochtones à participer plus directement. Greely, qui a présidé l’atelier des NIH, a recommandé que le projet ait un comité d’éthique comprenant des membres des groupes ethniques échantillonnés et un représentant d’un groupe de plaidoyer des peuples autochtones. Il a même eu des discussions avec des organisations de peuples autochtones15. Depuis, le Comité régional nord-américain du PDGH a mis sur pied un sous-comité d’éthique présidé par Greely. Reste à voir si les peuples autochtones seront invités à s’y joindre.
15 Greely a assisté à l’assemblée générale du Conseil mondial des peuples indigènes à Quezaltenango, au Guatemala, en décembre 1993.
Selon les règles du gouvernement américain régissant la recherche menée par les organismes gouvernementaux, la loi exige d’obtenir « le consentement juridiquement valable donné en connaissance de cause du sujet lui-même ou du représentant légalement autorisé du sujet » si le sujet est le donneur d’un échantillon sanguin ( Code of Federal Regulations, titre 45, Protection des sujets humains ). Plus précisément, les chercheurs doivent donner aux sujets tous les renseignements sur les aspects suivants :
Les institutions américaines telles que les NIH et la National Science Foundation qui acceptent de financer le projet seront donc présumément tenues de se conformer à ces exigences juridiques lorsque la recherche comportera le prélèvement de matériel humain. On peut comprendre, de l’interprétation de ces règles, que les sujets devraient être informés de l’exploitation commerciale possible de leurs échantillons à un moment dans l’avenir. En outre, comme un échantillon peut donner lieu à de multiples activités de recherche dans un avenir lointain, les donateurs doivent avoir le choix de demander l’annulation d’une ou de toutes les recherches à n’importe quel moment dans l’avenir et de demander que leur ADN leur soit rendu. Les chercheurs liés au projet ou leurs adjoints devraient aussi être disposés à expliquer les droits juridiques des sujets visés par la recherche ainsi que leurs propres obligations juridiques lorsqu’ils font une demande d’échantillon.
De nombreux scientifiques doivent être sensibilisés à leurs responsabilités mais doivent aussi rendre des comptes aux organismes qui financent leur travail, surtout lorsque ces derniers suivent leurs propres lignes directrices ou sont tenus d’observer des règles juridiquement contraignantes ( voir l’encadré A1.2 ).
Kenneth Weiss, un des membres du Comité sur la diversité du génome humain des NIH, a indiqué lors de l’atelier qu’il serait très difficile d’expliquer à des populations autochtones vivant dans des régions isolées les buts du PDGH et que cela devrait être fait par des gens connaissant bien les populations concernées ( HUGO, 1993 ). Il ne serait pas aisé d’expliquer clairement la notion de consentement en connaissance de cause et cette idée risque de provoquer des sentiments de colère, de confusion et de détresse. Le fait, par exemple, de dire à un groupe autochtone que des échantillons de sang sont nécessaires pour établir leurs origines ou leur expliquer que les lignées cellulaires survivront à leurs donateurs pourrait créer des problèmes. Selon le projet de rapport du deuxième atelier, « l’établissement de lignées cellulaires permanentes doit être expliqué en des termes à la fois compréhensibles et non trompeurs pour les membres d’une
Encadré A1.2
Hoffmann-La Roche, les NIH et les Aetas
Selon des rapports récents, la société Hoffmann-La Roche mènerait, en collaboration avec les NIH, des recherches prétendument à but non lucratif financées par ces derniers. Dans le cadre de ces recherches, le service de la génétique humaine a souhaité obtenir des échantillons de cellules des cavités orales de membres de la population aeta, aux Philippines. Les Aetas sont un groupe autochtone isolé qui vit de la chasse et de la cueillette et qui est peut-être le premier à avoir peuplé les Philippines il y a 30 000 ans. Aujourd’hui, ils sont victimes de discrimination, livrés à la pauvreté et à la maladie. Les Aetas sont donc probablement une de ces populations de laquelle les scientifiques du PDGH aimeraient prélever des échantillons.
La société commerciale s’intéresse aux Aetas parce qu’ils semblent résister au paludisme. À deux reprises elle a essayé d’obtenir des échantillons en prétextant des missions d’aide médicale. Ces deux essais ont échoué : le premier parce que la mission ne s’est finalement pas rendue jusque dans la région ; le second parce qu’un membre de l’équipe de recherche de la société a offert à M. Camara, du Centre médical de Makati, pour qu’il les aide, de l’argent et la possibilité de contribuer à d’importantes percées médicales dans l’avenir. Celui-ci refusa, estimant que seule une institution gouvernementale devrait se charger d’un tel projet afin d’assurer un partage équitable des avantages.
Puisque les NIH sont une institution gouvernementale, il semble que la « réussite » de ce projet aurait été entachée d’illégalité, les règles gouvernementales relatives au consentement en connaissance de cause n’ayant pas été respectées.
Source : Keller ( 1994 )
population donnée. Le terme ‘immortalisation’ des lignées cellulaires peut, par exemple, être mal compris » ( RAFI, 1993, p. 2 ). Il n’est pas difficile de se représenter que les membres d’un petit groupe à qui l’ont dit que des échantillons sont requis parce le groupe est menacé de disparition pourraient être profondément choqués et il est peu vraisemblable qu’ils seraient confortés à l’idée de contribuer de façon importante au progrès des connaissances scientifiques sur le corps humain. Ils pourraient fort bien exercer leur droit de ne pas soutenir le projet.
Selon Greely ( 1994, communication personnelle ) :
Ce qui apparaissait clairement, je crois, à certains des participants, déjà à la réunion de Penn State, l’était cette fois [ à l’atelier de Sardaigne ] pour tous — les populations où les échantillons étaient prélevés seraient celles qui choisiraient de participer. Personne ne pouvait choisir une population à l’avance. Celles où des échantillons seront prélevés seront celles qui auront décidé qu’il était dans leur intérêt de participer, celles qui ont éveillé l’intérêt des scientifiques ayant travaillé avec elles pour prélever les échantillons, et peut-être celles qui présentent un plus grand intérêt scientifique qu’une autre population.
Le consentement peut être donné oralement ou par écrit. Weiss estime que le consentement oral est plus pratique parce que nombre de populations autochtones se méfient de tout ce qui entoure la signature de documents juridiques, à la suite souvent
de mauvaises expériences ( HUGO, 1993, p. 6 ). Cavalli-Sforza, qui a déjà prélevé des échantillons de sang de nombreuses populations dans le monde, était d’avis qu’il serait difficile d’obtenir un consentement en connaissance de cause conforme à une norme acceptable aux États-Unis, mais a conclu que cela ne devrait pas bloquer le projet ( HUGO, 1993, p. 10 ).
Une des questions qui n’a pas été abordée à l’atelier de planification est l’obtention du consentement en connaissance de cause des donateurs d’échantillons qui ont déjà été prélevés. Il est à souhaiter qu’HUGO entreprendra d’informer les donateurs d’hier sur les objets et sur la portée du projet, et qu’il leur demandera la permission d’inclure dans la base de données l’information obtenue à partir de leurs échantillons.
HUGO a stipulé que tous les échantillons doivent être traités de façon anonyme au niveau des individus ( E. Evans, 1994, communication personnelle ). La possibilité de déposer des échantillons d’ADN auprès de gouvernements nationaux ou régionaux a été discutée. Cela peut être satisfaisant pour les gouvernements mais n’apaisera guère les groupes autochtones qui pourraient s’inquiéter de voir des tiers posséder des fragments de leurs organismes ou des connaissances spéciales à leur sujet. Même s’il est fort peu probable que des scientifiques peu scrupuleux trouveront des façons d’exploiter les vulnérabilités génétiques d’une population mises au jour par leur recherche, les peuples autochtones croient souvent que les personnes qui ont le pouvoir de guérir ont aussi celui d’empoisonner16. Le fait de révéler à un groupe que telle ou telle maladie a une incidence prédominante dans une population peut être bénéfique ou nocif. Cela peut donner lieu à un traitement médical qui n’aurait autrement pas été offert mais, dans le cas d’une maladie infectieuse très connue comme le VIH, l’information pourrait constituer une violation du droit de ce groupe à la protection de la vie privée. ( Si, après examen d’un échantillon anonyme, on découvre que le donateur est porteur d’une maladie grave, la pratique médicale courante veut que l’on ne fasse aucun effort pour localiser ou informer le donateur si rien ne peut être fait pour améliorer sa qualité de vie [ E. Evans, 1994, communication personnelle ]. )
Le PDGH n’est pas, en tant que tel, une entreprise à but commercial ; ses commanditaires pourraient décider d’adopter une politique consistant à ne faire aucune demande de brevet. Cependant, le potentiel commercial de l’ADN et de l’information génétique qui sera recueillie pourrait être énorme ( voir l’encadré A1.3 ). Au moins l’un des
16 Cela ne paraît pas si déraisonnable lorsqu’on se souvient que les peuples autochtones ont déjà fait les frais de la guerre biologique. Il semble, par exemple, que le gouvernement indonésien ait délibérément introduit en Papouasie occidentale des porcs originaires de Bali porteurs du ver solitaire. Aujourd’hui, 25 pour 100 de la population des Ekaris souffre de cysticercose, maladie dangereuse causée par la consommation de viande de porc infectée au ver solitaire ( Anti-Slavery Society, 1990, p. 44–45 ).
Encadré A1.3
Les DPI et le matériel génétique humain
Aux États-Unis, des végétaux, des animaux, des collections de cellules et même du matériel génétique humain réputé avoir été profondément modifié par la créativité humaine ont été brevetés. Tous les éléments suivants ont été brevetés aux États-Unis ( et certains aussi dans d’autres pays ) :
- Organismes transgéniques : Les végétaux, les bactéries et les animaux contenant un gène étranger inséré par des scientifiques peuvent être brevetés. Le premier et seul animal transgénique breveté à ce jour est l’oncosouris, breveté aux États-Unis et au Royaume-Uni. Cette souris renfermait un gène humain accroissant sa sensibilité au cancer. Le brevet englobait tous les animaux dans lesquels ce gène pouvait être inséré, pas seulement les souris.
- Lignées cellulaires : Voir le chapitre 2.
- Hybridomes : Il s’agit de cellules créées en laboratoire par la fusion d’une cellule tumorale du plasma sanguin et d’un type de leucocytes.
- Protéines : Une protéine isolée et purifiée peut être réputée « nouvelle » et brevetable ainsi que le gène ADNc responsable de sa production. Le brevet pourrait également englober l’organisme dans lequel le gène est inséré ( Kevles et Hood, 1992, p. 313 ).
- Gènes clonés : À l’aide de la technologie de l’ADN recombinant ( génie génétique ), il est possible d’extraire d’un organisme des gènes et des fragments d’ADN et de les insérer dans une cellule. Si cette cellule est une bactérie, à mesure qu’elle se divise elle produira des quantités sans cesse croissantes de protéines codées par le gène. Cette technique, par exemple, est utilisée pour produire de l’insuline destinée aux diabétiques. Seuls les fragments d’ADNc feraient probablement l’objet de brevets relatifs aux produits et à l’utilisation s’il était question d’application industrielle.
Il faut être au courant de tout ce qui est brevetable aux États-Unis parce que de nombreux autres pays élargiront l’étendue de la brevetabilité en conséquence et accepteront des interprétations semblables des caractères de nouveauté, d’utilité et de non-évidence. De plus, l’emplacement géographique de la source du matériel génétique n’influe en rien sur la décision d’accepter ou de rejeter une demande de brevet aux États-Unis. Dans la plupart des autres pays, il n’est pas encore possible de breveter la vie, bien que de nombreux autres pays l’autoriseront probablement d’ici quelques années.
organismes de santé publique du gouvernement américain, qui pourrait financer le projet, soit les NIH, a fait des demandes de brevets pour le matériel génétique humain ( voir le chapitre 2 ). Il ne fait aucun doute que certaines sociétés sont très intéressées à examiner les échantillons prélevés et la base de données établie dans le cadre du projet.
Le PDGH souscrit au principe de l’accès ouvert à l’ADN, aux lignées cellulaires et à la base de données. Même s’il ne serait pas possible pour une société de simplement breveter l’information provenant d’une base de données, elle pourrait trouver des données intéressantes et pourrait alors soit examiner la lignée cellulaire, soit obtenir ses
propres échantillons directement de la communauté donatrice. Les communautés autochtones doivent savoir que cette possibilité existe.
Les chances qu’un échantillon unique fasse l’objet d’une demande de brevet sont minces, mais si les personnes intéressées sont tenues dans l’ignorance à ce sujet et qu’une demande de brevet est subséquemment déposée sans que le donneur en soit notifié ( en supposant qu’il peut être identifié ), des accusations d’exploitation seraient entièrement justifiées. Que les membres d’un groupe aient ou non la possibilité de refuser de permettre que leurs cellules fassent l’objet soit d’une recherche à des fins commerciales, soit de demandes de brevets, et s’ils estiment que ces recherches sont un sacrilège, celles-ci constitueraient un cas d’empiétement sur les droits de la personne. Dans certains pays, cela pourrait aussi être illégal. En France, par exemple, les donneurs d’ADN pour une banque de gènes doivent être informés qu’une société peut les utiliser à des fins commerciales ( Patel, 1994, p. 9 ).
À l’atelier des NIH, la possibilité de conclure des ACM a été analysée. Ces accords n’auraient pas pour objet d’empêcher l’accès aux lignées cellulaires, mais viseraient à favoriser l’accès à certaines conditions, notamment en promettant la confidentialité, ou en garantissant qu’aucune demande de brevet ne serait présentée, ou encore en versant des redevances si le matériel génétique était commercialisé. Il est tout à fait possible qu’un accord de ce genre soit conclu entre des communautés et des chercheurs. Cependant, il serait avantageux que les communautés fassent appel à des conseillers juridiques pour négocier un accord favorable.
Nous avons déjà indiqué que des données provenant des échantillons seront accessibles dans des bases prévues à cette fin. On craint, à juste titre, que certaines informations serviront soit à dénier les droits de la personne dans une population, soit à justifier les violations actuelles de ces droits. Le prélèvement d’échantillons confirmerait probablement que la plupart des conflits dans le monde opposent des groupes voisins, génétiquement semblables. Néanmoins, il est possible de contester le scepticisme d’au moins une personne participant au projet ( Walter Bodmer, 1994, communication personnelle ) selon qui les résultats ne seraient d’aucune utilité pour les politiciens.
Si, par exemple, le prélèvement d’échantillons était effectué dans l’ancienne Yougoslavie et que l’on en venait à la conclusion que les musulmans de Bosnie sont génétiquement plus près des Turcs que les autres Slaves du Sud, il est fort probable que cette révélation serait exploitée de manière à justifier une nouvelle oppression de ces populations. Même si le prélèvement d’échantillons effectué à Chypre a indiqué que les membres de cette population sont génétiquement plus près les uns des autres que des Grecs ou des Turcs, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’une telle découverte débouchera sur la paix et l’harmonie. En l’absence de fondement génétique justifiant la discrimination et l’oppression, les politiciens nationalistes peuvent toujours exploiter les différences culturelles et religieuses qui de toute façon servent déjà de fondement au racisme.
La politique étant ce qu’elle est, il est inquiétant de penser que des preuves génétiques pourraient être utilisées en faveur de la discrimination. Par exemple, si l’on détenait la preuve qu’un groupe autochtone est arrivé dans la région qu’elle occupe plus récemment que les autres habitants, cela pourrait servir de prétexte pour refuser de reconnaître aux membres de ce groupe leurs droits territoriaux. Il pourrait même être « prouvé » qu’une population n’est pas réellement autochtone du tout mais résulte d’un mélange de résidents traditionnels et d’immigrants. Cela pourrait aussi servir à leur refuser les droits qui leur reviennent en qualité de peuples autochtones. En fait, certains généticiens canadiens ont déjà commencé à utiliser les techniques de l’ADN pour distinguer les Américains d’origine caucasienne des Américains autochtones ( Vines, 1995, p. 37 ).
Dans les pays industrialisés, les scientifiques croient normalement que les découvertes qu’ils font dans leur quête du savoir sont la responsabilité des gouvernements et de la société en général, et qu’il ne leur appartient pas de dire à la population ce qu’elle doit faire avec leurs découvertes. Cependant, les gouvernements, entre autres, pourraient mésuser des connaissances scientifiques. Les peuples autochtones doivent donc savoir que l’information découverte par le PDGH pourrait être utilisée à de mauvaises fins.
Toute interprétation de la CDB qui inclurait les gènes humains parmi les ressources génétiques a été écartée à la Deuxième Conférence des Parties, en novembre 1995, où il a été décidé que les ressources génétiques humaines ne sont pas visées par la Convention ( PNUE, 1995 ). Pour ce qui est du GATT, le paragraphe 3 de l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC stipule ce qui suit :
Les membres pourront aussi exclure de la brevetabilité : a ) les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux ; b ) les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques.
Ainsi, le GATT ne semble pas obliger les pays à promulguer des lois autorisant le brevetage du matériel génétique humain mais ne les en empêche pas. Même si les peuples traditionnels peuvent y voir une violation de la sainteté de la vie, ce point de vue ne compte pas si leurs gouvernements nationaux ne sont pas du même avis.
HUGO a invité le Comité international de bioéthique de l’UNESCO à appuyer le projet. Tout en reconnaissant le bien-fondé scientifique des buts du projet, le Comité, qui partageait un grand nombre des préoccupations exprimées par les peuples autochtones, n’a pas endossé le projet qu’il trouve contestable du double point de vue des droits éthiques et des droits de la personne ( voir UNESCO, 1995 )17.
17 Le Comité international de bioéthique travaille actuellement à l’élaboration d’une Déclaration sur le génome humain qui traitera des questions éthiques, juridiques et sociales entourant la recherche sur le génome humain.
Constatant qu’aucun dialogue initial n’avait été ouvert entre les peuples autochtones et HUGO, RAFI, une ONG canadienne, a mis les groupes autochtones au courant du projet. Leur réaction a, dans presque tous les cas, été une condamnation. Le Conseil mondial des peuples indigènes ( CMPI ) au Canada et la Cordillera People’s Alliance ( CPA ) aux Philippines ont profité de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de juin 1993, à Vienne, ainsi que de la première session de la Commission sur le développement durable pour exprimer leur opposition au projet. Victoria Tauli-Corpuz de la CPA a fait les remarques suivantes dans sa déclaration :
Depuis 500 ans, nous sommes victimes d’ethnocides et de génocides qui ont mis notre survie en danger, et on parle maintenant de recueillir et de stocker notre ADN. C’est simplement une façon plus sophistiquée de recueillir et de stocker dans les musées et les institutions scientifiques les restes de nos ancêtres. [ . . . ] Pourquoi ne s’attaque-t-on pas aux causes qui menacent notre survie au lieu de dépenser 20 millions de dollars pendant cinq ans en vue de nous collectionner et de nous stocker dans de froids laboratoires? Si cet argent servait plutôt à nous procurer des services sociaux de base et à promouvoir nos droits de peuples autochtones, alors notre biodiversité serait protégée.
La Déclaration de Mataatua sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle demande que le projet soit immédiatement stoppé jusqu’à ce qu’on en ait analysé les implications et que celles-ci aient été comprises et approuvées par les peuples autochtones ( voir l’annexe 7 ). Ailleurs, l’opposition est venue des Verts européens et de l’Organisation de la santé panaméricaine, qui a adopté à son atelier de 1993 une résolution très critique à l’égard du projet. Le CMPI ( 1993 ) a aussi pris une position très nette :
La recherche aiderait prétendument à préserver les cultures de gènes indigènes pour les générations à venir. En réalité, il s’agit du développement futur de produits pharmaceutiques qui généreront d’énormes profits pour les sociétés, longtemps après que l’on ait laissé les peuples autochtones disparaître.
L’hypothèse selon laquelle les peuples autochtones sont condamnés ajoute l’insulte à l’injure de servir de cobaye humain. Les millions de dollars que l’on prévoit affecter au PDGH pourraient servir à financer des services de santé et communautaires au profit des peuples autochtones que l’on dit menacés.
Le PDGH a déjà commencé à nous déshumaniser en nous collant l’étiquette de « groupe isolé d’intérêt historique ». Une fois que des êtres humains ont été dépersonnalisés, il est plus facile de procéder à leur destruction ou de permettre qu’ils soient détruits.
Le CMPI a publié une déclaration fondée sur l’article 18 de sa Déclaration des principes de 1984. Il demande :
Le CMPI a également rédigé, à l’intention des organisations autochtones et des ONG, un protocole d’entente qui stipule en partie ce qui suit :
Le risque, reconnu même par ses protagonistes, que fait courir ce projet est que l’information recueillie sera, en mettant les choses au mieux, utilisée pour satisfaire la curiosité scientifique « même après la disparition de ces tribus ». Cela soulève un problème éthique fondamental : les êtres humains seront réduits à être des sujets de recherche au lieu d’être les bénéficiaires du progrès scientifique.
La Déclaration des peuples autochtones de l’hémisphère occidental concernant le Projet sur la diversité du génome humain, proclamée par les 18 organisations des peuples autochtones des Amériques en février 1995, a pris position contre le PDGH et le brevetage du matériel génétique. Il y est déclaré ce qui suit :
Nous demandons que le Projet sur la diversité du génome humain et tout autre projet scientifique semblable cessent de chercher à séduire les peuples autochtones ou à les forcer à participer à des projets en leur promettant des avantages et des gains financiers de manière à obtenir leur consentement et leur participation.
Nous demandons un moratoire immédiat sur les collectes ou brevetages de matériels génétiques provenant de personnes et de communautés autochtones de la part de tout projet scientifique, organisation de santé, gouvernement, organisme indépendant et chercheur individuel.
Lors de la Consultation sur les connaissances et les droits de propriété intellectuelle des peuples autochtones qui a eu lieu à Suva, Fidji, en avril 1995, où l’on retrouvait les peuples autochtones de la région du Pacifique, les participants ont convenu de proposer un plan d’action et de chercher à le faire appuyer en vue de :
Favoriser l’adoption d’un traité déclarant que la région du Pacifique est une zone où les formes de vie ne peuvent être brevetées [ . . . ], ce traité [ comprenant ] des protocoles régissant la bioprospection, la recherche sur la génétique humaine, la conservation in situ par les peuples autochtones, les collectes ex situ et les instruments internationaux pertinents ( 1.1 ).
Il est clair que, pour les peuples autochtones, la participation au PDGH comporte peu ou pas d’avantages et, tant que leurs craintes n’auront pas été apaisées, ils continueront de s’y opposer.
18 Voici cette déclaration : « Les peuples autochtones et leurs autorités désignées ont le droit d’être consultés et d’autoriser la mise en œuvre de la recherche technologique et scientifique effectuée dans leurs territoires et le droit d’être informés des résultats de ces activités. »
Le PDGH en serait à l’étape de planification, mais des collectes sont en cours depuis déjà plusieurs années. En fait donc le projet est déjà en voie de réalisation. Cela devrait, à divers titres, préoccuper les peuples autochtones. La meilleure façon pour eux de s’assurer que le projet ne sera pas pour eux une cause de souffrance et ne les exploitera pas pourrait consister à :
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
À l’unanimité, les peuples autochtones font de l’autodétermination leur première préoccupation parce qu’elle suppose des droits aussi fondamentaux que la reconnaissance et le respect de leurs cultures, sociétés et langues ainsi que leurs droits de propriété sur leurs propres terres et territoires et le contrôle sur les ressources associées à ces terres et territoires. Les droits de propriété intellectuelle, culturelle et scientifique sont vus comme le point de départ de la définition d’une notion plus utile, celle des valeurs, connaissances et ressources traditionnelles qui ont souvent été utilisées et dont on a mésusé sans aucune autorisation, reconnaissance de l’origine ou juste indemnisation.
Le présent Pacte ne doit d’aucune manière être interprété comme un appel en faveur de la banalisation ou de la commercialisation de la culture, des ressources biogénétiques ou des connaissances ; il ne saurait non plus justifier que des peuples autochtones soient, contre leur gré, amenés à établir des relations commerciales avec d’autres sociétés. Le Pacte reconnaît que les relations commerciales ont, en général, eu des effets nocifs sur les communautés locales dans le passé. C’est précisément pour cette raison, et aussi en raison du fait qu’un nombre croissant de communautés autochtones et traditionnelles choisissent ou se voient obligées d’établir des relations économiques dangereuses, qu’un Pacte est nécessaire. Le but est de fournir un code d’éthique et de conduite de base qui, c’est à souhaiter, servirait de fondement à la conclusion de partenariats équitables favorisant l’indépendance économique des communautés locales et assurant la conservation des ressources naturelles.
Sur le plan pratique, le Pacte est proposé comme un document type qui peut être mis à l’essai dans de nombreuses parties du monde par de nombreux partenaires. Des échecs sont certes à prévoir, mais les cas de réussite seront, on l’espère, nombreux. Toutes ces expériences aboutiront au remplacement de la notion des DPI par une notion plus forte et décisive qui, idéalement, servira de catalyseur au remplacement des marchés axés sur le gain temporaire par des échanges commerciaux reposant sur des engagements à long terme qui produisent des avantages réciproques — transformer les sociétés pour que, au lieu d’être à l’avant-garde de la destruction, elles deviennent des partenaires équitables des communautés locales dans la conservation de la diversité biologique et culturelle.
La mise en œuvre du Pacte sera un processus de longue durée exigeant attention, patience et tolérance. La réussite de cette entreprise dépend de la volonté des deux parties de se comprendre et de s’apprécier mutuellement, et de leur capacité de faire de leurs relations un moyen d’améliorer non seulement leur propre sort mais celui de toute la Terre.
Soutenir les peuples autochtones et traditionnels dans leur lutte contre le génocide et en vue d’obtenir les droits sur leurs terres et territoires ainsi que le contrôle sur leurs propres ressources, en renforçant la culture et la communauté locale par la reconnaissance et l’appui donnés aux buts, valeurs et objectifs propres des groupes, par la recherche de modes d’utilisation responsables qui conservent la richesse biologique, écologique et culturelle d’une région, grâce à des échanges commerciaux, un approvisionnement et une R-D aussi équitables que responsables, permettant l’établissement d’une relation de longue durée fondée sur une prise de décision commune s’inspirant des principes de l’égalité des rapports et de la protection des valeurs, des connaissances et de la culture traditionnelles ; si ces éléments fondamentaux ne sont pas respectés, alors le Pacte est menacé et, avec lui, l’esprit de confiance et de partenariat qui doit régir les relations entre des sociétés, des scientifiques et des institutions ou communautés locales responsables, et sans lequel le bien-être futur de la planète ne peut être garanti.
Bien que le présent Pacte porte essentiellement sur le développement d’activités de recherche responsables et d’échanges commerciaux équitables, tout accord sur les droits de propriété intellectuelle pourrait nécessairement aborder la question de la protection. La principale préoccupation des peuples autochtones est de pouvoir exercer leur droit de ne pas vendre ou banaliser certains domaines de connaissance et certains lieux, végétaux, animaux et objets sacrés, ou de se les faire exproprier. Tous les autres éléments du Pacte sont subordonnés à ce droit fondamental qui est considéré comme un élément essentiel de l’autodétermination.
La protection de tous ces éléments s’inscrit dans la nécessité plus large de protéger les terres, territoires et ressources, et de favoriser l’autodétermination des peuples autochtones traditionnels.
Ratifiée par la IVe Assemblée générale du Conseil mondial des peuples indigènes.
Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples en dignité et en droits, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples à être différents, à s’estimer différents et à être respectés en tant que tels,
Affirmant aussi que tous les peuples contribuent à la diversité et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de l’humanité,
Affirmant en outre que toutes les doctrines, politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d’individus en se fondant sur des différences d’ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement injustes,
Réaffirmant que les peuples autochtones, dans l’exercice de leurs droits, ne doivent faire l’objet d’aucune forme de discrimination,
Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont été privés de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales et qu’entre autres conséquences, ils ont été colonisés et dépossédés de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d’exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts,
Reconnaissant la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits et caractéristiques intrinsèques des peuples autochtones, en particulier leurs droits à leurs terres, à leurs territoires et à leurs ressources, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie,
Se félicitant du fait que les peuples autochtones s’organisent pour améliorer leur situation sur les plans politique, économique, social et culturel et mettre fin à toutes les formes de discrimination et d’oppression partout où elles se produisent,
Convaincue que le contrôle par les peuples autochtones des événements qui les concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur permettra de renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et de promouvoir leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins,
20 Traduction officielle
Reconnaissant aussi que le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l’environnement et à sa bonne gestion,
Soulignant la nécessité de démilitariser les terres et territoires des peuples autochtones et de contribuer ainsi à la paix, au progrès et au développement économiques et sociaux, à la compréhension et aux relations amicales entre les nations et les peuples du monde,
Reconnaissant, en particulier, le droit des familles et des communautés autochtones à conserver la responsabilité partagée de l’éducation, de la formation, de l’instruction et du bien-être de leurs enfants,
Reconnaissant aussi que les peuples autochtones ont le droit de déterminer librement leurs rapports avec les États, dans un esprit de coexistence, d’intérêt mutuel et de plein respect,
Considérant que les traités, accords et autres arrangements entre les États et les peuples autochtones sont un sujet légitime de préoccupation et de responsabilité internationales,
Reconnaissant que la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques affirment l’importance fondamentale du droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes, droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel,
Considérant qu’aucune disposition de la présente Déclaration ne pourra être invoquée pour dénier à un peuple quel qu’il soit son droit à l’autodétermination,
Exhortant les États à respecter et à mettre en œuvre tous les instruments internationaux, en particulier ceux relatifs aux droits de l’homme, qui sont applicables aux peuples autochtones, en consultation et en coopération avec les peuples concernés,
Soulignant que l’Organisation des Nations Unies a un rôle important et continu à jouer dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones,
Convaincue que la présente Déclaration est une nouvelle étape importante dans la voie de la reconnaissance, de la promotion et de la protection des droits et libertés des peuples autochtones et dans le développement des activités pertinentes des organismes des Nations Unies dans ce domaine,
Proclame solennellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dont le texte suit :
Adopté d’un commun accord par les membres du Groupe de travail sur les peuples autochtones à sa 11e session, 1993.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
La Conférence mondiale des peuples autochtones sur le territoire, l’environnement et le développement ( 25–30 mai 1992 ).
Les peuples autochtones des Amériques, de l’Asie, de l’Afrique, de l’Australie, de l’Europe et du Pacifique réunis dans les villages de Kari-Oca expriment d’une seule voix leur gratitude à l’endroit des populations autochtones du Brésil. Confortés par cette rencontre historique, nous célébrons l’unité spirituelle des peuples autochtones avec la terre et avec nous-mêmes. Nous continuons d’édifier et d’élaborer notre engagement commun en vue de sauver la Terre, notre mère. Nous, peuples autochtones, souscrivons à la déclaration suivante comme l’expression de notre responsabilité collective à faire passer nos pensées et nos voix autochtones aux générations à venir.
Nous, peuples autochtones, marchons vers l’avenir dans les pas de nos ancêtres.
Le Créateur de tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand, des quatre points cardinaux, de l’air, de la terre et des montagnes, nous a placés, nous, peuples autochtones, sur la Terre notre mère.
Les pas de nos ancêtres sont gravés à jamais sur les terres de nos peuples.
Nous, peuples autochtones, défendons notre droit inhérent à l’autodétermination.
Nous avons toujours le droit de décider de nos propres formes de gouvernement, d’élever et d’éduquer nos enfants comme nous le souhaitons et d’affirmer notre identité culturelle sans ingérence extérieure.
Nous continuons à défendre nos droits en tant que peuple malgré des siècles de privation, d’assimilation et de génocide.
21 Traduction officielle
Nous défendons nos droits inaliénables sur nos terres et nos territoires, sur toutes nos ressources — celles de notre sol et de notre sous-sol — et sur nos eaux. Nous assumons la responsabilité qui est la nôtre depuis toujours de les transmettre aux générations futures.
Personne ne nous fera quitter nos terres. Nous, peuples autochtones, sommes liés à nos terres et à notre environnement par le cercle de la vie.
Nous, peuples autochtones, marchons vers l’avenir dans les pas de nos ancêtres.
Signé à Kari-Oca, Brésil, le 30e jour du mois de mai 1992.
22 À noter qu’aux fins de la présente Déclaration, le terme « peuples autochtones » englobe également les peuples tribaux.
avenir, utilisant le principe de gouvernement par la majorité pour décider de leur avenir. Le droit des peuples autochtones de se prononcer sur les projets concernant leurs terres doit être reconnu.
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Article 1 : Nous, les peuples indigènes et tribaux des forêts tropicales, présentons cette charte comme une réaction aux centaines d’années de constantes usurpation, colonisation de nos territoires et destruction de nos vies, de nos moyens d’existence et de nos cultures, provoquées par la dévastation des forêts dont dépend notre survie.
Article 2 : Nous déclarons que nous sommes les peuples originaux, les propriétaires légitimes et les détenteurs de cultures qui défendons les forêts tropicales du monde.
Article 3 : Nos territoires et forêts sont pour nous plus qu’une simple ressource économique. Pour nous, ils sont la vie même et ils ont une valeur intrinsèque et spirituelle pour nos communautés. Ils sont fondamentaux pour notre survie sociale, culturelle, spirituelle, économique et politique en tant que peuples distincts.
Article 4 : L’unité des peuples et des territoires est essentielle et doit être reconnue.
Article 5 : Toutes les politiques forestières doivent se baser sur le respect de la diversité culturelle, de la promotion des modes de vie indigènes et de la reconnaissance de l’étroite relation qui existe entre nos peuples et l’environnement.
Par conséquent, nous déclarons les principes, les buts et les exigences suivants :
Article 6 : Le respect de nos droits humains, politiques, sociaux, économiques et culturels, le respect de notre droit à l’autodétermination et au maintien de nos modes de vie.
Article 7 : Le respect de nos formes de gouvernement autonome, en tant que systèmes politiques distincts aux niveaux communautaire, régional et autres. Cela comporte le droit de contrôle sur toutes les activités économiques sur nos territoires.
Article 8 : Le respect des lois coutumières et leur incorporation à la législation nationale et internationale.
Article 9 : Lorsque les peuples l’exigeront, les États-nations devront respecter les traités, accords, conventions, décisions et autres formes de reconnaissance légale de nos droits
23 Traduction de l’Alliance mondiale des peuples indigènes et tribaux des forêts tropicales.
précédemment accordée aux peuples indigènes, soit pendant la période coloniale soit après l’indépendance.
Article 10 : L’arrêt de la violence, de l’esclavage, de la servitude pour dettes et de l’usurpation de terres ; le démantèlement de toutes les armées et milices privées et leur substitution par la loi et la justice sociale ; l’utilisation de la loi pour nous défendre, ce qui inclut la présence de notre peuple dans la législation.
Article 11 : L’approbation et la mise en pratique de la Déclaration universelle des peuples indigènes, qui doit affirmer et garantir notre droit à l’autodétermination, en cours de création par les Nations Unies ; la mise en place d’un mécanisme international et d’un tribunal pour nous protéger contre la violation de nos droits et pour garantir la mise en pratique des principes établis sur la présente Charte.
Article 12 : Tant que nos droits fondamentaux en tant que peuples ne seront pas respectés, il ne pourra y avoir de développement rationnel et durable des forêts et de nos peuples.
Article 13 : Assurer le contrôle de nos territoires, c’est-à-dire l’ensemble des rapports vitaux et permanents entre l’homme et la nature ; contrôle exprimé par notre droit à l’unité et à la conservation de nos territoires ancestraux ; y compris les zones qui ont été usurpées, celles que nous réclamons et celles que nous utilisons ; le sol, le sous-sol, l’air et l’eau nécessaires à notre autonomie, notre développement culturel et aux générations à venir.
Article 14 : La reconnaissance, la définition et la démarcation de nos territoires en accord avec nos systèmes locaux et coutumiers de propriété et d’utilisation.
Article 15 : Les modalités de propriété foncière seront décidées par les peuples eux-mêmes, et le territoire sera détenu par la communauté, sauf lorsque le peuple en décidera autrement.
Article 16 : L’utilisation et la propriété exclusives des territoires que nous occuperons. Lesdits territoires seront inaliénables, et ne seront pas négociables ou saisissables.
Article 17 : Le droit de délimiter nos propres territoires, et que ces régions soient officiellement reconnues et inscrites dans les textes.
Article 18 : La législation de la propriété foncière utilisée par des peuples non indigènes dans les forêts ou à la lisière des forêts des régions disponibles une fois que les titres auront été octroyés aux peuples indigènes.
Article 19 : Les réformes agraires et les modifications dans l’occupation des sols nécessaires à la subsistance de ceux qui vivent en dehors des forêts et des territoires indigènes, car nous reconnaissons que le manque de terres hors des forêts se répercute sur nos territoires et nos forêts.
Article 20 : Le contrôle des territoires et des ressources dont nous dépendons : tout développement dans nos régions pourra être mené à terme seulement s’il a le consentement libre et informé du peuple indigène concerné.
Article 21 : La reconnaissance légale de nos institutions et de nos organisations représentatives qui défendent nos droits, et, à travers elles, notre droit de négocier collectivement notre avenir.
Article 22 : Le droit d’avoir nos propres modes d’organisation sociale ; le droit de choisir et de destituer les autorités et les fonctionnaires gouvernementaux surveillant les territoires dans notre juridiction.
Article 23 : Le droit d’être informés, consultés et, surtout, de participer à la prise de décisions législatives et politiques ; et à la formulation, à la mise en place et à l’évaluation de tout projet de développement, qu’il soit local, national ou international, privé ou public, qui pourrait affecter directement ou indirectement notre avenir.
Article 24 : Toute initiative importante de développement devra être précédée d’évaluations de ses répercussions sociales, culturelles et environnementales, après consultation des communautés locales et des peuples indigènes. De tels projets ou études devront être ouverts à l’inspection et au débat public, en particulier des peuples indigènes concernés.
Article 25 : Les agences nationales ou internationales, envisageant le financement de projets de développement pouvant nous affecter, devront mettre en place des commissions tripartites — constituées par l’agence de financement, les représentants gouvernementaux et les organisations représentatives de nos communautés — pour mener à terme la planification, la surveillance et l’évaluation des projets.
Article 26 : L’annulation de toutes les concessions minières qui sont dans nos territoires sans le consentement de nos organisations représentatives. Les politiques minières doivent reconnaître notre contrôle et être réalisées sous celui-ci, pour garantir l’amé-nagement rationnel et l’équilibre écologique. Dans les cas d’extraction de minéraux stratégiques ( pétrole ou minéraux radioactifs ) dans nos territoires, nous devons participer à la prise de décisions lors de la planification et de la mise en pratique.
Article 27 : L’arrêt des programmes de développement imposés, des défiscalisations et des subventions qui menacent l’intégrité de nos forêts.
Article 28 : Stopper tout programme ayant pour but le transfert forcé de nos peuples loin de leurs terres.
Article 29 : La réorientation du processus de développement des projets à grande échelle vers des initiatives à petite échelle, contrôlées par nos peuples. La priorité de ces
initiatives est de nous assurer le contrôle de nos territoires et de leurs ressources dont nous dépendons pour survivre. Ces projets doivent être la pierre angulaire de tout développement futur dans les forêts.
Article 30 : Les problèmes causés dans nos territoires par le trafic international des produits végétaux tels que le pavot et la coca doivent être résolus par des politiques efficaces décidées conjointement avec nos peuples.
Article 31 : La promotion des programmes de santé pour les peuples indigènes, y compris la revalorisation de la médecine traditionnelle et la promotion de programmes de médecine moderne et de premiers soins. Lesdits programmes doivent être contrôlés par nous et nous fournir la formation nécessaire pour que nous puissions les gérer nous-mêmes.
Article 32 : La mise en place de systèmes d’éducation bilingue et biculturelle. Ceux-ci doivent revaloriser nos croyances, nos traditions religieuses, nos coutumes, nos connaissances. Nous devons avoir le contrôle de ces programmes grâce à une formation appropriée, en accord avec nos cultures, de façon à acquérir les progrès techniques et scientifiques dont nos peuples ont besoin. En outre, ils devront respecter nos visions du monde, qui pourront après être communiquées à la communauté internationale.
Article 33 : La promotion de politiques financières alternatives nous permettant de développer nos économies communautaires ainsi que des mécanismes établissant de justes prix pour les produits de nos forêts.
Article 34 : Notre politique de développement repose avant tout sur la garantie de notre indépendance et de notre bien-être matériel, ainsi que de ceux de nos voisins ; sur le plein développement social et culturel basé sur les valeurs d’égalité, de justice, de solidarité et de réciprocité, et d’équilibre avec la nature. Désormais, la production commerciale d’un excédant doit provenir d’une utilisation rationnelle et créatrice des ressources naturelles. Nous devons développer nos propres technologies traditionnelles et choisir celles qui sont appropriées.
Article 35 : Arrêter toute nouvelle concession forestière concernant nos territoires et suspendre celles qui existent déjà. La destruction des forêts doit être considérée comme un crime de lèse-humanité. Il est essentiel d’arrêter ses conséquences antisociales, telles que la construction de routes à travers les cultures, les cimetières et les terrains de chasse indigènes ; la destruction des régions fournissant des plantes médicinales et des matières premières pour l’artisanat ; l’érosion et la compression des sols ; la pollution de notre environnement ; la corruption et l’économie isolée induites par l’industrie ; l’augmentation des invasions et de la colonialisation de nos territoires.
Article 36 : Les concessions forestières dans des terres contiguës à nos territoires ou ayant des répercussions sur notre environnement doivent respecter certaines conditions —d’ordre écologique, social, de travail, de transport, de santé, et autres — établies par les
peuples indigènes qui doivent s’assurer de leur application. Tout déboisement à des fins commerciales doit être interdit dans les forêts stratégiques ou très dégradées.
Article 37 : La protection des forêts naturelles existantes doit avoir la priorité sur le reboisement.
Article 38 : Les programmes de reboisement doivent être prioritaires sur les terres dégradées, et la régénération des forêts naturelles doit être encouragée, favorisant ainsi le rétablissement de toutes les fonctions initiales des forêts tropicales, au lieu de les restreindre aux seules valeurs commerciales.
Article 39 : La mise en pratique des programmes de reboisement dans nos territoires doit être contrôlée par nos communautés. Les espèces doivent être choisies par nous, selon nos besoins.
Article 40 : Les programmes relatifs à la biodiversité doivent respecter les droits collectifs de nos peuples à la propriété culturelle et intellectuelle, aux ressources génétiques, aux banques de gènes, à la biotechnologie et aux connaissances relatives à la diversité biologique. Ils doivent inclure notre participation à l’application de tout projet ayant lieu dans nos territoires, ainsi qu’au contrôle des bénéfices pouvant en dériver.
Article 41 : Les programmes de conservation doivent respecter nos droits à l’utilisation et à la propriété des territoires dont nous dépendons. Aucun programme de conservation de la biodiversité ne doit être mis en place dans nos territoires sans notre consentement libre et informé, exprimé à travers nos organisations représentatives.
Article 42 : La conservation de la biodiversité sera garantie si ceux qui l’encouragent respectent nos droits à l’utilisation, à l’administration, à la gestion et au contrôle de nos territoires. Nous affirmons que la protection des différents écosystèmes doit être confiée aux peuples indigènes, puisque nous y avons vécu pendant des milliers d’années et que notre survie même en dépend.
Article 43 : Les politiques et la législation concernant l’environnement doivent reconnaître les territoires indigènes en tant que véritables « régions protégées », et donner la propriété à leur reconnaissance légale en tant que territoires indigènes.
Article 44 : Parce que nous valorisons nos technologies traditionnelles et parce que nous croyons que nos biotechnologies peuvent apporter des contributions importantes à l’humanité, y compris aux pays « développés », nous exigeons la garantie de nos droits à la propriété intellectuelle et le contrôle sur le développement et la manipulation de ces connaissances.
Article 45 : Toute recherche ayant lieu dans nos territoires doit être effectuée avec notre consentement. Elle doit être contrôlée et supervisée conjointement selon un accord mutuel. Cela comporte le financement pour la formation, la publication et le soutien aux institutions indigènes nécessaires pour atteindre ce contrôle.
Article 46 : La communauté internationale, en particulier les Nations Unies, doit reconnaître les peuples indigènes en tant que peuples distincts, différents des autres mouvements sociaux organisés, des organisations non gouvernementales et des secteurs indépendants. Elle doit respecter notre droit à la participation directe sur des bases égalitaires, en tant que peuples indigènes, dans tous les forums, mécanismes, processus et organisations de financement de façon à promouvoir et sauvegarder l’avenir des forêts tropicales.
Article 47 : Le développement de programmes d’éducation concernant nos droits en tant que peuples et les principes, buts et exigences de la présente Charte. Dans ce but, nous faisons appel à la communauté internationale pour obtenir la reconnaissance et le soutien nécessaires.
Article 48 : Nous, les peuples indigènes, nous utiliserons la présente Charte comme base pour la promotion de nos stratégies locales d’action.
Penang, Malaisie, 15 février 1992
Reconnaissant que l’année 1993 est l’Année internationale des Nations Unies pour les peuples autochtones, les Neuf Tribus de Mataatua, de la Région de la baie de Plenty d’Aotearoa Nouvelle-Zélande, ont convoqué la Première Conférence internationale sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones ( 12–18 juin 1993, Whakatane ).
Plus de 150 délégués de 14 pays y ont assisté, notamment des représentants autochtones de Ainu ( Japon ), d’Australie, des îles Cook, de Fidji, de l’Inde, du Panama, du Pérou, des Philippines, du Suriname, des États-Unis et d’Aotearoa.
La Conférence s’est réunie pendant six jours pour examiner toute une série de questions importantes, y compris la valeur des connaissances autochtones, la biodiversité et la biotechnologie, la gestion environnementale coutumière, les arts, la musique, la langue et d’autres formes culturelles matérielles et spirituelles. Le dernier jour, la Déclaration suivante a été adoptée en séance plénière.
Reconnaissant que l’année 1993 est l’Année internationale des Nations Unies pour les peuples autochtones ;
Réaffirmant la volonté des États membres des Nations Unies :
« [ D’ ]adopter et [ de ] renforcer les politiques et ( ou ) instruments juridiques appropriés qui protégeront les droits de propriété intellectuelle et culturelle ainsi que le droit de préserver les systèmes et pratiques coutumiers et administratifs des populations autochtones. » — Action 21, Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement ( CNUED ), ( 26.4b ) ;
Prenant note des principes de travail issus de la Conférence technique des Nations Unies sur les peuples autochtones et l’environnement, à Santiago, Chili, 18–22 mai 1992 ( E/CN.4/Sub.2/1992/31 ) ;
Souscrivant aux recommandations sur la culture et la science de la Conférence mondiale des peuples indigènes sur le territoire, l’environnement et le développement, Kari-Oca, Brésil, 25–30 mai 1992 ;
Nous
Déclarons que les peuples autochtones du monde ont le droit de décider de disposer d’eux-mêmes et que, dans l’exercice de ce droit, ils doivent être reconnus comme les dépositaires exclusifs de leurs biens culturels et intellectuels ;
Reconnaissons que les peuples autochtones ont des expériences communes relatives à l’exploitation de leurs biens culturels et intellectuels ;
Affirmons que les connaissances des peuples autochtones du monde bénéficient à l’ensemble de l’humanité ;
Reconnaissons que les peuples autochtones sont capables de gérer leurs connaissances traditionnelles eux-mêmes mais sont disposés à les offrir au reste de l’humanité à la condition que leurs droits fondamentaux de définir et de contrôler ces connaissances soient protégés par la communauté internationale ;
Insistons pour que les premiers bénéficiaires des connaissances autochtones ( droits de propriété culturelle et intellectuelle ) soient les descendants autochtones directs de ces connaissances ;
Déclarons que toutes les formes de discrimination et d’exploitation des peuples autochtones, des connaissances autochtones et des droits de propriété culturelle et intellectuelle des Autochtones doivent cesser.
En élaborant des politiques et des pratiques, les peuples autochtones doivent :
1.1 Définir eux-mêmes leurs propres biens intellectuels et culturels.
1.2 Noter que les mécanismes de protection en vigueur ne protègent pas suffisamment leurs droits de propriété intellectuelle et culturelle.
1.3 Élaborer un code d’éthique que les utilisateurs de l’extérieur doivent respecter lorsqu’ils font des enregistrements ( visuels, audio, écrits ) de leurs connaissances traditionnelles et coutumières.
1.4 Donner la priorité à l’établissement de centres autochtones d’éducation, de recherche et de formation afin de renforcer leur connaissance des pratiques coutumières environnementales et culturelles.
1.5 Recouvrer les terres autochtones traditionnelles afin de promouvoir une production agricole coutumière.
1.6 Développer et maintenir leurs pratiques et sanctions traditionnelles concernant la protection, la préservation et la revitalisation de leurs biens intellectuels et culturels traditionnels.
1.7 Évaluer les lois en vigueur sous l’angle de la protection des antiquités.
1.8 Établir un organe approprié disposant des mécanismes voulus pour :
1.9 Établir des centres et réseaux d’information autochtones internationaux.
1.10 Convoquer une Deuxième Conférence internationale ( Hui ) sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones dont l’hôte serait la Coordinadora de las Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica ( COICA ).
En élaborant des politiques et des pratiques, les États et les organismes nationaux et internationaux doivent :
2.1 Reconnaître que les peuples autochtones sont les gardiens de leur savoir coutumier et ont le droit de protéger et de contrôler la diffusion de ce savoir.
2.2 Reconnaître que les peuples autochtones ont également le droit de créer de nouvelles connaissances fondées sur des traditions culturelles.
2.3 Prendre note du fait que les mécanismes de protection en vigueur ne protègent pas suffisamment les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones.
2.4 Accepter que les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones sont dévolus aux personnes qui les ont créés.
2.5 Élaborer, en pleine collaboration avec les peuples autochtones, un régime supplémentaire de droits de propriété culturelle et intellectuelle intégrant les éléments suivants :
2.6 La flore et la faune autochtones sont liées de façon inextricable aux territoires des communautés autochtones et toute revendication de droits de propriété doit reconnaître leur droit de gérance traditionnelle.
2.7 La commercialisation de tout végétal et de tout médicament traditionnels des peuples autochtones doit être administrée par les peuples qui ont hérité de ces connaissances.
2.8 Un moratoire doit être déclaré sur toute commercialisation des plantes médicinales et des matériels génétiques humains autochtones jusqu’à ce que les communautés autochtones aient mis au point des mécanismes de protection appropriés.
2.9 Les sociétés et institutions, gouvernementales et privées, doivent éviter de faire des expériences avec des ressources biogénétiques ou de les commercialiser sans le consentement des peuples autochtones appropriés.
2.10 Il convient de donner la priorité au règlement de toute revendication territoriale et sur les ressources naturelles en souffrance des peuples autochtones aux fins de promouvoir une production coutumière, agricole et maritime.
2.11 Il faut veiller à ce que la recherche scientifique actuelle sur l’environnement soit renforcée par la participation accrue des communautés autochtones et l’apport de connaissances environnementales coutumières.
2.12 Tous les restes humains et objets de sépulture des peuples autochtones détenus par les musées et d’autres institutions doivent être rendus à leurs régions d’appartenance traditionnelle d’une manière culturellement appropriée.
2.13 Les musées et autres institutions doivent fournir au pays et aux peuples autochtones concernés un inventaire de tous les objets culturels autochtones en leur possession.
2.14 Les objets culturels autochtones détenus dans les musées et d’autres institutions doivent être retournés gratuitement à leurs propriétaires traditionnels.
Par respect pour les droits des peuples autochtones, les Nations Unies devraient :
3.1 Veiller à ce que le processus de participation des peuples autochtones aux forums des Nations Unies soit renforcé ou que leurs points de vue soient représentés équitablement.
3.2 Inclure le texte intégral de la Déclaration de Mataatua dans le Document de travail des Nations Unie sur les biens culturels et intellectuels des peuples autochtones.
3.3 Surveiller tout État dont les politiques et activités violent constamment les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones et prendre les mesures qui s’imposent.
3.4 Veiller à ce que les peuples autochtones contribuent activement au mode d’intégration des cultures autochtones dans l’Année internationale de la culture des Nations Unies de 1995.
3.5 Lancer un appel pour faire immédiatement stopper le Projet sur la diversité du génome humain ( HUGO ) tant que ses implications morales, éthiques, socio-économiques, physiques et politiques n’ont pas fait l’objet d’une discussion approfondie et été comprises et approuvées par les peuples autochtones.
Les Nations Unies, les organismes internationaux et nationaux et les États doivent fournir aux communautés autochtones un financement supplémentaire pour assurer la mise en œuvre de ces recommandations.
Juin 1993
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Nous, les peuples autochtones assemblés en un congrès intitulé « Voix de la Terre ; peuples autochtones, nouveaux partenaires, le droit à l’autodétermination dans la pratique » déclarons par les présentes que les résultats de nos délibérations représentent une étape importante dans notre lutte pour la promotion, la protection et la reconnaissance de nos droits naturels.
Nous, les participants autochtones, considérons l’issue de notre réunion comme faisant suite à toutes les conférences autochtones qui se sont tenues pendant cette importante Année internationale des peuples autochtones du monde.
Nous, les peuples autochtones, exprimons à ceux qui ont contribué à ce congrès notre profonde gratitude pour leur appui moral et politique.
Nous continuons à marcher vers l’avenir sur les traces de nos ancêtres et nous nous sommes réunis à Amsterdam les 10 et 11 novembre 1993.
24 Traduction officielle
Gouvernement néerlandais et tous les autres gouvernements devraient prendre l’initiative de travailler à l’élaboration de ces procédures.
La jouissance effective des droits économiques des peuples autochtones dépend de la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination.
Conscient que le Sommet de Rio de 1992 a reconnu le rôle important des peuples autochtones dans le maintien d’une utilisation durable des ressources naturelles et a souligné dans le principe 22 le besoin pressant pour les peuples autochtones de participer activement à la gestion de l’environnement,
Prenant note de la recommandation du rapport de la Commission Brundtland de 1987 tendant à donner aux groupes vulnérables la capacité d’agir,
Conscient que la Stratégie mondiale de la conservation de 1991 intitulée « Sauver la planète » envisage un rôle spécial pour les peuples autochtones dans les efforts déployés à l’échelle mondiale pour un environnement sain,
Sachant que l’Alliance mondiale pour la nature ( IUCN ) a adopté à l’unanimité, à sa dix-huitième Assemblée générale, deux résolutions appuyant la cause des peuples autochtones, notamment leur droit d’utiliser judicieusement les ressources de la nature,
Conscient du fait que la Convention sur la diversité biologique et la Convention no 169 de l’OIT appuient l’une et l’autre les peuples autochtones et leur rôle dans un développement durable,
Relevant que de manière générale, les écosystèmes qui apparaissent les plus sains sont également ceux qui relèvent du contrôle des autochtones,
En foi de quoi le Congrès des « Voix de la Terre » rassemblé à Amsterdam exhorte les gouvernements à :
Les musées du monde entier devraient aider pleinement les peuples autochtones à retrouver leur patrimoine culturel et reconnaître leur droit d’en reprendre possession.
Amsterdam, Pays-Bas, les 10 et 11 novembre 1993
Santa Cruz de la Sierra, Bolivie, 28–30 septembre 1994
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Les déclarations des peuples autochtones indiquent clairement que l’autodétermination est pour eux d’une extrême importance. Dans chaque pays, ce terme peut avoir des sens différents allant des droits territoriaux à l’indépendance en passant par l’autonomie, la règle de l’autogouvernement sans sécession et l’autonomie sous un régime fédéral. Le droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes et leur lutte pour y parvenir sont réprimés par certains gouvernements ( par exemple au Myanmar ) ; par des politiques et des projets de développement tels que des grands barrages ( par exemple dans le Nord de la Thaïlande et dans le Sarawak en Malaisie orientale ) ; par des lois territoriales injustes ( par exemple à l’égard des tribus des Collines de la Thaïlande, de la Malaisie et du Viet Nam ) ; par le génocide ( comme dans le cas des tribus des Collines Chittagong au Bangladesh ) et par la religion et la culture dominantes.
Les terres, en particulier les terres autochtones coutumières ou ancestrales, comptent beaucoup pour les peuples autochtones puisqu’ils en tirent leur subsistance et qu’elles sont le fondement de leurs connaissances et traditions spirituelles et culturelles.
La lutte que mènent les peuples autochtones pour disposer d’eux-mêmes fait solidement contrepoids au régime des droits de propriété intellectuelle appliqués aux connaissances, à la sagesse et à la culture autochtones. Ainsi, cette lutte ne peut être séparée de la campagne menée contre les régimes de droits de propriété intellectuelle, en particulier leurs applications aux formes de vie et aux connaissances des autochtones.
Pour les peuples autochtones de l’Asie, le régime des droits de propriété intellectuelle représente non seulement une approche très nouvelle mais aussi très occidentale. On reconnaît, cependant, que les menaces que ces régimes font peser sont aussi sérieuses que les autres problèmes auxquels les peuples autochtones font face à l’heure actuelle.
Dans le passé, le droit des peuples autochtones à des terres a été miné par les lois d’exploitation imposées par des étrangers ; les droits de propriété intellectuelle entraîneront, eux aussi, l’élaboration de lois étrangères visant à exploiter les connaissances et ressources des peuples autochtones.
Le régime des droits de propriété intellectuelle en vigueur est perçu comme une nouvelle forme de colonisation et une tactique de la part de pays industrialisés du Nord pour semer la confusion dans l’esprit des peuples autochtones et les amener à abandonner la lutte qu’ils mènent en vue de faire reconnaître leurs droits sur les terres et toutes leurs ressources, aussi bien celles du sol et de l’air que du sous-sol.
Le régime de droits de propriété intellectuelle et l’appropriation ( abusive ) des connaissances autochtones à leur insu et sans leur consentement préalable éveillent la colère de ces peuples et leur donnent l’impression d’être trompés et impuissants en raison de leur ignorance des droits de propriété intellectuelle et de la piraterie dont leurs connaissances sont l’objet. Cela équivaut à dépouiller les peuples autochtones de leurs ressources et connaissances par des droits monopolistiques.
Les peuples autochtones ne retirent aucun avantage du régime de droits de propriété intellectuelle. Les connaissances et ressources autochtones s’appauvrissent et sont exploitées par des tiers étrangers qui se les approprient, notamment des sociétés multinationales, des institutions, des chercheurs et des scientifiques qui cherchent à réaliser des profits et à retirer des avantages d’un contrôle monopolistique.
La méthode de piraterie technologique est trop sophistiquée pour que les peuples autochtones la comprennent, surtout lorsque les communautés autochtones ignorent tout du fonctionnement du système et qui en sont les auteurs.
Pour les peuples autochtones, la vie est un bien commun qui ne peut être possédé, commercialisé ou monopolisé par des individus. Partant de cette conception du monde, les peuples autochtones ont de la difficulté à voir le rapport entre les questions de droits de propriété intellectuelle et leur vie quotidienne. C’est pourquoi le brevetage de toute forme et de tout processus de vie leur est inacceptable.
Le régime de droits de propriété intellectuelle favorise les pays industrialisés du Nord qui ont les moyens de revendiquer des brevets et des droits d’auteur aboutissant à une exploitation et appropriation permanentes des ressources génétiques et des connaissances autochtones, et de la culture des peuples autochtones à des fins commerciales. Le régime de droits de propriété intellectuelle ne tient absolument aucun compte du fait que, depuis des millénaires, les peuples autochtones et les peuples du Sud ont contribué à conserver et à protéger les ressources génétiques.
Le régime de droits de propriété intellectuelle passe complètement sous silence les liens étroits existant entre les peuples autochtones, leurs connaissances, les ressources génétiques et l’environnement. Les défenseurs des droits de propriété intellectuelle ne se préoccupent que des avantages que l’exploitation commerciale de ces ressources leur procureront.
Les peuples autochtones de l’Asie condamnent fermement le brevetage et la commercialisation de leurs lignées cellulaires ou parties corporelles, selon ce que préconisent les scientifiques et institutions qui appuient le Projet sur la diversité du génome humain ( PDGH ).
La Consultation reconnaît que la lutte pour disposer de soi est étroitement liée à la rétention des droits sur les terres ancestrales et à tout le mode de vie des peuples autochtones. Or, cette lutte et cette rétention sont clairement menacées et les peuples autochtones ont leurs propres plans d’action pour s’attaquer à ces problèmes.
La Consultation reconnaît aussi que les connaissances autochtones sont étroitement liées aux terres qui peuvent leur être enlevées. Ainsi, il est tout aussi nécessaire de préserver les connaissances autochtones que de lutter pour disposer de soi-même.
Dans un sens large, donc, les peuples autochtones de l’Asie ont une aspiration commune — la reconquête de leur droit à l’autodétermination et à leurs connaissances autochtones. La question de la souveraineté est traditionnellement réduite à une question de territoire, mais elle englobe aujourd’hui également les connaissances autochtones en raison des liens très étroits qui existent entre les deux.
À cette fin, la Consultation propose les orientations et stratégies suivantes :
Puisque les peuples autochtones de l’Asie vivent des expériences différentes, doivent compter avec des environnements politiques divers et se trouvent donc dans des situations diverses, la réalisation de leurs aspirations peut, elle aussi, faire appel à des méthodes différentes ou avoir atteint des étapes différentes d’expression aux niveaux local ou national. Dans ces circonstances, il a généralement été soutenu que le plan d’action général devrait être communiqué aux organisations de peuples autochtones pour qu’elles le mettent en œuvre à leur manière en tenant compte de leurs réalités propres.
Cependant, il est apparu clairement au cours de la Consultation qu’il y a lieu d’insister sur les aspects suivants des activités se rapportant aux connaissances autochtones au niveau local :
Sabah, Malaisie orientale, 24–27 février 1995
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
Par les présentes, nous, les participants à la Consultation régionale sur les connaissances et les droits de propriété intellectuelle des peuples autochtones qui a eu lieu en avril 1995 à Suva, Fidji, et qui provenons de pays indépendants et de territoires colonisés non autonomes :
1.1 Inclure dans le traité des protocoles régissant la bioprospection, la recherche sur la génétique humaine, la conservation in situ par les peuples autochtones, les collectes ex situ et les instruments internationaux pertinents.
1.2 Publier une déclaration annonçant le traité et chercher à le faire endosser par le Forum du Pacifique Sud et d’autres forums régionaux et internationaux appropriés.
1.3 Presser les gouvernements de la Région du Pacifique de signer le traité et de le mettre en œuvre.
1.4 Mener une stratégie de sensibilisation éducative concernant les objectifs du traité.
2.1 L’expression « bioprospection » doit être clairement définie de manière à exclure les pratiques de récolte coutumière des peuples autochtones.
2.2 Affirmer que la conservation in situ par les peuples autochtones constitue la meilleure façon de conserver et de protéger la diversité biologique des connaissances autochtones, et encourager sa mise en œuvre par les communautés autochtones et tous les organismes concernés.
2.3 Encourager les peuples autochtones à maintenir et à élargir leurs connaissances des ressources biologiques locales.
3.1 Encourager les chefs, les anciens et les leaders des communautés à assumer leur leadership dans la protection des connaissances et ressources des peuples autochtones.
4.1 Chercher à rapatrier les ressources des peuples autochtones détenues à l’heure actuelle dans des collections extérieures et demander qu’une indemnisation et des redevances soient versées relativement aux développements commerciaux résultant de ces ressources.
5.1 Demander que le désir des peuples autochtones de protéger leurs connaissances et ressources soit inscrit dans les lois par l’inclusion de procédures relatives au « consentement préalable donné en connaissance de cause ou l’absence de consentement donné en connaissance de cause » ( CPACP ) et exclure le brevetage des formes de vie.
10.1 Demander à la France de mettre définitivement fin aux essais nucléaires dans le Pacifique et de réparer les dommages causés à la biodiversité.
Suva, avril 1995
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
accord de cession de matériel ( ACM )
Un type de contrat ou d’accord prévoyant la fourniture d’un matériel ( par exemple
des ressources biogénétiques ) en échange d’avantages monétaires ou non
monétaires.
activité inventive
Voir « non-évidence ».
ADN
Acide désoxyribonucléique ; les longues chaînes de molécules dans la plupart des
cellules qui transportent le message héréditaire génétique et contrôlent toutes les
fonctions cellulaires dans la plupart des formes de vie.
ADN recombinant
Brin d’ADN synthétisé en laboratoire par la recombinaison de parties choisies de
brins d’ADN d’espèces organiques différentes, ou par l’adjonction d’une partie
choisie d’un brin d’ADN existant ( voir CRDI, 1985 ). Il s’agit d’une technique du
génie génétique.
ADNc
Également appelé ADN « complémentaire ». Pour que les cellules édifient des
molécules protéiques, la séquence génétique du gène qui code pour la protéine est
transcrite sur l’ARN messager ( ARNm ). L’ARNm véhicule l’information jusqu’à
l’endroit de la cellule où les molécules protéiques sont produites. Les scientifiques
peuvent appliquer un enzyme ( appelé transcriptase inverse ) pour produire des
ADN complémentaires ( ADNc ) de l’ARNm qui seront identiques à l’ADN naturel,
mais sans les séquences qui ne codent pas pour la protéine ( voir « gène » ).
antériorité
Connaissance faisant déjà partie du domaine public en vertu de laquelle une
demande de brevet peut être écartée sous prétexte que l’invention n’est pas vraiment nouvelle. Les offices des brevets doivent faire une recherche sur l’antériorité
( en anglais : prior art ) de la technique avant d’accorder un brevet.
anticorps
Protéine formée par l’organisme et qui joue un important rôle dans le système
immunitaire.
antigène
Substance dont l’injection provoque la synthèse d’anticorps spécifiques par l’organisme récepteur.
autodétermination
« Le fait pour un groupe de personnes ayant atteint un certain degré de conscience
nationale de réclamer le droit de former leur propre État et de se gouverner »
( Walker, 1980 ). Implique également une revendication territoriale.
biodiversité
Mieux connue comme la « diversité biologique ». La diversité de la vie sous toutes
ses formes, à tous ses niveaux et dans toutes les combinaisons. Comprend la diversité génétique, la diversité spécifique et la diversité des écosystèmes.
biotechnologie
« Toute technique qui fait appel à des organismes vivants ( ou des parties d’organismes ) pour fabriquer ou modifier des produits, pour améliorer des végétaux
ou des animaux, ou pour développer des micro-organismes destinés à des usages
particuliers » ( OTA, 1984 ).
clones
Organismes qui contiennent exactement la même information génétique que celle
de l’hôte dont ils sont dérivés. Les scientifiques peuvent cloner un gène en l’insérant dans une bactérie qui, à mesure qu’elle se divise, produira des quantités
croissantes de la protéine codée par le gène. L’insuline, par exemple, est produite
en laboratoire par des bactéries clonées contenant le gène qui code pour l’insuline.
consentement préalable donné en connaissance de cause
Consentement donné à une activité après avoir été mis au courant de l’ensemble
des raisons la motivant, des procédures particulières que l’activité impliquerait,
des risques courus ainsi que de toutes les répercussions raisonnablement
prévisibles.
conservation
« La gestion de l’utilisation humaine de la biosphère de manière à ce que celle-ci
puisse procurer le plus d’avantages durables aux générations actuelles tout en conservant sa capacité de satisfaire les besoins et aspirations des générations futures.
La conservation est donc positive, et comprend la préservation, le maintien, l’utilisation durable, la remise en état et l’amélioration de l’environnement naturel »
( UICN, 1980 ). Cependant, le terme conservation n’a pas le même sens pour tout
le monde et les défenseurs de la conservation, qu’il s’agisse des paysages ou d’espèces ( in situ ), n’ont pas tous la même attitude à l’égard des populations locales.
Pour les uns, les collectivités locales, leurs connaissances et leurs styles de vie traditionnels doivent jouer un rôle important dans la conservation ; pour d’autres, la
conservation implique au contraire une limitation sévère des activités humaines
( parfois même de la présence humaine ) dans les régions ciblées.
contrat
Accord contraignant conclu entre deux ou plusieurs parties énonçant les obligations dont chaque partie doit s’acquitter. La durée d’un contrat peut être déterminée d’avance ou dépendre de l’exécution de toutes les obligations ou d’une
entente commune visant à y mettre un terme. Les contrats établissent et définissent
légalement certaines relations, par exemple celles qui lient un employeur et un
employé ou un fabricant de médicaments et un fournisseur d’échantillons
biologiques. Les contrats portant sur le savoir-faire et la confidentialité, par
exemple, sont des contrats ( ou des clauses de contrat ) conclus entre des parties
dont l’une peut être un titulaire de brevet désirant exploiter une invention ou un
procédé inventif par un échange d’information. Les contrats sont normalement des
documents écrits signés par toutes les parties concernées.
courtier
Personne ou organisme intermédiaire entre un acheteur et un vendeur. Les
courtiers profitent financièrement des ententes qu’ils aident à conclure entre fournisseurs ou producteurs de marchandises et acheteurs.
cultivar traditionnel
« Les cultivars traditionnels sont des variétés de plantes qui ont été développées
sur de nombreuses générations, voire sur plusieurs milliers d’années, par des
agriculteurs qui ont sélectionné les plantes présentant les caractéristiques voulues.
Normalement, les cultivars traditionnels sont plus divers génétiquement que les
variétés agricoles modernes et sont souvent adaptés à des environnements locaux
particuliers. Parfois appelés ‘variétés du paysan’, ils sont porteurs de traits génétiques qui leur permettent de survivre et leur donnent leur valeur » ( OTA, 1987,
p. 170 ). Les cultivars sont également connus sous le nom de variétés populaires.
développement durable
« Développement qui satisfait les besoins d’aujourd’hui sans mettre en danger la
capacité des générations futures de satisfaire les leurs » ( CMED, 1987 ).
« Améliorer la qualité de la vie humaine en vivant dans les limites de la capacité
portante des écosystèmes environnants » ( UICN, 1991 ).
domaine public
Tout ce qui est connu dans le monde sans être protégé à titre de propriété intellectuelle.
droit coutumier
« Lorsque des coutumes, des usages et des pratiques sont suffisamment établis et
fixés dans une aire assez étendue, qu’ils sont connus et reconnus et réputés obligatoires, tout autant que les régimes de droit fondés sur des règles écrites, ils sont
à juste titre qualifiés de droit coutumier » ( Walker, 1980 ). En droit international,
le droit coutumier désigne des règles et des pratiques mondialement reconnues et
acceptées, normalement sur une longue période.
droits de propriété intellectuelle
L’information provenant de l’esprit d’une personne peut être entourée de droits
légaux si elle est applicable à la fabrication d’un produit dont le caractère distinctif et utilitaire découle de cette information. Les droits légaux empêchent que
d’autres copient, vendent et importent le produit sans l’autorisation du titulaire du
droit de propriété.
droits moraux
Dans les lois sur le droit d’auteur de certains pays, les auteurs sont protégés par
l’un des deux droits moraux suivants, ou les deux : le droit de paternité et le droit
d’intégrité. Le premier signifie que l’auteur a le droit d’être identifié comme auteur
de l’ouvrage protégé par le droit d’auteur, le deuxième que l’auteur peut empêcher
toute déformation de l’ouvrage qui aurait des répercussions fâcheuses sur sa
réputation.
écosystème
Un système formé de végétaux, d’animaux et d’autres organismes, ainsi que des
éléments non vivants de leur environnement.
espèce
« Une espèce est une population dont les membres sont féconds entre eux dans
des conditions naturelles » ( Wilson, 1992, p. 38 ).
expressions du folklore
Dites aussi « expressions de la culture populaire ». Productions constituées d’éléments caractéristiques du patrimoine artistique traditionnel élaboré par une collectivité ou des particuliers, et qui traduisent les attentes artistiques traditionnelles
de cette collectivité ( voir OMPI, 1985, article 2 ).
fixation
Le fait d’exprimer et d’enregistrer un travail intellectuel sous une forme matérielle
susceptible de reproduction. Un chant, par exemple, peut faire l’objet d’une notation musicale ou être enregistré sur bande audio, et une exécution du chant peut
être enregistrée sur vidéocassette.
fonds fiduciaire
Fonds établi par deux parties qu’une personne ou personne morale pourrait
utiliser pour obtenir un avis juridique indépendant avant de conclure une entente
contractuelle.
fuite de devises étrangères
Le flux inverse, ou vers l’extérieur, des avantages financiers découlant d’un projet
ou d’une activité économique ( le tourisme, par exemple ) qui est indésirable du
point de vue de la population locale et des gouvernements nationaux souhaitant
profiter de tous les avantages économiques possibles générés par l’activité.
gène
Unité linéaire de l’hérédité transmise d’une génération à l’autre pendant la reproduction sexuée ou asexuée. Plus généralement, le terme « gène » peut désigner la
transmission héréditaire de traits identifiables particuliers ( CRDI, 1985 ). Les
gènes interviennent dans la production des protéines.
génie génétique
Techniques mises en œuvre par les scientifiques pour transférer des gènes d’un
organisme à un autre. Une de ces techniques consiste à utiliser l’ADN recombinant.
génome
L’ensemble du message héréditaire d’un organisme contenu dans tous ses gènes,
lesquels gènes se retrouvent dans presque chacune des cellules de l’organisme.
germoplasme
Souvent synonyme de « matériel génétique ». Lorsqu’il est question de plantes, ce
terme désigne la semence ou tout autre matériel à partir duquel les plantes se multiplient ( CRDI, 1985 ).
hybridome
Cellule créée en laboratoire par la fusion d’une cellule tumorale du plasma sanguin
et d’un type de leucocytes. Les hybridomes servent à produire des anticorps facilitant le diagnostic de certaines maladies.
inaliénable
Qui ne peut être cédé ou aliéné ( par exemple les droits sur des terres, des connaissances ou des ressources ).
ingénierie inverse
Inspection détaillée d’un produit jusque dans ses composantes, en vue d’en établir
la source et les méthodes d’assemblage.
lettre d’intention
Genre d’entente non contraignante énonçant les engagements susceptibles d’être
ultérieurement officialisés dans le cadre d’un contrat ( voir « protocole d’entente » ).
licence
Un type de contrat conclu entre un titulaire de propriété intellectuelle et une autre
personne permettant à cette dernière d’utiliser, de fabriquer ou de commercialiser
l’invention moyennant une redevance, un droit ou un paiement immédiat. La
licence peut viser de l’information brevetée, un secret commercial, un ouvrage protégé par le droit d’auteur, etc.
lignée cellulaire
Collection de cellules qui se développent et se multiplient en laboratoire, fournissant l’ensemble du code génétique de l’organisme donateur pour une période
indéfinie à condition d’être stockées à basse température ( par exemple dans de
l’azote liquide ). Une des façons de développer une ligne cellulaire consiste à
infecter des lymphocytes B ( type de leucocytes ) au virus Epstein-Barr.
marqueur d’ADN
Une courte longueur d’ADN à un endroit connu sur un chromosome pouvant être
utilisée par les scientifiques comme « repère » pour trouver des gènes voisins permettant de cartographier le génome de l’organisme.
non-évidence
Dans les lois sur les brevets d’invention, l’expression « non-évidence » signifie
qu’un technicien pourrait copier un produit ou un procédé mais serait incapable
de le faire sans une connaissance préalable de l’information brevetée. Cela est dû
au fait que l’invention comportait une certaine créativité individuelle ( une « activité inventive » ) par delà ce qui est déjà connu. Concrètement, le terme peut donner lieu à des interprétations opposées.
Nord ( le )
Pays industrialisés, surtout regroupés dans l’hémisphère nord : les États-Unis, le
Canada et les pays de l’Europe de l’Ouest et le Japon, mais aussi l’Australie et la
Nouvelle-Zélande.
personne morale ( ou juridique )
« Groupes de personnes ou de choses naturelles auxquelles un régime légal particulier confère une personnalité légale et des traits qui en font, en droit, des genres
de personnes qui peuvent, par conséquent, être le sujet de droits et de devoirs
légaux » ( Walker, 1980 ).
peuples autochtones
« Les descendants actuels du peuple qui habitait sur le territoire actuel d’un pays,
entièrement ou partiellement, au moment où des personnes d’une culture ou
d’une origine ethnique différente sont arrivées d’autres parties du monde, les ont
vaincus et, par voie de conquête, d’établissement ou par d’autres moyens, les ont
réduits à être un groupe non dominant ou colonial ; qui vivent aujourd’hui davantage selon leurs coutumes et traditions sociales, économiques et culturelles que
selon les institutions du pays dont elles font partie, dans le cadre d’une structure
étatique, qui comprend principalement les caractéristiques nationales, sociales et
culturelles d’autres segments de la population prédominante » ( définition ad hoc
adoptée par le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations
autochtones ).
peuples traditionnels
Selon la description qui en est donnée dans la Convention sur la diversité biologique,
les peuples traditionnels sont « des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels ».
pouvoir d’expropriation
« Doctrine selon laquelle un gouvernement a le droit d’exproprier une propriété
privée à des fins publiques. En droit international, l’État est non seulement réputé
avoir le pouvoir de disposer de l’ensemble du territoire national mais être aussi le
propriétaire représentatif du territoire national et de toute autre propriété qui se
trouve dans ses limites » ( Rutherford et Bone, 1993, p. 128 ).
propriété
La propriété suppose des personnes naturelles ou des personnes morales propriétaires ( sociétés, etc. ) d’une chose dont l’approvisionnement est limité. Il peut
s’agir d’objets amovibles, d’objets statiques, sur ou sous la terre, d’une partie de la
surface terrestre elle-même ou d’informations ( propriété intellectuelle ). Être propriétaire impose des limites, établies par la coutume ou le droit, à l’utilisation de
la propriété par les non-propriétaires. Les droits de propriété sont normalement
assortis de certaines obligations.
prospection de la biodiversité
La recherche et la collecte de matériel biologique à des fins commerciales. Les environnements prospectés sont normalement riches en espèces, par exemple les forêts
tropicales et les récifs de corail. Parfois appelée prospection chimique ou bioprospection.
protocole d’entente
Un type d’accord non contraignant qui énonce l’entente préliminaire existant entre
des parties ayant normalement l’intention de conclure un contrat ( voir « lettre
d’intention » ).
réaction de la polymérase en chaîne
Procédé par lequel les scientifiques renouvellent indéfiniment en laboratoire l’ADN
provenant d’échantillons recueillis, sans avoir à recourir à la technologie de l’ADN
recombinant.
recherche contrôlée par la communauté
Recherche scientifique effectuée avec ou sans la participation de personnes de
l’extérieur. Les travaux de ces personnes, le cas échéant, sont supervisés par des
membres de la communauté et toutes les données sont la propriété de celle-ci.
L’information ne fait partie du domaine public que si la communauté le veut.
recherche fondée sur la collaboration
Recherche scientifique dans le cadre de laquelle les communautés locales ont le
statut de collaborateurs experts. Une véritable recherche de ce genre ne doit pas
tirer des profits injustes, mais porter sur des questions de DPI, de protection de la
vie privée, de confidentialité et de consentement préalable donné en connaissance
de cause.
redevance
Un paiement correspondant normalement à un pourcentage fixe par unité vendue
ou par exécution ou diffusion, versé à un titulaire de propriété intellectuelle en
vertu d’un contrat ou d’une autre entente. Les redevances peuvent également être
payées, si cela est stipulé dans un contrat, par une compagnie pharmaceutique à
un fournisseur de matières biologiques si celles-ci renferment un produit biochimique susceptible de conduire à la mise au point d’un nouveau produit pharmaceutique. Les redevances peuvent également être payées par la société d’extraction
des minéraux à un propriétaire de terrain ou à un propriétaire de droits minéraux.
Le propriétaire peut aussi bien être l’État, un propriétaire de terrain privé ou les
occupants s’ils ont un titre légal englobant le sous-sol.
registre des inventions
Un système proposé par le Third World Network comme une institution d’État, où
les communautés pourraient enregistrer leurs innovations et les placer ainsi dans
le domaine public.
registre établi par la communauté
Un registre ou inventaire de toutes les plantes et de toutes les autres espèces connues de la communauté dressé par celle-ci, parfois avec l’aide de personnes de l’extérieur. Doit donner des explications détaillées sur l’utilisation de ces espèces,
notamment de l’information sur la façon de les préparer pour pouvoir s’en servir.
Le registre peut exister sous forme écrite ou de base de données, ou encore être
détenu en conjonction avec un jardin des plantes.
ressource
Tout ce qu’une population utilise directement. Une ressource renouvelable est celle
qui peut se renouveler assez rapidement ; une ressource non renouvelable est celle
dont la consommation entraîne l’épuisement.
ressources biogénétiques
Ressources biologiques et génétiques. Les ressources biogénétiques peuvent comprendre des végétaux, des animaux, des micro-organismes, des cellules et des
gènes.
ressources phytogénétiques
En agriculture, le matériel de reproduction ou de multiplication végétative de
variétés cultivées actuellement ou dans le passé, d’espèces sauvages et non
économiques, ainsi que les souches génétiques spéciales ( comprenant les lignées
de sélection avancées, les lignées d’élite et de mutants ) ( Engagement international
sur les ressources phytogénétiques, article 2.1a ).
richesses naturelles
Substances vivantes et non vivantes d’origine naturelle qui sont ou qui peuvent
être utiles aux populations.
savoir-faire
Certaines connaissances pratiques ou compétences dont quelques personnes
seulement sont dépositaires et qui sont requises pour fabriquer un produit. Un
contrat de licence entre un titulaire de brevet et un fabricant peut comporter du
savoir-faire ainsi que des démonstrations ou instructions qui cèdent ces connaissances au fabricant.
semence orthodoxe
Les semences orthodoxes ont une faible teneur en eau. Elles conservent leur pouvoir germinatif pour de longues périodes et peuvent par conséquent être entreposées par séchage ou congélation jusqu’à ce qu’on en ait besoin.
semence récalcitrante
Les semences récalcitrantes tolèrent mal la déshydratation et ne peuvent, pour le
moment, être conservées par séchage ou congélation pour utilisation ultérieure.
substituer, substitution
Dans les pays sous le régime de la common law ( R.-U., États-Unis et d’autres ex-colonies britanniques ), la substitution est un délit, donnant lieu à des poursuites,
que commet un commerçant qui trompe délibérément ou accidentellement les
consommateurs en leur faisant croire qu’un produit est celui d’un autre fabricant
alors qu’il ne l’est pas.
Sud ( le )
Pays en développement ( ou « moins développés » ) qui sont pauvres sur le plan
technique mais ont souvent une riche diversité biologique. Le Sud comprend des
pays en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, ainsi que la plupart des
pays asiatiques.
sui generis
Unique en son genre ; constituant une classe à part ; unique ; particulier.
valeur ajoutée
Majoration du prix d’un produit entre son point d’origine ( la matière première )
et son point de vente final. Cette majoration peut résulter des procédés de perfectionnement ou de purification utilisés, ou de l’emballage.
virus
Le plus petit type d’organisme connu. Les virus ne peuvent se reproduire tout
seuls ; ils doivent infecter une cellule vivante et usurper ses possibilités de synthèse
et de reproduction ( voir CRDI, 1985 ).
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
ACM | accord de cession de matériel |
ADN | acide désoxyribonucléique |
ADPIC | aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce |
AIPP | Asia Indigenous People’s Pact |
APN | Assemblée des Premières Nations |
ATA | Alliance of Taiwan Aboriginals |
ATCC | American Type Culture Collection ( collection de culture de type américain ) |
BGCI | Botanic Gardens Conservation International |
CAH | Consejo Aguarana/Huambisa |
CAMPFIRE | Programme de gestion des zones communales en faveur des ressources indigènes |
CDB | Convention sur la diversité biologique |
CDC | Centres for Disease Control |
CÉ | courrier électronique |
CIKARD | Center for Indigenous Knowledge for Agriculture and Rural Development |
CIRA | Centre international de recherche agricole |
CIRAN | Centre for International and Advisory Networks |
CMPI | Conseil mondial des peuples indigènes |
CNUCED | Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement |
CNUED | Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement ( Sommet de la Terre ) |
COICA | Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazónica ( Coordination des organisations indigènes de l’Amazonie ) |
CPA | Cordillera People’s Alliance |
CPACP | consentement préalable donné en connaissance de cause ou absence de consentement donné en connaissance de cause |
CPDCC | consentement préalable donné en connaissance de cause |
CRDI | Centre de recherches pour le développement international |
DAR | droits ancestraux sur les ressources |
DIC | droits intellectuels communautaires |
DO | droits des obtenteurs |
DPI | droits de propriété intellectuelle |
DRT | droits sur les ressources traditionnelles |
DUDH | Déclaration universelle des droits de l’homme |
ECOSOC | Conseil économique et social des Nations Unies |
EIE | étude d’impact sur l’environnement |
EIRP | Engagement international sur les ressources phytogénétiques |
FAO | Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture |
FEM | Fonds pour l’environnement mondial |
FENAMAD | Fédération autochtone de la rivière Madre de Dios et de ses affluents |
FMI | Fonds monétaire international |
FSC | Forest Stewardship Council |
GATT | Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce |
GCRAI | Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale |
GEDRT | Groupe d’étude des droits sur les ressources traditionnelles |
GRAIN | Genetic Resources Action International |
GTPA | Groupe de travail sur les populations autochtones, ONU |
HUGO | Organisation du génome humain ( Human Genome Organization ) |
INBio | Instituto Nacional de Biodiversidad |
IPBN | Indigenous Peoples’ Biodiversity Network |
IPGRI | Institut international des ressources phytogénétiques |
ISCA | Institut d’anthropologie sociale et culturelle |
ISE | International Society of Ethnobiology |
LDC | lettre de collecte |
LEAD | Programme de Leiden pour les ethnosystèmes et le développement |
LMD | lettre de mise en demeure |
NCI | National Cancer Institute ( composante des National Institutes of Health, États-Unis ) |
NDI | Noyau pour les droits indigènes ( Brésil ) |
NIH | National Institutes of Health |
Nuffic | Organisation néerlandaise en faveur de la coopération internationale dans l’éducation supérieure |
OIT | Organisation internationale du travail |
OMC | Organisation mondiale du commerce |
OMPI | Organisation mondiale de la propriété intellectuelle |
OMS | Organisation mondiale de la santé |
ONG | organisation non gouvernementale |
PCR | réaction de la polymérase en chaîne ( Polymerase Chain Reaction ) |
PCT | Traité de coopération en matière de brevets ( Patent Cooperation Treaty ) |
PDGH | Projet sur la diversité du génome humain |
PEMASKY | Proyecto de Estudio para le Manajo de Areas Silvestres de Kuna Yala |
PFNL | produit forestier non ligneux |
PICD | projet intégré de conservation-développement |
PIRDCP | Pacte international relatif aux droits civils et politiques |
PIRDESC | Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels |
PNUD | Programme des Nations Unies pour le développement |
PNUE | Programme des Nations Unies pour l’environnement |
POV | protection des obtentions végétales ( voir UPOV ) |
PROCOMITH | Programa de Colaboración sobre Medicina Tradicional y Herbolaria |
R-D | recherche-développement |
RAFI | Fondation internationale pour l’essor rural |
RBG | Royal Botanical Gardens |
SEARICE | Southeast Asia Regional Institute for Community Education |
SRISTI | Society for Research and Initiatives for Sustainable Technologies and Institutions |
TEA | Toledo Ecotourism Association |
UICN | Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources ( ou Union mondiale pour la nature ) |
UNESCO | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture |
UPOV | Union internationale pour la protection des obtentions végétales |
VHR | variétés à haut rendement |
VTLH | virus T-lymphotrope humain |
WWF | World Wildlife Fund ( Fonds Mondial pour la Nature ) |
Cette page est laissée intentionnellement en blanc.
ACOSTA, G.I., 1994, « The Guaymi patent claim », dans VAN DER VLIST, L. ( DIR. ), Voices of the earth: indigenous peoples, new partners and the right to self-determination in practice, Amsterdam ( Pays-Bas ), Centre néerlandais pour les peuples autochtones, p. 44–51.
ADAMS, K.M., 1990, « Cultural commoditization in Tana Toraja, Indonesia », dans Cultural Survival Quarterly, 14, 1, p. 31–34.
ALLOTT, A.N., 1987, « Introduction », dans COTRAN, E. ( DIR. ), Casebook on Kenya customary law, Nairobi ( Kenya ), Professional Books Ltd et Nairobi University Press.
ANTI-SLAVERY SOCIETY, 1990, West Papua: plunder in paradise, Londres ( R.-U. ), Anti-Slavery Society, Indigenous People and Development Series, Rapport no 6.
AXT, J.R., CORN, M.L., LEE, M. ET ACKERMAN, D.M., 1993, Biotechnology, indigenous peoples, and intellectual property rights, Washington ( DC, É.-U. ), Congressional Research Service, Bibliothéque du Congrès, 16 avril.
AYAD, W.G., 1994, « The CGIAR and the Convention on Biological Diversity », dans KRATTIGER, A.F., MCNEELY, J.A., LESSER, W.H., MILLER, K.R., ST HILL, Y. ET SENANAYAKE, R. ( DIR. ), Widening perspectives on biodiversity, Gland ( Suisse ), Union internationale pour la conservation de la nature, et Genève ( Suisse ), Académie internationale de l’environnement, p. 243–254.
BAINES, G., 1992, « Traditional environmental knowledge from the Marovo area of the Solomon Islands », dans JOHNSON, M. ( DIR. ), Lore: capturing traditional environmental knowledge, Ottawa ( ON, Canada ), Centre de recherches pour le développement international, p. 91–110.
BANGS, P., 1993–1994, « Controversy over patents on genes from indigenous peoples leads to NIH retreat », Diversity, 9, 4 et 10, 1, p. 55–57.
BÉRARD, L. ET MARCHENAY, P., 1993, Tradition, regulation and intellectual property: local agricultural products and foodstuffs in France, document présenté lors d’un atelier sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances autochtones tenu du 5 au 10 octobre 1993 à Granlibakken, Lake Tahoe ( CA, É.-U. ), Washington ( DC, É.-U. ), National Science Foundation, Society for Applied Anthropology et American Association for the Advancement of Science.
BERLIN, E.A., 1993, Use and conservation of natural and cultural resources: issues of IPR and sustainable economic development, document présenté lors d’un atelier sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances autochtones tenu du 5 au 10 octobre 1993 à Granlibakken, Lake Tahoe ( CA, É.-U. ), Washington ( DC, É.-U. ), National Science Foundation, Society for Applied Anthropology et American Association for the Advancement of Science.
BLUNDELL, V., 1993, « Aboriginal empowerment and souvenir trade in Canada », dans Annals of Tourism Research, 20, p. 64–87.
BODMER, W. ET MCKIE, R., 1994, The book of man: the quest to discover our genetic heritage, Londres ( R.-U. ), Little, Brown and Co. Ltd.
BOTHE, M., 1980, « Legal and nonlegal norms: a meaningful distinction in international relations? », dans Netherlands Yearbook of International Law, 11, p. 65–95.
BROWN, M. ET WYCKOFF-BAIRD, B., 1992, Designing integrated conservation and development projects, Washington ( DC, É.-U. ), Biodiversity Support Program.
BURNIE, D., 1994, « Ecotourists to paradise », dans New Scientist, 16 avril, 23–27.
CAVALLI-SFORZA, L.L., WILSON, A.C., CANTOR, C.R., COOK-DEEGAN, R.M. ET KING, M.C., 1991, « Call for a worldwide survey of human genetic diversity: a vanishing opportunity for the Human Genome Project », dans Genomics, 11, p. 490 et 491.
CAVALLI-SFORZA, L.L., MENOZZI, P. ET PIAZZA, A., 1994, Qui sommes-nous? Une histoire de la diversité humaine, Paris ( France ), Albin Michel.
CLAY, J., 1992, « Building and supplying markets for nonwood tropical forest products », dans The rainforest harvest: sustainable strategies for saving the tropical forests? Londres ( R.-U. ), Friends of the Earth, p. 250–255.
CMED ( COMMISSION MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT ), 1987, Notre avenir à tous, Montréal ( QC, Canada ), Éd. du Fleuve.
CMPI ( CONSEIL MONDIAL DES PEUPLES INDIGÈNES ), 1993, Presumed dead. . . but still useful as a human by-product, Ottawa ( ON, Canada ), CMPI.
COICA ( COORDINADORA DE ORGANIZACIONES INDIGENAS DE LA CUENCA AMAZÓNICA ), 1990, Primer encuentro cumbre entre pueblos indígenas y ambientalistas, Manifesto publico, Iquitos ( Pérou ), COICA.
CORRY, S., 1992, « Letter », dans New Statesman and Society, 23 octobre, p. 27 et 28.
CORRY, S., 1993, “Harvest moonshine” taking you for a ride, Londres ( R.-U. ), Survival International.
CRDI ( CENTRE DE RECHERCHES POUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL ), 1985, « Appendix XII », dans Biotechnology: opportunities and constraints, Ottawa ( ON, Canada ), IDRC-MRII0e.
CUNNINGHAM, A.B., 1993a, Conservation, knowledge and new natural products development: partnership or privacy?, document présenté lors d’un atelier sur les droits de propriété intellectuelle et le savoir autochtone tenu du 5 au 10 octobre 1993 à Granlibakken, Lake Tahoe ( CA, É.-U. ), Washington ( DC, É.-U. ), National Science Foundation, Society for Applied Anthropology et American Association for the Advancement of Science.
———1993b, Ethics, ethnobiological research, and biodiversity, Gland ( Suisse ), Fonds mondial pour la nature.
DAVIS, S.H., 1993, Pathways to economic development through intellectual property rights, document présenté lors de la Première Conférence internationale sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des peuples autochtones tenue en juin 1993 à Whakatane ( Nouvelle-Zélande ). [Distribué par S.H. Davis, Banque mondiale, Washington ( DC, É.-U. ).]
Diversity, 1994, « Managing global genetic resources: agricultural crop issues and policies », Rapport spécial, dans Diversity, 10, 2, p. 19.
DOWNES, D., LAIRD, S.A., KLEIN, C. ET CARNEY, B.K., 1993, « Biodiversity prospecting contract », dans REID, W.V., LAIRD, S.A., MEYER, C.A., GAMEZ, R., SITTENFELD, A., JANZEN, D.H., GOLLIN, M.A. ET JUMA, C. ( DIR. ), Biodiversity prospecting: using genetic resources for sustainable development, Washington ( DC, É.-U. ), World Resources Institute, p. 255–287.
ECOSOC ( CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES NATIONS UNIES ), 1986, Étude du problème de la discrimination à l’encontre des populations autochtones, Genève ( Suisse ), ECOSOC, E/CN.4/sub.2/1986/7, Addendum 4, paragraphe 625.
———1992a, La propriété intellectuelle des peuples autochtones : rapport concis du secrétaire général, Genève ( Suisse ), ECOSOC, E/CN.4/sub.2/1992/30.
———1992b, Rapport de la conférence technique des Nations Unies sur l’expérience pratique acquise dans la réalisation par les peuples autochtones d’un développement autonome durable et respectueux de l’environnement, Genève ( Suisse ), ECOSOC, E/CN.4/sub.2/1992/31.
ECOSOC ( CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DES NATIONS UNIES ) ET LE GROUPE DE TRAVAIL DES POPU- LATIONS AUTOCHTONES, 1993, La discrimination à l’encontre des peuples autochtones : document de travail sur la question de la propriété et du contrôle des biens culturels des peuples autochtones, Genève ( Suisse ), ECOSOC, E/CN.4/sub.2/1993/28.
ELISABETSKY, E. ET POSEY, D.A., 1994, « Ethnopharmacological search for antiviral compounds: treatment of gastrointestinal disorders by Kayapo medical specialists », dans Ethnobotany and the search for new drugs, Chichester ( R.-U. ), John Wiley and Sons, Symposium 185, p. 77–94.
FARNSWORTH, N.R., 1988, « Screening plants for new medicines », dans WILSON, E.O. ( DIR. ), Biodiversity, Washington ( DC, É.-U. ), John Wiley and Sons, p. 83–97.
FREEDMAN, P., 1994, « Boundaries of good taste », dans Geographical, 66, 4, p. 12–14.
GCRAI ( GROUPE CONSULTATIF POUR LA RECHERCHE AGRICOLE INTERNATIONALE ), 1995, GCRAI Répertoire/Centres de recherche, http://www.worldbank.org/html/cgiar/centers.html. [Octobre.]
GLOWKA, L., BURHENNE-GUILMIN, F., SYNGE, H., MCNEELY, J.A. ET GUNDLING, L., 1994, A guide to the Convention on Biological Diversity, Gland ( Suisse ), Union internationale pour la conservation de la nature, Document d’information sur le politique et le droit relatifs à l’environnement no 30.
GOLLIN, M.A., 1993, « An intellectual property rights framework for biodiversity prospecting », dans REID, W., LAIRD, S.A., MEYER, C.A., GAMEZ, R., SITTENFELD, A., JANZEN, D.H., GOLLIN, M.A. ET JUMA, C. ( DIR. ), Biodiversity prospecting: using genetic resources for sustainable development, Washington ( DC, É.-U. ), World Resources Institute, p. 159–197.
GOLVAN, C., 1992, « Aboriginal art and the protection of indigenous cultural rights », dans European Intellectual Property Law Review, 14, 7, p. 227–232.
GRADWOHL, J. ET GREENBERG, R., 1988, Saving the tropical forests, Washington ( DC, É.-U. ), Island Press.
GRAIN ( GENETIC RESSOURCES ACTION INTERNATIONAL ), 1995, Framework for a full articulation of farmers’ rights, Barcelone ( Espagne ), GRAIN, Document de travail.
GRAY, A., 1994, « Territorial defence as the basis for indigenous self-development », dans Indigenous Affairs, 4, p. 2 et 3.
GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahoma City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology.
GROUPE LE CREUSET ( CRUCIBLE GROUP ), 1994, Un brevet pour la vie. La propriété intellectuelle et ses effets sur le commerce, la biodiversité et le monde rural, Ottawa ( ON, Canada ), Centre de recherches pour le développement international.
HANLON, J., 1979, « When the scientist meets the medicine man », dans Nature, 279, p. 284 et 285.
HOWARD, K., 1989, Bands, songs and shamanistic rituals: folk music in Korean society, Séoul ( Corée ), Royal Asiatic Society, Section de la Corée.
———1993, « Use and abuse in the preservation of a Korean shaman ritual », dans Quaderni dell’Accademia Chigiana, 45, p. 169–188.
HUGO ( ORGANISATION DU GÉNOME HUMAIN ), 1993, Human Genome Diversity Workshop: summary of planning workshop 3B, Londres ( R.-U. ), HUGO.
———1994, The Human Genome Diversity Project: summary document, Londres ( R.-U. ), HUGO.
JACOBS, J.W, PETROSKI, C., FRIEDMAN, P.A. ET SIMPSON, E., 1990. « Characterization of the anticoagulant activities from a Brazilian arrow poison », dans Thrombosis and Hæmostasis, 63, 1, p. 31–35.
JOHNSON, S.P, 1993, The Earth Summit, CNUED ( introduction and commentary ), Londres ( R.-U. ), Graham and Trotman /Nijhoff, International Environmental Law and Policy Series.
JUMA, C., 1989, The gene hunters: biotechnology and the scramble for seeds, Englewood Cliffs ( NJ, É.-U. ), Princeton University Press.
KAHN, S. ET TALAL, H., 1987, Indigenous peoples: a global quest for justice, Rapport pour la Commission indépendante sur les questions humanitaires internationales, Londres ( R.-U. ), Zed Books.
KELLER, C., 1994, « Gen-Jäger und Sammler » [Chasseurs et collectionneurs de gênes], dans Philippinen Forum, 38, 39–41.
KENNEDY, K.J. ET ZERNER, C., 1994, Equity in biodiversity prospecting: a comparative analysis on institutional approaches for the return of benefits, New York ( NY, É.-U. ), Rainforest Alliance.
KEVLES, D.J. ET HOOD, L., 1992, The code of codes: scientific and social issues of the Human Genome Project, Cambridge ( MA, É.-U. ), Harvard University Press.
KING, S.R., 1994, « Establishing reciprocity: biodiversity, conservation and new models for cooperation between forest-dwelling peoples and the pharmaceutical industry », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 69–82.
KLOPPENBURG, Jr, J.R., 1988a, First the seed: the political economy of plant biotechnology, 1492–2000, Cambridge ( R.-U. ), Cambridge University Press.
———1988b, Seeds and sovereignty, Londres ( R.-U. ), Duke University Press.
KLOPPENBURG, Jr, J. ET GONZALES, T., 1994, « Between state and capital: NGOs as allies of indigenous peoples », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 163–177.
KOTHARI, A., 1993, Beyond the biodiversity convention: a view from India, Maastricht ( Pays-Bas ), African Centre for Technology Studies, Série biopolitique internationale, no 13.
LAIRD, S.A., 1993, « Contracts for biodiversity prospecting », dans REID, W.V., LAIRD, S.A., MEYER, C.A., GAMEZ, R., SITTENFELD, A., JANZEN, D.H., GOLLIN, M.A. ET JUMA, C. ( DIR. ), Biodiversity prospecting: using genetic resources for sustainable development, Washington ( DC, É.-U. ), World Resources Institute, p. 99–130.
LERNER, S., 1992, Beyond the Earth Summit: conversations with advocates of sustainable development, Bolinas ( CA, É.-U. ), Commonweal.
LESSER, W.H., 1991, Equitable patent protection in the developing world: issues and approaches, Christchurch ( Nouvelle-Zélande ), Eubios Ethics Institute.
LEWIN, R., 1993, « Genes from a disappearing world », dans New Scientist, 29 mai, p. 26–29.
LNECTC ( LOITA NAIMINA ENKIYIO CONSERVATION TRUST COMPANY ), 1994, Forest of the lost child: a Maasai conservation success threatened by greed, Narok ( Kenya ), LNECTC.
LOCK, M., 1994, « Interrogating the human diversity genome project », dans Social Science and Medicine, 39, 5, p. 603–606.
LYNCH, O.J. ET ALCORN, J.B., 1993, Tenurial rights and community based conservation, Document présenté lors d’un atelier sur la conservation par les communautés en octobre 1993, Airlie ( VA, É.-U. ), Liz Claiborne et Art Ortenberg Foundation. [On peut en obtenir une copie auprès de Janis Alcorn, Programme de soutien de la biodiversité, à l’att. du WWF, 1250 24th Street NW, Washington, DC, 20037, É.-U.]
MARKS, J., 1995, Human biodiversity: genes, race, and history, New York ( NY, É.-U. ), Walter de Gruyter.
MCINTYRE, L., 1989, « Last days of Eden », dans National Geographic, 174, 6, p. 800–817.
MEAD, A.T.P., 1993, « Delivering good services to the public without compromising the cultural and intellectual property rights of indigenous peoples: the economics of customary knowledge », dans New Zealand Institute of Public Administration Research Papers, 10, 3, p. 31–36.
MEGARRY, V.C., 1977, Tito v Waddell ( no 2 ) ( 1977 ) 3 all E.R. 129. [Décision de la Cour de la Chambre de la Chancellerie anglaise.]
MORAN, A.G. ( DIR. ), 1994, IPR sourcebook Philippines: with special emphasis on intellectual property rights in agriculture and food, Los Baños ( Philippines ), Université des Philippines, Los Baños College of Agriculture and Management, et Organizational Development for Empowerment.
MORAN, W., 1993, « Rural space as intellectual property », dans Political Geography, 12, 3, p. 263–277.
MYERS, N., 1993, « Biodiversity and the precautionary principle », dans Ambio, 22, 2–3, p. 74–79.
NATIONAL GEOGRAPHIC, 1994, « From museums, Indian remains go home », dans National Geographic, 185, p. 1.
NIJAR, G.S., 1994, Towards a legal framework for protecting biological diversity and community intellectual rights: a Third World perspective, document présenté lors de la deuxième session du Comité international pour la Convention sur la diversité biologique tenue du 20 juin au 1er juillet 1994 à Nairobi ( Kenya ), Penang ( Malaisie ), Third World Network.
NUTTALL, M., 1994, « Greenland: emergence of an Inuit homeland », dans MINORITY RIGHTS GROUP ( DIR. ), Polar peoples: self-determination and development, Londres ( R.-U. ), Minority Rights Publications.
ODI ( OVERSEAS DEVELOPMENT INSTITUTE ), 1993, Patenting plants: the implications for developing countries, Document d’information, Londres ( R.-U. ), ODI.
OKOTH-OGENDO, H. W.O., 1989, « Some issues of theory in the study of tenure relations in African agriculture », dans Africa, 59, 1, p. 6–17.
OMPI ( ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ), 1985, Dispositions types de législation nationale sur la protection des expressions du folklore contre l’exploitation illicite et d’autres actions dommageables, Genève ( Suisse ), OMPI et Unesco.
———1988, Background reading material on intellectual property, Genève ( Suisse ), OMPI.
———1989, Protection of expressions of folklore, Conférence, Genève ( Suisse ), Bureau international, OMPI.
OTA ( OFFICE OF TECHNOLOGY ASSESSMENT ), 1984, Commercial biotechnology: an international analysis, Washington ( DC, É.-U. ), US Government Printing Office.
———1987, Technologies to maintain biological diversity, Washington ( DC, É.-U. ), OTA, no OTA-F-330.
PATEL, S., 1994, « Patients could lose out in tussle over gene bank », dans New Scientist, 26 mars.
PETERSEN, T.S., 1994, « The home rule situation in Greenland », dans VAN DER VLIST, L. ( DIR. ), Voices of the earth: indigenous peoples, new partners and the right to self-determination in practice, Amsterdam ( Pays-Bas ), Centre néerlandais pour les peuples autochtones, p. 113–123.
PINEL, S.L. ET EVANS, M.J., 1994, « Tribal sovereignty and the control of knowledge », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 41–55.
PNUD ( PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT ), 1993, The GEF Small Grants Programme: progress report no. 3, New York ( NY, É.-U. ), PNUD.
PNUE ( PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT ), 1995, Report of the Second Meeting of the Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity, Genève ( Suisse ), PNUE, PNUE/CBD/COP/2/19.
POSEY, D.A., 1990, « Intellectual property rights and just compensation for indigenous knowledge », dans Anthropology Today, 6, 4, p. 13–16.
———1994, « International agreements and intellectual property right protection for indigenous peoples », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 223–251.
POSEY, D.A., ARGUMEDO, A., DA COSTA E SILVA, E., DUTFIELD, G. ET PLENDERLEITH, K., 1995, Indigenous peoples, traditional technologies and equitable sharing: international instruments for the protection of community intellectual property and traditional resource rights, Gland ( Suisse ), Union internationale pour la conservation de la nature.
PRINCIPE, P.P., 1989, « Valuing the biodiversity of medicinal plants », dans AKERELE, O., HEYWOOD, V. ET SYNGE, H. ( DIR. ), The conservation of medicinal plants, Cambridge ( R.-U. ), Cambridge University Press.
RAFI ( FONDATION INTERNATIONALE POUR L’ESSOR RURAL ), 1993, Patents, indigenous peoples, and human genetic diversity, Communiqué, Ottawa ( ON, Canada ), mai, RAFI.
RICHARDSON, B.J., CRAIG, D. ET BOER, B., 1994, Aboriginal participation and control in environmental planning and management: review of Canadian regional agreements and their potential planning application to Australia, Darwin ( Australie ), North Australian Research Unit, Australian National University.
RODDICK, G., 1992, « Letter », dans New Statesman and Society, 23 octobre, p. 28 et 29.
ROSS, H., YOUNG, E. ET LIDDLE, L., 1994, « An inspiration for Australian land management », dans Australian Journal of Land Management, 1, p. 1.
ROSSLER, M., 1993a, « La préservation des paysages culturels », dans La lettre du patrimoine mondial, 2, p. 14 et 15.
———1993b, « L’intégration des paysages culturels au patrimoine mondial », dans La lettre du patrimoine mondial, 1, p. 15.
———1993c, « Tongariro, 1er paysage culturel inscrit sur la liste », dans La lettre du patrimoine mondial, 4.
RUPPERT, D., 1994, « Buying secrets: federal government procurement of intellectual cultural property », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 111–128.
RUTHERFORD, L. ET BONE, S. ( DIR. ), 1993, Osborn’s concise law dictionary, 8e éd., Londres ( R.-U. ), Sweet and Maxwell.
SASSON, D., 1989, « Considering the perspective of the victim: the antiquities of Nepal », dans MESSENGER, P.M. ( DIR. ), The ethics of collecting cultural property: whose culture? whose property?, Albuquerque ( NM, É.-U. ), University of New Mexico Press, p. 61–72.
SCHWEITZER, J.F., GRAY HANDLEY, F., EDWARDS, J., HARRIS, W.F., GREVER, M., SCHEPARTZ, S., CRAGG, G., SNADER, K. ET BHAT, A., 1991, « Summary of the workshop on drug development, biological diversity, and economic growth », dans Journal of the National Cancer Institute, 83, p. 1294–1298.
SEEDLING, 1990, « New Delhi Declaration », dans Seedling, 7, 2, p. 4 et 5.
———1994, « Special issue on international agricultural research », dans Seedling, 11, 2.
SHAND, H., 1993, Biodiversity, patents and indigenous peoples, document présenté lors d’un atelier intitulé « Peuples autochtones : droits de l’homme et développement durable » lors de la Conférence mondiale des droits de l’homme le 18 juin 1993 à Vienne ( Autriche ). [L’auteur peut être joint à RAFI-É.-U., PO Box 655, Pittsboro, NC 27312, É.-U.]
SHAW, M.N., 1994, International law, 3e éd., Cambridge ( R.-U. ), Cambridge University Press.
SHIVA, V., 1994a, « Freedom for seed », dans Resurgence, mars-avril, p. 36–39.
———1994b, « The need for sui generis rights », dans Seedling, 12, 1, p. 11–15.
SNEAD, B., 1992, « Forest conservation helps Amazon peoples », dans Front Lines, juin, p. 5 et 6.
SORENSON, C., 1993, Controls and sanctions over the use of forest products in the Kafue River basin of Zambia, Londres ( R.-U. ), Overseas Development Institute, Rural Development Forestry Network, Document no 15a.
SOUTHWORTH, E., 1994, « A special concern », dans Museums Journal, juillet, p. 23–25.
STEPHENSON, D.J., 1994, « A legal paradigm for protecting traditional knowledge », dans GREAVES, T. ( DIR. ), Intellectual property rights for indigenous peoples: a sourcebook, Oklahama City ( OK, É.-U. ), Society for Applied Anthropology, p. 179–189.
SUTHERLAND, J., 1993, National overview of policies, protocols and legislation dealing with indigenous Australians’ intellectual and cultural property, document présenté lors d’un atelier sur
le réseau des Autochtones des forêts tropicales et l’Office de gestion des tropiques humides
tenu du 25 au 27 novembre 1993, non publié. [L’auteur peut être joint à l’adresse suivante :
Australian National University, Department of International Relations, GPO Box 4,
Canberra, ACT 2601, Australie.]
SWAIN, M.B., 1989, « Developing ethnic tourism in Yunnan, China », dans Tourism Recreation Research, 14, 1, p. 33–39.
TOBIN, B., 1995, Putting the commercial cart before the cultural horse: a study of the international cooperative biodiversity group ( ICBG ) program in Peru, non publié. [L’auteur peut être joint à l’adresse suivante : Sociedad Peruana de Derecho Ambiental, Plaza Arrospide No. SPDA 9, San Isidro, Lima 27, Pérou.]
UICN ( UNION INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE ET DE SES RESSOURCES ), 1980, Stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement, Gland ( Suisse ), UICN.
———1994, Lignes directrices pour les catégories de gestion des aires protégées, Gland ( Suisse ), Commission des parcs nationaux et des aires protégées, avec l’assistance du Centre mondial de surveillance continue de la nature ( Cambridge, R.-U. ).
UICN ( UNION INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE ET DE SES RESSOURCES ), PNUE ( PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT ) et WWF ( FONDS MONDIAL POUR LA NATURE ), 1991, Sauver la planète : stratégie pour l’avenir de la vie, Gland ( Suisse ), UICN, PNUE et WWF.
UNESCO ( ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE ), 1990, « Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 25e session », dans Bulletin du droit d’auteur, 24, 1, p. 8–12.
———1994, Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, Paris ( France ), Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, UNESCO.
———1995, Rapport du Groupe de travail du Comité international de bioéthique de l’Unesco sur la génétique des populations : bioéthique et recherche en génétique, Paris ( France ), UNESCO.
VALENTINE, P.S., 1993, « Ecotourism and nature conservation: a definition with some recent developments in Micronesia », dans Tourism Management, avril, p. 107–115.
VAN WIJK, J., COHEN, J.I. ET KOMEN, J., 1993, Intellectual property rights for agricultural biotechnology: options and implications for developing countries, Rapport de recherche no 3, La Haye ( Pays-Bas ), Service international pour la recherche agricole nationale.
VAN ZILE, J., 1993, « The many faces of Korean dance », dans Korea briefing: festival of Korea, Boulder ( CO, É.-U. ), Westview Press, p. 99–119.
VINES, G., 1995, « Genes in black and white », dans New Scientist, 8 juillet, p. 34–37.
WALGATE, R., 1990, Miracle or menace? Biotechnology and the Third World, Londres ( R.-U. ), The Panos Institute.
WALKER, D.M., 1980, The Oxford companion to law, Oxford ( R.-U. ), Oxford University Press.
WARREN, D.M., 1990, Indigenous knowledge and development, Washington ( DC, É.-U. ), Agriculture Department, Banque mondiale, Série de séminaires sur la sociologie et la gestion des ressources naturelles.
WELLS, M., 1992, « Biodiversity conservation, affluence and poverty: mismatched costs and benefits and efforts to remedy them », dans Ambio, 21, 3, p. 237–243.
WELLS, M.P. ET BRANDON, K.E., 1993, « The principles and practice of buffer zones and local participation in biodiversity conservation », dans Ambio, 22, 3, p. 157–162.
WHEAT, S., 1994, « Taming tourism », dans Geographical, 66, 4, p. 16–19.
WILSON, E.O., 1992, The diversity of life, Cambridge ( MA, É.-U. ), Belknap Press.
WOREDE, M. ET MEKBIB, H., 1993, « Linking genetic resource conservation to farmers in Ethiopia », dans DE BOEF, W, AMANOR, K., WELLARD, K. ET BEBBINGTON, A. ( DIR. ), Cultivating knowledge: genetic diversity, farmer experimentation and crop research, Londres ( R.-U. ), Intermediate Technology Publications.
WORKING GROUP ON INTELLECTUAL PROPERTY RIGHTS, 1993, Rapport présenté lors de la conférence sur les droits de propriété intellectuelle et les connaissances autochtones tenu du 5 au 10 octobre 1993 à Granlibakken, Lake Tahoe ( CA, É.-U. ), Washington ( DC, É.-U. ), National Science Foundation, Society for Applied Anthropology et American Association for the Advancement of Science.
WORLD RESOURCES INSTITUTE, 1992, Global biodiversity strategy: guidelines for action to save, study and use Earth’s biotic wealth sustainably and equitably, Washington ( DC, É.-U. ), World Resources Institute, Union internationale pour la conservation de la nature et Programme des Nations Unies pour l’environnement.
YOUNG, E., 1995, Third World in the First: development and indigenous peoples, Londres ( R.-U. ), Routledge.
ZURICK, D.N., 1992, « Adventure travel and sustainable tourism in the peripheral economy of Nepal », dans Annals of the Association of American Geographers, 82, 4, p. 606–628.
On trouvera dans la présente section d’abord une liste d’organismes, d’institutions et de particuliers, autochtones et non autochtones, qui s’intéressent aux questions des droits de propriété intellectuelle ( DPI ), des droits sur les ressources traditionnelles ( DRT ) et à des questions connexes. Un grand nombre des personnes et organismes figurant sur cette liste sont mentionnés dans l’ouvrage. La liste d’adresses est établie par ordre alphabétique : continent, pays et, dans chaque pays, les institutions, les personnes indépendantes figurant à la fin de la liste.
La liste de groupes de discussion électronique sur le développement durable de l’environnement, la justice sociale et économique, les droits universels de la personne et la paix, qui est placée à la suite, sera utile aux organismes qui ont accès à la « toile » World Wide Web. On trouvera également les adresses de pages d’accueil de certaines organisations.
La dernière partie de cette section renferme une « Bibliographie analytique », une longue liste de publications se rapportant aux questions abordées dans l’ouvrage. Il s’agit de la liste de documents la plus complète sur les DPI et les DRT établie à ce jour ; elle est accompagnée d’un « Index des principaux sujets abordés par la bibliographie analytique ».
Susan Higgins-Opitz Anthony B. Cunningham |
CamerounSarah Laird Ada Ndeso-Atanga ÉthiopieJ. Hanson |
Getachew Mengistie Regassa Feyissa Tsedeke Abate KenyaAfrican Centre for Technology Studies Agnes Ndungi Indigenous Peoples of East Africa Foundation Kennedy Wanyonyi Barasa William Overholtz Douglas John Boland ou |
G.N. Kibata Ian Gordon MAA Development and Welfare Association E.M. Mbogo ou E. Kipruto Maru ou Christine H.S. Kabuye ou Patrick N. Muthoka Cyriaque Sendashonga Pauline Ngunjiri Peter Ngunjiri |
NigériaHilaire C.I. Adibe Ethnic Minority Rights Organization of Africa M.A. Azuine ou Miriam Isoun Clement O. Adewunmi C.O.C. Agwu ou OugandaJ.M.A. Opio-Odongo |
RwandaAssociation pour la promotion des Batwa TanzanieDirector Korongoro Integrated Peoples Oriented to Conservation Director Sabina Mnaliwa ZambieGodfrey Lieto Wamulwange Director ZimbabweGama Mutemeri India Musokatwane |
Amérique centraleBahamasP.A. Mailus Donald Cooper BélizeCaribbean Organization of Indigenous Peoples Joseph Palacio Costa RicaAsociación de Desarrollo Indígena « Cabecar » Asociación Indígena de Costa Rica Ulises Hernandez Nersis Coordinadora Regional de Pueblos Indígenas de Centro America, Mexico y Panamá J.A. Cabrera |
El SalvadorAsociación Nacional Indígena Salvadoreña Guatemala500 Años de Resistencia Indígena, Negra y Popular Asociación de Escritores Mayances de Guatemala Comité de Unidad Campesina Comité Organizador Indígena Kaqchiquel Consejo de Mujeres Mayas de Guatemala Consejo de Organizaciones Mayas de Guatemala Consejo Nacional de Desplazados de Guatemala Coordinadora Nacional de Viudas de Guatemala |
HondurasComité Pro-Desarollo Integral de la Moskitia Confederación de Pueblos Autóctonos de Honduras Osvaldo Munguia MexiqueAgencia Internacional de Prensa India Alianza de Profesionales Indígenas Bilingues Asamblea de Autoridades Mixes de Mexico Centro Cultural Driki Comité de Solidaridad Triqui Consejo de Pueblos Nahuas del Alto Balsas Consejo Nacional de Médicos Indígenas Ignacio H. Chapela |
Frente Independiente de Pueblos Indios Andres Fabrigas ou Arturo Argueta Oficina de Rigoberta Menchú Organizaciones Azachis Zapoteca Programa de Colaboración sobre Medicina Tradicional y Herbolaria ( PROCOMITH ) Union de Comuneros « Emiliano Zapata » de Michoacán Robert A. Bye, Jr Victor Manuel Toledo Zapotec Nation |
NicaraguaParlamento Indígena de America Sonia Lagos-Witte PanamaAsociación Kunas Unidos por Nabguana Atencio Lopez Martinez Centro de Desarrollo Indígena Comarca Kuna Yala Congreso de Organizaciones Indias de Centro América, México y Panama Congreso General Guaymi Congreso General Kuna Movimiento de la Juventud Kuna |
George R Angehr Union Nacional de Mujeres Kunas Amérique du NordCanadaApamuwek Institute Assemblée des chefs du Manitoba Keith Conn Association des femmes Inuits Baffin Region Inuit Association Julian T. Inglis Timothy Johns |
Confédération des Premières Nations du Traité Six Conférence Inuit circumpolaire ( Canada ) Congrès des peuples autochtones Conseil mondial des peuples autochtones Council for Yukon Indians Cultural Survival Canada Tara Cullis Dene Cultural Institute Dene Nation The Eastern Door |
Federation of Newfoundland Indians Federation of Saskatchewan Indian Nations Fondation internationale pour l’essor rural ( RAFI ) Four Directions Council Four Nations Administration Helena Laraque ou Grand conseil de la Nation micmaque Grand conseil des Cris Indian Association of Alberta Indian Governments of Saskatchewan |
Alejandro Argumedo Indigenous Survival International Indigenous Women’s Network Information Network of Indigenous Peoples of the Americas Innu Tipatshimun Mashineikantsiuap International Organization of Indigenous Resource Development Inuit Broadcasting Corporation Inuit Tapirisat du Canada Inuvialuit Regional Corporation Labrador Inuit Association |
Mikmaq Research Centre Mary Simon Native News Network Native Women’s Association of Canada Tungavik Incorporated Union of British Columbia Chiefs Union of New Brunswick Indians Union of Nova Scotia Indians Union of Ontario Indians Russel Barsh |
World Indigenous Women’s Science Network Lorraine F. Brooke Petr Cizek Peter Poole États-Unis d’AmériqueAkwesasne Notes Alaska Federation of Natives, Inc. Alaska Native Coalition Alaska Native Human Resource Development Program Aleutian/Pribilof Islands Association, Inc. American Indian Anti-Defamation League American Indian Law Alliance |
American Indian Movement Robert F. Barnes Edgar J. Asebey Apache Survival Coalition Arctic Village Traditional Council Association on American Indian Affairs Janis B. Alcorn Black Hills Teton Sioux Nation George N. Appell Margie Macauly Tom Greaves Howard R. Berman |
D. Michael Warren David Downes Center for International Indigenous Rights and Development Liliana Obregon David Cleveland ou Barbara Rose Johnston Cheryl Eldemar Mane-Pierre Astier Steve Rubin |
Cook Inlet Tribal Council, Inc. Council of Athabascan Tribal Governments Caroline Wheal Janet McGowan ou Carol J. Piscoya Benedict W. Kingsbury Deborah G. Strauss Peter T. Hazlewood Gwich’in Steering Committee Professor Richard Evans Schultes |
Haudenosaunee Land Rights Commission Katy Moran Dean Suagee The Hopi Tribe Melvin Ember Robert T. Coulter Steven M. Tullberg Indigenous Women’s Network Indigenous World Association / Association du monde indigène / Asociación Mundo Indigena Kristin Dawkins Melody Smith |
Anthony Arturo Wilbur Hoff Antonio G. Gonzales William H. Lesser Inuit Circumpolar Conference K’aayelli Group Alexandra Lindgren Barbara Svarny Carlson Miranda Wright Kodiak Area Native Association Lakota Sovereignty Organizing Committee |
Robert L. Merriam, Jr Brian A. Meilleur Gordon M. Cragg National Chicano Human Rights Council National Congress of American Indians National Indian Youth Council, Inc. Native American Journalists Association Native American Public Broadcasting Consortium Native Lands Research and Policy Institute Navajo-Hopi Land Commission |
Navajo Nation Brian M. Boom Thomas D. Mays Sarah Lloyd Michael Brown Rainforest Action Network Charles Zerner Jason Clay Hope Shand ou |
Seeds of Change Thomas Carlson ou Adriana Fabra ou South and Meso American Indian Information Center ( SAIIC ) Southwestern Association on Indian Affairs, Inc. Sovereignty Network of Alaska Native Peoples June Starr Tlingit and Haida Tribes of Alaska Tonantzin Land Institute Traditional Elders Circle |
William L. Balee United National Indian Tribal Youth, Inc. Marcel Viergever Gordon L. Pullar Stephen B. Brush Calvin Qualset Stefano Varese Susanna Hecht Elois Ann ou |
Laura C. Merrick Tirso Gonzales Jack Kloppenburg Mary N. Layoun James Boyle Walter H. Lewis Western Shoshone National Council |
Shelton H. Davis Walter V. Reid Lori Ann Thrupp Nancy Lee Peluso Patricia J. Cummings Donald N. Duvick Louise Rosenblatt Goines Ellen Hope Hayes Carole Hill |
Michael F. Lane Daniel M. Putterman Elisabet Sahtouris David J. Stephenson Mililani B. Trask Amérique du SudArgentineAmerindia por los Derechos de los Pueblos Indios Asociación de Comunidades del Pueblo Guaraní Asociación Indígena de la República de Argentina Centro Kolla Centro Mocovi « Lalek Lav’a » |
Comisión Interamericana de Juristas Indígenas ( Cordinación en Argentina ) Instituto Qheshwa Jujuymanta Organización de las Comunidades Indígenas del Valle Calchaqui BolivieAsociación Nacional de Radialistas y Comunicadores en Idiomas Nativos de Bolivia Central de Cabildos Indígenas Moxeños |