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L’e-gouvernement pour la bonne gouvernance dans les pays en développement : l’expérience du Projet eFez

L’e-gouvernement pour la bonne gouvernance dans les pays en développement : l’expérience du Projet eFez

Driss Kettani et Bernard Moulin

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Maquette de couverture : Laurie Patry
Mise en pages : In Situ

Table des matières

Remerciements

Préface

Sandra Mc Cardell
Ambassadeur du Canada au Maroc

CHAPITRE I
Contexte global

Introduction

Le prologue…

Le projet eFez

Résultats et retombées du projet eFez

Retombées organisationnelles

Retombées reliées aux citoyens

Les retombées politiques

Les retombées technologiques :

e-Appropriateness, e-Awareness and e-Readiness

Plan d’action/carte de route

Cadre d’évaluation des retombées/des impacts

Récompenses et reconnaissances internationales

Alors, pourquoi ce livre?

Public ciblé

Structure du livre

CHAPITRE II
Les deux facettes des TIC pour le dévelopement

Introduction

Historique de l’évolution des TIC

Émergence des technologies d’information et de communication pour le développement

L’infrastructure de base et les limites qui persistent dans l’alimentation électrique

Des technologies cablées aux technologies sans fil

Des terminaux coûteux aux terminaux à faible coût

Solutions logicielles et alternatives émergentes

Attention accrue au contenu numérique disponible sur le Web

La nature ubiquiste des TIC

Les capacités de transformation des TIC

Les TIC ne sont pas une option – ce sont soit une menace soit une opportunité !

Les pressions organisationnelles internes

La pression nationale caractérisée par les difficultés du partage d’informations à travers les groupes d’intervenants divers

Les pressions internationales

Le « leapfrogging » pour capitaliser sur les expériences passées et les leçons apprises

Conclusion

Références

CHAPITRE III
L’e-gouvernement et l’e-gouvernance

Introduction

L’e-gouvernement et l’e-gouvernance

L’e-gouvernement et l’e-gouvernance comme moyens de bonne gouvernance

Domaines d’application de l’e-gouvernement

Domaines d’application de l’e-gouvernance

Engagement électronique (C2G)

Consultation électronique (G2C)

Contrôle électronique (G2G)

Atouts et bénéfices de l’e-gouvernement et de l’e-gouvernance

Les facteurs de risque

Maturité de l’e-gouvernement et de l’e-gouvernance

Conclusion

Références

CHAPITRE IV
Évaluation des résultats et retombées sur la bonne gouvernance

Introduction

Approches d’évaluation des systèmes d’e-gouvernement

Définitions et mesures de la bonne gouvernance

Caractéristiques de la bonne gouvernance

Mesures de la bonne gouvernance

Méthodologie eFez d’analyse des retombées

Présentation générale

Méthode de collecte des données

Conclusion

Références

CHAPITRE V
Adoption de l’approche transformative dans le développement des systèmes d’e-gouvernement

Introduction

Quelques questions fondamentales à poser au lancement de projets ICT4D/e-gouvernement

Pourquoi tant de projets ICT4D/e-gouvernement échouent-t-ils?

La « barrière » de la connaissance

Défis critiques des projets ICT4D/e-gouvernement dans les PED/PMD?

Doit-on adopter une approche centralisée ou une approche décentralisée?

Des enjeux importants dans la gestion des projets d’ICT4D/e-gouvernement

Fournir un leadership, établir un partenariat

La formation et le renforcement des capacités locales

Lignes directrices pour la conception et la mise en œuvre de projets d’e-gouvernement

Les projets d’ICT4D/e-gouvernement sont des processus de transformation

La question fondamentale : doit-on vraiment utiliser les TIC?

Qui sont les acteurs clés de ces institutions?

Comment les cadres supérieurs considèrent-ils généralement l’introduction des TIC?

Pourquoi un tel point de vue est-il voué à l’échec?

Gérer le changement

Gestion du changement

Un point de vue biologique du processus de transformation

Vers une approche raisonnée et systématique pour gérer la transformation

Gérer un projet pilote de transformation

L’importance des Champions

Maintenir les conditions favorables

L’importance de développer une vision commune pour le projet est cruciale

La gestion de la PPT vue comme une expérience

Le processus de suivi et d’évaluation (PSE)

L’équipe conseil externe (ECE)

L’équipe de développement externe (EDE) et le développement des solutions ICT4D

Compléter le PPT et communiquer ses résultats

Conclusion

Références

CHAPITRE VI
Carte de route générique pour les projets ICT4D/e-gouvernement

Introduction

Une carte de route générique

La première phase (PH1)

La seconde phase (PH2)

La troisième phase (PH3)

La quatrième phase (PH4)

La cinquième phase (PH5)

Un modèle commun de présentation

La phase PPT

Objectifs et principaux acteurs du PPT

Étapes du PPT

Les processus du PPT

La phase DDESL

Objectifs et acteurs principaux de la phase DDESL

Étapes de la DDESL

Processus de la phase de DDESL

La phase DDESG

Objectifs et intervenants de la DDESG

Étapes de la phase DDESG

Processus de la phase DDESG

La phase de transition vers l’autonomie (PTA)

Objectifs et intervenants de la phase PTA

Étapes de la PTA

Étape de clôture de la phase PTA

Les processus de la phase PTA

Conclusion

Références

CHAPITRE VII
La carte de route du projet eFez

Introduction

L’approche eFez

Création et maintien de conditions favorables

L’étape de démarrage (ou lancement)

L’étape de développement et de déploiement

L’évaluation systématique des retombées du projet

La phase PPT du projet eFez

Vision, mission et objectifs de la phase 1 d’eFez

Champions, intervenants et esprit d’équipe

Affinage des objectifs du projet

Proposer/développer une plate-forme informatisée

Ajustements continuels

L’évaluation des retombées

La phase DDESL du projet eFez

Maintenir des conditions favorables

Implication des e-champions et des intervenants

Formation et diffusion

Une planification et un suivi soigneux du projet

La mise à jour et le partage de la vision du projet

Une plate-forme TIC mieux adaptée

La formation et le coaching

L’évaluation et les ajustements vers la DDESG

La phase DDESG du projet eFez

Réexamen de la stratégie avec une équipe élargie

Appropriation et propriété

Maintenir des conditions favorables

Une nouvelle organisation

Conception et renforcement de la platforme TIC

La formation et le coaching

Passage à l’échelle

La phase PTA du projet eFez

Conclusion

Références

CHAPITRE VIII
Aspects techniques des systèmes d’e-gouvernement

Introduction

Aspects organisationnels

L’écosystème global

Diviser pour « réussir »…

Développement réalisé à l’interne ou par un prestataire

Règlemements, lois et normes

Les risques technologiques

Les 4 piliers d’un système d’e-gouvernement

Aspects architecturaux

Architecture d’application

Architecture système

Architecture de service

Sécurité, authentification et contrôle d’accès

Le contrôle d’accès logique/technique

Les contrôles administratifs

Les plate-formes matérielles

Les processeurs multi-cœur

Cloud Computing

La technologie de virtualisation

Centres de données

Les plate-formes logicielles pour les systèmes d’e-gouvernement

Les logiciels de base

Les logiciels serveurs Web et d’application

Les logiciels de gestion des données

Les licences de logiciels

Mise en réseau et interconnexion

Conclusion

Références

Conclusion

eFez comme projet de conduite de changement

eFez et l’enjeu de ressources humaines

Appropriation et pérennité

Le projet eFez comme enjeu d’avenir

Recommandations finales

Les TIC fonctionnent... Le problème est ailleurs !

Les décideurs et les politiciens devraient faire un effort !

Les TIC représentent une opportunité

Les TIC pour la bonne gouvernance est l’enjeu clé !

ANNEXE 1
Une vision synthétique des enjeux importants au succès des projets ICT4D et d’e-gouvernement

Index

Diagrammes, figures et tableaux

Diagramme 3.1 : Moyennes régionales de préparation à l’e-gouvernement

Diagramme 3.2 : La fracture numérique de l’Afrique comparée au reste du monde

Figure 2.1 : Évolution des plate-formes technologiques

Figure 2.2 : Taux de pénétration dans le monde par régions géographiques en 2010 - Deux continents accueillant des pays en développement, l’Afrique et l’Asie, ont une pénétration d’Internet au-dessous de la moyenne mondiale

Figure 3.1 : Évolution du mode de livraison du service public

Figure 3.2 : Gouvernance intégrée par le biais de TIC

Figure 3.3 : Modèle de mesure de la présence sur le Web

Figure 3.4 : Principaux critères utilisés dans le DOI

Figure 3.5 : DOI dans les pays africains

Figure 4.1 : La méthode orientée « retombées » du Projet eFez

Figure 6.1 : Une carte de route générique

Figure 6.2 : Canevas générique de présentation des phases

Figure 6.3 : Le modèle de la phase PPT

Figure 6.4 : Cadre de la phase DDESL

Figure 6.5 : Le cadre de la phase DDESG

Figure 7.1 : Aperçu de l’approche eFez

Figure 7.2 : Étape de lancement de l’approche eFez

Figure 7.3 : La phase de développement et de déploiement de la carte de route d’eFez

Figure 7.4 : Évaluation systématique des retombées du projet

Figure 7.5 : Conceptualisation du modèle Centre de données avec le CERCL

Figure 7.6 : L’architecture réseau du Centre de données

Figure 7.7 : L’architecture des capacités d’interconnexion du Centre de données

Figure 7.8 : Modèle de changement émergeant de la mise en place d’eFez2

Figure 7.9 : Croissance de la délivrance des certificats BEC

Figure 8.1 : Tétraèdre représentant les 4 dimensions d’un système d’e-gouvernement

Figure 8.2 : Architecture à trois-tiers

Figure 8.3 : Architecture d’application web 4-tiers du système eFez

Figure 8.4 : Le schéma de conception MVC pour les applications Web

Figure 8.5 : Architecture du système d’eFez

Figure 8.6 : Cycle du service Web

Figure 8.7 : Architecture de services Web (source : http://oreilly.com/java/archive/what-is-a-portlet.html)

Figure 8.8 : Un ensemble de microprocesseurs gérés par un hyperviseur qui permet la création de nombreuses machines virtuelles

Figure 8.9 : Un Centre de données

Figure 8.10 : Hiérarchie des réseaux

Figure 8.11 : Structure typique du MAN

Tableau 2.1 : Statistiques de la population et de l’utilisation mondiale de l’Internet en 2012

Tableau 2.2 : Les pays en développement les mieux classés

Tableau 3.1 : Des technologies qui ont transformé l’organisation du gouvernement

Tableau 3.2 : Fourniture de services par secteur

Tableau 3.3 : La prise de décision par des voies électroniques

Tableau 3.4 : Application des TIC pour la formulation de politiques

Tableau 3.5 : Application d’e-consultation

Tableau 3.6 : Les bénéfices multi-utilisateurs de l’e-gouvernement

Tableau 3.7 : Classement régional selon du niveau de préparation à l’e-gouvernement

Tableau 3.8 : Le classement des 35 pays ayant le meilleur DOI

Tableau 4.1 : Les indicateurs de valeurs publiques selon Kearns

Tableau 4.2 : Les indicateurs e-Gep pour la valeur publique de l’e-gouvernement

Tableau 4.3 : Douze indicateurs principaux de la gouvernance urbaine

Tableau 4.4 : Attributs et retombées connexes mesurables de la bonne gouvernance pour le projet eFez

Tableau 4.5 : Les retombées de la prestation de services automatisés sur la bonne gouvernance du projet

Tableau 5.1 : Eléments communs aux niveaux nationaux et sousnationaux des stratégies d’e-gouvernement

Tableau 7.1 : État de réplication du Centre de données à Fez

Tableau 7.2 : Résumé des activités de développement de capacités effectuées entre mars et avril 2009, ainsi que leurs objectifs de formation, les résultats escomptés et les retombées

Tableau 8.1 : Les différentes architectures nécessaires à la mise en place d’un système d’e-gouvernement

Annexe

Tableau 1 : La gestion du contexte du projet ICT4D/e-gouvernement

Tableau 2 : La bonne gouvernance (BG) et le leadership dans le domaine des projets ICT4D/e-gouvernement

Tableau 3 : Vision et renforcement des capacités en lien avec les projets ICT4D/e-gouvernement

Tableau 4 : La gouvernance et la gestion d’un projet ICT4D/e-gouvernement

Tableau 5 : Assurer la durabilité de la transformation

Remerciements

Ce livre n’aurait pas pu être publié sans le support du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, tant au niveau financier que du savoir-faire. Par ces quelques mots, nous aimerions exprimer toute notre gratitude à cette magnifique organisation et à tout son personnel. En particulier, nous aimerions souligner l’immense travail effectué par Dr. Adel El Zaïm et par Laurent Elder pour supporter et mener à bon port le projet eFez. Ils ont toujours soutenu le projet par leur appui, leur grande disponibilité et leurs propositions de solutions et d’alternatives quand des problèmes se présentaient. Nous aimerions aussi remercier Matthew Smith qui a été patient et persévérant avec nous, et n’a jamais hésité à faire le nécessaire pour faciliter la production de ce livre.

Nous voulons aussi remercier nos institutions respectives, Al Akhawayn University à Ifrane et l’Université Laval à Québec. En particulier, nous voulons mentionner les contributions et le support de Dr. Amine Bensaid, du Président Rachid Belmokhtar et du Président Driss Ouaouicha.

Écrire un livre est un défi très exigeant et une tâche qui prend énormément de temps. Sans le dévouement et l’appui des membres de l’équipe du projet eFez, et d’un ensemble d’autres partenaires, nous n’aurions pas pu mener cette tâche à bien. Nous voulons remercier chaleureusement et reconnaître la contribution significative d’Asmae El Mahdi et de Houda Chakiri qui ont rassemblé une grande partie du contenu de base (revues de littérature, articles, rapports techniques, bancs d’essai, etc.) qui nous a grandement facilité le travail. Asmae et Houda ont aussi été des actrices clé de l’équipe et ont contribué de façon significative au succès du projet eFez. Nous voudrions aussi exprimer toute notre reconnaissance au Dr. Michael Gurstein pour sa contribution lors de l’élaboration du cadre d’analyse des retombées que nous présentons dans le livre (chapitre 4). Un grand merci aussi au Dr. Tajje-Eddine Rachidi qui a accepté d’être co-auteur du chapitre 8 et l’a enrichi de ses connaissances et son expertise dans le domaine de la sécurité et des réseaux.

Nous voulons souligner l’excellente coopération et la contribution des décideurs et des employés de la commune de Fès et de l’arrondissement Agdal. Nous voulons remercier tout particulièrement Feu Mohamed Alaoui Idrissi Titna, regretté Président de l’arrondissement Fès-Agdal, pour sa foi dans le projet eFez, pour son appui continu lors de son déroulement et pour sa contribution significative à son succès. Comme il nous a quittés juste avant la finalisation de ce livre, nous avons écrit la conclusion du livre en son hommage. Nous aimerions aussi remercier chaleureusement le personnel de l’Arrondissement Fès-Agdal qui s’est particulièrement impliqué dans le projet : Abdelhadi Hilali, Mostafa Alami, Rabia Mekkaoui et Bouchra Sefrioui. Sans leur soutien et leur dévouement, le projet eFez n’aurait pas été un succès et nous n’aurions certainement pas été motivés à écrire ce livre pour partager cette magnifique expérience.

Écrire et produire ce livre nous a pris plus de trois ans de travail acharné avec des hauts et des bas, faisant face parfois à des situations difficiles à gérer et des moments de découragements où nous pensions que nous n’arriverions jamais à relever le défi jusqu’au bout ! Pendant ces moments difficiles, le support de nos familles respectives a été un précieux atout et un réconfort. Driss aimerait particulièrement remercier son épouse Nawal pour son soutien permanent pendant toutes ces années, ainsi que ses deux enfants Lyna et Neil qui sont les plus beaux cadeaux que la Vie et Dieu lui ont donné. Bernard aimerait remercier très chaleureusement son épouse et ses proches pour leur soutien et leur compréhension tout au long du projet eFez et de la réalisation de ce livre.

Préface

Dans un monde de plus en plus virtuel où l’écrit devient éphémère et instantané, la parution d’un livre est toujours une bonne nouvelle.

C’est une bonne nouvelle aussi parce que ce livre est le fruit d’une collaboration fructueuse entre trois institutions de référence, deux au Canada – l’Université Laval et le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) – et l’autre au Maroc – l’Université Al Akhawayn à Ifrane.

C’est enfin une excellente nouvelle parce que le premier auteur de ce livre est un pur produit des deux systèmes d’enseignement, Canadien et Marocain, et qu’il a su tirer le meilleur des deux cultures.

Pour l’Ambassadeur du Canada au Maroc, préfacer ce livre est une occasion idoine pour célébrer la profondeur de nos relations et le formidable gisement d’excellence qu’offre la coopération entre nos deux pays.

À travers l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC), ce livre adresse la question primordiale de la livraison des services aux citoyennes et aux citoyens, qui sont en droit d’attendre de la part des responsables élus ou désignés, la meilleure réponse à leurs attentes.

Il adresse à une plus grande échelle la question de la bonne gouvernance locale et de la participation citoyenne qui constituent le socle fondamental de toute démocratie véritable.

Le Maroc est engagé depuis les lendemains de son indépendance dans un processus ambitieux de décentralisation et de modernisation des structures de l’Etat; même si le chemin est encore long, plusieurs étapes ont déjà été franchies avec succès sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, avec pour ligne de mire la régionalisation avancée.

L’expérience canadienne en matière de décentralisation est très riche et les échanges dans ce sens sont à encourager. Le Canada a d’ailleurs appuyé ce processus volontariste à travers le projet Gouvernance locale Maroc (GLM), dont je découvre les nombreuses retombées positives lors de mes déplacements sur le terrain.

Dans un contexte dominé par les effets d’une crise profonde et des soubresauts d’un printemps arabe qui appelle à plus de responsabilité sociale, le Maroc poursuit son chemin vers un avenir meilleur, grâce notamment au formidable potentiel de sa jeunesse et de ses compétences.

Le Canada est très fier de contribuer au développement de ce pays à travers sa plus importante ressource, ses citoyennes et ses citoyens.

Sandra Mc Cardell
Ambassadeur du Canada au Maroc

CHAPITRE I

Contexte global

I. INTRODUCTION

Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) engendrent un potentiel énorme pour améliorer la vie des gens en général et des personnes dans les pays en développement en particulier. L’utilisation des TIC peut stimuler le commerce, appuyer les systèmes d’éducation et de santé et renforcer à tous les niveaux les gouvernements dans leur processus de développement à l’échelle globale. De nos jours, il est difficile d’imaginer nos vies sans l’ordinateur parce qu’il est partout présent autour de nous, dans les voitures, les téléphones, les avions, les banques, les écoles, etc.

Les applications numériques sont de plus en plus populaires et font partie intégrante de notre quotidien. Par conséquent, une caractéristique déterminante de notre époque, dans les pays développés, est l’omniprésence de la technologie et la prévalence de l’accès à Internet. La croissance constante des activités contrôlées (partiellement ou totalement) par des moyens technologiques en est une tendance palpable. Ces activités se retrouvent dans presque tous les domaines d’activité, et leur utilisation ne cesse d’augmenter à la maison, au travail et dans le domaine des loisirs. Plusieurs facteurs ont contribué à cette croissance, transformant ainsi l’ordinateur en un outil essentiel non seulement pour faire des affaires mais aussi pour soutenir et stimuler les activités personnelles et sociales des individus. Ces facteurs comprennent l’apparition d’Internet, l’intégration d’appareils informatiques et des infrastructures de télécommunications, la miniaturisation des dispositifs et la diminution considérable des coûts d’acquisition. Petit à petit, dans les pays développés, la perception des ordinateurs a progressivement changé d’appareils purement techniques à des outils « tout en un » qui soutiennent et développent presque toutes les activités humaines. Le terme TIC est apparu dans le but d’accompagner ce changement et est défini comme l’ensemble des systèmes informatiques (applications, données, connectivité, équipements et accessoires) qui appuient/soutiennent des activités typiques de la société telles que l’apprentissage (l’e-apprentissage), la santé (e-santé) et le gouvernement (e-gouvernement).

Contrairement à l’opportunité extraordinaire et prometteuse qu’offrent les TIC aux Pays Développés (PD) les Pays En Développement et les Pays Moins Développés (PED/PMD), en général, ne se sont pas encore engagés dans l’ère numérique. La plupart d’entre eux n’ont pas encore développé leur « back-office » (soit la saisie et le stockage en format exploitable par les applications informatiques des données propres à ces pays concernant leur population, leur environnement, leur culture, etc.). Dans de nombreux cas, le développement et l’utilisation des TIC ont été mis de l’avant juste pour sauver les apparences et pour faire partie des pays « in » qui disposent tout naturellement de portails Web, d’adresses email et de comptes sur les réseaux sociaux. On se rend rapidement compte que ces portails sont mal conçus et inadaptés pour l’usage public (pas de services en ligne, pas de capacités de localisation, pas de contenu local ou approprié, pas de participation électronique, pas de précision, pas de mises à jour) et qu’ils n’ont aucune valeur ajoutée significative pour le citoyen.

À cause de ce contraste entre les PD et les PED/PMD en matière d’exploitation et de prolifération des TIC, un phénomène préoccupant est apparu : la ‘fracture numérique’. La fracture numérique désigne l’écart existant entre les personnes/pays ayant un accès effectif à la technologie numérique et à l’information, et ceux qui n’en ont pas ou qui en ont très peu. Cette fracture englobe les disparités dans l’accès physique à la technologie en tant que ressource, ainsi que dans les compétences nécessaires pour participer efficacement à la construction et au développement de la société numérique. La fracture numérique est étroitement liée à la disparité dans le savoir (‘knowledge divide’), car le manque d’accès à la technologie rend difficile l’accès aux informations et aux connaissances utiles.

Dès les années quatre-vingt-dix, un grand nombre de PED/PMD ont exprimé leurs intentions de faciliter la diffusion des TIC en vue de remédier à leurs différents problèmes et lutter contre l’aggravation de la fracture numérique. Ces obstacles sont principalement de deux catégories :

• au niveau international, il y a la nécessité d’opérer la transition vers une société d’information et vers une économie du savoir; et,

• au niveau national, il y a l’intention de favoriser le développement socio-économique et d’améliorer la qualité de la gouvernance pour atteindre la ‘bonne gouvernance’.

Aussi, de nombreux pays développés à travers le monde ont créé des organisations internationales pour la promotion des TIC afin d’aider les autres pays à rattraper leur retard technologique, et éviter ainsi l’élargissement de l’écart déjà existant dans le domaine économique et technologique. De leur côté, plusieurs PED/PMD ont entamé la modernisation et la libéralisation de leur secteur des télécommunications au milieu des années quatre-vingt-dix et ensuite ont mis en place les structures, les institutions, les politiques et les stratégies nécessaires pour faciliter la diffusion des TIC dans le secteur public par l’intermédiaire de l’e-gouvernement. Ces pays ont adopté en matière de TIC des stratégies nationales proposées par des consultants internationaux, souvent avec l’appui financier de bailleurs de fonds internationaux comme la Banque Mondiale et/ou l’Organisation des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Malheureusement, la plupart de ces stratégies étaient simplement dupliquées d’un pays à l’autre sans égard particulier au contexte local et aux contraintes associées. Les résultats ont été peu positifs pour les PED/PMD, avec très peu de changements concrets observés sur le terrain. Beaucoup de projets TIC se sont soldés par des échecs, soit partiels soit totaux. Dans les rares cas de succès, les déploiements des projets TIC sont restés concentrés au niveau du gouvernement central avec une attention particulière pour les interactions ‘gouvernement à gouvernement’ (G2G), tandis que les transactions ‘gouvernement à citoyen’ (G2C) n’ont pas connu de développement. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’impact concret sur la vie quotidienne des citoyens ordinaires dans ces pays, comme en témoigne l’absence presque complète de systèmes de gouvernement électronique dans les administrations centrales et locales. La plupart des services aux citoyens tels que les soins médicaux, la justice, l’éducation, les services de police, de sécurité et les services municipaux sont toujours opérés de façon manuelle dans les PED/PMD. Les citoyens ont besoin d’interagir physiquement avec les employés du gouvernement pour obtenir des informations ou des services. Les bureaux du gouvernement conservent encore les données sur papier, traitent ces données manuellement pour servir les citoyens et ont un canal de distribution unique : le face-à-face entre citoyen et employé au comptoir de service. Bon nombre de ces pays n’ont pas encore commencé à utiliser les TIC pour transformer leurs processus, et ainsi, ne peuvent pas initier l’automatisation de la prestation de services aux citoyens. Dans les pays développés, cette transformation de l’état a commencé pendant les années 1960–1970 et s’est terminée entre 1970 et 1980. Cela reflète l’énorme fossé numérique qui sévit entre les PD d’un côté et les PED/PMD de l’autre.

Un nombre croissant de personnes, en particulier dans les sphères de la société civile et du monde académique, ont commencé à exprimer leurs préoccupations et leurs inquiétudes :

• Pourquoi la transformation de l’État grâce aux TIC est-elle aussi lente?

• Comment pouvons-nous réduire la fracture numérique?

• Comment est-il possible d’initier et d’accélérer la diffusion des TIC dans les gouvernements locaux à travers le déploiement de systèmes de gouvernement électronique?

• Comment pourrait-on favoriser la mise au service des TIC au développement humain, en général, et à la qualité de la gouvernance, en particulier?

• La diffusion des TIC par le biais du déploiement de systèmes de gouvernement électronique peut-elle contribuer à la réalisation de la bonne gouvernance?

C’est dans ce sens que notre équipe de recherche du Laboratoire ICT4D de l’Université Al Akhawayn à Ifrane au Maroc, en coopération avec l’Université Laval au Québec/Canada et le Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) du Canada, a décidé d’entreprendre des activités de recherches pour adresser ces questions importantes.

Notre recherche s’est intéressée particulièrement au renforcement de la bonne gouvernance au Maroc à travers l’utilisation des TIC. Le gouvernement du Maroc encourage l’utilisation des TIC dans le secteur public afin de favoriser la bonne gouvernance et le bien-être des citoyens. Cependant, le développement et le déploiement des TIC dans le secteur public restent très lents en raison de facteurs socio-politiques et économiques dont, entre autres :

• Le coût élevé du déploiement et de la maintenance;

• Le manque d’infrastructures TIC au niveau local;

• Le niveau élevé de l’illettrisme « numérique »;

• Le faible niveau de sensibilisation, de disposition et d’acceptabilité;

• L’absence de suivis formels ou structurés et d’approches d’évaluation.

Ces facteurs sont reliés et s’influencent mutuellement pour créer un cercle vicieux qui aggrave la fracture numérique au Maroc. En outre, il n’existe aucun système d’e-gouvernement déployé pour les gouvernements locaux du Maroc (arrondissements, communes urbaines/rurales, régions, etc.). C’est là pourtant que se déroulent la plupart des interactions entre les citoyens et l’administration publique, en particulier pour la demande de services et de documents (certificat de naissance, certificat de résidence et passeport par exemple). Ces services sont les plus importants et les plus demandés au niveau socio-économique. Ils représentent tout naturellement la base la plus crédible de tout système d’e-gouvernement visant la bonne gouvernance. Le Maroc ne représente certainement pas le plus mauvais exemple concernant l’utilisation et la diffusion de la technologie, mais il offre un cas typique d’étude qui permet de comprendre l’état de la situation des TIC dans les PED/PMD.

Dans le cadre de sa mission de recherche globale (les TIC pour la bonne gouvernance), l’un des principaux projets sur lesquels notre équipe de recherche a travaillé est le projet eFez. Ce projet a été un vrai succès (voir section IV) et a été récompensé par plusieurs prix (voir la section IV). Il a généré un ensemble conséquent de retombées à différents niveaux, ainsi que des idées, des connaissances et du savoir-faire se rapportant à la fois à l’ingénierie et au champ des sciences sociales.

Avant d’entrer dans les détails du projet eFez (objectifs spécifiques, méthode de travail, résultats générés, reconnaissances, etc.), laissez-nous vous présenter l’origine et les motivations de ce projet. En effet, tout a commencé par une expérience personnelle de Driss Kettani, co-auteur de ce livre.

II. LE PROLOGUE…

Alors que je venais de retourner du Canada vers mon pays d’origine le Maroc, j’avais immédiatement aperçu le phénomène de la fracture numérique comme une réalité qui faisait tourner le pays au ralenti par rapport à ce que j’avais l’habitude de voir en Amérique du nord. Dans les aéroports, les écoles, les hôpitaux, les petits commerces, les officines libérales, l’usage de l’ordinateur était très limité et se concentrait autour de la micro-informatique (chiffriers, traitement de texte, etc.) et des besoins individuels (jeux, clavardage ou ‘chat’, etc.). Le prix d’un ordinateur au Maroc était trois fois plus élevé qu’en Amérique du Nord alors que le salaire moyen des gens y était 5 fois moins élevé ! L’ordinateur était encore perçu et considéré comme un objet de luxe et son utilisation comme un caprice de la classe sociale aisée.

Avec tout le sentiment de frustration que cette situation pouvait engendrer, j’avais quelque part en moi une voix qui me présentait le côté positif de la chose et insistait sur le fait que c’était plutôt une opportunité ! Une opportunité parfaite pour celui qui veut bien contribuer dans ce domaine des technologies et leur application pour le développement humain et social. Ouf ! Toute une entreprise ! Par où commencer? Comment commencer? Avec qui? Avec quoi? Toutes ces questions m’ont tourmenté pendant longtemps, mais je savais que c’était cela que je voulais/devais faire.

Un jour, alors que j’étais en train de préparer mes cours dans mon bureau, le doyen de ma faculté vint me voir à l’improviste et me parla d’un projet de recherche proposé par l’ambassade britannique à Rabat pour développer un démonstrateur, preuve de concept d’un système d’e-gouvernement. L’échéancier (6 mois) et le budget (20000 US$) alloués à ce projet étaient tellement contraignants que j’ai dû gentiment décliner l’invitation de mon doyen en arguant que je n’avais ni affinité de recherche ni compétences nécessaires pour le mener à bien. Cette proposition coïncidait aussi avec la période où mon épouse et moi attendions un bébé d’un jour à l’autre et donc je me suis dit que ce n’était pas du tout le moment de m’encombrer avec un tel projet puisque j’allais être incessamment pris/occupé par la nouvelle naissance. Mon doyen n’avait pas trop mal pris ce refus de ma part, mais il m’a demandé quand même d’y réfléchir une autre fois.

Peu de temps après survint la naissance de ma petite fille, Lyna, en avril 2003. J’avais accueilli cet événement avec beaucoup de joie et de bonheur. Quelques jours, plus tard, le Mokaddam (représentant itinérant de l’autorité publique dans notre quartier de résidence) vint nous visiter à la maison pour me rappeler l’obligation d’aller enregistrer le nouveauné au Bureau d’Etat Civil (BEC). Je trouvais ce geste très sympathique de sa part et je profitais de sa présence pour lui demander où se trouve ce fameux bureau. Il sourit alors et me dit qu’étant donné que la fille était née dans une clinique à Meknès (à une heure de route de la petite ville d’Ifrane où nous habitions), je devais l’enregistrer dans le BEC le plus proche de cette clinique dans cette ville, et que ce n’était pas possible de le faire autrement. Je trouvais cela un peu bizarre, mais je remerciais Monsieur le Mokaddam pour l’information précieuse qu’il m’avait fournie et le laissais partir.

Le lendemain, en citoyen responsable, je me dirigeais vers la ville de Meknès à la recherche du fameux BEC. Après plusieurs tentatives, j’arrivais à trouver le bureau en question. Je m’y dirigeais alors et j’y entrais. Personne n’était là, et l’endroit donnait l’impression d’avoir été évacué récemment et rapidement. Je m’informais alors, ici et là, et je comprenais que suite à une décision du tribunal en faveur de celui qui louait ce local à la municipalité, et après de nombreux tentatives d’évacuation de ce local de façon discrète, il a fallu que l’huissier utilise la méthode forte ! Résultat, le BEC et les registres d’état civil qui s’y trouvaient devaient être relocalisés ailleurs de façon très urgente, sans en informer les citoyens qui, eux, n’ont pas le choix que de subir les mauvaises décisions de leurs élus locaux.

Évidemment, on n’a pas cru bon de poster une note pour informer de la nouvelle adresse du BEC. Il fallait simplement « se débrouiller » pour l’obtenir. Comme je ne suis pas de Meknès et que c’est quand même une grande ville, il était difficile pour moi de deviner où pouvait bien se situer ce bureau. Je demandais sporadiquement aux gens dans la rue et je finis par savoir qu’il fallait aller demander cette information au palais de justice. Je me dirigeais vers le palais de justice et là on me confirma l’histoire de l’évacuation de dernière minute du BEC en question. On me dit qu’il fallait attendre quelques jours et revenir les voir, le temps de savoir où serait logé le BEC évacué. J’ai essayé de leur demander un numéro de téléphone ou un site internet (que j’étais naïf alors !) où trouver cette adresse. On me fit comprendre que ce n’était pas comme cela que j’allais avoir l’information dont j’avais besoin et qu’il fallait absolument faire le déplacement une autre fois. Je retournais bredouille à Ifrane en blâmant la mauvaise chance que j’avais eue ce jour-là.

Trois jours plus tard je refaisais le même trajet, arrivais à Meknès, entrais au palais de justice et essayais de parler au monsieur qui m’avait renseigné la dernière fois. On m’informa alors que le palais de justice était en grève et que le monsieur en question ne reviendrait pas avant le début de la semaine suivante. En lui racontant mon histoire j’arrivais quand même à attirer la sympathie d’un garde qui était proche de là. Celui-ci, après quelques consultations de ses connaissances, arriva à dénicher la nouvelle adresse de « mon » bureau d’état civil : le Palais d’exposition de Meknès ! Je m’y dirigeais illico presto. J’y arrivais et j’y entrais. C’était vraiment un palais d’exposition (produits d’artisanat) géant qui n’a rien à voir avec un BEC. Je me renseignais encore une fois ici et là, et je finis par comprendre que le BEC en question se situait au bout d’un couloir très mal aéré et sans lumière de jour. Je suivis donc les instructions et j’y arrivais enfin. Je fus surpris alors de voir une file d’attente incroyable (sans ordre apparent) où se faufilaient de temps à autre des personnes sans attendre, le plus souvent accompagnées d’individus qui semblaient être bien connus par les fonctionnaires. Au bout d’une longue heure de patience, c’était finalement mon tour. Je saluais le monsieur au comptoir en face de moi, mais celui-ci ne prit pas la peine de me répondre. Il me dit tout de suite : « Qu’est-ce que je peux faire pour vous? ». Je lui expliquais que je voulais ‘inscrire ma petite fille dans le registre d’état civil’ et il me répondit immédiatement en me fournissant une longue liste de documents à présenter. Entre autres, il fallait amener des documents relatifs à ma propre naissance et à celle de ma femme. Dans mon cas, les documents de naissance se trouvent dans un village que je ne connaissais jusqu’alors que par le nom. Dans le cas de ma femme, ces documents se trouvaient dans une ville située à plus de 1000 km de notre lieu de résidence. Je pris donc note de ces documents avec beaucoup d’étonnement et de désagrément. Je commençais déjà à songer à tout laisser tomber parce que cela était trop compliqué !

De retour chez moi, j’en ai parlé à certaines de mes connaissances qui m’ont toutes confirmé que cette procédure était inévitable et qu’il fallait s’armer de beaucoup de patience pour passer au travers. L’essentiel de cette procédure tournait autour de la fourniture de papiers médicaux relatifs à la naissance du bébé et de papiers administratifs originaux relatifs à la naissance, à la résidence et au statut professionnel des deux parents.

Au bout de quelques semaines (et quelques interventions en ma faveur par des personnes bien placées !) je finis par avoir tous les documents demandés par l’officier d’état civil du BEC de Meknès. À ma surprise, à chaque fois que j’allais voir cet officier pour lui remettre ces documents, ce monsieur demandait toujours un document de plus qu’il prétendait avoir oublié la fois précédente, m’occasionnant ainsi des retards, des coûts et des efforts supplémentaires. Je me décidais alors, après plusieurs allers et retours, de lui demander pourquoi il oubliait systématiquement un papier alors qu’il savait parfaitement que cela me causait une gêne et un dérangement énormes. Le monsieur se mit alors à se plaindre pendant un long moment, mettant en cause ses conditions de travail lamentables et calamiteuses. Pendant que le Monsieur de l’état civil se plaignait à moi de ses conditions de travail, il n’avait tout évidement aucun souci pour les dizaines de citoyens qui attendaient derrière moi dans la file. Il me fit comprendre à la fin de son discours qu’il pouvait m’aider (sur son temps personnel bien sûr !), si j’acceptais d’être généreux avec lui. Après quelques moments d’hésitation, j’acceptai son offre et fis comme tout le monde (ou presque !). Au fond de moi, j’étais conscient que je venais de commettre un acte peu gratifiant qui allait à l’encontre de tous mes principes moraux, mais je me donnais 100.000 raisons pour dire que finalement ce n’était pas si grave que cela. Aussi, au fur et à mesure que le Monsieur de l’état civil me racontait « ses histoires », je sympathisais avec lui et me donnais encore plus de raisons de « l’avoir aidé » avec le billet de 50DH. Je me disais alors que ce n’était pas lui le « coupable » et que ce n’était pas moi le coupable non plus. C’était le système. Et c’est vraiment ça : c’est le système qui est le seul responsable de cette situation ! Essayons donc de comprendre un peu plus ce système.

Le service d’état civil a été introduit au début du 20e siècle au Maroc, par le protectorat français, pour principalement servir les ressortissants français établis au Maroc. À la fin du Protectorat, le Maroc a adopté ce système avec des petites modifications de forme (arabisation, séparation des registres Marocains/non marocains, Musulmans/non Musulmans, etc.). Mais les structures, attributions, méthodes et outils sont restés intacts. Tout est fait de façon totalement manuelle (on n’utilise même pas de dactylographie !) et les procédures de fonctionnement font en sorte que chaque BEC est isolé (de tous les autres BECs et de toutes les autres administrations), incluant les données des registres des citoyens qu’il conserve. C’est ainsi que si on est né dans une ville et qu’on vit actuellement dans une autre ville, il n’y aucun moyen d’éviter le voyage (parfois fastidieux vers son lieu de naissance) pour récupérer une copie à jour (datant de moins de 90 jours) des documents d’état civil. Seulement quand on est très chanceux (et si on se débrouille bien !), ces documents vous sont remis la même journée et sans erreur. Mais le cas général n’est pas celui-ci. Les erreurs manuelles sont très fréquentes et sont presque inévitables (surtout pour les documents écrits en Français !) pour différentes raisons. D’abord, l’utilisation du support stylo-papier pour rédiger des milliers de documents, favorise de façon inhérente la survenue d’erreurs. Par la suite, la surcharge des officiers qui doivent parfois rédiger le même acte 24 fois (dans le cas par exemple de candidats au concours d’accès aux fonctions militaires). Et finalement les conditions lamentables de l’environnement et des conditions professionnelles des employés (qui gagnent un salaire très souvent en bas du SMIG !) empirent la situation. Dans ce lieu (le BEC), Informatique, Base de données, Traitement automatisé, Service au citoyen, Efficience, Efficacité, Transparence, Fluidité ne sont que des concepts (que tout le monde connaît par ailleurs !) qui n’ont aucune applicabilité, ni aucune place dans ce genre d’organisation.

Bien sûr, au cours des cinquante dernières années, quelques tentatives timides, ici et là, ont décrié ce système archaïque et ont essayé de le réformer et le restructurer. Mais la volonté politique n’a jamais été assez forte pour aller jusqu’au bout. Ainsi, jusqu’à nos jours, les locaux occupés par le service d’état civil, dans toutes les villes et régions du Maroc, sont en général dans un état vétuste, sale, mal aéré, mal indiqué. La liste serait encore bien longue si on voulait décrire avec plus de détails ces anomalies. Les employés d’état civil sont mal formés, mal payés et souvent affectés à ce service par punition professionnelle ! Le service d’accueil n’y existe pas et rien n’y est affiché pour guider le citoyen et l’informer des procédures, des responsabilités, des délais, des coûts et de tout ce dont il a besoin. Pourtant…

• L’état lamentable des BEC au Maroc contraste étrangement avec l’importance de ce service pour le citoyen marocain :

• le BEC est le bureau administratif le plus proche (physiquement et « utilitairement ») du citoyen;

• 70% à 80% de tous les services publics rendus au citoyen au Maroc (école, santé, justice, etc.) requièrent une pièce justificative qui émane du BEC;

• Une très grande partie des démarches administratives de tous types se déroule au BEC;

• Le Registre d’état civil est le seul référentiel identitaire de tout citoyen marocain (il peut faire et défaire des personnes et des vies toutes entières !).

Revenons à présent à ma petite histoire personnelle avec le service d’état civil. J’ai fini en fait par recevoir tous les documents administratifs en règle concernant la naissance de ma fille, chez moi à la maison, sans me déranger jusqu’à Meknès (ne me demandez surtout pas comment cela a été possible !). Entre temps, j’avais compris que c’était là l’occasion que j’attendais pour mes recherches afin d’agir concrètement sur le terrain et avoir un impact tangible sur la vie de mes concitoyens.

Je recontactais donc mon Doyen, qui, rappelez-vous, était venu me voir quelques semaines auparavant pour un petit projet d’e-gouvernement (e-Gov) financé par l’ambassade Britannique à Rabat. Je lui racontais quelques détails significatifs de mon périple avec le service de l’état civil et lui faisais part de ma décision d’accepter le projet qu’il m’avait proposé. Le Doyen était bien content de ma décision puisqu’il avait compris que cela n’allait pas être un projet comme les autres.

Je proposais donc tout bonnement à l’ambassade britannique de développer un système expérimental qui automatiserait de bout en bout le service d’état civil incluant les demandes en ligne des citoyens. J’avais proposé d’utiliser la ville d’Ifrane comme site pilote, vu sa proximité et sa petitesse. Techniquement, le projet d’Ifrane consistait à développer un portail web avec deux composantes essentielles : une composante statique informationnelle (téléchargement de spécimens de formulaires administratifs, Procédures, Responsabilités, Services, Contacts, etc.) et une composante dynamique transactionnelle (téléchargement de documents administratifs, demandes de services en ligne, etc.).

J’avais engagé une stagiaire (Asmae El Mahdi - voir section Remerciements) et quelques étudiants de Master (dont Houda Chakiri, actuellement la directrice de la compagnie Enhanced Technologies qui distribue/commercialise le système eFez) pour travailler avec moi dans ce projet.

Au bout de 12 mois de travaux, le résultat était excellent et dépassait toutes les attentes de l’ambassade britannique à Rabat. Nous avions même reçu une lettre de reconnaissance de cette ambassade à titre de remerciement officiel. Plusieurs présentations et démonstrations du prototype réalisé ont été faites à différents responsables communaux et gouvernementaux et, sans exception, ils étaient tous ravis de voir les gains en bonne gouvernance (efficience, transparence, rapidité, etc.) que le système permettait de réaliser. Ils étaient aussi songeurs et perplexes par rapport au potentiel que ce système pouvait avoir dans la réorganisation structurelle du bureau d’état civil.

Avec le prototype d’Ifrane, nous avons pu ouvrir un premier canal de discussion avec le Ministère de l’intérieur du Maroc pour remettre à l’ordre du jour la modernisation du service de l’état civil. Le Ministère paraissait intéressé par notre approche et notre conception et il était séduit par le petit prototype qu’on avait développé. Mais il a émis une réserve de taille qui remettait en cause notre capacité d’action à court et moyen terme : ‘le système développé pour la ville d’Ifrane ne reflète pas ce qui se passe dans les grandes villes du Maroc et ne peut pas être pris comme exemple générique, vu que la ville d’Ifrane est trop petite par rapport à la moyenne de villes marocaines et est nettement à l’abri des grands problèmes typiques des grandes villes’.

Voilà donc une bonne façon de nous remercier et de nous renvoyer à la case de départ, poliment !

Il fallait donc trouver une façon de capitaliser sur la réussite du projet d’Ifrane qui permette de ramener le Ministère de l’intérieur à la table des discussions. J’ai donc décidé d’attaquer la bête de front et de considérer un autre site expérimental dans une grande ville cette fois-ci. Au fond de moi, je savais que tout ce qui est technique et technologique ne poserait aucun problème. Ce qui m’inquiétait c’était plutôt l’aspect socio-politique que je ne maîtrisais absolument pas et qui me semblait insurmontable. D’autant plus que je ne connaissais aucun responsable bien placé dans les grandes villes de Fès et Meknès, qui représentaient naturellement les sites favoris pour le projet en gestation, vu leur proximité de la ville Ifrane où se situe mon université.

J’ai fait abstraction de ces difficultés et j’ai supposé qu’il devait y avoir un haut responsable, d’une façon ou d’une autre, qui serait prêt à m’aider dans ce projet si j’arrivais à décrocher le financement nécessaire. Toute une abstraction et tout un défi pour trouver un financement à ce projet !

Je commençais d’abord par écrire la proposition du projet de recherche avant même d’identifier les organismes subventionnaires potentiels. Je m’inspirais beaucoup du travail que nous avions fait dans le projet d’Ifrane et je demandais de l’aide pour la partie sociale du projet à un collègue et ami à l’école des Sciences Humaines et Sociales de notre Université. L’intégration des aspects techniques et sociaux dans la même proposition de recherche m’a beaucoup intrigué et plu. Elle m’a même motivé à prendre le temps qu’il fallait (beaucoup de temps !) pour raffiner les hypothèses initiales, les questions de recherches, les objectifs du projet, la description de la plate-forme technologique, etc. En fin de compte, j’avais une description de projet assez bien écrite et il me restait donc à trouver un ‘acheteur’, un organisme de financement !

Je commençais par faire une prospection autour de moi sur les différentes possibilités de financement de projets de recherche et finis par comprendre que la plupart des projets de recherche universitaires au Maroc, à caractère international, étaient financés par l’Union Européenne. Pour avoir un tel financement il fallait faire partie de réseaux de recherche bien établis et de longues dates. Il n’y avait pratiquement aucune chance pour moi et mon projet de passer par ce canal de financement.

Comme j’ai la double citoyenneté du Maroc et du Canada, je me suis demandé pourquoi ne pas essayer de contacter l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI). Celle-ci m’a gentiment fait comprendre que mon projet était très intéressant et d’actualité, qu’elle ne finançait pas des projets individuels, mais plutôt des gros projets, d’état à état ! Je me suis rendu compte, au fur et à mesure de mes investigations, que le financement d’une initiative de recherche isolée comme la mienne était presque impossible et je trouvais cela très étrange et dommage. Je rappelais quand même l’ACDI pour leur exprimer mon désarroi face à l’impossibilité de financer un projet intéressant pour des causes administratives. J’utilisais l’argument que cette agence devrait réserver une partie de son financement aux initiatives individuelles qui ne rentrent pas dans le rouage politique et des relations d’aide internationale, d’état à état.

Mon interlocuteur ne semblait pas apprécier mes remarques et m’a rappelé la mission et les objectifs formels de l’ACDI qui ne lui permettait pas de recevoir ma demande. Par contre, et d’une façon tout à fait spontanée, il m’informa qu’il existait un autre organisme canadien d’aide au développement international dont l’objectif était exactement de financer des initiatives de recherches pour le développement, à l’extérieur du cadre étatique et diplomatique. Et c’était le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI). À cet instant, je ne réalisais pas que ce gentleman m’avait donné le renseignement ultime que je cherchais, et qui allait changer bien des choses dans ma vie professionnelle. Je pris note de l’acronyme et me dépêchais de faire une recherche sur Internet pour en savoir un peu plus. Je lisais alors la description générale du CRDI : “Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) est une société d’État créée par le Parlement du Canada en 1970 pour aider les pays en développement à se servir de la science et de la technologie pour trouver des solutions viables aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels ils font face. L’appui du CRDI sert en particulier à consolider les capacités de recherche locales afin d’appuyer les politiques et les technologies susceptibles de contribuer à l’édification, dans les pays du Sud, de sociétés en meilleure santé, plus équitables et plus prospères ». Je trouvais aussi un peu plus de détails sur la vision, mission et les objectifs de cet organisme. Je me rendis alors compte que c’était exactement ce que je cherchais pour mon projet de recherche.

Avec espoir j’envoyais un petit courriel au bureau régional du CRDI à Dakar au Sénégal. Quelques jours plus tard, je recevais un message très succinct du responsable du bureau du CRDI qui m’indiquait que l’idée était bonne et qu’il aimerait en savoir plus sur le projet. Qu’à cela ne tienne, je lui répondis immédiatement en lui envoyant ma proposition de recherche qui était toute prête depuis quelques semaines.

Au bout de six mois de discussions (très pointues et parfois pénibles !) sur les détails du projet, j’arrivais à décrocher l’accord officiel (et le financement qui allait avec) pour commencer enfin la vraie aventure : le Projet eFez, le sujet principal et la raison d’être de cet ouvrage !

III. LE PROJET EFEZ

Le projet eFez visait à développer un système d’e-gouvernement pilote et, en même temps, à affiner et enrichir notre compréhension afin d’être prêts à entreprendre des projets et des expériences plus importants ! Le système pilote envisagé ciblait le développement d’un système en ligne de prestations de services aux citoyens pour le gouvernement municipal de la ville de Fès. Notre intention était d’offrir aux citoyens des prestations de services qui soient faciles, efficaces, rapides et équitables de façon mesurable et duplicable. Par conséquent, nous avons prêté une attention toute particulière à la collecte d’indicateurs et à l’élaboration de techniques de mesure pour évaluer les retombées du projet en lien avec l’amélioration de la gouvernance. Cela nous a permis de développer un cadre d’évaluation des retombées pour les systèmes de gouvernement électronique fondées sur la bonne gouvernance (Voir le chapitre IV de ce livre), et de documenter toutes les étapes, les actions et les décisions importantes du projet. On a ainsi créé un plan élaboré, relié au développement et à l’utilisation des systèmes d’e-gouvernement comme moyens d’améliorer la bonne gouvernance au sein du pays. (Voir les chapitres V, VI et VII de ce livre)

Pendant la première phase (qui a duré 2 ans à partir d’octobre 2006), le projet eFez s’est concentré sur les services fournis par le Bureau d’Etat Civil (BEC) où sont notifiés et enregistrés tous les événements relatifs à l’état civil des citoyens (naissance, décès, mariage, divorce, etc.). Malgré le fait que ces bureaux soient en contact quotidien et direct avec les citoyens, les prestations des services y étaient (et sont toujours !) totalement manuelles. Le projet eFez visait l’automatisation des opérations du « back-office » (la numérisation des registres des citoyens) et des services « front-office » à travers une interface multilingue (arabe classique, dialecte marocain, berbère et français), multicanal (Web, GSM, guichets automatiques et un service de réception classique) et multimodale (instructions vocales, interface graphique et messages texte). En parallèle à son aspect technique et appliqué, le projet a également tenté de répondre à un certain nombre de questions de recherche d’importance majeure qu’on peut globalement classifier en trois catégories :

Problèmes reliés à la gouvernance locale : Comment les services d’e-gouvernement améliorent-ils la bonne gouvernance locale? Quel rôle jouent les initiatives d’e-gouvernement dans la progression et l’encouragement du processus de décentralisation municipale promu par le gouvernement central? Comment un tel processus peut-il influencer l’administration locale? Est-ce que la disponibilité de l’information et des services publics aboutit à une meilleure responsabilisation et autonomie politiques?

Problèmes reliés aux utilisateurs et utilisations des services d’e-gouvernement : Comment les utilisateurs vont-ils bénéficier des services mis à leur disposition? Quels en sont les avantages? Auront-ils un impact et/ou provoqueront-ils un changement sur leurs comportements? Cela représente-il une certaine forme de responsabilisation? Quels sont les obstacles et les défis rencontrés face à l’utilisation effective de ces services?

Problèmes reliés à l’accès aux services et à l’adéquation technologique : Pour répondre aux attentes des segments plus larges de la population marocaine, quels genres de stratégies politiques, sociales et économiques doivent être créés et utilisés afin d’aider le plus grand nombre possible de personnes à avoir accès à ces services, et donc de « démocratiser » leur utilisation? Quels moyens sont les plus aptes à assurer l’utilisation de tels services? Quels facteurs peuvent assurer la durabilité et l’utilité à long-terme de ce type de projet?

D’autres questions plus larges étaient aussi posées :

Comment les gouvernements peuvent-ils concevoir, conceptualiser, développer et mettre en œuvre des projets TIC dans le but de favoriser la bonne gouvernance locale?

Y a-t-il des preuves empiriques sur la façon dont l’e-gouvernement favorise et promeut la bonne gouvernance locale dans le contexte marocain?

Si oui, quelles sont les retombées et les impacts générés et produits par la mise en œuvre de l’e-gouvernement?

Sinon, comment pouvons-nous systématiquement évaluer les résultats et mesurer les retombées après le déploiement des systèmes d’e-gouvernement?

Comment les gouvernements peuvent-ils promouvoir la culture numérique et l’utilisation des TIC au sein de la société en général et dans le secteur public en particulier?

Les questions fondamentales de recherche du projet eFez étaient liées à l’influence sociale et aux implications politiques, ainsi qu’à l’acceptabilité, l’adoption et la généralisation/diffusion des systèmes d’e-gouvernement au niveau local dans tout le Maroc. La première phase du projet eFez s’est achevée en juillet 2006, et tous les objectifs initiaux ont été atteints, y compris :

• Le déploiement d’un portail d’e-gouvernement permettant à la communauté locale du quartier Fès-Agdal l’accès facile, rapide et pratique à l’information gouvernementale. Ce portail comprend une plate-forme permettant d’effectuer des requêtes en ligne et de recevoir des certificats de naissance (qui sont le type de document le plus demandé par les citoyens), par le biais d’une variété de dispositifs dont les téléphones cellulaires, les ordinateurs et des kiosques à écran tactile;

• L’élaboration d’une ‘carte de route’ (‘roadmap’) qui servira de référence pour le développement de systèmes d’e-gouvernement dans les autres communes du Maroc. Cette roadmap est une sorte de guide pratique qui vise à informer les praticiens des administrations locales et nationales des bonnes pratiques permettant une mise en œuvre réussie des systèmes d’e-gouvernement;

• La proposition d’un cadre pour l’évaluation des changements et des retombées générées par le déploiement de services électroniques aux niveaux politique, organisationnel, social et de gouvernance.

D’excellents commentaires de satisfaction et d’appréciation ont été émis en faveur du projet eFez par tous les intervenants, y compris les autorités de la ville, les officiers et employés du BEC, ainsi que par les citoyens. Une enquête menée en mai et juin 2006 auprès de plus de 500 citoyens, a montré que 95% d’entre eux avaient utilisé le kiosque mis à leur disposition au BEC. Le taux de satisfaction était exceptionnellement élevé : 91,2% des répondants étaient très satisfaits et 7% étaient satisfaits. 93% l’ont qualifié d’excellent et 3% l’ont jugé bon.

En reconnaissance officielle des réalisations exceptionnelles du projet eFez, l’équipe de recherche a reçu le prix national « eMtiaz 2006 » pour avoir développé et mis en œuvre le meilleur projet d’e-gouvernement du Maroc. Et, étonnamment, dans un pays où l’activisme public n’est pas très pratiqué, plus de 5000 citoyens et fonctionnaires des BEC non-automatisés de la ville de Fès ont signé une pétition publique pour demander que soit généralisé le système eFez dans tous les autres BEC. Compte tenu de l’engagement des différents acteurs du projet eFez à poursuivre les activités de recherches au niveau national, un consensus a été établi pour lancer une deuxième phase du projet eFez. Cette 2ième phase du projet (eFez2) visait la généralisation des réalisations et des acquis de la première phase.

Plus précisément, les objectifs de eFez2 étaient de :

• Compléter les capacités d’automatisation du BEC de façon à permettre la prestation électronique d’un nombre plus large de services reliés aux citoyens;

• Généraliser (ou diffuser largement) les outils d’e-gouvernement dans toute la ville de Fès ainsi que dans les villes et provinces partenaires, y compris Larache, Hajeb et Ifrane;

• Améliorer et affiner la carte de route (‘roadmap’) en la rendant générique et moins spécifique au contexte local de Fès, ceci afin de faciliter la généralisation de ces systèmes d’e-gouvernance locale sur le plan national;

• Améliorer et affiner la méthode d’évaluation des retombées nationales avec un échantillon plus large et plus représentatif de la population marocaine afin de vérifier sa validité sur le plan national;

• Améliorer le niveau de préparation et de sensibilisation électroniques (‘e-readiness’ et ‘e-awareness’) avec un ensemble plus large de citoyens, d’employés et de décideurs sur le plan national.

IV. RÉSULTATS ET RETOMBÉES DU PROJET EFEZ

le projet eFez a changé le visage et les pratiques de l’administration locale dans la ville de Fès et dans un nombre croissant d’autres villes marocaines qui ont bénéficié du système par la suite. Le projet eFez a réussi à transformer les structures de gouvernance locale en introduisant les prestations de services orientés-citoyens en ligne. Il a soulevé et étudié une série de questions liées aux moyens de faciliter et promouvoir l’utilisation et l’appropriation des TIC au Maroc. Il a contribué à créer une dynamique pour la diffusion des TIC dans les structures de gouvernance locale du pays. Il a influencé les orientations et stratégies visant la mise en œuvre réussie de projets d’e-gouvernement, ainsi que les méthodes proposées pour évaluer et analyser les retombées sociopolitiques, organisationnelles et de gouvernance.

Dans les prochaines sous-sections, nous présentons quelques retombées importantes du projet eFez.

Retombées organisationnelles

Au niveau organisationnel, le projet eFez a révolutionné le fonctionnement des BEC et a modernisé leur fonctionnement interne. Il a introduit les TIC et a automatisé les prestations de services. Peu de temps après le déploiement, les employés ont perçu de façon papable des améliorations dans leur travail à plusieurs niveaux. Par exemple, les employés n’ont plus à effectuer de tâches longues et fastidieuses dans le traitement des requêtes des citoyens. Cela ne leur demande plus que quelques clics pour saisir les identifiants de l’attestation demandée et imprimer le nombre de copies nécessaires. Rendre service au citoyen ne demande plus d’efforts (c’est devenu instantané !) et cela a sensiblement amélioré la productivité des employés et la satisfaction des citoyens. L’automatisation a également éliminé les problèmes de santé habituels dont souffraient plusieurs employés à cause de l’utilisation du processus manuel (maux de dos, douleurs aux épaules, maux de tête, gonflement des doigts, et allergies dues à la consultation régulière des énormes volumes poussiéreux).

Le projet a démontré que la conception et la mise en œuvre d’un système d’e-gouvernement au niveau local représente un grand défi non seulement pour des raisons techniques et économiques, mais aussi parce que les employés ne sont pas qualifiés pour identifier et communiquer leurs besoins en tant que futurs utilisateurs du système. Ceci est en fait fondamental pour déterminer les caractéristiques du système d’e-gouvernement requis pour les BEC. Notre expérience indique clairement que la construction d’un système d’e-gouvernement nécessite un travail de terrain intense pour découvrir, identifier, recueillir et analyser les besoins requis pour le système projeté. L’équipe de développement doit mettre beaucoup d’efforts pour ajuster, réajuster et affiner les besoins des utilisateurs recueillis au fur et à mesure.

Les améliorations générées par la mise en place des TIC ont démontré la grande importance et la valeur du projet et ont facilité l’appropriation du projet au niveau organisationnel. Tous les employés ont abandonné les processus manuels et ont adopté l’usage du système informatisé. Leur principal souhait était d’étendre le projet à d’autres services non encore automatisés.

Retombées reliées aux citoyens

Sur le plan social, le projet eFez a amélioré les outils et les pratiques de gouvernance du BEC. Il a permis une prestation de services simple, aisée et de qualité, grâce à la diversité des canaux de distribution électroniques mis à la disposition du citoyen. Ces nouveaux canaux de distribution ont contribué à diminuer de façon significative la dépendance du citoyen vis-à-vis des employés du BEC.

Avec le système eFez, les certificats imprimés et remis aux citoyens ont une qualité nettement meilleure que les certificats manuels. Ils sont plus élégants, faciles à lire et, bien entendu, exempts des erreurs fréquentes associées au mode manuel.

Par ailleurs, l’accès instantané aux services et documents administratifs, grâce à l’automatisation, a éliminé les files d’attente, le temps d’attente et les allers-retours répétés au BEC. Par conséquent, les mauvaises pratiques telles que le non-respect de la file d’attente (grâce entre autres au bakchich et/ou aux relations personnelles) ont également diminué.

La prestation automatisée des services a aussi permis un accès équitable aux services du BEC, décourageant ainsi le recours aux privilèges spéciaux à travers le clientélisme, la corruption et l’abus de pouvoir.

Les retombées politiques

Sur le plan politique, la coopération entre les différents acteurs du projet, de par son niveau et sa nature, représente une retombée majeure. Le président de l’arrondissement Agdal de Fès, le sénateur Alaoui Titna (voir son témoignage au chapitre IX) a fourni un soutien indéfectible au projet. Il a facilité la logistique et la mise en œuvre des actions de recherche du projet. Son leadership politique a augmenté la visibilité du projet, tant au niveau local qu’aux niveaux régional et national. Il a présenté et défendu inlassablement le projet en mobilisant des personnalités influentes, y compris le maire et le Wali de Fès (qui est le représentant officiel de Sa Majesté le Roi).

Le projet eFez a eu un impact sur l’élaboration des politiques locales. Le président de l’arrondissement Agdal a non seulement donné son appui au projet eFez, mais il a soutenu et encouragé la généralisation de l’automatisation en fournissant toutes les ressources humaines et financières qui étaient nécessaires. Ce support politique a été très encourageant pour le personnel, ainsi que pour les citoyens qui avaient demandé (à travers une pétition) la généralisation de ces prestations automatisées dans tous les BEC de Fès.

Les retombées technologiques :

Dans le cadre du projet eFez, une plate-forme automatisée complète et générique a été développée pour les BEC. Cette plate-forme permet la numérisation (la reprise de l’historique et les nouvelles déclarations de naissance) et l’exploitation des registres d’état civil des citoyens. Elle génère les statistiques officielles destinées aux services de planification centrale du Maroc et offre une large gamme de services électroniques aux citoyens. Chaque BEC est équipé/doté d’une base de données centralisée, d’un kiosque à écran tactile avec une interface intuitive adaptée aux analphabètes (qui représentent une bonne partie de la société marocaine !), et le portail web de la ville de Fès, accessible via des SMS et des PDA.

Ainsi, on a prouvé que la construction et le déploiement de systèmes d’e-gouvernement au niveau local sont réalisables sur le plan technologique. Il est vrai que le travail s’est fait à partir de rien. Le déploiement de systèmes d’e-gouvernement dépend de la disponibilité d’infrastructures appropriées qui doivent répondre aux exigences techniques des plate-formes TIC envisagées. Dans le projet eFez, il a fallu améliorer les installations des bâtiments des BEC et les réseaux électriques. Il a fallu installer des infrastructures de connectivité capables d’accueillir les futures plate-formes d’e-gouvernement.

L’e-gouvernement est généralement défini comme « l’utilisation d’Internet et du Web pour fournir des informations et des services gouvernementaux aux citoyens ». La mise en œuvre d’un système d’e-gouvernement au niveau local doit s’appuyer sur une plate-forme qui permet la prestation de services aux citoyens via le Web, en fournissant à la communauté locale l’accès en ligne à tout moment et de n’importe où. En plus de l’électricité et des infrastructures de connectivité, la construction d’un tel système exige que les données soient numérisées, accessibles par voie électronique et que les processus administratifs correspondants soient automatisés. Sans ces opérations de numérisation et d’automatisation, la prestation de services basée sur le Web n’est pas possible. L’expérience d’eFez montre clairement que le développement réussi d’un système d’e-gouvernement au niveau local exige d’abord de rattraper le retard numérique existant en complétant l’installation d’électricité et des infrastructures de connectivité, en procédant à la numérisation et l’automatisation du back-office, et enfin en activant les canaux de prestation en ligne.

Le projet eFez a révélé que si la mise à niveau des installations et infrastructures numériques est un prérequis à traiter, la formation est aussi un élément important à considérer. Dans le cas de la ville de Fès, comme la plupart des employés municipaux n’avaient jamais utilisé un ordinateur, il était essentiel d’offrir des programmes de formation d’introduction aux TIC afin que les employés puissent acquérir les connaissances et les compétences de base pour faire fonctionner les ordinateurs. Le projet a aussi développé des programmes techniques de formation personnalisés pour le personnel informatique. Cette formation fournie dans le cadre du projet eFez était une première action d’instruction pour le personnel depuis leur formation académique ! C’était pour eux une occasion en or d’améliorer leurs compétences et une chance unique d’apprendre comment assurer le bon fonctionnement du système. Avec ces programmes de formation, le système eFez a été largement utilisé, adopté et maintenu. Notre expérience montre clairement que l’offre des programmes de formation pour combler les diverses lacunes des employés dans le domaine des TIC ne doit pas être négligée. Ces programmes doivent être soigneusement conçus et planifiés pour assurer une utilisation et une maintenance continues du système déployé.

e-Appropriateness, e-Awareness and e-Readiness

L’expérience du projet eFez dans la transformation de la prestation des services municipaux a fait ressortir le rôle crucial du gouvernement local dans la réussite d’un projet d’e-gouvernement. En fait, l’e-gouvernement associe la technologie (‘électronique’) et la société (‘gouvernement’). Dans cette perspective, un organisme gouvernemental ne peut pas être un simple récepteur passif de technologie, mais il doit s’engager et être actif dans les différentes phases du développement; ceci afin de s’assurer que les objectifs de l’administration locale (la bonne gouvernance) soient atteints et les besoins de la communauté soient pris en compte. En conséquence, pendant toute la durée du projet, la participation active du gouvernement local de Fès (politiciens, décideurs et employés) a été fortement encouragée. Ce haut niveau d’implication et de participation a permis au système de répondre aux besoins des citoyens et de s’adapter aux contextes politique, organisationnel et social. En adaptant le projet aux besoins et caractéristiques des pratiques locales, on a évité de reproduire (et d’automatiser !) les défaillances et inefficacités qui existaient dans la prestation des services. Ceci a aussi favorisé une grande acceptation, appropriation et adoption du projet à tous les niveaux. Par exemple, tous les fonctionnaires des BEC ont abandonné les procédures manuelles et ont adopté et utilisé le système électronique. Un nombre croissant de citoyens a opté pour l’utilisation des canaux de prestation électroniques pour accéder aux services nécessaires, et un nombre grandissant de décideurs locaux ont exprimé leur intérêt pour les projets de TIC.

Le projet eFez montre bien que la diffusion des TIC n’est pas un problème technologique, mais plutôt un enjeu et une question politiques. Nos visites sur le terrain à Fès ont révélé qu’un grand nombre de décideurs ignorent le potentiel des TIC et les opportunités qu’elles offrent. Voici quelques questions typiques qui étaient posées durant ces visites :“Chnou had chi?” (c’est-à-dire en Arabe : “Qu’est-ce que c’est?”) “Achn dirou bih?” (c.-à-d. en Arabe : “Que pouvons-nous faire avec?”) “Aallach?” (c.-à-d. en Arabe : “pourquoi?”) “Ma kentch aaref” (c.-à-d. en Arabe : “Je n’étais pas au courant…”). Cela reflète clairement le manque de sensibilisation des décideurs locaux aux TIC. Il est surprenant de voir que même les politiciens de haut niveau, avec une formation supérieure, ont posé ce genre de questions. Bien sûr, leurs questions portaient davantage sur les capacités et l’utilité des TIC plutôt que sur les dispositifs techniques eux-mêmes. Cette faible sensibilisation aux TIC a de nombreuses implications. Par exemple, en raison du faible niveau d’intérêt, les projets de TIC étaient complétement absents de l’agenda politique et des budgets proposés et approuvés par la commune. Avec plus d’un million d’habitants, la ville de Fès comptait seulement un employé spécialisé en informatique ! Cet employé s’occupait principalement de l’acquisition et de l’installation d’ordinateurs et de périphériques connexes qui souvent étaient oubliés dans un coin, pleins de poussière. Il n’y avait aucun projet de développement d’applications ou de bureautique.

Malgré leur manque de sensibilisation aux TIC, les acteurs politiques ont montré une grande disposition (‘readiness’) et un engouement pour le projet eFez dès qu’ils ont compris les objectifs du projet et l’impact concret qu’il allait apporter. Ils ont souvent exprimé leur soutien par des déclarations telles que : “Chouf rahna maakoum” (c.-à-d. : “nous sommes avec vous”), “Ghir goulounna Chnou ndirou” (c.-à-d. : “Dites-nous ce que nous devons faire pour vous aider!”).

La diffusion des TIC est aussi une question d’organisation. Par exemple, les fonctionnaires étaient généralement hésitants à changer leurs procédures de travail. La réticence des employés a été généralement exprimée par des déclarations basées sur la crainte telles que : “wa hadchi machi dyanna” (c.-à-d. : “cette chose n’est pas la nôtre !”), “ghadi ghir yzdeli lmachakil” (c.-à-d. : “il va seulement me créer des problèmes !”), “Ra ghir mahtout tmma” (c.-à-d. : “regarde l’ordinateur, il est placé pour le décor !”). Cela reflète la préoccupation et le manque de compréhension des employés de la pertinence et de l’intérêt du système d’e-gouvernement proposé.

Le travail sur le terrain a également révélé qu’au niveau communautaire un grand nombre de citoyens avait plusieurs fois exprimé le souhait de disposer de services électroniques, mais les représentants politiques n’étaient pas réceptifs. Les citoyens se sont exprimés avec des déclarations telles que : “wha chhal hadi bach bghina had chi walakine maddaha fina hadd” (c.-à-d. : “nous avons voulu ce système depuis longtemps, mais personne ne se soucie de ce que nous voulons ou ce dont nous avons besoin !”). Une telle réaction nous a montré que les citoyens de Fès étaient ouverts aux TIC et souhaitaient disposer de services électroniques en dépit de leur faible “culture numérique”. Ils ont posé plusieurs questions, telles que : “Wach kaddine aala hadchi” (c.-à-d. : “avons-nous la capacité de l’utiliser/peut-on l’utiliser?”) “Ghan aarfou kin dirou lou” (c.-à-d. : “saurons-nous comment l’utiliser par nous-mêmes?”). Ces questions reflètent le manque de connaissance de base des citoyens vis-à-vis des TIC et une préoccupation sur l’accessibilité et la facilité d’utilisation du système.

V. PLAN D’ACTION/CARTE DE ROUTE

En plus de communiquer les retombées générées par la transformation de la prestation des services locaux et municipaux et les implications liées à la gouvernance locale, l’équipe du projet eFez a élaboré un plan d’action et un guide pour la mise en œuvre réussie et le déploiement d’une approche et d’un système d’e-gouvernement applicable aux autres gouvernements locaux du Maroc.

Dans le cadre du projet eFez, le plan d’action (ou carte de route -‘roadmap’) se présente comme un manuel de référence détaillant les différentes phases d’un projet d’e-gouvernance typique. Chaque phase est composée de différentes étapes, identifie les données spécifiques requises, les activités, les retombées et les ressources humaines nécessaires. Le plan d’action comprend des indications claires sur les leçons apprises, les bonnes pratiques, les risques, les recommandations, la planification, le budget, les plate-formes des TIC, etc.

Une des caractéristiques principales du plan d’action d’eFez, c’est qu’il est très lié et sensible au contexte marocain en termes de culture, des processus d’affaires courants (c.-à-d. les procédures et flux de travail), des besoins perçus localement, des valeurs et des intérêts des citoyens.

Au cours du projet eFez, nous avons découvert que disposer d’un plan d’action communiquant l’expérience du projet en termes méthodologiques est très important pour les dirigeants du gouvernement et les décideurs des villes marocaines. Cela permet de fournir des orientations plus claires pour le déploiement et l’utilisation efficace d’un système d’e-gouvernement en tant qu’outil pour promouvoir la bonne gouvernance.

En conséquence, l’impact plus large d’un plan d’action résulte du fait qu’il offre un moyen de documenter et de disséminer les connaissances acquises tout au long du déroulement du projet. Documenter les méthodes et les mécanismes utilisés pour relever les nombreux défis et gérer les difficultés auxquels le projet fait face, devient un excellent outil pour les gouvernements locaux et le gouvernement central du Maroc pour développer et mettre en œuvre des systèmes d’e-gouvernement dans d’autres contextes. Le plan d’action du projet devient un outil d’apprentissage permettant aux institutions gouvernementales de s’approprier les moyens de lancer et de mener à bien des projets similaires de façon autonome. À cet égard, le plan d’action contribue à l’amélioration de la qualité de la gouvernance locale au Maroc, et par conséquent améliore la qualité de vie des citoyens.

Les chapitres V, VI et VII de ce livre traitent spécifiquement du problème de la documentation et présentent les détails de notre plan d’action générique et de son application spécifique au projet eFez.

VI. CADRE D’ÉVALUATION DES RETOMBÉES/DES IMPACTS

Un processus d’évaluation systématique est un mécanisme fondamental d’ajustement et d’amélioration applicable à tous les domaines. Considérant l’amélioration de la bonne gouvernance comme étant la “raison d’être” de l’e-gouvernement, et étant donné le manque notable d’approches génériques d’évaluation de tels systèmes, notre équipe de recherche a pris l’initiative dans le cadre du projet de recherche d’eFez de développer un cadre d’évaluation formel et original. L’équipe a proposé et mis au point une « Méthode d’Analyse des Retombées » (‘Outcome Analysis Method’) pour faire l’évaluation des retombées et résultats obtenus au cours du développement et à la suite du déploiement du système.

Cette méthode a permis d’étudier la relation entre la mise en œuvre du projet eFez et la bonne gouvernance. Les personnes impliquées dans la conception, le développement et le déploiement des systèmes de TIC (dans ce cas, un système d’e-gouvernement) ont pu utiliser cette méthode pour évaluer tout l’impact de ces systèmes en regard d’objectifs normatifs fixés très tôt, tout en utilisant des mesures tant qualitatives que quantitatives. L’analyse des retombées commence par la sélection de définitions formelles et généralement acceptées d’un certain nombre d’attributs de bonne gouvernance applicables au contexte de l’étude. Ensuite, ces définitions générales sont traduites en objectifs normatifs et spécifiques pour le projet et discutées avec les principaux acteurs impliqués dans le projet. Cette traduction fournit les bases pour identifier les retombées prévues du projet. Enfin, des sorties spécifiables (et mesurables) du projet sont identifiées par rapport aux résultats attendus.

Le chapitre IV de ce livre traite spécifiquement la problématique de l’évaluation et présente les détails de notre cadre d’évaluation.

VII. RÉCOMPENSES ET RECONNAISSANCES INTERNATIONALES

Le projet eFez a acquis beaucoup de visibilité au cours des années et a reçu diverses reconnaissances nationales et internationales pour les innovations qu’il a apportées dans la redéfinition pratique des relations entre les services de gouvernement locaux et les citoyens. Parmi celles-ci notons :

• Le prix national « eMtiaz 2006 », remis par le premier ministre marocain à l’équipe du projet, pour avoir développé et mis en œuvre le meilleur projet e-gouvernement au niveau national;

• Le prestigieux prix africain, Technologie au sein du Gouvernement en Afrique de 2007 (2007 Technology in Government in Africa - TIGA-2007) : http://www.uneca.org/ecaresources/news/2007/tigaawards.pdf;

• Le prestigieux Prix International du Service Public décerné par l’ONU en 2007 (International Award of the United Nations Public Service - UNPSA 2007) dans la catégorie « Amélioration de la prestation de Services » : http://www.unpan.org/innovmed/documents/Vienna07/28June07/summary_of_innovations.pdf;

• Le meilleur Prix pour l’écrit scientifique pendant la Conférence des Technologies de l’Information et de la Communication prononcée au 5ème Congrès de la recherche scientifique Outlook & Développement de la technologie dans le monde arabe (Congress of Scientific Research Outlook & Technology Development in the Arab World OAR5), organisée par la Fondation Arabe des sciences et technologies (ASTF) en coopération avec le Ministère de l’enseignement supérieur, formation professionnelle et de la recherche scientifique du 25 au 30 octobre 2008 à Fès, Maroc.

La compagnie Enhanced Technologies, (SARL/Inc.), une initiative d’entrepreneuriat social basée à l’incubateur de l’université AUI (Ifrane), a été créée comme spin-off du projet eFez. Cette compagnie a été sélectionnée parmi les dix finalistes du concours Sawaed 2008–2009, reconnus pour avoir produit des idées innovatrices sur l’utilisation des TIC à contenu arabe dans le monde arabe : http://www.aui.ma/PresidentsCabinet/News/news09/news09-index.htm#sawaed

VIII. ALORS, POURQUOI CE LIVRE?

Comme il a déjà été mentionné, une grande quantité d’idées, de connaissances, de savoir-faire et de visions a été générée pendant le projet eFez. Une partie de ces idées et résultats a été publiée dans différentes conférences, revues et chapitres de livres. Mais une autre grande partie n’a pas été diffusée, attendant d’être révélée au bon moment (étant donné que les auteurs étaient très pris avec les activités du projet !). De plus, la plupart des publications eFez qui ont été publiées sont liées à des aspects spécifiques et/ou des étapes particulières du cycle de vie du projet. Enfin, la vision d’ensemble et l’approche globale du projet eFez n’ont jamais été présentées dans leur entièreté, pas plus que les liens entre cette vision et les objectifs spécifiques et étapes importantes et résultats des deux phases du projet. Par conséquent, notre souhait était d’écrire ce livre pour présenter le projet eFez dans son intégralité, du concept initial jusqu’à maintenant.

Ce livre a été principalement le résultat de deux facteurs importants :

• Le succès du Projet eFez (Phase 1 et Phase 2) et la prise de conscience des auteurs que l’apprentissage et les bonnes pratiques qui sont ressorties de la réalisation de ce projet pourraient être utiles aux praticiens et aux décideurs d’autres pays en voie de développement, grâce à la documentation précieuse et aux conclusions qui ont été générées par une approche participative mise réellement en œuvre sur le terrain. En fait, les « ingrédients et recettes » de la réussite de ce projet sont si simples et accessibles que nous avons pensé qu’il était intéressant de les partager.

• Le manque notable de livres pratiques s’adressant aux décideurs et proposant des principes et bonnes pratiques pour orienter la conception et la mise en œuvre de l’e-gouvernement pour la bonne gouvernance, ainsi que dans n’importe quel autre secteur des TIC pour le développement (ICT4D).

Nous avons écrit ce livre sous la forme de manuel pour qu’il puisse être utilisé comme support de formation. Les auteurs espèrent que leur expérience dans le domaine des TIC pour le développement, dans un contexte de PED/PMD, soit diffusée pour informer, guider et inspirer leurs collègues dans ces pays. Ils espèrent que cela contribuera au dialogue « sud-sud » et à faire ressortir la nécessité de construire une « société de connaissances » dans les PED/PMD.

Plus précisément, cet ouvrage se propose de :

• Documenter et diffuser l’expérience du projet eFez dans tous ses aspects (approche, méthodologie, les bancs d’essai, etc.)

• Présenter les connaissances et le savoir-faire (plan, cadre d’évaluation des retombées, problèmes de conception, leçons tirées de l’expérience et meilleures pratiques, etc.) que les auteurs ont accumulés au cours de ce projet. Cette présentation reflète leur quête systématique pour transformer leurs expériences, résultats et conclusions en un cadre formel qu’ils puissent partager avec les universitaires, praticiens et décideurs intéressés par ce sujet.

• Offrir aux décideurs des pays en développement des documents pratiques pour la mise en œuvre des TIC pour le développement, et plus spécifiquement du gouvernement en ligne.

IX. PUBLIC CIBLÉ

Le projet eFez était un projet de recherche participative où les universitaires, les politiciens, les employés et les citoyens ont agi en tant que chercheurs. Une grande partie des connaissances générées par les différentes activités du projet est intrinsèquement d’intérêt pour ceux qui veulent en savoir plus sur les réactions et l’évolution comportementale de ce type d’intervenants, sur les effets et retombées du système mis en place et comment les mesurer précisément pour assurer que le système soit conforme à son but ultime – la bonne gouvernance – et enfin, comment mener à bien un projet ICT4D basé sur le cadre méthodologique générique proposé dans ce livre.

Plus précisément, nous croyons que les principaux lecteurs de ce livre devraient être des politiciens (ou, plutôt leurs conseillers en raison des contraintes de temps de nombreux hommes politiques), les décideurs et les gestionnaires de projet. Il est destiné à ceux et celles qui ont le pouvoir d’inclure des projets de TIC dans l’ordre du jour politique national et ont la capacité de leur allouer des ressources adéquates. Il s’adresse aussi à ceux et celles qui initient, gèrent et mettent en œuvre les programmes de TIC pour le développement. Il est important de mentionner que les recherches décrites dans ce livre et toutes les découvertes associées, recommandations et observations, ont été effectuées dans le contexte d’un pays en voie de développement typique (Maroc) avec toutes les contraintes et les constantes qui caractérisent un tel contexte. De plus, ceci suggère que ce livre peut être d’intérêt pour toutes les organisations (les donateurs/bailleurs de fonds, ONG, coopération internationale, etc.) et les personnes (praticiens, chercheurs/universitaires, grand public, etc.) qui ont un intérêt particulier pour le développement (en particulier à travers les TIC).

Ce livre contient suffisamment d’idées originales et structurées pour servir de bonne référence pour les enseignants dans le domaine de l’e-gouvernement et de l’e-gouvernance. Il est conçu dans un format qui est approprié à sa diffusion dans les organisations impliquées dans le développement. L’objectif est de fournir un guide pratique de mise en œuvre de l’ICT4D en minimisant l’emphase mise sur les questions théoriques, tout en assurant un équilibre entre rigueur et pratique.

X. STRUCTURE DU LIVRE

Dans le chapitre I, nous avons présenté le contexte général et les motivations qui ont conduit à la rédaction de ce livre. Nous avons également présenté le projet eFez, ses motivations, les objectifs et les retombées escomptées. Nous avons souligné le lien entre le projet eFez et ce livre. Le chapitre II présente le contexte indispensable dont les lecteurs ont besoin pour acquérir la terminologie et les concepts liés au sujet principal de ce livre : l’e-gouvernement. Nous considérons que l’e-gouvernement s’inscrit globalement dans le cadre des applications des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour le développement (ICT4D) et, en tant que tel, qu’il est important de définir l’ICT4D, comment les TIC appliquent aux PED/PMD (les succès, les échecs, les problèmes, les contraintes, etc.) et comment cela influence le processus global de développement de ces pays. Nous avons constaté également que les TIC représentent une réelle opportunité pour les PED/PMD de se ressaisir et de réduire la fracture numérique. Malheureusement, en raison d’un certain nombre de facteurs complexes et interdépendants, cette possibilité n’est pas été bien et suffisamment exploitée.

Le chapitre III se concentre sur les systèmes d’e-gouvernement (objectifs, stratégies, plans, etc.) et montre comment ils peuvent aboutir à une meilleure gouvernance par le biais de l’amélioration de la transparence, de l’efficacité et de l’efficience de la prestation de services.. Un certain nombre de faits et de chiffres sont présentés pour montrer le lien qui existe entre l’e-gouvernement et la bonne gouvernance.

Dans le chapitre IV, nous présentons la méthode d’analyse des retombées que nous avons développée au cours du projet eFez. Ce cadre méthodologique s’appuie sur notre vision que les systèmes d’e-gouvernement constituent des atouts majeurs pour la promotion et la mise en place pratique de la bonne gouvernance. Nous pensons que toutes les parties prenantes dans un projet ICT4D devraient partager cette vision et agir en conséquence. Ce cadre méthodologique fournit un moyen formel pour mesurer les impacts et les retombées des systèmes d’e-gouvernement sur la bonne gouvernance et offre des éléments solides de preuves aux hauts gestionnaires et politiciens pour affiner leurs décisions quant à l’utilisation des TIC pour le développement.

Les chapitres V et VI présentent les fondements et les principales phases du cadre méthodologique générique (‘roadmap’) que nous proposons pour le développement et le déploiement des systèmes d’e-gouvernement, tandis que le chapitre VII présente l’approche eFez qui peut être considérée comme une application pratique de ce cadre générique. Plus précisément, la première partie du chapitre V traite d’un certain nombre de questions qui doivent être abordées lors de la planification et du lancement d’un projet d’ICT4D ou d’e-gouvernement. Il présente aussi notre thèse fondamentale : les projets d’ICT4D/e-gouvernement sont des processus de transformation qui devraient être gérés en tant que tels. La deuxième partie du chapitre V présente les fondements de l’approche axée sur la transformation que nous avons développée et appliquée au projet eFez.

En utilisant les fondements du chapitre précédent, le chapitre VI présente le cadre générique (‘roadmap’) que nous avons créé pour planifier, gérer et évaluer les progrès des projets d’ICT4D/e-gouvernement de façon systématique et raisonnée. Ce cadre générique fait la promotion des principes de bonne gouvernance et souligne l’importance de l’implication de toutes les parties prenantes à la création de la vision stratégique et des principales caractéristiques du système d’e-gouvernement, tout en développant et en préservant des conditions favorables pendant toute la durée du projet. Ce cadre générique est également un plan d’action qui montre comment un projet d’ICT4D/e-gouvernement peut être géré comme un processus transformationnel dans le but de fournir et de déployer un système automatisé qui sera durable dans l’institution transformée. Ce chapitre est présenté sous une forme plus technique afin que les gestionnaires de projet soient en mesure de personnaliser ce cadre pour les besoins spécifiques de leur propre projet d’ICT4D/e-gouvernement.

Le chapitre VII présente l’approche eFez sous une forme narrative. Notre objectif est d’illustrer comment le cadre méthodologique générique a été appliqué dans un projet d’e-gouvernement pratique de la ville de Fès. Ainsi, nous présentons les principaux événements, les questions fondamentales et les décisions majeures qui ont marqué le projet eFez afin de partager notre expérience d’une façon qui soit utile aux lecteurs impliqués dans des projets similaires.

Le chapitre VIII vise à présenter aux décideurs les principaux concepts technologiques et outils dont ils devraient être conscients. Le succès de la mise en œuvre des systèmes d’e-gouvernement nécessite que les intervenants majeurs de tous les ministères et services partagent une vision solide et cohérente de la technologie définie par le plus haut niveau d’autorité du pays. Cette vision devrait mettre l’accent sur la technologie comme un moyen de stimuler le développement humain et économique. Trois éléments fondamentaux devraient être abordés dans cette vision : les questions d’infrastructure, les enjeux d’intégration et d’interopérabilité et les caractéristiques transformationnelles des TIC. Tout ceci doit évoluer dans un environnement réglementaire approprié, avec une ‘e-stratégie’ appropriée bénéficiant de bonnes pratiques et en tirant parti des enseignements tirés de projets d’e-gouvernement conduits avec succès.

La conclusion de ce livre présente d’importantes leçons apprises que les auteurs désirent partager avec leurs lecteurs, ainsi que quelques recommandations générales.

CHAPITRE II

Les deux facettes des TIC pour le dévelopement

I. INTRODUCTION

Comme nous l’avons déjà mentionné dans le chapitre précédent, le contraste entre les pays développés et les PED/PMD concernant l’usage/la prolifération des TIC crée/renforce inévitablement un phénomène inquiétant et dangereux qu’on appelle « la fracture numérique ». Ce phénomène fait référence à l’écart entre les pays qui ont un accès effectif aux technologies de l’information numérique et ceux qui en ont un accès très limité ou n’en ont pas du tout. Il comprend les déséquilibres dans l’accès physique à la technologie, ainsi que dans les ressources et les compétences nécessaires pour participer efficacement à la société de l’information. De ce point de vue, sans doute la technologie possède deux facettes contradictoires : une facette « positive » permettant le développement de l’économie, des entreprises et de l’administration publique; et une facette « négative » qui consolide la fracture numérique et renforce l’isolement des régions/populations et la dégradation de leurs conditions de vie. La fracture numérique est étroitement liée à la fracture du savoir, car le manque d’accès aux technologies constitue un défi pour obtenir des informations et des connaissances utiles.

Une conséquence de ces deux facettes contradictoires de la technologie est que les décideurs et les hommes politiques de nos pays se trouvent devant deux options mutuellement exclusives : soit de valoriser la technologie et l’utiliser comme un catalyseur du développement et de prospérité à tous les niveaux, soit de l’ignorer et de courir les risques associés à la fracture numérique. Il est sous-entendu ici que ne pas de faire un choix (ou de maintenir le statu quo) est une décision délibérée qui est l’équivalent d’ignorer la technologie !

II. HISTORIQUE DE L’ÉVOLUTION DES TIC

À travers le temps, les humains ont inventé des machines ingénieuses de calcul. L’une des toutes premières a été l’abaque, près de 5000 ans avant notre ère. Dès les années 1640, des calculateurs mécaniques étaient fabriqués et destinés à la vente. Des traces de machines plus anciennes existent, mais Blaise Pascal est reconnu pour être l’inventeur du premier calculateur destiné à être commercialisé, une machine d’addition manuelle. Malgré les tentatives de créer un outil de multiplication mécanique faites par Gottfried Leibniz autour de 1670, le premier calculateur véritablement capable d’effectuer la multiplication est apparu en Allemagne peu avant la révolution Américaine.

En 1820, Charles Xavier Thomas de Colman inventa l’arithmomètre, une machine capable d’effectuer l’addition, la soustraction, la multiplication, et la division. Mais ce fût Charles Babbage, au début des années 1800, qui a développé les machines mécaniques qui sont les vrais ancêtres des ordinateurs d’aujourd’hui. Ada Byron King, la comtesse de Lovelace, était sa programmatrice et est considérée comme la fondatrice de la programmation moderne. Le concept développé par Babbage d’un calculateur ultime, la machine analytique, n’a cependant jamais été produit concrètement. Il a toutefois anticipé les quatre composants essentiels du calcul moderne. Ces opérations sont l’entrée de données, la mémoire, le traitement, et la sortie de données. Le problème principal de la machine de Babbage ainsi que des autres calculateurs mécaniques était justement qu’ils étaient mécaniques. Les parties amovibles sur lesquelles reposait le calcul bougeaient lentement et étaient sujettes à l’usure.

L’invention des composants électroniques a permis la transformation des calculateurs mécaniques en ordinateurs capables d’effectuer des calculs et de traiter des informations très rapidement sans avoir à bouger des pièces mécaniques. Avec les composants électroniques, une machine rapide et efficace comme celle que Babbage a proposée pouvait être construite avec toutes les fonctionnalités nécessaires au calcul moderne.

En 1943, le développement de l’Ordinateur et Intégrateur Numérique Electronique (dit ENIAC) commença à Earnest à Penn State aux États-Unis. Les travaux sur la machine ENIAC ont été finis en 1946. Même si elle n’était âgée que de trois ans, la machine était considérablement en retard sur son temps, mais les concepteurs ont choisi de finir de travailler sur ce projet en parallèle avec celui d’une machine plus moderne, le Calculateur Automatique de Variables Discrètes Electroniques (dit EDVAC).

En 1975, le premier Ordinateur Personnel (dit PC) fut commercialisé en kit. Bill Gates, ainsi que d’autres, ont développé un compilateur BASIC pour cette machine. L’année suivante Apple a également commencé à commercialiser des PCs, encore une fois sous forme de kits. Ceux-ci incluaient un moniteur et un clavier. En 1976, La reine Elisabeth s’est connectée en ligne pour la première fois en recevant le premier message royal par e-mail.

En conséquence, le marché de l’ordinateur personnel a connu un essor, et, en 1977, les magasins ont commencé à vendre des PCs. Dans les années 1970, la plupart des banques, des compagnies d’assurance et des institutions financières sont devenues dépendantes de l’informatique, et la majorité des découvertes et des réalisations de l’Homme (y compris la course vers l’espace !) ont été rendues possibles grâce aux ordinateurs. IBM lança son premier PC à l’intention du consommateur en 1981 qui, dans un mouvement sans précédent en 1982, a été sélectionné par Time Magazine comme l’Homme de l’année ! Dans les années 1980, les ordinateurs et les réseaux informatiques sont devenus des réalités sociales et les agences gouvernementales se sont reposées sur eux pour fournir différents services aux citoyens, y compris les services liés à l’état civil, l’éducation, la santé et la justice.

À la fin des années 1980, la plupart des pays de l’Ouest avaient déjà développé une infrastructure très solide (télécommunications, réseaux, matériels, logiciels) et avaient achevé la numérisation de leur back-office. La plupart des transactions entre administrations (en anglais : « G2B » : Government to Government) et entre administrations et entreprises (en anglais : « G2B » : Government to Business) étaient automatisées soit partiellement soit totalement. Du côté du public, les citoyens se sont progressivement familiarisés avec les ordinateurs et les ont acceptés comme faisant partie de leur environnement quotidien.

Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer nos vies sans l’ordinateur parce qu’il est partout présent autour de nous, dans les voitures, les téléphones, les avions, les banques, les écoles, etc. Les applications numériques sont de plus en plus populaires et font partie intégrante de notre quotidien. Tous les domaines importants de notre société moderne ont évolué grâce à l’introduction et l’utilisation des TIC, incluant une meilleure prestation des services aux citoyens et aux entreprises, un meilleur accès à l’information pour les décideurs, une meilleure administration des structures commerciales et administratives, un meilleur stockage des informations liées aux citoyens et aux clients, et une meilleure information pour les communautés. Le développement et la dissémination des TIC ont conduit à ce qu’on appelle la « révolution de l’information » en faisant référence aux avancées technologiques rapides dans les domaines de l’informatique et des télécommunications, qui, à leur tour, ont conduit à une chute des coûts de traitement et de transmission de l’information (Nye 2000).

La révolution de l’information a permis la mise en place d’une « société de l’information », aussi connue sous l’appellation d’ « âge de l’information », « société post-industrielle », « économie de services », ou encore « société du savoir ». Dans la société de l’information, les infrastructures des télécommunications et des TIC sont devenues des ressources économiques bien plus précieuses pour générer des richesses que les ressources traditionnelles et les moyens de production comme la propriété terrienne, le capital, les usines et la force de travail. Par conséquent, la richesse est de plus en plus générée et maximisée par les flux d’information, de données et de savoir, par opposition aux biens agricoles ou industriels, et les biens de consommation qui étaient hautement valorisés dans l’ère précédente. En conséquence, l’avancement et l’expansion continus des TIC ont conduit à des transformations structurelles dans le paysage économique global avec un modèle sous-jacent principal : la « globalisation du commerce ». Cela suggère un changement qualitatif des approches traditionnelles du commerce international qui implique, entre autre, la tentative de mettre en place des entités (commerciales) dans différents pays, réalisant comme une seule entité, des opérations commerciales de concert (Gurstein 2007). De ce point de vue, en recourant aux TIC comme support, la globalisation est un processus qui transforme l’économie globale grâce à des dispositifs et des structures émergentes, créant « des réseaux de producteurs et de consommateurs coordonnés de manière centrale, et des réseaux de chaînes d’approvisionnement et de distribution » (Gurstein 2007).

Néanmoins, les inégalités globales s’élargissent et sont clairement et de plus en plus apparentes à travers la « fracture numérique ». Les disparités à l’échelle globale ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau c’est leur tendance à l’accroissement. Une étude comparant le revenu moyen d’une personne dans les pays les plus riches et les pays les plus pauvres a démontré que ces disparités à l’échelle globale étaient quasi-inexistantes deux siècles auparavant. Peu après la révolution industrielle de 1913 les inégalités globales ont grandi, puis se sont accrues avec la révolution des technologies de l’information en 1950, et se sont finalement aggravées avec la globalisation aux environs de 1973 et la révolution internet au début des années 90. La fracture numérique fait référence aux disparités dans le degré de pénétration des TIC dans les communautés. Elle a cependant acquis un sens plus large. « Vingt ans auparavant, le problème était simplement comment avoir un réseau de communications, généralement les vieux modèles de ligne téléphonique fixe, à la portée de tout un chacun.

Aujourd’hui, la fracture numérique n’est plus centrée sur le simple accès au téléphone mais se concentre plutôt sur une connectivité enrichie de communication et d’information via internet et d’autres moyens » (Unwin, 2009).

Un fait important concernant la fracture numérique est qu’elle n’est pas un phénomène observé seulement entre régions du monde, mais aussi au sein de la même région et/ou d’un même pays.

III. ÉMERGENCE DES TECHNOLOGIES D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT

Plusieurs études ont montré que la fracture numérique était liée à d’autres disparités dans le développement des sociétés. L’idée de relier les TIC au développement est apparue en 1984 lorsque la Commission Indépendante de l’Union Internationale des Télécommunications (ITU) a produit un rapport intitulé « Le Lien Manquant » (“The Missing Link”), connu aussi sous le nom de « Rapport de Maitland ». Ce rapport a relevé l’importance de continuer les réformes dans le domaine des télécommunications afin d’étendre la couverture de la téléphonie et ses effets, et ainsi, remédier à la « disparité dans la téléphonie » (“The Telecom Divide”). Progressivement, des efforts institutionnels globaux ont fait émerger les TIC pour le développement (“ICT4D”) au-devant de la scène internationale. Contrairement aux TIC qui mettent l’accent sur les moyens et ce qui peut être accompli avec ces moyens, les TIC pour le développement ont pour objectif de définir ce qui doit être fait en termes de développement sociétal et comment la technologie peut y contribuer. Les technologies pour le développement sont ainsi liées à un agenda moral fondamental qui ne s’intéresse pas aux technologies elles-mêmes mais plutôt à leur déploiement et à leur utilisation pour mieux accommoder et soutenir les communautés pauvres et marginalisées. C’est donc un agenda commun qui implique une réflexion au nom de tous ceux qui aspirent à faire du monde un endroit meilleur et égalitaire (Unwin, 2009).

L’ICT4D est un domaine qui s’intéresse principalement à la réduction de la fracture numérique par le biais d’applications et d’outils qui affectent positivement les populations désavantagées, améliorent leurs conditions de vie, et engendrent une croissance socio-économique. Comme il a été indiqué précédemment, l’ICT4D a émergé en réponse aux efforts internationaux visant à mettre en place un agenda TIC pour le développement. Les motivations principales étaient d’abord liées à l’essor d’Internet et par la suite à la déclaration des Objectifs du Développement du Millenium (“MGC - Millenium Goals Challenge”). Répondant à l’urgence d’obtenir des résultats, on a assisté à une tendance générale à proposer d’utiliser des produits commerciaux disponibles comme solutions de déploiement dans les pays en développement. Les programmes de “télé-cottages” ou de “télé-centres” des Etats-Unis représentent un exemple typique de cette tendance. Leur objectif était de fournir un accès rapide aux TIC aux communautés rurales pauvres dans les années 1980 et 1990. Le programme de télé-centres a rencontré des problèmes d’infrastructure (manque de puissance de calcul et de télécommunication) et a été limité en termes de durabilité et d’évolutivité. C’est ainsi d’ailleurs qu’est apparu le besoin d’utiliser des méthodologies plus formelles de développement, de suivi et d’évaluation.

Vu l’échec de l’option du déploiement massif de solutions clé en main « importées » des pays développés, des efforts ont été investis pour résoudre les problèmes qui se présentaient sur le terrain et fournir/découvrir des solutions alternatives. Dans ce qui suit, nous évoquons cette quête de solutions alternatives.

L’infrastructure de base et les limites qui persistent dans l’alimentation électrique

Les défauts de l’alimentation électrique présentent un obstacle majeur à la pénétration des TIC dans certains pays (surtout dans le continent africain). Tous les systèmes de communication nécessitent la mise en place d’une infrastructure physique pour fournir de l’énergie et pour générer et recevoir des signaux. Cela semble évident et pourtant, plus d’une fois, des programmes ambitieux ont été mis en place pour introduire des ordinateurs dans des écoles et ce n’est qu’ a posteriori qu’on a réalisé que l’absence d’électricité réduisait sérieusement la portée de ces projets. « L’absence d’une alimentation électrique de base fiable dans la majeure partie de l’Afrique reste aujourd’hui un des plus grands handicaps au développement du continent. C’est un sérieux défi pour l’Afrique » (Unwin 2009).

Considérant cette réalité alarmante de l’Afrique et de situations similaires d’infrastructures défectueuses dans d’autres pays en développement, il est urgent de trouver des alternatives pour traiter ces problèmes d’alimentation et pour trouver de nouvelles solutions pour assurer la disponibilité et la fiabilité de la production, de la transmission et de la consommation d’énergie. Comme alternatives, Unwin (Unwin 2009) identifie quatre niveaux principaux d’approvisionnement en électricité pour les ICT4D :

• L’approvisionnement national principal fourni par le réseau d’électricité;

• La production locale d’électricité par l’énergie solaire, éolienne, l’eau et par l’énergie humaine;

• Les générateurs produisant de l’électricité à partir du combustible comme le pétrole ou le gaz naturel pour des organisations ou institutions spécifiques; et,

• Les batteries à la fois rechargeables et non rechargeables.

Malgré les difficultés d’utiliser de telles sources d’électricité alternatives, des projets, comme Greenstar au Brésil, en Jamaïque et au Ghana ont révélé qu’il est possible de construire des centres communautaires efficaces qui utilisent le soleil pour fournir l’électricité, l’eau purifiée, des informations sur la santé et l’éducation et une connexion Internet sans fil.

Des technologies cablées aux technologies sans fil

L’infrastructure des télécommunications est indispensable et en constante évolution. Unwin (Unwin 2009) a passé en revue les grandes technologies filaires qui ont révolutionné nos façons/moyens de communication : « Jusqu’à récemment, la plupart des systèmes de télécommunication utilisaient des câbles comme seuls moyens pour relier les émetteurs et récepteurs utilisant des systèmes analogiques ». Au début, les appels téléphoniques étaient transmis par des lignes téléphoniques faites de matériaux de base : l’acier et le fer qui ont été remplacés par le cuivre au 19ème siècle. Les câbles en cuivre ont évolué avec le circuit à deux fils de Bell en 1881. Enfin au 20ème siècle sont apparues les lignes d’abonné numériques (DSL) et les lignes d’abonné numériques asymétriques (ADSL), ce qui a encouragé la transmission de données et assuré leur diffusion à travers le monde entier.

Au-delà de leur coût d’acquisition, d’installation et de maintenance qui est élevé, les câbles en cuivre présentent un problème majeur de sécurité puisqu’ils sont souvent volés dans les pays en développement (Kaul et al. 2008). Les technologies de fibres optiques (fondées sur le passage de la lumière à travers des fibres en verre ou en plastique), ont été utilisées pour la première fois dans les années 70 et ont commencé à concurrencer de plus en plus les câbles en cuivre grâce à leur grande capacité de transport de données et leur bande passante, en plus de l’efficacité des transmissions de données (peu de bruit et de pertes de données). Un des principaux défis de la fibre optique est le coût important lié à son déploiement. Unwin (2009) suggère donc que si un financement suffisant peut être obtenu, il est fortement suggéré aux pays pauvres d’entreprendre l’installation de câbles à fibres optiques dans les zones qui ne sont toujours pas desservies, de manière à fournir des bandes passantes pour la prestation de services futurs à mesure qu’ils deviendront disponibles.

Des terminaux coûteux aux terminaux à faible coût

En plus de l’infrastructure des télécommunications, le coût des postes de travail représente un obstacle supplémentaire majeur pour l’accès aux TIC dans les pays en voie de développement. Les technologies informatiques ne sont pas de nouveaux appareils. Ce qui est nouveau c’est l’introduction de circuits et de microprocesseurs apparus dans les années 60, ce qui a facilité la diffusion de l’informatique dès les années 1970. L’ordinateur a été, jusqu’à récemment, l’un des outils les plus puissants dans la métamorphose de notre manière de communiquer, d’obtenir des informations et de partager nos connaissances (Unwin 2009). Ses utilisations sont largement documentées incluant :

• La collecte d’informations (plus fréquemment sur le web, mais également à partir de périphériques de stockage comme les CDs ou les DVDs);

• La communication (traditionnellement par courriel, mais de plus en plus souvent par le biais de réseaux sociaux comme Facebook et VoIP);

• Le traitement de l’information (des calculs de base au traitement d’images, et aux applications de base de données);

• La production d’information et de connaissances (comme la rédaction de rapports, la conception graphique et les simulations); et,

• Le divertissement (sous forme de musique, films, jeux vidéos).

Des efforts supplémentaires sont investis pour fabriquer des ordinateurs personnels à bas prix (PC). Mentionnons le projet « One Laptop Per Child » (OLPC), lancé en 2005 à l’initiative de Nicholas Negroponte et de quelques chercheurs de « MIT Media Lab. » pour développer des ordinateurs portables à bas prix, avec une valeur éducative pour les enfants africains.

Le modèle de l’entreprise OLPC repose sur la prémisse que les coûts de fabrication d’ordinateurs portables pourraient être réduits en utilisant des pièces obtenues à rabais, ce qui permettrait de fournir des ordinateurs portables à des prix aussi bas que 100 $ (cela dit, le prix a dû être réajusté à 175 $, ce qui a conduit à un désintérêt du marché). Suite à cela, l’Inde a annoncé son projet de développer des ordinateurs portables à bas prix, à partir de 45$. Par conséquent, malgré 20 ans de nombreuses promesses plus ou moins tenues - du People’s PC au Simputer - il semble que les terminaux à bas prix seront le centre d’intérêt de l’ICT4D dans le futur (OECD 2009).

Solutions logicielles et alternatives émergentes

Pour que le matériel soit utilisé, des applications logicielles sont nécessaires. Les sociétés telles que Microsoft développent et vendent des solutions logicielles tout en gardant les codes des programmes confidentiels. Des alternatives ont commencé à voir le jour dès les années 80. Le mouvement du logiciel libre a commencé en 1983 avec le projet GNP de Richard Stallman. En 1992, ce mouvement a reçu un nouvel élan avec la sortie du système d’exploitation Linux et s’est développé dans les années 90 avec le progrès de Free and Open Software Source (FOSS). Les productions FOSS sont réalisées par des programmeurs qui génèrent des revenus en accomplissant d’autres activités. Certains développeurs du FOSS travaillent même pour des entreprises qui vendent des logiciels propriétaires, mais traitent leur travail au sein de FOSS comme des activités de temps libre. Ainsi, en quelques sortes, ils auto-exploitent leur travail pour l’intérêt général (Unwin 2009).

Les activités de FOSS sont de plus en plus considérées comme un nouveau mode de production qui repose entièrement sur l’auto-organisation de communautés d’individus qui se réunissent volontairement pour produire un résultat partagé. Il est de plus en plus reconnu que les trois règles de l’open source (1. personne ne le possède, 2. tout le monde l’utilise et 3. tout le monde peut l’améliorer) peuvent être la source d’une innovation infinie (Tapscott & Williams 2006).

Un exemple très clair est Wikipédia connu comme étant « l’encyclopédie que n’importe qui peut éditer » et qui s’est avérée pouvoir rivaliser avec la très connue « Encyclopedia Britannca » (Shally-Jenssen 2011). Un autre exemple du mouvement de logiciel libre est l’expérience d’IBM qui a intégré Apache dans les plate-formes qu’elle commercialise. Dans ce cas, le recours au logiciel libre a permis à IBM d’accélérer l’innovation et d’épargner des coûts énormes.

Les logiciels libres sont de plus en plus en plus reconnus comme fournissant des solutions logicielles alternatives prometteuses. Cela dit, le débat sur l’efficacité des logiciels propriétaires vis-à-vis des logiciels libres persiste.

Attention accrue au contenu numérique disponible sur le Web

L’une des réalisations d’ICT4D 1.0 (première génération !) est que l’accès à un PC connecté à Internet n’a pas vraiment de valeur ajoutée en l’absence de disponibilité et accessibilité d’un contenu Web (données, informations, etc.) qui réponde aux besoins des communautés pauvres en information et en communication. En outre, on a assisté à l’apparition d’une nouvelle tendance appelée « contenu libre » (“Open content”), dont le but est de rendre le contenu disponible gratuitement en ligne pour le grand public. L’offre du MIT d’un accès ouvert à son matériel éducatif et à ses cours par l’intermédiaire du site web http://ocw.mit.edu, représente un saut qualitatif vers une disponibilité de plus en plus accrue de ressources éducatives libres (Open eEducational Resources – OER) (Wiley 2006).

Unwin (2009) explique que comme dans le cas du logiciel libre, les discussions concernant l’OER sont intenses et suscitent des controverses. Elles opposent principalement deux visions/conceptualisations différentes : d’une part, le point de vue individualiste qui considère les connaissances comme une marchandise dont la vente peut fournir des gains considérables; et d’autre part, la vision selon laquelle les connaissances sont un bien social, collectivement produit, qui doit être partagé avec la communauté. Il y a également des intervenants qui exigent que les résultats de projets financés par les deniers publics et/ou soutenus par des agences internationales d’aide au développement, soient accessibles à tous sous forme d’OER.

Du support papier au support numérique

Avant l’avènement des TIC le fonctionnement des différents services gouvernementaux (et non gouvernementaux !) était principalement basé sur le traitement des données/informations sur papier. Inévitablement, et à partir des années 70, pour tirer profit des TIC les pays développés ont mis en place des programmes de numérisation massive des données/informations dans différents domaines (reprise de l’historique), notamment en ce qui concerne les données relatives à l’état civil des citoyens. Par la suite, certains pays en voie de développement en Amérique latine (comme l’Argentine, le Chili et le Mexique) et en Asie (comme la Malaisie, l’Inde et la Chine) ont suivi cette tendance. Par contre, et jusqu’à aujourd’hui, la plupart des PED/PMD restent loin derrière et leur fonctionnement est toujours tributaire du support papier. L’enquête annuelle de l’ONU sur la préparation des différents pays à l’e-gouvernement (UN e-Government Readiness Survey) souligne clairement et de façon répétitive d’une année à l’autre, l’urgence d’automatiser les opérations de support (les opérations de “back-office” et de “back-end”) comme prérequis inévitable afin d’espérer profiter des opportunités des TIC.

On peut ainsi dire que malgré l’opportunité formidable que les TIC et ICT4D offrent, les PED/PMD ne sont même pas encore entrés dans l’ère du numérique. La plupart d’entre eux n’ont pas encore développé leur « back-office » (avec des dossiers relatifs à l’état civil, à l’éducation, à la santé, etc.) qui est une condition indispensable à toute application électronique gouvernementale. L’ICT4D est bien présent dans plusieurs projets et initiatives menés dans les PED/PMD. Malheureusement, les échecs répétitifs de ces projets renforcent la perception (chez les citoyens) que l’ICT4D est un simple concept ou outil importé qui n’est ni applicable ni valable dans leurs contextes.

IV. LA NATURE UBIQUISTE DES TIC

Comme nous l’avons déjà mentionné, de nos jours la technologie est présente partout autour de nous pour améliorer notre confort et notre bien-être. Elle imprègne notre quotidien. La nature omniprésente de la technologie nous conduit vers un « monde Ubicom » (ou « Informatique Ubiquiste »), un terme inventé par Mark Weiser en 1988 au laboratoire d’informatique de Xerox PARC (Weiser 1991). L’informatique ubiquiste réfère à la présence massive des ordinateurs et à la polyvalence des services à caractère social qu’ils offrent dans l’environnement physique de l’utilisateur, tout en étant invisibles (Weiser 1993). L’informatique ubiquiste repose sur l’idée que les utilisateurs n’ont pas besoin de rechercher des ordinateurs en particulier pour accomplir des tâches spécifiques. Les dispositifs informatiques devraient être plutôt intégrés dans les environnements socio-économiques et être capables (grâce à des capteurs) de localiser les utilisateurs et de les servir automatiquement.

Fondamentalement, tous les modèles de l’informatique ubiquiste (également appelée « informatique omniprésente ») partagent une vision de dispositifs minuscules de traitement, peu coûteux, et robustes, montés en réseau et répartis à différents niveaux dans la vie quotidienne1. Alan Dix a expliqué que la caractéristique essentielle de l’informatique omniprésente est la mise en quarantaine du paradigme d’interaction traditionnel (avec un écran d’ordinateur) en faveur d’une puissance de calcul et de mécanismes de contrôle associés qui soient disséminés partout dans l’environnement de l’utilisateur. Plutôt que de forcer l’utilisateur à rechercher et à trouver l’interface de l’ordinateur, l’informatique omniprésente suggère que l’interface elle-même puisse prendre la responsabilité de localiser et de servir l’utilisateur (Dix 1998).

L’informatique ubiquiste se désintéresse des machines en tant que telles et se concentre prioritairement sur l’aspect applicatif. Weiser (Weiser 1993) explique que les applications sont tout l’intérêt de l’informatique omniprésente. Le journal de l’informatique et de l’intelligence ubiquiste (Journal of Ubiquitous Computing and Intelligence) explique que la vision de l’informatique omniprésente a un impact ‘explosif’ sur les universités, les industries, le gouvernement et la vie de tous les jours. Elle est le résultat de recherches et de progrès technologiques dans les domaines des réseaux sans fil et des capteurs, des systèmes embarqués, de l’informatique mobile, de l’informatique distribuée, des technologies agents et des systèmes informatiques autonomes.

Dans son livre, « The Rise of the Network Society », Castells (Castells 2000) souligne un changement de paradigme se manifestant dans le passage des systèmes centraux (“mainframe”) vers les ordinateurs personnels, et par la suite vers l’informatique ubiquiste. Il indique que l’informatique omniprésente a commencé avec l’avènement de l’Internet et de sa diffusion et son infiltration des pratiques quotidiennes, indépendamment du lieu et du contexte. Weiser souligne également que l’informatique omniprésente correspondrait à la troisième vague de l’informatique, et qu’elle est tout juste en train de commencer. Il y a eu tout d’abord les machines mainframes qui étaient partagées par plusieurs utilisateurs. Par la suite est arrivée l’ère de l’informatique personnels et des PC (les personnes apprivoisent et interagissent avec les machines plus ou moins bien). Finalement l’âge de l’informatique ubiquiste, ou « l’âge de la technologie calme » fait son apparition avec la technologie qui se retire à l’arrière-plan et régit discrètement tous les aspects de nos vies. La figure ci-dessous distingue ces trois vagues de l’informatique.

1. http://en.wikipedia.org/wiki/Ubiquitous_computing

Figure 2.1 : Évolution des plate-formes technologiques

Image

Source : (Weiser 1993)

Ainsi, il apparaît clairement que l’informatique omniprésente est une tendance bien établie. Par conséquent, les prouesses technologiques iront encore loin, notamment en offrant des dispositifs « intelligents » capables de localiser les utilisateurs et d’anticiper leurs besoins en matière de prestation de services.

V. LES CAPACITÉS DE TRANSFORMATION DES TIC

La révolution informatique d’aujourd’hui est un résultat incontestable de la diffusion régulière et de l’utilisation généralisée des technologies en général, et des technologies de l’information et de la communication (TIC) en particulier. La révolution de l’information fait référence aux progrès technologiques rapides des ordinateurs, des communications et des logiciels qui, à leur tour, ont conduit à des baisses notables des coûts de traitement et de transmission de l’information. Les coûts de communication sont de plus en plus abordables et permettent un contact instantané entre les personnes partout dans le monde, qui devient « un seul endroit ». Les caractéristiques sous-jacentes qui en résultent sont l’interconnexion et l’interdépendance (ou dépendance mutuelle), ce qui implique que les acteurs et/ou les événements de différentes parties du système s’influencent mutuellement. Un rapport de l’ONU a constaté que le monde évolue vers « une ère d’interdépendance environnementale, économique et technologique ».

Comme indiqué précédemment, la révolution de l’information a conduit à la « mondialisation de l’économie et des affaires » et a créé une transition dans la perception de l’importance des transactions économiques. Les TIC ont changé la façon dont les affaires sont faites. Un exemple notable est celui de Wal-Mart, une chaîne de magasins de vente au détail américaine qui est devenue un phénomène commercial mondial depuis les années 80. Son succès est certainement le résultat de l’intégration d’applications TIC dans tout son cycle d’opérations, dans le but de relier les réseaux de fournisseurs et les clients partout dans le monde.

Les effets transformateurs des TIC sur les structures des entreprises sont clairement observés à travers les pratiques opérationnelles et de gestion. Wal-Mart, eBay et UPS ont des structures d’entreprises mettant toutes en œuvre des “réseaux coordonnés de façon centralisée” qui fonctionnent tout à fait distinctement et non-conventionnellement. La coordination et la gestion sont menées à travers un système de contrôle très centralisé qui établit les normes et les contraintes à respecter au sein des entités opérationnelles se trouvant dans des régions éloignées (Gurstein 2007). La principale caractéristique de ces réseaux est l’infrastructure TIC en progrès constant. Ceci conduit à plus d’efficience et d’efficacité dans le travail (en minimisant les coûts et maximisant les profits) et permet aux employés de s’acquitter de leurs responsabilités et/ou tâches attribuées par le contrôle centralisé. Les employés ont des relations contractuelles avec ces réseaux et sont traités comme “un profil électronique” (Gurstein 2007). La violation des règles et des exigences établies par le contrôle central conduit à un ensemble de mesures « électroniques », comme “effacer l’employé”, qui signifie l’élimination de son profil comme utilisateur du réseau, y compris les traces historiques qui le concernent. En termes concrets et plus simples, l’administrateur du système centralisé agit sur les privilèges d’accès de l’employé (par exemple le mot de passe) afin de l’empêcher d’avoir accès aux installations, services et informations du réseau (Gurstein 2007).

Fukuyama (2004) explique qu’en créant des coûts de transaction plus faibles, la technologie de l’information a fourni la justification théorique pour que de nombreuses entreprises aplatissent leur hiérarchie managériale, externalisent leurs opérations et virtualisent leurs unités industrielles et commerciales. Ainsi, le développement de nouvelles structures telles que ces réseaux coordonnés au niveau central, est un résultat fondamental des effets informationnels de l’expansion et de l’omniprésence des TIC.

L’omniprésence des TIC a non seulement changé les pratiques d’affaires des entreprises, mais elle a aussi modifié la façon dont les gouvernements servent leurs administrés. Par conséquent, la diffusion et l’omniprésence des TIC n’ont pas seulement eu des effets transformateurs sur les entreprises et leurs opérations, mais elles ont également enclenché des transformations profondes au sein de l’état. Elles ont changé la façon dont les gouvernements interagissent et servent les organisations, les entreprises et le grand public.

Avec l’intérêt croissant pour les TIC depuis les années 90 et leur omniprésence dans toutes les activités humaines, de nouveaux termes ont été inventés et utilisés, à savoir l’e-gouvernement et l’e-gouvernance. Compte tenu de l’importance du sujet de l’e-gouvernement dans ce livre et de son lien étroit et direct avec le projet eFez, le chapitre III lui sera exclusivement consacré.

VI. LES TIC NE SONT PAS UNE OPTION – CE SONT SOIT UNE MENACE SOIT UNE OPPORTUNITÉ !

L’utilisation des TIC au sein des organisations gouvernementales est de plus en plus reliée à divers facteurs pouvant être classés selon la grande catégorisation suivante.

Les pressions organisationnelles internes incluant :

• Le coût élevé des opérations et des transactions gouvernementales;

• Les défis croissants de gestion et de classement de rapports papier;

• Le manque de partage de données et le coût élevé de la collecte et de la vérification de données multiples;

• Le coût élevé de la distribution et de la dissémination d’informations;

• Le taux élevé d’erreurs par rapport aux différentes activités de traitement d’informations;

• L’insatisfaction croissante des administrés par rapport à la qualité des services;

• Les canaux de services restreints omettant de tenir compte des contraintes et des préférences des utilisateurs; et

• Les effets perturbateurs de la mauvaise conduite organisationnelle dans des activités telles que la recherche de loyer et la bureaucratie tatillonne qui mettent en péril la crédibilité gouvernementale.

La pression nationale caractérisée par les difficultés du partage d’informations à travers les groupes d’intervenants divers, incluant :

• La frustration des administrés par rapport à la fracture numérique grandissante entre les actions du gouvernement et leurs besoins non satisfaits;

• Le manque de mécanismes de consultation pour impliquer les administrés dans la définition des politiques qui affectent leur bien-être et leurs intérêts;

• La limitation des performances de la fiscalité : Fukuyama (Fukuyama 2004) souligne que « le taux de perception d’impôt est une mesure de l’influence du pays, en particulier pour les pays ayant des niveaux élevés de PIB par habitant, mais c’est également une mesure de la capacité administrative (qui est de plus en plus utilisée comme mesure par les organisations/instances financières internationales ». Les défis de l’exécution de la politique fiscale sont mis en évidence par des collectes d’impôts de faible qualité puisque les pays « ne peuvent pas contrôler la conformité fiscale et imposer les lois fiscales », ce qui nécessite le partage d’informations entre agences;

• Les besoins urgents de services de santé : ceci pourrait être atténué pas la diffusion d’informations basiques relatives au domaine de la santé et l’optimisation de la gestion de ressources limitées pour les soins de santé;

• Les défis socio-économiques inquiétants, notamment l’analphabétisme aggravé par le défi relatif à l’extension de l’accès aux opportunités d’apprentissage (surtout par les populations défavorisées et au chômage) exigeant de relier les chercheurs d’emploi aux opportunités de travail;

• La croissance des tensions ethniques en lien avec les communautés et le défi de préserver les langues autochtones;

• L’urgence croissante d’une politique environnementale qui pourrait impliquer le partage organisationnel de données, la coordination et le travail collaboratif à travers tout le pays;

• Le besoin croissant de reconsidérer le secteur public, de construire et renforcer la capacité institutionnelle, et de réorganiser les structures et les processus gouvernementaux. L’urgence est alimentée par la réalité des administrations publiques qui entravent les efforts de développement.

Fukuyama (Fukuyama 2004) rapporte ce qui suit :

De Soto (De Soto 1989) a demandé à des chercheurs de déterminer la durée du processus d’acquisition d’une licence pour petites entreprises à Lima, au Pérou. Après dix mois, onze bureaux visités et 1231$ versés, on leur a accordé l’autorisation légale de créer une entreprise. Le même processus aux États-Unis ou au Canada prendrait moins de deux jours. L’inefficacité de ce processus représente un obstacle important pour la création d’entreprises.

De Soto a observé que les dysfonctionnements de l’état poussent les entrepreneurs vers le secteur informel, dynamique et souvent représentant la seule source de certaines marchandises et de services. L’absence de transparence et de règles claires (et affichées !) agit négativement sur l’investissement et empêche les petites entreprises de se développer (De Soto 1989). Une telle observation montre clairement que les dysfonctionnements du secteur public représentent un obstacle au développement, limitent les projets générateurs de revenus et affaiblissent les opportunités de progrès social.

Les pressions internationales produites par les éléments suivants

L’expansion des TIC modifie continuellement les facteurs spatiotemporels et se développe intrinsèquement au-delà des frontières, alimentant ainsi la globalisation. Une réglementation rigoureuse est importante afin d’aligner les TIC aux intérêts d’un pays. Sinon, les intérêts nationaux seraient compromis et les institutions du pays seraient simplement contournées. L’économie mondiale est devenue grande consommatrice d’information (“information intensive”) et est de plus en compétitive. Hanna (Hanna 1994) souligne que les TIC sont devenues une « infrastructure critique pour rivaliser dans une économie mondiale basée sur l’information ». En effet, les applications et l’intégration efficaces des TIC sont nécessaires pour faire face aux menaces que représentent la globalisation et pour saisir les opportunités qu’elle génère. Ainsi, la fracture numérique représente un frein majeur et remarquable à la globalisation des marchés. La population des utilisateurs d’internet augmente dans le monde entier. Néanmoins, en 2006, les utilisateurs d’Internet dans les pays en développement représentaient simplement 2 % des internautes du monde. En Afrique, un continent avec une population de plus de 1 milliard de personnes, les utilisateurs d’Internet, selon les statistiques du 30 juin 2010, représentaient seulement 5.6 % de la population d’Internet dans le monde.

Figure 2.2 : Taux de pénétration dans le monde par régions géographiques en 2010 - Deux continents accueillant des pays en développement, l’Afrique et l’Asie, ont une pénétration d’Internet au-dessous de la moyenne mondiale

Image

Source : Internet World Statistics –www.Internetworldstats.com/stats.html

Tableau 2.1 : Statistiques de la population et de l’utilisation mondiale de l’Internet en 2012

Régions du monde

Population (2010 Est.)

Utilisateurs d’Internet Déc. 31, 2000

Utilisateurs d’Internet Les dernières données

Pénétration (% Pop.)

Croissance 2000–2010

Utilisateurs/monde entier

Afrique

1,013,779,050

4,514,400

110,931,700

10,9 %

2,357,3 %

5,6 %

Asie

3,834,792,852

114,304,000

825,094,396

21,5 %

621,8 %

42,0 %

Europe

813,319,511

105,096,093

475,069,448

58,4 %

352,0 %

24,2 %

Moyen Orient

212,336,924

3,284,800

63,240,946

29,8 %

1,825,3 %

3,2 %

Amérique du Nord

344,124,450

108,096,800

266,224,500

77,4 %

146,3 %

13,5 %

Amérique latine/Caraïbes

592,556,972

18,068,919

204,689,836

34,5 %

1,032,8 %

10,4 %

Océanie/Australie

34,700,201

7,620,480

21,263,990

61,3 %

179,0 %

1,1 %

TOTAL DU MONDE

6,845,609,960

360,985,492

1,966,514,816

28,7 %

444,8 %

100,0 %

Source : www.internetworldstats.com

À la lumière de ce qui précède, il est clair que les TIC offrent des possibilités pour résoudre efficacement des problèmes urgents de notre société. Si les TIC ne sont pas adoptées et gérées adéquatement, les pressions et dysfonctionnements, à différents niveaux, persisteront et alimenteront inévitablement une variété de menaces.

L’histoire a montré qu’il faut souvent une crise d’un type ou d’un autre (guerres, révolutions, effondrements économiques, etc.) pour créer les conditions politiques pour une réforme institutionnelle importante. En ce qui concerne les TIC, l’indifférence et l’inaction ne sont plus un choix défendable et viable. Seules les 2 options suivantes sont possibles pour les pays en développement :

• Soit prendre les dispositions nécessaires pour l’intégration des TIC dans la vie socio-économique et politique, et ainsi saisir les grandes opportunités qu’elles offrent;

• Soit continuer à ignorer les TIC et, par conséquent, assumer les coûts et les effets extrêmement négatifs sur le développement de ces pays.

Tout naturellement, l’un des objectifs de cet ouvrage est de fournir et expliquer tous les éléments nécessaires pour une prise de décision éclairée par rapport à ce choix.

VII. LE « LEAPFROGGING » POUR CAPITALISER SUR LES EXPÉRIENCES PASSÉES ET LES LEÇONS APPRISES

Il est vrai que les pays industrialisés sont bien en avance sur le plan technologique; mais le processus de développement technologique a été à la fois douloureux et fastidieux. Ils ont rencontré des problèmes coûteux en ce qui concerne la gestion, l’intégration, et l’interfaçage de systèmes patrimoniaux (“legacy systems”) fragmentés, incompatibles et très lourds.

Considérant les problèmes coûteux liés à la maintenance des systèmes patrimoniaux, les pays en développement sont aussi à la traîne dans le domaine de l’intégration des TIC. Cependant, ils ont l’avantage de pouvoir faire un saut quantique (terme que nous utilisons pour désigner le concept de “leapfrogging” en anglais) en adoptant les toutes dernières technologies testées et mises au point par les autres pays plus avancés, de façon à satisfaire efficacement leurs besoins. Apprendre à partir des expériences passées et actuelles et capitaliser sur les leçons apprises est une approche qui peut être extrêmement avantageuse pour les pays en développement capables de faire un tel saut quantique. En effet, cela leur permet d’éviter de refaire les erreurs passées des pays développés en développant successivement des systèmes mal conçus, peu efficaces et de plus en plus chers à maintenir.

Le saut quantique que nous évoquons leur permet d’intégrer immédiatement des technologies modernes et éprouvées dans des systèmes qui offrent de vraies capacités transformationnelles. En outre, ils peuvent aussi bénéficier des nouvelles approches basées sur “l’Urbanisation des TIC”. Il est également intéressant de noter que les expériences passées peuvent aider les pays en développement à soigneusement définir leurs plans d’intégration des TIC. Une approche recommandée est le cadre fonctionnel et le concept de “planification urbaine de l’architecture de TIC”. Cette analogie a été proposée quand on a réalisé qu’il est primordial d’adopter une vision globale dans l’espace et la durée pour n’importe quel projet d’informatisation. Il est utile de le savoir, car l’approche de l’urbanisation utilisée pour concevoir des systèmes d’information répond plutôt bien aux nouvelles exigences. En prenant comme un point de départ les théories d’urbanisme et en particulier celles avancées par l’École de Chicago2.

L’urbanisation d’un système informatique propose de définir un plan de développement cohérent en phase avec la stratégie, les échanges commerciaux et les processus qu’il supporte. Une ville est composée de plusieurs noyaux de croissance que l’on peut qualifier de « fonctionnels » : habitations, commerces, parcs industriels, etc. Le réseau routier relie et sert chaque noyau ainsi que les services communs et partagés comme l’administration, les hôpitaux et les écoles. La ville est en développement perpétuel. Afin de préserver le niveau global de la qualité des services, les ressources et les infrastructures sont adaptées perpétuellement, en gardant un œil sur les budgets ! Curieusement, le système informatique ressemble au concept d’une ville, au moins au niveau logique. Le système informatique est composé des modules fonctionnels qui répondent à des besoins particuliers. De plus, les infrastructures/composantes générales ainsi que les réseaux de communication sont partagés … Et évidemment, le système évolue et se transforme en permanence, tout en respectant des contraintes budgétaires.

Il est clair qu’il y a des technologies, des méthodes et des cadres bien testés et éprouvés. Les pays en développement doivent seulement capitaliser sur les leçons disponibles et apprises, tirer avantage du fait qu’ils ont peu de systèmes patrimoniaux à gérer, et faire le saut quantique pour rattraper les pays développés au niveau technologique.

Le rapport annuel sur l’e-gouvernent de l’organisation des nations-unies (UN 2010) présente un exemple significatif. Un pays en voie de développement, la République de Corée, a dépassé les têtes de file des pays développés en termes d’e-gouvernement (le Canada, les Etats-Unis, la Norvège) et a atteint les plus hauts classements dans l’enquête. En fait, “les rattapeurs identifiés” incluent le Bahreïn, le Chili, la Colombie et Singapour, qui ont rejoint les pays les plus performants au monde dans la prestation des services en ligne.

Le tableau suivant présente la liste des pays en développement les plus performants dans l’intégration réussie des TIC.

2. En référence à la ville de Chicago, qui a été frappée en 1871 par un incident qui l’a totalement détruite. Suite à cet incident, la ville a été entièrement reconstruite selon un schéma d’intégration harmonieux

Tableau 2.2 : Les pays en développement les mieux classés

 

Pays

E-govtnment development index vale

World e-government development ranking

2010

2008

2010

2008

1

Republic of Korea

0.8785

0.8317

1

6

2

Singapore

0.7476

0.7009

11

23

3

Bahrain

0.7363

0.5723

13

42

4

Israel

0.6552

0.7393

26

17

5

Colombia

0.6125

0.5317

31

52

6

Malaysia

0.6101

0.6063

32

34

7

Chile

0.6014

0.5819

34

40

8

Uruguay

0.5848

0.5645

36

48

9

Barbados

0.5714

0.5667

40

46

10

Cyprus

0.5705

0.6019

42

35

11

Kazakhstan

0.5578

0.4743

46

81

12

Argentina

0.5467

0.5844

48

39

13

United Arab Emrates

0.5349

0.6301

49

32

14

Kuwait

0.5290

0.5202

50

57

15

Jordan

0.5278

0.5480

51

50

16

Mongolia

0.5243

0.4735

53

82

17

Ukraine

0.5181

0.5728

54

41

18

Antigua and Barbuda

0.5154

0.4485

55

96

19

Mexico

0.5150

0.5893

56

37

20

Saudi Arabia

0.5142

0.4935

58

70

21

Russian Federation

0.5136

0.5120

59

60

22

Brazil

0.5006

0.5679

61

45

23

Qatar

0.4928

0.5314

62

53

24

Peru

0.4923

0.5252

63

55

25

Belarus

0.4900

0.5213

64

56

 

 

 

 

 

 

 

World average

0.4406

0.4514

 

 

Source : (UN 2010).

VIII. CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons présenté les deux facettes « contradictoires » des TICs et nous avons comparé l’opportunité formidable qu’elles offrent lorsqu’elles sont utilisées pour promouvoir/encourager la bonne gouvernance, ainsi que la menace qu’elles engendrent implicitement lorsqu’elles sont ignorées et/ou utilisées de façon inappropriée. Nous y avons défendu le concept de « ICT4D » qui ne consiste pas en l’achat de machines et d’outillages performants de dernier cri, ni en le développement/déploiement de pages web/Facebook (et de s’acharner à compter le nombre de « like » obtenus en fin de chaque journée ! ! !). Il s’agit plutôt de l’utilisation de la technologie comme un moyen pour favoriser le développement et lutter contre la fracture numérique.

Pour sûr, il y a différentes façons de promouvoir le développement humain et social dans nos pays ! Cependant, sans les TICs ce défi est presque perdu d’avance à cause du nombre sans cesse grandissant des besoins/demandes, de leur complexité et de la qualité attendue des services, en particulier dans les services publics. Dans cette perspective les TICs sont considérées comme un catalyseur indispensable sans lequel, non seulement il est difficile d’améliorer la situation des pays en développement et moins développés, mais pire encore, on courrait un risque sérieux de dégradation, d’isolement et d’appauvrissement de nos sociétés comme conséquence de la fracture numérique.

RÉFÉRENCES

(Castells 2000) : Castells Manuel, The Rise of the Network Society, The Information Age : Economy, Society and Culture Vol. I. Cambridge, MA; Oxford, (1st edition 1996 - second edition, 2000), UK : Blackwell. ISBN 978-0-631-22140-1, 2000.

(De Soto 1989) : De Soto, The Other Path : The Invisible Revolution in the Third World, New York : Harper & Row, 1989.

(Dix et al 1998) : Dix Alan, Human Computer Interaction, Second Edition, New York, Prentice Hall, 1998.

(Fukuyama 2004) : Fukuyama, F. A New Agenda, USA, Cornell University Press, 2004.

(Gurstein 2007) : Gurstein, Michael, What is Community Informatics (And Why Does It Matter), Italy, Polimetrica, 2007.

(Hanna 1994) : Hanna Nagui, Exploiting Information Technology for Development : A Case Study of India, World Bank Discussion Papers, No. 246, 1994.

(Kaul al 2008) : Kaul, S., Business Models for Sustainable Telecoms Growth in Developing Economies, West Sussex, UK, John Wiley and Sons Ltd., 2008.

(Nye 2000) : Nye, J. S., Understanding International Conflicts : An Introduction to Theory and History, New York : Longman Publishers, 2000.

(OECD 2009) : OECD, The Development Dimension, ICT’s for Development, Improving Policy Coherence, OECD Publications, 2009.

(Shally-Jensen 2011) : Shally-Jensen M., Encyclopedia of Contemporary American Social Issues, USA 2011.

(Tapscott & Williams 2006) : Tapscott, D & Williams, A., Wikinomics, How Mass Collaboration Changes Everything, USA, Penguin Group Inc., 2006.

(UN 2010) : United Nations E.Gorvernment Survey 2010. http://unpan3.un.org/egovkb/global.reports/10report.htm

(Unwin 2009) : Unwin Tim, ICT4D : Information and Communication Technology for Development, Cambridge University Press, Cambridge, UK, 2009.

(Wiley 2006) : Wiley D., On the Sustainability of Open Educational Resource Initiatives in Higher Education, Paper commissioned by the OECD’s Centre for Educational Research and Innovation (CERI) for the project on Open Educational Resources. http://www.oecd.org/document/20/0,3746,en_2649_35845581_35023444_1_1_1_1,00.html, 2006.

(Weiser 1991) : Weiser Mark, “The Computer for the Twenty-First Century,” Scientific American, pp. 94–10, September 1991.

(Weiser 1993) : Weiser Mark, “Hot Topics : Ubiquitous Computing”, IEEE Computer, October 1993.

CHAPITRE III

L’e-gouvernement et l’e-gouvernance

I. INTRODUCTION

La définition (et la compréhension) de la notion de bonne gouvernance a connu une évolution historique depuis son apparition au cours du 20e siècle. Cette évolution fait suite à de nombreuses discussions entre analystes et économistes concernant les structures et les stratégies à mettre en place pour soutenir la productivité et les profits des entreprises. À la fin des années 1980, cette notion de bonne gouvernance a été étendue au développement socio-économique en mettant l’accent sur le rôle que peut/doit jouer le gouvernement à cet égard.

La bonne gouvernance était essentiellement présentée par la Banque Mondiale comme une exigence souhaitable au niveau national pour permettre et faciliter le succès de la réforme du développement économique (Haldenwang 2004). L’UNDP a adopté cette notion dans les années 1990 et l’a étendue de façon à permettre aux pays d’assurer aussi le développement humain. Par conséquent, afin de se conformer aux exigences des institutions internationales en matière de bonne gouvernance, l’agenda de la réforme du secteur public dans les pays en développement s’est intéressé au renforcement institutionnel et au renforcement des capacités locales (“local capacity building”), avec une double perspective :

• La réforme et l’amélioration des structures associées à l’administration publique;

• Le développement du personnel capable d’exploiter efficacement et de gérer des structures organisationnelles de l’administration publique.

Pourtant, puisque la mondialisation (ainsi que l’expansion technologique concomitante) a transformé la réforme du secteur public, le renforcement des capacités doit donc être vu en termes stratégiques comme une action à long terme : une tâche continue visant à façonner, redéfinir et réorganiser les institutions à l’aide de technologies évolutives et du raffinement des compétences humaines (UN 2003). Cela suggère que la réforme du secteur public et de son processus de renforcement des capacités intègrent de nouvelles technologies en guise d’outils facilitateurs. Heeks (Heeks 1999) explique ce fait en notant que la réinvention du gouvernement est une continuation des ‘nouvelles réformes’ de la gestion publique.

Cependant, la réinvention du gouvernement dans l’ère de l’information devrait signifier deux choses différentes :

• Premièrement, un rôle beaucoup plus grand (c’est à dire plus manifeste) de l’information et des systèmes d’information dans le processus de changement;

• Deuxièmement, un plus grand rôle des technologies de l’information (c’est à dire qu’elles devraient être plus largement employées) dans le processus de changement.

Dans ce sens, la globalisation et l’âge de l’information provoquent une réforme du secteur public basée sur les technologies de l’information (TI), en tirant partie des TI pour influencer et faciliter la bonne gouvernance. Par conséquent, un certain nombre de concepts reliés aux TI ont été de plus en plus utilisés, en particulier les notions de gouvernement en ligne, appelé souvent e-gouvernement, et le modèle de gouvernance qui lui est associé appelé e-gouvernance (NU 2001).

II. L’E-GOUVERNEMENT ET L’E-GOUVERNANCE

Backus (Backus 2001) définit l’e-gouvernance comme étant l’application de moyens électroniques pour :

• faciliter/soutenir l’interaction entre le gouvernement et les citoyens et entre le gouvernement et les entreprises;

• adapter/mettre à jour le fonctionnement interne du gouvernement en vue de simplifier et d’améliorer les aspects démocratique, gouvernemental et économique de la gouvernance.

L’e-gouvernance se compose de trois éléments (Heeks 2001) :

• La e-administration : pour améliorer les processus gouvernementaux;

• Le e-citoyen et les e-services : pour connecter les citoyens et les servir en ligne; et,

• La e-société pour construire des interactions au sein et de la société civile.

• Dans ce sens, l’e-gouvernance offre deux aspects complémentaires : politique (se concentrant sur la facilitation des processus démocratiques et participatifs via l’engagement des citoyens) et technique (mettant l’accent sur les opérations et processus gouvernementaux) (Bhatnagar 2004).

D’un autre côté, quand on s’intéresse aux questions/problèmes techniques et aux outils pour les résoudre, on parle d’e-gouvernement qui est de ce fait un sous-ensemble de l’e-gouvernance (Bhatnagar 2004). Dans sa définition la plus simple, l’e-gouvernement réfère à “l’utilisation des technologies numériques pour transformer les opérations du gouvernement afin d’améliorer l’efficacité, l’efficience et la prestation des services”. En général, plus il y a de services disponibles en ligne, plus leur utilisation est répandue, et plus grand sera l’impact de l’e-gouvernement. En plus de l’Internet, les téléphones mobiles offrent un canal encore plus pratique pour distribuer les informations gouvernementales. En utilisant la messagerie-texte (‘text-messaging’), les gouvernements sont en mesure d’envoyer des alertes d’urgence à l’échelle régionale, de fournir instantanément des informations sur demande, et essentiellement de rendre le gouvernement accessible à la population où qu’elle soit localisée et à tout moment (McGuigan 2010).

L’e-gouvernement implique l’automatisation ou l’informatisation des procédures existantes non-informatisées, ce qui conduit à de nouveaux styles de leadership, de nouvelles façons de débattre et de décider des stratégies, d’interagir avec les sociétés commerciales, d’écouter les citoyens et les communautés, d’organiser et de livrer l’information, donc essentiellement à de nouvelles façons de gouverner. Par conséquent, le processus qui consiste à utiliser, améliorer, inventer et gérer les outils d’e-gouvernement pour gouverner est appelé l’e-gouvernance.

Le « e » dans ‘e-gouvernement’ et ‘e-gouvernance’ fait référence à la plate-forme électronique et à l’infrastructure qui permet la mise en réseau, le déploiement et l’opérationnalisation du système informatique.

Pour l’ONU (UN 2008), « l’e-gouvernement peut être défini comme l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) pour améliorer les activités des organisations du secteur public et de leurs agents. De tels efforts peuvent être dirigés vers la prestation de services aux citoyens (« front office »), ou à la modernisation des pratiques du travail et à la réalisation et amélioration de l’efficacité opérationnelle des bureaux (back-office) ».

L’e-gouvernance peut être vue comme un concept plus large qui définit et évalue les impacts que les technologies ont sur la pratique et l’administration des gouvernements, sur les relations entre les fonctionnaires et la société en général, ainsi que sur les interactions avec les instances élues ou les groupes extérieurs tels que les organisations non gouvernementales (ONG) ou les entités du secteur privé.

L’e-gouvernance englobe aussi une série de mesures nécessaires à mettre en place par les organismes publics afin d’assurer la mise en œuvre réussie des services d’e-gouvernement pour le grand public. Si l’e-gouvernement est considéré comme l’application de moyens électroniques pour le fonctionnement et les opérations des gouvernements, l’e-gouvernance est vue comme l’application de moyens électroniques pour :

• L’interaction entre le gouvernement et les citoyens (G2C - ‘Government to Citizens’ en anglais), et entre le gouvernement et les entreprises (G2B - ‘Government to Business’ en anglais);

• Les opérations internes du gouvernement pour simplifier et améliorer les aspects démocratiques, gouvernementaux et commerciaux de la gouvernance.

L’e-gouvernance se compose de trois blocs majeurs :

• L’amélioration des processus gouvernementaux : e-administration;

• La connexion avec les citoyens : e-citoyens et e-services;

• La construction d’interactions avec, et au sein de, la société civile : e-société ».

Ces domaines de l’e-gouvernance semblent correspondre, comme nous pouvons le voir dans l’encart ci-dessous, aux 3 interactions typiques qui caractérisent le processus de gouvernance : G2C (entre le gouvernement et les citoyens), G2B (entre le gouvernement et les entreprises) et, finalement G2G (entre les différentes composantes du gouvernement).

Source : (UN 2003)

III. L’E-GOUVERNEMENT ET L’E-GOUVERNANCE COMME MOYENS DE BONNE GOUVERNANCE

Plusieurs études ont démontré que l’e-gouvernement favorise la bonne gouvernance (Nute 2002), (O’connell 2003). Il la favorise non seulement par la réactivité des institutions publiques vis-à-vis des demandes croissantes et exigeantes des citoyens, mais aussi par leur efficacité, efficience et sécurité (O’connell 2003).

Le Rapport de l’Union Internationale des Télécommunications (ITU) sur l’e-gouvernement pour les pays en développement (ITU 2008) mentionne que l’utilisation efficace des TIC pour servir les citoyens en ligne est un défi majeur pour de nombreux pays, en particulier pour les pays en développement. Les gouvernements font face à beaucoup d’incertitudes et de risques quant au développement et à la fourniture de services d’e-gouvernement. Ceci est dû à la complexité de la technologie, à la lourdeur et l’interdépendance des procédures organisationnelles en place, et à la grande diversité d’attitudes des individus vis-à-vis de la technologie et du changement en général.

L’e-gouvernement exige beaucoup plus qu’un savoir-faire technologique pour développer et exploiter des services en ligne avec succès. Il faut recourir à des approches stratégiques pour l’organisation et l’assemblage de ressources concrètes telles que des ordinateurs et des réseaux, et de ressources intangibles telles que la compétence des employés, les processus organisationnels et les processus de gestion de connaissance. En conséquence, la réussite des organisations gouvernementales dans les projets d’e-gouvernement est liée à deux facteurs essentiels :

• Avoir une population importante de citoyens capables et désireux d’adopter et d’utiliser les services en ligne;

• Disposer de capacités techniques et managériales pour mettre en œuvre des applications informatiques de pointe (Hanna 2010).

Bhatnagar (Bhatnagar 2004) a évalué douze projets d’e-gouvernement dans des pays en développement. Il a démontré que ces projets améliorent concrètement la gouvernance grâce à l’accroissement de la transparence, à la réduction de la corruption et des coûts d’opérations et à l’amélioration de la qualité des services. Cela confirme la suggestion de Heeks qui indique que l’e-gouvernance (et l’e-gouvernement) est une bonne voie pour aboutir à la bonne gouvernance et la renforcer grâce aux TIC (Heeks 2003).

D’un autre côté, il a été constaté qu’un grand nombre de systèmes d’e-gouvernement déployés dans les pays en développement ne parviennent pas à améliorer la gouvernance pour différentes raisons (Heeks 2003).

Selon Guida et Crow (2009), cela pourrait s’expliquer par :

• L’utilisation inappropriée d’outils, techniques et technologies;

• Une déconnexion totale entre les donateurs internationaux et les organismes finançant le projet d’une part, et les bénéficiaires et la réalité sur le terrain, d’autre part;

• Un recours excessif aux approches gouvernementales imposées par le haut (‘top-down’) qui ne tiennent pas compte des besoins des utilisateurs/citoyens.

Guida et Crow (2009) ont énuméré d’autres facteurs importants liés à la gouvernance qui contribuent aux échecs observés, tels que le manque de transparence, le manque de participation des citoyens, la résistance de la bureaucratie, la corruption, des environnements politiques et réglementaires rétrogrades et des ressources humaines non qualifiées.

Les aspects relatifs à la préparation, l’acceptation et l’utilisation du e-gouvernement sont souvent agrégés sous la notion de e-readiness (la disposition des individus à accepter/utiliser la technologie). Plusieurs organisations qui s’intéressent au développement évaluent/mesurent le niveau de l’e-readiness des pays pour déterminer leur capacité et habilité à saisir/profiter du potentiel des TIC. Ces mesures sont essentiellement axées sur la capacité de mettre en œuvre des applications qui sont effectivement utilisées par les citoyens pour améliorer leur vie au quotidien. Elles aident à déterminer les types de services à fournir, les obstacles rencontrés, ainsi que les actions complémentaires à entreprendre pour renforcer les impacts à long terme (Hanna 2010).

De notre côté, nous pensons que la préparation et l’empressement de tous les intervenants du gouvernement (hommes politiques, cadres supérieurs, gestionnaires de niveau intermédiaire et employés) est un facteur déterminant dans la réussite de tout système d’e-gouvernement.

IV. DOMAINES D’APPLICATION DE L’E-GOUVERNEMENT

La prestation de services gouvernementaux est le domaine où les TIC ont, jusqu’à présent, réalisé les progrès les plus importants (Finger 2005). Pour ce qui est des deux autres principales fonctions du gouvernement (législation et élaboration de politiques), l’utilisation des TIC est encore très limitée. Une étude menée par les Nations Unies en 2008 (UN 2008) mentionne que cette dichotomie entre politique démocratique et opérations d’un gouvernement est l’une des plus communes dans de nombreuses parties du monde. C’est ainsi, que la branche exécutive dépasse de loin la branche législative en termes d’investissements dans les nouvelles technologies et aussi en regard de l’ouverture aux innovations du monde numérique. Une grande partie des efforts déployés par les gouvernements dans les phases initiales de l’e-gouvernement (information et intégration) a été majoritairement orchestrée par les responsables de l’exécutif, qu’ils soient élus ou nommés (Roy 2006).

Les artefacts des TIC qui alimentent l’e-gouvernement et l’e-gouvernance sont nombreux et en évolution continue. Le tableau ci-dessous fournit un aperçu des TIC les plus utilisées et indique la façon dont elles transforment les fonctions du gouvernement :

Tableau 3.1 : Des technologies qui ont transformé l’organisation du gouvernement

Technologie

Transformation induites

Technologies des bases de données

Elles sont appliquées dans trois formes de systèmes d’information :
Les systèmes de stockage de données qui stockent/mémorisent des données diverses relatives aux registres de la population, aux structures/unités juridiques, aux biens immobiliers, aux entreprises etc. Ces systèmes peuvent être entretenus par des fonctionnaires habilités tels que les notaires publiques. Ils fonctionnent comme des systèmes d’archivage à usage général et permettent les échanges entre les administrations et les citoyens. L’identité administrative du citoyen est certifiée par ces systèmes d’enregistrement d’authentification.
Les systèmes sectoriels aident dans les transactions de base reliées à un secteur spécifique de l’administration publique tel que la sécurité sociale, les services médicaux, la police et les transports.
Les systèmes de contrôle permettent d’effectuer (et de faire le suivi) des dépenses de ressources, qu’elles soient financières, humaines ou physiques (bâtiment et équipement) au sein des ministères, des organismes gouvernementaux et d’autres organisations subventionnées.

Technologies d’aide à la décision

Elles appuient le processus de prise de décision en appliquant des règles particulières aux données saisies individuellement ou collectivement.
Les systèmes d’aide à la décision peuvent aller de simples systèmes de traitement basés sur quelques règles de production (traitement à base de cas) jusqu’à des systèmes à base de connaissances tels que des systèmes conseillers complexes ou des systèmes experts. En règle générale, on peut affirmer que, pour la société de l’information, chaque type de décision pouvant être traduit en algorithme sera tôt ou tard automatisé.

Technologies réseau

Elles se développent rapidement. Elles ajoutent une dimension de communication aux technologies de l’information. Par conséquent, les contraintes reliées au temps et au lieu deviennent de moins en moins importantes. Toutes sortes de services sont ainsi introduits tels que le partage de fichiers, les courriels, les sites web, la navigation, le clavardage (‘chat’), les messages ciblés, les vidéo-conférences pour nommer les principales.

Technologies d’identification personnelle, de repérage, et de suivi

Elles deviennent de plus en plus sophistiquées et se répandent dans tous les domaines de la vie. Les numéros d’identification personnelle (NIP) généraux ou des numéros plus spécifiques comme le numéro fiscal, le numéro de sécurité sociale, le numéro des services médicaux, ou les numéros utilisés dans l’éducation nationale peuvent être utilisés afin de créer des bases de données générales. Les cartes à puces, intégrant les numéros d’identification et d’autres dispositifs de traçage ou de repérage, peuvent également être utilisées à des fins d’identification par les services publics, ainsi que pour contrôler la mobilité des personnes et des véhicules. Les dispositifs de repérage et de contrôle deviennent de plus en plus importants : ils sont discrets, ne nécessitent aucun changement au niveau des flux de travail ou des procédures, et peuvent souvent s’adapter aux habitudes existantes; ils sont également très efficaces pour des fins de surveillance.

Technologies de bureautique et de multimédia

Elles sont utilisées dans les activités principales de l’administration publique pour générer, traiter, réarranger et fournir des informations sous une forme récupérable. La récupérabilité (‘retrievability’) de l’information est nécessaire pour tous les types de contrôles auxquels l’administration publique est soumise, y compris les contrôles juridique, politique, démocratique, de gestion et de vérification. La bureautique sert ce même but grâce à l’utilisation du traitement de textes et d’autres dispositifs de saisie (pour le texte, le son et les images), des médias de stockage tels que les bandes magnétiques, CD, CD-ROM ou les films numériques; du courrier électronique, des échanges électroniques de données, et des systèmes de récupération de texte et documents. L’importance de ces formes de support bureautique est déterminée par la jurisprudence, les preuves légales et les vérifications des actions publiques.

Source : (Snellen 2002)

Dans les pays développés, les gouvernements ont fourni des efforts significatifs pour soutenir et profiter de l’essor d’Internet et de l’augmentation constante de son utilisation par le public et les organisations. Ils ont d’abord commencé par utiliser les TIC pour créer de nouveaux canaux pour servir leurs clients (c’est à dire les citoyens et les entreprises). Cela a été souvent appelé « la webification » (Riley 2003) et permettait aux gouvernements de partager des documents en vue de fournir de l’information. Comme les TIC ont grandi en sophistication, les gouvernements sont passés de l’ère de la « webification » à l’ère du « e-service », offrant des solutions plus avancées et en ligne afin de satisfaire les besoins des citoyens et des entreprises. Les applications telles que le paiement d’impôts en ligne, les demandes d’emplois en ligne et la délivrance de certificats électroniques ont ainsi proliféré. Par exemple, en 2004, 76 % des déclarations d’impôt en Estonie ont été effectués en ligne (UN 2008).

Le tableau ci-dessous montre quelques résultats de l’enquête menée par l’ONU en 2008 (UN 2008) concernant l’utilisation des prestations électroniques des services publics dans les pays du monde :

Tableau 3.2 : Fourniture de services par secteur

 

Santé

Education

Bien-être

Main d’œuvre

Finance

Phase II

Informations archivées (les lois, les documents de règlement, etc.)

124

124

107

105

141

Le site offre une section d’actualités (news)

104

118

98

96

118

Bases de données (accès Web à/statistiques téléchargeables)

105

104

91

91

123

Guichet unique/Fenêtre Unique

45

61

41

39

34

Phase III

Documents téléchargeables

62

62

62

57

71

Soumission de documents en ligne

17

19

19

20

34

Les fonctions Audio, Vidéo

28

31

32

29

25

Signature électronique

7

4

7

6

11

Phase IV

Compte personnel en ligne

28

39

31

33

41

Paiement par carte bancaire

5

3

 

6

14

Phase V

Encourager la participation des citoyens

32

37

8

24

42

Option d’inscription par courriel

38

56

38

30

38

Délai de réponse indiqué pour les courriels/les documents

6

8

6

9

10

Source : (UN 2008)

Concernant l’e-gouvernement, l’enquête de l’ONU a souligné un fait important : L’efficacité des organisations gouvernementales à servir électroniquement leurs clients est très dépendante de l’automatisation des opérations d’arrière-plan (‘back-end’) et de la construction de référentiels de données intégrés (‘data repositories’). L’expérience montre que les organisations gouvernementales gagneraient à s’inspirer des pratiques du secteur privé et des règles de gestion qui y sont appliquées. Ceci devrait pousser les organisations publiques à développer des règles administratives requises à l’automatisation de presque toutes les opérations et transactions gouvernementales. L’accès en ligne aux référentiels de données, par exemple, est indispensable à l’analyse minutieuse de politiques et de plans d’actions.

La figure suivante représente le continuum d’évolution en lien avec la fourniture de services gouvernementaux.

Figure 3.1 : Évolution du mode de livraison du service public

Image

Source : (UN 2008)

Le vote est un mécanisme qui vise à impliquer les citoyens dans les affaires gouvernementales. Le vote électronique (e-vote) a été prévu pour faciliter ce mécanisme et le rendre plus pratique pour les citoyens. Le vote électronique est apparu dans le canton de Genève, en Suisse, et a été appliqué pour la première fois à une échelle nationale en Estonie en 2004. Cependant, la pratique du e-vote n’en est toujours qu’à ses débuts à cause d’un manque de confiance des populations par rapport au vote électronique et à ses résultats.

Le tableau ci-dessous montre les résultats de l’enquête de l’ONU de 2008 en lien avec l’implication des citoyens :

Tableau 3.3 : La prise de décision par des voies électroniques

 

Nombre de pays

Pourcentage

Le gouvernement s’engage, officiellement ou officieusement, à intégrer les résultats des participations électroniques aux prises de décisions électroniques.

22

11%

La reconnaissance explicite des opinions, des délibérations et des interactions électroniques reçues.

18

9%

Le gouvernement envoie un “accusé de réception” aux citoyens après avoir reçu leurs contributions, incluant une copie de ce qui a été reçu, le destinataire, la date et l’heure de réception et le temps de réponse estimé.

12

6%

Les fonctionnaires modèrent en ligne les délibérations électroniques.

6

3%

Le gouvernement publie électroniquement, sur les sites web les résultats des opinions des citoyens, y compris les e-opinions.

23

12%

Source : (UN 2008)

V. DOMAINES D’APPLICATION DE L’E-GOUVERNANCE :

Engagement électronique (C2G)

LIl y a un intérêt croissant pour l’utilisation des applications des TIC afin de faciliter et encourager une contribution réelle des citoyens au cycle de formulation des politiques gouvernementales. Néanmoins, ces applications sont encore limitées dans la pratique et par leurs résultats, comme le montrent les résultats de l’enquête sur l’e-gouvernement menée par l’ONU (UN 2008). Le tableau suivant montre clairement l’usage limité des TIC dans la formulation de politiques.

Tableau 3.4 : Application des TIC pour la formulation de politiques

 

Nombre de pays

Pourcentage

Le gouvernement fournit un règlement et une mission d’e-participation sous forme écrite, claire et explicite.

37

19%

Alertes par e-mails pour des objectifs d’e-participation.

21

11%

RSS utilisé pour informer et impliquer les citoyens.

20

10%

Calendrier écrit listant les prochaines activités de participation en ligne.

21

11%

Source : (UN 2008)

Consultation électronique (G2C)

Afin de faciliter les interactions des responsables du gouvernement avec les citoyens et les groupes de lobbies, des canaux informatisés sont de plus en plus déployés. Le but est de faciliter le processus de participation des électeurs dans les consultations liées à l’élaboration et à la promulgation des lois. Cependant, cette application en est aussi à ses débuts. Le tableau ci-dessous montre les résultats de l’enquête sur l’e-gouvernement menée par l’ONU en 2008 sur les applications d’e-consultation :

Tableau 3.5 : Application d’e-consultation

 

Nombre de pays

Pourcentage

L’utilisation de sondages pour solliciter l’opinion du citoyen

32

17%

L’utilisation du clavardage/messagerie instantanée pour solliciter l’opinion du citoyen

10

5%

L’utilisation de weblogs (les blogs) pour solliciter l’opinion du citoyen

8

4%

Un forum ouvert sur web pour discuter de n’importe quel sujet

26

14%

Un forum de discussion en ligne ouvert spécialement pour les questions sur les règlements.

23

12%

Le contenu des discussions passées est posté dans un forum en ligne

22

11%

Processus formel de consultation en ligne offrant aux citoyens une manière structurée de commenter les lois et les règlements du gouvernement

21

11%

Mécanisme de consultation en ligne non formelle demandant des commentaires aux citoyens sur les règlements et les activités

18

9%

Source : (UN 2008)

Bien que limitée dans la pratique et les résultats, il est clair qu’il y a un intérêt grandissant à tirer parti des TIC pour faciliter le processus de participation des citoyens et améliorer les opérations de délibération et de consultation.

Contrôle électronique (G2G)

Le contrôle est un ensemble de procédures et de mécanismes d’audit interne (ou externe) pour faire le suivi de divers éléments du fonctionnement organisationnel tels que les mesures des processus de dépenses dans la chaîne de valeur (entrées, flux et sorties), la performance et les résultats. Avec le développement des TIC, des moyens électroniques sont de plus en plus utilisés pour mesurer la performance des applications mises à la disposition des clients à travers les réseaux de télécommunication.

VI. ATOUTS ET BÉNÉFICES DE L’E-GOUVERNEMENT ET DE L’E-GOUVERNANCE

Dans le domaine du développement international, l’introduction des applications des TIC dans les organisations gouvernementales a généré des effets notables relativement aux gains en développement. Une leçon remarquable, tirée de la crise économique asiatique des années 1990 à la suite de l’application des programmes d’ajustement structurel de la Banque Mondiale, est que : « Les institutions comptent » (World Bank 1991). Cette constatation est affublée de différentes étiquettes telles que ‘la gouvernance,’ ‘la capacité de l’état’ ou ‘la qualité institutionnelle’ (World Bank 1991). Aussi, en réponse à la nécessité d’un renforcement des capacités institutionnelles, on a donné une grande importance au démarrage et à la conduite de projets TIC dans les pays en développement, certains d’entre eux ayant conduit à des résultats positifs.

Bhatnagar (Bhatnagar 2004) a évalué les résultats générés par 12 projets d’e-gouvernement, dans des pays en développement, et en a déduit que ces projets ont apporté des avantages concrets, notamment en augmentant la transparence, en réduisant la corruption, en améliorant la prestation de services, en donnant du pouvoir aux citoyens et en renforçant les objectifs économiques de la bonne gouvernance.

La Malaisie, qui est reconnue de plus en plus comme modèle parmi les pays en développement, a relevé un défi important en liant clairement ses objectifs de développement social aux réalisations et résultats de son programme d’e-gouvernement. Ainsi, grâce à l’effort d’une politique visionnaire et au maintien de conditions critiques, ce pays a réalisé une croissance étonnante qui est le résultat démontrable d’initiatives proactives liées aux TIC (John 2005).

Le e-gouvernement favorise le renforcement des capacités institutionnelles parce qu’il rééquipe et change deux composantes complémentaires préalables au bon fonctionnement des organismes gouvernementaux :

• Le ‘back office’ (les opérations et les processus d’arrière-plan des organismes gouvernementaux) et,

• Le ‘front office’ (les interactions et les échanges des organisations gouvernementales avec les citoyens et les entreprises). L’e-gouvernement doit ses capacités de transformation aux perspectives offertes par les technologies de l’information en vue de réformes majeures de la gouvernance et de l’administration publique grâce à une gestion publique plus efficace et plus efficiente, d’une information accessible au grand public et de meilleure qualité, d’une meilleure prestation des services, ainsi que de la construction d’un partenariat pour la gouvernance participative et interactive (Bertucci & Alberta 2003). Les études d’implémentation de l’e-gouvernement dans des pays en développement, à savoir la Tanzanie, l’Afrique du Sud et la Chine, expliquent comment l’introduction des TIC dans les organisations gouvernementales conduit à des améliorations concrètes en termes de :

Gains d’efficacité :

Une gouvernance moins coûteuse : qui produit les mêmes résultats à un coût plus faible.

Une gouvernance qui fait plus : qui produit plus pour le même coût total.

Une gouvernance rapide et réactive : qui produit les mêmes résultats, au même coût, en un temps moindre.

Gains effectifs :

Une gouvernance qui fonctionne mieux : qui produit les mêmes résultats au même coût total dans le même temps, mais avec un niveau supérieur de qualité.

Une gouvernance qui est innovatrice : qui génère de nouveaux résultats.

Des études empiriques ont montré certains gains générés par le déploiement des systèmes d’e-gouvernement tels que ceux énumérés dans la figure ci-dessous (UN 2008).

Figure 3.2 : Gouvernance intégrée par le biais de TIC

Image

Source : (UN 2008)

Il apparaît donc clairement que l’e-gouvernement a un impact sur la chaîne de valeur des services gouvernementaux :

• Réduisant les ressources requises en entrée (moins de main-d’œuvre et moins d’effort physique);

• Réduisant les temps de traitement (réduction du temps d’exécution des services);

• Améliorant les sorties (augmentation du nombre de services);

• Améliorant les résultats (amélioration de la qualité de livraison des services).

Ainsi, les TIC, en tant qu’outils innovants, soutiennent le développement et l’amélioration de capacités et appuient la bonne gouvernance, et l’e-gouvernement a un énorme potentiel de transformation. Il peut modifier significativement la façon dont le gouvernement entreprend sa mission, résout ses problèmes de développement, et interagit avec les citoyens et avec les entreprises. Il peut donner lieu à un nouveau paradigme de gouvernance qui place les citoyens au centre des préoccupations, répond à leurs besoins et à leurs attentes, de façon transparente, responsable et participative (Sisk 2003).

Comme déjà mentionné dans ce livre, les applications de l’e-gouvernement se sont répandues largement dans les fonctions et les travaux des organisations gouvernementales des pays industrialisés. Ceci s’explique par le fait que les opérations gouvernementales sont principalement fondées sur l’information, mais aussi parce que les TIC ont des capacités de plus en plus sophistiquées pour la capture, le stockage, le traitement et l’extraction des informations. Par conséquent, les TIC ont réussi à s’intégrer dans le fonctionnement et les opérations gouvernementales, tout en satisfaisant leurs besoins « informationnels » en vue d’offrir un meilleur service aux citoyens et aux entreprises.

Néanmoins, l’utilisation des applications des TIC n’améliore pas toujours le développement de façon immédiate. Les Philippines, par exemple, étaient ouvertes à l’importation et à l’adoption de technologies. Elles ont adopté des formes modernes d’expédition et de transport de marchandises dès 1849, ainsi que les chemins de fer en 1887. Le pays a continué à importer des technologies telles que les trams électriques en 1905 et les avions en 1924. Cela n’a pas été problématique en tant que tel. Ce qui est malheureux, dans le cas des Philippines, c’est son échec dans l’exploitation des technologies pour servir le développement social et humain.

Raul Pertierra (Pertierra 2009) pense que la raison principale qui empêche les technologies de jouer un rôle transformateur dans ce pays est liée au fait qu’elles ont surtout été bénéfiques aux régions métropolitaines et étaient contrôlées par certaines élites. Ces technologies n’ont pas pu pénétrer le quotidien de la plupart des Philippins. Selon les termes de Niklas Luhmann (Luhmann, 1998), dans l’exemple des Philippines, la technologie a manqué d’un système/mécanisme d’intégration. Elle a touché les fonctionnalités externes du système, mais pas son fonctionnement interne (Pertierra 2009).

De plus, comme le mentionne Hanna (Hanna 2010), le manque de ‘capacité d’absorption’ empêche l’utilisation efficace des TIC et diminue les chances d’atteindre les effets visés de développement. Ceci montre clairement l’importance cruciale d’intégrer les TIC dans tous les domaines d’activités et de faciliter leur pénétration dans toutes les couches sociales et dans toutes les régions géographiques, ceci afin de générer des effets bénéfiques pour le développement.

Le tableau ci-dessous montre les bénéfices du e-gouvernement pour diverses catégories d’utilisateurs.

Tableau 3.6 : Les bénéfices multi-utilisateurs de l’e-gouvernement

Utilisateurs cibles

Applications

Bénéfices

Citoyens

Information Éducation
Services médicaux
Transactions de bénéfices sociaux
Paiement de l’impôt.

Un canal plus pratique. Des coûts de transaction moins élevés, une transparence augmentée, une corruption réduite et une plus grande participation démocratique.

Enterprises

Renseignement et orientation
Licences et réglementation
Paiement de l’impôt.

Des interactions plus rapides qui réduisent les coûts de transaction, réduisent le fardeau réglementaire et réduisent la corruption.

Fournisseurs

E-Acquisition/(‘e-Procurement’)

Une amélioration de l’accès au marché gouvernemental, une réduction des coûts de transaction, une plus grande transparence et une réduction de la corruption.

Autres organismes gouvernementaux

Le partage de l’information
Le transfert des données
L’automatisation du processus back-office

Une plus grande précision et efficacité, des coûts de transaction réduits, et un meilleur partage de l’information.

Source : (Guida and Crow 2009)

VII. LES FACTEURS DE RISQUE

Les gouvernements font face à plusieurs éléments contextuels qui les contraignent : des contraintes politiques, juridiques et organisationnelles, les politiques publiques, la disponibilité plus ou moins grande des environnements technologiques et du capital humain formé et qualifié. En effet, les citoyens et les acteurs gouvernementaux (les politiciens, les gestionnaires et les employés) ont une habilité très variable à comprendre les services gouvernementaux et les technologies numériques. Ils peuvent ainsi requérir, avec différentes intensités, l’utilisation des TIC pour soutenir/améliorer leurs échanges avec le gouvernement. Par conséquent, les gouvernements doivent développer les connaissances et les capacités pour répondre à ces défis et, en même temps, faire face aux problèmes qui se présentent quotidiennement dans les domaines politique, économique et social. Ces facteurs constituent des risques qui peuvent limiter les chances d’un gouvernement à réussir son passage à l’e-gouvernement.

Kendal et ses collègues (ITU 2008) proposent une liste de risques influençant l’e-gouvernement, incluant les lois et les politiques publiques, la réaction des citoyens, la mesure de l’impact, la structure organisationnelle, les processus, les technologies, les coûts, le financement.

Hanna (Hanna 2010) explique que pour des raisons surtout politiques les gouvernements ont tendance à favoriser les projets gros et chers de mise en œuvre des TIC qui ont une haute visibilité et un haut profil. Cela conduit à des échecs fréquents car le risque est généralement proportionnel à la taille du projet et au degré de changement - technique, organisationnel et culturel - qu’il apporte.

Les projets grands et complexes échouent souvent, en particulier lorsqu’ils sont lancés avant que l’apprentissage et le renforcement de capacités aient eu lieu. Hanna (Hanna 2010) met en évidence des risques supplémentaires pour la mise en œuvre de projets d’e-gouvernement :

• L’attitude des fonctionnaires à l’égard des TIC;

• Les pratiques organisationnelles sous-estimant les implications des décisions reliées à l’adoption des TIC;

• Les capacités organisationnelles déficientes pour gérer efficacement les partenariats public-privé (PPP);

• Les faiblesses en gestion;

• Des approches participatives mal implémentées;

• Les risques inhérents au contexte de l’e-gouvernement orienté-service.

Le Rapport de l’ITU sur l’e-gouvernement pour les pays en développement (ITU 2008) identifie un certain nombre de problèmes technologiques liés au développement de services d’e-gouvernement et montre pourquoi les institutions gouvernementales ont des difficultés à ce niveau :

• L’e-gouvernement consiste à combiner les technologies informatiques avec les processus administratifs pour créer de nouvelles façons de servir les citoyens. Les organisations doivent adapter les TIC à leurs processus d’affaire, et les processus d’affaire doivent aussi s’adapter aux TIC.

• Les TIC existent dans un contexte plus large. Il n’y a pas seulement le défi pour les organisations de comprendre les systèmes informatiques, mais il est aussi difficile pour elles de comprendre les processus législatifs et politiques, et les processus d’affaire qui forment les opérations quotidiennes de tous les types d’institutions gouvernementales. Beaucoup de processus comportent plusieurs étapes et procédures qui ont évolué spécifiquement pour se conformer à la législation, aux mandats et aux normes basés sur la structure bureaucratique formelle, ainsi qu’aux pratiques informelles des employés de chaque ministère.

• Les gouvernements doivent comprendre le contexte et les pratiques locales dans lesquels les TIC seront utilisées pour fournir les services d’e-gouvernement. Généralement, les pays en développement adoptent les TIC et les logiciels qui sont conçus dans les pays développés et introduits par des programmes de transfert de technologie.

Par conséquent, les dirigeants des projets d’e-gouvernement doivent développer deux visions à la fois : une vision technologique et une vision orientée par les processus d’ingénierie. Ces gestionnaires doivent aussi comprendre comment personnaliser les applications qui associent les technologies informatiques complexes avec le remaniement des processus sous-jacents et des structures organisationnelles.

Le Rapport sur l’e-gouvernement pour les Pays en Développement (UN 2008) conclut que l’e-gouvernement requière que les chefs de gouvernement et les gestionnaires traitent trois problèmes principaux :

• Comment s’approprier les technologies d’Internet et les intégrer avec les systèmes informatiques et les processus organisationnels et institutionnels existants?

• Comment construire des applications d’e-gouvernement pour satisfaire les besoins, les capacités et les valeurs de l’utilisateur final?

• Comment surmonter la réalité organisationnelle, économique, politique, technologique, juridique et locale de l’environnement, qui, grâce à des facteurs complexes, influence et définit le cadre du service e-gouvernement?

Une autre étude réalisée par l’ONG « The Communication Initiative Network/Branch of Africa » -et disponible via http://www.comminit.com/africa/node/323777- a identifié plusieurs facteurs conduisant à l’échec du déploiement de l’e-gouvernement en Afrique, y compris :

• L’absence d’un accord au sein du système d’administration publique : la résistance interne au niveau du gouvernement;

• L’insuffisance des plans et des stratégies : l’e-gouvernement est introduit d’une manière fragmentée et non systématique;

• Le manque de ressources humaines adéquatement formées : l’insuffisance du renforcement des capacités institutionnelles et humaines;

• L’absence d’un plan d’investissement;

• Le manque de TIC et de fournisseurs de systèmes;

• L’immaturité des technologies : focalisation exagérée sur la technologie ou sur le déploiement à orientation technologique;

• La mise en œuvre rapide sans mise à l’essai et préparation adéquates.

On constate donc que la question n’est plus de savoir si, oui ou non, l’e-gouvernement améliore la bonne gouvernance : la réponse est évidente ! Il s’agit plutôt de savoir comment concevoir et mettre en œuvre des projets d’e-gouvernement qui induisent et favorisent les transformations socio-économiques nécessaires au sein des pays. À cet égard, la maîtrise des facteurs de risque et des bonnes pratiques sont deux éléments importants qu’il importe de considérer.

VIII. MATURITÉ DE L’E-GOUVERNEMENT ET DE L’E-GOUVERNANCE

Il a été observé que l’e-gouvernance suit un modèle évolutif de maturité. Backus présente une vue générale d’un tel modèle (Backus 2001). Au début des années quatre-vingt-dix, les initiatives liées à l’egouvernance ont commencé par la création d’une présence web par laquelle une entité gouvernementale pouvait électroniquement livrer et disséminer de l’information. Cette première phase a été ensuite suivie, au milieu des années quatre-vingt-dix, par une ‘phase d’interaction’ qui a permis aux citoyens de communiquer avec les entités gouvernementales par courriel et d’initier des transactions grâce au téléchargement des formulaires. Les transactions avaient ensuite besoin d’être complétées au comptoir pour le paiement des frais par exemple. Des initiatives d’egouvernance plus évoluées ont gagné en maturité et en sophistication et ont atteint la troisième phase, connue sous le nom de ‘phase de transaction’. Les transactions peuvent être initiées et totalement complétées et finalisées en ligne, sans aucun besoin de se présenter physiquement aux bureaux du gouvernement. C’est une phase plus sophistiquée qui nécessite des changements des règlementations en vigueur pour permettre les paiements en ligne et la certification numérique.

La quatrième phase est connue sous le nom de ‘phase de transformation’, dans laquelle tous les systèmes d’information sont intégrés et où le public peut utiliser des services G2C et G2B en accédant à un comptoir virtuel. Disposer d’un seul point de contact pour tous les services est ainsi considéré comme le but ultime. Cette phase représente tout un défi car elle requiert la réingénierie interne de tous les processus de gouvernement afin de permettre une coordination avancée entre, et parmi, les différents organismes publics (Backus 2001). Ce modèle de maturité en quatre phases a été critiqué à cause de sa façon de voir la transaction en ligne comme le « nirvana » du e-gouvernement, alors que ce nirvana pourrait en fait être la réalisation proactive de la transaction au sein même du gouvernement ou même son élimination (Heeks 2006). Comme il a été mentionné dans l’introduction de ce chapitre, la Banque Mondiale définit l’e-gouvernement comme l’utilisation des technologies de l’information et des communications pour améliorer l’efficacité, l’efficience, la transparence et la responsabilité du gouvernement. L’e-gouvernement peut être vu simplement comme la migration des services offerts aux citoyens vers le mode en ligne. Cependant, dans un sens le plus large, on fait référence à la transformation profonde que connaît le gouvernement suite à l’introduction et à l’utilisation massive des TIC dans toutes ses structures. C’est donc un gouvernement dont les objectifs principaux se résument en la réduction des coûts, tout en faisant la promotion du développement socio-économique, en augmentant la transparence du gouvernement, en améliorant la fourniture de services et l’administration publique, et en facilitant l’avancement vers une société d’information (World Bank 2006b). Avec l’intérêt de plus en plus grand envers les TIC et leur impact sur le bien être des gens, plusieurs organisations œuvrant pour/dans le développement international ont exprimé leur besoin et ont pris des initiatives pour évaluer l’état de diffusion, de pénétration et d’utilisation des TIC au sein des pays du monde.

Par exemple, depuis 2003, les Nations Unis préparent et publient une série de rapports sur la préparation des pays à l’e-gouvernement. Le premier rapport, rendu public en 2003, définit des niveaux de sophistication dans l’e-gouvernement comme l’illustre la figure suivante :

Figure 3.3 : Modèle de mesure de la présence sur le Web

Image

Source : (UN 2003).

Un autre exemple qui démontre l’intérêt de l’évaluation par la communauté internationale est le Sommet Mondial de la Société d’Information (WSIS) (Genève 2003 – Tunis 2005) qui a approuvé l’adoption de l’Index de l’Opportunité Digitale (IOD – ‘Digital Opportunity Index’) comme outil de contrôle afin de mesurer le progrès vers une « société d’information » grâce à trois catégories d’indicateurs (ITU 2006) :

• L’opportunité d’accès;

• L’infrastructure;

• Le taux d’utilisation des TIC.

Et depuis, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) a effectué des enquêtes à l’échelle globale pour construire et maintenir à jour les tables de l’index IOD mondial. Les onze critères de l’IOD sont décrits par le diagramme suivant.

Figure 3.4 : Principaux critères utilisés dans le DOI

Image

Source : (ITU 2006)

Les mesures de ces critères révèlent clairement une fracture numérique. Par exemple, le DOI de 2006 rapporte que « l’Europe, l’Amérique et l’Asie ont toutes un score DOI moyen supérieur à la moyenne mondiale de 0,37, tandis que l’Afrique à un score DOI moyen de 0,20, principalement en raison de l’utilisation limitée des TIC et l’usage d’une infrastructure de lignes fixes. Comparée à d’autres régions, l’Afrique vient se classer dernière avec un score DOI régional moyen qui atteint à peine le tiers de celui de l’Europe (0,55) ». La figure ci-dessous montre le classement DOI de l’Afrique.

Figure 3.5 : DOI dans les pays africains

Image

Source : (ITU 2006)

Le classement DOI de l’Afrique met en évidence la fracture numérique et spécialement les disparités dans les opportunités liées à la digitalisation. L’ITU explique : « Dans une perspective de politique des télécommunications, les pays qui occupent le haut du tableau illustrent l’influence de la libéralisation et de la compétition dans la promotion des opportunités et du déploiement de l’infrastructure. La plupart des pays Nord-Africains, ainsi que le Sénégal et l’Afrique du Sud, ont ouvert leurs marchés des lignes fixes et mobiles à la compétition, et sont en train de rapidement accroître le déploiement de leurs réseaux à haut-débit. La compétition aide à réduire les tarifs et à introduire des ensembles de services qui répondent mieux aux besoins de la population » (ITU 2006)

L’étude sur l’e-gouvernement menée en 2008 par l’ONU (UN 2008) a fait émerger de nouvelles pistes (confirmant l’augmentation de la fracture numérique), montrant qu’il y avait de grandes disparités entre les cinq régions en termes de préparation à l’e-gouvernement, l’Europe (0,6490) ayant un avantage clair sur les autres régions, suivie de l’Amérique (0,4936), l’Asie (0,4470), l’Océanie (0,4338) et l’Afrique (0,2739). L’Asie et l’Océanie étaient légèrement en dessous de la moyenne mondiale (0,4514), tandis que l’Afrique figurait loin derrière.

Les résultats sont décrits dans les tableaux et graphiques suivants :

Tableau 3.7 : Classement régional selon du niveau de préparation à l’e-gouvernement

Région

2008

2005

Région

2008

2005

Afrique

 

 

Amériques

 

 

Afrique Centrale

0,2530

0,239

Caraïbes

0,448

0,428

Afrique de l’Est

0,287

0,283

Amérique Centrale

0,460

0,425

Afrique du Nord

0,340

0,309

Amérique du Nord

0,8408

0,874

Afrique du Sud

0,389

0,3886

Amérique du Sud

0,507

0,490

Afrique de l’Ouest

0,211

0,193

 

 

 

Asie

 

 

Europe

 

 

Asie Centrale

0,388

0,417

Europe de l’Est

0,568

0,555

Asie de l’Est

0,644

0,639

Europe du Nord

0,772

0,775

Asie du Sud

0,339

0,312

Europe du Sud

0,564

0,465

Asie du Sud-Est

0,429

0,4388

Europe de l’Ouest

0,732

0,624

Asie de l’Ouest

0,485

0,438

 

 

 

Océanie

0,433

0,288

 

 

 

Moyenne mondiale

0,451

0,426

 

 

 

Source : (UN 2008)

Diagramme 3.1 : Moyennes régionales de préparation à l’e-gouvernement

Image

Source : (UN 2008)

En fait, aucun pays en développement n’est classé parmi les 60 premiers pays dans l’étude de la préparation (‘e-readiness’) au e-gouvernement de l’ONU.

La liste des 35 principaux pays dans l’étude globale sur l’e-gouvernement menée par l’ONU est présentée ci-dessous :

Tableau 3.8 : Le classement des 35 pays ayant le meilleur DOI

Classement

Pays

E-gouvernement Readiness index

1

Suède

0,9157

2

Danemark

0,9134

3

Norvège

0,8921

4

États-Unis

0,8644

5

Pays-Bas

0,8631

6

République de Corée

0,8317

7

Canada

0,8172

8

Australie

0,8108

9

France

0,8038

10

Royaume-Uni

0,7872

11

Japon

0,7703

12

Suisse

07626

13

Estonie

0,7600

14

Luxembourg

0,7512

15

Finlande

0,7488

16

Autriche

0,7428

17

Israël

0,7393

18

Nouvelle-Zélande

0,7392

19

Irlande

0,7296

20

Espagne

0,7228

21

Islande

0,7176

22

Allemagne

0,7136

23

Singapour

0,7009

24

Belgique

0,6779

25

République tchèque

0,6696

26

Slovénie

0,6681

27

Italie

0,6680

28

Lituanie

0,6617

29

Malte

0,6582

30

Hongrie

0,6485

31

Portugal

0,6479

32

Émirats arabes Unis

0,6301

33

Pologne

0,6117

34

Malaisie

0,6063

35

Chypre

0,6019

Source : (UN 2008).

L’absence de pays en développement dans le top 60 établi par l’étude mondiale de l’ONU reflète clairement le fossé dans la préparation au gouvernement électronique. Ainsi, la plupart des systèmes d’e-gouvernement actuellement déployés dans les pays en développement ne parviennent pas à améliorer la gouvernance pour un certain nombre de raisons.

Par exemple, dans le cas du Maroc, un pays en voie de développement avec un taux de croissance raisonnable, le gouvernement central encourage l’utilisation des TIC dans le secteur public afin d’améliorer le bien-être des citoyens et la bonne gouvernance. Cependant, le développement et le déploiement de systèmes de gouvernement électronique reste très lent à cause de facteurs socio-politiques et économiques tels que les coûts élevés, le taux élevé de pauvreté de la population et le manque d’infrastructures TIC au niveau de la gouvernance locale. D’autres problèmes délicats sont reliés aux faibles niveaux d’acceptabilité, d’utilisabilité, d’accessibilité et d’appropriation des systèmes de gouvernement électronique déployés pour les Marocains (Kettani et al. 2008). Ces facteurs interdépendants s’influencent mutuellement, ce qui crée un cercle vicieux agrandissant le fossé numérique entre le Maroc et les pays développés.

Le fossé de préparation à l’e-gouvernement existe non seulement entre les pays en voie de développement et le reste du monde, mais également au sein des pays en voie de développement eux-mêmes. Le graphique suivant montre la réalité du fossé régional et local en Afrique.

Diagramme 3.2 : La fracture numérique de l’Afrique comparée au reste du monde

Image

Source : ONU 2008

Plusieurs études ont démontré que dans les pays en développement le gouvernement est coûteux, offre trop peu et n’est pas suffisamment réactif et responsable (Heeks 2001). Ainsi, une emphase grandissante a été mise sur la conduite d’initiatives TIC, touchant l’e-gouvernement et l’e-gouvernance, dans le but de faire avancer les réformes du secteur public et gagner le défi énorme que représente le renforcement des capacités institutionnelles. En conséquence, et comme indiqué dans l’étude mondiale sur l’e-gouvernement de l’ON (UN 2008), l’accent a été mis sur le renforcement de l’e-gouvernement afin de surmonter les faiblesses de la gouvernance traditionnelle, notamment l’absence d’ouverture, une corruption excessive et le manque de responsabilité de la communauté qui en résulte.

IX. CONCLUSION

Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que le débat n’est plus de savoir si l’e-gouvernement pourrait aider à l’amélioration des conditions de bonne gouvernance. Le véritable défi est plutôt de déterminer comment réussir à construire des systèmes d’e-gouvernement qui contribuent à la réalisation des objectifs d’une bonne gouvernance (Hagen, 2005). Cela nous amène à nous interroger sur la disponibilité du savoirfaire procédural et méthodologique nécessaire à la mise en œuvre d’un e-gouvernement efficace.

Malheureusement, de nombreux projets d’e-gouvernement et d’egouvernance dans les pays en développement ont conduit à des échecs, partiels ou complets. Nous pensons que pour répondre à ces échecs, les parties prenantes (acteurs) doivent être sensibilisées à l’écart important qui existe entre la planification et les objectifs des projets, et la réalité du secteur public dans les pays en développement.

Ces acteurs devraient être conscients de la portée et des implications du système d’e-gouvernement, sa relation directe avec leur environnement immédiat et être prêts à l’utiliser et accepter les changements sous-jacents inévitables qu’il va engendrer. Ils devraient percevoir ces systèmes comme étant les leurs et non pas comme étant importés ou imposées, pour qu’un sentiment d’appropriation émerge afin d’accompagner et de renforcer l’utilisation et la prolifération des TIC.

En outre, les taux d’échec élevés qui ont été observés soulignent le besoin de mettre en œuvre des méthodes d’évaluation d’e-gouvernement. Il est important d’identifier et de documenter les résultats de la mise en œuvre des projets d’e-gouvernement dans les pays en développement, de disséminer les leçons apprises dans ces projets et de partager les meilleures pratiques. Ceci est également primordial pour les futurs projets et ceux qui sont en cours. Cela l’est aussi pour les décideurs et les gestionnaires qui sont en charge de ces projets.

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CHAPITRE IV

Évaluation des résultats et retombées sur la bonne gouvernance

I. INTRODUCTION

Plusieurs études ont montré que le gouvernement dans les pays en voie de développement est trop coûteux, livre peu et n’est pas assez réactif et responsable. Pour le cas spécifique de projets d’e-gouvernement, Heeks (2003) estime que :

• 35% des projets sont des échecs totaux : c.-à-d. que le système n’a jamais été mis en œuvre ou bien a été abandonné immédiatement après son lancement;

• 50% sont des échecs partiels : c.-à-d. que les objectifs majeurs du système n’ont pas été atteints et/ou il y a eu des résultats indésirables;

• 15% des projets seulement ont réussi : c.-à-d. que la plupart des bénéficiaires du projet ont vu leurs objectifs atteints et que le projet n’a eu aucune conséquence indésirable importante.

Plus généralement, en rapport avec les projets de développement de logiciels, Sommerville (2006) estime que :

• Les bugs et les erreurs sont si importants et nuisibles qu’ils coûtent à l’économie Américaine près de $59.5 milliards par an, soit 0,6 du PIB Américain;

• Près du quart de tous les projets entrepris par les services d’informations internes des organisations sont annulés avant leur fin normale;

• Près de de la moitié des projets coûtent le double de leur budget initial;

• Seulement un peu plus du quart des projets sont terminés en respectant les temps et budgets prévus;

• Les projets terminés comportent moins de la moitié des spécifications et des fonctionnalités prévues au départ.

Le rapport de l’ONU, l’e-gouvernement à la Croisée des Chemins (eGovernement at the Crossroads), confirme que même si on ne dispose pas de données/chiffres exacts, le nombre d’échecs de projets e-gouvernement est élevé (UN 2003). Ce nombre est encore plus élevé dans les pays en voie de développement, et varierait de 60% à 80%. Sans surprise, le taux le plus élevé d’échec est enregistré en Afrique.

Les raisons de ces échecs sont nombreuses et ont été associées, selon certains chercheurs, aux facteurs suivants (Kreps & Richardson 2007) :

• Retards de livraison;

• Portée réduite;

• Faible fiabilité et robustesse des logiciels;

• Fonctions majeures manquantes;

• Manque d’intégration avec les systèmes existants;

• Coûts sans cesse croissants;

• Interfaces graphiques pauvres;

• Problèmes d’intégrité et de confidentialité des données;

• Manque de formation adéquate du personnel.

Le Primer de l’e-gouvernement (InfoDev 2009) met également en évidence les échecs des projets ICT4D/e-Gov et identifie leurs causes potentielles ainsi :

• Déphasage entre la conception des systèmes d’information, les besoins des utilisateurs et leurs capacités d’utilisation;

• Mauvaise planification;

• Mauvaise définition des buts/objectifs et leurs changements fréquents pendant le développement;

• Mauvaises estimations de temps et de ressources nécessaires;

• Faible/Manque de support des dirigeants;

• Faible/Manque d’implication des utilisateurs;

• Incapacité de travailler convenablement en équipe;

• Inadéquation/Manque de compétences.

Ce taux d’échec très élevé indique la nécessité de recourir à des méthodes systématiques d’évaluation des systèmes d’e-gouvernement, incluant les aspects de suivi et d’ajustements. Ces derniers aspects concernent les individus et les organisations conscients (‘self-reflective’) qui vérifient de façon régulière et explicite leurs progrès par rapport aux objectifs escomptés, de sorte qu’ils puissent ajuster leurs efforts et améliorer leur performance (Unwin 2009). Par ailleurs, l’évaluation réfère à l’estimation de l’atteinte des objectifs initiaux d’un programme pendant et en fin de parcours. Elle devrait normalement impliquer des évaluateurs externes (Unwin 2009).

L’évaluation systématique est essentielle pour l’apprentissage, aussi bien pour les individus que pour les organisations. Elle facilite et oriente l’amélioration relative à plusieurs aspects. Notamment, elle permet de :

• Faciliter et assurer la progression du projet vers la concrétisation de ses objectifs;

• S’attaquer à des questions de ressources humaines;

• Évaluer la capacité des utilisateurs;

• Favoriser le développement des capacités institutionnelles; et

• Communiquer les résultats et les effets de l’administration en ligne à mesure qu’ils apparaissent.

Dans le cadre des activités de recherches du projet eFez, notre équipe a développé une méthode qui analyse la relation entre les retombées produites suite à l’implémentation (et la mise en œuvre) du système eFez et les améliorations associées à la bonne gouvernance que l’on peut en identifier. Notre intention était d’asseoir notre modèle d’évaluation des impacts du projet eFez sur un cadre global d’évaluation qui fait référence et promeut la bonne gouvernance à tous les niveaux. Notre volonté de développer ce modèle était principalement motivée par le manque notable d’approches génériques permettant d’évaluer les impacts qui découlent de la mise en œuvre de l’administration en ligne sur la bonne gouvernance.

Dans ce chapitre, la section II présente un certain nombre d’indexes de mesures et de méthodes qui ont été proposés pour évaluer l’e-gouvernement. Par la suite, la section III introduit et discute les définitions de la bonne gouvernance ainsi que des indicateurs (attributs) qui sont proposés pour l’évaluer. La section IV met l’accent sur la méthode d’évaluation des retombées/impacts que nous avons développée, à travers des exemples et des illustrations pris dans le contexte du projet eFez. La Section V conclut ce chapitre en mettant en évidence les points saillants qu’il faut retenir de cette présentation.

II. APPROCHES D’ÉVALUATION DES SYSTÈMES D’E-GOUVERNEMENT

Dans le cadre de ses travaux de recherches Garridon (Garridon 2004) présente une étude exploratoire sur l’état actuel des méthodes d’évaluation des projets d’e-gouvernement. Il y indique qu’il existe deux approches principales d’évaluation : l’approche théorique dans laquelle l’évaluation est structurée autour d’un ensemble de connaissances théoriques et conceptuelles; et l’approche spécifique où l’évaluation est structurée autour des objectifs du programme et des buts à atteindre. Garridon note que les évaluations de l’e-gouvernement sont pour la plupart spécifiques aux programmes (financement, politique, etc.) et aux questions importantes qui leur sont reliées. D’où le besoin et la nécessité de développer des modèles d’évaluation théoriques et indépendants du contexte, et l’importance d’impliquer l’Académie (Universités et autres) qui peut jouer un rôle vital à ce sujet.

Garridon (Garridon 2004) a identifié quatre cadres d’évaluation de l’e-gouvernement :

L’Indice e-gouvernement (‘e-Government Index’) est un cadre d’évaluation mis en œuvre par la Division des Nations Unies pour l’Economie ainsi que par la société américaine pour l’administration publique (ASPA). Cet indice mesure l’état de préparation et le statut de mise en œuvre de l’e-gouvernement dans 144 états du monde. L’indice s’appuie sur deux méthodes principales : l’analyse du contenu des sites Web afin de déterminer les progrès d’un pays par rapport à un modèle appelé « maturité d’e-gouvernement par phase », et une analyse statistique agrégeant la performance des infrastructures de télécommunications et le capital humain (compétences).

L’analyse de coûts-bénéfices est un cadre d’évaluation d’e-gouvernement mis en œuvre par le Centre des Affaires Publiques (Bangalore) et la Banque Mondiale. Ce cadre évalue les bénéfices que l’implémentation du système a générés pour les utilisateurs. Elle se base principalement sur le feedback donné par les utilisateurs des services publics concernant la qualité, l’efficacité et l’adéquation des services offerts, ainsi que les problèmes d’interactions auxquels ils sont confrontés dans leurs demandes/requêtes de prestataires de services (Garridon 2004).

L’analyse coût-bénéfices et l’analyse d’impact est un cadre d’évaluation mis en œuvre par la Banque Mondiale pour évaluer le Projet FRIENDS (Fast Reliable Instant Efficient Network for Disbursement of Services) dans le Kerala. Ce cadre s’appuie sur deux méthodes : L’analyse des coûts-bénéfices afin de mesurer les gains d’efficience du projet, et l’évaluation des impacts pour évaluer la façon dont le projet influence les acteurs/intervenants du projet.

L’approche des capacités du développement humain est un cadre d’évaluation mis en œuvre par l’École d’Économie de Londres (Département des Systèmes d’Information) afin d’évaluer trois projets d’e-gouvernement en Inde. Elle repose sur l’approche d’Amartya Sen (1999) qui identifie cinq domaines fondamentaux de liberté : le politique, le social, l’économique, la sécurité et la transparence. Le cadre d’évaluation repose sur l’étude et l’interprétation de cas concrets. Le chercheur a entrepris une recherche longitudinale afin de retracer la dynamique et les implications à long terme de projets de gouvernance électronique en Inde. Il a particulièrement couvert les éléments suivants : le continuum d’e-gouvernance, les partenariats, les modèles d’affaires viables, les compétences et l’éducation, les installations et les ressources, et le capital social (Garridon 2004).

De son côté, Heeks (Heeks 2006b) a effectué une étude concernant les cadres d’évaluation des systèmes d’e-gouvernement. Selon lui ces cadres sont de deux catégories. Une première catégorie qui se base sur les intrants que le système reçoit ou traite, et une deuxième qui considère et analyse les effets produits par le système, abstraction faite des intrants. C’est cette dernière qui est la plus reconnue. Elle considère qu’un système d’e-gouvernement est similaire à tout autre système d’information et elle l’évalue en tant que tel. Elle se base dans cette évaluation sur le standard CIPSODA (Capture, Input, Process, Store, Output, Decision, Action”) ou le standard CARTA (Completeness, Accuracy, Relevance, Timeliness, Appropriateness).

Heeks (Heeks 2006b) propose aussi une approche « orientée retombées » similaire à celle utilisée au Canada pour évaluer les projets d’e-gouvernement liés à la prestation de services publiques. La méthode canadienne comprend onze indicateurs d’évaluation répartis en trois catégories :

• Les attributs orientés citoyens/clients tels que la commodité, l’accessibilité, la crédibilité;

• Les attributs relatifs au service qui visent à améliorer le nombre et la qualité des prestations tout en assurant la plus grande satisfaction des citoyens/clients;

• Les attributs correspondant à la capacité de livraison en ligne : la sécurité, le respect de la vie privée, l’efficacité, l’innovation.

Finalement, il y a les méthodes d’évaluation basées sur la « valeur publique » des systèmes d’e-gouvernement. Cette famille de méthodes a été proposée dans (Kelly & Muers 2002). Elle suggère globalement de considérer la valeur publique composée de l’ensemble des retombées du système et de mesurer ces retombées par le biais de leurs facteurs causaux (par exemple : le gouvernement était-il productif?).

L’évaluation de la valeur publique peut aussi être mesurée par la satisfaction et la perception de l’équité alors que la confiance et la légitimité peuvent être mesurées par la perception de la performance globale du gouvernement. Alternativement, (Heeks 2006) et (Kearns 2004) proposent deux façons différentes pour évaluer la valeur publique de l’e-gouvernement.

L’approche de Kearns évalue la valeur publique selon de 3 éléments :

• La prestation des services,

• L’atteinte des résultats et

• La confiance dans les institutions publiques.

Le tableau suivant présente les indicateurs mesurables, selon Kearns, pour la valeur publique des systèmes e-gouvernement :

Tableau 4.1 : Les indicateurs de valeurs publiques selon Kearns

Domaine de valeur

Indicateur

Description

La Prestation des Service

Adoption

à quel pointl’e-gouvernement est utillié

Satisfaction

Le nivean de satisfaction des utilisateurs de l’e-gouvernement

Information

Le niveau d’information fourni aux utilisateurs par l’e-gouvernement

Choix

Le niveau de choix offert aux utilisateurs par l’e-gouvemernment

Importance

le niveau auquel l’e-gouvernement se concenter sur l’utilisateur

Justice

à quel point l’e-gouvernement se concentre sur ceux qui en ont besoin

Prix

Le coût des informations/Disposition de l’e-gouvernement

la réalisation des résultats

Résultat

La contribution de 1’eGouvernement à la livraison des résultats

La confiarce dans les institutions publiques

Confiance

La contribution de l’eGouvernement à la confiance du public

Source : (Kearns 2004)

Heeks (Heeks 2006) propose l’approche e-GEP qui mesure la valeur publique de l’e-gouvernement selon 3 domaines de valeur :

• L’efficacité du point de vue organisationnel - valeur de l’organisation;

• L’efficacité du point de vue de l’utilisation- valeur de l’utilisateur;

• La démocratie- une valeur politique.

Le tableau suivant présente les indicateurs mesurables pour la valeur publique dans l’e-gouvernement selon Heeks (Heeks 2006) :

Tableau 4.2 : Les indicateurs e-Gep pour la valeur publique de l’e-gouvernement

Domaine de valeurs

Indicateurs

Mesure des échantillons

Efficience : Valeur organisationnelle

Flux financiers

Réduction des frais généraux

Temps économisé par le personnel par cas traité

Responsabilisation du personnel

% du personnel avec compétences dans les TICs

Organisation et architecture informatiques

Nombre de processus opérationnels redéveloppés

Volume de documents numériques authentifiés échangés

Efficacité: Valeur d’usage

Fardeau administratif

Temps économisé par transaction pour les citoyens

Economie de frais généraux pour les entreprises (frais de voyage, d’affranchissement, etc.)

Valeur d’usage/satisfaction

Nombre d’heures en dehors de l’utilisation du système d’eGouvernement

Taux de satisfaction des utilisateurs

Exclusivité des services

Utilisation de l’eGouvernement par les groupes défavorisés

Nombre des PMEs soumissionnant pour des offres publiques

Démocratie : Valeur politique

Ouverture

Nombre d’avant-projets politiques disponibles en ligne

Taux de réponse aux requêtes en ligne

Transparence et responsabilité

Nombre de processus traçables en ligne

Nombre d’organismes déclarant les budgets en ligne

Participation

Taux d’accessibilité des sites eGouvernement

Nombre de contributions au forum de discussions en ligne

Source : (Heeks 2006)

Il est à noter qu’aucune des approches d’évaluation de l’e-gouvernement mentionnées ci-dessus ne porte précisément sur l’impact global de la mise en œuvre de projets d’e-gouvernement sur le mode de gouvernance lui-même. Les méthodes citées se préoccupent plutôt de l’efficacité, de l’acceptation ou de l’efficience des applications spécifiques implémentées.

La contribution particulière de l’approche que nous proposons dans ce chapitre est de souligner et d’évaluer la relation entre une application d’e-gouvernement et son impact sur les attributs et les modalités du processus global de l’e-gouvernance.

III. DÉFINITIONS ET MESURES DE LA BONNE GOUVERNANCE

La notion de gouvernance a été définie de diverses façons. La Banque Mondiale la définit comme la façon selon laquelle le pouvoir est exercé à travers les institutions économiques, politiques et sociales d’un pays (World Bank 2006). Cette définition présente la gouvernance comme la somme des activités et des processus qui façonnent l’utilisation du pouvoir dans les unités institutionnelles d’un état en particulier. Ainsi, selon la Banque Mondiale, la gouvernance concerne principalement les gouvernements et leurs façons de contrôler leurs processus internes.

Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD - United Nations Development Program) définit la gouvernance comme « l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative pour gérer les affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle comprend des mécanismes, des processus et des institutions par lesquels les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits légaux, remplissent leurs obligations et règlent leurs différents » (UNDP 1997). La définition que le PNUD donne à la gouvernance met ainsi en évidence deux acteurs principaux : le pays et ses citoyens. À cet égard, la gouvernance réfère à l’ensemble des interactions se produisant entre, et au sein même des diverses composantes du gouvernement. Plus précisément, elle réfère à la façon dont le gouvernement (et d’autres acteurs influents tels que la société civile) organise son fonctionnement interne et les privilèges et habilités dont disposent les citoyens pour interagir et agir sur ce fonctionnement.

La notion de Bonne Gouvernance est maintenant au cœur de plusieurs approches visant à proposer une réforme globale et une mise à niveau des systèmes de gouvernance dans les pays en développement et les pays moins développés (Backus 2001). En effet, il y a eu une évolution historique dans la compréhension du concept de bonne gouvernance. Cette notion est apparue d’abord durant le 20e siècle dans le contexte de discussions impliquant des analystes financiers et des économistes pour définir les structures et des stratégies de gestion visant à améliorer la productivité et la profitabilité des entreprises (IDRC 2005). À la fin des années 80, la notion a été étendue pour s’appliquer aux domaines du développement social et économique et se concentrer sur le rôle que le gouvernement peut y jouer. La bonne gouvernance a été présentée essentiellement par la Banque mondiale comme une exigence au niveau national pour permettre et/ou faciliter la réussite des réformes socioéconomiques (Haldenwang 2004). Le PNUD (UNDP 1997) a aussi adopté cette notion au cours des années 90 et l’a même renforcée en la mettant au cœur du plan de développement humain qu’il a proposé.

Pour la Banque mondiale, la bonne gouvernance est incarnée par l’élaboration de politiques prévisibles, ouvertes et éclairées; une bureaucratie imprégnée d’une éthique professionnelle, une composante exécutive du gouvernement responsable de ses actes, et une société civile forte participant aux affaires publiques, tout en interagissant sous la primauté de la loi (‘Rule of Law’) (World Bank 2006).

Pour le PNUD, la bonne gouvernance est le résultat d’une gouvernance participative, transparente et responsable. Elle est également efficace et équitable et favorise la primauté de la loi équitablement. La bonne gouvernance veille à ce que les voix des plus pauvres et des plus vulnérables soient entendues et prises en compte dans le processus décisionnel, et que les priorités politiques, sociales et économiques soient fondées sur un large consensus entre les trois acteurs principaux- l’État, le Privé et la Société Civile (UNDP, 1997).

Caractéristiques de la bonne gouvernance

La bonne gouvernance est très dépendante du contexte dans lequel elle est évaluée. C’est à la société de décider quelles caractéristiques de la bonne gouvernance sont les plus importantes/pertinentes, selon son contexte particulier, et lesquelles nécessitent une intervention pour les améliorer (UNDP, 1997). Le PNUD a établi huit caractéristiques majeures de la bonne gouvernance comme suit1 :

1. http://www.unescap.org/pdd/prs/ProjectActivities/Ongoing/gg/governance.asp

La participation : la participation des hommes et des femmes, ainsi que de toutes les couches et diversités sociales du pays, est un des fondements principaux de la bonne gouvernance. La participation peut être mise en œuvre directement ou à travers les institutions intermédiaires légitimes ou leurs représentants. Il est important de souligner que la démocratie représentative ne signifie pas nécessairement que les préoccupations des personnes les plus vulnérables de la société seraient prises en considération dans la prise de décision. La participation doit être informée et organisée. Cela correspond à la liberté d’association et d’expression d’une part et à une société civile organisée d’autre part.

La primauté de la loi : La bonne gouvernance exige des cadres juridiques équitables qui sont appliqués de façon impartiale. Elle exige également une protection complète des droits de l’homme, en particulier ceux des minorités. L’application impartiale des lois exige un système judiciaire indépendant et un corps de police impartial et incorruptible.

La transparence : La transparence signifie que les décisions prises sont appliquées d’une manière qui respecte les règles et les règlements. Cela signifie également que l’information est disponible gratuitement et accessible directement par ceux qui sont touchés par ces décisions et leur mise en application. Ce qui signifie encore que suffisamment d’informations sont fournies et qu’elles le sont sous des formes et en utilisant des médias facilement compréhensibles.

La réactivité : La bonne gouvernance exige que les institutions et les processus essaient de servir toutes les parties prenantes dans un délai raisonnable.

La recherche du consensus : Il y a de nombreux acteurs et autant de points de vue dans une société donnée. La bonne gouvernance exige la médiation des différents intérêts dans la société afin d’obtenir un large consensus sur ce qui pourrait représenter le meilleur intérêt pour l’ensemble de la communauté et comment cela pourrait être réalisé. Elle requière également une perspective large et à long terme sur ce qui est nécessaire pour un développement humain durable et la manière d’atteindre les objectifs d’un tel développement. Ceci ne peut résulter que d’une compréhension des contextes historiques, culturels et sociaux d’une société ou d’une communauté donnée.

L’équité et l’inclusion : Le bien-être d’une société est lié au fait que tous ses membres sentent qu’ils y ont un intérêt et ne se sentent pas exclus du courant dominant de la société. Cela exige que tous les groupes, et particulièrement les plus vulnérables, aient l’opportunité d’améliorer ou de maintenir leur bien-être.

L’efficacité et l’efficience : La bonne gouvernance signifie que les processus et les institutions produisent des résultats qui répondent aux besoins de la société, tout en utilisant au mieux les ressources mises à leur disposition. Le concept d’efficience dans le contexte de la bonne gouvernance réfère également à l’utilisation durable des ressources naturelles et à la protection de l’environnement.

La responsabilité (‘accountability’) : La responsabilité est une exigence clé de la bonne gouvernance. Non seulement les institutions gouvernementales, mais aussi le secteur privé et les organisations de la société civile doivent rendre des comptes au public et aux acteurs institutionnels. Qui est responsable de qui varie en fonction du fait que les décisions ou les mesures prises sont internes ou externes à une organisation ou à une institution. En général, une organisation ou une institution est responsable devant tous ceux qui seront touchés par ses décisions ou actions. La responsabilité ne peut être mise en œuvre sans la transparence et la primauté de la loi.

La Banque mondiale considère aussi la gouvernance comme une « conditionnalité politique et économique » (Weiss 2000). Elle considère la gestion du secteur public, la réduction des coûts de transaction et l’exécution des contrats comme des éléments fondamentaux permettant la bonne gouvernance (Weiss 2000). Ces éléments sont reconnus comme constituant des blocs de base établissant et maintenant un développement humain durable.

Contrairement à la Banque mondiale, le PNUD met l’accent sur le renforcement des capacités personnelles des citoyens. Il s’agit de faciliter la participation locale à travers des institutions, des processus, et des mécanismes démocratiques disponibles et accessibles au grand public. Le PNUD focalise ainsi sur les aspects politiques et civiques de la gouvernance tels que l’amélioration des droits de l’homme, le soutien législatif, la réforme judiciaire et la lutte anti-corruption (UNDP 2001).

La Banque mondiale considère les préoccupations soulignées par le PNUD comme des éléments secondaires qui favorisent le développement d’un pays en termes d’efficacité et de croissance (UNDP 2001).

Etant donné que la gouvernance est plus souvent associée à la promotion de la participation des citoyens dans le processus décisionnel, l’approche du PNUD est plus proche de la définition généralement acceptée de la bonne gouvernance en comparaison à celle de la Banque mondiale.

Avec le temps, les priorités et les préoccupations concernant la bonne gouvernance ont progressivement évolué. De plus en plus, les préoccupations liées à la croissance économique sont ignorées en faveur du renforcement du cadre institutionnel de gouvernance qui promeut et favorise au mieux la liberté des individus, la participation des citoyens et le développement socio-économique durable (Weiss 2000). Ceci suggère que les aspects politiques et civiques de la bonne gouvernance sont de plus en plus privilégiés par rapport à l’aspect économique.

La bonne gouvernance est devenue une condition commune que les donateurs internationaux exigent pour fournir des aides au développement. Plus précisément, les donateurs internationaux ont poussé les pays bénéficiaires à examiner et à réformer les structures gouvernementales et leurs institutions de manière à pouvoir intégrer les valeurs de la bonne gouvernance. Il faut donc d’abord redresser et mettre à niveau les institutions publiques pour pouvoir par la suite mieux gérer la croissance économique et la diminution de la pauvreté (Brinkerhoff & Goldsmith 2005). L’emphase est ainsi mise de plus en plus sur la nécessité d’améliorer la qualité de la gouvernance pour faciliter le développement et créer un environnement attractif pour les opportunités d’investissement (Kaufmann et al. 2005). Il est en fait reconnu que les programmes d’aide ont un impact plus important sur le développement dans les pays ayant des institutions de bonne qualité (Kaufmann et al. 2005).

Dans un tel contexte, il y a une demande croissante pour un suivi régulier et une évaluation de la performance de la gouvernance de tous les pays. Par exemple, Kaufmann et ses collègues ont observé la performance de la gouvernance dans 209 pays, entre 1996 et 2004, en utilisant des indicateurs mesurables pour six dimensions de la gouvernance :

Les voix et la responsabilité (‘Voice and Accountability’)– mesure les droits politiques, civils et humains;

L’instabilité politique et la violence – mesure la probabilité des menaces violentes ou des changements dans le gouvernement, y compris le terrorisme;

L’efficacité gouvernementale – mesure la compétence de la bureaucratie et la qualité de la prestation des services publics;

Le fardeau réglementaire – mesure l’incidence de politiques défavorables au marché;

La primauté de la loi (‘rule of law’) – mesure la qualité de l’exécution des contrats, la police et les tribunaux, ainsi que la probabilité de la criminalité et la violence;

Le contrôle de la corruption – mesure l’exercice du pouvoir public dans des intérêts privés et personnels, y compris la petite et la grande corruption.

Les résultats de cette étude montrent qu’au cours de huit ans de suivi régulier, la qualité et la performance de la gouvernance des pays ont évolué, positivement ou négativement, dans de nombreux pays. En ce qui concerne la région Africaine, les performances de la gouvernance sont médiocres dans de nombreux pays (Kaufmann et al. 2005). Heeks (Heeks 2004) explique que le gouvernement dans les pays en voie de développement coûte trop cher, produit trop peu et n’est pas suffisamment réactif ou responsable. En effet, on doit s’attaquer à un problème structurel et on doit prendre des mesures pour faciliter l’adoption et la réalisation de la bonne gouvernance.

Mesures de la bonne gouvernance

On fait souvent la promotion de l’e-gouvernement comme moyen de favoriser la bonne gouvernance sans offrir suffisamment de preuves empiriques à l’appui. La confirmation effective de ce lien entre les systèmes d’e-gouvernement et l’amélioration de la gouvernance revêt une importance majeure. Elle permettra, par exemple, aux pays en voie de développement et aux pays moins développés, de considérer la technologie comme une option sérieuse à utiliser pour mettre à niveau leur processus de gouvernance et l’améliorer significativement. L’introduction des applications d’e-gouvernement a bouleversé les fonctions et le fonctionnement des organismes gouvernementaux. Ce bouleversement est dû au fait que les activités du gouvernement sont principalement basées sur l’information et que les TIC ont des capacités de plus en plus sophistiquées pour capturer, stocker, traiter et récupérer l’information. Par conséquent, les TIC ont petit à petit réussi à s’intégrer dans le fonctionnement du gouvernement grâce à leurs capacités à mieux servir les citoyens et les entreprises.

Le lien entre l’e-gouvernement et la bonne gouvernance a été suggéré et étudié par plusieurs auteurs qui ont produit diverses études conceptuelles et théoriques. Selon ces auteurs les deux concepts sont associés aux mêmes objectifs puisque l’efficacité administrative, la qualité des services publics et la participation démocratique sont des principes fondamentaux qu’ils partagent (Haldenwang 2004) et (Kettani et al. 2006). Ils expliquent cette relation par l’approche dualiste de la modernisation de l’État qui combine une emphase interne sur la réforme administrative et une emphase externe sur les relations état-citoyen (ou de l’état-client). En d’autres termes, l’e-gouvernement est un moyen pour la réalisation de la bonne gouvernance car il modifie à la fois le back-office (les opérations et les relations internes du gouvernement) et le front office (relations du gouvernement avec les citoyens et les autres acteurs externes) de manière à mettre en place les conditions favorables à la bonne gouvernance. En reconnaissance de ce potentiel, l’e-gouvernement est devenu un élément important dans l’agenda de plusieurs institutions de développement international. Par exemple, la Banque mondiale a mis en place en 1995 le Programme d’information pour le développement (InfoDev 2009), tandis que l’ONU a créé en 2003 le Réseau en ligne des Nations Unies de l’Administration et les Finances Publiques (‘United Nations Online Network in Public Administration and Finance’ - UNPAN).

Ainsi, plusieurs outils ont été développés pour mesurer la bonne gouvernance au sein d’une société. Weiss (2000) énumère quelques-uns de ces outils. Notamment, l’Indice du Développement Humain (IDH) a été développé pour améliorer les méthodes d’évaluation de la bonne gouvernance de la société. L’IDH montre que « le bien-être économique et le progrès humain ne sont pas synonymes » (Weiss 2000). Le fait que deux pays aient des IDH différents tout en ayant des revenus égaux par habitant montre l’importance de la qualité de la gouvernance (Weiss 2000).

Le PNUD produit le Rapport annuel du développement humain (‘Human Development Report’) pour évaluer la gouvernance en mettant en évidence statistiquement les conditions de vie des gens, notamment celles des pauvres.

La Banque mondiale a également mis au point un indice destiné à mesurer la qualité de la gouvernance. (Huther & Shah 2005) ont étudié cet outil qui est appelé l’indice de la qualité de la gouvernance (IQG) ou Index of Governance Quality. L’IQG se compose de quatre sous-indices :

• L’indice de la participation des citoyens (PC) évalué grâce à la liberté politique (LP) et la stabilité politique (SP);

• L’indice de l’orientation du gouvernement (OG) évalué grâce à l’efficacité judiciaire (EJ), l’efficacité bureaucratique (EB) et l’absence de corruption (AC);

• L’indice du développement social (DS) mesuré par le développement humain (DH) et une répartition égalitaire des revenus (GR); et

• L’indice de la gestion économique (GU), calculé par l’orientation vers l’extérieur (OE), l’indépendance de la banque centrale (BC) et la dette inversée envers le PIB (DI).

L’indice global de qualité de la gouvernance (IQG) est calculé en multipliant ces quatre indices.

Au niveau du gouvernement local (ou de la ville), des ensembles d’attributs ont également été identifiés pour évaluer la bonne gouvernance. Par exemple, le Centre de Recherche sur le Développement Global (Global Development Research Centre - GDRC) fournit les caractéristiques suivantes :

• La responsabilisation (‘Accountability’);

• La réactivité (‘Responsiveness’);

• La gestion de l’innovation;

• Les partenariats public-privé;

• L’interaction locale entre gouvernement et citoyen;

• La gestion décentralisée;

• Le développement du réseautage et des ressources humaines.

Chacune de ces caractéristiques est évaluée par la mesure d’un ensemble d’indicateurs : la décentralisation financière et politique, le gouvernement local (institutions), la prévisibilité, la réactivité, l’autonomisation, l’efficacité, l’équité, la responsabilisation et la transparence, la vision stratégique, la participation, le secteur privé, la société civile, et la gestion. De cette façon, chacun de ces indicateurs est mesuré en utilisant un ensemble de paramètres.

De plus, le GDRC a identifié douze principaux indicateurs de la gouvernance urbaine comme cités dans le tableau 4.3 ci-dessous.

Tableau 4.3 : Douze indicateurs principaux de la gouvernance urbaine

1. Satisfaction du consommateur (sondages/plaintes)

2. Transparence des procédures de contrats et d’appels d’offres pour les services municipaux

3. Équité dans le système fiscal

4. Sources de financement du gouvernement local (taxes, redevances d’utilisation, emprunts, gouvernement central, aide internationale)

5. Pourcentage de la population servie par les services

6. Accès du public aux étapes d’élaboration des lois et politiques

7. L’équité dans l’application des lois

8. Incorporation des groupes exclus dans le processus de consultation

9. Clarté des procédures et des règlements et des responsabilités

10. Processus participatifs existants

11. La liberté des médias et l’existence de médias locaux

12. Autonomie des ressources financières

Source : (http://www.gdrc.org/u-gov/indicators.html)

De cette façon :

• L’indicateur d’efficacité peut être basé sur le degré de satisfaction de l’utilisateur (c.-à-d. du citoyen). Ce degré de satisfaction peut lui-même être mesuré par des enquêtes et l’étude de plaintes;

• L’indicateur de planification et de prévisibilité peut être obtenu en évaluant l’étendue de la transparence des procédures de contrat et d’appels d’offres pour les services municipaux;

• L’indicateur d’équité peut être mesuré en lien avec le degré d’impartialité du régime fiscal;

• L’indicateur de réactivité peut être mesuré par le pourcentage de la population desservie et l’accès de la population au processus de prise de décision.

• La responsabilisation et la transparence peuvent être évaluées grâce à deux variables : le degré jusqu’auquel les lois sont appliquées équitablement, et la mesure dans laquelle les procédures, les politiques et les responsabilités sont claires;

• L’indicateur de l’équité peut être étudié en déterminant à quel niveau les groupes sociaux marginalisés ont accès au processus de consultation;

• L’indicateur relatif à la capacité des citoyens peut être estimé en identifiant et en quantifiant les canaux disponibles pour leur participation à la prise de décision locale;

• La participation peut être évaluée en étudiant la présence et la portée de la liberté des médias locaux.

Aussi, le processus d’évaluation a permis de déplacer l’emphase des intrants et des activités du projet vers les résultats du projet et leurs impacts (Picciotto 2003). L’évaluation est un outil important qui permet de réajuster le projet afin d’améliorer sa capacité à atteindre ses objectifs. Il est aussi essentiel d’identifier les leçons apprises dans les projets d’e-gouvernement, ce qui aide à informer les praticiens et possiblement influencer les politiques (Picciotto 2003).

IV. MÉTHODOLOGIE EFEZ D’ANALYSE DES RETOMBÉES

Présentation générale

La méthodologie d’analyse des retombées (‘Outcomes Analysis Methodology’) que nous avons développée et utilisée dans le projet eFez fournit un moyen de comprendre l’importance des systèmes TIC dans l’amélioration des processus organisationnels, aussi bien de façon qualitative que quantitative. Cette approche peut notamment être appliquée à une variété d’objectifs normatifs dans des domaines différents affectés par la mise en œuvre d’un projet de grande envergure (technologique, organisationnel, etc.), et à une variété d’applications. Elle permet de mesurer leurs retombées de façon précise et détaillée. Dans le projet eFez, nous nous sommes intéressés au cas particulier du déploiement de la technologie e-gouvernement utilisée dans le contexte de gouvernance locale, afin, entre autres, d’observer, définir et mesurer les changements qui ont affecté le processus et les pratiques de gouvernance.

La première phase de notre méthodologie consiste à identifier les définitions formelles et généralement reconnues du domaine d’application auquel on s’attaque (la gouvernance dans notre cas) et de ses caractéristiques sous-jacentes (attributs). Ces définitions sont par la suite raffinées et transformées en « définitions de travail » exprimées sous forme d’objectifs spécifiques et normatifs, en collaboration avec les intervenants concernés (par exemple des experts). Finalement, ces objectifs normatifs sont liés aux retombées et aux résultats mesurables spécifiques prévus du projet.

Pour le projet eFez, nous avons globalement observé/identifié cinq catégories de retombées pertinentes à l’évaluation :

• Les retombées liées à la Technologie;

• Les retombées liées à l’Organisation;

• Les retombées liées au Citoyen;

• Les retombées liés à la Réglementation, et;

• Les retombées liées à la Bonne gouvernance.

Nous nous sommes particulièrement intéressés à la catégorie « Bonne Gouvernance » qui représente le point focal de notre projet et avons lié les retombées observées à cette catégorie suite au déploiement de notre système, aux attributs de la bonne gouvernance. À ce propos, nous avons adopté les attributs de bonne gouvernance du PNUD qui sont, à notre avis, assez complets et faciles à comprendre par les intervenants.

À partir des définitions du PNUD, un ensemble de définitions de travail a été développé, basé spécifiquement sur les objectifs et le contexte du projet. Nos définitions de travail sont :

• Pour la Transparence : rendre visibles les flux de travail des services publics, à travers les prestations automatisées;

• Pour l’Efficacité et l’Efficience : permettre une utilisation optimale des ressources pour la prestation des services aux citoyens;

• Pour la Participation : favoriser le processus d’autonomisation des citoyens pour qu’ils contrôlent légalement la prestation des services à leur avantage;

• Pour l’Équité : permettre aux citoyens de recevoir des services sur une base d’égalité;

Pour la primauté de la loi : assurer que les lois et les règlements gouvernant le service sont appliqués d’une façon impartiale;

• Pour la Responsabilité : créer des normes par rapport auxquelles les individus qui fournissent le service et la prestation des services peuvent être tenus responsables.

• Pour la Réactivité : servir tous les citoyens d’une manière cohérente et prévisible;

• Pour le Consensus : cet attribut n’est pas applicable à notre projet, qui est principalement concerné par la prestation des services;

• Pour la Vision stratégique : cet attribut n’est pas également applicable à notre projet.

Des indicateurs mesurables ont ensuite été identifiés et associés à ces définitions de travail pour permettre à l’équipe de déterminer, de façon pratique, la relation entre « l’automatisation » de la prestation des services et les retombées reliées aux attributs de la bonne gouvernance. La figure suivante illustre la méthode utilisée pour déterminer ces attributs.

Figure 4.1 : La méthode orientée « retombées » du Projet eFez

Image

Source : (Kettani et al. 2006)

Le processus d’identification des retombées consiste à examiner les activités du projet, identifier les retombées désirées et les inspecter afin de déterminer leur pertinence en regard des définitions de travail. Les retombées retenues sont ensuite examinées et révisées en fonction de leur application au nouveau système d’e-gouvernement dans les prestations de services publics.

Les définitions révisées sont :

Transparence : permet de rendre un flux de travail visible, transparent et accessible aux citoyens grâce à une fourniture de services automatisée;

Efficacité et efficience : caractérisées par la capacité des citoyens à utiliser les ressources de façon optimale pour bénéficier des services publics;

Participation/autonomisation : constatées quand les citoyens ont le pouvoir de contrôler légalement la fourniture de services publics à leur avantage; ceci résultant de l’élimination des rôles intermédiaires inutiles dans le processus de livraison de service;

Équité : réalisée quand tous les citoyens sont servis sur une base égale;

Primauté de la loi : réalisée quand lois et règlements sont appliqués impartialement;

Responsabilité : atteinte quand des normes sont en place pour assigner les responsabilités aux individus; facilitée par une systématisation de la méthode de fourniture de services;

Réactivité : obtenue quand tous les citoyens sont servis de façon consistante et prédictible.

Le tableau ci-dessous résume les résultats du projet en lien avec la bonne gouvernance :

Tableau 4.4 : Attributs et retombées connexes mesurables de la bonne gouvernance pour le projet eFez

Attributs de la bonne gouvernance (PNUD)

Définitions des attributs pour le Projet eFez

Retombées liées au projet

Indicateurs mesurables (Résultats)

La transparence

La visibilité des flux de travail pour les citoyens

La visibilité des flux de travail pour les citoyens via le portail et le kiosque d’eFez

La disponibilité en ligne des descriptions des services publics pertinents

L’efficacité et l’efficience

L’utilisation optimale des ressources pour que les citoyens obtiennent des services du BEC

Une utilisation optimale des ressources pour que les citoyens demandent et obtiennent des services du BEC

Les citoyens font des économies de temps, d’argent et d’effort en demandant et en obtenant les services du BEC

La réactivité

Le système e-Gov de Fès n’a aucun effet négatif sur la communauté locale

Interfaces utilisateur graphiques utilisables, accessibles et acceptables

Un nombre croissant et des types variés de citoyens utilisant le portail et le kiosque de Fès

L’équité

Les citoyens servis avec une plus grande équité

Les citoyens demandent et reçoivent des services du BEC avec équité

Diminution des cas de corruption

La primauté de la loi

Des règles Administratives visibles/explicites

La transition des règles tacites à des procédures explicites.

1) Procédures administratives documentées;
2) Composante statique du portail;
3) Nombre de pages d’information publiées sur le portail

La responsabilité

Informations sur qui est responsable de quoi

L’accès des citoyens à la chaîne de responsabilités disponible en ligne et via le kiosque

1) L’accès aux organigrammes gouvernementaux;
2) le nom, les photos et les coordonnées des fonctionnaires

Source : (Kettani et al 2006)

Par ailleurs, nous avons identifié quatre principaux groupes d’intervenants pour lesquels les attributs de la bonne gouvernance devaient être évalués :

• Les décideurs de haut niveau (les politiciens);

• Les gestionnaires de niveau intermédiaire;

• Les employés;

• Les citoyens (l’utilisateur final).

Pour chacune de ces catégories d’intervenants, les attributs de la bonne gouvernance sont instanciés en indicateurs pertinents qui peuvent être mesurés de manière pratique. Pour pouvoir dégager les changements qui se sont produits, les indicateurs doivent être mesurés avant et après le déploiement du système d’e-gouvernement.

Le raffinement de ces définitions de travail a pris en compte le contexte et les spécificités de l’environnement du projet. Elles ont permis l’identification des retombées spécifiques du projet et ainsi ont créé la possibilité de suivre l’avancement du projet par rapport à une définition plus large et les exigences reliées à la bonne gouvernance. Cela a aussi permis de caractériser et de documenter la manière et la mesure dans laquelle le projet a soutenu la réalisation de la bonne gouvernance au sein d’une prestation de services en particulier (les opérations du bureau d’état civil - BEC) et dans un contexte institutionnel particulier (la ville de Fès).

Méthode de collecte des données

La prochaine étape de notre méthode d’analyse des retombées vise à identifier les moyens appropriés pour mesurer les indicateurs choisis et, éventuellement élaborer les procédures et les logiciels pour recueillir des données pertinentes.

Nous avons été inspirés par l’approche Results-Based Management (RBM) qui est une stratégie d’évaluation par laquelle une organisation peut certifier que ses processus, ses produits et ses services contribuent à la réalisation d’objectifs clairement énoncés (UNDP 2002). Cette approche est basée sur un processus continu et systématique qui consiste à:

• Collecter et analyser des données permettant de mesurer la performance des interventions visant l’atteinte des retombées;

• Mener un suivi effectif des retombées;

• Établir des données de référence (‘baseline data’);

• Sélectionner des indicateurs de performance; et

• Concevoir des mécanismes qui prévoient des actions planifiées telles que des visites sur le terrain, des réunions avec les intervenants et des analyses systématiques ou des rapports.

L’équipe eFez a accordé une attention toute particulière aux changements qui ont suivi la mise en œuvre de la plate-forme technologique eFez. Les indicateurs choisis visaient à évaluer les résultats et les retombées du projet. Pour cela, un travail sur le terrain a été effectué afin de déterminer comment les prestations de services publics ont évolué après le déploiement du système. On a d’abord commencé par la cueillette des données de référence en identifiant, observant, examinant et analysant les différentes règles et procédures qui étaient utilisées/suivies avant le déploiement du système dans les bureaux d’état civil (BEC). Nous avons aussi évalué et documenté les performances et la qualité des prestations et services offerts par ces bureaux. Par la suite, après le déploiement du système eFez, et l’entrée en vigueur effective de l’automatisation pendant quelques mois, nous avons à nouveau identifié, observé et analysé les changements qui se sont produits. On peut ainsi confirmer que le travail de terrain qui a été effectué afin de suivre l’évolution des indicateurs avant et après le déploiement du système, nous a permis de mettre en évidence les changements attendus.

La collecte des données a commencé avec le lancement du projet eFez en 2004. Ainsi, pendant les visites de travail que nous effectuions régulièrement, un membre de notre équipe était spécifiquement chargé d’observer les interactions (demande et/ou réception de services/prestations) des citoyens avec le BEC et de les interviewer à ce propos. Cela nous a permis de disposer d’informations sur l’appréciation des citoyens de la qualité des prestations offertes par le BEC et d’identifier quelques indicateurs ‘orientés citoyens’, y compris :

• La facilité du processus de demande/réception de prestation;

• Le temps d’attente;

• Les efforts des citoyens (c’est-à-dire les déplacements physiques au bureau de BEC, attendre et faire la queue) nécessaires pour recevoir des certificats; et

• La qualité des certificats délivrés.

Ces indicateurs ont été davantage analysés et raffinés par l’équipe de recherche. Des groupes de discussion ont été organisés avec les citoyens pour examiner cette liste d’indicateurs et obtenir éventuellement plus de détails.

La collecte de données « orientées citoyens » a également eu lieu dans quelques autres BEC de la ville de Fès qui n’étaient pas encore automatisés et d’autres groupes de discussion ont eu lieu dans ces bureaux. La motivation sous-jacente était de collecter autant d’informations que possible sur l’appréciation des citoyens relativement aux prestations des services des BEC.

Une première conclusion importante fournie par ces groupes de discussions était que l’accès et l’utilisation des services du BEC n’étaient pas aisés, vu qu’il n’y avait qu’un seul et unique canal d’interaction : le face à face avec l’employé au comptoir. Les citoyens n’avaient pas le choix que d’interagir avec les employés pour soumettre leurs requêtes et de revenir plus tard pour réclamer leurs certificats. Notre équipe de recherche a pris cette première conclusion en considération et a procédé à l’élaboration d’un prototype du système eFez offrant une diversité de canaux de prestation électroniques aux citoyens (en interaction avec un employé, en utilisant un kiosque multilingue ou en utilisant le web).

Après le déploiement de ce système dans le BEC pilote d’Agdal en novembre 2005, l’équipe eFez a repris ses activités de collecte de données :

• La collecte des données pour suivre quels modes d’utilisation étaient choisis par les citoyens parmi les canaux de prestation déployés; et

• La collecte des données pour étudier comment les indicateurs de prestation de services du BEC avaient changé après le déploiement de la plate-forme technologique.

Collecte des données relatives aux modes d’usage du système eFez

Notre équipe de recherche a suivi et observé l’utilisation et l’usage du système eFez par des méthodes qualitatives et quantitatives de collecte de données et d’indicateurs. L’équipe a observé périodiquement et mené des entrevues en profondeur avec les employés et les citoyens sur la façon dont ils utilisent les canaux de prestations électroniques déployés.

La première conclusion importante relative à la collecte qualitative de données a été très surprenante : presque tous les citoyens qui ont demandé une prestation ou un service avaient eu recours aux employés du BEC malgré l’existence d’autres canaux mis à leur disposition (le kiosque et le portail de services en ligne). Pour comprendre les raisons et les causes de cette sous-utilisation de la plate-forme technologique, à partir de mars 2006, notre équipe de recherche a lancé une enquête auprès des usagers du BEC qui étaient sollicités pour répondre à un questionnaire détaillé que nous avions élaboré au préalable. Ce questionnaire documentait, entre autres, le mode utilisé par les usagers (c.-à-d. l’approche de l’employé, la requête en ligne ou en utilisant le kiosque) et leurs impressions sur les canaux de livraison électroniques récemment déployés. Une assistante aidait chaque citoyen à remplir le questionnaire et lui fournissait toutes les explications dont il pouvait avoir besoin.

La sous-utilisation des kiosques au cours des quatre premiers mois de son déploiement représentait un vrai casse-tête (et en même temps un défi !) pour notre équipe. Il s’agissait d’une question fondamentale puisque le kiosque et le web étaient déployés pour « réduire » la fracture numérique mise en évidence par le faible accès des marocains aux TIC. C’était aussi un outil qui visait à diminuer l’importance de l’analphabétisme qui est l’un des obstacles majeurs auxquels le Maroc fait face dans son insertion dans le monde du numérique. Le kiosque que nous avions développé devait, en principe, être universellement accessible, utilisable, acceptable par tous les marocains, sans discrimination par rapport à leur degré d’alphabétisation et/ou de familiarité avec les TIC. Ceci permettait d’éviter l’exclusion sociale qui risquait de contribuer davantage au problème de la fracture numérique. L’équipe du projet a enclenché un processus itératif de collaboration avec les citoyens, y compris les illettrés, pour concevoir une nouvelle interface du kiosque qui répondrait mieux à leurs besoins et serait facilement utilisable, aussi bien par des lettrés que les illettrés. Cette refonte et les processus d’ajustement de la plate-forme qui ont suivi ont été réalisés entre février 2005 et mars 2006.

Ainsi, et comme suggéré par les citoyens qui ont participé à ce processus itératif, la nouvelle version du kiosque comporte des instructions vocales claires, en dialecte local, qui guident pas à pas l’utilisateur pendant tout le processus d’interaction avec le système. Le kiosque inclut des images/icônes culturellement acceptées (et encouragées) qui présentent graphiquement les différentes prestations qu’il offre. Le kiosque a également intégré certaines réalités sociales marocaines dans la conception générale de son interface graphique. Ainsi, étant donné que même les personnes analphabètes sont familiarisées et utilisent régulièrement le téléphone portable, il a été décidé d’inclure le même genre d’interface dans le kiosque avec une attention particulière au « bouton rouge » pour effacer une entrée, et au « bouton vert » pour la valider. Ces deux boutons représentent l’essentiel de l’interaction que l’usager peut avoir avec le système.

Après l’incorporation de ces ajustements dans le kiosque, l’équipe eFez a procédé à des essais avec environ 70 usagers analphabètes, hommes et femmes, de différents âges. Le test a révélé que tous les participants qui n’ont pas de problèmes de vision et/ou d’audition, ont pu utiliser le kiosque, sans problème et sans assistance, après une initiation sommaire à l’utilisation du kiosque qu’ils ont eue au préalable. Le test a ainsi prouvé la facilité du processus de demande/réception de prestations en utilisant le kiosque.

De façon inquiétante et surprenante, et malgré toutes les modifications que nous avions apportées, le taux d’utilisation du kiosque demeurait assez bas. L’équipe a donc décidé d’entreprendre une nouvelle étude pour élucider les raisons/causes sous-jacentes à ce faible taux d’utilisation du kiosque. Ainsi, plusieurs observations et entrevues ont eu lieu et elles nous ont permis de comprendre que finalement les habitants de Fès n’étaient pas au courant de la disponibilité et de la possibilité d’utiliser le kiosque dans le BEC. La raison expliquant le faible taux d’utilisation des kiosques n’était pas technologique cette fois-ci, mais plutôt humaine et sociale.

Pour faire face à cet obstacle, notre équipe de recherche a lancé une campagne de communication ciblant les usagers du BEC expérimental. Une assistante a été embauchée et entrainée pour accueillir les citoyens/usagers des services du BEC et les informer de la disponibilité du kiosque. Elle les invitait à essayer le kiosque, tout en les aidant quand cela était nécessaire. Elle les aidait également à remplir des questionnaires concernant leur point de vue sur les changements de prestation de services du BEC qui ont suivi le déploiement de la plate-forme technologique.

Ainsi, le taux d’utilisation quotidien des kiosques a augmenté de façon spectaculaire. Les données que nous avons recueillies en mars 2006 démontrent que plus de 90 % des requêtes des citoyens étaient effectuées via les kiosques. Le BEC a reçu entre 20 et 100 personnes par jour, durant la période estivale reconnue pour la forte demande des citoyens pour des certificats délivrés par le BEC. De manière anecdotique et amusante, certains citoyens percevaient le kiosque comme un moyen de « passer un appel téléphonique » aux certificats qu’ils demandaient ! Cela démontre que malgré sa nouveauté culturelle, le kiosque est devenu plus populaire et plus utilisé par la communauté locale par rapport aux deux autres canaux de distribution. Même si les citoyens n’ont pas encore développé l’habitude de demander leurs certificats via Internet en raison de la faible pénétration des PC et d’Internet, ils ne vont plus vers les employés du BEC pour accéder aux services dont ils ont besoin. Le kiosque est perçu comme un libérateur en ce qui concerne la dépendance envers les salariés et leur bonne volonté. L’enquête a révélé que la plupart des répondants interrogés envisageaient de réutiliser le kiosque pour accéder aux services du BEC.

Pour conclure, il est intéressant d’observer que la collecte de données et le processus d’évaluation des modes d’utilisation ont eu une forte influence sur le développement et les ajustements du système eFez, en grande partie en raison de la participation active des utilisateurs finaux (c.-à-d. les citoyens). Il est important de noter également que si l’équipe eFez n’avait pas effectué l’analyse des retombées et la collecte de données correspondantes dès les premières phases du projet, on aurait pu conclure à un échec précoce du projet, dû au sous-usage des canaux électroniques de distribution mis en œuvre. Les décideurs auraient conclu que le changement technologique coûtait trop cher pour trop peu de résultats. Cela aurait aussi renforcé la résistance initiale au changement que la plupart des officiers du BEC ainsi que certains gestionnaires de la ville avait préalablement exprimée ou manifestée.

L’approche participative que nous avons adoptée a été un élément clé dans la réussite du nouveau système. Elle a fait ressortir l’importance du facteur humain dans le processus de transformation qui suit le déploiement d’une plate-forme e-gouvernement. La campagne de communication, ainsi que la présence de l’assistante responsable de l’accueil des citoyens et de leur initiation au kiosque, étaient en fait des actions simples mais qui ont contribué grandement à la réussite du projet auprès des usagers.

Collecte des données relatives aux indicateurs de prestation de services BEC

Après avoir abordé les problèmes d’utilisation du système au cours de la période de transition suivant le déploiement du système eFez (vers la fin de 2006), l’équipe a réorienté les efforts de collecte de données pour cibler les indicateurs de prestation de service. Nous rappelons que ces indicateurs avaient été identifiés et évalués avant le déploiement du système eFez. Un membre de l’équipe a été chargé d’effectuer plusieurs séjour de travail au BEC pilote, afin d’observer le processus de demandes réceptions de prestations. Il s’est entretenu avec les citoyens sur les changements qui ont suivi le déploiement du système et a organisé des groupes de discussion au sujet des indicateurs relatifs à la prestation de services. Il a utilisé des méthodes de recherche quantitatives pour la collecte de données et a mené un sondage pour évaluer la perception des citoyens sur les nouveaux services déployés. Ce sondage a été réalisé grâce à des questionnaires auto-administrés remplis sur place par des citoyens sachant lire et écrire, et grâce à des entrevues en face-à-face réalisées auprès des citoyens illettrés pour recueillir leurs commentaires et les réponses. Mille questionnaires ont été remplis via un échantillonnage ciblé au BEC expérimental, au cours de la période d’avril à juin 2006. Le niveau d’études des personnes interrogées est représenté par les pourcentages suivants : 7.9 % analphabètes, 6.4% avaient une éducation primaire, 32,9 % avaient une éducation secondaire, 6,4 % avaient le niveau collégial, et 45% avait une formation universitaire. Nous présentons dans ce qui suit quelques questions incluses dans le questionnaire ainsi que les chiffres/réponses fournis par les répondants.

À la question : « Combien de fois avez-vous demandé des certificats BEC sur une base annuelle? «, les répondants à l’enquête ont indiqué des chiffres allant d’une fois à 39 fois par an; donc une moyenne de 9,05 fois par an.

À la question : « Au cours des visites précédentes dans ce BEC ou dans un autre BEC (où il n’y a pas utilisation des TIC), combien de temps avez-vous attendu en moyenne pour demander et recevoir vos certificats BEC? «, les réponses variaient entre une heure et 2448 heures, avec un temps d’attente moyen de 40,33 heures parmi les répondants.

À la question : « Comment avez-vous demandé vos certificats de naissance? A) via le kiosque ou b) au comptoir «, les réponses ont montré que 97% des répondants ont utilisé le kiosque situé au BEC.

À la question : « Aujourd’hui, combien de temps vous a-t-il fallu pour demander et recevoir vos certificats de naissance? », les réponses variaient de une minute à 60 minutes, ce qui donne une moyenne de 4 minutes de temps d’attente. La satisfaction a été exceptionnellement élevée : 91,8 % des répondants sont très satisfaits et 7% sont satisfaits. 92,1 % des répondants ont qualifié le service de livraison comme très rapide/instantané et 6% l’ont qualifié de rapide. 93,9 % des répondants ont indiqué la qualité des certificats BEC qu’ils ont reçus comme excellente et 3% comme bonne.

À la question : « Quels sont les avantages/bienfaits de la nouvelle façon de prestation de services? «, 93,49 % d’entre eux ont indiqué qu’elle leur a fait gagner du temps, 84,77 % ont marqué qu’elle leur a épargné des dépenses (liées aux voyages et à leurs frais d’aller-retour vers les bureaux du BEC), 90,51 % ont indiqué qu’elle leur a économisé les efforts liés aux files d’attente

Le questionnaire demandait aussi des suggestions, mais de nombreux répondants ont ignoré cette question. Toutefois, les réponses fournies se divisent en deux catégories principales :

• Celles suggérant l’extension de l’automatisation du BEC aux autres bureaux des BEC de Fès et à l’extérieur de Fès, et

• Celles suggérant l’extension de l’automatisation vers des services municipaux (autres que les certificats des BEC).

Résultats de la mesure des indicateurs

Suite à la collecte de données (qualitatives et quantitatives) avant et après le déploiement du système, les retombées orientées citoyens ont été évaluées. À titre d’illustration, le tableau 4.4 montre les mesures des principaux attributs de gouvernance liés aux citoyens. Les colonnes 1 et 2 représentent les attributs de gouvernance et les indicateurs correspondants utilisés pour les mesurer. Les colonnes 3 et 4 indiquent respectivement les valeurs des indicateurs obtenues avant et après le déploiement. Remarquons que dans ce tableau, CN veut dire « Certificat de Naissance ».

Tableau 4.5 Les retombées de la prestation de services automatisés sur la bonne gouvernance du projet

Attributs de gouvernance

Indicateur mesuré

Valeur avant le déploiement

Valeur après le déploiement

Transparence

Visibilité des flux de travail pour les citoyens via la prestation de services automatisés

NON
Puisque le back-office du BEC est entièrement manuel, les sous-processus de demande de CN, de traitement des demandes, et de remplissage des copies des CN sont effectués séparément (et souvent par différents employés). Le citoyen ne peut pas voir et surveiller la progression du traitement des CN (aussi la longueur et/les raisons possibles pour un retard dans la transformation ne sont ni accessibles ni visibles)

OUI
Puisque le back-office du BEC est électronique, la demande de sous-processus CN, le traitement de la demande, et l’impression des CN traités sont fusionnés en un seul processus effectué en temps réel. Il garantit le principe du premier arrivé-premier servi

L’efficacité et l’efficience (pour l’utilisateur en tant que citoyen)

Utilisation optimale des ressources permettant aux citoyens de demander et obtenir des CN

Non
Demander et obtenir des CN est coûteux pour les citoyens :
- temps d’attente
- plusieurs voyages su BEC
- besoin de donner des pourboires (ou utiliser des relations)

Oui
Les citoyens économisent temps/argent/effort en demandant et en obtenant les CN :
- aucun temps d’attente
- un seul voyage au BEC
- aucun pourboire

L’efficacité et l’efficience (comme payeur de taxes)

L’efficience et l’efficacité d’utiliser des ressources publiques rares

Oui (3 à 10)
Pour livrer les CN, le BEC a besoin de 3 employés à temps plein (lorsque la demande de CN est faible et modérée). Lorsque la demande de CN est élevée (au cours de l’été et au début de l’automne) tous les employés du BEC (10) arrêtent leurs autres tâches afin de répondre à la demande pour des CN
- En outre pour faire face à la demande, ils emmènent les demandes CN chez eux pour les traiter (ce qui est illégal)

Oui (moins de 3)
C’est-à-dire des besoins occasionnels d’intervention des employés avec l’élimination de 3 employés à temps plein :
- Aucun employé à temps plein pour rédiger les CN (chaque employé peut traiter instantanément la demande en CN tout en faisant ses autres tâches manuelles pour le BEC)
- Avec le kiosque : aucun employé n’est nécessaire pour traiter les demandes

Equité

Les citoyens sont servis de manière équitable

Non
Généralement rester dans la file d’attente/l’attente crée des motifs et des conditions pour des incidents de corruption. Les citoyens se voient dans l’obligation de donner de l’argent à l’employé en charge afin d’être servis, surtout lorsqu’ils sont pressés et qu’ils doivent respecter des délais serrés de dépôt de dossiers

Oui
Les TIC ont éliminé la nécessité pour les citoyens de donner des pourboires afin d’être servis Tous les citoyens sont servis à temps et de façon consistante et professionnelle (peu importe leur classe sociale)

La primauté de la loi

Les lois sont appliquées de façon impartiale

Non
L’équité est violée; et les violations sont perçues comme normales De nombreuses violations du droit alors que les gens paient pour des privilèges spéciaux (comme sauter la file d’attente)

Oui
Éliminer la possibilité de pourboires renforce la primauté de la loi

Participation/autonomisation (c’est-à-dire les citoyens sont légalement habilités à contrôler à leur avantage la prestation de services) Minimiser les rôles des intermédiaires superflus dans la chaîne de processus de prestation de services

Participation active des citoyens aux services du BEC

Non
Les citoyens ne participaient pas activement à la prestation des services (avec de possibles conséquences négatives dues à des caractéristiques des flux de travail)

Oui
Les citoyens, grâce au kiosque et aux services en ligne, participent activement à la prestation de services, ce qui réduit les possibilités de conséquences négatives découlant des difficultés dans les flux de travail

Dépendance à l’égard de la bureaucratie : Dépendance des citoyens vis-à-vis de la bonne volonté des employés

Oui
Les citoyens étaient à la merci des employés pour être servis

Non
Les citoyens grâce au kiosque et à la prestation de services en ligne ont le contrôle du processus et ne sont pas à la merci des employés

Des normes en matière de responsabilité au lieu d’attribuer la responsabilité à des personnes, en grande partie à cause de la méthode systématisée de livraison des services

Existence de normes visant à tenir les individus pour responsables

Non
Pas de normes en raison d’un système opaque et incohérent

Oui
Système visible, transparent et cohérent avec des normes implicites disponibles, par rapport auxquelles on peut tenir le BEC pour responsable

Réactivité

Cohérence dans la relation entre les entrées et les sorties

Non
- La prestation de service n’est pas prévisible
- Les citoyens ne peuvent pas influencer le système pour qu’il soit prévisible et réactif

Oui
Le système (c’est-à-dire la fourniture automatisée des services) est par définition et conception réactif/et prévisible

Consensus

Non applicable

Vision stratégique

Non applicable

(Source : Kettani et al. 2008)

V. CONCLUSION

Étant donné le taux élevé d’échecs des projets de développement de logiciels et de systèmes d’e-gouvernement en particulier, nous suggérons qu’il y a un besoin crucial de disposer d’un cadre systématique d’évaluation de l’e-gouvernement. Nous avons proposé une méthode d’analyse des retombées qui fournit des moyens pour évaluer les résultats du projet par rapport à ses objectifs et activités. Il est intéressant de noter qu’une telle méthode non seulement s’appuie sur l’évaluation des attentes des principales parties prenantes et des objectifs primaires, mais elle présente également le processus d’évaluation comme un moyen d’orienter la planification et l’ajustement du développement d’un projet en cours. Cela permet aux décideurs d’avoir une compréhension claire de la façon dont le projet et le système ont contribué au développement global (dans ce cas, la contribution à l’objectif du projet pour améliorer la bonne gouvernance).

Notre méthode d’analyse des retombées est une phase importante de la Carte de route d’eFez (‘Roadmap’ - voir le chapitre VII) et de la carte de route générique que nous proposons pour le développement de systèmes ICT4D/e-gouvernement (voir le chapitre VI).

L’évaluation systématique des projets identifie des leçons apprises et des meilleures pratiques. Le partage de ces leçons peut être instructif et fournir des conseils aux intervenants, aux concepteurs et aux gestionnaires du projet, et peut aider à ajuster la mise en œuvre de projets en cours. Elles peuvent également fournir des indications aux décideurs pour les aider à faire des choix efficaces en lien avec les politiques relatives aux TIC (Garridon 2004). L’évaluation de l’e-gouvernement est également nécessaire pour faire connaître les réussites. Une telle diffusion peut renforcer la confiance d’autres intervenants et les amener à la table de discussion, en particulier dans les programmes où les différents acteurs se font concurrence pour obtenir des ressources (Garridon 2004).

VI. RÉFÉRENCES

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CHAPITRE V

Adoption de l’approche transformative dans le développement des systèmes d’e-gouvernement

I. INTRODUCTION

Plusieurs études ont fait la promotion des systèmes d’e-gouvernement pour leurs effets positifs sur la bonne gouvernance (Norris 2001), (Nute 2002) (O’Connell 2003). L’e-gouvernement est présenté comme un moyen pour améliorer la réactivité des institutions gouvernementales face aux demandes croissantes des citoyens pour obtenir un meilleur accès aux services publics, et aux préoccupations relatives à l’amélioration de l’efficacité institutionnelle et des mesures de sécurité (O’Connell 2003).

Dans ce cadre, et comme il est bien souligné dans plusieurs rapports techniques et articles de recherche, plusieurs défis sont à relever. Par exemple, le rapport intitulé « Gouvernement électronique pour les pays en développement » produit par l’Union internationale des télécommunications (ITU 2008) indique que l’utilisation efficace des TIC pour servir les citoyens en ligne est un vrai casse-tête pour de nombreux gouvernements, en particulier dans les Pays En Développement (PED) et les Pays les Moins Développés (PMD). Les organismes publics sont confrontés à un niveau élevé d’incertitude dans la création et la fourniture de services d’e-gouvernement en raison de leur complexité, d’habitudes organisationnelles profondément enracinées et d’une grande diversité dans l’acceptation de la technologie par les individus.

Le rapport « E-Gouvernement at Crossroads » produit par l’ONU, indique que « certains analystes estiment que le taux d’échec des projets d’e-gouvernement est très élevé dans les pays avec des économies en développement, aux alentours de 60 à 80 pour cent, avec le taux d’échec le plus élevé enregistré en Afrique » (UN 2008).

Dans les pays développés, Gartner Research estime le taux d’échec des projets d’e-gouvernement à environ 60%.

Le « Standish Group » quant à lui estime que seulement 28% de tous les projets de TIC en 2000 aux États-Unis, au sein du gouvernement et de l’industrie, ont été réussis en regard des budgets, des fonctionnalités et des échéances respectées. 23% ont été annulés et le reste n’a réussi que partiellement, à défaut de pouvoir répondre à au moins l’un des trois critères précédents.

Il a également été observé qu’un grand nombre de systèmes d’e-gouvernement déployés dans les PED/PMD ne parviennent pas à améliorer la qualité de la gouvernance pour un certain nombre de raisons (Heeks 2002).

L’e-gouvernement exige beaucoup plus qu’une prouesse technique pour que le développement et l’exploitation des services en ligne soient réussis. Il requiert l’élaboration d’approches stratégiques pour l’organisation et l’assemblage de ressources tangibles telles que les ordinateurs et les réseaux, ainsi que pour la gestion des ressources intangibles telles que les compétences des employés, les connaissances et les processus organisationnels (ITU 2008).

Nous pensons que la gestion adéquate de ces ressources immatérielles est l’un des défis les plus importants des projets ICT4D/e-gouvernement, en particulier dans les PED/PMD. Les questions liées à la préparation, l’adoption et l’utilisation de l’e-gouvernement (TIC, les services connexes et les pratiques) sont souvent appelées e-Readiness (Voir chapitre 3).

Notre expérience de dix ans dans le développement et le déploiement de systèmes ICT4D/e-gouvernement au Maroc a montré que la volonté de tous les acteurs du gouvernement (politiciens, cadres supérieurs, cadres intermédiaires, les employés et les citoyens) est un facteur critique de succès pour la création, le déploiement, l’utilisation et l’adoption de l’e-gouvernement.

Dans ce chapitre, nous allons principalement nous attarder à passer en revue et à expliquer les éléments importants que les preneurs de décision, dans les PED/PMD, doivent considérer dans la planification d’un projet ICT4D/e-gouvernement. Vu que le projet eFez visait principalement la gouvernance locale, nous montrerons aussi que beaucoup d’approches et leçons apprises au niveau national peuvent être adaptées et appliquées au niveau de la gouvernance locale (niveaux municipal et régional).

De nombreuses références importantes et récentes, incluant (Unwin 2009), (Hanna 2010a) & (Hanna 2010b), préconisent l’utilisation d’une approche holistique (i.e., globale, intégrée et systémique) pour le développement/création, l’introduction et le déploiement des systèmes ICT4D/e-gouvernement dans les PED/PMD. Cette approche insiste/focalise sur la nécessité d’une transformation fondamentale des gouvernements en termes de gouvernance, de stratégies, de réformes des institutions et des interventions, à l’échelle nationale.

Hanna (Hanna 2010a) définit l’e-transformation comme une stratégie de deuxième génération pour un développement intelligent, holistique, inclusif et participatif. Il souligne également que les gouvernements des PED/PMD sont confrontés à des défis redoutables (difficultés financières, déficience des services/infrastructures publics, incapacité à satisfaire les besoins fondamentaux et les attentes légitimes de la population, corruption généralisée, inégalités croissantes, manque de viabilité/disponibilité/accès à l’information, etc.) exigeant une transformation étendue, profonde et continue des institutions publiques. En d’autres mots, ces défis exigent un changement transformationnel. Par conséquent, l’usage effectif des TIC pour transformer les gouvernements et la société en général doit nécessairement considérer les lois, les institutions, le leadership en place. Il doit aussi tenir compte des intérêts des divers acteurs concernés et de l’économie politique implicitement impliquée dans la transformation projetée; ceci afin d’aboutir à une réforme de l’e-politique, à la construction de l’e-gouvernance et, ultimement, à l’induction de la transformation.

L’approche holistique que Hanna propose pour transformer les gouvernements par le biais de la technologie, exige la création d’un certain nombre d’infrastructures (informatique, télécom, institutionnelle, humaine, politique, juridique, etc.) ainsi que le renforcement de la sensibilisation, de l’engagement, du leadership et de la pensée stratégique.

Nous sommes entièrement d’accord avec cette vision et confirmons qu’elle s’applique également au niveau de la gouvernance locale. Cependant, nous affirmons en plus que les projets ICT4D/e-gouvernement sont des processus de transformation qui devraient être gérés en tant que tels pour assurer la transformation réussie des institutions dans lesquelles ils sont mis en œuvre. Les sections IV à VII de ce chapitre présentent les fondements de l’approche transformative que nous avons développée et appliquée dans le cadre du projet eFez et de projets connexes. Dans le prochain chapitre, nous présenterons une approche générique (une feuille de route, appelée aussi ‘roadmap’) pour le développement de systèmes ICT4D/e-gouvernement, en nous appuyant sur les notions et les concepts présentés dans le présent chapitre.

La littérature traitant des approches de développement basées sur les TIC et concernant l’e-gouvernement est énorme. Cependant, la plupart des décideurs n’ont pas le temps de la lire et de se faire une idée claire de ce qui est approprié dans leur contexte d’intervention. Dans la prochaine section, nous allons discuter de certains points importants et répondre à des questions typiques que les décideurs et les gestionnaires de projets soulèvent dans les PED/PMD. Un objectif complémentaire de ce chapitre est de familiariser le lecteur avec d’importantes sources de recommandations et d’expériences qui peuvent être trouvées dans la littérature prolifique sur les projets ICT4D et d’e-gouvernement. Parce que nous voulons donner crédit aux auteurs qui ont déjà partagé leurs connaissances et leurs expériences dans les articles et livres publiés, nous citons souvent des passages importants de ces écrits afin de transmettre au lecteur leur pensée originale. De cette façon, nous souhaitons également montrer que de nombreuses expériences et leçons apprises peuvent être partagées avec succès dans différents domaines de l’ICT4D et des projets d’e-gouvernement, qu’ils soient aux niveaux national, régional, municipal ou local.

II. QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES À POSER AU LANCEMENT DE PROJETS ICT4D/E-GOUVERNEMENT

Pourquoi tant de projets ICT4D/e-gouvernement échouent-t-ils?

Hanna (2010a) explique que pour des raisons essentiellement politiques, les gouvernements ont tendance à favoriser des projets TIC importants, coûteux et de grande visibilité. Cela conduit à des échecs fréquents car le risque est généralement proportionnel à la taille du projet et au degré de changement requis aux niveaux techniques, organisationnels et culturels.

Guida et Crow (2007) indiquent que plusieurs éléments pourraient expliquer le taux d’échec élevé et décevant des projets ICT4D/e-gouvernement :

• L’application de technologies inappropriées;

• Une déconnexion qui est observée en pratique entre les banques multilatérales, donateurs et autres sponsors du projet et les gouvernements clients qu’ils servent; et

• Une dépendance excessive des projets à des approches gouvernementales hiérarchiques (‘top-down’) qui ne tiennent pas compte des ‘besoins et exigences’ des citoyens usagers.

Guida et Crow (Guida & Crow 2007) mentionnent également d’autres facteurs importants liés à la gouvernance qui contribuent à ces échecs tels que le manque de transparence et de participation des citoyens, la résistance de la bureaucratie, la corruption endémique, une politique et des environnements réglementaires rétrogrades, et des ressources humaines non qualifiées. Dans le chapitre IV de ce livre, nous avons mentionné un certain nombre de raisons importantes expliquant les échecs des systèmes d’e-gouvernement dans les PED/PMD.

En adoptant une attitude positive, nous avons plutôt tendance à considérer ces causes d’échecs comme des facteurs importants (certains vus comme des risques, d’autres comme des contraintes) qui devraient être identifiés, gérés et contrôlés par les décideurs et les chefs de projet qui sont en charge des projets ICT4D/e-gouvernement. Nous avons observé que ces contraintes et ces risques sont omniprésents dans les PED/PMD.

La « barrière » de la connaissance

Plusieurs éléments structurels et contextuels imposent des contraintes importantes et de différentes natures aux gouvernements de nos pays (politiques, juridiques, organisationnelles, technologiques, capital humain, etc.). Les citoyens et les intervenants gouvernementaux sont très différents dans leurs capacités à comprendre les services publics et leur désir et habiletés à utiliser les systèmes informatiques. Par conséquent, les gouvernements doivent développer les connaissances et les capacités pour répondre à ces défis et, en même temps, traiter les problèmes et défis quotidiens issus des milieux politiques, économiques et sociaux. Ces facteurs génèrent des risques qui peuvent limiter les chances de réussite du gouvernement dans l’adoption de l’e-gouvernement.

À titre d’exemple, citons une cause importante de difficultés (et même d’échecs) pour la création et le déploiement de systèmes ICT4D/e-gouvernement dans les PED/PMD. Il s’agit du manque de ressources humaines avec des connaissances et le savoir-faire nécessaire pour développer des logiciels (méthodes d’analyse et de conception, gestion de projet, outils de développement, normes, etc.) et mettre en œuvre efficacement des systèmes d’e-gouvernement. Par conséquent, le développement d’un système sans une planification, une analyse et une conception adéquates résulte souvent en des services d’e-gouvernement qui sont non satisfaisants pour les utilisateurs, et provoquent ultimement l’échec du système (Kendall et Kendall 2008).

Défis critiques des projets ICT4D/e-gouvernement dans les PED/PMD?

Le rapport « Electronic Government for Developing Countries » (ITU 2008) identifie un certain nombre de questions technologiques qui illustrent pourquoi les institutions gouvernementales rencontrent des obstacles dans la construction de services d’e-gouvernement :

• L’e-gouvernement consiste à prendre des technologies informatiques et à les combiner avec des processus administratifs réalisés par des humains afin de créer de nouvelles façons de servir les citoyens. Ainsi, les organisations doivent adapter les TIC aux processus d’affaires. De même, les processus d’affaires doivent s’adapter aux TIC;

• Les TIC existent dans un contexte plus large. En plus du défi de comprendre les systèmes informatiques, les institutions gouvernementales doivent aussi comprendre les processus organisationnels, législatifs et politiques qui constituent et supportent leurs opérations journalières. La plupart des processus impliquent de nombreuses étapes et procédures qui ont évolué de façon idiosyncratique afin de se conformer à la législation, aux mandats et normes, en se basant sur la structure bureaucratique formelle et les pratiques informelles des employés de chaque ministère;

• Les gouvernements doivent comprendre le contexte local et les pratiques locales dans lesquelles les TIC seront utilisées pour fournir des services d’e-governement (Walsham et al. 2007). En règle générale, les PED/PMD adoptent souvent les TIC et des logiciels qui ont été conçus dans les pays développés et qui leur sont fournis à travers des programmes de transfert de technologie. [...] Ainsi, les organisations ont besoin de faire appel à des ressources humaines qualifiées avec la capacité d’adapter de manière créative les nouvelles technologies et les pratiques globales au contexte local, mais aussi la capacité de gérer l’ensemble du processus de développement des systèmes (Macome 2003). Nous avons observé la pertinence de ces questions à tous les niveaux du gouvernement et en particulier dans le contexte de la gouvernance municipale. En raison de l’absence de connaissance des méthodes d’analyse et de conception de systèmes, la plupart des décideurs et gestionnaires de projets dans les PED/PMD ne sont pas conscients du fait que le succès de l’automatisation est profondément dépendant de la compréhension claire des processus d’affaires et de leur réingénierie minutieuse, en tenant compte du contexte organisationnel et des contraintes, ainsi que des possibilités offertes par les TIC. Par conséquent, les dirigeants de projets d’e-gouvernement devraient être en mesure d’assumer deux rôles à la fois – un rôle dans le domaine technologique et un rôle dans le processus d’ingénierie. Ces gestionnaires doivent typiquement comprendre comment adapter des applications qui intègrent des technologies informatiques complexes, tout en opérant une refonte des processus opérationnels sous-jacents et des structures organisationnelles (ceci est souvent appelé la réingénierie des processus d’affaires). Soulignons que de telles personnes sont extrêmement rares dans les PED/PMD.

Les auteurs du rapport « Electronic Government for Developing Countries » (ITU 2008) concluent que l’e-gouvernement exige que les dirigeants des gouvernements et les gestionnaires répondent à trois questions principales :

• Comment prendre les technologies de l’Internet et les intégrer dans les systèmes d’information et dans les processus organisationnels et institutionnels existants?

• Comment peut-on construire des applications d’e-gouvernement pour répondre aux besoins, aux capacités et aux valeurs des utilisateurs finaux?

• Comment surmonter la réalité des environnements organisationnel, économique, politique, technologique, juridique et local qui, par des facteurs complexes, influencent et définissent le contexte du service e-gouvernement?

Doit-on adopter une approche centralisée ou une approche décentralisée?

Ceci est une autre question cruciale car il a souvent été observé que les PED/PMD ont tendance à adopter des approches fondées sur les TIC qui sont créées (et souvent fortement encouragées) par le gouvernement central. En considérant les stratégies nationales pour la planification de l’e-gouvernement, Hanna (Hanna 2008) distingue deux approches principales :

• Une stratégie intégrée dite « top-down » qui est liée à de grands objectifs économiques et de développement;

• Une approche décentralisée dite « bottom-up » qui favorise l’esprit d’entreprise et offre aux organismes l’indépendance de lancer leurs propres programmes.

Dans le contexte des PED/PMD, les termes « top-down » et « bottom-up » peuvent être respectivement interprétés comme « centralisée » et « décentralisée ».

Notons que les propos de Hanna se positionnent à un niveau national et concerne les organismes du gouvernement central tels que les ministères (ou agences). Cependant, au niveau local, une institution gouvernementale est souvent composée de plusieurs directions et/ou départements. Pour notre part, nous avons observé que les dynamiques qui se développent lors des tentatives de mise en œuvre de systèmes ICT4D/e-gouvernement sont confrontées aux mêmes défis que ceux observés au niveau national. Hanna indique que « chaque stratégie présente des facteurs qui favorisent le succès, mais aussi des risques qui peuvent conduire à l’échec ». Il suggère que la plupart des pays devraient essayer une approche hybride qui combine les caractéristiques des approches top-down et bottom-up.

Dans le contexte de ce livre, il est utile d’examiner les facteurs de réussite et les risques associés à ces stratégies car la plupart d’entre eux s’appliquent également au contexte de la gouvernance locale, qui est l’objectif principal de ce livre.

Une approche top-down (centralisée) est orchestrée de façon centrale par un organisme gouvernemental mandaté spécialement pour coordonner les initiatives ICT4D/e-gouvernement parmi les différents ministères et constituants gouvernementaux. Dans le cadre d’une telle approche on pense qu’une supervision et une guidance centralisées sont la meilleure façon de réaliser le changement culturel, la réingénierie et la formation nécessaires. De ce point de vue, passer à l’échelle, au-delà de la phase pilote, et transférer les leçons apprises relatives à la mise en place de l’e-gouvernement d’un constituant gouvernemental à un autre, sont aussi facilités par une stratégie centrale qui favorise l’échange d’informations, la planification de projets conjoints et le développement de processus d’affaire communs (Hanna, 2008).

Voici une liste des principaux facteurs clés de succès d’une approche top-down :

• Le leadership politique et l’engagement1 : le facteur de réussite le plus important est peut-être un leadership fort et soutenu qui articule le besoin de changement, crée une dynamique (‘momentum’) dans les premières phases du projet et favorise les réformes au cours de la réalisation;

• Un haut niveau de supervision : la supervision, la coordination et la planification sont des clés de succès du déploiement de l’e-gouvernement. Au centre de cet effort sont la réingénierie guidée par les politiques et la réforme des processus gouvernementaux, appuyées par une planification robuste des technologiques pour les services d’infrastructure;

• L’intégration et la normalisation des sources de données : Tous les processus gouvernementaux dépendent d’un accès facile aux sources de données, qui à leur tour, nécessitent aussi bien l’interopérabilité et le partage de données que des architectures de logiciels appropriées;

• Le changement dans la culture du gouvernement : le succès et la durabilité des applications d’e-gouvernement dépendent du changement réalisé dans la culture du gouvernement, grâce à des campagnes de communication et des initiatives de gestion de changement bien menées, ainsi que par une formation pertinente et bien planifiée. Ce processus peut rencontrer de grands défis dans le secteur public qui est généralement peu motivé à améliorer la prestation des services publics et peu sensibilisé à l’égard du processus de transformation permis par les TIC;

• Le séquençage et la priorisation : Une stratégie bien pensée et globale peut guider la mise en œuvre de l’e-gouvernement par le biais d’une approche attentive de séquençage et de priorisation, en se concentrant sur les applications qui peuvent produire rapidement et de façon visible des revenus et des services pour les citoyens et les entreprises. Une approche basée sur le séquençage de phases offre aussi suffisamment de temps pour l’apprentissage organisationnel (apprendre à restructurer les processus, à restructurer l’organisation et à gérer les facteurs humains concernés);

1. Pour des objectifs de généralisation, nous avons changé quelques termes utilisés par Hanna : ‘national strategy’ a été remplacé par ‘une stratégie saine et globale’, ‘ministère ou agence’ par ‘constituant gouvernemental’, et ‘national’ par ‘global’.

• La rationalisation de la planification financière et de la planification des ressources : Une stratégie rationnelle et globale fournit une orientation et un cadre pour la planification des ressources et des budgets pour l’e-gouvernement;

• L’intégration dans une stratégie nationale d’e-développement : L’e-gouvernement ne prospère que s’il s’inscrit dans le cadre d’une e-stratégie saine et globale de développement, capable de mettre en place les éléments essentiels à sa réussite.

• Les e-services gouvernementaux s’appuient sur : 1) la capacité humaine d’accéder à des infrastructures de TIC fiables et à un prix abordable; 2) la capacité des citoyens et des entreprises à interagir avec le gouvernement par le biais des canaux accessibles par le web, 3) la capacité à mettre en œuvre et soutenir des programmes d’e-gouvernement grâce à des professionnels des TI formés de façon adéquate et des gestionnaires et des dirigeants politiques conscients des enjeux des TI.

Soulignons que tous ces facteurs sont aussi applicables au niveau des institutions gouvernementales locales telles que les villes. En effet, l’administration de la ville a une relation (orientation, coordination, allocation du budget, orientations générales, centralisation/décentralisation) avec ses mandants (arrondissements, comtés, districts, etc.) qui est semblable à la relation entre l’administration centrale d’un pays avec les gouvernements de ses états ou de ses provinces, ou avec les différents ministères du pays. Par conséquent, les mêmes problèmes, enjeux et défis s’appliquent, mais à une échelle différente.

Le lecteur sera certainement intéressé par la liste des facteurs de risque les plus importants que Hanna (Hanna 2008) associe à l’approche top-down. Ces facteurs incluent :

• Les problèmes politiques : Un leadership fort et un engagement politique sont nécessaires à la réussite de l’e-gouvernement. Alors que des changements politiques fondamentaux surviennent, les objectifs de l’e-gouvernement peuvent être subordonnés (et déviés) par des agendas politiques qui cherchent généralement des gains rapides plutôt que des efforts soutenus à long terme;

• Le manque d’espace pour l’initiative locale : des règles rigides et des plans hiérarchisés pourraient contraindre les initiatives locales et l’innovation. L’orientation stratégique est essentielle pour guider les initiatives locales vers l’interopérabilité et une architecture à l’échelle de l’entreprise. Mais trop de contrôle est cause d’inhibition et peut empêcher l’adoption par les gestionnaires intermédiaires, conduisant à la résistance au changement et à une mauvaise utilisation des nouveaux procédés et systèmes;

• Le séquençage irréaliste : De nombreux gouvernements ont manqué de réalisme dans la création de leurs stratégies et leurs plans d’investissement, sans analyser soigneusement « l’e-readiness de leurs constituants » (la disponibilité des capacités nécessaires du personnel, de l’infrastructure et du contenu). Les programmes d’e-gouvernement peuvent échouer quand ils imposent un rythme de mise en œuvre non réaliste et non minutieusement coordonné avec le développement des capacités, la gestion du changement et la mise en place de l’infrastructure requise;

• Un programme orienté vers la prestation : une stratégie top-down court également le risque de promouvoir un programme d’e-gouvernement orienté vers la prestation (‘supply-driven’) sans évaluer si les citoyens sont prêts à interagir avec le gouvernement en ligne, et si le personnel du gouvernement est prêt à adopter et utiliser des solutions basées sur les TIC et de nouvelles façons de s’acquitter de leurs tâches.

Ainsi, une approche centralisée doit être gérée avec soin et en tenant compte du contexte. La question de l’e-readiness des citoyens et du personnel du gouvernement est essentielle. Par exemple, au cours des 15 dernières années, le gouvernement central du Maroc a tenté de lancer, sans succès définitif, plusieurs projets visant à automatiser la prestation de services des municipalités marocaines. Nous pensons que l’excès de centralisation, les solutions logicielles imposées et le manque de sensibilisation et d’implication des intervenants locaux peuvent expliquer ces tentatives infructueuses, au moins partiellement. En effet, nous avons observé que des risques similaires sont rencontrés au niveau de la gouvernance locale et qu’ils présentent autant de défis qu’au niveau national. Un aspect important à prendre en considération concerne les contextes politiques, organisationnels et culturels des institutions et l’engagement des décideurs locaux, des gestionnaires et des employés dans le « processus de transformation » résultant de l’adoption et du déploiement des TIC.

Une approche bottom-up (décentralisée) favorise l’esprit d’entreprise et permet aux organismes (et constituants) de lancer leurs propres programmes. Hanna (Hanna 2008) indique qu’une implémentation plus facile et des résultats plus immédiats sont les principaux avantages de cette approche. Moins d’acteurs sont impliqués. Les changements institutionnels et procéduraux n’affectent que les constituants du gouvernement. Le succès de petits projets ciblés donne de l’élan et de l’enthousiasme au sein du gouvernement, motivent les autres agences/départements et les invitent/incitent à faire de même. La sensibilisation augmente et des leçons sont apprises au fur et à mesure que l’on développe/réussit des petits projets. Le zèle entrepreneurial est enclenché, des champions se manifestent et des coalitions sont formées (Hanna 2008).

Notre expérience pratique avec le projet eFez a montré que l’approche bottom-up fonctionne bien dans les phases initiales d’un projet ICT4D/e-gouvernement parce que c’est une bonne façon de capitaliser sur les forces existantes qui sont favorables à la transformation créée par la mise en œuvre de ces systèmes. Cependant, une fois que le niveau d’intérêt dans la mise en œuvre du système ICT4D/e-gouvernement est établi et que le processus de transformation est en cours, nous recommandons aux institutions d’adopter une combinaison entre l’approche top-down pour la coordination, la supervision et la direction générale du projet, et l’approche bottom-up afin de capitaliser sur les initiatives et les ressources locales, de stimuler l’intérêt et d’adapter l’approche aux contraintes locales.

Selon (Hanna 2008), l’approche bottom-up comporte aussi des risques inhérents à l’absence de direction centrale et de supervision :

Une diffusion lente : une stratégie décentralisée a souvent conduit à des succès visibles mais isolés, parce que les innovations n’ont pas été diffusées et reproduites de façon suffisamment large pour avoir un impact substantiel;

Un passage à l’échelle limité. Sans une vision et une direction centrale, il y a un risque que les constituants gouvernementaux puissent investir dans des bases de données, une infrastructure et des systèmes dupliqués. Le passage à l’échelle est alors limité par des petits progrès isolés et par le manque de capacité d’intégration;

La mauvaise gestion des ressources et du personnel. Une stratégie décentralisée peut conduire à des ressources dépensées dans des investissements redondants ou sous-optimaux, plutôt que dans ceux qui sont les plus stratégiques et prometteurs;

Problèmes d’interopérabilité et intégration coûteuse. Des solutions locales créées sans se préoccuper de développer des architectures technologiques et informationnelles largement applicables à l’échelle du gouvernement, peut conduire à divers problèmes d’interopérabilité, au partage limité de l’information et des données, et requérir plus tard des efforts d’intégration coûteux;

Une mauvaise maintenance et une faible durabilité. Les succès rapides et visibles peuvent être de courte durée et peuvent avoir été obtenus au détriment de solutions qui répondent à des problèmes systémiques plus larges. Les champions locaux peuvent initier de nouveaux sites web et des systèmes pilotes, mais ne parviennent pas à les maintenir et à les soutenir car ces fonctions nécessitent souvent une infrastructure de soutien centrale et un partage des ressources. Le manque de budget, de gestionnaires de projet et de professionnels expérimentés dans le domaine des TI, le manque de planification des ressources au niveau global laissent les intervenants locaux avec des manques de connaissances qui entravent leur capacité à soutenir des solutions de façon durable.

Le manque d’objectifs et de mesures. Le manque d’un suivi et d’une évaluation globale conduit à des problèmes dans l’évaluation des impacts et des progrès du développement vers la prestation intégrée de services axés sur le client.

L’expérience que nous avons acquise à travers le développement et le déploiement pratiques de systèmes ICT4D/e-gouvernement au niveau gouvernemental local (au niveau de villes et de municipalités) montre que la plupart des questions soulevées par Hanna au niveau national sont aussi pertinentes au niveau local, et que de nombreuses similitudes peuvent être observées lorsqu’on tente d’appliquer les approches top-down ou bottom-up.

Nous avons également observé que les facteurs clés de succès et les risques majeurs sont parallèles. Notre hypothèse est que la création et le déploiement des systèmes ICT4D/e-gouvernement est une sorte de « processus de type fractal » qui fait face aux mêmes problèmes stratégiques, humains, culturels, organisationnels, de renforcement des capacités, de financement et de mise en œuvre technique, indépendamment de l’échelle (ou l’étendue) de l’institution (ou d’un ensemble d’institutions) s’engageant dans le processus de transformation qui est inévitablement déclenché par l’adoption et l’utilisation d’une approche ICT4D/e-gouvernement.

III. DES ENJEUX IMPORTANTS DANS LA GESTION DES PROJETS D’ICT4D/E-GOUVERNEMENT

Les stratégies nationales pour le développement de projets ICT4D/e-gouvernement qui ont été appliquées dans plusieurs pays au cours des quinze dernières années ont de nombreux éléments en commun. Ceci est illustré dans une compilation des stratégies nationales d’e-gouvernement présentée dans un rapport de référence : « The E-Gouvernement Primer » (InfoDev 2009). Ces éléments sont présentés dans le tableau 5.1 :

Tableau 5.1 : Eléments communs aux niveaux nationaux et sousnationaux des stratégies d’e-gouvernement

Composition des Stratégies de Haut Niveau

La DESTINATION

La vision

Le POURQUOI

La mission et la raison

Le QUOI

Une société en réseau

 

La prestation de services publiques – Amélioration de l’accès et des services

 

La participation, l’engagement, et l’inclusion du citoyen

COMMENT

L’infrastructure et les capacités technologiques

 

La contribution au développement social et économique,

 

La compétition

 

Le développement des capacités, ex : Les modules de

 

l’e-gouvernement

QUI

Les rôles de leadership de l’e-gouvernement/CIO, les structures, responsabilités et actifs du e-gouvernement en entier.

 

La formation et le développement des politiciens, des décideurs du secteur public, des employés de base, et des professionnels en TIC/e-gouvernement

 

L’information, l’intelligence, et la gestion des connaissances

 

Un environnement favorable - législation, un modèle d’affaires, l’architecture, les politiques, la sécurité, les contrôles

 

Les structures gouvernementales et les développements organisationnels, ex. les services partagés, les centres d’excellence

QUAND

La priorisation, les principes, les méthodes et le financement

 

Le plan d’implémentation

 

Le calendrier d’évaluation et de fourniture de rapports

 

Des structures de coordination et de collaboration, les relations et la responsabilisation

Source : (InfoDev 2009).

Un certain nombre de questions importantes ont été soulignées par différents auteurs et par des organisations en ce qui a trait à la gestion de projets et de stratégies ICT4D/e-gouvernement au niveau national. Nous présentons, dans les sections qui suivent, les questions que nous jugeons les plus significatives au niveau de la gouvernance locale.

Fournir un leadership, établir un partenariat

Hanna (Hanna 2010b) indique que l’utilisation des TIC dans la transformation du gouvernement est intrinsèquement une fonction du leadership politique et de gestion. Il faut un leadership des cadres supérieurs et des législateurs pour conduire le changement, l’innovation et l’intégration. Pour soutenir le changement organisationnel, les dirigeants doivent promouvoir une culture de gestion axée sur l’innovation et la prestation de services orientée vers le client. Pour surmonter les problèmes des silos organisationnels, il est souvent nécessaire d’ancrer l’esprit de propriété dans une équipe dirigeante dynamique et proactive constituée de gestionnaires de haut niveau. Une stratégie d’e-gouvernement transformatrice nécessite une vision à long terme et une réforme institutionnelle continue et largement partagée (Hanna 2010b).

Hanna note aussi que la clé de l’efficacité de tout partenariat public-privé est de capitaliser sur les forces de chaque partenaire. Le rôle du gouvernement est celui d’un chef de file, d’un catalyseur, et de façon plus importante, celui d’un expert du domaine qui connaît bien ses activités. Seul le gouvernement peut :

• résoudre les problèmes juridiques et de procédure liés à la mise en œuvre des projets;

• réunir les concurrents pour discuter des moyens possibles pour assurer la compétition pour le bien public;

• décider des conditions de la concurrence et les réglementer le cas échéant par l’établissement de normes; et,

• fournir une infrastructure publique pour un environnement d’e-gouvernement.

Le secteur privé peut fournir des investissements, la technologie de pointe, une expertise dans la prestation et l’exécution, la connaissance globale et les meilleures pratiques. Hanna conclut que la recette du succès se trouve dans la mise en œuvre d’une approche qui fait ressortir les meilleurs éléments de chaque partenaire et permet de les associer dans une stratégie bien pensée (Hanna 2008).

Ces problèmes cruciaux de leadership et de partenariat s’appliquent également à l’échelon local de la gouvernance dans les PED/PMD.

La formation et le renforcement des capacités locales

Le renforcement des capacités est un facteur essentiel de succès pour l’adoption, le développement et le déploiement des systèmes ICT4D/e-gouvernement. Hanna (Hanna 2008) a décrit un programme de formation aux TIC multi-niveau pour l’e-gouvernement. Il a souligné que, étant un nouveau mode de prestation des services et de communication, l’e-gouvernement exige de nouvelles compétences et une autre culture dotée d’un rythme plus rapide. Ainsi, les fonctionnaires ont besoin d’être formés pour gérer des administrations s’appuyant sur les médias électroniques et les réseaux. Les employés doivent être dotés de nouvelles aptitudes, compétences et capacités pour assumer de nouveaux rôles, et pour créer, utiliser et fournir de nouveaux e-services. Ces compétences comprennent la négociation et la gestion de contrats, la gestion de projet, la gestion des relations, la sécurité des systèmes, la capacité à partager les meilleures pratiques, l’audit électronique, la formation professionnelle en informatique et l’utilisation d’Internet. Un système de récompense et de reconnaissance est nécessaire pour instaurer une culture qui favorise une force de travail capable et formée numériquement (‘e-savy and e-enabled’) ».

De notre côté, nous avons aussi observé que le renforcement des capacités et la formation sont les défis les plus importants des projets ICT4D/e-gouvernement pour les institutions gouvernementales locales du Maroc, et plus généralement dans les PED/PMD.

Lignes directrices pour la conception et la mise en œuvre de projets d’e-gouvernement

Le document e-Government Primer (InfoDev 2009) fournit des lignes directrices pour la conception et la mise en œuvre de projets d’e-gouvernement. Une fois que l’ensemble de la stratégie d’e-gouvernement et du plan d’ensemble (‘master plan’) sont en place, une série d’initiatives fondamentales doivent être identifiées, financées, conçues et mises en œuvre. Cela peut être concrétisé sous la forme d’un Plan d’action national (ou ‘roadmap’). Des ressources qualifiées, une variété de personnes formées dans diverses disciplines de gestion, l’engagement des parties prenantes et la formation des utilisateurs sont les principaux facteurs critiques de succès. Les principales questions examinées dans ces lignes directrices sont les suivantes :

• Gouvernance du projet;

• Responsabilité de gestion;

• Conception et réingénierie à faire en priorité;

• Gestion du changement;

• Formation et développement du gouvernement - Les dirigeants et les fonctionnaires;

• Sensibilisation, promotion, et éducation des clients.

Ces questions sont abordées dans le reste de cette section.

Gouvernance du projet

Il est souvent souligné que la gouvernance et la gestion de projets d’ICT4D/e-gouvernement menés dans différents organismes d’un pays donné doivent être compatibles (et éventuellement complémentaires) avec une stratégie et un plan d’action de niveau national. Un certain nombre de pays ont adopté des normes internationales en matière de gestion de projet et de gestion de programmes pour assurer une cohérence de l’approche qui offre une plus grande probabilité de succès. Un exemple est le modèle PRINCE 2 Process Model (PRINCE2 2009). L’établissement et le recrutement de l’équipe de projet est également une étape fondamentale. Selon la taille et la nature du projet, le gestionnaire de projet doit pouvoir compter sur une équipe expérimentée composée de personnes ayant des compétences dans l’élaboration des politiques, l’analyse d’affaires, la réingénierie des processus, l’architecture, l’informatique (divers domaines), les communications et le marketing, la gestion des intervenants, la formation, les finances et le contrôle budgétaire, l’administration et l’établissement de rapports. Maîtriser une approche structurée pour remanier les processus d’affaires et pour concevoir et développer des systèmes logiciels est également un facteur critique de succès pour les projets d’ICT4D/e-gouvernement. La méthodologie qui sera sélectionnée pour chaque projet d’e-gouvernement peut varier en fonction de toute une variété de facteurs : la catégorie du projet (relié par exemple aux services ou à l’infrastructure), le nombre d’agences concernées, la complexité des politiques et des processus, et le niveau de la technologie qui est nécessaire. La gamme des méthodes potentielles de développement comprend par exemple (Dybå 2008) (Petersen et Wholin 2009) :

• La méthode en cascade qui est une approche de développement séquentielle traditionnelle qui réalise et complète une phase à la fois avant de passer à la suivante;

• La méthode en spirale qui combine des éléments de conception et de prototypage. Elle s’appuie à la fois sur des approches top-down et bottom-up;

• La méthode agile qui encourage la planification adaptative et évolutive de développement sur une base itérative grâce à la collaboration des équipes inter-fonctionnelles, et

• La méthode itérative qui est une méthode de développement incrémental qui suit un processus de planification, de réalisation et de vérification, pour intervenir ensuite de façon appropriée à chaque étape d’un projet; c’est un cycle d’amélioration qui permet l’adaptation et le retour en arrière.

En outre, les disciplines liées à la gestion telles que celles associées à la gestion des risques et des enjeux, la gestion de la qualité, la délégation (‘out-sourcing’) et le recours à des tiers (‘procurement’), la gestion financière, la gestion des intervenants et la gestion du changement, renforcent la mise en œuvre et le processus d’intégration d’un projet d’e-gouvernement. Des normes internationales peuvent être adoptées plutôt que de concevoir un système à partir de zéro, même si les institutions dans les PED/PMD doivent déployer beaucoup d’efforts pour apprendre et appliquer les disciplines ou les processus choisis. De nombreuses ressources et de nombreux livres sont disponibles qui proposent des méthodes et des conseils pour la gestion du changement. Voir par exemple les livres classiques écrits par Kotter et Cohen (Kotter 1996, Kotter et Cohen, 2002, Cohen 2005).

L’objectif des deux prochains chapitres de ce livre est de proposer une telle approche structurée qui peut être utilisée efficacement, et être adaptée aux projets d’ICT4D/e-gouvernement.

Gestion des responsabilités

L’expérience a montré que la concentration des responsabilités dans une seule unité organisationnelle d’e-gouvernement ne renforcera pas l’appropriation et n’augmentera pas la compréhension ou la capacité de l’institution. De nombreux pays sont aujourd’hui engagés dans un modèle décentralisé de réalisation des projets, au sein d’un “environnement contrôlé” qui a été défini au niveau central et largement adopté. Tout ceci grâce au recours à des principes de conception basés sur la réingénierie des processus, la passation de marchés au niveau gouvernemental (‘whole-of-government procurement’), le respect des principes d’architecture d’entreprise et des normes technologiques, et la mise en place d’un mécanisme de rapportage régulier sur les performances et les progrès. Tenir compte de ces éléments pourrait être utile lorsqu’il s’agit de gérer des projets d’ICT4D/e-gouvernement à un niveau de gouvernance local.

Conception et réingénierie à faire en priorité

La mise en œuvre effective de l’e-gouvernement nécessite souvent la simplification des exigences réglementaires, la rationalisation des processus et l’intégration entre agences concernées. Les coûts peuvent varier considérablement et mettre en lumière d’autres inefficacités (ou déficiences) institutionnelles qui vont avoir une incidence supplémentaire sur les coûts du projet dans son ensemble. Une bonne règle heuristique indique que seulement 30% des coûts globaux devraient être reliés à la technologie et que le reste devrait être alloué aux processus non technologiques tels que le développement des compétences des personnes et la mise en œuvre des changements organisationnels. Investir des ressources et du temps dans l’implication des acteurs et des parties prenantes, ainsi que dans la phase de conception du projet est un moyen d’offrir une plus grande probabilité de réussite du projet.

Le processus de conception des projets d’e-gouvernement, tout comme le processus d’élaboration d’une stratégie globale, ne commence certainement pas par la technologie. Il commence en définissant les besoins des utilisateurs visés et en identifiant les objectifs finaux de l’institution. Par conséquent, les dirigeants gouvernementaux responsables des projets d’e-gouvernement devraient d’abord examiner les objectifs et les retombées politiques requises par les fonctions ou opérations pour lesquelles ils veulent utiliser les TIC. En considérant les processus dans leur totalité, ils peuvent identifier les domaines où une réforme est nécessaire et faisable. Ceci est connu comme étant la réingénierie des processus d’affaires. L’idée est de créer une synergie entre les processus, les politiques et les applications des TIC. Une tendance qui se dessine dans l’e-gouvernement est d’adopter une approche holistique dans tous les domaines de l’administration publique (par exemple la perception des impôts), y compris l’harmonisation du rapportage (‘reporting’) entre les organismes gouvernementaux et la mise en place d’un processus administratif bien pensé.

La gestion du changement

Hanna (Hanna 2008) souligne que l’e-gouvernement nécessite qu’une orientation stratégique soit donnée par les leaders politiques ainsi qu’un partenariat actif soit mis en place avec le secteur privé et la société civile. Le gouvernement doit agir comme un catalyseur, réunissant les différents acteurs clés afin de créer l’infrastructure de l’information et fournir aux citoyens des services fondés sur les TIC. Parce que l’e-gouvernement consiste à transformer des façons de faire bien établies, il ne peut atteindre la maturité que si une attention sérieuse est donnée à la gestion du changement et à de nouvelles façons d’interagir avec ses clients et partenaires. Les décideurs et les gestionnaires de projet doivent garder à l’esprit que la gestion du changement est un processus continu et qu’il est sage de s’occuper effectivement de la transition dès le début du projet, puisqu’elle sera applicable tout au long des phases de développement, de mise en œuvre et de déploiement du projet ICT4D/e-gouvernement. La réticence ou l’incapacité à gérer le changement de manière appropriée est souvent une des principales raisons de l’échec des projets basés sur les technologies ou l’e-gouvernement. La discipline de gestion du changement vise à identifier et traiter les facteurs reliés au leadership, aux ressources humaines et aux caractéristiques organisationnelles qui peuvent accompagner la transformation et éventuellement constituer des obstacles. Parce que la planification et la mise en œuvre de l’e-gouvernement impliquent une série de réformes complexes, les commanditaires, les planificateurs et les réalisateurs du projet peuvent tirer parti de l’intégration de processus formels de gestion du changement dans le cycle de gestion du projet.

Une attention insuffisante donnée aux personnes dans un projet d’e-gouvernement peut avoir des conséquences inattendues en relation avec le personnel, y compris la perte de productivité, un moral bas, un taux de roulement élevé, une hausse des coûts, l’augmentation de l’absentéisme, et de faibles taux d’adoption par les clients. Dans certains cas, les fonctionnaires et les acteurs clés peuvent se sentir menacés par l’e-gouvernement, soit parce qu’ils craignent la transparence et la perte de pouvoir individuel qui peut accompagner l’introduction de nouveaux procédés et de la technologie, soit parce qu’ils craignent d’être remplacés par des ordinateurs ou des prestataires de services privés. Les hauts fonctionnaires responsables doivent comprendre et répondre à leurs préoccupations, offrir des possibilités d’éducation et de formation, et peut-être créer des incitatifs et des récompenses pour des changements de comportement positifs.

Formation et perfectionnement des dirigeants gouvernementaux et des décideurs

Les dirigeants, les gestionnaires et le personnel impliqués dans le réseau des organisations et des organismes gouvernementaux nationaux dans des projets d’e-gouvernement sont affectés par de nombreux changements dans leur routine quotidienne. Briser la « fracture numérique interne » prend beaucoup de temps, ainsi que des programmes complets et intégrés pour éduquer et encourager un changement de culture grâce à des objectifs de performance et d’intégration d’actions de sensibilisation aux TIC. Les hauts décideurs et responsables politiques seraient plus enclins à soutenir les initiatives d’e-gouvernement et à les conduire efficacement s’ils avaient une compréhension de base des TIC et de leur rôle dans le développement économique et humain, ainsi que des éléments constitutifs essentiels d’une politique basée sur les TIC. Ils devraient également être au courant de certaines questions stratégiques telles que le rôle de la collaboration inter-organisations, de la sollicitation des bailleurs de fonds, des partenariats public-privé et du processus de réforme. Par conséquent, l’élaboration de cours de formation et de développement pour les politiciens, les cadres et le personnel sont essentiels.

L’éducation et des programmes de formation ciblés sont cruciaux pour l’acceptation et l’adoption de nouvelles technologies utilisées pour l’e-gouvernement, pour adopter de nouvelles façons de travailler et d’utiliser les nouveaux outils et systèmes. C’est aussi crucial pour impliquer les personnes oeuvrant à chaque niveau de décision ou d’opération.

La sensibilisation, la promotion et l’éducation

Une dimension importante de la mise en œuvre de l’e-gouvernement consiste à préparer les « clients » (citoyens et entreprises) au déploiement des services électroniques. Afin de profiter des avantages de l’e-gouvernement, les citoyens, y compris les propriétaires de petites entreprises, doivent avoir accès à Internet ou à un téléphone mobile, et savoir les utiliser.

Les campagnes de publicité et de communication et les efforts éducatifs au bénéfice des utilisateurs finaux peuvent les sensibiliser à de nouveaux e-services avant qu’ils soient déployés. De tels programmes peuvent informer les citoyens des avantages pratiques de l’e-gouvernement et les encourager à en profiter dans leur vie quotidienne. L’implication des clients ou des utilisateurs au cours des processus de conception et de mise en œuvre peut améliorer le contenu des programmes de communication et de marketing.

En conclusion de cette section, soulignons que les différentes sources citées s’entendent sur un ensemble de points essentiels qui doivent être adressés pour réussir les projets ICT4D/e-gouvernement au niveau national. Les principes que nous allons adopter pour la création d’un plan de développement de projets ICT4D/e-gouvernement (‘roadmap’) au niveau de la gouvernance locale (niveau de la ville) adressent un ensemble similaire de questions pertinentes pour les PED/PMD.

IV. LES PROJETS D’ICT4D/E-GOUVERNEMENT SONT DES PROCESSUS DE TRANSFORMATION

Notons que dans un grand nombre de PED/PMD, la plupart des institutions2 gouvernementales locales opèrent manuellement dans un contexte archaïque (sans utiliser les TIC, ou avec des équipements et des logiciels désuets). Considérons en termes simples les principales caractéristiques situationnelles qui sont habituellement rencontrées dans ces institutions gouvernementales locales, principalement au niveau des villes. Nous insistons sur ces caractéristiques parce qu’elles reflètent certains des principaux problèmes que les décideurs espèrent résoudre par l’adoption des approches basées sur les TIC ou l’e-gouvernement. Nous allons également discuter de certaines questions importantes qui devraient être considérées par les décideurs dans l’évaluation de la situation de leurs institutions et de la possibilité de lancer un projet ICT4D/e-gouvernement. C’est le contexte dans lequel nous caractériserons, en termes simples, le processus de transformation qui résulte de l’introduction de projets ICT4D/e-gouvernement dans ces institutions.

Considérons d’abord une situation opérationnelle typique où les institutions utilisent des procédures manuelles basées sur des systèmes archaïques d’enregistrement et de stockage des données (telles que les manuscrits, les registres et les dossiers). Les employés et les cadres intermédiaires ne sont pas familiarisés avec l’utilisation d’ordinateurs (ce qu’on décrit comme « l’analphabétisme informatique ») et la prestation de services aux clients (c.-à-d. les citoyens) est effectuée manuellement. Les procédures opérationnelles de l’institution sont informelles et nécessitent que les cadres intermédiaires surveillent directement et de façon continue les employés afin de s’assurer que le travail est effectué d’une manière appropriée et en temps opportun. Les cadres de haut niveau et leurs supérieurs (c.-à-d. les politiciens) utilisent rarement les ordinateurs et appliquent des principes informels de gouvernance (c.-à-d., ce qu’ils ‘sentent’ être approprié dans leur contexte de gestion). Ces institutions n’utilisent pas de TIC et/ou ont eu une mauvaise expérience avec les TIC imposées par des institutions externes (comme des ministères de tutelle). Aussi les TIC ont souvent été rejetées par le passé.

2. Noter que dans la suite de ce chapitre nous employons ‘institution’ comme un terme générique pour référer à n’importe quel organisme gouvernemental. Nous préférons utiliser le terme ‘organisation’ pour référer à la partie organisationnelle de l’institution.

Dans les sous-sections suivantes, nous abordons un certain nombre de questions que se posent fréquemment les décideurs lors de l’examen du lancement éventuel de projets ICT4D/e-gouvernement.

La question fondamentale : doit-on vraiment utiliser les TIC?

C’est une des principales préoccupations des décideurs de haut niveau et des gestionnaires de ces institutions. Il a été pratiquement démontré dans un grand nombre de cas que les TIC peuvent grandement améliorer les opérations et la gouvernance des institutions opérant manuellement. Mais il a également été observé que les tentatives visant à introduire les TIC dans leur environnement échouent souvent si on n’accompagne pas de façon appropriée les divers acteurs concernés en vue de l’adoption des TIC.

Nous suggérons ici que la plupart de ces échecs peuvent être expliqués par le fait que l’introduction des TIC dans de telles institutions déclenche une transformation profonde qui peut échouer si elle n’est pas correctement gérée. La première étape pour gérer et contrôler correctement ce processus est de faire en sorte que tous les acteurs clés soient conscients de la profonde transformation qui aura lieu et de solliciter leur soutien global à cette transformation en les accompagnant à travers des actions et changements d’attitude appropriés, et cela en temps opportun.

Qui sont les acteurs clés de ces institutions?

Notre expérience a montré qu’il est essentiel d’obtenir de la part des acteurs clés une adhésion et un engagement complet en ce qui a trait à l’importance de la transformation résultant de l’introduction des TIC dans leur institution. Voici les principales catégories des personnes concernées :

• Les cadres supérieurs (‘top managers’) et leurs supérieurs (les politiciens) de l’institution considérée (par la suite appelée « l’institution-cible »);

• Les cadres intermédiaires (‘middle managers’) et des employés qualifiés et motivés;

• Les gestionnaires d’autres institutions qui supportent la transformation de l’institution-cible financièrement et politiquement; et

• Les institutions extérieures, comme les universités et les entreprises, qui ont les compétences et des connaissances pour soutenir, aider et informer l’institution-cible au cours de son processus de transformation.

Comment les cadres supérieurs considèrent-ils généralement l’introduction des TIC?

Les cadres supérieurs considèrent souvent les TIC comme tout autre bien tel que le mobilier et l’équipement. Leur supposition (souvent inconsciente) est qu’une fois que les produits des TIC sont achetés et installés, les employés vont les utiliser naturellement et sans effort. Ils prennent pour acquis que tout sera fait correctement (livraison, installation, utilisation), ce qui est souvent le cas. Aussi, par la suite, ils négligent de faire le suivi de l’utilisation des TIC par les employés. Ils ne sont pas au courant que les TIC sont des technologies complexes qui doivent être adaptées aux besoins et à la culture de l’institution et qu’elles doivent être installées, personnalisées et exploitées par un personnel correctement formé.

Pourquoi un tel point de vue est-il voué à l’échec?

Nous pensons que l’explication est simple, mais rarement comprise par les gestionnaires des PED/PMD :

• Les ordinateurs et les logiciels sont des systèmes complexes qui requièrent que les utilisateurs soient correctement sensibilisés et formés, qu’ils soient capables de s’adapter à la technologie et aux méthodes associées et changer leurs habitudes et leurs pratiques de travail en conséquence;

• L’introduction des TIC entraîne des changements profonds dans l’institution, aux niveaux individuels et organisationnels, ainsi que sur les plans financiers et budgétaires. Ce changement doit être géré explicitement et avec soin;

• Des actions appropriées doivent être entreprises par tous les acteurs impliqués dans l’institution d’une manière adéquate et en temps opportun; et

• L’introduction des TIC et des pratiques connexes devraient être considérée comme un projet complexe (ou une série de projets) en soi, et gérée comme telle.

Nous pensons que c’est parce que ces éléments sont mal compris et qu’ils ne sont pas pris suffisamment au sérieux qu’on constate les nombreux échecs rapportés dans la littérature et vécus par un grand nombre d’institutions, en particulier dans les PED/PMD.

Gérer le changement

Hanna (Hanna 2008) mentionne que la mise en œuvre d’une stratégie d’e-gouvernement au niveau national est similaire à l’introduction d’une technologie perturbatrice dans un système extrêmement traditionnel. Il souligne qu’elle transforme complètement le modèle traditionnel de gouvernement qui est centré sur l’organisme qui assure le service – avec des niveaux de service, une planification, des mécanismes de paiement et des procédures construites autour de cet organisme (ou ministère).

De son côté et de façon contrastée, l’e-gouvernement fait du citoyen le centre de toute activité – les services gouvernementaux doivent être disponibles à n’importe quel moment où le citoyen y fait appel, partout où le citoyen veut les recevoir, et grâce à n’importe quel moyen que le citoyen veut utiliser.

Hanna souligne également que le plus grand défi dans la mise en œuvre de ce nouveau modèle est de gagner l’adoption organisationnelle et de faire face efficacement aux problèmes liés à la gestion du changement. « Ce seul facteur sépare presque toujours les réussites des échecs dans la mise en œuvre de l’e-gouvernement. Donc, au-delà de l’assurance d’une intention politique claire, il faut aussi effectuer une évaluation sérieuse des mécanismes politiques et administratifs afin de s’assurer qu’ils ont la profondeur et la maturité suffisantes pour gérer le changement que tout processus de mise en œuvre de l’e-gouvernement va créer. Le système [institutionnel] doit également avoir la capacité de faire face à des choix et des compromis difficiles qu’il rencontrera, comme la réingénierie fondamentale des processus d’affaires, les changements de compétences et le redéploiement du personnel. En outre, les politiciens et les gestionnaires de la fonction publique ont besoin de comprendre et d’accepter tous les compromis [nécessaires] avant de se lancer dans l’aventure du gouvernement en ligne. Trouver les bonnes personnes pour conduire le changement dans la fonction publique est un autre grand défi. La gestion du changement est essentielle pour surmonter la résistance et éviter la duplication des canaux de distribution ».

Nous sommes entièrement d’accord avec Hanna sur le fait que la gestion du changement est un aspect très critique de la mise en œuvre des projets ICT4D/e-gouvernement, en particulier dans les PED/PMD, mais nous suggérons de faire un pas de plus pour définir précisément les termes de « gestion du changement » et « transformation ».

Gestion du changement

La « gestion du changement » est un terme souvent utilisé dans la littérature pour caractériser le processus qui permet aux gestionnaires de surveiller et de contrôler éventuellement les changements qui se produisent dans leurs institutions. Dans ce livre, nous définissons le changement comme « ce qui se passe dans l’institution et qui déclenche les transformations qui se produisent en son sein ». Nous soulignons que le changement se produit, qu’il soit géré (contrôlé) ou non !

Dans les institutions et les sociétés non structurées, le changement se produit souvent de manière inattendue. Ainsi, dans cette perspective la gestion du changement est un processus habituellement réactif : les gestionnaires essaient de faciliter ou contrôler le changement au meilleur de leurs connaissances, compréhension et capacités. Cependant, comme nous le verrons dans la prochaine section, la gestion du changement peut être proactive si les gestionnaires sont en mesure de maîtriser les forces qui sont impliquées dans l’élan de changement qui entraîne la transformation de leur institution. Nous appelons cela « la gestion de la transformation ». En adoptant une telle vue, nous affirmons qu’il est important de comprendre que les projets ICT4D/e-gouvernement sont des processus de transformation. Ainsi, nous avons besoin de recourir à une approche systématique basée sur des principes rigoureux pour gérer ces projets et pour favoriser la conversion réussie (c.-à-d. la transformation) des institutions dans lesquelles ils sont mis en œuvre.

Afin d’expliquer le processus de transformation lié à l’introduction des TIC et des nouvelles procédures d’affaires, nous allons présenter dans les prochaines sections une vision simple et articulée du processus de transformation mentionné ci-dessus.

V. UN POINT DE VUE BIOLOGIQUE DU PROCESSUS DE TRANSFORMATION

Nous définissons la transformation comme un processus évolutif qui permet à une institution, ou à des individus, de modifier progressivement leur état interne et leurs interactions, aussi bien internes qu’externes, pour atteindre un nouvel état d’équilibre, tant interne qu’externe. Dans cette perspective, un processus de transformation bien géré permet à une institution, ou à une personne, d’absorber et d’intégrer sans efforts et harmonieusement les changements qui se produisent à la fois à l’intérieur et autour d’elle, en réponse aux changements qui se produisent dans l’environnement de l’institution. Afin d’expliquer pourquoi la gestion des processus de transformation est essentielle à la réussite des projets ICT4D/e-gouvernement, nous adoptons une vision biologique3 des institutions, et de leurs caractéristiques sociales et organisationnelles, ainsi que des transformations qu’elles subissent. Ainsi, nous considérons une institution comme étant un organisme vivant.

Une institution, comme les êtres vivants, essaie de « survivre » dans son environnement. Il y a des forces internes structurelles qui lui donnent sa cohérence, comme une entité opérationnelle qui réagit et interagit avec son environnement. L’environnement produit des forces extérieures d’interaction qui influencent l’institution. Une institution peut être considérée comme un système complexe composé de parties qui interagissent et qui peuvent être également considérées comme des sous-systèmes qui, à leur tour, sont également composés de parties en interaction. La structure de l’institution (« l’organisation de l’institution »), résulte des relations établies par ses composantes et des échanges qui ont lieu entre elles lorsque l’institution se comporte comme un tout.

3. Notre vision s’inspire de la Théorie du champ de force de Kim Lewin (Theory of Force Field Analysis - 1951) qui a postulé que les systèmes sociaux cherchent continuellement l’équilibre entre des forces qui favorisent le changement et des forces qui s’opposent au changement. Il a aussi suggéré que le changement réussi s’appuie sur la capacité de l’institution à rompre cet équilibre en modifiant la dynamique de ces forces.

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L’institution interagit avec d’autres institutions, considérées comme ses partenaires, et avec des individus ou groupes de personnes, vus comme ses clients, qui sont situés dans son environnement. Ces interactions peuvent avoir lieu dans un cadre plus ou moins formel qui caractérise les types d’échanges qui peuvent avoir lieu entre l’institution et ses partenaires et clients. Le degré de formalisation de sa structure et des échanges internes et externes est lié au degré de maturité organisationnel de l’institution. L’institution étant vue comme un organisme vivant, il existe entre ses composantes des tensions qui sous-tendent leurs interactions (que nous appelons les forces internes et qu’on représente par des flèches rouges dans la figure ci-dessus); il y a aussi d’autres interactions (que nous appelons les forces externes et qu’on représente par des flèches bleues dans la figure) qui ont lieu entre l’institution et ses partenaires et clients.

Lorsque l’institution atteint son équilibre (elle est dite ‘en homéostasie’), les forces sont équilibrées à la fois de façons interne et externe. L’institution répond adéquatement aux besoins externes et à ses besoins internes, et aux tensions correspondantes. Cependant, les systèmes sociaux et vivants sont des systèmes dynamiques (une caractéristique de la vie !) et les transformations (changements) se produisent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’institution.

Habituellement, l’institution, considérée comme une entité vivante, tente de préserver sa structure interne ainsi que ses interactions avec son environnement et son « apparence extérieure » (que nous appelons « sa forme ») : Elle essaie de « rester en bonne forme » ! Ce mécanisme peut être considéré comme résultant d’un « principe d’inertie » qui tente de préserver un équilibre établi. Ceci est souvent appelé le statu quo dans les institutions.

Mais, les forces du changement ont tendance à « déformer » l’institution, en la poussant hors de son équilibre. Dans la figure suivante, la forme initiale elliptique régulière de l’institution devient cabossée comme résultat de l’antagonisme entre les forces internes et externes situées à la périphérie de l’institution.

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À un certain moment, les forces du changement (flèches en trait plein dans la figure) deviennent de plus en plus forte tandis que les forces de « structuration interne » et les forces « d’interactions externes » diminuent (flèches en pointillés). L’institution peut éventuellement atteindre un point où son équilibre est rompu.

Par exemple, les tensions entre les travailleurs et la haute direction de l’établissement (pour des raisons sociales ou liées au salaire) peuvent conduire à un point où les grèves sont déclenchées par les travailleurs, ce qui entraîne la perturbation des services. Au niveau national, ces dernières années ont été témoins, dans certains pays, d’insurrections publiques qui ont renversé des dirigeants apparemment bien établis et des gouvernements qui n’avaient pas suffisamment évalué les forces de changement (les attentes de la population) qui ont grandi dans ‘l’environnement’ de leurs structures gouvernementales.

Afin d’éviter d’atteindre de tels points de rupture, nous affirmons qu’une transformation consciente doit se faire dans l’institution, dans le sens où ses dirigeants doivent prendre conscience que la survie de l’institution est en danger, et qu’ils doivent agir en conséquence pour équilibrer les nouvelles forces qui s’appliquent, à la fois sur les plans interne et externe.

VI. VERS UNE APPROCHE RAISONNÉE ET SYSTÉMATIQUE POUR GÉRER LA TRANSFORMATION

Considérons trois scénarios alternatifs qui peuvent être observés dans une institution qui cherche à préserver son équilibre et peut choisir d’adopter des stratégies différentes.

Le premier scénario : Ce scénario que nous appelons « scénario emplâtre » (ou « scénario du statu quo ») est communément observé dans un grand nombre d’institutions, à la fois dans les pays développés et dans les PED/PMD. L’institution tente de mettre en place des forces (des mesures) qui essayent de contrarier et/ou de neutraliser localement les forces de changement. Cela peut fonctionner pendant une certaine période de temps, mais il y a un danger que ces mesures locales visant à préserver « la bonne forme » (ou « apparence ») de l’institution, ne fassent que masquer les signes des « forces de changement » à l’observateur externe (ou au « monde extérieur »). Néanmoins, les forces de changement continuent à croître habituellement en arrière-plan et elles pourraient ne pas devenir apparentes avant l’atteinte d’un point critique où la rupture se produit tout d’un coup dans l’institution. On trouve des exemples de ce scenario dans la plupart des institutions ainsi que dans la société.

Le deuxième scénario : Si le besoin de changement est fort, les forces de changement vont augmenter, augmentant la pression sur l’institution (et sur sa ‘forme’). Les « emplâtres » (les mesures locales visant à préserver l’ancien équilibre tel que discuté dans le premier scénario) ne seront plus en mesure de neutraliser la pression, et la forme de l’institution sera de plus en plus « déformée ». L’institution peut voir certaines de ses parties craquer jusqu’à ce qu’elle se démantèle (ou même explose). Si les gestionnaires de l’institution prennent conscience de l’urgence de la situation, ils seront certainement disposés à agir afin éviter l’effondrement, et passer au troisième scénario. Pas trop tard, espérons-le !

Le troisième scénario : Dans ce que nous appelons une institution consciente, une équipe de direction et de gestion « consciente et responsable » devient consciente des forces de changement et de la pression qu’elles exercent. Les gestionnaires prennent également conscience des dangers de ne pas agir (de maintenir le statu quo) et de ne pas essayer dès que possible d’atteindre un nouvel état d’équilibre. Grâce au leadership de cette équipe, l’institution consciente va concevoir et réaliser des modifications de son fonctionnement (souvent appelées « réformes »), et « refaçonner l’institution » afin qu’elle puisse absorber le changement, et donc ramener toutes les forces à l’équilibre. De cette façon, l’institution va gérer sa transformation aussi harmonieusement que possible.

Soulignons que la gestion de la transformation doit être comprise en termes d’un processus de transformation géré avec soin.

À partir de maintenant, nous ne considérerons que le troisième scénario et supposerons que l’équipe dirigeante de l’institution prend conscience de la nécessité et de l’urgence de faire face aux « forces de changement » et de gérer la transformation de manière prudente. Nous suggérons qu’une « façon prudente de gérer la transformation » dans une institution s’appuie sur les principes suivants :

• Commencer par un projet pilote et créer une structure dans une partie sélectionnée et limitée de l’institution où la transformation pourra être gérée dans des conditions favorables;

• Suivre et évaluer les résultats de la transformation ayant lieu dans cette partie de l’institution (appelée « incubateur ») au cours d’un projet pilote;

• Décider si le processus de transformation qui en résulte doit être adopté, abandonné ou modifié avant le passage à l’échelle (pour propager la transformation à l’institution dans son ensemble);

• Si les résultats de la transformation dans l’incubateur sont positifs, propager la transformation à l’institution toute entière selon une stratégie qui doit être adaptée à son contexte particulier (politique, managérial, organisationnel, social et financier). Décider comment le passage à l’échelle aura lieu (par exemple quel taux de transformation adopter, dans quelles parties de l’institution, quel échéancier, etc.);

• Surveiller et évaluer en permanence l’état d’avancement de la transformation pour procéder à toute adaptation nécessaire du processus de transformation de manière adéquate et en temps opportun;

• Être conscient de l’importance d’une bonne communication et des interactions soutenues avec toutes les parties prenantes, ainsi que d’une communication des résultats du projet d’une manière opportune et adéquate dans toute l’institution;

• Reconnaître officiellement la fin du processus de transformation lorsque les changements sont entièrement absorbés par l’institution (et par les personnes) et qu’ils n’apparaissent plus comme des changements.

Dans la section suivante, nous discuterons de certaines questions essentielles liées à cette approche méthodique de gestion de la transformation de l’institution.

VII. GÉRER UN PROJET PILOTE DE TRANSFORMATION

La façon prudente de gérer une transformation est de faire une expérimentation dans une partie de l’institution où “les conditions favorables” peuvent être maintenues. La partie sélectionnée de l’institution est considérée comme un refuge (« safe-haven »), qui peut être isolé des forces qui exercent une pression sur l’institution et dans lequel l’expérimentation peut être réalisée sans perturbations. Dans notre métaphore biologique, cela peut être vu comme une cellule isolée dont la « frontière abstraite » est composée des conditions favorables (voir la figure ci-dessous).

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Nous appelons cela « une cellule pilote » dans l’objectif de créer une solution qui soutiendra la transformation en tant que projet pilote. La cellule pilote peut être considérée comme un « banc d’essai » qui vise à aider l’institution à changer, tout en testant le processus de transformation. Dans la cellule pilote, l’institution sera en mesure de mener l’expérimentation appelée un « projet pilote de transformation ».

Discutons certaines des étapes importantes d’un projet pilote de transformation (PPT en abrégé) :

• Les hauts gestionnaires doivent d’abord décider de lancer le PPT;

• Les hauts gestionnaires doivent identifier des objectifs clairs pour le PPT et créer des conditions favorables pour son déroulement;

• Les hauts gestionnaires doivent créer la Cellule pilote et assigner des personnes à cette cellule (officiellement leur attribuer des responsabilités ainsi que des moyens et ressources adéquats), créant ainsi l’équipe pilote;

• Les hauts gestionnaires doivent annoncer officiellement le lancement du PPT et la création de l’équipe pilote, ses objectifs et ses conditions de fonctionnement;

• Les hauts gestionnaires doivent désigner un Champion et lui attribuer la responsabilité de gérer le PPT et l’équipe pilote.

• Le Champion du PPT gère le PPT, se rapporte aux décideurs et garantit que les conditions favorables sont préservées.

Considérons maintenant un certain nombre de questions qui sont essentielles pour bien gérer le PPT.

L’importance des Champions

Toute transformation est un processus créatif visant à l’élaboration d’une solution qui permettra à l’institution de vivre des changements d’une manière bien gérée et réfléchie. Par conséquent, la gestion des transformations d’une institution exige que les personnes clés élaborent et entretiennent une vision de la situation future dans laquelle l’institution pourra trouver un nouvel équilibre interne et externe.

Ces personnes clés sont appelées des champions. Ils se trouvent à tous les niveaux de l’institution. Bien sûr, l’institution a besoin de trouver un ou plusieurs champions parmi les décideurs de haut niveau. Ce sont des personnes visionnaires qui sont conscientes que l’institution doit passer par une transformation et qui ont une vision (ou développent une vision) pour l’avenir de l’institution (voir l’encadré 5.3).

Les champions décideurs séniors doivent avoir assez de pouvoir dans l’institution pour lancer le PPT et le soutenir, tout en créant des conditions favorables. Le soutien d’un ou plusieurs champion(s) décideur(s) séniors(s) est extrêmement important (et absolument nécessaire) pendant la durée du processus de transformation, pendant le PPT, mais aussi pendant toutes les phases ultérieures du processus de transformation, et ceci jusqu’à ce que l’institution se soit pleinement appropriée et ait intégré les changements à tous les niveaux. Si on ne parvient pas à obtenir le soutien continu de champions décideurs séniors, on aboutit généralement à l’échec du processus de transformation (voir l’encadré 5.1).

Ces champions décideurs séniors doivent identifier et impliquer certains collaborateurs clés (des gestionnaires en général) que nous appelons les gestionnaires champions qui seront aussi des champions du projet de transformation. Les gestionnaires champions sont ensuite invités à créer la Cellule pilote, l’équipe pilote, et les conditions favorables dans leurs domaines d’intervention pour préparer le lancement du PPT. À leur niveau, les gestionnaires champions identifient et impliquent certains collaborateurs clés (généralement des employés qualifiés et motivés), que nous appelons les employés champions, qui seront les principaux acteurs du PPT. Ils sont officiellement assignés à l’équipe pilote et on leur donne les moyens nécessaires pour remplir leur mission (en fonction des objectifs visés) et leurs tâches.

Par conséquent, le premier facteur clé de succès pour le PPT et le processus de transformation en entier est la mise en place d’une telle structure de champions dans l’institution.

Maintenir les conditions favorables

Ces conditions correspondent au second facteur clé de succès pour le PPT, ainsi que pour tous les processus de transformation dans une institution. Les champions doivent créer et maintenir des conditions favorables au cours du PPT et pendant la durée totale du projet de transformation. Soulignons que la technologie n’est pas actuellement une question primordiale. Maintenir des conditions favorables dépend essentiellement de la volonté des personnes de changer, et ainsi de soutenir le projet. Des facteurs de succès importants et critiques pour favoriser ces conditions de succès sont :

1. Trouver des moyens pour sécuriser et maintenir un fort soutien de la part des champions influents;

2. Maintenir une volonté largement répandue dans l’institution d’adopter la transformation au sein de l’institution;

3. Assurer une allocation budgétaire suffisante;

4. Créer un groupe initial de personnes qualifiées et enthousiastes au sein de l’institution (les gestionnaires et les employés champions);

5. Rassembler une équipe de développement expérimentée,

6. Créer une vision du projet claire et largement adoptée et soutenue par les personnes clés.

Les conditions favorables sont différentes d’une phase du projet à une autre, et elles peuvent même changer au cours d’une phase donnée. Par exemple, au cours du PPT, le fort soutien et la participation continue des champions décideurs séniors sont essentiels pour créer un élan, une dynamique de transformation. Ensuite, l’implication des personnes clés (les gestionnaires et les employés) aux différents niveaux de la hiérarchie de l’institution devient également critique. En parallèle, la création et le raffinement d’une vision claire et partagée du projet (au cours du PPT) contribuent à construire une approche consensuelle pour le projet et à renforcer la participation et le soutien de toutes ces personnes clés, ce qui à son tour renforce les conditions favorables. Les conditions favorables dépendent de plusieurs circonstances émanant de l’extérieur et de l’intérieur de l’institution et peuvent être menacées par des pressions politiques, des contraintes financières, la résistance de certaines personnes, des conflits d’intérêts, des luttes de pouvoir, etc.

Des conditions défavorables peuvent apparaître n’importe où dans (et éventuellement à l’extérieur de) l’institution, à tout moment et très probablement en provenance de sources inattendues. Par conséquent, le suivi et le maintien des conditions favorables est un processus continu, un effort intense qui peut nécessiter l’implication de plusieurs membres de l’équipe (y compris les champions) dans différentes parties critiques de l’institution.

La présence des champions et des acteurs clés favorables au projet est une nécessité car ce sont eux qui connaissent le mieux l’institution : ils devraient être en mesure de détecter l’émergence de conditions défavorables aux premiers signes d’apparition. Les conditions défavorables peuvent ne pas être détectées immédiatement et peuvent se développer. Plus l’équipe pilote et/ou ses supporters champions tardent à les détecter, pires seront les dommages potentiels. Les conséquences peuvent aller de la réactivation complète d’une étape du projet jusqu’à la perte de personnel et/ou de données, ou même à la création d’une mauvaise image au sein de l’institution et éventuellement à l’extérieur (voir l’encadré 5.2).

Être vigilant sur ces questions est un facteur clé de succès. Cela nécessite une grande quantité d’énergie de la part des champions et de l’équipe pilote.

Par conséquent, le deuxième facteur clé de succès pour le PPT est de maintenir des conditions favorables.

L’importance de développer une vision commune pour le projet est cruciale

Les projets ICT4D/e-gouvernement nécessitent des changements substantiels dans la façon dont les employés effectuent leurs tâches et dans la manière dont les services sont livrés aux clients grâce à l’utilisation des TIC. Par conséquent, faire passer une institution d’un mode manuel et archaïque d’opération à un autre complètement automatisé offrant des services d’e-gouvernement, requiert l’implication de personnes visionnaires qui sont en mesure d’imaginer un état futur de l’institution dans lequel la plupart des opérations seront automatisées. Cette transformation conduit éventuellement à une nouvelle façon de faire des affaires et nécessite une réorganisation des tâches des employés et des flux et procédures de travail (« workflows »). Cette « image mentale » est appelée la vision du projet (voir l’encadré 5.3) et devrait être formalisée en termes de documents clairs (c.-à-d. un énoncé de vision et éventuellement un énoncé de mission) qui sont utilisés pour partager et discuter de la vision du projet entre tous les intervenants.

L’équipe pilote, les champions de l’institution et leurs conseillers doivent être conscients de l’importance de l’établissement, de la mise à jour et du maintien d’une vision partagée d’un projet ICT4D/e-gouvernement parce que toutes les décisions prises au cours du projet devraient être alignées sur cette vision.

Par conséquent, le troisième facteur clé de succès pour le PPT est d’établir, partager et mettre à jour une vision commune du projet ICT4D/e-gouvernement entre tous les intervenants.

La gestion de la PPT vue comme une expérience

Parce que c’est une expérience dans laquelle l’équipe pilote cherche une solution pour la transformation de l’institution, le PPT peut échouer, être un succès partiel ou même un succès total. Chacun doit comprendre que le PPT peut éventuellement échouer et si cela se produit, l’échec doit être considéré positivement comme un moyen de mieux comprendre les conditions dans lesquelles l’institution exerce ses activités et les raisons de l’échec. Gérer le PPT comme une expérience faite dans la cellule pilote est un bon moyen de minimiser les risques inhérents à toute transformation, de surveiller attentivement les coûts et de devenir plus familier avec les forces internes et externes qui influencent le changement en cours. Si une expérience est un échec et si les raisons de l’échec sont bien analysées et comprises, rien n’empêche les décideurs séniors de lancer des expériences supplémentaires pour trouver une solution appropriée. Rappelons-nous que gérer la transformation d’une institution est un processus créatif dans lequel les personnes cherchent une bonne solution pour faciliter la transformation. Un échec ou un succès partiel est une bonne façon d’apprendre dans le but de trouver une solution appropriée.

Par conséquent, la gestion du PPT va comme une expérience est le quatrième facteur clé de succès pour le PPT.

Le processus de suivi et d’évaluation (PSE)

Adopter une telle approche basée sur l’expérimentation implique que tout PPT doit être associé à un processus de suivi et d’évaluation (PSE) (ou « Monitoring and Assessment Process » en anglais) qui vise à observer le PPT à partir d’un point de vue externe. Le PSE devrait normalement être effectué par une équipe de consultants, extérieure à l’institution. Cette équipe conseil externe ou ECE (« External Advisory Team » en anglais) est composée d’experts compétents et expérimentés, capables de fournir des conseils et éventuellement des orientations aux décideurs séniors, aux champions du PPT et à l’équipe pilote.

Le processus de suivi et d’évaluation (PSE) est un processus très important qui est effectué en parallèle avec le PPT. Étant donné que le PPT est une expérience visant à trouver une solution pour la transformation que l’institution envisage d’entreprendre, les résultats du PPT doivent être évalués, ainsi que le processus de transformation qui se produit tout au long du PPT. Tout le monde reconnaît que les résultats d’un projet pilote doivent être évalués, mais très peu de gestionnaires reconnaissent l’importance d’évaluer le PPT quand il est en cours. Ceci est regrettable car l’observation, le suivi et l’évaluation du processus PPT à tous les niveaux (politique, organisationnel, managérial, technique, financier et social) fournissent une mine de renseignements essentiels sur la façon dont les personnes, les groupes et les institutions réagissent aux changements qui se produisent. Le suivi et l’évaluation sont également très utiles pour l’identification (et la confirmation) de l’implication, l’engagement et l’enthousiasme des personnes internes et externes qui sont les acteurs clés (les champions) du succès du PPT (ainsi que du processus de transformation dans son ensemble).

Dans la pratique, même dans les institutions matures en regard des TIC, le PSE n’est pas réalisé dans tous les projets de transformation (ITU 2008). Pourtant cela aiderait à identifier les principales raisons pour lesquelles les projets de transformation évoluent souvent de façon inattendue, dépassant les budgets et les calendriers. Dans les PED/PMD et en particulier dans les projets ICT4D où les compétences et les budgets ne sont pas disponibles localement, les fonds et les projets sont suivis par des organismes internationaux externes qui exigent habituellement la mise en place d’un PSE. C’est une chance et une bonne pratique à appliquer, même pour les projets financés sans aide externe (voir l’encadré 5.4). Par conséquent, la mise en place du PSE est le cinquième facteur de succès clé pour le PPT.

L’équipe conseil externe (ECE)

Dans les institutions mures du point de vue des TIC, l’équipe conseil externe (ECE) joue essentiellement un rôle de conseil et d’accompagnement. Toutefois, dans les PED/PMD et en particulier dans les projets ICT4D, l’ECE jouera souvent un rôle plus actif au cours du PPT et des autres phases du projet. Certains de ses membres pourraient même avoir à participer à la gestion de l’équipe pilote. L’équipe pilote peut également être composée de conseillers externes ainsi que des employés et des cadres intermédiaires de l’institution. Associer des employés compétents et motivés à des conseillers externes compétents et expérimentés est une excellente occasion pour ces employés d’apprendre de nouvelles techniques et méthodes, et aussi de développer de nouvelles compétences, spécialement en lien avec la transformation qui a lieu dans l’institution. Ils acquièrent également une plus grande confiance dans le processus de transformation en s’appuyant sur l’expérience de leurs conseillers.

Par conséquent, les membres de l’équipe ECE peuvent jouer différents rôles dans un projet ICT4D/e-gouvernement : fournir des conseils, enseigner, entrainer, superviser, et accompagner les employés et gestionnaires. Bien sûr, les décideurs et gestionnaires des institutions gouvernementales locales reconnaissent généralement le besoin d’avoir des conseils de la part de l’équipe conseil externe. Mais, très souvent, surtout au début du projet, ils ne saisissent pas l’intérêt (ou la ‘criticalité’) de plusieurs actions initiées ou menées par l’ECE. Les décideurs de haut niveau de ces institutions sont souvent des politiciens qui veulent des résultats rapides et visibles du public. Ils considèrent généralement les processus d’évaluation comme de simples exercices académiques. Par conséquent, l’ECE a besoin de gagner de la crédibilité à tous les niveaux de l’institution et de convaincre les différents acteurs de l’importance de bien gérer le processus de transformation, d’une manière bien pensée et structurée (voir encadré 5.5). Les différentes phases et étapes du processus de transformation devraient être présentées et expliquées aux principaux champions et acteurs clés de l’institution pour les sensibiliser de son intérêt et son importance. Par conséquent, une certaine quantité de temps et d’énergie doit être allouée à cette « sensibilisation et cette éducation » des champions par rapport à l’adoption d’une façon structurée de gérer les projets (des méthodes, des techniques de suivi et d’évaluation, etc.)

Par conséquent, le sixième facteur de succès critique est la création d’une ECE crédible qui peut communiquer efficacement aux différents acteurs concernés l’importance de bien appliquer un processus de transformation bien pensé et structuré.

L’équipe de développement externe (EDE) et le développement des solutions ICT4D

Dans un grand nombre de projets ICT4D, les employés de l’institution et les gestionnaires n’ont pas l’éducation technique, la formation et les moyens de développer une solution permettant de soutenir le processus de transformation. Il est donc nécessaire que le travail de conception et de développement (pour les processus d’affaires et les logiciels, ainsi que pour la configuration de l’infrastructure matérielle qui supportera la nouvelle solution) soit effectué par une équipe de développement externe (EDE) bien formée. Cette équipe doit être composée d’experts possédant le savoir-faire pour créer la solution en fonction de budgets et calendriers précis. Cette EDE est généralement supervisée par l’ECE, en collaboration avec le Champion du PPT de l’institution, qui présente les progrès du PPT aux hauts gestionnaires de l’institution.

Par conséquent, la mise en place d’équipes de conseil et d’accompagnement efficaces telles que l’ECE et le EDE, pour les faire travailler harmonieusement avec le personnel de l’institution, est le septième facteur clé de succès pour le PPT.

VIII. COMPLÉTER LE PPT ET COMMUNIQUER SES RÉSULTATS

Les activités du PPT peuvent prendre des formes diverses qui dépendent de la nature de la transformation que l’institution va vivre. Comme nous l’avons déjà mentionné, il est essentiel de fixer des objectifs et des échéances clairs lors du lancement du PPT.

Si les délais ne peuvent pas être respectés, les décideurs de l’institution, les champions du projet et l’équipe pilote, l’ECE et l’EDE ont besoin de recueillir des informations concernant les difficultés qui n’avaient pas été prévues au début du PPT. Une variété de raisons (la politique, les budgets, les retards de certains acteurs, l’inertie de certaines personnes, etc.) pourraient expliquer ces retards. Cependant, il est important pour les gestionnaires de constater que les délais du PPT n’ont pas été respectés, car ils peuvent alors anticiper que des difficultés semblables pourraient se manifester, potentiellement exacerbées, pendant le reste du déroulement du projet.

Par conséquent, les délais non respectés du PPT devraient également être considérés comme une source précieuse d’information pour la gestion du projet. Les causes des retards doivent être précisément évaluées et expliquées, et les remèdes possibles doivent être proposés afin de s’assurer que le projet ne sera pas handicapé par des obstacles similaires au cours des phases de passage à l’échelle.

Dans tous les cas, les résultats du PPT doivent être évalués par rapport aux objectifs initiaux de l’expérience. Le PPT peut conduire à une variété de résultats : un logiciel prototype pour faire une démonstration de la solution logicielle proposée, l’installation de matériel et l’activation de son fonctionnement, les changements dans les procédures et l’organisation de travail du personnel (les flux de travail par exemple), la collecte de données et l’enregistrement dans des bases de données, etc. Ces résultats sont présentés aux acteurs principaux et documentés dans un rapport par le champion du PPT, l’équipe pilote et l’ECE (en collaboration avec l’EDE pour les aspects techniques). Des recommandations sont proposées comme une conclusion du rapport du PPT, y compris les actions de suivi envisagées.

Les résultats et les recommandations devraient être présentés dans des réunions ou des séminaires (en fonction de l’ampleur du travail effectué durant le PPT) dans lesquels tous les intervenants clés et les décideurs peuvent participer. Il est très important de communiquer largement les résultats et d’en discuter avec tous les acteurs concernés, ainsi que les stratégies alternatives qui peuvent être considérées pour la suite. Il est important de partager et mettre à jour la vision du projet, et de veiller à ce que tout le monde comprenne les impacts possibles et les défis de la transformation envisagée pour l’institution. C’est aussi le bon moment pour évaluer la ‘criticalité’ d’agir en vue d’une telle transformation, afin de souligner l’importance de maintenir des conditions favorables et de permettre aux intervenants de renouveler leur soutien au projet.

Par conséquent, la communication d’un rapport clair et objectif sur les résultats et les recommandations du PPT et l’obtention des réactions de tous les acteurs principaux est le huitième facteur clé de succès pour le PPT.

IX. CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons discuté d’une variété de défis qui devraient être abordés lors du lancement et de la gestion des projets ICT4D/e-gouvernement, en particulier dans les PED/PMD. Nous avons montré que plusieurs causes peuvent entraîner de tels projets dans des échecs ou conduire à des succès partiels. Ces résultats malheureux résultent habituellement d’un manque de sensibilisation et d’anticipation des problèmes qui surgissent inévitablement dans de tels projets à tous les niveaux : les niveaux financier, politique, administratif, humain, technologique et éducatif. Nous avons également montré comment des stratégies et des systèmes ICT4D/e-gouvernement bien gérés et bien ciblés peuvent améliorer la gouvernance à tous les niveaux du gouvernement et améliorer la durabilité des systèmes gouvernementaux et leur capacité à fournir des services adéquats et appréciés des citoyens dans le court et le long terme.

En profitant de notre expérience dans le développement des systèmes ICT4D/e-gouvernement dans les PED/PMD, nous avons suggéré que les leçons apprises au niveau national peuvent inspirer la création de e-stratégies et le développement/déploiement des systèmes ICT4D/e-gouvernement à des niveaux de gouvernance locale. Nous avons montré comment les problèmes dans un projet ICT4D/e-gouvernement sont complexes et nombreux, dans l’espoir que cette discussion permettra d’accroître la sensibilisation du lecteur relativement à un ensemble d’éléments essentiels qui doivent être abordés dans ces projets. Élargir la compréhension du lecteur de ces questions importantes est l’un des objectifs de ce livre.

Nous avons également souligné que les projets ICT4D/e-gouvernement devraient être gérés comme des processus de transformation afin de favoriser une transformation réussie des institutions dans lesquelles ils sont mis en œuvre. Nous avons discuté plusieurs questions clés qui doivent être prises en considération par les gestionnaires de projets et par les décideurs pour mettre en œuvre soigneusement une telle transformation, en particulier pendant la première phase de ces projets que nous avons appelée le projet pilote de transformation (PPT). Le PPT est la fondation de la carte de route (« roadmap ») générique que nous proposons dans le chapitre suivant.

Nous espérons que les discussions et les nombreuses citations que nous avons faites feront gagner du temps au lecteur en lui permettant de s’orienter dans la ‘jungle’ des documents écrits sur l’ICT4D et les systèmes d’e-gouvernement. Ce fut également pour nous l’occasion d’introduire des notions clés, d’esquisser quelques principes et de proposer quelques conseils comme un résumé des principaux défis et des questions qui sont soulevés par la gestion des projets ICT4D/e-gouvernement. Ces principes vont nous guider quand nous allons présenter, dans le chapitre suivant, la carte de route pour le développement et le déploiement des systèmes ICT4D/e-gouvernement, basée sur la bonne gouvernance et appliquée à des institutions gouvernementales locales.

En outre, nous proposons dans l’Annexe 1 de ce livre, une liste détaillée des éléments importants qui ont une influence sur la transformation affectant une institution gouvernementale lorsqu’elle adopte et intègre des politiques d’affaires nouvelles et des pratiques fondées sur les techniques d’ICT4D/e-gouvernement et des principes de bonne gouvernance. Une telle liste pourrait être utile aux décideurs et aux gestionnaires de projet lors de l’élaboration des plans de projet et de l’adaptation des approches de développement (comme la carte de route générique que nous présentons dans le chapitre VI) aux particularités de leurs projets. L’annexe est présentée comme un ensemble de tableaux qui organisent la liste des éléments dans cinq thèmes généraux :

• la gestion du contexte du projet ICT4D/e-gouvernement;

• la bonne gouvernance (BG) et le leadership dans les projets ICT4D/e-gouvernement;

• la Vision et le renforcement des capacités en relation avec le projet ICT4D/e-gouvernement;

• la gouvernance et la gestion d’un projet ICT4D/e-gouvernement, et

• assurer la durabilité de la transformation.

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CHAPITRE VI

Carte de route générique pour les projets ICT4D/e-gouvernement

I. INTRODUCTION

Dans le chapitre précédent, nous avons défini les projets ICT4D/e-gouvernement comme étant des processus de transformation qui doivent être gérés en tant que tels pour favoriser une transformation réussie des institutions dans lesquelles ils sont mis en œuvre. Nous avons insisté sur l’importance de lancer un projet pilote de transformation (PPT) pour :

• Impliquer tous les acteurs;

• Aider les décideurs à identifier des objectifs clairs et créer des conditions favorables pour le projet;

• Créer une équipe pilote et attribuer des responsabilités claires et des ressources adéquates à ses membres;

• Impliquer les champions à tous les niveaux de l’institution pour soutenir le processus de transformation;

• Trouver une solution et l’appliquer dans la partie de l’institution qui accueille la transformation (la cellule pilote), et

• Élaborer des directives méthodologiques initiales en vue de préparer la transformation de l’institution à plus grande échelle.

Si le PPT est réussi et bien accueilli par toutes les parties prenantes, l’institution pourrait vouloir étendre la transformation à d’autres départements et/ou services. La diffusion de la transformation à l’institution toute entière est souvent appelée « la généralisation de la solution », ou le passage à l’échelle (‘scaling-up’). Elle est considérée comme un projet en soi (ou même une série de projets) qui doit également être géré avec soin.

Dans les pays en voie de développement, le défi supplémentaire important qui se pose est de rendre la transformation durable (Kendall et al. 2010). En effet, un grand nombre de projets ICT4D sont développés avec des aides et soutiens extérieurs (fonds internationaux, équipes externes, etc.) qui ne sont plus disponibles après l’achèvement du projet. Un grand nombre de projets e-gouvernement n’atteignent donc pas le stade de transformation durable (InfoDev 2009).

Pour bien préparer les gestionnaires à réussir une transformation durable par le biais de systèmes ICT4D, il est important qu’ils soient conscients des difficultés qui surgissent suite à la diffusion de la transformation, et qu’ils disposent d’une méthode (ou carte de route) bien articulée/fondée et d’un échéancier précis pour gérer le processus de transformation. Dans ce chapitre, nous présentons les grandes lignes et les grands principes de la carte de route que nous avons élaborée dans le cadre du projet eFez. Cette carte de route est générique et s’applique à toutes situations où l’on introduit la technologie dans l’objectif de servir la bonne gouvernance locale. Dans le chapitre VII de ce livre nous donnerons les détails de la mise en œuvre de cette carte de route dans le cas particulier du projet eFez.

La section II présente un aperçu de la carte de route générique que nous avons développée et des cinq phases qui la composent.

La section III présente un modèle commun de présentation (canevas) qui sera utilisé pour décrire en détails chacune des 5 phases de la carte de route.

La section IV présente la première phase de la carte de route : le processus pilote de transformation (PPT) qui initie le processus de transformation et vise principalement à :

• Comprendre les défis auxquels l’institution fait face;

• Développer une vision commune;

• Trouver une solution pratique à ces défis par le biais d’un projet pilote;

• Démontrer la faisabilité et l’applicabilité de la solution proposée; et

• Sensibiliser et impliquer les intervenants clés dans le processus de transformation.

Le projet pilote est généralement mis en œuvre dans une partie suffisamment petite de l’institution pour pouvoir maintenir des conditions favorables au cours du développement de la solution.

La section V présente la phase de Développement/Déploiement/Évaluation de la Solution Locale (DDESL) en détails. Si l’expérience du PPT a été réussie et si les cadres supérieurs de l’institution décident de continuer le processus de transformation, la phase DDESL est lancée.

Inspirée par les résultats du PPT et profitant de leçons apprises, la phase DDESL vise à développer une solution dans une partie importante de l’organisation en fonction de la transformation envisagée. La solution DDESL peut être sensiblement différente de la solution PPT car elle implique une plus grande partie de l’institution et crée/génère, par conséquent, de nouveaux défis et de nouveaux enseignements/apprentissages. Ceci aide à préparer l’institution à l’étape suivante du processus de transformation qu’on appelle la généralisation ou le passage à l’échelle.

Si la DDESL est couronnée de succès et que l’institution, dans son ensemble, est prête à adopter la solution ICT4D/e-gouvernement, la prochaine phase est déclenchée : la phase de Développement/Déploiement/Évaluation de la Solution Globale (DDESG) qui est présentée en détails dans la section VI. La phase DDESG vise à déployer la solution développée au cours de la phase DDESL à toute l’institution. Nous passerons en revue, dans la section VI, les défis particuliers auxquels sera confrontée l’institution au cours de cette phase de généralisation et nous donnerons quelques conseils et recommandations.

Comme nous l’avons déjà mentionné, un des grands défis des projets ICT4D/e-gouvernement est de fournir des solutions durables aux institutions qui passent par des transformations majeures. Afin de minimiser le risque d’échec, notre carte de route contient une phase spécifiquement dédiée à la gestion de la transition de l’institution pour qu’elle puisse utiliser et maintenir la plate-forme technologique de façon durable et autonome. Il s’agit de la Phase de Transition vers l’Autonomie (PTA), présentée en détails dans la section VII, incluant les défis principaux, les conseils et les leçons apprises. La PTA devrait commencer dès que possible et se dérouler en parallèle avec la phase DDESG.

Figure 6.1 : Une carte de route générique

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II. UNE CARTE DE ROUTE GÉNÉRIQUE

Dans cette section, nous présentons sous forme schématique la carte de route générique que nous proposons pour soutenir le processus d’e-transformation. Cette carte de route est composée de cinq phases principales qui mènent à différentes situations organisationnelles.

La figure 6.1 donne un aperçu de ces phases et des situations résultant de l’organisation. Nous les commenterons brièvement dans cette section.

Les conventions schématiques sont indiquées dans la légende de la figure. Les grands rectangles pointus représentent les phases du processus de transformation. Les rectangles arrondis correspondent aux situations observées de l’institution ou à des situations atteintes après l’achèvement d’une phase ou après une décision importante. Les décisions sont représentées par des losanges, suivis de deux flèches qui mènent soit à une autre phase soit à une situation qui en résulte.

Habituellement, une flèche sortant d’un losange avec l’annotation GO représente l’approbation de continuer vers la phase suivante; l’autre flèche (avec l’annotation NO-GO) représente le contraire et conduit à une certaine situation qui est caractérisée dans la figure.

La première phase (PH1)

Cette première phase correspond au Projet Pilote de Transformation (PPT) que nous avons discuté dans le chapitre V. Elle commence à partir de la Situation Initiale (représentée par le premier rectangle arrondi en haut à gauche de la figure 6.1) qui est généralement basée sur un système d’organisation manuel et archaïque qui semble souvent ‘fossilisé’. Les pratiques de gouvernance sont souvent informelles et n’appliquent pas les principes de bonne gouvernance que l’on vise à mettre en œuvre dans les projets ICT4D/e-gouvernement. Comme nous l’avons déjà mentionné, le lancement du PPT est le résultat d’une décision formelle de la haute direction de l’institution. Ceci est représenté par la branche GO du premier losange qui déclenche la première phase (pour représenter cela, le losange est relié au rectangle arrondi représentant la situation). Si les conditions favorables ne sont pas remplies, ce qui signifie que les gestionnaires ne sont pas convaincus de l’urgence de la situation actuelle, le PPT ne peut pas être lancé avec succès et l’institution reste dans sa situation initiale, ce qui correspond à la branche NO-GO du premier losange.

Après l’achèvement du PPT (rectangle Ph1 de la figure 6.1), deux situations peuvent se présenter. Soit 1) l’expérience est évaluée comme étant réussie et la haute direction de l’institution décide de continuer le processus de transformation (la branche GO du losange associé au rectangle Ph1), soit 2) La haute direction ne pense pas qu’il est temps de déclencher la transformation de l’organisation (la branche NO-GO du losange associée au rectangle Ph1) et l’institution toute entière reste dans sa situation manuelle et archaïque avec une gouvernance informelle. Cependant, une situation locale basée sur les technologies de l’information et des communications (TIC) demeure un certain temps au sein d’une unité de l’institution qu’on appelle « cellule pilote ». Cette situation est représentée par le rectangle arrondi appelé la Situation Archaïque Fossilisée/Situation basée sur les TIC. Les détails de cette première phase seront présentés dans la section IV.

La seconde phase (PH2)

Cette deuxième phase correspond à la Phase de Développement/Déploiement/Évaluation de la Solution Locale (DDESL). Elle commence à partir de la nouvelle situation après le PPT (rectangle arrondi en haut à droite de la figure 6.1). Le but de cette phase consiste à tirer parti des résultats du PPT pour créer, déployer et évaluer le nouveau système ICT4D/e-gouvernement et l’organisation associée (appelée la « solution locale ») dans une partie importante et bien choisie de l’institution que nous appelons le secteur DDESL de l’institution. La phase DDESL est réalisée habituellement dans le même secteur de l’institution dans lequel le PPT a été effectué afin de capitaliser sur l’élan acquis au cours du PPT, et parce que ce secteur contient déjà des champions actifs et favorables. Par ailleurs, il est plus facile d’agrandir l’équipe pilote avec de nouveaux employés du même secteur qui désirent faire partie du processus de transformation.

La phase DDESL est gérée par le champion DDESL (dans la plupart des cas, la même personne qui a joué le rôle de champion lors du PPT) en collaboration avec les équipes de soutien (ECE et EDE) qui sont également agrandies, si cela est nécessaire. Nous devons souligner que, même si la solution DDESL est développée dans le même secteur dans lequel le PPT a été réalisé, l’équipe du projet DDESL (Champion de la phase DDESL, ECE et EDE) devrait veiller à ne pas essayer de reproduire la solution PPT en tant que telle dans le secteur DDESL sans évaluer son adéquation avec cette partie de l’institution. En effet, différentes stratégies ont été explorées au cours du PPT pour trouver une solution aux problèmes de l’institution. Puisque les expériences ont été menées dans la cellule pilote (une petite partie de l’institution), certains facteurs et questions non considérés peuvent se présenter quand on aborde une partie plus grande de l’institution. Par conséquent, le développement de la solution DDESL pour le secteur DDESL pourrait différer de façon importante de la solution PPT.

Comme nous le verrons en détails dans la section V, de nombreux problèmes organisationnels qui ont été examinés au cours du PPT, sont toujours présents lors de la phase de DDESL : le maintien des conditions favorables, la participation des champions et des principaux intervenants, la mise à jour et le diffusion de la vision du projet, la planification et le suivi minutieux du projet, l’implication des équipes ECE et EDE, l’évaluation de la progression du projet par rapport aux principes de bonne gouvernance, etc. D’autres questions augmentent en ‘criticalité’, comme l’identification et la formation d’employés motivés et compétents pour se joindre à l’équipe ECE et la préparation de programmes de formation efficaces et appropriés. Un plan de développement DDESL devrait être fixé dès le début de cette phase, suivi et révisé tout au long de celle-ci.

La progression des travaux doit être surveillée et des décisions et des actions appropriées doivent être enclenchées pour répondre aux questions et aux problèmes qui surgiront inévitablement au cours du développement de la solution locale. À la fin de la phase DDESL, la solution locale et le processus de développement doivent être évalués et un rapport devrait être rédigé et soumis aux autorités de l’institution. Ce rapport devrait présenter les principaux résultats de la solution locale, son impact sur la transformation de l’institution et les enseignements tirés en vue du déploiement complet de la solution dans l’institution toute entière. Le rapport, l’évaluation et les recommandations devraient être présentés et discutés avec les principaux intervenants pour préparer la phase suivante.

Dans certains cas, le développement de la solution DDESL peut entraîner un échec (partiel ou total). Cet échec doit être soigneusement analysé et les raisons déterminées de manière à ce que l’institution puisse en tirer des leçons. Dans d’autres cas, l’institution pourrait ne pas être prête à étendre la solution locale pour différentes raisons (manque de volonté politique et institutionnelle, déficience du soutien adéquat pour mener à bien la transformation dans les autres secteurs de l’institution, insuffisance des ressources financières et humaines disponibles, etc.). Ceci est symbolisé par la branche NO-GO du losange attaché au rectangle Ph2 de la figure 6.1. Il s’agit d’un retour à la situation archaïque fossilisée avec une situation locale basée sur les TIC. Cependant, dans ce cas la solution locale est maintenant appliquée et utilisée dans une plus grande partie de l’institution que lors du PPT. En outre, dans la plupart des cas, le développement de la solution DDESL sera un succès et la haute direction de l’institution approuvera le lancement de la phase suivante (Ph3). C’est la branche GO du losange attachée au rectangle Ph2 de la figure 6.1. Les détails de cette deuxième phase sont présentés dans la section V.

La troisième phase (PH3)

La troisième phase de notre carte de route générique est la phase de Développement/Déploiement/Évaluation de la Solution Globale (DDESG). Elle commence à partir de la situation archaïque fossilisée avec situation locale basée sur les TIC, sauf que la solution locale est maintenant appliquée et utilisée dans le secteur DDESL (entrée du rectangle arrondi vers le rectangle de la Ph3). L’objectif de la phase DDESG est d’étendre la solution locale à toute l’institution, et par conséquent de faire l’adaptation, le déploiement et l’évaluation du nouveau système ICT4D/e-gouvernement et de la nouvelle organisation correspondante dans tous les secteurs de l’institution.

Le but ultime est de développer une solution globale qui soutient le processus de transformation de l’institution. À ce stade, la haute direction de l’institution, les champions influents et l’ECE doivent examiner attentivement les questions spécifiques liées au processus de généralisation. Encore une fois, les conditions favorables doivent être maintenues avec une attention particulière à la sélection et à la participation des cadres supérieurs champions qui peuvent être différents de ceux qui ont soutenu le projet au cours des phases PPT et DDESL.

Pendant la phase DDESG l’équipe de projet rencontrera des problèmes, des questions et des défis similaires à ceux de la phase DDESL, mais leur expérience antérieure représentera un atout lorsqu’il faudra les traiter. Un facteur critique est l’identification, la sélection et la formation d’employés motivés et compétents et de gestionnaires qui soutiennent le processus de transition dans les différents secteurs où la solution sera adaptée et déployée. Un autre facteur critique est la création d’un plan de projet et d’un échéancier pour cette phase qui feront en sorte que la solution locale soit adaptée aux besoins et aux caractéristiques de chaque secteur et déployée de manière opportune et coordonnée. L’ECE et l’EDE continuent de soutenir le processus de transformation et de généralisation. De nouveaux membres peuvent se joindre à ces équipes pour inclure des personnes provenant des divers secteurs impliqués dans le processus de transformation. Nous donnons plus de détails sur cette phase dans la section VI.

La quatrième phase (PH4)

Cette phase est reliée à la transition vers l’autonomie. La Phase de Transition vers l’Autonomie (PTA) est rarement considérée comme une phase formelle dans les projets ICT4D/e-gouvernement, en particulier dans les pays en développement. Bien que la plupart des gens comprennent l’importance pour l’institution de devenir autonome (à l’égard de l’entretien et de l’amélioration du ou des nouveaux systèmes et des changements organisationnels associés), les cadres supérieurs de l’institution ne sont généralement pas conscients de l’importance de commencer une telle phase de transition vers l’autonomie assez tôt pour qu’elle mène efficacement et avec succès l’institution vers l’autonomie ciblée. Nous devons souligner que, lorsque l’ECE et l’EDE sont dissoutes, le processus de transformation peut encore échouer, même après le déploiement réussi du système ICT4D/e-gouvernement dans toute l’institution. Ceci est souvent observé dans les pays en développement quand l’aide internationale arrive à son terme. À ce moment, il est trop tard pour intervenir efficacement afin d’assurer que le système ICT4D/e-gouvernement et l’organisation associée puissent devenir durablement viables sans aide extérieure. Il s’agit d’un problème important et stratégique. Pour surmonter cette difficulté, nous introduisons formellement dans notre carte de route la PTA. Un des objectifs initiaux et importants de la PTA est de sensibiliser la direction de l’institution à l’importance de gérer soigneusement et officiellement la transition vers l’autonomie. Un autre objectif important de cette phase est d’élaborer un plan afin que la transition soit effectivement réalisée, en tenant compte des ressources nécessaires ainsi que de délais raisonnables. Nous conseillons fortement également le lancement de cette PTA dès que possible et en parallèle avec la phase DDESG. Puisque la phase DDESG prendra beaucoup de temps avant que la solution ne soit déployée et couramment utilisée dans toute l’institution, les responsables du projet, en collaboration avec l’ECE et l’EDE, devraient commencer dès que possible la sélection et la formation d’employés et de gestionnaires qui seront en charge de la maintenance du nouveau système ICT4D/e-gouvernement et du soutien des personnes qui vont l’utiliser. Commencer ce processus de transition suffisamment tôt permettra à l’ECE et à l’EDE de se désengager progressivement et de rendre autonomes les personnes sélectionnées de l’institution pour assumer leurs tâches et responsabilités respectives.

De plus, nous conseillons fortement de gérer la PTA en tant que sous-projet indépendant et d’attribuer un budget approprié à celle-ci, ainsi que des ressources humaines compétentes. Ne pas le faire peut conduire à retarder des mesures appropriées, à rater des étapes ou des délais critiques et à échouer dans la formation et le recrutement du personnel capable de mener à bien ces mesures. Ceci peut conduire lentement mais inexorablement à l’échec de la PTA, et du projet de transformation en entier.

Comme le montre la figure 6.1, les phases DDESG et PTA sont exécutées en parallèle et, idéalement, sont terminées en même temps (voir rectangles Ph3 et Ph4). Cela signifie que dès que le système ICT4D/e-gouvernement est déployé et utilisé dans toute l’institution, l’institution devrait être en mesure de le maintenir et de le développer de manière autonome. Très souvent, dans les pays en développement, le financement international disparaîtra avant que la solution ne soit entièrement déployée dans l’institution. Par conséquent, il est important de lancer la PTA dès que possible, avec des délais qui tiennent compte de la cessation de l’aide internationale et du désengagement des équipes ECE et EDE. Nous discutons de ces questions plus en détails dans la section VII. Ne pas mener à bien la phase PTA conduira l’institution vers ce qu’on a appelé dans la figure 6.1 une situation hétérogène chaotique globale avec un mélange de situations archaïques et fossilisées (et gouvernance informelle). Cela signifie que certains secteurs de l’institution seront en mesure de mobiliser et de soutenir les ressources nécessaires pour maintenir le fonctionnement du système ICT4D/e-gouvernement, tandis que d’autres secteurs ne parviendront pas à le faire et auront tendance à revenir à la façon archaïque de gérer leurs activités. Les cadres supérieurs de l’institution devront évaluer d’urgence de telles situations et prendre les décisions appropriées par rapport à l’avenir qu’ils envisagent pour l’institution.

La cinquième phase (PH5)

Une finalisation positive de la PTA conduit l’institution à la cinquième phase appelée la Solution Durable Basée sur les TIC et Gérée par Transformation Continue. L’objectif de cette phase est de s’assurer que l’institution est en mesure de soutenir, maintenir et étendre le système ICT4D/e-gouvernement, et d’adapter l’organisation aux besoins changeants tout en tenant compte des principes de bonne gouvernance. Une telle phase est un véritable défi pour les institutions dans les pays développés et en développement.

Nous suggérons ici qu’il est important que la haute direction de l’institution reconnaisse et annonce officiellement la réussite de la transformation planifiée grâce à une bonne gestion et un processus de transformation qui a porté fruit. On peut alors annoncer que l’institution entre maintenant dans une nouvelle ère de son développement, mettant l’accent sur la bonne gouvernance fondée sur les TIC et la gestion de sa transformation continue. Nous ne détaillerons pas cette phase dans une section spécifique, car elle va au-delà du processus de transformation en soi. La transformation continue de l’institution est habituellement effectuée grâce à l’utilisation de méthodes de gestion du changement. De nombreuses méthodes de gestion du changement sont disponibles. Des exemples sont référencés dans le Guide du changement (Holman et al. 2009), documentant plus de 90 méthodes ou techniques pour la gestion du changement. Soulignons qu’une méthode de gestion du changement doit être personnalisée selon le contexte de l’institution pour être adaptée à sa culture, à ses pratiques de gestion, à la disponibilité des ressources humaines et à de nombreux autres facteurs.

Adopter ou développer une méthode de gestion du changement en l’adaptant au contexte de l’institution et en la mettant en œuvre avec succès est un projet à part entière, ou même une série de projets qui doivent être gérés avec soin (voir par exemple Leloup et al. 2008). Cela va au-delà de la portée de ce livre.

III. UN MODÈLE COMMUN DE PRÉSENTATION

Notre expérience de la gestion d’un certain nombre de projets ICT4D/e-gouvernement nous a conduits à identifier un ensemble d’éléments et d’étapes qui sont communs à toutes les phases de notre carte de route générique. Ce fut l’origine du modèle commun présenté dans cette section (Figure 6.2). Dans la figure 6.2, le grand rectangle arrondi représente le contenu d’une phase en termes de processus et d’activités. Il entoure les éléments qui sont inclus dans le modèle et se compose de deux parties divisées par la ligne pointillée en gras en haut du rectangle. Au cours des projets ICT4D/e-gouvernement que nous avons menés, nous avons observé que certains processus (supervision, formation, évaluation, communication) devraient toujours fonctionner en parallèle pendant toute la durée de chaque phase : ils sont représentés dans la partie supérieure du modèle (au-dessus de la ligne en pointillés gras). De plus, n’importe quelle phase contribue au processus de transformation de l’institution. Elle est représentée comme une série d’étapes coordonnées : elles sont représentées dans la partie inférieure du modèle (sous la ligne pointillée). La succession des étapes est représentée par des flèches de façon similaire à la carte de route générique.

Présentons les quatre principaux processus (montrés dans la partie supérieure de la figure 6.2) que nous proposons d’exécuter continuellement pendant chaque étape :

Le processus de supervision : Il est essentiel de superviser attentivement le processus de transformation au cours d’une phase en utilisant des techniques classiques de gestion et de suivi de projet (‘monitoring’), des techniques de gestion du changement, etc.;

Le processus de formation : Il est essentiel d’entrainer et d’accompagner les employés de l’institution, les gestionnaires et les équipes de développement;

Le processus de communication : Durant chaque phase, communiquer la progression du projet à toutes les parties prenantes est un élément très important. Un plan de communication doit être élaboré et soumis à la direction de l’institution. Des rapports sur les activités de communication devraient être régulièrement établis et présentés aux décideurs de haut niveau. Avoir un bon plan de communication peut aider à diminuer la résistance au changement de certains employés et peut motiver les autres à soutenir le projet;

Le processus d’évaluation : Le processus d’évaluation est essentiel tout au long du projet, pour mesurer et évaluer la progression des travaux effectués au cours de chaque phase, pour identifier les difficultés et les signaler à la direction de l’institution afin que les décisions appropriées soient prises en temps opportun et de manière informée en vue de l’achèvement de la phase et du lancement des phases ultérieures.

Figure 6.2 : Canevas générique de présentation des phases

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Maintenant, examinons les étapes qui caractérisent une phase (montrées dans la partie inférieure de la figure 6.2).

Le début d’une phase est représenté par le cercle bleu sur le côté gauche du rectangle global arrondi. Il déclenche la première étape de la phase appelée l’étape de lancement (PhS1). Cette étape lance la phase, définit et précise les objectifs de la phase, et veille à ce qu’elle puisse être effectuée en fonction des ressources disponibles et des délais prévus. La réussite de l’étape PhS1 déclenche les étapes PhS2 et PhS3, alors que si l’étape de lancement échoue, la phase est abandonnée (la flèche NO-GO sortant du losange attaché au rectangle représentant l’étape PhS1 dans la figure 6.2).

Soulignons que l’étape de lancement (PhS1) vise à fixer des objectifs clairs et des orientations pour la phase, et à identifier les moyens et les ressources pour atteindre ces objectifs dans des délais déterminés. Cela conduit naturellement à l’élaboration d’un plan pour la phase. Ce plan devrait être discuté et affiné avec les principaux décideurs et acteurs majeurs, avec leur approbation et leur soutien. Cela est essentiel pour le succès de la phase. Si l’équipe de projet échoue à parvenir à un accord avec les décideurs et les intervenants principaux par rapport au plan de la phase, une évaluation de cet échec doit être rapidement réalisée et les mesures qui s’imposent doivent être prises puisque ceci pourrait impliquer l’arrêt de la phase à ce stade-ci.

L’étape PhS2 garantit le maintien des conditions favorables tout au long de la phase. Cette question a déjà été discutée dans le chapitre V. Si, à n’importe quel moment, des conditions défavorables sont rencontrées, elles doivent être rapidement évaluées (étape PhS5) et si les décisions appropriées ne sont pas prises et des actions énergiques accomplies, la phase peut également être interrompue. Préserver des conditions favorables est fondamental pour que l’étape de production (PhS3) puisse être effectuée à temps et de façon efficace. Les livrables de la phase sont systématiquement évalués (losange attaché au rectangle de la PhS3) et des révisions peuvent être nécessaires (boucle de retour). Si les livrables sont acceptés, l’étape d’achèvement de la phase (PhS4) peut être lancée. Cette étape met à profit les résultats du processus d’évaluation pour évaluer le travail effectué au cours de la phase et pour fournir des recommandations pour la phase suivante. Un rapport de phase est présenté aux principales parties prenantes et aux décideurs. Ce rapport peut être accepté (éventuellement après quelques révisions - la boucle de rétroaction du losange du rectangle de PhS4). Une fois acceptée, la phase passe au déclenchement de la phase suivante du modèle (« symbole en forme porte logique » sur le côté droit du rectangle global arrondi). Si le rapport de la phase est rejeté par la direction de l’institution, une étape postmortem, Évaluation des causes de l’échec (PhS6), doit être rapidement déclenchée afin d’évaluer les causes de cet échec et de ce rejet. Cela conduit à l’interruption tardive de la phase et soulève un problème crucial à analyser par les gestionnaires de l’institution.

Dans les sections suivantes, nous décrirons plus en détails les différentes phases de l’approche proposée à l’aide de ce modèle. Le but de ces sections est de mettre en évidence les principales questions qu’un gestionnaire de projet doit garder à l’esprit lors du lancement et la gestion de chaque phase. Ces sections vont également fournir des lignes directrices basées sur notre expérience. Nous changeons aussi style de présentation de manière à faciliter la consultation de leur contenu par un chef de projet quand il/elle aura à créer et/ou ajuster la carte de route d’un projet particulier qu’il/elle aura à gérer. Ce contenu est essentiellement présenté comme des listes de contrôle, des questions, des conseils et des éléments à prendre en considération à chaque phase, étape et processus qui sont présentés dans la carte de route.

IV. LA PHASE PPT

Dans cette section, nous discutons des principales étapes (étape de lancement, étape de production, étape d’achèvement), des principaux processus (supervision, évaluation, formation), et des principaux éléments (conditions favorables, participation des champions, etc.) à prendre en considération dans le PPT. Dans le chapitre V, nous avons introduit la plupart des notions reliées à la description de PPT : les champions, les conditions (dé)favorables, la mission et la vision, l’ECE (Équipe Conseil Externe), l’EDE (Équipe de Développement Externe), le PSE (Processus de Suivi et d’Évaluation). Il faut également garder à l’esprit que le PPT est géré comme une expérience (voir le chapitre V pour plus de détails et justifications). Veuillez aussi vous référer aux concepts et notions introduits dans le chapitre V.

Objectifs et principaux acteurs du PPT

Le PPT a de nombreux objectifs qui peuvent être associés aux étapes principales de cette phase. D’où les recommandations suivantes :

• Obtenir un mandat clair avec une vision initiale (si possible), des objectifs, un budget et des échéances de la part des cadres supérieurs de l’institution qui soutiennent le projet.

• Former une équipe de projet dévouée soutenue par des champions enthousiastes et susciter et entretenir un esprit synergique et positif pour le projet et la transformation qui prend place dans l’institution.

• Créer une vision partagée sur la façon dont l’institution peut adapter ses structure/procédures/culture/gouvernance/communications/interactions intérieurement et extérieurement, et sur la façon qu’elle peut répondre aux forces qui motivent la transformation :

– La vision est reliée à la capacité de se projeter (les personnes en tant que groupe) dans le futur et d’imaginer à quoi ressemblera l’institution et comment elle fonctionnera lorsque la transformation aura été effectuée.

– Cela requiert des capacités visionnaires/créatives/intuitives de la part de l’équipe pilote et des champions de l’institution.

• Comprendre l’institution telle qu’elle est :

– Comprendre clairement l’institution actuelle (et son organisation) est très important à tous les niveaux : politique, de gestion, des processus d’affaires, de la culture, des relations groupeindividu, de la communication, des relations avec les acteurs externes, de la clientèle, du dynamisme et des forces du marché, du contexte réglementaire, etc.

– Diagnostiquer les problèmes, identifier les forces et les limites, identifier les forces internes et externes qui influencent l’institution

– Identifier les ressources disponibles (personnes, matériel, budgets, etc.) et les zones où les ressources sont insuffisantes/nécessaires

– Partager cette compréhension en vue de fournir aux intervenants une « compréhension situationnelle » (‘situational awareness’)

• Comprendre les possibilités offertes par les TIC et les approches de gestion de changement, par rapport à la gouvernance et à la réingénierie des processus d’affaires dans le contexte de cette institution et de ses besoins actuels.

• Sensibiliser les décideurs de haut niveau, les champions, les intervenants et l’équipe de pilotage en regard de la situation actuelle de l’institution et des possibilités de la modifier par la réingénierie, la gestion du changement, l’introduction des TIC et l’induction de changements organisationnels/culturels :

– A ce stade, vous atteindrez une « compréhension commune de la situation ».

– Vous augmenterez également l’enthousiasme des champions, des acteurs principaux et de l’équipe pilote (vous augmenterez leur « énergie »), mais sachez que vous augmenterez aussi les attentes.

• Créer/affiner une vision actualisée du projet et identifier les retombées attendues

– Il s’agit d’une étape très créative où « les premières orientations données pour concevoir la solution » sont créées/améliorées (co-créées et partagées avec les parties prenantes concernées et les champions).

• Proposer une solution (c’est-à-dire le matériel et réseau, les logiciels, les procédures de gestion, les relations avec la clientèle, etc.) qui soutiendra le processus de transformation et de mise en œuvre d’une approche ICT4D/e-gouvernement, en utilisant les technologies appropriées (TIC) et en tenant compte de la vision du projet, ainsi que des besoins de l’institution et de ses contraintes.

• Evaluer en permanence la solution évolutive et le processus du PPT (en utilisant le PSE : Processus de Suivi et d’Évaluation) pour produire des données et des rapports d’étape qui soutiendront facilement et efficacement le processus de décision (pour les décideurs de haut niveau, les gestionnaires et les acteurs critiques).

• Permettre aux cadres supérieurs d’évaluer et de décider si cette expérience répond à leurs objectifs et peut être utilisée comme une base pour mener à bien le processus qui mènera à la transformation effective de l’institution en entier

Cet objectif assure que la phase du PPT se terminera bien et nous l’espérons, conduira à lancer la phase suivante.

Rappelons (voir chapitre V) que les principaux acteurs de cette phase sont :

• Les décideurs de haut niveau et les champions.

• Le champion du PPT et l’équipe pilote (champions choisis parmi les gestionnaires et les employés) :

– L’équipe pilote est formée de gestionnaires sélectionnés et d’employés qui ont les compétences, la motivation et le temps de travailler dans le PPT.

– L’équipe pilote est appuyée par l’ECE et l’EDE.

• L’équipe conseil externe (ECE) qui fournit :

– Des experts ayant une bonne expérience des projets ICT4D/e-gouvernement et des approches de gestion de transformation.

– Des animateurs et des formateurs

– Un spécialiste en organisation et changements sociaux et une personne de communication (qui jouera le rôle de liaison entre les divers intervenants).

• L’équipe de développement externe (EDE), qui fournit :

– Des gestionnaires/des architectes/des analystes, des concepteurs et des développeurs/des spécialistes en assurance qualité, lorsque la solution initiale basée sur les TIC sera construite au cours du PPT.

Étapes du PPT

La figure 6.3 montre le modèle de la carte de route associée à la phase de PPT. Elle adapte la description faite à la section 3 de ce chapitre). Dans la suite nous discutons certains éléments de cette figure.

L’étape de lancement du PPT

Pour démarrer le PPT et créer des conditions favorables, les décideurs de haut niveau de l’institution doivent :

• Décider officiellement de lancer le PPT;

• Identifier des objectifs clairs pour le PPT et créer des conditions favorables pour son déroulement;

• Désigner un champion et lui donner la responsabilité de la gestion du PPT et de l’équipe pilote.

• Créer la cellule pilote et lui affecter les personnes (leur attribuer officiellement des responsabilités et des moyens/ressources adéquats), et par conséquent, créer l’équipe pilote, et

• Annoncer officiellement le lancement du PPT et la création de la cellule (équipe) pilote, leurs objectifs et les conditions d’opération.

Figure 6.3 : Le modèle de la phase PPT

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Le champion du PPT gère le PPT, rend-compte aux décideurs de haut niveau et s’assure que les conditions favorables sont préservées tout au long de la phase. L’objectif du PPT est de développer et tester une solution fonctionnelle pour atteindre les objectifs fixés par les décideurs de haut niveau, en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une expérience qui peut produire des résultats qui ne sont que partiellement satisfaisants. Nous recommandons la création officielle de l’Équipe de gestion du PPT, composée du champion du PPT et des responsables des équipes pilote, ECE et EDE. Il est important de créer une telle équipe de gestion du PPT afin de coordonner l’ensemble du projet et de prendre des décisions opportunes en accord avec les décideurs de haut niveau de l’institution.

Les conditions favorables doivent être maintenues aux différents niveaux (politique et de gestion) tout en assurant la disponibilité des ressources financières. Il est du devoir de l’Équipe de gestion du PPT et des autres champions impliqués d’assurer que les conditions restent favorables. Les membres séniors de l’équipe de soutien externe (l’ECE) doivent être impliqués dès le début du PPT (dans le cadre d’un projet de développement international financé, les agences internationales exigeront certainement que l’ECE soit fonctionnelle dès le début du projet). C’est un problème crucial puisque les orientations principales seront établies et les actions stratégiques les plus importantes seront posées au cours des premiers mois du PPT. Les conseillers de l’ECE devraient être impliqués dans l’identification, la sensibilisation des champions, la création et le raffinement de la vision du projet, la mise en place de la structure du projet et l’approche de gestion, dans l’évaluation de l’avancement du projet (les rapports du processus PSE devraient être évalués par les conseillers de l’ECE). Gardez à l’esprit que la dimension humaine est la plus critique dans ces projets.

Au lancement du PPT l’équipe pilote, l’ECE et des champions compétents doivent commencer à créer la vision du projet. Il s’agit d’un « point de vue conceptuel » concret de la situation future envisagée pour l’institution en termes d’une « image conceptuelle » qui fournira des orientations pour définir les nouveaux processus d’affaires, les nouveaux services internes et externes, la nouvelle gouvernance, la nouvelle culture, les nouveaux modes d’interaction (à la fois interne et externe).

Les principaux résultats attendus (livrables) de l’étape de lancement du PPT sont les suivants :

• Une présentation de la vision du projet

• Un plan de travail pour la phase pilote et l’identification des ressources nécessaires

• Une liste claire de retombées attendues

• Un ensemble d’indicateurs pour mesurer la réalisation des objectifs du projet et l’obtention des résultats et des retombées

• Une carte de route pour la phase du PPT et un calendrier de réalisation.

Ces livrables doivent être présentés et discutés avec les principaux acteurs (essentiellement les cadres supérieurs et les champions influents des institutions). Ils seront revus et améliorés jusqu’à ce que les principales parties prenantes parviennent à un accord.

L’étape de production du PPT

Ce processus est itératif. Les principales activités de l’étape de production du PPT sont les suivantes :

• Planifier les itérations de l’étape de production du PPT et attribuer des responsabilités à l’équipe pilote, à l’ECE et à l’EDE

• Réaliser l’analyse des besoins : concevoir les nouveaux processus opérationnels

• Concevoir une architecture conceptuelle pour gérer le système d’information

• Élaborer des prototypes d’interfaces du système pour montrer ce à quoi le système va ressembler et valider les interfaces et les flux de travail (‘work flows’) avec les intervenants concernés

• Développer le système prototype (développement de l’application, développement des bases de données, intégration et tests)

• Le système prototype est présenté aux différents intervenants concernés qui l’utilisent, le testent et proposent des améliorations

Répéter les activités ci-dessus si nécessaire jusqu’à la satisfaction complète des parties prenantes ou une fois que la date limite de production du PPT est atteinte. Cette étape de raffinement est très importante car elle permet :

• D’adapter la solution à la réalité de l’institution et des gens;

• D’obtenir l’approbation, l’appui et l’enthousiasme des champions/intervenants principaux; et

• « D’augmenter les énergies » pour préparer la création des versions pilotes de la solution

Le système prototype et les flux de travail associés sont documentés et testés dans un contexte réel avec des intervenants choisis et une enquête est effectuée pour obtenir leur rétroaction :

• Un rapport est préparé, incluant une discussion sur la façon dont le système prototype et les flux de travail associés (structure organisationnelle, procédures, etc.) atteignent les objectifs fixés pour la phase pilote, remplissent les objectifs généraux du PPT, et comment ils contribueront à la réalisation des retombées attendues par les décideurs de haut niveau;

• Les problèmes, les lacunes, les limites, et d’autres améliorations sont exposés;

• Les recommandations pour la poursuite du projet sont présentées.

Les livrables de cette étape incluent la vision actualisée, l’image globale du projet, les prototypes logiciels, les retombées escomptées, les indicateurs et mesures choisis, le plan d’action et la carte de route, la liste des ressources et le calendrier (avec les échéances). Tous ces livrables sont présentés de manière informelle par l’équipe pilote aux décideurs/champions de haut niveau ainsi qu’à d’autres champions et intervenants choisis.

La vision, l’image globale du projet et les retombées du projet pilote doivent être soigneusement examinées afin que tous les acteurs concernés aient une chance d’influencer leur contenu, de telle sorte que la solution proposée puisse tenir compte de la vision commune de la solution ciblée.

L’étape de clôture du PPT

Les résultats du PPT et le système prototype sont présentés officiellement à tous les intervenants et aux champions/décideurs impliqués dans le PPT. Une rétroaction est demandée, reconnue et enregistrée pour obtenir toutes les informations possibles afin d’améliorer la solution proposée. À ce stade, des ajustements mineurs sont généralement nécessaires puisque les raffinements principaux et les ajustements ont été réalisés au cours de l’étape de production du PPT, avec la participation de certains intervenants sélectionnés et des champions, représentant les gestionnaires, les employés et les décideurs de l’institution.

Une décision de GO/NO-GO est prise à ce point et peut conduire à plusieurs situations :

1. Si l’expérience n’est pas considérée comme un succès complet et doit être encore plus affinée dans un délai précis (les objectifs pourraient également être affinés) : nous retournons à l’étape de production du PPT.

2. Si l’expérience est considérée comme un échec partiel et si une nouvelle expérience doit être lancée. La décision appropriée doit être prise pour lancer une autre expérience afin de tirer parti des leçons apprises. Puis le processus du PPT recommence depuis l’étape de lancement.

3. Si l’expérience est considérée comme un échec complet :

– L’évaluation des raisons de l’échec est faite pour être prises en compte au cours d’actions futures à poser (c’est similaire à un rapport post-mortem de l’expérience).

– Le PPT (et l’ensemble du projet) est arrêté à ce stade.

4. Si l’expérience est considérée comme un succès complet :

– Le feu vert est donné pour poursuivre le projet de transformation à plus grande échelle vers la création et la production du nouveau système et la mise en place de nouvelles procédures (gestion, flux de travail, formation, etc.) qui seront mises en œuvre dans une partie de l’institution sous des conditions favorables qui doivent être clairement spécifiées (y compris les ressources suffisantes et le soutien politique). Cela va mener à la phase suivante : la phase DDESL (voir Section V de ce chapitre).

Dans le cas du GO, les ressources doivent être identifiés, et affectées à la prochaine phase du projet de transformation (la phase DDESL). La vision et l’image globale du projet doivent être diffusées largement à l’intérieur et à l’extérieur de l’institution, en fonction de l’image que la haute direction veut projeter à cette étape du changement organisationnel. C’est la dernière action de communication pour le PPT, mais la communication continuera durant les phases suivantes du projet.

Les processus du PPT

Supervision/Surveillance

Des techniques de gestion rigoureuses doivent être appliquées au cours de cette phase par le champion du PPT et les équipes impliquées (pilote, ECE, EDE). Il est également conseillé de créer de façon formelle un Comité Directeur du Projet de Transformation, composé de hauts gestionnaires clés et de certains de leurs superviseurs (des politiciens), du Champion du PPT et des responsables de l’ECE et l’EDE. Le Comité Directeur a la responsabilité de prendre des décisions stratégiques liées au projet de transformation dans son ensemble et au PPT en particulier.

Formation

Deux aspects fondamentaux doivent être considérés dans ce processus :

• D’abord, au niveau du renforcement des capacités, les membres de l’équipe d’ECE et d’EDE doivent se familiariser avec le contexte de l’institution (politique, économique, managérial, culturel, etc.). Le champion du PPT et les responsables de l’ECE doivent identifier les acteurs clés (représentants des usagers, gestionnaires, etc.) pour les impliquer activement dans cette phase pilote. Le Champion du PPT et les membres de l’ECE doivent sensibiliser et former les acteurs sélectionnés pour leur permettre de participer activement au PPT.

• Par la suite, en relation avec la capacités des personnes à être autonomes dans leur travail, des actions doivent être prises par les gestionnaires cadres et les champions de l’institution pour donner de manière formelle aux personnes (employés et gestionnaires) les capacités et les responsabilités pour remplir les objectifs reliés au projet qui leur sont assignés. Le Champion du PPT et l’ECE doivent être conscients de ce problème qui pourrait être critique puisque les décideurs de haut niveau ne sont pas souvent sensibilisés à l’importance de l’exécution de ces actes officiels de manière opportune.

Evaluation

Rappelons-nous que le processus de suivi et d’évaluation (PSE) devrait être effectué en parallèle avec le PPT dans le but d’observer le PPT à partir d’un point de vue externe (voir chapitre V). Le PSE est généralement réalisé par l’ECE. Puisque le PPT est une expérience en vue de trouver une solution à la transformation que l’institution envisage d’entreprendre, les résultats et retombées du PPT doivent être évalués, ainsi que le processus de transformation qui a lieu pendant l’expérience. Dans un projet ICT4D/e-gouvernement, il est important d’observer, de surveiller et d’évaluer le processus du PPT à tous les niveaux (politique, organisationnel, managérial, technique, financier, social) puisque cette observation et cette surveillance (‘monitoring’) fournissent une mine d’informations essentielles sur la manière dont les personnes, les groupes et les institutions réagissent aux changements qui s’opèrent au cours du PPT. Un tel processus de suivi et d’évaluation est également très utile pour identifier et confirmer la participation, l’engagement et l’enthousiasme des individus (à l’intérieur et l’extérieur de l’institution) qui sont des acteurs clés (les champions et les principaux acteurs concernés) pour le succès du PPT, ainsi que pour le processus d’évaluation dans son ensemble.

Par conséquent, il est nécessaire de lancer le PSE le plus tôt possible au cours du PPT et d’utiliser une méthode systématique d’évaluation du PPT et d’évaluer la façon dont la solution développée peut influencer l’institution. Dans ce livre, nous recommandons d’utiliser une approche d’analyse des retombées (voir le chapitre IV) que nous avons raffinée et appliquée avec succès dans le projet eFez (Voir le chapitre VII).

Communication

Communiquer l’avancement du projet à tous les intervenants est très important. Toutefois, dans une institution gouvernementale locale, il n’y a généralement pas de ressources humaines disponibles et qualifiées pour de telles activités de communication reliées au projet. En outre, peu de gestionnaires et de décideurs dans ces institutions sont conscients de l’importance de ces actions de relations publiques quand il s’agit d’un projet interne. Par conséquent, au cours du PPT, un membre de l’ECE doit être affecté à ces activités de communication. Un plan de communication doit être élaboré et soumis au Champion du PPT qui en discutera avec l’équipe pilote, l’ECE et les intervenants clés, avant qu’il soit soumis pour approbation aux décideurs de haut niveau. Une fois approuvé, il devrait être mis en œuvre et on doit en faire le suivi comme pour n’importe quel autre sous-projet. Les effets des différentes activités de communication doivent être enregistrés et évalués afin de mesurer leur impact sur le personnel de l’institution. Des rapports sur les activités de communication devraient être régulièrement établis et présentés aux décideurs de haut niveau. Avoir un bon plan de communication peut aider à diminuer la résistance au changement de certains employés et peut motiver les autres à soutenir le projet. Il s’agit généralement d’un bon investissement ! Par conséquent, le budget du PPT doit tenir compte du fait que des ressources devraient être consacrées pour soutenir les activités de communication.

V. LA PHASE DDESL

Dans cette section, nous décrirons les principales étapes (étape de lancement, étape de production, étape de fermeture), les principaux processus (supervision, évaluation, formation), et les principaux éléments (les conditions favorables, la participation des champions, etc.) à considérer au cours de la phase DDESL.

Objectifs et acteurs principaux de la phase DDESL

En profitant des résultats du PPT, les objectifs de la phase DDESL sont de :

• Créer, déployer et évaluer le nouveau système ICT4D/e-gouvernement et l’organisation associée (ce que nous appelons la Solution Locale) dans une partie significative et bien-choisie de l’institution (que nous appelons le secteur DDESL).

• Évaluer les résultats et les effets du déploiement de la solution locale pour préparer la généralisation de la solution à l’ensemble de l’institution et fournir des recommandations pour la prochaine phase de généralisation.

• Renforcer l’équipe pilote qui devient l’EAT (l’Équipe d’Accompagnement de la Transformation) et la préparer à soutenir la transformation pendant tout le projet.

Au cours de la phase DDESL, les principaux intervenants du PPT restent généralement très impliqués dans le projet. Puisque le PPT est un succès, ils sont toujours enthousiastes et pleins d’espoir par rapport à la transformation qui est en train de se produire dans leur institution. Par conséquent, on voit habituellement très peu de changement dans les rôles des champions de haut niveau (cadres supérieurs). Habituellement, le champion du PPT reste en charge de la gestion de la phase DDESL, et est maintenant appelé le champion DDESL. Ce champion DDESL travaillera encore en étroite collaboration avec les équipes de support (ECE et EDE) qui sont également élargies au besoin.

L’équipe conseil externe (ECE) rassemble encore :

• Les experts expérimentés dans les projets ICT4D et les approches de gestion de transformation, et ils jouent généralement des rôles de conseillers, de facilitateurs et de formateurs

• Un chercheur dans les aspects organisationnels et sociaux et une personne de communication (liaison)

L’équipe de développement externe (EDE) fournit encore :

• Des personnes expérimentées qui jouent les rôles de gestionnaire de projet, d’architecte, d’analystes, de concepteurs, de développeurs et de responsables de la qualité qui soutiennent le développement, le déploiement et la maintenance de la nouvelle solution logicielle (La solution DDESL).

Nous suggérons que l’équipe pilote du PPT se transforme et se renomme la EAT (Équipe d’Accompagnement de la Transformation). Selon notre expérience, ce changement de nom apparemment mineur correspond à un changement organisationnel important, même si elle n’est pas mentionnée dans la littérature. En effet, au cours du PPT, l’équipe pilote était composée de gestionnaires et d’employés « pionniers » : des personnes dévouées et enthousiastes qui croyaient que l’institution était en mesure de passer de son état fossilisé et archaïque à un mode de fonctionnement et de gouvernance dynamique et moderne. Cependant, au cours de la phase DDESL, l’équipe pilote sera élargie à de nouveaux gestionnaires et employés coopérant pour participer à la transformation des opérations dans leurs secteurs respectifs. Aussi, dans le but de commencer à préparer l’institution à la transformation significative qu’elle subira dans les années à venir, nous recommandons de changer officiellement le nom de cette équipe élargie et de l’appeler l’Équipe d’accompagnement de la transformation (EAT). La modification de nom est symbolique mais significative pour des projets ICT4D/e-gouvernement, non seulement pour reconnaître le rôle important joué par les personnes engagées dans le projet, mais aussi pour sensibiliser les gestionnaires de haut niveau sur l’importance de cette EAT qui appuie et soutient la transformation. Comme nous le verrons dans les deux prochaines sections, il s’agit d’un défi majeur pour assurer le succès du projet à long terme. De cette façon, toutes les parties prenantes pourront prendre conscience du changement de rôles des membres de l’équipe pilote au cours de cette phase cruciale.

De plus, au-delà du changement du nom, l’ancienne équipe pilote a besoin de « muter » lors de la phase DDESL en subissant elle-même une transformation qui va la préparer pour la prochaine phase de généralisation du projet de transformation.

S’appuyant sur l’expérience réalisée durant la phase du PPT, le projet s’oriente vers la création d’une solution opérationnelle, mise en œuvre, déployée et évaluée dans une partie sélectionnée de l’organisation : le secteur DDESL. Après l’achèvement réussi de la phase DDESL et la décision GO des décideurs de haut niveau de passer à la phase de généralisation (voir la section suivante), l’étendue de la transformation sera considérablement élargie et affectera finalement toutes les parties de l’institution. Par conséquent, on aura un besoin urgent de ressources humaines supplémentaires pour mener la formation et pour encadrer les employés et gestionnaires de l’institution qui devront acquérir de nouvelles compétences et savoir-faire (les nouvelles procédures, le nouveau système basé sur les TIC, les nouveaux flux de travail, les nouvelles relations et responsabilités). Aussi, les personnes capables et dévouées qui ont été activement impliquées dans les premières phases du processus de transformation (PPT et la phase DDESL) seront sollicitées pour partager leur expérience et leur savoir-faire avec les autres employés. Certaines d’entre elles pourront devenir des accompagnateurs (‘coach’) et des formateurs. Mais, une telle transformation dans ces rôles demande du temps.

Nous recommandons donc que les employés et les gestionnaires sélectionnés soient préparés et motivés pour ces futurs rôles le plus tôt possible dans le processus de transformation. C’est pourquoi nous recommandons la création et la formation de l’EAT pendant la phase DDESL.

En outre, nous suggérons que l’EAT se compose de deux souséquipes : une équipe de soutien technique et une équipe de formateurs. Ces sous-équipes devront apprendre à collaborer et être formées et encadrées par les équipes ECE et EDE :

• L’Équipe de Soutien Technique (EST) est composée d’employés sélectionnés, compétents et motivés qui devront traiter tous les problèmes techniques liés au fonctionnement du nouveau système (le logiciel, le matériel, les fournitures comme le papier, l’encre, etc.)

• L’Équipe de Formateurs (EF) doit être créée quand il y a un grand nombre d’employés à former. Cette équipe devra former tous les fonctionnaires (les gestionnaires et les employés) qui appliqueront les nouvelles procédures administratives et utiliseront le système automatisé de la solution proposée.

• Dès que les sous-équipes EST et EF ont plus de deux membres, l’un des membres de l’équipe devrait prendre la responsabilité de coordonner le travail de la sous-équipe. On nomme alors les responsables des sous-équipes EST et EF.

Dans de nombreux cas le noyau initial des personnes participant à ces deux sous-équipes a déjà été membre de l’équipe pilote. Mais, ces sous-équipes ont besoin d’être rapidement élargies en accueillant de nouvelles personnes capables et motivées. Il s’agit d’un défi majeur dans le contexte des institutions gouvernementales locales dans les pays en développement qui ne disposent pas habituellement de personnel suffisamment formé.

Nous recommandons aussi la création officielle de l’équipe de direction DDESL, composée du champion DDESL et des responsables des équipes EAT, ECE et EDE. Il est important de créer une telle équipe de direction du projet afin de coordonner l’ensemble du projet et de prendre des décisions rapides en accord avec les décideurs de haut niveau de l’institution.

Étapes de la DDESL

Avant de passer à la présentation détaillée des principales étapes et des processus de la phase DDESL, examinons son modèle global (figure 6.4). Nous avons identifié chaque étape de cette phase avec les identifiants commençant par DDESL. Par conséquent, DDESL-S1 est l’étape de lancement, la première étape de la phase.

Figure 6.4 : Cadre de la phase DDESL

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Le lancement

Rappelons-nous que, pour chaque phase de notre carte de route (roadmap), l’étape de lancement vise à mettre en place des objectifs et des orientations clairs pour la phase, et à identifier les moyens et les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs dans un délai adéquat. Cela conduit naturellement à l’élaboration d’un plan pour la phase. Ce plan devrait être discuté et affiné avec les décideurs et intervenants principaux afin d’obtenir leur approbation et leur soutien. Cela est essentiel pour le succès de la phase. Si l’équipe de gestion DDESL échoue à parvenir à un accord avec les décideurs et les intervenants principaux relativement au plan de phase DDESL, une évaluation de cet échec devrait être rapidement faite et les mesures appropriées doivent être prises car cela peut impliquer l’arrêt de la phase à ce point.

Évidemment, de nombreux éléments organisationnels qui ont été considérés au cours du PPT continuent de s’appliquer pendant la phase DDESL : le maintien des conditions favorables, la participation des champions et des intervenants principaux, la mise à jour et le partage de la vision du projet, la planification et le suivi minutieux du projet, l’implication des équipes ECE et EDE, l’évaluation de l’évolution du projet par rapport aux principes de bonne gouvernance, etc.

D’autres problèmes augmentent en criticalité comme l’identification et la formation d’employés motivés et compétents qui se joindront à l’EAT et la préparation de programmes de formation efficaces et appropriés. Certains de ces problèmes peuvent devenir de véritables défis/enjeux pour la réussite du projet et doivent être soigneusement examinés.

On doit prêter une attention particulière au fait que la vision du projet peut changer, au moins légèrement, lorsqu’on passe du PPT à la phase DDESL. Ceci est normal et devrait être prévu alors que maintenant les décideurs de haut niveau, les champions et les équipes ECE et EAT ont une compréhension meilleure et plus claire de la situation de l’institution et de ses réactions au changement. L’équipe de gestion DDESL devrait prendre soin d’impliquer tous les intervenants principaux dans la mise à jour de la vision du projet, de sorte qu’ils se l’approprient et, par conséquent augmentent leur soutien à la transformation de l’institution.

Le plan du développement des logiciels pour la phase DDESL devrait être fixé au démarrage de cette phase, suivi et révisé tout au long de la phase. Les progrès doivent être suivis et des décisions et actions appropriées doivent être prises pour répondre aux questions et aux problèmes qui surgiront inévitablement au cours du développement de la solution locale (le logiciel et les flux de travail).

L’étape de production

Soulignons que même si la solution DDESL est développée dans le même secteur de l’institution dans lequel le PPT a été réalisé, l’équipe de gestion DDESL devrait veiller à ne pas essayer de reproduire la solution du PPT en tant que telle dans le secteur DDESL sans évaluer si elle est applicable à cette partie de l’institution. En effet, des stratégies différentes ont pu être explorées au cours du PPT pour trouver une solution aux problèmes de l’institution. Étant donné que l’expérience a été réalisée dans la cellule pilote, qui était une petite partie de l’institution, de nouveaux facteurs et des éléments qui n’ont pas été envisagés pourraient survenir quand on considère une plus grande partie de l’institution. Par conséquent, le développement de la solution DDESL pour le secteur DDESL peut différer significativement de la solution du PPT.

L’étape de clôture

Dans la phase DDESL, l’étape de clôture vise à reconnaître officiellement l’achèvement et le déploiement de la solution DDESL. Il s’agit d’une évaluation des résultats et des retombées de la solution pour le secteur DDESL choisi de l’institution. Cette évaluation doit être faite avec soin par l’équipe ECE avec des intervenants clés sélectionnés (en particulier les membres de l’EAT et le champion DDESL). Le rapport d’évaluation doit présenter clairement les résultats de cette évaluation avec des recommandations proposées pour la prochaine phase, qui vise à généraliser la solution à l’ensemble de l’organisation. Il s’agit d’une étape cruciale qui prend du temps !

En effet, les résultats de cette évaluation et les recommandations associées sont présentés aux décideurs de l’institution et discutés avec les champions et les intervenants clés sélectionnés. La stratégie de généralisation et le plan à réaliser dans la prochaine phase (la phase DDESG) sont discutés et ajustés et si toutes les conditions favorables sont satisfaites, le GO pour la généralisation peut être donné par les décideurs de haut niveau.

Dans certains cas, le développement de la solution DDESL peut entraîner un échec (partiel ou total). Cet échec doit être soigneusement analysé et les raisons expliquées afin que l’institution puisse en tirer des leçons. Dans d’autres cas, l’institution pourrait ne pas été prête à étendre la solution locale pour une variété de raisons (le manque de volonté politique et institutionnelle pour mener la transformation dans d’autres secteurs de l’institution, l’insuffisance des ressources financières et humaines, etc.). Consulter la section II pour plus de détails.

Processus de la phase de DDESL

Processus de supervision

Comme dans chaque phase du projet, des techniques de gestion rigoureuses doivent être appliquées au cours de cette phase par le champion DDESL et les équipes impliquées (EAT, ECE, EDE). Le Comité Directeur du Projet de transformation peut être changé (ou élargi) afin de refléter les intérêts des différentes parties de l’institution impliquées dans la phase DDESL.

Rappelons que ce conseil est composé de certains des principaux décideurs de haut niveau et de certains de leurs superviseurs (les politiciens), du champion DDESL et des responsables des équipes EAT, ECE et EDE. Le Conseil est chargé de prendre les décisions stratégiques liées au projet de transformation dans son ensemble et à la phase DDESL en particulier.

Suivre avec attention le déploiement de la solution est également une activité critique pour cette phase. Au cours du déploiement de la solution dans le secteur DDESL, une attention particulière doit être portée à des questions nouvelles qui pourraient survenir lorsque les nouvelles parties de l’institution expérimentent le processus de transformation, en particulier dans le cadre des projets ICT4D/e-gouvernement dans les pays en développement, où rien ne devrait être pris pour acquis. Ainsi, dans chaque partie de l’institution où la solution est implémentée ou déployée :

• L’infrastructure doit être mise en place et rendue opérationnelle

• La solution logicielle doit être installée et testée afin de s’assurer qu’elle est opérationnelle

• Les utilisateurs doivent être sensibilisés avant le déploiement du système.

Lorsque le système est opérationnel, les utilisateurs (les fonctionnaires) doivent être formés par les formateurs de l’EAT, puis encadrés au cours de leur utilisation effective du système. De nouvelles procédures et comportements avec la clientèle (les citoyens, les clients) doivent être expliqués et mis en œuvre effectivement dans un nouvel esprit (par exemple, en insistant sur la satisfaction à donner au client).

Les clients (les citoyens) doivent être introduits à la nouvelle façon d’accéder aux services de l’institution (éventuellement l’utilisation des outils logiciels et du matériel comme un kiosque ou les services en ligne).

Il faut effectuer une évaluation de la solution et de son déploiement, et enregistrer les réactions des utilisateurs (les fonctionnaires), des gestionnaires et des clients (les citoyens). Des enquêtes doivent être menées par des individus indépendants (travaillant habituellement sous la supervision de l’ECE) et les résultats devraient permettre de mesurer le degré de satisfaction des clients de l’institution et des employés, tout en rassemblant des suggestions (les problèmes identifiés, les améliorations suggérées, etc.).

Les membres de l’équipe de soutien technique (EST) et de l’équipe de formateurs (EF) doivent être « habilités » (en leur donnant des rôles officiels, des responsabilités, des incitatifs) par les décideurs de haut niveau et leurs rôles et responsabilités doivent être officiellement communiqués à l’institution. C’est souvent un défi dans les administrations locales des pays en développement où on relève une inertie administrative importante.

Des ressources appropriées doivent être attribuées aux différentes équipes et aux parties de l’institution impliquées dans le processus de transformation afin de mener à bien les opérations liées à la nouvelle solution basée sur les TIC. Ce changement dans le budget et l’affectation des ressources doit être reconnu et approuvé par les décideurs de haut niveau et les gestionnaires de l’institution.

Processus d’évaluation

Rappelons que le processus de suivi et d’évaluation (PSE) devrait être mené en parallèle avec les étapes de la phase DDESL et vise à en observer les progrès à partir d’un point de vue externe. Le PSE est généralement effectué par l’ECE. Suivant le PPT, la phase DDESL se concentre sur la création et le déploiement d’une solution qui est adaptée aux parties sélectionnées de l’institution. Aussi, les résultats et retombées du DDESL doivent être évalués, ainsi que le processus de transformation qui a lieu pendant le déploiement et l’utilisation de la solution dans le secteur DDESL. Dans un projet ICT4D/e-gouvernement, il est important d’observer, de faire le suivi et d’évaluer le processus DDESL à tous les niveaux (politique, organisationnel, managérial, technique, financier, social), car cette observation et ce suivi fournissent des informations critiques sur comment les personnes et les groupes concernés réagissent aux changements qui se produisent. Un tel processus de suivi et d’évaluation peut également identifier et confirmer l’implication, l’engagement et l’enthousiasme des gens de l’intérieur et de l’extérieur de l’institution qui sont des acteurs clés (les champions et les principaux intervenants impliqués) pour le succès de la phase DDESL, ainsi que pour le processus de transformation dans son ensemble.

À la fin de la phase DDESL, il est également important d’évaluer la solution implémentée en regard de la possibilité de la déployer dans l’ensemble de l’organisation. Tel est l’objectif principal de l’étape de clôture de cette phase en lien avec le processus d’évaluation. La question du déploiement de la solution dans toute l’organisation n’est pas triviale.

La capacité de la solution locale à soutenir les opérations globales de l’organisation doit être évaluée et de nouveaux problèmes potentiels pourraient être identifiés. Voici quelques questions à prendre en considération :

• L’architecture du système de la solution locale peut-elle être adaptée pour soutenir l’organisation dans son ensemble?

• Quelles sont les adaptations à effectuer? Est-ce que cela nécessite une réingénierie de la solution logicielle? Y a-t-il de nouveaux besoins en matériel et en connectivité? De nouveaux besoins en ressources humaines, des budgets additionnels, etc.?

Ces questions seront examinées dès le début de la phase de DDESG. Profitant de l’analyse des résultats de la phase DDESL et des leçons apprises au cours de cette phase, les équipes EAT et ECE devraient également préparer une vision actualisée du projet pour préparer la création de la solution généralisée.

Processus de communication

Le processus de communication de la phase DDESL est la continuation du processus de communication de la phase du PPT, mais sur une plus grande échelle. Par conséquent, le plan de communication doit être mis à jour et les ressources adéquates doivent être allouées avec le soutien et l’approbation des gestionnaires de haut niveau.

Processus de formation

Les membres de l’Équipe de Soutien Technique (EST) doivent être formés et soutenus par certains membres de l’équipe de développement externe (EDE) afin d’apprendre leurs tâches et de développer les compétences requises pour faire face à tous les problèmes techniques liés à l’exploitation du nouveau système (les logiciels, le matériel, la papeterie comme le papier, l’encre) qui est déployé dans la partie de l’institution impliquée dans la phase DDESL.

Les membres de l’Équipe de Formateurs (EF) doivent être formés par certains membres de l’ECE (formateurs/facilitateurs) pour devenir des formateurs locaux de l’institution. Ils seront d’abord formés pour utiliser parfaitement le système et seront impliqués dans le développement et l’utilisation du nouveau logiciel et des nouveaux flux de travail. Une partie complémentaire et importante de leur formation sera de développer le matériel de formation pour former les futurs utilisateurs du nouveau système et des procédures associées (‘workflows’). Ce développement du matériel pédagogique est également effectué sous la supervision des membres de l’ECE (les formateurs/facilitateurs) qui fourniront un appui supplémentaire (le coaching) aux membres de l’EF quand ils formeront les employés de l’institution, au moins pendant les premières sessions de formation.

VI. LA PHASE DDESG

Dans cette section, nous décrivons les étapes principales (l’étape de lancement, l’étape de production, et l’étape de clôture), les principaux processus (la supervision, l’évaluation, la formation), et les principaux éléments (les conditions favorables, la participation des champions, etc.) qui doivent être pris en compte dans la phase DDESG.

Objectifs et intervenants de la DDESG

Voici les objectifs principaux de la Phase DDESG :

• Étendre la solution locale à l’ensemble de l’institution

• Aider l’institution dans son ensemble à entreprendre sa transformation dans les meilleures conditions possibles.

Soulignons un aspect pratique lié aux champions et aux intervenants clés qui ont été activement impliqués dans le projet ICT4D/e-gouvernement au cours du PPT et de la phase DDESL : certains d’entre eux pourraient quitter l’institution ou changer de rôles. De tels changements pourraient se produire lorsqu’un projet ICT4D/e-gouvernement dure pendant plusieurs années. Cela peut avoir un impact significatif sur le succès ou l’échec de cette phase qui peut aussi nécessiter plusieurs années pour être complétée. Par conséquent, il peut être nécessaire d’identifier dans la haute direction de nouveaux champions qui seront désireux d’appuyer le processus de transformation dans l’institution dans son ensemble. Comme on l’a mentionné précédemment, le soutien apporté par les champions (les principaux décideurs de haut niveau, les gestionnaires et les employés) à tous les niveaux de l’institution est l’un des facteurs de réussite les plus importants des projets ICT4D/e-gouvernement.

Avec un peu de chance, le Champion de DDESL restera en charge de la gestion de la phase DDESG et devient le champion DDESG. Il/elle travaillera toujours en étroite collaboration avec les équipes de support (EAT, ECE et EDE) qui sont également élargies au besoin. Mais dans certains cas (notamment pour des raisons stratégiques et/ou politique), le rôle du Champion du DDESG pourrait être attribué à une nouvelle personne ou même à un nouveau groupe de personnes. Dans un tel cas, le champion du DDESL et l’EDE doivent soigneusement sensibiliser et former ces personnes afin qu’elles soient en mesure d’assumer progressivement les responsabilités et le leadership du projet de transformation. Selon notre expérience, une telle situation induit toujours des perturbations dans le projet et retarde tout le processus de transformation.

Lors de cette phase, il est encore essentiel d’identifier, de sensibiliser et de former les personnes (c.-à-d. les gestionnaires, les employés) désireuses et capables de soutenir et promouvoir la transformation dans le reste de l’institution. Elles deviendront des champions supplémentaires du projet de transformation. Un autre défi consiste à garder une forte motivation chez les décideurs de haut niveau et à les sensibiliser à l’importance de leur soutien continu au projet. Ils doivent également communiquer leur appui publiquement et adopter des mesures concrètes pour permettre de conserver les conditions favorables au projet, de sorte que ces conditions deviennent « une partie de la vie normale de l’institution ».

Comme lors des phases précédentes, le projet doit être géré avec soin par l’équipe de gestion DDESG, composée du champion DDESG et des responsables des équipes EAT, ECE et EDE. Si de nouvelles personnes assument des responsabilités dans ces différents rôles, elles doivent avoir de l’expérience en gestion de projet et d’équipe et doivent être introduites à la culture de gestion spécifique à ce projet IC4D/e-gouvernement.

La figure 6.5 présente le modèle de la phase DDESG. Il est similaire au modèle de la phase DDESL. La différence que nous devons garder à l’esprit est que la finalisation de la phase DDESG vise à achever le déploiement de la nouvelle solution ICT4D/e-gouvernement dans l’institution dans son ensemble, afin que le processus de transformation évolue vers une situation durable basée sur les TIC et la bonne gouvernance. Rappelons que cela implique que l’institution doit être en mesure d’assimiler complètement la transformation et que la phase DDESG doit être exécutée en parallèle avec la phase PTA.

Figure 6.5 : Le cadre de la phase DDESG

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Étapes de la phase DDESG

L’étape de lancement

La phase DDESG commence après la décision d’aller de l’avant prise par les hauts décideurs de l’institution. Tirant parti de l’analyse des résultats et des retombées de la phase DDESL ainsi que des leçons apprises au cours de cette phase, les équipes EAT et ECE devraient à nouveau préparer une vision actualisée du projet en vue de créer la solution généralisée.

Au cours de l’étape de clôture de la phase DDESL, la solution locale implémentée et complète a été évaluée par rapport à la possibilité d’être déployée dans toute l’institution. Ainsi, au cours de l’étape de lancement de la phase DDESG la solution globale doit être planifiée et conçue en fonction de sa capacité à répondre aux besoins le l’institution prise dans son ensemble et de résoudre les problèmes qui n’ont pas été rencontrés lors de la phase DDESL. Ces nouveaux problèmes peuvent nécessiter la réingénierie de la solution locale avant qu’elle puisse être efficacement déployée dans toute l’institution. Cela peut aussi nécessiter la réingénierie des flux de travail.

Il est également évident que la généralisation de la solution exigera des ressources supplémentaires, notamment des ressources humaines. Par conséquent, les équipes EAT et ECE doivent convaincre la direction de l’institution d’allouer ces nouvelles ressources au projet. Nous mentionnons ce problème qui peut sembler évident pour les personnes travaillant dans les pays développés, car il peut devenir un véritable défi dans les pays en développement où les ressources humaines qualifiées sont rares et les politiciens ne sont pas conscients des besoins budgétaires qui surgissent lors de l’utilisation des TIC de façon opérationnelle dans leurs institutions.

En outre, l’équipe de gestion DDESG doit fournir une liste des ressources adéquates qui devraient être allouées à cette phase importante du projet de transformation : le temps, les ressources humaines, les ressources de formation, le matériel, les budgets, etc.

Un plan de travail devrait être mis en place avec un échéancier raisonnable pour la conception et la mise en œuvre de la solution globale, en tirant parti des résultats de la solution locale ainsi que des commentaires de leurs utilisateurs et clients.

Ce plan est présenté à tous les décideurs de l’organisation qui sont concernés par le projet, ainsi qu’aux champions et aux principaux intervenants, pour discussion, raffinement et approbation.

Un plan de communication et de sensibilisation doit également être discuté avec les cadres supérieurs et doit être utilisé afin de sensibiliser les autres personnes de l’institution dans le but de les préparer à la nouvelle organisation basée sur les TIC (nouveaux matériels, logiciels, flux de travail, et relations avec les clients, etc.).

Les conditions favorables sont toujours cruciales au cours de cette phase. Un appui pour la mise en œuvre et le déploiement de la solution globale aux autres parties de l’institution doit être fourni aussi bien par les décideurs de haut niveau que par les champions parmi les gestionnaires et employés.

La direction de l’institution doit fournir un engagement et un appui clairs pour le déploiement de la solution. Cet engagement doit être clairement communiqué à tous les employés.

Les budgets, conditions, ressources et, plus généralement tout ce qui est nécessaire pour effectuer la transformation de la façon la plus harmonieuse possible doivent être garantis.

Le processus de production

La carte de route de cette étape est tout à fait semblable à celle de la mise en place de la solution locale. Un soin particulier doit d’abord être consacré à l’infrastructure (salles, matériel, etc.) et aux problèmes de connectivité pour s’assurer que toutes les parties de l’institution sont en mesure d’installer le nouveau logiciel déployé. Ensuite on doit assurer la synchronisation du développement et du déploiement de la solution globale et veiller à la formation de toutes les catégories de personnels qui utiliseront cette solution, afin qu’ils soient prêts à y recourir dès que cela sera disponible.

L’équipe de gestion DDESG ne doit pas oublier de « revisiter » les parties initiales de l’institution dans lesquelles la solution locale a été déployée et est encore utilisée actuellement. Si la solution globale est différente de la solution locale, un plan devrait être préparé pour faire migrer la solution locale vers la solution globale quand elle sera prête à être déployée. En conséquence :

• Le déploiement de la solution globale dans la(les) partie(s) initiale(s) de l’institution dans lesquelles la première solution locale a été mise en œuvre, peut impliquer une certaine réorganisation (processus métier, nouvelles formations);

• Le calendrier de développement et de déploiement du logiciel et du matériel doit également être soigneusement orchestré avec la mise en œuvre de la solution globale dans l’institution. Pour cela, il faut coordonner les divers échéanciers pour :

– Sensibiliser, informer et motiver les différentes catégories de personnels;

– Élaborer des plans de formation pour toutes les catégories de personnels (y compris la formation de nouveaux formateurs et d’accompagnateurs de l’équipe EAT qui seront nécessaires au cours de la phase DDESG);

• Le déploiement progressif de la solution, en intégrant une priorisation des diverses parties de l’institution dans lesquelles la solution globale sera mise en œuvre pour la première fois;

• La création et la mise en œuvre d’un plan pour sensibiliser et informer les clients (les citoyens); et

• La création et la mise en œuvre d’un plan de collecte de données afin de faire le suivi de l’impact de la solution globale dans l’institution et des réactions (comportements, satisfaction) du personnel et des clients. Idéalement, l’équipe technique EDE a développé des fonctions qui permettent de collecter automatiquement des informations statistiques sur l’utilisation du système, et qui sont intégrées dans le nouveau système.

Le processus de clôture de la phase DDESG

À la fin de la phase DDESG, la solution globale et le processus de développement devraient être évalués et un rapport devrait être établi par écrit et soumis aux autorités de l’institution. Ce rapport doit présenter les résultats principaux de la solution globale, son impact sur la transformation de l’institution et les enseignements tirés. Le rapport, l’évaluation et les recommandations devraient être présentés et discutés avec les principaux intervenants en vue de préparer la phase suivante du projet (durabilité de la solution).

Processus de la phase DDESG

Processus de supervision

Comme dans chaque phase du projet, des techniques de gestion rigoureuse devraient être appliquées au cours de cette phase par le Champion DDESG et les équipes impliquées (EAT, ECE, EDE). Le Comité directeur du projet de transformation peut être modifié pour refléter les intérêts de l’ensemble des parties de l’institution. Rappelons que ce comité est composé des principaux décideurs et de certains de leurs superviseurs (politiciens), du Champion DDESG et des responsables des équipes EAT, ECE et EDE. Le Conseil a la responsabilité de prendre les décisions stratégiques liées au projet de transformation qui devrait être terminé au cours de la phase DDESG.

Processus d’évaluation

L’équipe de gestion DDESG doit garder à l’esprit l’importance de procéder à une évaluation de la solution globale et de son déploiement, et d’évaluer les réactions des utilisateurs (les fonctionnaires), des gestionnaires et des clients (citoyens). Des enquêtes doivent être menées par des intervenants indépendants (généralement travaillant sous la supervision de l’ECE) et les résultats de ces enquêtes devraient mesurer le degré de satisfaction des « clients » et employés de l’institution, et rassembler leurs suggestions (problèmes, améliorations).

Rappelons que le processus de suivi et d’évaluation (PSE) doit être mené en parallèle avec les étapes de la phase DDESG et qu’il vise à observer ces étapes d’un point externe. Le PSE peut toujours être effectué par l’ECE, mais certains membres de l’équipe EAT (par exemple les responsables de l’EF) peuvent être formés pour procéder à une telle évaluation. Cela permettra de les préparer à la transition vers l’autonomie. Dans un projet ICT4D/e-gouvernement, il est important d’observer, de suivre et d’évaluer le processus DDESG à tous les niveaux (politique, organisationnel, managérial, technique, financier et social), parce que cette observation et ce suivi offriront un grand nombre d’informations stratégiques sur les réactions des personnes et des groupes concernés en regard des changements qui ont lieu au cours de la phase DDESG. Un tel processus de suivi et d’évaluation est également très utile pour renforcer l’implication, l’engagement et l’enthousiasme des individus (à l’intérieur et à l’extérieur de l’institution) qui sont des acteurs clés (champions et intervenants clés) pour le succès du processus de transformation dans son ensemble.

Des rapports réguliers de cette évaluation doivent être fournis aux équipes EAT et ECE ainsi qu’au Comité de direction DDESG et à la direction de l’institution. En effet, tout problème (politique, organisationnel, managérial, technique, budgétaire) qui se pose au cours de la phase DDESG doit être signalé sans délai, évalué et des solutions doivent être trouvées et mises en œuvre. L’équipe de gestion DDESG devrait être consciente que l’importance des problèmes peut augmenter de façon spectaculaire lors de la généralisation de la solution locale à l’ensemble de l’institution. Par conséquent, des prises de décisions et des actions rapides sont essentielles à la réussite de cette phase.

Processus de formation

Lorsque le système est opérationnel, les utilisateurs (les fonctionnaires) doivent être formés par l’EF, puis entraînés pour une utilisation effective du système. Les nouvelles procédures et nouveaux comportements vis-à-vis des clients (citoyens) doivent être expliqués et mis en œuvre efficacement dans un nouvel état d’esprit, comme par exemple en insistant sur la satisfaction de la clientèle. Les clients (citoyens) de l’ensemble de l’institution doivent être introduits à la nouvelle façon d’accéder aux services de l’institution (l’utilisation des outils logiciels et matériels comme le kiosque et/ou les services en ligne). C’est en accord avec ce qui a été effectué au cours de la phase DDESL. Maintenant, l’EF a acquis une bonne expérience dans la réalisation de ces campagnes de sensibilisation.

Au cours de la phase DDESG, un grand nombre de personnes (gestionnaires, employés) devront être formées à l’utilisation du nouveau logiciel, et à la mise en œuvre des nouveaux flux de travail. La demande en formation va augmenter de manière significative par rapport aux besoins des phases précédentes. Par conséquent, l’institution est confrontée à un autre grand défi : renforcer l’EF et aider ses membres dans la création de programmes de formation (modules) qui introduiront la solution globale aux différentes catégories d’employés impliqués. En outre, les responsables de l’EF auront besoin d’être formés par l’ECE pour gérer efficacement ces programmes de formation.

En outre, l’ECE (accompagnateurs, formateurs, facilitateurs) et les formateurs de l’EF initiale jouent un rôle important dans le recrutement et la formation de nouveaux formateurs. Un autre défi est de permettre à ces personnes d’améliorer leurs compétences et leur confiance en vue de gérer de manière autonome les nouveaux programmes de formation de l’institution. La plupart de ces employés et gestionnaires ont besoin de développer de nombreuses compétences : gestion d’équipe, gestion des réunions, planification et établissement d’échéanciers, pédagogie, la discipline assortie de flexibilité, le contact humain, l’encadrement et l’accompagnement, etc.

Considérant les différentes parties de l’institution dans lesquelles la solution globale sera mise en œuvre, les équipes EF et ECE et les responsables de l’institution devraient identifier les personnes les plus capables et volontaires pour les former en priorité. Ces personnes deviendront les promoteurs et les champions de la solution dans leurs secteurs d’activité respectifs de l’institution. Certaines de ces personnes pourront devenir de futurs formateurs et accompagnateurs et pourront rejoindre l’EF.

Les mêmes questions reliées à l’autonomisation, à la reconnaissance et aux incitatifs (voir les phases PPT et DDESL) doivent être traitées avec tact avec ces employés afin de s’assurer qu’on pourra conserver ces précieuses ressources.

Le plan de formation est généralement articulé autour de 3 étapes :

1. Entrainer les personnes les plus capables et enthousiastes et essayer de les motiver fortement afin d’inciter quelques-unes d’entre elles à rejoindre l’équipe EF;

2. Élaborer un plan avec ces « premières personnes entrainées » afin de former les autres membres du personnel de l’institution;

3. Mettre en œuvre le programme de formation avec les différentes catégories de personnels.

Concernant la formation des gestionnaires, elle devrait se faire avec le souci de permettre à ces personnes clés, selon leur rôle et leur rang, de contribuer activement et durablement à la mise en œuvre et à l’utilisation effective et efficace de la solution globale. Cette formation est effectuée grâce à des ateliers animés par les meilleurs formateurs/animateurs de l’EF et/ou de l’ECE qui ont des expériences différentes et de la crédibilité pour influencer ces gestionnaires de haut niveau. À ce niveau, l’accent est mis non pas sur la formation technique, mais sur les aspects de gestion reliés à la durabilité de la solution globale. Une approche de facilitation est obligatoire pour ce genre de formation car il est possible que des conflits apparaissent, souvent comme conséquences de ressources limitées, de désappointements passés, etc.

Deux défis majeurs se présentent : la rare disponibilité des décideurs de haut niveau et la difficulté de leur faire prendre conscience qu’un projet TIC n’est pas géré comme leurs autres projets.

VII. LA PHASE DE TRANSITION VERS L’AUTONOMIE (PTA)

Dans cette section, nous décrivons les principales étapes (étape de lancement, étape de production, étape de clôture), les principaux processus (supervision, évaluation, formation), et des éléments importants (conditions favorables, la participation des champions, etc.) à prendre en compte dans la phase PTA.

Objectifs et intervenants de la phase PTA

En parallèle avec la généralisation de la solution IC4D/e-gouvernement (au cours de la phase DDESG) et, en plus de l’objectif de mettre en œuvre et déployer la solution globale, un objectif critique est d’aider l’institution à devenir autonome et à intégrer progressivement la solution à sa mission et aux opérations pour qu’elle devienne une nouvelle façon de faire des affaires. L’objectif est de rendre la solution durable après l’achèvement du projet de transformation. C’est l’objectif de la Phase de transition vers l’autonomie (PTA). Ici, l’autonomie signifie que le personnel (les décideurs, les gestionnaires et les employés) sera en mesure de prendre soin de la solution à tous les niveaux (politique, technique, managérial, budgétaire, etc.) de façon autonome et responsable.

Cet objectif peut sembler évident, mais dans le domaine des projets ICT4D/e-gouvernement, il s’agit d’un défi majeur. Comme on l’a vu précédemment, la grande majorité des réussites apparentes des projets ICT4D/e-gouvernement échoue après le retrait de l’aide financière extérieure et le désengagement des équipes ECE et EDE. Ces échecs sont généralement la conséquence de l’incapacité de l’institution à exploiter, à faire le suivi et à adapter la solution sans l’appui extérieur dont elle a bénéficié au cours du projet ICT4D/e-gouvernement.

La phase PTA devrait démarrer avant la fin de la phase de déploiement de la solution globale (DDESG). En effet, si on attend jusqu’à la fin de la phase DDESG, le risque est que les budgets fournis par les institutions extérieures (organismes de développement international) au projet ICT4D/e-gouvernement seront épuisés, et l’ECE ne sera plus disponible (sauf si une autre source de financement devient disponible).

À première vue les intervenants clés impliqués dans la phase PTA sont les mêmes que ceux de la phase DDESG. Toutefois, en fonction de l’institution et de la charge de travail de l’équipe de gestion DDESG, ainsi que de la disponibilité des membres des équipes EAT, ECE et EDE, une bonne idée serait de nommer un autre groupe de personnes pour gérer la phase PTA en étroite coordination avec l’équipe de gestion DDESG. Comme nous l’avons déjà mentionné dans la Section II, il est fortement conseillé de gérer cette phase en tant que sous-projet indépendant et de lui attribuer un budget approprié, ainsi que des ressources humaines disponibles et compétentes.

Le Comité directeur du projet de transformation devrait être activement impliqué simultanément dans les phases DDESG et PTA. Le Comité directeur doit prendre des décisions informées et stratégiques qui adressent en premier lieu les questions et les problèmes éventuels liés à la mise en œuvre, au déploiement et à l’appropriation de la solution globale par l’institution; et en second lieu, visent à rendre la solution viable à long terme.

Étapes de la PTA

Étape de lancement

Le premier défi est de convaincre les hauts décideurs de l’institution et les principaux gestionnaires que cette phase est cruciale et qu’ils ont besoin d’agir dès que possible pour assurer la transition vers l’autonomie, avec autant d’harmonie et d’efficacité que possible. Il faut se rappeler que dans la très grande majorité des projets ICT4D/projets e-gouvernement la question de la durabilité est très critique, et qu’un grand nombre de projets échouent une fois que le soutien externe (fonds, expertise, encadrement, mentorat) disparaît. Nous suggérons que l’équipe de direction :

• Fasse que la phase PTA soit une phase explicite dans l’ensemble du projet ICT4D/e-gouvernement (comme nous le proposons dans ce chapitre);

• Gère cette phase avec soin comme une phase à part entière avec un plan de travail, un échéancier, une affectation des ressources, un budget, des étapes claires, des livrables et des échéances mesurables vers l’autonomie.

Le deuxième défi de cette phase est de convaincre la haute direction et les cadres supérieurs d’adopter le plan de travail et l’échéancier de la PTA :

• Tous les gestionnaires doivent se mettre d’accord sur l’objectif de rendre la solution durable et l’institution autonome par rapport à l’utilisation de la solution basée sur les TIC;

• En pratique, dans le domaine des projets ICT4D/e-gouvernement, et dans un grand nombre de projets de développement soutenus par des organisations externes, les cadres supérieurs ont tendance à retarder les décisions, arguant qu’ils n’ont pas les budgets et ressources humaines nécessaires (très souvent, ils ne veulent pas engager de nouvelles ressources, ni même investir de l’argent pour former suffisamment leurs employés afin qu’ils deviennent capables de soutenir la solution globale);

• Ici, les champions jouent encore une fois un rôle clé. Mais, il faut savoir que « les premiers champions », qui ont été très actifs et enthousiastes à propos du projet, peuvent devenir fatigués (leur enthousiasme peut s’estomper), ou ils sont peut-être même partis au cours du projet;

Conseil : Gardez vos principaux champions (surtout ceux qui sont au plus haut niveau de l’institution), aussi passionnés que possible, tout en essayant d’identifier de nouveaux champions influents qui seront en mesure de promouvoir, soutenir et porter avec succès la phase PTA jusqu’à son aboutissement.

La phase PTA doit avoir une haute visibilité parmi les décideurs, les gestionnaires, et les champions de la solution, et être approuvée en tant que telle. Tous doivent comprendre que l’institution passe par une véritable transformation. Une personne de la direction de l’institution doit être officiellement nommée pour coordonner la phase PTA. Idéalement, ce gestionnaire d’expérience est un champion du projet et a suffisamment d’autorité et de reconnaissance et des bonnes compétences de gestion. Nous appelons cette personne le Champion PTA.

Il est important que les décideurs et les cadres supérieurs de l’institution comprennent qu’un projet ICT4D/e-gouvernement diffère des projets qu’ils gèrent habituellement (comme par exemple pour les infrastructures de la ville et la construction) qui consistent à sous-traiter certains travaux à des entreprises privées et à s’assurer que le travail est réalisé comme prévu (par ex. modifications de routes ou de rues, rénovation d’immeubles, etc.).

Un projet ICT4D/e-gouvernement exige que les gestionnaires et les employés de l’institution adoptent de nouvelles façons de réaliser leurs activités. De nouvelles activités apparaissent en lien avec les TIC et la mise en place d’un système informatisé, de nouvelles procédures, de nouvelles responsabilités, de nouvelles fonctions. Il est nécessaire que les personnes agissent de façon autonome et responsable.

Une ou plusieurs réunions (ou ateliers) doivent être organisées et animées par le Champion DDESG (et possiblement le futur Champion PTA) et l’ECE avec l’objectif de rendre les décideurs et les cadres supérieurs conscients des défis reliés à la phase PTA. La première réunion présentera et discutera les objectifs de la phase PTA, ainsi que les défis à relever et les contraintes qui peuvent limiter ou menacer le succès de la PTA. L’équipe de gestion PTA doit alors être nommée officiellement. L’équipe de gestion PTA travaillera en relation étroite avec le champion PTA.

Pendant la phase DDESG, plusieurs mesures seront prises pour préparer l’institution à atteindre l’autonomie et la durabilité de la solution. Le plutôt on commence la phase de transition vers l’autonomie, le mieux cela sera !

Étape de production

L’équipe de gestion PTA devrait préparer une version initiale d’un plan de travail que nous appelons le Plan PTA.

Lorsque la version initiale du plan PTA est prête, elle est présentée aux principaux décideurs et cadres supérieurs pour examen et discussion. Cette réunion est très importante et vise à affiner le plan PTA de manière à ce qu’il soit réalisable et satisfaisant pour tout le monde. Cette réunion devrait être conjointement organisée par le Champion PTA et le responsable de l’Équipe d’Accompagnement de la Transformation (EAT), ce dernier jouant le rôle de facilitateur :

• Ceci permet au Champion PTA d’intervenir dans les discussions et au responsable de l’équipe EAT d’apparaître comme le « principal architecte » du Plan PTA;

• Le plan PTA peut être affiné au cours de plusieurs réunions.

Lorsque le Plan PTA obtient l’accord de la direction et l’appui des cadres supérieurs, il doit être complété par des plans d’allocation de budget et de ressources.

Plusieurs questions importantes doivent être considérées en lien ave le plan PTA :

• Gestion/gouvernance de la phase de transition;

• Allocation/engagement des ressources humaines;

• Redéfinition des responsabilités et des tâches;

• Affectation progressive des ressources humaines à leurs nouvelles tâches (libérant ainsi les personnes de tâches opérationnelles en les remplaçant par de nouvelles personnes qui effectueront ces tâches opérationnelles). Ce nouveau personnel doit avoir été formé au préalable.

Concernant la « gouvernance » de la phase de transition (gestion) :

• C’est un problème critique, étant donné que des règles de gouvernance claires devraient être établies et acceptées afin de formaliser et officialiser la transformation de la nouvelle structure organisationnelle de l’institution;

• Cette transformation structurelle doit être préparée avec soin, et il faut établir les nouvelles procédures managériales, les descriptions des nouveaux rôles et postes, les interactions avec les autres secteurs de l’institution, etc.;

• Un plan de transition devrait être proposé pour faciliter la transition de l’ancienne vers la nouvelle structure organisationnelle, en tenant compte des transformations effectuées au cours de la phase DDESG (qui se déroule en parallèle avec la phase PTA);

• Le plan comprend l’attribution des ressources aux nouveaux postes proposés pour soutenir la nouvelle structure organisationnelle.

Pour ce qui est de l’identification et l’affectation des ressources à la nouvelle structure organisationnelle :

• Les personnes doivent être sélectionnées, motivées et formées à leurs nouveaux rôles et tâches. Ces personnes proviennent généralement de l’EAT et sont donc déjà motivées, compétentes et expérimentées;

• Remarquez que la phase PTA s’exécute en parallèle avec la phase DDESG et les personnes qui sont membres de l’EAT sont déjà très impliquées dans le support, l’encadrement et le suivi du déploiement de la solution globale. Par conséquent, leur donner des fonctions et responsabilités officielles dans la phase PTA vise à les préparer à devenir de plus en plus actives (proactives), afin de suivre et d’appuyer la phase PTA, et être de moins en moins impliquées dans la phase DDESG lorsque la nouvelle solution globale deviendra de plus en plus stable.

• Les budgets, les ressources et la planification doivent être explicitement gérés pour la phase PTA.

Comme on l’a déjà mentionné, la phase PTA doit être gérée comme un projet en soi. Comme dans chaque phase du projet, des techniques de gestion devraient être appliquées avec rigueur au cours de cette phase.

Le rôle des équipes ECE et EDE est essentiel au cours de cette phase. Elles doivent conseiller et accompagner l’Équipe de gestion PTA, et les équipes EST et EF, ainsi que les gestionnaires et les décideurs de l’institution alors qu’ils prennent progressivement en charge les responsabilités et les tâches effectuées par les équipes ECE et EDE. Par conséquent, ces équipes devraient travailler en étroite collaboration avec l’Équipe de gestion PTA ainsi qu’avec l’équipe DDESG et leur fournir toute l’expertise nécessaire. Les équipes ECE et EDE peuvent avoir besoin d’engager des experts additionnels en processus de transformation d’entreprise.

Étape de clôture de la phase PTA

Idéalement, la fin de la phase PTA coïncide avec l’achèvement de la phase DDESG. Par conséquent, la solution globale devrait être opérationnelle dans toutes les parties de l’institution. La plupart des gestionnaires et des employés doivent utiliser le nouveau système ICT4D/e-gouvernement. Les nouveaux flux de travail ainsi que les nouvelles procédures administratives et de gestion devraient être utilisés systématiquement. En outre, l’achèvement de la phase PTA doit avoir rendu l’institution autonome dans le sens où les décideurs, les gestionnaires et les employés n’ont plus besoin de soutien, en particulier des équipes ECE et EDE.

En pratique, certaines mesures transitoires devraient être mises en place de sorte que, même après l’achèvement des phases DDESG et PTA, l’institution puisse être en mesure d’accéder ponctuellement à l’avis d’anciens membres de l’ECE, si cela est nécessaire. Toutefois, il peut être très difficile pour les institutions gouvernementales locales dans les pays en développement de développer leur autonomie par rapport aux tâches techniques liées à la mise au point, la maintenance et la mise à niveau des systèmes logiciels de l’ampleur des systèmes ICT4D/e-gouvernement. Cette responsabilité pourrait être confiée à une société privée ayant une bonne expertise en développement de logiciels.

Les processus de la phase PTA

Le processus de supervision

Le Comité directeur du projet de transformation peut être modifié pour refléter les intérêts de toutes les parties de l’institution. Rappelons que ce conseil est composé de principaux décideurs et de certains de leurs superviseurs (politiciens), du Champion DDESG et des responsables des équipes PTA, ECE et EDE. Il sera augmenté avec le champion PTA. Le Comité directeur a la responsabilité de prendre les décisions stratégiques liées au projet de transformation qui devra être terminé à la fin des phases DDESG et PTA.

Le processus d’évaluation de la Phase PTA

L’Équipe de gestion PTA et les hauts décideurs de l’institution doivent garder à l’esprit l’importance de procéder à une évaluation des résultats de l’ensemble des actions et des décisions prises lors de la phase PTA. Une telle évaluation sera mieux faite par des experts qui ne sont pas impliqués dans la phase PTA, qui sont capables de prendre du recul et d’analyser d’une façon objective la situation de l’institution et de son évolution.

Ces experts devraient être en mesure de faire le suivi des progrès des phases DDESG et PTA, de détecter les situations difficiles dès que possible et d’informer les équipes de gestion GSDDA et PTA, ainsi que les décideurs de haut niveau de l’institution.

Par conséquent, un processus de suivi et d’évaluation (PSE) doit être mené en parallèle avec les phases DDESG et PTA et vise à observer les retombées et livrables de ces phases d’un point de vue extérieur et indépendant. Le suivi doit avoir lieu à tous les niveaux (politique, organisationnel, managérial, technique, financier, et social), car ces observations et suivis sont une mine de renseignements essentiels sur la façon dont les personnes et les groupes concernés réagissent aux changements qui se produisent au cours de la phase DDESG et qui sont consolidés durant la phase PTA.

Des rapports réguliers de cette évaluation doivent être fournis aux équipes EAT, ECE et PTA ainsi qu’au Comité directeur et à la haute direction de l’institution. En effet, tout problème (politique, organisationnel, managérial, technique, budgétaire) au cours des phases DDESG et PTA doit être signalé sans délai, évalué et des solutions doivent être trouvées et mises en œuvre. Les équipes de gestion DDESG et PTA devraient être conscientes de l’importance des problèmes qui pourraient se présenter en généralisant une solution ICT4D/e-gouvernement à l’ensemble de l’institution et lorsqu’on œuvre pour créer une autonomie technique, managériale et financière. Par conséquent, des prises de décision et interventions rapides sont essentielles à la réussite de ces phases.

Le processus de formation

La formation est également une question clé au cours de la phase PTA. Le même conseil que nous avons donné pour la Phase DDESG peut être appliqué dans la phase PTA. Toutefois, il convient de mentionner que l’emphase des programmes des actions de formation va vraisemblablement se déplacer d’un contenu technique et administratif transmis au personnel de l’institution au cours de la phase DDESG vers un contenu de gestion qui vise à aider les décideurs et les gestionnaires clés de l’institution à assumer les responsabilités et les tâches des équipes ECE et EDE.

VIII. CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons présenté la carte de route générique que nous avons développée, affinée et appliquée depuis plusieurs années dans différents projets ICT4D/e-gouvernement. Nous espérons que le lecteur aura trouvé des informations intéressantes, des conseils et des enseignements tirés d’expérience qu’il pourra appliquer dans son propre projet. Il est clair qu’une carte de route, comme toute méthode d’analyse et de conception, doit être adaptée au contexte particulier d’une institution donnée et d’un projet particulier. C’est la responsabilité d’un gestionnaire de projet ou d’une équipe de gestion de projet compétente.

Dans le chapitre suivant, nous présenterons l’histoire du projet eFez et montrerons comment la carte de route générique a été appliquée et personnalisée dans ce contexte particulier.

RÉFÉRENCES

(Holman et al. 2009) : Holman P., Devane T., Cady S., « The Change Handbook, The Definitive Resource on Today’s Best Methods for Engaging Whole Systems », 2nd Edition, Berrett-Koehler Publishers, 2009.

(InfoDev 2009) : World Bank, “e-Government Primer”, Information for Development Program/InfoDev, World Bank, available at http://www.infodev.org/publications, http://www.infodev.org/publications, Washington DC, 2009.

(Kendall & Kendall 2010) : Kendall J. E. and Kendall K.E., « Positive Design and Appreciative Construction : From Sustainable Development to Sustainable Value », Advances in Appreciative Inquiry, Volume 3, 137–155, Emerald Group Publishing Limited, 2010.

(Leloup et al. 2008) : Leloup R., Marty S. Autissier D., « Le Projet Litchi à EDF – Analyse d’une innovation en conduite du changement », Editions d’Organisation, 2008.

CHAPITRE VII

La carte de route du projet eFez

I. INTRODUCTION

Dans le chapitre précédent, nous avons proposé une carte de route générique (roadmap) applicable spécifiquement aux projets ICT4D dans différentes situations et différents pays. Cette carte de route est basée sur notre expérience dans différents projets mais, plus particulièrement, sur le projet eFez qui a été une importante source d’inspiration pour nous à cet égard.

Dans ce chapitre, nous présentons l’instanciation de la carte de route proposée au cas particulier du projet eFez. Cette carte de route, que nous appelons l’Approche eFez, a été créée et affinée au cours du déroulement du projet eFez. Notre objectif est de partager l’expérience que nous avons acquise lors de l’utilisation de cette carte de route pour développer et déployer, avec succès, des systèmes d’e-gouvernement au niveau municipal.

L’élaboration de la carte de route générique est chronologiquement postérieure au projet eFez car l’effort de conceptualisation qu’elle exigeait s’est développé et raffiné au fur et à mesure des événements, des connaissances, des avancées et des reculs du projet et d’un certain nombre d’autres projets similaires que nous avons menés. Bien que la carte de route générique soit inspirée par l’approche eFez, elle en est différente et enrichie dans sa structure, son contenu et sa dynamique.

Dans ce chapitre, nous avons choisi de présenter l’approche eFez sous la forme d’un récit narratif pour permettre au lecteur d’être aussi proche que possible de la façon dont les choses se sont réellement déroulées.

Dans les sections suivantes, nous présentons et discutons des événements remarquables, des décisions et des actions qui ont eu lieu au cours du projet eFez. Ces évènements ont été sélectionnés pour illustrer les questions importantes et les conseils qui ont été présentés dans les chapitres V et VI en lien avec les quatre phases principales de la carte de route générique : les phases PPT, DDESL, DDESG et PTA. Nous avons aussi l’intention, à travers ce récit narratif, de sensibiliser le lecteur aux enjeux importants et problèmes et questions pratiques qui peuvent survenir dans le cadre de projets ICT4D/e-gouvernement dans les pays en développement. Nous espérons également que le lecteur comprendra que la carte de route générique peut être utilisée comme un ensemble de directives qui doivent être adaptées au contexte particulier de tout nouveau projet d’e-gouvernement.

Il est important de mentionner que les caractéristiques du programme de financement international du CRDI, en soutenant financièrement le projet eFez, a influencé le calendrier du projet. Ainsi, le projet eFez a connu deux grandes périodes de financement :

• La première, nommée Phase eFez 1, visait à démontrer la faisabilité du développement d’un système d’e-gouvernement, de le déployer de façon pratique, d’évaluer ses impacts et ses retombées d’une manière scientifiquement valable et d’impliquer les principaux acteurs de Fès. Cette première période a été réalisée entre mi-2004 et mi-2006 et correspond à la Phase PPT de la carte de route générique (chapitre VI).

• Suite au succès qu’a connu la première période, le CRDI a accepté de financer une seconde période, la Phase eFez-2 pour effectuer le passage à l’échelle par des activités de généralisation. Cette phase a été menée entre la mi-2006 et la fin 2009 et correspond aux phases DDESL, de DDESG et de PTA de la carte de route générique.

II. L’APPROCHE EFEZ

Dès le démarrage du projet eFez, nous (le responsable de l’équipe d’eFez et le conseiller externe) étions convaincus que la réussite du projet dépendait de l’application rigoureuse d’une approche structurée pour la création, le développement et le déploiement du système ICT4D/e-gouvernement envisagé. Nous étions aussi très conscients que nous aurions besoin de conseiller et d’accompagner les décideurs, les gestionnaires et les employés de la ville de Fès tout au long de la durée du projet pour les aider à gérer en douceur la transformation que le déploiement et l’utilisation du futur système impliqueraient. Nous étions certains que nous avions besoin d’une méthode qui, non seulement fournirait des lignes directrices pratiques au cours des différentes phases du projet, mais qui fournirait également les moyens de sensibiliser les différents acteurs impliqués dans le projet en lien avec les impacts de leurs décisions sur les changements de gouvernance. Une telle méthode serait primordiale pour guider l’équipe du projet eFez ainsi que les principaux acteurs de la ville de Fès au cours du cycle de vie complet du projet.

Cette question de l’importance de la sensibilisation méthodique des principaux acteurs aux différentes facettes du projet (y compris la bonne gouvernance, l’importance de gérer la transformation de l’institution, les facteurs humains, etc.) a été un constat important du projet eFez1. C’est dans cet esprit, et avant la fin de la première année du Projet eFez, que nous avons établi la série suivante de principes fondamentaux qui ont guidé l’élaboration de l’approche eFez :

• La mise en place des systèmes d’e-gouvernement se traduit généralement par des changements majeurs dans les habitudes des citoyens et des services administratifs (en particulier dans les pays en développement), et ceux-ci devraient viser à améliorer les interactions des citoyens et des services administratifs, tout en assurant l’efficacité et l’efficience budgétaire;

• De nombreuses décisions doivent être prises à différents niveaux de la hiérarchie de l’organisation, avec un souci constant d’améliorer la bonne gouvernance;

• Les principaux problèmes ne sont pas technologiques, mais sont plutôt liés à l’ouverture d’esprit des individus et à leur volonté de changer leurs habitudes et d’assumer la responsabilité de mener à bien ces changements; d’où la nécessité de mettre l’accent sur la bonne gouvernance pour le développement et le déploiement des systèmes de gouvernement électronique;

• Une vision doit être développée au cours des toutes premières étapes du projet et devrait être révisée et améliorée tout au long du projet; cette vision devrait être développée dans le but d’améliorer la gouvernance, autant que possible;

• Il est très important d’impliquer les acteurs principaux dès que possible dans le projet et d’expliquer la vision et les orientations du projet, tout en alimentant leurs délibérations avec un souci constant d’amélioration de la gouvernance; tous les acteurs principaux ont besoin de partager, d’adopter et, éventuellement de contribuer à la vision du projet;

1. Cette question n’a pas été discutée dans le chapitre VI.

• Il est nécessaire d’évaluer et de surveiller continuellement les indicateurs de mesure des retombées du projet afin d’assurer et de mettre en évidence les améliorations de la gouvernance et de permettre une réaction rapide à toute difficulté qui surgira inévitablement.

L’approche eFez est dirigée par la qualité et hérite des principes de l’ingénierie de la qualité du logiciel (Tian 2005). Elle englobe toutes les phases du développement, de déploiement et d’évaluation de système logiciel, avec une emphase particulière mise sur l’harmonisation des différents points de vue de toutes les parties prenantes en lien avec l’amélioration de la gouvernance.

Voici quelques principes et hypothèses importants que nous avons retenus :

• Tous les acteurs devraient être impliqués le plus tôt possible dans le projet et leur motivation doit être soutenue autant que possible tout au long du projet;

• Une attention particulière devrait être accordée à la mise en place et à la préservation des conditions favorables au projet de son démarrage jusqu’à son achèvement;

• Une attention particulière devrait être accordée à la création et à la mise à jour d’une vision du projet à laquelle toutes les parties prenantes peuvent adhérer;

• Les retombées et résultats envisagés pour le projet doivent être identifiés le plus tôt possible et raffinés au cours du projet avec un souci particulier d’améliorer la gouvernance;

• La méthode devrait couvrir toutes les étapes traditionnelles du développement, de livraison et de déploiement d’un système d’information en mettant l’accent sur le développement de logiciels de qualité en matière de gouvernance améliorée.

La figure 7.1 présente un aperçu graphique de l’approche eFez qui comprend quatre phases principales :

1. le maintien de conditions favorables au cours de l’ensemble du projet;

2. le lancement;

3. le développement et le déploiement du système ICT e-gouvernement;

4. l’évaluation systématique des retombées du projet.

Dans cette figure, les conventions graphiques adoptées sont les suivantes :

• Les phases ou étapes de la méthode sont représentées par des rectangles simples;

• Les principaux acteurs tels que les parties prenantes et les champions sont représentés par des petites icônes de forme « humaine »;

• Les principaux stockages (ou dépôts) de données ou de connaissances qui sont utilisés comme des entrées ou sorties sont représentés par des rectangles à coins arrondis;

• Une flèche qui relie un rectangle à coins arrondis (dépôt de données ou de connaissances) à un rectangle (phase ou étape) montre que le dépôt associé est une entrée de la phase ou l’étape correspondante. Si la flèche relie un rectangle simple à un rectangle à coins arrondis, cela signifie que le dépôt associé est une sortie (ou un produit) de la phase ou de l’étape associée au rectangle simple;

• Parfois, le même ensemble de rectangles arrondis peut être lié à différents rectangles, comme par exemple les livrables attendus, la vision mise à jour et les retombées attendues et les attributs de qualité du système dans la figure 7.1. Dans un tel cas, nous pouvons intégrer tous ces rectangles à coins arrondis dans un rectangle englobant et arrondi les entourant tous. Ainsi, les flèches allant et venant de ce rectangle arrondi englobant sont équivalentes à autant de flèches qui atteindraient individuellement chacun des rectangles à coins arrondis inclus dans le rectangle arrondi englobant;

• Une double flèche indique un échange bidirectionnel entre un rectangle (phase ou une étape) et le(s) rectangle(s) à coins arrondis associés (dépôts). Les règles de représentation sont les mêmes pour les liens entre les rectangles et les acteurs;

• Une forme semblable à un nuage représente les éléments pertinents du « milieu » dans lequel la méthode est appliquée. Dans notre cas, ces éléments correspondent essentiellement aux conditions qui influencent le projet (ce que nous appelons la situation). La situation englobe tous les éléments de l’organisation (ministère, municipalité, entreprise, etc.) qui influencent le fonctionnement de l’institution en lien avec ses clients (principalement des citoyens dans les institutions publiques, ou la société tout entière si l’on considère un point de vue gouvernemental global) ainsi que les circonstances organisationnelles, sociales, politiques, et économiques. Soulignons tout d’abord que nous distinguons trois situations qui caractérisent l’institution : avant, pendant et après le développement et le déploiement du système. Elles sont représentées par les « formes qui ressemblent à des nuages » dans la figure 7.1. Il est important de distinguer ces situations pour sensibiliser tous les acteurs au fait que les caractéristiques de l’institution changent au cours du projet et que ces changements devraient être soigneusement examinés et surveillés afin de prendre des décisions appropriées et en temps opportuns.

Figure 7.1 : Aperçu de l’approche eFez

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Pour différentes raisons déjà mentionnées dans l’introduction de ce chapitre, nous avons choisi de présenter ici la version originale de la carte de route que nous avons développée pour l’approche eFez.

Penchons-nous à présent sur les similitudes et différences avec la carte de route générique présentée au chapitre VI. Historiquement, l’approche eFez a été développée et pratiquement appliquée au cours des Phase 1 du projet eFez (correspondant à la phase PPT de la carte de route générique du chapitre VI). Pendant la phase de passage à l’échelle qui a eu lieu au cours des trois années correspondant à la Phase 2 du projet, nous avons découvert que l’approche eFez était encore applicable, moyennant des adaptations mineures. Ainsi, le modèle général que nous proposons dans la carte de route générique (section III et figure 6.2 du chapitre VI) réutilise les étapes de l’approche eFez et leur ajoute les processus de supervision, de formation et de communication qui n’ont pas été officiellement représentés dans la présentation de l’approche eFez.

En revanche, nous observons également que la figure 7.1 présente beaucoup plus de détails que le modèle général de la section III du chapitre VI. Nous pensons que montrer ces détails aidera le lecteur à comprendre comment le modèle générique peut être personnalisé dans le cadre d’une phase particulière (dans notre cas, la phase PPT) d’un projet particulier (dans notre cas, le projet eFez).

Regardons à présent de plus près les détails des différentes étapes de l’approche eFez.

Création et maintien de conditions favorables

Les conditions favorables sont pré-requises et doivent être créées et maintenues pendant la durée du projet. Il faut donc créer et maintenir toutes les conditions qui stimuleront et soutiendront l’avancement du projet (processus 1 dans la figure 7.1). Ceci implique les différents acteurs principaux concernés, parmi lesquels on distingue les champions du projet (appelés e-Champions) qui favorisent et appuient le projet à tous les niveaux critiques de la hiérarchie de l’institution. L’équipe de gestion du projet doit être consciente que certains acteurs principaux et certains e-Champions peuvent changer au fil du temps, et qu’elle doit agir de façon appropriée afin de maintenir des conditions favorables au projet, en tenant compte des changements qui s’opèrent dans l’institution. Les flèches fines en pointillés dans la figure 7.1 montrent que ces conditions favorables influencent toutes les étapes du projet.

L’étape de démarrage (ou lancement)

Cette étape (processus 2 dans la figure 7.1) est essentielle pour un projet e-gouvernement qui ne peut commencer que quand un ensemble minimal de conditions favorables est réuni, y compris la forte volonté et l’influence d’e-champions haut-placés qui soutiennent le projet. Ces conditions favorables devraient être mises en place le plus tôt possible. Les e-champions et l’équipe de gestion de projet doivent développer une vision claire et structurée du futur système d’e-gouvernement et des retombées qu’il doit fournir à l’institution et à ses clients. L’étape de démarrage (dite aussi ‘de lancement’) est primordiale pour aider les e-champions à façonner leur vision et à affiner leurs attentes en regard des principaux résultats, livrables et retombées du projet. Au cours de cette étape les acteurs principaux sont amenés à partager cette vision et à atteindre un consensus sur les cibles principales du projet (résultats et retombées).

L’étape de démarrage (voir détails dans la figure 7.2) est composée de plusieurs sous-étapes qui aident à comprendre les éléments pertinents de la Situation avant le développement, principalement en effectuant une étude de faisabilité (incluant les modèles de procédures organisationnelles, l’identification et la caractérisation des systèmes existants pertinents) et en établissant un diagnostic relatif à la possibilité d’atteindre les objectifs fixés pour le projet. Pendant cette étape, l’équipe de développement doit aider les e-champions et les principaux acteurs à clarifier la façon dont la vision, les résultats et retombées du projet permettront d’améliorer la gouvernance. Il s’agit d’une question cruciale qui vise à choisir les bons objectifs pour le projet pour les bonnes raisons.

D’un point de vue technique, l’équipe de développement2 et certains acteurs techniques doivent aussi fixer des normes et des objectifs techniques basés sur des critères de qualité qui favorisent une meilleure gouvernance afin d’orienter les décisions techniques relatives à l’élaboration et au déploiement du système (pour être utilisés dans l’étape suivante). L’étape de lancement se termine par une présentation générale des principales conclusions de l’étude aux e-champions et aux décideurs qui auront à décider de continuer ou de terminer le projet (décision GO/NO GO), en tenant compte des ressources disponibles, des risques anticipés et de la présence ou absence de conditions favorables.

2. L’équipe de développement correspond à l’EDE de la carte de route générique du chapitre VI

Comme le montre la figure 7.1 les principaux résultats de cette étape sont les livrables attendus, la vision à jour et les résultats escomptés et les attributs de qualité du système ainsi que le plan, la méthode, les ressources, les résultats de l’étude de faisabilité qui sont toutes les entrées de l’étape de développement et de déploiement.

Figure 7.2 : Étape de lancement de l’approche eFez

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L’étape de développement et de déploiement

Cette étape (processus 3 dans la figure 7.1) débute lorsque la décision d’aller de l’avant (GO) a été prise après l’achèvement de l’étape de lancement. Un facteur critique de succès est de maintenir des conditions favorables tout au long de cette étape. Toutes les sorties de l’étape du lancement sont disponibles au cours du développement du système d’e-gouvernement. L’étape de développement et de déploiement (voir les détails dans la figure 7.3) se compose principalement de sous-étapes similaires à celles trouvées dans les méthodes traditionnelles d’analyse et de conception appliquées à la création des systèmes d’information, principalement :

1. L’analyse des besoins;

2. La création d’une bonne architecture de système;

3. L’amélioration de l’analyse et la compréhension des flux d’affaires (workflow) et le développement de nouveaux flux en tenant compte de l’introduction du système e-gouvernement dans l’institution;

4. L’analyse d’utilisabilité, la création d’interfaces;

5. L’analyse et la conception du logiciel;

6. L’implémentation, l’intégration et les tests du logiciel; et,

7. Le déploiement du logiciel, la mise en œuvre des nouveaux flux de travail, et l’application des ajustements requis.

Encore une fois, au cours de cette étape, les questions organisationnelles (procédures, flux du travail, règles d’affaires, etc.) et les questions du développement du logiciel sont prises en compte. Les normes et les objectifs techniques, fondés sur des critères de qualité favorisant une meilleure gouvernance et mis en place lors de l’étape d’initiation, sont affinés pendant l’étape de développement et fournissent des orientations fortes pour le développement et le déploiement du système ICT4D/e-gouvernement.

Comme dans toutes les étapes de la méthode, un accent particulier est mis sur le respect de la vision du projet qui influence fortement l’architecture du système et les différentes décisions techniques qui sont prises dans le but de favoriser les retombées définies dans l’étape précédente. Par conséquent, il y a une bonne garantie que le projet fournira les meilleurs résultats et retombées possibles, compte tenu des situations qui ont prévalu avant et pendant le développement et le déploiement du système. Cette emphase mise sur une amélioration significative de la gouvernance devrait être adoptée par tous les membres de l’équipe de développement ainsi que par la majorité des acteurs principaux.

L’évaluation systématique des retombées du projet

L’évaluation systématique des résultats du projet, l’étape d’évaluation (processus 4 dans la figure 7.1) est également une étape très importante de l’approche eFez, menée en parallèle avec les autres étapes. Son objectif est d’évaluer et de surveiller systématiquement l’évolution de la situation au cours du projet, par rapport à la réalisation des retombées attendues du projet et des attributs de qualité du système en vue d’une meilleure gouvernance. Au cours de cette étape, les conditions favorables doivent également être maintenues. Elles peuvent être différentes et/ou complé-mentaires à celles qui doivent prévaloir dans les autres étapes, puisque le bon environnement doit être mis en place afin de mener les diverses enquêtes nécessaires à la réalisation des évaluations. La figure 7.4 présente les principales étapes de cette phase d’évaluation. Une analyse scientifique des résultats doit être faite afin d’évaluer, expliquer et justifier à la fois les résultats fournis par le projet par rapport aux résultats attendus, et les impacts du projet par rapport aux retombées escomptées et à la vision du projet en vue d’une gouvernance améliorée. Ainsi, une première évaluation de la situation est effectuée en parallèle avec l’étape de lancement afin d’obtenir les données qui seront utilisées pour mesurer les indicateurs associés aux résultats attendus du système.

Figure 7.3 : La phase de développement et de déploiement de la carte de route d’eFez

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Nous avons développé une approche spécifique pour identifier les indicateurs et les mesures, et nous l’avons appliquée au projet eFez (Kettani et al 2006). Les premières étapes de cette approche (principalement la sélection, la définition et l’amélioration des indicateurs et des mesures appropriés) contribuent de façon significative à l’amélioration des retombées escomptées établies au cours de l’étape de lancement (représentée comme une boucle de rétroaction par une flèche courbe en pointillés reliant le rectangle 4 au rectangle 2 sur la figure 7.1). De la même manière, l’évaluation des facteurs de qualité du système, en parallèle avec l’étape de développement et de déploiement, peut déclencher quelques avertissements qui permettront aux gestionnaires de projet de régler le déroulement de cette étape. Ceci est également montré dans la figure 7.1 par la flèche courbe en pointillés entre les rectangles 4 et 3. Plus de détails sont fournis dans le chapitre IV de ce livre.

Comme mentionné auparavant, l’approche eFez a été appliquée avec succès avec des variations mineures sur toutes les phases du projet eFez (correspondant à PPT, DDESL, DDESG). Dans les sections suivantes, nous discutons de quelques faits saillants qui illustrent l’application effective de l’approche eFez en référence aux phases de la carte de route générique. Nous allons utiliser les termes choisis au cours du projet eFez tels que l’Équipe eFez, ainsi que les termes introduits dans le chapitre VI tels que l’équipe pilote, l’équipe ECE et l’équipe EDE.

Figure 7.4 : Évaluation systématique des retombées du projet

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III. LA PHASE PPT DU PROJET EFEZ

Les principaux objectifs de la phase PPT, comme indiqués sur la carte de route générique, sont les suivants :

• Élaborer une mission, une vision et des objectifs clairs, qui seront présentés et acceptés par les cadres supérieurs de l’institution;

• Mettre en place une équipe projet dévouée soutenue par des e-Champions enthousiastes;

• Comprendre la situation actuelle et le statut de l’institution et susciter et entretenir un esprit positif de synergie entre tous les intervenants, en lien avec les impacts et changements positifs qu’aura l’introduction des TIC sur l’institution dans son ensemble et sur les individus qui en font partie;

• Créer et maintenir des conditions favorables;

• Créer, perfectionner et mettre à jour la vision du projet, et identifier les retombées attendues;

• Proposer une solution (c’est-à-dire le matériel, le réseau de communication, les logiciels, les procédures de gestion, les relations avec la clientèle, etc.) qui soutiendra le processus de transformation et la mise en œuvre d’une approche ICT4D/e-gouvernement, en utilisant les technologies appropriées (TIC) et en tenant compte de la vision du projet, ainsi que des besoins et des contraintes de l’institution;

• Evaluer en permanence la solution évolutive pour produire des données et des rapports d’étape qui soutiendront aisément et plus efficacement le processus décisionnel des cadres supérieurs et des principaux acteurs; et

• Permettre aux cadres supérieurs d’évaluer et de décider si cette expérience répond à leurs objectifs et peut être utilisée comme une base pour mener à bien le processus de transformation effective de l’institution

Rétrospectivement, nous pouvons dire que la plupart de ces objectifs ont été abordés et atteints au cours de la phase eFez 1, grâce à des activités et des actions qui ont eu lieu durant les 4 étapes de l’approche eFez. Jetons un coup d’œil sur certains détails saillants dans les sections suivantes.

Vision, mission et objectifs de la phase 1 d’eFez

Notre vision de recherche était, et est toujours, de promouvoir les TIC comme un vecteur important pour soutenir et induire des changements socio-économiques au Maroc, à travers leur diffusion dans les différents secteurs d’activités.

Notre mission de recherche était, et est toujours, de développer différents systèmes pilotes dans différents secteurs et d’élaborer une carte de route pour accélérer leur processus de diffusion associé à une évaluation systématique des impacts et retombées pour convaincre les décideurs et appuyer leurs décisions d’adoption.

Notre mission de recherche était de développer un système pilote d’e-gouvernement pour offrir une prestation de services en ligne aux citoyens de la ville de Fès. Le projet visait à :

• Proposer une méthode (ou carte de route) qui puisse être utilisée pour reproduire l’expérience dans d’autres villes marocaines;

• Evaluer l’influence de ces systèmes sur la vie quotidienne des Marocains et sur l’amélioration de la gouvernance en général.

Champions, intervenants et esprit d’équipe

Un accent particulier a été mis sur la mobilisation et la motivation de tous les acteurs concernés en vue de partager notre mission, la vision et les objectifs et d’adhérer à l’élaboration minutieuse d’indicateurs et de techniques de mesure pour évaluer les résultats du projet par rapport à l’amélioration de la qualité de la gouvernance. L’équipe a adopté une approche participative dès le début de cette phase et a commencé par communiquer et expliquer aux décideurs de Fès l’idée principale du projet eFez et ses objectifs connexes. Ce point a été fondamental pour sensibiliser et mobiliser les décideurs locaux de Fès en vue d’adopter et de soutenir la vision du projet eFez.

Dans l’approche eFez, le terme ‘acteurs principaux’ réfère aux institutions et individus concernés par la réussite et par les résultats de l’expérience eFez. Ces acteurs comprennent les parlementaires, les politiciens du gouvernement local de Fès, les cadres supérieurs de l’administration locale de Fès et les représentants des citoyens. Penchonsnous maintenant sur les principaux acteurs qui ont participé activement à la phase du PPT.

Comme la ville de Fès n’avait pas d’employé possédant des connaissances et de l’expertise dans le développement de systèmes informatisés, l’équipe eFez a été constituée au démarrage du projet et était responsable de la gestion du projet et de la production des livrables du PPT. L’équipe eFez était composée du Directeur de projet et de deux collaboratrices de l’Université Al Akhawayn (AUI) à Ifrane, et a été conseillée par un conseiller externe de l’Université Laval au Canada. Certains développeurs ont également été embauchés par l’équipe eFez et ont travaillé dans le laboratoire ICT4D de AUI pour soutenir les diverses activités techniques au cours du PPT, y compris le développement des modules logiciels requis. Au cours du PPT, il n’était pas possible d’inclure les employés et les dirigeants des bureaux d’état civil (BEC) dans l’équipe eFez parce que personne n’était formé et prêt à participer à des activités de gestion de projet. Heureusement, certains officiers et employés de BEC, qui ont été activement impliqués dans la conception, les essais et l’utilisation du premier prototype du système eFez au cours du PPT, ont montré leur intérêt et leur capacité à s’engager plus activement dans le projet en tant que formateurs et entraîneurs (‘coaches’) de leurs pairs. Ils feront plus tard partie de l’équipe d’accompagnement de la transformation lors des phases DDESL et DDESG.

Après avoir construit les fondements d’une vision partagée, l’équipe eFez a impliqué tous les acteurs principaux tout au long des différentes phases du projet afin de s’assurer que le projet répondait aux besoins et aux aspirations locales. Comme ils étaient des acteurs locaux, ces intervenants sont devenus les agents de changement eFez en soutenant les efforts et les activités du projet et en effectuant des changements concrets sur le terrain. Par conséquent, l’équipe eFez a identifié les acteurs qui ont manifesté explicitement leur volonté de participer activement dans le projet eFez et les a nommés « e-Champions ».

Ainsi, le projet eFez a eu divers e-Champions tant aux niveaux politique et organisationnel qu’à celui de la société civile pour faciliter la transition en douceur vers la nouvelle approche d’e-gouvernement. Le président de l’Arrondissement d’Agdal3 a été l’un des principaux champions du projet eFez. Il a fortement appuyé le projet et a pris, de manière proactive, la responsabilité d’assurer les aspects juridiques et la validité administrative des certificats délivrés par l’intermédiaire du système eFez. Lorsque le projet a démarré, les agents de l’Arrondissement d’Agdal étaient quelque peu réticents à nous soutenir à cause des mauvaises expériences qu’ils avaient vécues par le passé avec des initiatives similaires. Néanmoins, avec les directives et l’engagement du président de l’Arrondissement, nous avons reçu tout le soutien dont nous avions besoin !

3. La commune de Fès est divisée en cinq arrondissements, chacun ayant en moyenne cinq Bureaux d’état civil (BEC) qui opèrent sous l’autorité du président de l’arrondissement

Affinage des objectifs du projet

La phase 1 d’eFez a commencé avec le lancement officiel du projet eFez en juin 2004, lors de l’atelier de lancement (« Kick-Off ») qui a rassemblé des participants distingués de la ville de Fès, les représentants de AUI en charge du projet, des représentants du Ministère marocain de l’Intérieur, des conseillers canadiens et des représentants du CRDI. Cet atelier a permis aux participants de présenter et de discuter des objectifs du projet et des principaux enjeux, à l’instar de projets d’e-gouvernement réalisés dans d’autres pays, les solutions potentielles et les répercussions prévues sur la gouvernance locale et nationale.

Au niveau organisationnel, l’équipe eFez4 a travaillé en étroite collaboration avec les cadres et les employés d’un BEC pilote tout au long du projet. Ainsi, l’équipe eFez a évalué le système de prestation de services existant avant la réalisation du Système eFez afin d’avoir une bonne compréhension du cadre réglementaire et législatif du BEC, des structures organisationnelles et des fonctionnalités, ainsi que des défauts détectés et des attentes des employés. L’équipe a pris conscience du fait que les politiques juridiques et réglementaires du Maroc sont loin à la traîne par rapport aux progrès des TIC. Afin de permettre la mise en œuvre du projet, l’équipe eFez réalisa un travail de fonds pour comprendre le cadre juridique régissant le domaine dans lequel le projet visait à introduire les TIC. Une telle compréhension est une condition préalable au développement d’applications technologiques qui se conforment aux politiques juridiques existantes, et donc, pour conserver la confiance des dirigeants des BEC. Afin de moderniser la prestation des services BEC, il a été décidé de ne pas seulement automatiser le « back-office » (et d’offrir un logiciel aux employés et aux gestionnaires du BEC), mais aussi de créer également un système électronique de « front-office » qui permettrait aux citoyens d’accéder aux services du BEC de façon autonome, en utilisant soit un kiosque numérique dans le bureau du BEC, soit l’Internet. Comme premier service à automatiser, l’équipe eFez a choisi de développer un système informatisant les dossiers des citoyens gérés par le BEC (‘événements de la vie’ - ‘life records’).

4. L’Équipe eFez est le nom qui a été choisi par le groupe de personnes qui ont été très impliquées dans le projet depuis son démarrage. Ce groupe était principalement composé du Directeur de Projet et de ses collaborateurs d’AUI, du conseiller externe Canadien de l’Université Laval et de gestionnaires et employés clés de la ville de Fès. L’Équipe eFez a évolué au cours des années, mais le noyau initial est resté stable pendant toute la durée du projet. Dans ce chapitre, nous référons habituellement à l’Équipe eFez, quoique parfois nous utilisons les termes introduits au chapitre VI, soit, ECE, EDE, EAT, EST et EF, quand nous mettons en évidence des rôles spécifiques joués par les membres de l’équipe.

Proposer/développer une plate-forme informatisée

L’équipe eFez a réalisé dès le début du projet que la participation active des citoyens ordinaires serait cruciale pour la réussite du projet. En conséquence, au niveau social, le projet eFez a utilisé de nombreuses méthodes de recherche afin de mieux comprendre les besoins et les aspirations des citoyens et de recueillir leurs commentaires et la rétroaction en ce qui concerne l’avancement du projet et ses résultats en matière de déploiement des TIC. L’équipe eFez a en particulier cherché à en savoir plus sur les attentes des citoyens en regard de l’automatisation du BEC.

Par exemple, en octobre 2004, l’équipe eFez a lancé une enquête sur la préparation des citoyens de Fès à utiliser un système d’e-gouvernement déployé en leur faveur. Plus précisément, l’enquête visait à identifier les profils démographiques et les habitudes en matière de TIC des principaux groupes de citoyens qui demandent des services du BEC, ainsi que leurs attitudes à l’égard du Portail eFez qui était en cours de développement. Le résultat principal de l’enquête a été la découverte d’une attitude positive des citoyens à l’égard de l’initiative de construction du portail d’e-gouvernement de Fès. De plus, on a aussi découvert que trois services publics principaux disponibles sur le portail de Fès étaient les plus désirés par les citoyens : des informations en ligne sur les procédures administratives, la possibilité de demander et recevoir en ligne des services publics, et la présence de zones interactives pour poster des commentaires et des plaintes.

Une grande proportion des répondants préférait que le contenu du portail soit en arabe classique (63,1%) et de pouvoir y accéder sans avoir à interagir avec les employés du BEC.

Sur la base de ces résultats encourageants, l’équipe eFez a poursuivi la conception des composantes informatisées du projet eFez. Elle a effectué plusieurs visites dans divers BECs pour évaluer les besoins en termes de système d’e-gouvernement. L’équipe a réalisé la nécessité de tout construire à partir de rien en raison de l’absence complète d’infrastructure électronique dans l’administration municipale de Fès. L’infrastructure réseau existante était obsolète et non-fonctionnelle. L’équipe eFez a décidé de travailler au cours de la phase PPT avec un seul BEC pilote : Le BEC Agdal situé dans l’Arrondissement Fès-Agdal. L’équipe devait aussi choisir quels services automatiser. Les conseils des officiers et en particulier de l’officier supérieur de la Division de l’état civil de l’Arrondissement Agdal Fès a été très utile. Avec sa profonde connaissance des services du BEC, l’officier supérieur du BEC a suggéré que l’équipe commence par l’activation électronique de la prestation des services des certificats de naissance, car ils sont très demandés tout au long de l’année et que les règlements qui déterminent le flux de travail sont plus simples et moins bureaucratiques que ceux d’autres services du BEC. Aussi, l’expérience du PPT a été limitée, dans un premier temps, à l’élaboration et au déploiement d’un système de prestation électronique de certificats de naissance des citoyens.

Une des premières activités du PPT a consisté à mener une étude complète pour identifier et comparer les outils technologiques disponibles, y compris l’examen des solutions de logiciel libre. Cette étude a été très importante car elle a permis à l’équipe eFez de mieux connaître les technologies et logiciels disponibles et appropriés pour les institutions municipales marocaines. Puis, l’équipe a sélectionné les outils technologiques adaptés aux besoins du projet.

Tôt au début du PPT, l’équipe technique EDE a procédé à l’installation de l’infrastructure informatique nécessaire (par exemple, le câblage, les connexions) avec la participation active du personnel informatique de Fès (une seule personne à ce moment-là !). Les activités d’installation ont été effectuées de manière à aider le personnel informatique à acquérir les compétences techniques nécessaires pour les travaux d’entretien. Par conséquent, la participation à cette activité était une opportunité de formation pour le personnel informatique de Fès.

Afin de concevoir, mettre en œuvre et déployer le système de prestation en ligne des certificats de naissance, il fallait un accès électronique aux dossiers reliés aux événements de vie des citoyens. L’équipe d’eFez s’attendait à ce qu’un tel accès électronique (base de données des citoyens) soit disponible dans d’autres institutions telles que l’administration de la police, le Ministère de l’Intérieur ou toute autre institution au Maroc. Cependant, l’équipe a découvert que ces données n’avaient jamais été numérisées dans une ville ou dans un BEC du Maroc.

Par exemple, le BEC d’Agdal conserve les dossiers reliés aux événements de vie de 17 000 citoyens. L’EDE a tenté de scanner ces documents et d’utiliser la technologie OCR (Optical Characters Recognition), mais avec cette méthode, la marge d’erreur était supérieure à 60 pour cent en raison de l’écriture arabe manuscrite souvent difficile à « décoder ». Cela signifiait que l’EDE devait construire le système à partir de zéro, ce qui impliquait non seulement le déploiement d’une plate-forme de livraison en ligne, mais aussi l’informatisation et la numérisation des données dont la plate-forme aurait besoin pour offrir les prestations de services électroniques. En d’autres termes, l’équipe eFez a réalisé qu’elle aurait besoin de travailler à la fois sur le front office et sur le back office du BEC, ainsi que sur le développement d’un logiciel de numérisation et la mise en place des flux de travail correspondants. Évidemment, les dossiers des citoyens sont des données essentielles qui doivent être saisies et validées avec précision.

Pour automatiser le back office du BEC, il fallait concevoir, implémenter et déployer une base de données et un système qui numérise et gère électroniquement les enregistrements des événements de vie des citoyens. Pour cela, il fallait une analyse de besoins complète et des spécifications précises. Le manque de documentation relative à la description formelle des prestations de services du BEC a sérieusement compliqué cette tâche qui a pris beaucoup plus de temps et de ressources qu’initialement prévu.

Par ailleurs, les employés du BEC n’avaient reçu aucune formation formelle en relation avec les services offerts au BEC. La plupart des employés avaient eu un entraînement informel acquis sur le tas en observant simplement la manière dont leurs collègues plus expérimentés réalisaient leurs tâches de façon mécanique, sans comprendre les lois et règlements qui régissent leurs fonctions. Seul un fonctionnaire expérimenté du BEC était bien informé à ce sujet, après avoir obtenu un baccalauréat en droit en 1975 et après 30 ans d’expérience de travail dans les BEC. Par conséquent, l’équipe a travaillé régulièrement avec cet expert pendant au moins les deux premiers mois de la conception du système. Ce travail intensif était important parce que l’information reliée à la prestation de services BEC n’était disponible que grâce à ses uniques connaissances. Il a également aidé l’équipe à comprendre les règlements qui régissent la prestation des services du BEC de sorte qu’il fût possible d’identifier et de recueillir les besoins et de déterminer les spécifications pour le système informatisé.

Après l’identification et la sélection d’outils technologiques, l’équipe eFez et l’EDE ont procédé à la modélisation et à la conception d’une version initiale de l’architecture de la plate-forme dans laquelle les composants principaux du logiciel sont organisés d’une manière fonctionnelle et sécurisée :

• Le logiciel pour numériser et valider les dossiers des citoyens dans la base de données (back-office); et

• Le logiciel pour exploiter les enregistrements des citoyens dans la base de données et pour leur fournir des certificats de naissance (Front-Office).

Ensuite, un certain nombre d’activités de conception et de développement ont eu lieu :

• Création de l’architecture client-serveur pour l’application logicielle;

• Identification des services publics qui pourraient être offerts en ligne;

• La conception de la base de données pour enregistrer les événements de la vie des citoyens (enregistrements des citoyens);

• La conception et le développement de protocoles de sécurité et d’authentification; et,

• La conception d’une version initiale de l’interface graphique pour les utilisateurs du système.

L’EDE a réalisé la conception et la mise en œuvre du logiciel pour numériser les dossiers des citoyens et le système de livraison en ligne des certificats de naissance (la toute première version du back-office du Système eFez).

L’équipe eFez a travaillé avec le personnel du BEC Agdal pour la conception, la mise en œuvre et le déploiement du système afin de numériser les données et d’automatiser la méthode de prestation de service (les flux de travail). Les officiers du BEC (c.-à-d. les experts du BEC) ont participé activement tout au long des étapes de création du système et ont validé ce nouveau système. Le développement et la mise en œuvre de l’application ont été itératifs, s’appuyant sur un bon nombre de cycles de tests et d’ajustements. La saisie des données effectuée par le personnel du BEC d’Agdal a garanti l’intégrité du système de numérisation puisqu’elle concerne les processus d’affaires et les opérations internes du BEC. L’équipe eFez a invité et encouragé le personnel du BEC à s’impliquer dans la conception de l’interface utilisateur du système. Le personnel du BEC d’Agdal a insisté pour avoir une interface graphique qui ressemble fortement à une feuille du registre d’état civil du BEC, expliquant que la simplicité et l’aspect pratique de cette présentation réduirait les problèmes de familiarisation et accélèrerait sûrement le processus d’apprentissage.

Construire le back-office de l’application du BEC s’est avéré une tâche très délicate puisque les agents du BEC n’ont été satisfaits que lorsque la plate-forme a pu respecter parfaitement la réglementation du BEC. Par exemple, les erreurs qui peuvent apparaître dans la version manuscrite des enregistrements des citoyens doivent être également conservées dans le dossier informatisé parce qu’elles ne peuvent être réfutées que par une intervention judiciaire formelle. En l’absence de celle-ci, les corrections ne sont pas considérées comme juridiquement valides, mais plutôt comme une fraude passible de sanctions. Les équipes eFez et EDE se réunissaient chaque semaine avec deux ou trois officiers du BEC qui fournissaient leurs avis au cours de la construction de la base de données et de l’interface de saisie des données. Vu le grand nombre d’incohérences présentes dans le système manuel du BEC, il était très difficile de trouver une approche systématique pour construire l’application. Mais, grâce à la participation active des officiers de l’état civil, on a réussi à compéter la conception et l’implémentation de la base de données.

Peu de temps après le déploiement du logiciel de numérisation, les employés du BEC l’ont utilisé pour saisir les demandes, les déclarations et les changements d’état civil des citoyens. Le BEC Agdal pouvait ainsi servir instantanément les citoyens en quelques secondes moyennant quelques clics de souris.

Ajustements continuels

À la fin du PPT, les citoyens du BEC de l’Agdal étaient en mesure d’utiliser trois modes différents pour la présentation et le traitement de leurs demandes de certificats (c.-à-d.- de naissance, de mariage, de décès, etc.) :

• Le maintien des pratiques anciennes qui consistent à aller directement au bureau d’un employé du BEC;

• L’utilisation d’un kiosque interactif bilingue (en arabe et en français) avec une interface à écran tactile facile à utiliser;

• L’utilisation d’un portail Internet interactif bilingue (en arabe et en français) à partir duquel les demandes de documents peuvent être envoyées. Dans tous les cas, les citoyens devaient aller en personne au bureau du BEC pour récupérer les documents imprimés et payer les frais correspondants.

Depuis le déploiement de la version initiale du système eFez et l’installation du kiosque dans le BEC d’Agdal, l’équipe eFez a fait le suivi les habitudes d’utilisation des utilisateurs en s’appuyant sur des méthodes de collecte de données qualitatives et quantitatives. De novembre 2005 à février 2006, l’équipe eFez a fait des observations périodiques du fonctionnement des BEC et a mené des entrevues en profondeur avec les employés et les citoyens au sujet de leur utilisation des canaux de prestation électroniques déployés. La principale constatation était que presque tous les citoyens avaient demandé leurs services en abordant les employés du BEC en charge et que les canaux de distribution en ligne et le kiosque étaient fortement sous-utilisés. Par conséquent, l’équipe eFez a étudié plusieurs moyens pour promouvoir l’utilisation de ce nouveau kiosque. Le canal du kiosque avait été déployé en tant que mécanisme visant à réduire la fracture numérique existante, comme l’atteste le faible accès aux TIC, PC et Internet au Maroc. Il était également vu comme un mécanisme pour tenir compte du taux élevé d’analphabétisme des utilisateurs. L’équipe eFez avait développé le kiosque pour être universellement accessible, utilisable et acceptable par les membres des communautés locales, quel que soit leur degré d’alphabétisation et de familiarité avec les TIC. Le raisonnement sous-jacent était d’éviter l’exclusion sociale des personnes analphabètes de la prestation automatisée des services; et ainsi de réduire d’une certaine façon l’effet de la fracture numérique.

Pour résoudre ce problème du sous-usage du kiosque, nous avons enclenché un processus itératif de consultation des citoyens ordinaires, y compris les illettrés. Ainsi, l’équipe eFez a été en mesure d’ajuster et de réajuster le système du kiosque afin de se conformer aux rétroactions des citoyens au cours de la période de Février 2005 à Mars 2006. Comme cela a été suggéré par les citoyens qui ont participé à ce processus itératif, le nouveau kiosque comprenait des instructions vocales claires qui dirigent l’utilisateur, pas à pas, dans le processus de sa demande. Les instructions sont en arabe dialectal du Maroc, basées sur les suggestions du groupe de citoyens qui avaient été impliqués. Le kiosque est également bâti d’une façon conforme aux conventions culturelles dans le choix des images représentant à l’écran les différents services du BEC. De plus, le kiosque permet aux citoyens d’entrer leurs informations avec une interface graphique qui ressemble à celle d’un téléphone portable. L’interface présente un clavier sur lequel on distingue clairement un bouton rouge pour les corrections et un bouton vert pour valider, ce qui est familier même pour les illettrés qui ont l’habitude d’utiliser des téléphones portables. Après ces ajustements, l’équipe eFez a procédé au test de son utilisation avec un groupe d’essai d’environ 70 hommes et femmes illettrés, d’âges différents. Les tests ont révélé que tous les participants analphabètes, n’ayant pas de problèmes de vue et d’ouïe, et pouvant distinguer les chiffres, ont réussi à compléter une demande au kiosque par eux-mêmes, après leur première initiation. Cependant, même après ces changements importants, le taux d’utilisation du kiosque est resté faible. L’équipe eFez a poursuivi son étude pour déterminer les raisons expliquant ce faible taux d’utilisation, malgré la nouvelle interface proposée et validée par un grand nombre de citoyens. Une campagne d’observations et des interviews en profondeur ont été menées à nouveau. Nous avons ainsi pu révéler que la communauté locale de Fès n’était pas au courant de l’existence du kiosque interactif. La communauté connaissait les guichets automatiques des banques, mais ne savait pas qu’un kiosque pour les services BEC était également disponible sur place. L’équipe eFez s’est rendu compte que la raison derrière le faible taux d’utilisation du kiosque n’était donc pas technologique, mais plutôt humaine et sociale. Les citoyens n’étaient pas informés de la disponibilité d’un tel kiosque, puisque celui-ci était le premier à être déployé au Maroc.

L’équipe eFez a donc lancé une campagne de communication ciblant les visiteurs du BEC d’Agdal. Plus précisément, l’équipe a recruté et formé une assistante pour le kiosque : elle était chargée d’informer les citoyens de sa disponibilité, de les inviter à l’utiliser en les aidant si nécessaire. Elle administrait aussi des questionnaires afin que les citoyens puissent participer à l’évaluation des changements du BEC, selon leur point de vue. À la suite de cette méthode itérative, l’équipe eFez a ainsi produit un kiosque qui s’intègre dans la culture du Maroc et qui a changé les habitudes des citoyens : on a observé un taux quotidien d’utilisation élevé. À partir de mars 2006, plus de 90% des demandes quotidiennes des citoyens étaient faites grâce au kiosque. Pour agrémenter l’histoire d’eFez avec un brin d’humour, quelques citoyens percevaient le kiosque comme un moyen de « téléphoner » à leurs certificats d’état civil pour qu’ils (les certificats) viennent vers eux ! Le kiosque est devenu ainsi, malgré les difficultés culturelles, le mode local préféré pour la conduite des affaires avec le BEC, en comparaison aux deux autres canaux de distribution (au comptoir ou par internet). Les citoyens n’approchaient quasiment plus les employés du BEC pour obtenir les services nécessaires. Le kiosque était perçu comme un libérateur de la dépendance à l’égard des employés !

L’équipe de projet a offert aux employés une formation personnalisée au nouveau système, qui se déroula à l’Université Al Akhawayn à Ifrane (AUI). Ce lieu de formation s’est avéré un très bon choix car la plupart des employés n’avaient jamais été dans la belle ville d’Ifrane. Ils l’ont donc perçue comme une zone de villégiature et ainsi, ont apprécié l’excellente occasion pour profiter des installations de recherche d’AUI. Dans ce sens, la formation est devenue attrayante pour ces employés. En plus de leurs séjours organisés à AUI, l’équipe du projet a également récompensé les employés avec des incitatifs monétaires pour compléter rapidement et avec précision leur formation sur l’informatisation du BEC. Ce qui semblait motiver considérablement les employés dans leur participation à la réalisation des objectifs de l’eFez était la grande visibilité politique du projet, qui se manifestait lors de visites de diverses délégations officielles au BEC d’Agdal pour constater les progrès de l’automatisation. Il s’agissait notamment de la visite des gouverneurs du CRDI en novembre 2005 et des visites des maires du Maroc et de Walis (représentants du Roi dans les villes du Maroc). Avec ces visites, le personnel du BEC a réalisé qu’ils étaient en train de contribuer activement à un projet de développement d’une importance nationale et internationale.

Les acteurs principaux de Fès sont devenus également plus intéressés par la mise en œuvre réussie du Système eFez en raison de la visibilité croissante du projet par l’intermédiaire d’une large couverture dans les médias écrits et télévisés du Maroc. En outre, le personnel du BEC était très reconnaissant d’un geste spécifique posé par l’équipe eFez lors de la séance d’ouverture de l’atelier de clôture de la Phase 1 du projet eFez qui s’est déroulée en juillet 2006 à AUI. Tous les participants (y compris des décideurs nationaux et régionaux) avaient été invités à participer à une visite du BEC Agdal à Fès. À cette occasion l’équipe eFez a remis à chaque officier et employé du BEC qui s’étaient dévoués au projet, des prix symboliques et des certificats personnalisés et signés par le Directeur de projet, Dr Kettani, le responsable du CRDI, Dr El Zaïm, et le maire de Fès, M. Chabat. Des photos ont été prises avec les participants à l’atelier. Le personnel du BEC a été très touché pour ces gestes de reconnaissance et a apprécié d’être reconnu publiquement auprès d’un auditoire si distingué pour leur rôle dans la réussite du projet. Ils ont mentionné qu’un grand problème de l’administration publique est le fait que les employés actifs et dévoués ne sont que très rarement reconnus.

L’évaluation des retombées

L’utilisation des registres automatisés, l’impression et la livraison immédiate des certificats de naissance aux citoyens ont été un succès dès que le système a été déployé et mis en service dans le BEC d’Agdal. Ce projet pilote a vraiment été un succès, recevant d’excellents commentaires et une grande satisfaction exprimée par tous les intervenants, tout autant des autorités de la ville que des officiers et employés des BEC et des citoyens. Une enquête menée de mai à juin 2006 auprès de plus de 500 citoyens (7,9% analphabètes, 6,4% avec une éducation primaire, 32,9% avec une éducation secondaire, 6,4% avec une éducation du premier cycle, et 45% avec une formation universitaire) a montré que 95% d’entre eux ont utilisé le kiosque placé dans le BEC. La satisfaction était exceptionnellement élevée : 91,2% des personnes interrogées étaient très satisfaites et 7% étaient satisfaites, 93% des personnes ont qualifié la prestation des services comme étant excellente et 3% l’ont jugée bonne.

Au niveau organisationnel, le projet eFez a révolutionné le fonctionnement des BEC grâce à l’introduction des TIC et à la modernisation du mode de travail. Ces améliorations concrètes ont confirmé la grande importance et la valeur du projet aux employés et à la direction de la Ville de Fès, et a ainsi facilité l’appropriation du projet au niveau organisationnel. Dans les BEC automatisés, les employés ont abandonné la méthode manuelle de travail et leur principal souhait était de voir l’extension du projet à d’autres services qui n’étaient pas encore automatisés.

Au niveau social, le projet eFez a amélioré les outils et les pratiques de gouvernance du BEC, et, par conséquent, a permis une prestation de services inédite et conviviale aux citoyens grâce à la diversification des canaux électroniques de prestation de services. Ces nouveaux modes électroniques ont permis aux citoyens :

• D’utiliser une procédure simplifiée de la demande/réception des certificats souhaités;

• De réduire leur dépendance envers les employés;

• D’obtenir un accès instantané et commode aux certificats requis grâce au kiosque, leur permettant de recevoir des imprimés de haute qualité, plutôt que des copies manuscrites obsolètes. La délivrance électronique instantanée des certificats a éliminé les files d’attente et la nécessité de vas-et-viens de et vers les BEC. Ainsi, les citoyens ont vu disparaître les problèmes de tours non respectés dans les files d’attente, de bakchich presque obligatoire, et de recourir à des personnes bien placées pour faire avancer des dossiers particuliers. À cet égard, la prestation de services électroniques a permis aux citoyens d’avoir accès aux services du BEC sur une base égalitaire, quel que soit leur rang social.

Au niveau politique, un résultat majeur du PPT a été la forte appropriation du projet. Tel que mentionné précédemment, le président de l’arrondissement Agdal Fès a fourni un soutien absolu au projet eFez et a facilité la mise en place de tous les moyens logistiques nécessaires pour permettre la conduite harmonieuse du projet. Son leadership politique a augmenté la visibilité du projet aux niveaux local, régional et national, grâce notamment à un réseau de personnalités, dont le maire de Fès (élu) et le Wali (représentant désigné de sa Majesté le Roi du Maroc) de Fès.

Le PPT a réussi à démontrer la possibilité de transformer les structures de la gouvernance locale en introduisant un système d’e-gouvernement qui a permis la prestation en ligne des services orientés vers les citoyens. La composante de recherche du projet a souligné l’importance de l’évaluation des résultats, des changements, des retombées et des effets d’un déploiement d’un système d’e-gouvernement sur la qualité de la gouvernance locale. Tous les objectifs initiaux ont été atteints, y compris :

• Le déploiement d’un portail e-gouvernement fournissant à la communauté locale d’Agdal Fès un accès facile, rapide et pratique aux informations gouvernementales. Ce portail comprend également une plate-forme permettant la demande et la réception en ligne de l’un des services les plus utilisés par les citoyens en utilisant une variété d’appareils, y compris les téléphones cellulaires, les ordinateurs et les kiosques à écran tactile situés dans les bâtiments municipaux et disponibles pour un usage public et gratuit;

• L’élaboration d’une carte de route pour servir de référence pour les systèmes d’e-gouvernement dans d’autres villes du royaume. Cette carte de route vise à guider et informer les praticiens des administrations locales et nationales sur les bonnes pratiques d’implantation de systèmes d’e-gouvernement.

• La proposition d’un cadre d’évaluation et d’analyse des changements et des retombées générés par le déploiement de services électroniques aux niveaux politique, organisationnel, social et de gouvernance.

La Phase 1 d’eFez a été considérée comme un véritable succès et les décideurs de l’arrondissement ont décidé de poursuivre le projet, après la clôture du PPT. Comme reconnaissance officielle de cette réalisation exceptionnelle, l’équipe du projet a reçu le prestigieux prix national eMtiaz-2006 décerné au meilleur projet d’e-gouvernement au Maroc.

IV. LA PHASE DDESL DU PROJET EFEZ

Les principaux objectifs de la phase DDESL, comme indiqué dans la carte de route générique (voir chapitre VI), sont de tirer parti des résultats du PPT afin de créer, déployer et évaluer le nouveau système et l’organisation associée dans une partie significative et bien choisie de l’institution. Généralement, la phase DDESL se poursuit dans le même secteur de l’institution dans lequel le PPT a été conduit, et ce afin de capitaliser sur l’élan acquis et de bénéficier de l’appui des champions qui y sont déjà actifs. De nombreuses questions d’organisation (mais pas toutes !) qui ont été examinées au cours du PPT s’appliquent encore pendant la phase DDESL, y compris :

• Le maintien des conditions favorables;

• La participation des e-Champions et des acteurs clés;

• La mise à jour et le partage de la vision du projet;

• La planification et le suivi attentif du projet;

• La formation et l’encadrement (‘coaching’); et

• L’évaluation de l’avancement du projet par rapport aux principes de bonne gouvernance.

Dans la vision globale et la mission du Projet eFez, les objectifs spécifiques de la phase 2 étaient d’améliorer la préparation et la sensibilisation des intervenants et de s’assurer que la solution proposée pourrait être facilement mise en place au niveau de la ville toute entière. La Phase 2 d’eFez correspond aux deux phases qui suivent le PPT dans la carte de route générique, à savoir les phases DDESL et DDESG. Plus particulièrement, dans la Phase 2 d’eFez, l’étape DDESL correspond à l’ajustement et à la réingénierie du système pilote et à son déploiement dans les sept BEC de Arrondissement Agdal, tandis que le DDESG concerne la généralisation de la plate-forme aux 33 BEC des cinq autres arrondissements de la ville de Fès.

Dans cette section, nous nous concentrons sur les détails saillants illustrant la mise en œuvre des différentes étapes de la phase DDESL, telles que présentées dans la carte de route générique.

Maintenir des conditions favorables

L’Arrondissement Agdal a été choisi comme domaine DDESL parce que le PPT a été mené dans cet arrondissement où les conditions favorables étaient présentes, en particulier le soutien enthousiaste de plusieurs champions dont le président de l’Arrondissement, le secrétaire général, et plusieurs employés et dirigeants qui ont vivement supporté le projet jusqu’à ce moment-là. Par conséquent, il a été décidé d’ajuster, d’affiner et d’élargir le système pilote initial à un plus grand nombre des BEC du même arrondissement.

Implication des e-champions et des intervenants

Continuant d’appliquer une méthode de recherche et d’action participative, l’équipe eFez a pleinement impliqué et encouragé la participation active des individus et des institutions concernées et intéressées par le succès du projet eFez (les citoyens, les politiciens, les employés) tout au long des différentes phases du projet. Le projet eFez a ainsi orienté et géré des changements transformateurs au sein des BEC et de la ville de Fès en étroite collaboration avec ses partenaires et divers acteurs clés. Puisque plusieurs partenaires du projet étaient des acteurs locaux, ils sont devenus agents de changement (« e-Champions ») qui ont grandement aidé à bien mener les transformations sur le terrain. Ils ont été encouragés à participer activement au suivi du projet afin que les résultats attendus soient réalisés. Les e-Champions ont été entièrement impliqués dans l’amélioration de la carte de route initiale eFez pour faciliter son évolution vers un guide pratique et fiable, pour servir de guide pour la généralisation des projets d’e-gouvernement au Maroc.

Formation et diffusion

L’équipe eFez a développé deux types de modules de formation ciblant deux publics différents :

• Le premier programme de formation s’adressait aux intervenants clés d’eFez (les employés ou les dirigeants du BEC, le personnel informatique et les politiciens élus). Ce programme visait à permettre aux intervenants d’acquérir les connaissances, la compréhension et les compétences nécessaires pour utiliser le système eFez et pour devenir autonomes dans la maintenance et le fonctionnement opérationnel du système.

• Le deuxième type de programme de formation ciblait les acteurs des gouvernements (régional et central), plus précisément, les acteurs au sein du Ministère de l’Intérieur et des fonctionnaires opérant dans les villes marocaines intéressées et concernées par l’expérience eFez. Cette formation visait à les informer de l’importance des TIC, des dangers croissants de la fracture numérique et de la nécessité urgente de faciliter la diffusion des projets TIC dans les institutions gouvernementales du Maroc. Le but ultime de cette formation était de sensibiliser les intervenants à la faisabilité, l’utilité et l’importance de généraliser et de diffuser les TIC au sein des structures gouvernementales locales du Maroc, à travers la réplication d’outils tels que la plate-forme eFez à d’autres villes au Maroc.

Une planification et un suivi soigneux du projet

Le Directeur du projet a systématiquement consacré une journée par semaine à des réunions avec les principaux intervenants de Fès et à des visites périodiques des BEC automatisés. Ces réunions hebdomadaires se sont avérées très utiles et ont influencé la progression du projet. Elles ont fourni un environnement favorable à des réflexions collectives au sujet des difficultés et des défis du projet et à l’élaboration de plans d’action pour la résolution de problèmes.

La mise à jour et le partage de la vision du projet

L’équipe eFez a décidé d’utiliser une “stratégie de contagion” (Shapiro 2010) afin de convaincre les participants et les bénéficiaires de l’intérêt d’un passage à l’échelle en douceur… Après avoir mené une « analyse » des intervenants clés de projet eFez, l’équipe a organisé une série de séminaires avec des acteurs choisis pour expliquer les objectifs du projet eFez dans le cadre de la phase DDESL, l’approche graduelle de transformation proposée et les résultats attendus et souhaités. Lors de ces réunions de partage de vision, les intervenants se sont mis d’accord sur la nécessité urgente de répondre à leur défi commun : la réalisation avec succès de la numérisation des registres des BEC pour bénéficier des avantages de l’automatisation des BEC.

Une plate-forme TIC mieux adaptée

La phase DDESL visait la généralisation des opérations d’automatisation afin qu’elles concernent tous les BEC de la municipalité de Fès. L’équipe du projet a décidé de :

1. Reconstruire le logiciel eFez en migrant vers des technologies Open Source;

2. Transformer l’architecture du système de sorte qu’il devienne une application web (par opposition à une application « stand-alone » qui s’exécute localement dans les BEC); et

3. Ajouter de nouvelles fonctionnalités pour la gestion des BEC, pour offrir de nouvelles catégories de certificats, recueillir des données statistiques et publier des rapports automatisés sur l’utilisation du système.

Le nouveau système eFez incluait donc les améliorations suivantes :

• Un module renforcé pour la numérisation des documents de naissance du BEC avec une amélioration de la qualité et de la précision. Par conséquent, la conformité et la cohérence entre les données sur papier et la version numérisée ont été fortement renforcées;

• Un nouveau module pour fournir des certificats d’événements de vie qui ne sont pas générés à partir des registres du BEC et sont connus comme « des attestations administratives «. Il y a onze types différents d’ attestations administratives et ils servent de preuve d’événements de vie tels que les fiançailles, le mariage et le divorce. Pour permettre la délivrance de ces certificats électroniques, une base de données supplémentaire a été construite, testée, validée et déployée dans les bureaux des BEC automatisés;

• Un module de numérisation des documents de décès a été développé, testé et validé. Il a été d’abord déployé à titre expérimental dans un seul BEC (Adarissa), puis, après ajustements, il a été déployé dans tous les bureaux automatisés de l’Arrondissement Agdal;

• Un module d’application pour générer des statistiques périodiques correspondant aux événements de vie des citoyens a été développé et installé. les BEC ont besoin d’envoyer ces statiques à la Direction de la Planification Nationale du Ministère de l’Intérieur. En utilisant ces statistiques, le gouvernement central procède à des analyses afin de planifier des services dans les domaines de la santé, l’éducation et les services publics. Ce module permet de générer instantanément des statistiques nécessaires pour rationaliser le travail des employés, et également pour améliorer la précision et la rapidité de ces données vitales pour la planification centrale. À cet égard, le module visait à renforcer les relations externes des bureaux des BEC (en lien avec les obligations de rapportage) avec le Ministère de l’Intérieur;

• Un nouveau module permettant le comptage, le suivi et le contrôle automatisé de deux opérations majeures : les opérations de numérisation (entrée de données et validation) et de délivrance de certificats électroniques.

L’équipe EDE a également conçu et développé un nouveau portail e-gouvernement et son kiosque à écran tactile en sélectionnant la plate-forme technologique et les logiciels les plus appropriés. Ces logiciels incluaient également des outils de création, de gestion et de diffusion de contenu web. Les outils sélectionnés ont été rendus conformes à la nouvelle architecture n-tiers qui avait été choisie pour le système eFez.

La formation et le coaching

Au cours de la phase DDESL, quelques officiers et employés du BEC qualifiés et dévoués ont été formés par les équipes eFez et ECE pour devenir des formateurs de leurs pairs. Ils se sont approprié le projet rapidement et en sont devenus les nouveaux champions. Ils ont conduit naturellement la conception et le développement du matériel de formation pédagogique et livré cette formation à leurs pairs sous la supervision de l’Équipe eFez. À la fin des sessions de formation, les formateurs BEC (comme on les appelle maintenant), ont changé d’orientation pour encadrer leurs pairs (leurs anciens stagiaires), leur fournir un soutien, une attention, des orientations et des conseils, et des entrainements sur site selon les besoins. Ces activités d’accompagnement (« coaching ») étaient menées au cours de visites quotidiennes au BEC, une occasion précieuse pour eux de rassembler aussi des statistiques sur les progrès hebdomadaires de l’automatisation pour chaque BEC. Rétrospectivement, et d’un point de vue de gestion, cette création en douceur de « l’équipe des formateurs BEC » a été un facteur critique de succès pour le projet.

L’évaluation et les ajustements vers la DDESG

La nouvelle plate-forme a été déployée de façon réussie dans plusieurs BEC de l’Arrondissement Agdal. La conformité accrue de cette plate-forme aux besoins des BEC a contribué à convaincre les dirigeants des BEC des avantages de l’automatisation. Par conséquent, plusieurs fonctionnaires sont passés du scepticisme et de l’incrédulité à l’acceptation sereine et à l’adoption effective du système sur une période de deux ans (2007–2009).

La généralisation des opérations d’automatisation a fourni une occasion d’apprentissage à l’Équipe eFez et son évaluation a souligné l’urgence de repenser le modèle de passage à l’échelle et de faire quelques ajustements. Plusieurs faits troublants ont été révélés lors de l’évaluation de la phase DDESL. En particulier, l’approche axée sur le BEC (numérisation des dossiers des citoyens dans chaque BEC) nécessitait un travail intensif, trop dispersé géographiquement, et exigeait une grande coordination, un suivi soutenu et des coûts de maintenance élevés. De plus, les ressources humaines qualifiées requises pour ces tâches n’étaient pas disponibles en nombre suffisant. Il était évident qu’un changement de modèle s’imposait de façon stratégique.

Considérant la possibilité de généraliser l’automatisation des BEC non seulement au niveau de la ville, mais aussi au niveau national, et que le Ministère de l’Intérieur envisageait la création éventuelle de centres de données nationaux (« Data Centers ») pour centraliser les enregistrements des données des citoyens et les services connexes, l’ECE a proposé d’adopter une approche « Data Center » à l’échelle de la ville. L’achèvement de la phase de DDESL a coïncidé avec le nouveau financement du CRDI (2ème tranche de la phase eFez-2) pour le passage à l’échelle du système eFez dans toute la ville de Fès. L’objectif de cette nouvelle phase était de construire un système e-gouvernement « durable » pour toute la ville de Fès. Rétrospectivement, cette décision et le nouveau financement associé ont marqué l’achèvement de la phase de DDESL et le début de la phase DDESG du projet eFez.

V. LA PHASE DDESG DU PROJET EFEZ

L’objectif principal de la phase DDESG était de développer une solution globale pour soutenir le processus de transformation de l’institution. À ce stade, la haute direction de l’institution, les champions influents et l’ECE devaient examiner soigneusement les questions reliées au processus de passage à l’échelle. Rappelons encore une fois que des conditions favorables doivent être maintenues, avec une attention toute particulière à la sélection et à la participation des champions de haut niveau qui peuvent (ou non) être les mêmes que ceux qui ont soutenu le projet au cours du PPT et de la phase DDESL.

Un autre facteur critique de succès pour cette phase est l’identification, la sélection et la formation d’employés et de gestionnaires motivés et compétents qui vont soutenir le processus de transition dans les différents secteurs dans lesquels la solution sera adaptée et déployée. Un autre facteur essentiel est la création d’un plan et d’un échéancier pour cette phase qui feront en sorte que la solution locale sera adaptée aux besoins et aux caractéristiques de chaque secteur et sera déployée d’une manière opportune et coordonnée.

Dans les sections suivantes, nous décrirons les actions et les décisions importantes qui ont été engagées au cours des différentes étapes de la phase DDESG du projet eFez, en conformité avec les étapes de notre carte de route générique (chapitre VI).

Réexamen de la stratégie avec une équipe élargie

Au cours des trois premiers mois de l’année 2008, l’équipe du projet a consacré beaucoup d’efforts pour sensibiliser les principaux intervenants de la ville de Fès aux nouveaux défis du projet, y compris le défi de motiver les autres arrondissements de Fès à rejoindre l’arrondissement Agdal dans le projet eFez et à participer activement à l’intensification du processus d’automatisation et de transformation. Une autre action importante de l’équipe eFez a été de partager la nouvelle vision du projet avec tous les intervenants majeurs pour parvenir à un consensus en vue de la mise en œuvre de l’approche « Centre de Données ». Cette approche devait orienter la nouvelle façon de numériser et gérer les dossiers des citoyens et d’effectuer la prestation de services grâce à l’utilisation du système eFez. Un tel consensus était absolument nécessaire car la nouvelle vision impliquait des transformations importantes à différents niveaux (juridique, organisationnel, budgétaire et culturel) et dans la façon dont les dossiers de citoyens seraient gérés et les services correspondants seraient livrés au public. L’accord et le soutien des autorités de la ville (le maire de la ville, le Wali et les présidents d’arrondissements) ont été obtenus autour du mois de mars 2008 et la nouvelle vision du projet devait être rapidement implémentée.

Un autre défi important de l’équipe eFez était celui de trouver une stratégie efficace pour créer et mettre en service l’approche Centre de Données, en tenant compte des réalités rencontrées sur le terrain. Le principal obstacle était le manque de ressources humaines qualifiées, même si l’équipe eFez avait poursuivi ses efforts de formation sans relâche et même si des officiers dévoués des BEC de Fès avaient commencé à former leurs pairs. Par exemple, sur au moins 50 agents et employés de BEC qui avaient bénéficié des sessions de formation en 2007, un seul officier et deux employés étaient motivés et capables d’orienter et d’encadrer leurs pairs dans la nouvelle approche basée sur l’automatisation des activités. En effet, et comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction de ce livre, la plupart des personnes travaillant aux sein des BEC n’avaient aucune perspective à long terme et se contentaient de travailler au jour le jour, de façon routinière, sans motivation et sans espoir de changement.

L’approche de Centre de Données devait fournir des solutions particulières à plusieurs niveaux différents du système : matériel informatique et infrastructure logicielle, flux de travail et paramètres d’organisation, recrutement, formation et supervision des ressources humaines. L’idée initiale était de créer un Centre de données entièrement équipé au niveau de la ville. Le Centre de données de la ville allait héberger des serveurs de données connectés à des ordinateurs, dits ‘clients légers’, soutenant le logiciel eFez utilisé pour numériser les dossiers des citoyens. L’idée était de centraliser la numérisation des dossiers des citoyens de tous les BEC dans un centre de données unique de la ville qui accueillerait les équipes des personnes PN5 en charge du processus de numérisation sous la supervision des officiers et des employés qualifiés des BEC.

La solution de Centre de données a également nécessité le développement d’une stratégie complète pour le recrutement, la formation et la supervision des ressources humaines adéquates à plusieurs niveaux :

• Les équipes de personnes PN formées pour numériser les dossiers des citoyens;

• Les officiers et les employés des BEC formés pour valider les dossiers des citoyens;

• Les officiers et les employés des BEC formés pour utiliser le système eFez afin de fournir les services demandés par les citoyens;

• Les formateurs pour enseigner aux personnel PN, ainsi qu’aux officiers et aux employés des BEC, comment utiliser le logiciel de numérisation, le système de validation et le logiciel eFez.

En outre, l’approche de Centre de données devait fournir une solution au problème de la rareté des ressources humaine formées en technologies de l’information pour l’entretien continu du matériel utilisé dans le Centre de données et dans les BEC automatisés. Aussi stupide que cela puisse paraître, un problème pratique important qui se posait quotidiennement était de garder les imprimantes opérationnelles dans tous les BEC automatisés : les bourrages de papier, le manque d’encre, les défauts d’alignement du papier étaient des obstacles majeurs pour les employés des BEC. Puisque les techniciens avec une formation minimale en informatique n’étaient pas disponibles dans les BEC, il a été proposé de créer une équipe technique au niveau du Centre de données de la ville pour servir les BEC sur une base quotidienne.

Appropriation et propriété

En avril 2008, une session de deux semaines de travail intensif a eu lieu à Ifrane sous la supervision du conseiller externe de l’ECE et avec la participation des membres clés de l’équipe eFez et d’un groupe sélectionné d’officiers et d’employés de BEC (y compris les formateurs BEC) pour développer les parties les plus importantes de l’approche de Centre de données, principalement :

5. PN est l’abréviation de ‘Promotion nationale’. C’était un programme du gouvernement Marocain qui permettait aux municipalités d’embaucher à court terme du personnel pour effectuer des tâches spécifiques pendant une période définie (qui variait de quelques mois à quelques années). La ville de Fès a attribué la plupart de sa force de travail PN aux activités de numérisation des dossiers des citoyens du projet eFez.

• L’appropriation de la vision du Centre de données par ces officiers et employés de BEC;

• Le développement d’une stratégie organisationnelle et des plans de flux de travail pour le Centre de données et les BEC automatisés;

• La révision du matériel de formation pour le personnel PN, ainsi que pour les officiers et les employés des BEC;

• La formation des officiers et des employés BEC sélectionnés pour permettre à certains d’entre eux de devenir des formateurs et des entraîneurs de leurs pairs;

• La création d’un « esprit d’équipe » pour le groupe des futurs formateurs qui allaient devenir responsables de la gestion du Centre de données et de toutes les opérations connexes.

• La création des plans de formation pour le groupe des techniciens du Centre de Données;

• Les procédures organisationnelles pour permettre à tous ces groupes d’opérer efficacement lorsque le Centre de données serait lancé.

Avec la forte implication de l’équipe eFez, le conseiller externe, les officiers et les employés de BEC sélectionnés, ce programme ambitieux a été entièrement accompli. Surtout, l’esprit d’équipe s’est renforcé au cours de ces journées intenses de travail et une nouvelle équipe a été créée (voir l’Équipe d’Accompagnement de Transformation - EAT du chapitre VI). Les membres de l’équipe ont choisi de l’appeler le CERCL (Centre de Renforcement des Capacités Locales) pour la formation, la mobilisation et l’encadrement des ressources des BEC.

Au cours des séances de travail intenses à Ifrane, des officiers expérimentés des BEC ont soulevé une question juridique fondamentale qui pouvait empêcher la mise en œuvre réussie de la solution Centre de données. En effet, selon la loi marocaine seuls les officiers du BEC peuvent valider les dossiers des citoyens, et les registres papier ne peuvent pas être déplacés physiquement hors du BEC. En localisant le Centre de données au niveau municipal, les registres devaient être déplacés hors de l’arrondissement dont ils relevaient. De tels mouvements physiques de données deviennent très bureaucratiques et requièrent légalement l’approbation explicite du président d’arrondissement qui est ultimement responsable des bureaux BEC de son arrondissement. Après quelques semaines de discussions avec un grand nombre d’intervenants, l’équipe eFez et le CERCL sont parvenus à un compromis qui a atténué cette difficulté juridique : localiser le Centre de données au niveau de l’arrondissement. Cela nécessiterait la création d’un Centre de données dans chacun des arrondissements de la ville. Il a également été suggéré de garder le CERCL au niveau de la ville. Cette solution a été présentée par l’équipe eFez et les superviseurs du CERCL aux hauts décideurs de la ville (Le maire et les présidents des arrondissements) et a été approuvée et officiellement adoptée.

Maintenir des conditions favorables

Au cours du projet, l’équipe eFez devait être constamment en alerte et devait surveiller les conditions favorables parce que des conditions défavorables pouvaient se manifester sans préavis avec des effets indésirables et négatifs ! Une telle situation inattendue s’est présentée au cours du démarrage de la phase DDESG quand le timing et la préservation de l’enthousiasme des intervenants clés était primordiale. Les officiers et les employés des BEC qui étaient devenus membres du CERCL de la ville avaient besoin d’être officiellement nommés sur ces nouveaux postes.

Aussi étrange que cela puisse paraître, cela est devenu une question difficile dans un contexte de bureaucratie municipale et de manque de ressources. Il a fallu plusieurs mois et de nombreuses interventions de différents intervenants clés avant que les officiers et les employés des BEC soient officiellement affectés à leurs nouveaux postes dans le CERCL et au Centre de données. Encore une fois, l’équipe eFez a dû consacrer beaucoup d’efforts pour convaincre les intervenants principaux de la ville de l’importance de la création du CERCL et de la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour le rendre opérationnel.

Les officiers et les employés dévoués des BEC ont dû faire du travail supplémentaire avec optimisme et dévouement pour commencer à organiser les opérations du Centre de données, principalement en créant du matériel de formation, en organisant des sessions de formation pour les officiers et employés des nouveaux BEC numérisés, en les entraînant au cours des opérations quotidiennes du système eFez et en participant à la validation de la nouvelle version du système eFez2 avec l’EDE.

Une nouvelle organisation

La figure 7.5 illustre les principales dynamiques de la solution du Centre de données, montrant principalement les interactions et les mouvements des différentes catégories de personnel au niveau du Centre de données (les techniciens, le personnel PN, les officiers et les employés formés pour superviser le processus de numérisation, l’équipe de coordination et l’équipe des formateurs) et au niveau des BEC informatisés (les officiers et les employés qui ont besoin de recevoir une formation auprès du CERCL pour utiliser le système eFez à leur retour dans leurs BEC). Le personnel des BEC irait par groupes au CERCL de la ville pour la formation, puis iraient au Centre de données de leur arrondissement pour une expérience pratique de la supervision du processus de numérisation par le personnel PN, et enfin retourneraient à leurs bureaux respectifs dans les BEC pour mener des opérations de correction et de validation à distance via l’application web eFez2. Les membres du CERCL ont proposé des solutions organisationnelles pratiques pour rendre cette nouvelle solution opérationnelle en ce qui a trait aux mouvements de registres et du personnel des BEC.

• Le déplacement physique des documents: il a été proposé de désigner une personne chargée de faciliter cette opération; un registre devrait rester au Centre de données pour une durée maximale de deux semaines. Pendant cette période, un employé du BEC devrait être relocalisé au Centre de données de l’arrondissement pour traiter les demandes des citoyens transmises par le BEC et pour délivrer les documents correspondants.

• Le déplacement des officiers/employés du BEC pour les formations : il a été proposé de maintenir un calendrier de planification clair et à jour pour le déplacement du personnel des BEC.

• Signatures officielles : il a été proposé d’élargir l’autorité de signatures des documents officiels afin que les employés et les officiers qui sont restés dans le BEC puissent continuer à servir les citoyens, indépendamment des déplacements du personnel. Une telle expansion des signatures avait besoin d’une approbation et d’une décision écrite du président de la Arrondissement.

Conception et renforcement de la platforme TIC

Jusqu’à présent, nous avons essentiellement discuté de questions stratégiques et organisationnelles, mais le lecteur pourra facilement deviner que cette nouvelle solution de Centre de données nécessitait des ajustements importants du système eFez ainsi que des modules logiciels associés. Heureusement, la plate-forme eFez2 avait été conçue comme une application web pendant la phase DDESL. Cette décision de conception fondamentale a aidé à faire évoluer harmonieusement la plate-forme au cours de la phase DDESG.

Figure 7.5 : Conceptualisation du modèle Centre de données avec le CERCL

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Une fois que la conceptualisation participative du modèle de centre de données a été terminée, l’équipe EDE a pu commencer à développer et implémenter les capacités technologiques. Les premières conceptualisations et expériences ont tout d’abord été menées au Lab ICT4D à AUI afin de construire la nouvelle plate-forme logicielle avant de la déployer dans un premier site majeur : l’Arrondissement Agdal. La solution de Centre de données était destinée à mettre en place une solution sans précédent au Maroc : des processus et des services des BEC basés sur le web. Cette expérience a été rendue possible parce que le nouveau logiciel eFez2, en temps qu’application basée sur le web, pourrait être installé dans les bureaux des BEC et exécuté localement, tout en restant accessible à distance à partir d’un centre de données.

L’architecture du système eFez a été conçue de façon à offrir la possibilité d’interconnecter tous les 4200 bureaux BEC du Maroc à un centre national de données (une fois que les législateurs du Maroc auraient approuvé officiellement cette idée d’interconnexion). Une conséquence d’une telle interconnexion serait de permettre aux citoyens de demander et de recevoir leurs certificats à partir de n’importe quel BEC de leur choix, contrairement à la situation actuelle dans laquelle les citoyens ne peuvent accéder à leurs certificats que depuis les bureaux où ils ont été enregistrés à la naissance; ce qui leur occasionne beaucoup des frais de voyage.

Les Figures 7.6 et 7.7 illustrent la solution d’interconnexion de la plate-forme eFez2.

Figure 7.6 : L’architecture réseau du Centre de données

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Figure 7.7 : L’architecture des capacités d’interconnexion du Centre de données

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En décembre 2008, la plate-forme logicielle du Centre de données a été transférée du laboratoire ICT4D vers l’arrondissement Agdal où le premier Centre de données a été créé. Les ingénieur de l’EDE ont déployé et testé différentes configurations du système. Certaines difficultés techniques apparurent, telles que l’impossibilité de visualiser certains documents informatisés et numérisés. Une fois que les tests de configuration ont été terminés et que l’infrastructure du Centre de données est devenue opérationnelle, la nouvelle solution organisationnelle a été mise en place et le personnel PN a été déplacé au Centre de données d’Agdal pour reprendre les opérations de numérisation de dossiers. Simultanément, les agents des BEC automatisés d’Agdal ont été en mesure de se connecter au Centre de données via l’application web eFez2, de visualiser les documents numérisés, de les corriger et de les valider à distance depuis leurs bureaux dans leurs BEC respectifs.

La formation et le coaching

Tandis que le Centre de données a fourni un moyen d’accélérer la numérisation des registres des citoyens, il a également offert un environnement où les officiers et les employés des BEC pouvaient se réunir par groupes. Ils recevaient leur première formation sur mesure par les formateurs du CERCL et puis, recevaient une formation plus avancée de la part de l’officier du Centre de données de l’arrondissement, qui faisait participer les stagiaires à la correction et à la validation des documents numérisés par le personnel PN (souvent des dossiers de leurs propres BEC). Ainsi, les stagiaires pouvaient avoir une expérience pratique de première main sur des cas réels et des cas d’automatisation. Une fois approuvés par les officiers et employés superviseurs, les groupes de stagiaires pouvaient revenir à leurs BEC respectifs et démarrer à distance la correction et la validation des dossiers qui avaient été numérisés dans le Centre de données de l’arrondissement.

Passage à l’échelle

La mise en œuvre et le fonctionnement du Centre de données à l’Arrondissement d’Agdal a fourni une démonstration convaincante pour les autres Arrondissements de Fez; ce qui a contribué à renforcer leur engagement dans le processus de transformation vers l’e-gouvernement de la ville. Dans le même temps, dans chacun des autres Arrondissements de Fez (à l’exception d’Agdal) un BEC pilote avait été entièrement auto-matisé. Le personnel de ces BEC avait été formé, la numérisation d’opérations avait été complétée par le personnel PN de ces BEC, et le système eFez2 était maintenant utilisé quotidiennement par les employés et les officiers des BEC pour fournir des services aux citoyens et pour valider les dossiers numérisés.

Maintenant, les présidents de tous les arrondissements de Fès appuyaient avec enthousiasme le projet. Certains arrondissements étaient moins avancés que d’autres dans le processus de transformation et n’étaient pas prêts à mettre en œuvre la solution de Centre de données, essentiellement en raison du manque de ressources humaines qualifiées (les employés et les officiers de BEC) pour faire fonctionner le centre de données. Par conséquent, un plan de déploiement avec échéancier a été élaboré par l’équipe eFez, l’EDE et le CERCL en vue de créer les autres centres de données.

Tableau 7.1 : État de réplication du Centre de données à Fez

Arrondissements

Idée Acceptée du centre de donnés

Etapes d’implémentation du Centre de données

Quand sera opérationnel le Centre de données?

Allocation d’un lieu

Réparations (portes, peinture, électricité).

Installation de cables (pris en charge par AUI)

Matériel informa-tique livré (par AUI)

Fournitures de bureau (tables, chaises, etc.)

Agdal

Automne 2007

Déc. 2007

Jan 2008

Fév. 2008

Mars 2008

Fév. 2008

depuis Mars 2008

Zouagha

Nov. 2008

Déc. 2008

Déc. 2008

Déc. 2008

Avril 2009

Déc. 2008

depuis Janvier 2009

Fez-Medina

Fév. 2009

Fév. 2009

Mars 2009

Mars 2009

Avril 2009

Juin 2009

depuis Fév. 2009

Maryneen

Fév2009

Mars 2009

Mars 2009

Avril 2009

Avril 2009

Sept2009

depuis Sept 2009

Jnan Ward

Jan 2009

Jan 2009

Jan 2009

Fév. 2009

Avril 2009

Sept2009

depuis Sept 2009

Saiss

Mars 2009

Mars 2009

Avril 2009

Sept 2009

Avril 2009

Sept2009

depuis Sept 2009

Comme il peut être observé, les derniers centres de données ont été mis en service en septembre 2009. Rétrospectivement, décembre 2009 peut être considéré comme la fin de la phase de DDESG et le début de la Phase PTA du projet eFez.

VI. LA PHASE PTA DU PROJET EFEZ

Comme il est indiqué dans le chapitre VI, cette phase de transformation vers l’autonomie (PTA) vise à préparer et à déployer les structures et les éléments nécessaires pour offrir une autonomie durable à l’institution dans l’utilisation d’un système d’e-gouvernement. Autonomie signifie que l’institution (les décideurs, les gestionnaires et les employés) est en mesure d’utiliser, de gérer et de maintenir l’automatisation à tous les niveaux (politique, technique, procédures, budgets, etc.). L’autonomie est un indicateur clair du succès de la transformation d’une institution à l’aide d’une démarche ICT4D, et de sa maturité par rapport à l’utilisation des TIC pour promouvoir la bonne gouvernance.

Malheureusement, en raison d’un manque important de sensibilisation à l’importance de la PTA, la majorité des initiatives réussies d’e-gouvernement, dans les pays en développement, échouent rapidement après la suppression de l’aide financière extérieure et du désengagement des membres de l’équipe du projet pilote et de l’ECE. De tels échecs sont habituellement le résultat de l’incapacité d’opérer de manière autonome, de contrôler et de maintenir la solution dans l’institution.

Dans le projet eFez, étant conscients de l’importance de la préparation précoce à cette phase d’autonomisation, l’équipe eFez a commencé à déclencher cette phase bien avant décembre 2009; la date de fin officielle de l’appui financier du projet par le CRDI. Effectivement, plusieurs centres de données n’étaient pas encore totalement opérationnels et un nombre important de BEC n’étaient pas encore automatisés. Le manque de ressources (financières et humaines) et l’inertie de l’institution dans son ensemble ont été des contraintes importantes à l’avancement soutenu de la transformation vers l’e-gouvernement.

Figure 7.8 : Modèle de changement émergeant de la mise en place d’eFez2

Image

Clairement, le projet eFez a généré plusieurs retombées comme les changements de comportement au niveau de la communauté, de l’administration publique et politique. Une telle influence sur les attitudes, les comportements et les décisions des acteurs principaux ont été les conséquences de l’approche eFez : la création d’un environnement où les résultats de la recherche sont systématiquement convertis en pratiques pleinement concrétisées sur le terrain. En ce sens, cette approche a mis en place une atmosphère de collaboration où la recherche n’est pas effectuée et perçue comme un « luxe », mais plutôt comme un outil de facilitation pour transformer et mobiliser des changements auxquels on aspire.

Au cours de l’année 2009, des interventions concrètes ont été menées afin de préparer la ville de Fès à passer à la phase PTA. La direction de l’équipe eFez, le Président et le Secrétaire Général de l’Arrondissement Agdal ont consacré d’importantes énergies et beaucoup de temps afin de sensibiliser les autres présidents et secrétaires généraux sur l’importance de devenir autonome le plus rapidement possible.

En avril 2009, une étape essentielle a été franchie avec l’organisation d’une session de formation spéciale sur la gestion du changement : Deux experts canadiens de l’ECE ont préparé et supervisé des ateliers en parallèle à Ifrane.

Les secrétaires généraux des six arrondissements de Fès ont participé à un premier atelier dans le but de préparer la PTA. Plusieurs questions importantes ont été abordées, notamment une approche d’évaluation de la réorganisation des BEC, les enseignements tirés de l’expérience eFez, la création de structures de coordination au niveau de la ville et les méthodes pour mettre en œuvre le projet de façon coordonnée.

Les membres du CERCL, des officiers des BEC pilotes et quatre techniciens TI de Fès ont participé à un deuxième atelier d’introduction aux techniques de gestion du changement et des plans de communication associés. Ce groupe a pu alors élaborer des plans préliminaires de gestion du changement pour les BEC et pour les Centres de données. Par la suite, les six secrétaires généraux, les officiers des BEC pilotes et les quatre techniciens de Fès ont également organisé plusieurs autres réunions en mai 2009, ce qui a facilité la coordination des activités d’automatisation au niveau de la ville.

Ces deux ateliers ont permis de sensibiliser très positivement l’ensemble des participants sur l’importance de gérer le changement et leur a fourni les outils nécessaires pour gérer le changement au sein de leurs institutions et pour se préparer à la transition vers l’autonomie. Ainsi, l’équipe eFez a mis l’accent non seulement sur la production de solutions technologiques mais également sur le développement des capacités nécessaires pour préparer l’autonomie de l’institution. Les actions de développement de capacités visaient à combler des lacunes observées sur le terrain de façon systématique et progressive :

• Formation sur la description de ce que le système eFez est exactement;

• Formation sur les raisons d’utiliser le système eFez;

• Formation sur la façon d’utiliser le système eFez;

• Formation sur la façon de transférer aux pairs les connaissances et compétences reliées au système eFez;

• Formation sur la préparation, la gestion et le renforcement des changements relatifs au système eFez.

La motivation sous-jacente à ces sessions de formation intenses était simplement de préparer le gouvernement local de la ville de Fès à s’approprier et à utiliser le système de façon autonome. À titre d’exemple, le tableau suivant présente un résumé des activités de développement de capacités qui ont été effectuées en mars et avril 2009, ainsi que leurs objectifs de formation, les résultats escomptés et les retombées.

Tableau 7.2 : Résumé des activités de développement de capacités effectuées entre mars et avril 2009, ainsi que leurs objectifs de formation, les résultats escomptés et les retombées.

Activités de développement des capacites

Nombre des bénéficiaires de la formation

Les objectifs de la formation

Les résultats attendus de la formation

Les retombées emergentes

 

Formation des formateurs BEC

Mai 16–25th, 2009

Dirigé par : Rabia Mekkaoui, Alami Mostafa, Asmae El Mahdi

Au moins 50 :

• 14 officiers BEC (Fez)

• 30 employés (en charge des certificats de naissance et des documents administratifs) (Fez)

• 6 techniciens réseau (Fez)

• Des équipes de Larache, Ksar Kebir, Boumalne dades, Ifrane, El hajeb

1. Formation sur la façon d’utiliser eFez2 (Fonctions et fonctionnalités)

2. Préparation de nouveaux formateurs BEC potentiels

3. Devenir nos contacts de référence (coordinateurs d’Arrondissements/Champions)

4. Être entièrement disponible au Centre de données/CERCL

Dans leurs bureaux respectifs le personnel du BEC devra appliquer ce qu’il a appris

• Utilisation de toutes les fonctionnalités eFez

• Le modèle de travail eFez doit être respecté

a) Mises a jour régulières de la base de données eFez

b) Prestation d’attestations administratives électroniques

• Disponible et prêt à encadrer les pairs du BEC au Centre de données

• Un Sens de « communauté d’intérêts » a été formellement reconstruit (dynamique de groupe et énergie très positive); Reconstruction d’équipes au niveau de la ville

• Dans leurs bureaux BEC, ils ont parfois reformulé et transmis la vision et les gains d’eFez

• Ils ont expressément demandé du soutien matériel à leurs patrons pour se conformer au modèle e-BEC

• Ils approuvent l’idée d’encadrer/entrainer leurs pairs...
Beaucoup de cas de formation des pairs ont émergé, comme par exemple au BEC Atlas.

 

Formation des formateurs TI

Mai 25th 2009

Dirigé par : Alami Mostafa, et Aboubacar Diarra

• 6 techniciens réseau de la ville de Fez

• 3 techniciens de Larache, Ksar Kebir, Boumalne dades,

1. Formation sur comment maintenir/corriger eFez2

2. Formation de nouveaux formateurs potentiels des BEC

3. Devenir nos contacts de référence (coordinateurs des arrondissements/champions)

4. Être complètement disponibles pour aider Centre de données/CERCL

5. Assurer un bon fonctionnement et réduire le stress technologique du BEC

Apprendre les aspects théoriques et appliqués de la maintenance de l’eFez2

• Des techniciens de trois arrondissements sont devenus autonomes pour le dépannage d’eFez2 : pour réduire le stress technologique des BEC
1. Saiss
2. Fez Medina
3. Merinides

• Les arrondissements JnanaeWard et Zouagha ont toujours besoin des interventions d’Agdal à cause du manque de techniciens

• Les techniciens ont commencé à reproduire le role d’Alami (avec des degrés variables de succès)

 

Strategie de « Change Management »

April 16th, 2009

Mené par 2 experts canadiens

• 6 secrétaires généraux (SG) de Fez

• Des officiers des BEC pilotes des

• 4 techniciens de Fez

1. Pour se préparer à l’autonomie avec eFez2 : près le financement du CRDI;

2. 2 ateliers de formation en parallèle :

1. Atelier SG (dirigé par M. Moulin) à : partager les étapes/leçons de la réorganisation des BEC; et discuter de la création de structures de coordination au niveau de la ville

3. Atelier avec officiers/techniciens des BEC (dirigé par Mme Greene) pour : préparer la gestion du changement en 8 étapes et le plan de communication associé

Atelier SG workshop visait :

• Augmenter la sensibilisation aux questions de réorganisation des BEC

• Valider la conception des structures de coordination au niveau de la ville
L’atelier pour les officiers/techniciens visait à :

• Explorer les 8 étapes de la gestion de changement

• Élaborer un plan de communication

• les 6 SG de Fès ont organisé des réunions de suivi en mai 2009....

• Les officiers pilote du BEC ont tenu des réunions de suivi en mai 2009...

• Les 4 techniciens de Fez ont tenu des réunions de suivi en mai 2009...

• La plupart de ces réunions ont facilité la coordination de l’automatisation au niveau de la ville; Un résultat majeur : le SG de la municipalité de Fès (M. Dahbi Mohammed) est devenu plus impliqué dans l’organisation et le suivi de ces réunions

Jusqu’aujourd’hui (20 Juin 2013), nous n’avons pas entendu parler d’un problème rencontré par la ville de Fès dans l’utilisation effective du système d’e-gouvernement qui a été déployé. Des vérifications sporadiques, des échos dans la presse et la réaction des citoyens indiquent que le système est toujours utilisé de manière efficace avec une amélioration significative dans le domaine de la bonne gouvernance. L’équipe des employés et des officiers de la ville de Fès qui ont été formés et préparés au cours de la Phase PTA se sont totalement approprié le système et le gèrent sans problème. Le nombre de certificats/documents livrés avec le système automatisé montre une énorme croissance comme le montre la figure suivante

Figure 7.9 : Croissance de la délivrance des certificats BEC

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Depuis 2010, la ville de Fès est devenue totalement autonome vis-à-vis de l’équipe eFez. Les six centres de données sont opérationnels, 31 des 33 BECs sont automatisées et plus d’un million de documents de citoyens sont numérisés. C’est la première expérience de numérisation de registres faite à grande échelle dans une région métropolitaine du Maroc. En outre, tous les employés des bureaux automatisés ont abandonné la recopie manuscrite des certificats et ont adopté la plate-forme pour générer et imprimer les certificats demandés.

En fait, lorsque les terminaux d’eFez sont hors service et ont besoin de dépannage, les employés des BEC refusent de revenir à l’ancienne méthode d’écriture manuelle des certificats. Au lieu de cela, ils appellent le département d’intervention technique et font de leur mieux pour résoudre la situation dès que possible. Par exemple, un jour un BEC a manqué d’encre d’impression. Les employés ont téléphoné au siège de l’Arrondissement qui est responsable des fournitures et ont découvert que la livraison des fournitures de bureau avait été retardée. Plus tard, le secrétaire général de l’arrondissement a été surpris de découvrir que quelques employés se sont cotisés pour rassembler l’argent et acheter collectivement l’encre d’impression et l’utiliser immédiatement. Ce geste est vraiment surprenant car utiliser son propre argent est quelque chose de rare dans l’administration publique, considérant la démotivation et les conditions de travail des fonctionnaires en général. Les employés ont justifié cet achat collectif et « bénévole » par leur refus catégorique de revenir à l’ancienne pratique de l’écriture manuscrite des certificats et aussi par la réticence des citoyens à accepter des certificats manuscrits.

À l’heure actuelle, les citoyens non seulement s’attendent à recevoir des certificats imprimés, mais ils ont aussi de plus grandes attentes par rapport au protocole des bureaux des BEC. Un nombre croissant de citoyens a abandonné la manière conventionnelle de demander des certificats en approchant l’employé de service. Au lieu de cela, ils ont pris l’habitude d’utiliser la technologie libre-service eFez : l’écran tactile du kiosque disponible au BEC disponible au public, gratuitement, et surtout adapté au profil des utilisateurs analphabètes.

Depuis son déploiement en novembre 2005, la plate-forme eFez a eu un impact considérable sur le renforcement des capacités organisationnelles du gouvernement local de Fès. Les systèmes basés sur les TIC ont non seulement révolutionné et transformé le fonctionnement des BEC et les flux de travail associés, mais ont aussi permis d’offrir des prestations instantanées et de qualité sans précédent. Ce qui a éliminé les conditions associées à la mauvaise gouvernance (les sauts de files d’attente, les pourboires, le traitement abusif et antipathique des citoyens, etc.).

La plate-forme eFez est actuellement utilisée partout dans la ville de Fès mais aussi dans plusieurs villes et régions du royaume incluant Settat, Sefrou, Hajeb, Ifrane, Guelmime, Boumalene-Dadès, etc. Là où elle est utilisée, cette plate-forme métamorphose le visage de la gouvernance locale vers plus de transparence, de qualité de service, d’efficience, de… bonne gouvernance.

VII. CONCLUSION

Nous avons présenté dans ce chapitre l’instanciation de la carte de route que nous avons proposée dans ce livre (chapitre VI) pour le cas particulier du projet eFez. Cette carte de route a été créée et affinée au cours du déroulement du projet. Cette carte de route générique est le résultat d’un effort de conceptualisation que nous avons exercé au fur et à mesure des événements, des connaissances, des avancées et des reculs du projet eFez et d’un certain nombre d’autres projets similaires que nous avons menés. L’objectif est évidement de documenter et partager l’expérience que nous avons acquise lors de l’utilisation de cette carte de route pour le développement de systèmes e-gouvernement au niveau municipal.

Tout au long des différentes sections de ce chapitre, nous avons présenté et discuté des événements remarquables, des décisions et des actions qui ont eu lieu au cours du projet eFez. Ces évènements ont été rapportés ici pour illustrer les questions importantes et les conseils en relation avec les quatre phases principales de la carte de route générique : les phases PPT, DDESL, DDESG et PTA. Nous avons utilisé plutôt un style narratif pour sensibiliser le lecteur aux enjeux importants et problèmes et questions pratiques qui peuvent survenir dans le cadre de projets ICT4D/e-gouvernement dans les pays en développement.

Nous tenons à rappeler en fin de ce chapitre, que notre carte de route devrait être considérée comme un ensemble d’indications et directives qu’il faut adapter au contexte particulier de tout nouveau projet d’e-gouvernement.

RÉFÉRENCES

(Tian 2005) : Tian, J., “Software Quality Engineering : Testing, Quality Assurance, and Quantifiable Improvement”, Wiley 2005.

(Kettani et al 2006) : Kettani, D., Gurstein, M., Moulin, B. et Elmahdi, A., A”n approach to the assessment of applied information systems with particular application to community based systems”, International Workshop on Community Informatics COMINF’06, OTM Federated Conferences 06, Montpellier, (France), Springer Verlag, 2006.

(Shapiro 2010) : Andrea Shapiro, A., « Creating Contagious Commitment : Applying the Tipping Point to Organizational Change”, 2nd Edition, Strategy Perspectives, North Carolina, ISBN 978-0-9741028-1-8, 2010.

CHAPITRE VIII

Aspects techniques des systèmes d’e-gouvernement

Dr Tajje-Eddine Rachidi (Université Alakhawayn à Ifrane, T.Rachidi@aui.ma) est co-auteur de ce chapitre

I. INTRODUCTION

Dans ce chapitre, nous traitons des questions purement technologiques liées à la conception et à la mise en œuvre de systèmes d’e-gouvernement. Les réponses et explications que nous fournissons s’adressent principalement aux cadres et décideurs ayant peu (ou pas) de connaissances/expériences techniques dans ce domaine. Nous présenterons les outils technologiques tels que le matériel, les logiciels, les bases de données, les serveurs d’application, les réseaux hétérogènes d’interconnexion de façon à ce qu’un lectorat de formation non-technique comprenne le rôle et l’importance de chacun de ces outils dans un système d’e-gouvernement. Quand cela est nécessaire, nous soulignons aussi les avantages et les risques relatifs à une technologie particulière par rapport à d’autres.

Nous montrons que l’utilisation de la technologie entraine intrinsèquement des contraintes spécifiques et des risques qui doivent être gérés de façon bien pensée. Elle nécessite une bonne gestion pour garantir l’efficacité, la disponibilité, l’évolutivité et la sécurité du système développé. Dans le cas particulier des systèmes d’e-gouvernement, une attention particulière doit être donnée à l’aspect sécurité qui inclut la gestion des données personnelles, le contrôle d’accès aux services et données, l’identification et l’authentification des citoyens, l’intégrité et le respect des contraintes juridiques. La sécurité des systèmes d’e-gouvernement doit aussi assurer la conformité avec les normes technologiques et les standards et procédures utilisés par le gouvernement.

Les sujets présentés dans ce chapitre s’étendent au-delà des outils technologiques pour répondre à des questions fondamentales qui se posent avant, pendant et après le déploiement des systèmes d’e-gouvernement (gestion de projet, service informatique, etc.). Ceci permettra d’avoir un aperçu complet de « l’écosystème » qui englobe la plate-forme technologique développée.

II. ASPECTS ORGANISATIONNELS

L’écosystème global

Souvent, la fourniture d’un service d’e-gouvernement nécessite l’intégration de plusieurs systèmes informatiques (existants ou nouveaux) de façon harmonieuse. Chaque système existant a son propre environnement technologique et ses propres contraintes opérationnelles. Les défis posés par la technologie prennent alors une place importante. Ces défis comprennent l’intégration des services par le biais d’architectures orientées vers les services, la gestion fédérée des identités, l’authentification croisée et le contrôle d’accès à travers plusieurs domaines, ainsi que l’interopérabilité des systèmes.

La fourniture des services publics par le biais des TICs exige un grand nombre de transformations complexes des processus qui touchent autant le back-office que le front-office du gouvernement. Il peut s’avérer nécessaire de réorganiser l’administration publique pour accommoder les contraintes et les processus introduits par l’utilisation de la technologie. Non seulement ces transformations affectent les départements informatiques, mais elles influencent aussi d’autres départements de l’administration publique qui doivent aussi s’appuyer sur la technologie pour rechercher des documents, prendre des décisions et mener à bien leurs tâches quotidiennes.

Offrir un service d’assistance informatique aux utilisateurs/fonctionnaires devient une nécessité pour pallier aux problèmes reliés à l’utilisation de la technologie. Les utilisateurs doivent être formés et accompagnés de manière efficace afin d’utiliser les systèmes informatiques dans l’exercice de leurs tâches quotidiennes. Par ailleurs, la mise en place d’un service d’assistance, fourni par exemple par un centre d’appel, devient également nécessaire pour aider les citoyens utilisateurs des services d’e-gouvernement disponibles sur le Web, à l’instar des services d’assistance à la clientèle fournis par les opérateurs télécoms.

Il est important que les différents outils technologiques (matériels et logiciels) utilisés dans la plate-forme soient accompagnés de contrats de maintenance permettant au département informatique en charge des opérations de services techniques de bénéficier du support technique des fournisseurs afin de maintenir le système.

Clairement, la réussite des services e-gouvernement nécessite la mise en place d’un écosystème complet pour maximiser les profits que l’on peut tirer des TIC, tout en minimisant les risques et les dangers associés.

Diviser pour « réussir »…

Le développement d’un système d’e-gouvernement, à l’instar de tout système informatique, fait face à plusieurs difficultés/risques, et peut ne pas atteindre ses objectifs. Par exemple, un projet d’e-gouvernement ayant une trop grande portée et/ou un périmètre flou mène inévitablement à l’échec. Souvent, ce genre de projets peut être divisé en projets plus petits et moins complexes et échelonnés dans le temps. Ainsi, le projet typique par lequel commencent de nombreuses administrations publiques dans les pays en développement est la numérisation globale de tous les dossiers/documents sous format électronique et, simultanément, la conversion des formulaires de demande de service par des services web. Cette approche ambitieuse de tout faire à la fois est très complexe, risquée et nécessite beaucoup de temps. Une série de petits projets aboutissant au même résultat peut présenter, dans plusieurs situations, une meilleure alternative.

Par exemple, un premier projet pourrait commencer par la numérisation de dossiers existants. Puis, une deuxième étape serait d’utiliser la base de données numérique interne, pendant que le service continuerait à être offert sous sa forme manuelle habituelle. Un troisième projet permettrait de rendre accessible sur le web la base de données et les services publiques associés, aboutissant alors à la dématérialisation complète du service. Ces petits projets peuvent être réalisés de façon séquentielle avec un risque contrôlé et avec plus de souplesse qu’un gros projet risqué visant à tout réaliser à la fois. C’est exactement cette démarche que nous avons suivi dans le projet eFez en décomposant son objectif global en trois sous-projets de moindre envergure mais complémentaires :

• La numérisation des dossiers existants du registre de l’état civil (dossiers des citoyens);

• La création de services informatisés pour enregistrer des nouvelles données sur les naissances directement dans la base de données du registre d’état civil, et finalement;

• La prestation en ligne de services aux citoyens.

Cette décomposition en trois sous-projets indépendants et néanmoins intégrés, a permis de relever les défis technologiques et a grandement facilité la gestion des risques, la gestion de projet et la réingénierie de divers aspects organisationnels et sociaux.

Développement réalisé à l’interne ou par un prestataire

Si le développement d’un système d’e-gouvernement peut être effectué de façon interne, en particulier pour les systèmes de petite taille, généralement, l’appel à un prestataire externe est recommandé. L’utilisation des services d’un prestataire offre de nombreux avantages tels que le contrôle des coûts et l’embauche limitée de nouveaux personnels techniques pour le développement de logiciels. Cette approche permet de se concentrer sur les processus plutôt que sur la technologie. Toutefois, cette option requière l’existence de documents qui détaillent les besoins et présentent les spécifications du système de façon très claire. L’élaboration de ces documents est un défi en soi. Confier la réalisation des spécifications à un prestataire externe peut être une bonne approche pour de nombreuses administrations publiques.

Ceci dit, même si la sous-traitance du développement d’un système d’e-gouvernement réduit la nécessité d’embaucher des ingénieurs informaticiens pour le développement des logiciels, elle n’élimine pas complètement la nécessité de rassembler une équipe de gestion de projet dévouée (souvent appelée maîtrise d’ouvrage) pour superviser l’exécution du projet.

Souvent, on a besoin de recourir à des consultants indépendants pour aider à prendre des décisions techniques en lien avec les solutions que le sous-traitant (ou prestataire) propose de mettre en œuvre. Une autre question importante reliée à la sous-traitance est de savoir s’il faut sous-traiter l’ensemble du système (i.e. le logiciel, le matériel, et le développement) à un sous-traitant unique qui fournira une solution de clé en main, ou partager le développement et le déploiement du système en plusieurs contrats potentiellement distincts, reliés à la conception et à la réalisation des logiciels, à l’achat du matériel et à sa mise en place. Les inconvénients de cette dernière option l’emportent sur les avantages théoriques liés à la gestion des risques. La gestion de nombreux contrats distincts augmente les risques en raison des ajustements qui sont nécessaires pour garder une performance acceptable, en raison d’incompatibilités potentielles entre les résultats produits par les sous-contractants, et à cause de frais généraux augmentés. Des solutions clé en main devraient être préférées, dans la mesure du possible.

Règlemements, lois et normes

Dans de nombreux pays, il n’existe aucune disposition légale spécifique pour l’utilisation des services électroniques et de télécommunication autres que les mécanismes et les procédures traditionnels pour la fourniture de services publiques aux citoyens. Aussi, lorsque la fourniture de services est faite par voie électronique, les systèmes d’e-gouvernement doivent se conformer aux textes d’application de la loi traditionnelle souvent ancrés dans le monde physique. Cela aboutit fréquemment à des systèmes lourds et à des coûts supplémentaires qui doivent être prévus lors des spécifications et de la planification des services. Les règlements et les lois doivent être vus et traités comme des contraintes du projet et pris en compte dans la mise en œuvre d’un projet e-gouvernement, augmentant à la fois les contraintes et les coûts.

Certains gouvernements ont également une agence dédiée à la mise en place d’un cadre pour la prestation de systèmes d’e-gouvernement (Hanna 2010). Ces organismes adoptent des normes, qui deviennent des contraintes pour la mise en œuvre des systèmes d’e-gouvernement. Quand il est nécessaire d’utiliser des normes autres que celles spécifiées dans les recommandations de l’agence qui supervise la mise en œuvre des systèmes d’e-gouvernement au niveau national, l’administration publique doit souvent présenter un rapport expliquant les raisons qui justifient l’utilisation de normes qui diffèrent de celle du gouvernement central.

Les risques technologiques

Les risques reliés à la dimension technologique sont définis comme « tout effet négatif potentiel découlant de l’utilisation ou du recours à la technologie, conduisant à des dommages matériels, des pertes de données, la violation de la sécurité et de la confidentialité, et ou à l’interruption des services ». Ces effets indésirables peuvent se produire à cause des défaillances et perturbations du matériel informatique, des logiciels, des équipements, des applications ou même des réseaux d’interconnexion. Les risques peuvent également résulter de défauts ou d’erreurs de traitement, de défauts des logiciels, d’erreurs d’exploitation, de pannes matérielles, de défaillances des systèmes, d’insuffisances de capacité, de vulnérabilités du réseau, de faiblesses de contrôle, de lacunes de sécurité, d’attaques malveillantes, d’incidents de piratage, d’actions frauduleuses, tout autant que de l’inadéquation des capacités de remise en service. Les risques technologiques peuvent également être liés à la caducité des outils, à la dépendance d’une technologie propriétaire, ainsi qu’à l’utilisation de technologies ou logiciels libres sans que le support technique nécessaire soit assuré.

Une approche d’analyse des risques (Alberts & Dorofee 2002) est souvent utilisée pour élaborer un plan de gestion des risques et pour adopter un modèle qui protège les actifs informationnels des administrations, ainsi que pour atténuer les dommages potentiels qui peuvent découler de manifestations ou d’incidents indésirables et inattendus. Une capacité de remise en service rapide dans ces circonstances est cruciale (Tipton 2009). La capacité de maintenir en fonctionnement les opérations de support est obligatoire pour permettre à l’administration de gérer les perturbations. Il est de la responsabilité d’une équipe de gestionnaires chevronnés d’assurer avec diligence et attention l’appui et la préparation de l’administration pour faire face aux risques technologiques. Un plan global de gestion des risques devrait également inclure les risques associés aux personnes, aux processus et aux données.

III. LES 4 PILIERS D’UN SYSTÈME D’E-GOUVERNEMENT

À l’instar des systèmes d’information (Sommerville 2006), les systèmes d’e-gouvernement requièrent l’adoption d’une gestion de projet et de méthodologies de gestion des opérations éprouvées. La gestion de projet permet d’encadrer tous les aspects liés aux personnes, aux coûts, au temps et à la technologie tout au long des phases du cycle de vie de la mise en œuvre du système d’e-gouvernement, y compris les aspects d’ingénierie sociale, tandis que les méthodes de gestion des opérations encadrent et rationnalisent tous les aspects liés aux opérations et aux services de soutien associés au système d’e-gouvernement au cours de la phase de mise en production et d’exploitation.

Au cœur de ces méthodes de gestion on trouve 4 piliers fondamentaux : la technologie, les personnes, les processus et les données. La Figure 8.1) présente ces éléments :

• Processus : toutes les étapes/actions nécessaires qui permettent à un utilisateur de demander et recevoir un service quelconque offert par le système. Cela implique également des activités reliées à l’administration du système;

• Personnes : ce sont les personnes impliquées ou concernées par le système développé, à savoir les utilisateurs finaux, les responsables, les administrateurs du système;

• Technologie : matériel, logiciel, base de données, connectivité, permettant la mise en place du système d’e-gouvernement;

• Données : ce sont des éléments informationnels traités par un système informatique. Par exemple, dans le cas d’un système d’e-gouvernement, les dossiers des citoyens qui sont rassemblés pour collecter, manipuler, stocker et traiter des données, les transformer en information et en fourniture de services électroniques.

Figure 8.1 : Tétraèdre représentant les 4 dimensions d’un système d’e-gouvernement.

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Reconnaissant que la réussite des systèmes d’e-gouvernement est intimement liée à une bonne synergie entre ces quatre dimensions indépendantes, les praticiens les ont explicitement prises en compte dans les méthodologies en termes de planification, d’architecture et d’évaluation des risques et de gestion.

Par ailleurs, pour assurer une utilisation efficace et l’adoption généralisée des systèmes d’e-gouvernement par les citoyens, qui en sont les consommateurs finaux, une ingénierie minutieuse des interfaces est nécessaire afin de permettre à l’utilisateur de demander ou recevoir de façon intuitive la bonne information, au bon moment. Il faut suivre pour cela une approche de gestion de l’information dite ‘centrée sur l’utilisateur’, flexible, modulaire et sensible au contexte. Une telle démarche doit être soutenue par des technologies qui permettent d’offrir à l’utilisateur avec le même degré d’efficacité une expérience d’interaction satisfaisante à travers des canaux multiples (accès par plate-forme mobile, accès à domicile et accès par le réseau de l’entreprise) pour une variété de d’équipements (Smartphones, ordinateurs de bureau réguliers et PDA).

L’information est enregistrée et stockée dans des dossiers numériques, et elle doit être échangée en formats numériques standards par l’administration publique avec d’autres systèmes gouvernementaux. Par exemple, les données concernant les naissances doivent être transmises par le bureau d’état civil aux services d’émission des passeports, ou aux systèmes d’émission de cartes d’identité nationale.

Aussi, la question de la normalisation des échanges de données est critique. La normalisation touche les formats de données, les définitions, les valeurs et les attributs nécessaires pour interpréter les informations reçues. Si ces normes existent, un système d’e-gouvernement doit les adopter. Habituellement, les efforts de normalisation sont faits par des institutions spécialisées et des forums de l’industrie, dont la préoccupation va au-delà de la normalisation de l’échange de données et vise les données de gouvernance en général. Ces normes sont le plus souvent développées en utilisant le langage XML (eXtensibleMarkup Language).

Au fur et à mesure que les systèmes d’e-gouvernement s’intègrent dans la vie des citoyens et deviennent leur modalité préférée d’accès aux services gouvernementaux, le gouvernement est obligé d’assurer la permanence et la continuité des services électroniques. Un plan de secours bien conçu doit être adopté pour faire face aux situations délicates telles que pannes d’outils technologiques, catastrophes naturelles, pannes électriques et cyber-attaques malveillantes qui peuvent se produire sans préavis.

IV. ASPECTS ARCHITECTURAUX

Les architectures de système, de processus et d’application sont des éléments clés pour la conception de n’importe quel système informatique. Elles fournissent des schémas (‘blue-print’) qui montrent comment les composantes de chacune des quatre dimensions (personnes, processus, technologie, données) interagissent pour réaliser les fonctionnalités du système.

Le tableau 8.1 qui suit montre les différentes architectures qui sont habituellement dérivées pour chaque dimension du tétraèdre.

Il existe de nombreux modèles architecturaux pour chaque couche ou domaine conceptuel. Dans les sous-sections suivantes nous présentons les architecture d’application, architectures de système et architectures de service qui sont les plus utilisées actuellement dans les systèmes e-gouvernement.

Tableau 8.1 : Les différentes architectures nécessaires à la mise en place d’un système d’e-gouvernement

Dimension du tétraèdre

Domaine architectural

Personnes

Plan d’organisation

Processus

Architecture de processus/métier

Architecture de service

Technologies

Technologies

Architecture de système

Architecture d’application

Données

Données

Modélisation de données

Architecture d’information

Architecture d’application

L’architecture d’application, souvent appelée architecture 3-tiers, est utilisée pour représenter la structure interne et les modules de l’application logicielle. L’architecture 3-tiers (figure 8.2) est essentiellement une extension de l’architecture client/serveur offrant la possibilité de fonctionner sur des processeurs ou machines indépendants grâce à la séparation logique de trois éléments fondamentaux (Bass et al. 2003) :

1. Les processus de présentation;

2. La logique et les règles de traitement des affaires, et

3. L’accès et la manipulation de données persistantes.

Figure 8.2 : Architecture à trois-tiers

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L’architecture 3-tiers fournit un modèle aux développeurs pour créer des applications faiblement couplées, modulaires et réutilisables. Elle permet la maintenance de n’importe quelle couche de façon indépendante au fur et à mesure que les besoins du système informatique et la technologie changent. Fournir à l’utilisateur la même application sur un nouvel équipement n’affecte que le code de la couche de présentation. Chacune des couches (‘tiers’) peut être exécutée sur une plate-forme ou processeur distinct. De même, la couche d’accès aux données peut être modifiée sans avoir de répercussion sur les autres niveaux. Les niveaux communiquent généralement en utilisant des protocoles standards tels que JRMP IIOP, HTTP ou WAP entre la couche de présentation et la couche métier d’une part, et JDBC, ODBC entre la couche métier et la couche de gestion des données d’autre part.

La couche de présentation (interface utilisateur) dans les architectures 3-tiers est utilisée grâce à un navigateur Web (ou toute autre application similaire) pour demander des services qui s’appuient sur les protocoles HTTP ou WAP (protocole sur les PDA mobiles). Les demandes sont captées par un dispositif logiciel appelé ‘conteneur Web’ qui invoque alors l’élément/le composant (‘Bean’) approprié qui est en cours d’exécution au sein d’un ‘conteneur d’application’ tel que J2EE ou .NET. Les composants de service utilisent d’autres composants spécialisés d’accès aux données pour récupérer des données nécessaires à partir d’un support de stockage permanent, à travers les interfaces fournies par le système de gestion de base de données.

Le niveau de logique d’affaire (aussi appelé couche médiane) peut être lui-même composé de plusieurs niveaux et, dans ce cas, l’architecture globale est appelée « architecture n-tiers ou multi-tiers ».

La figure 8.3 montre une application typique multi-tiers où le serveur d’application exécute deux couches (tiers), soit un conteneur web et un conteneur EJB (Java). Cette architecture 4-niveaux a été utilisée dans le projet eFez.

Figure 8.3 : Architecture d’application web 4-tiers du système eFez

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Dans une architecture multi-niveaux ou multi-tiers, un schéma de conception (‘design pattern’) est généralement utilisé à un niveau inférieur pour définir les relations et les interactions entre les classes ou les objets au sein du niveau intermédiaire métier (‘middle tier’) qui reflètent la séparation entre les niveaux. Un de ces modèles de conception est le Model-View-Controller (voir Figure 8.4).

Figure 8.4 : Le schéma de conception MVC pour les applications Web

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Le schéma de conception Model-View-Controller (MVC) est basé sur le principe d’abonnement/notification, par lequel les composants observateurs intéressés sont informés lorsque des données changent. Ils peuvent alors réaliser les actions appropriées selon leur spécifications.

Le Modèle, incorporé dans un EJB1, encapsule la logique métier et les données persistantes grâce auxquelles l’application fonctionne. Quand un modèle change d’état, il notifie les vues qui ont souscrit (et qui sont incorporées dans les pages JSP) afin qu’elles puissent être rafraîchies.

Une Vue (‘View’) transforme le modèle sous une forme qui est appropriée pour l’interaction, et qui est exploitée par l’interface utilisateur fournie par un navigateur de bureau ou un navigateur mobile. Plusieurs vues peuvent exister pour un même modèle, et ceci pour des fins différentes.

Le Contrôleur (‘Controller’), incorporé dans une ‘Servlet’ (programme java) accepte les entrées de données (par exemple requêtes HTTP GET et POST) fournies par l’utilisateur, et demande au modèle et à la vue d’effectuer les actions requises en lien avec ces données. Toutes les informations nécessaires (telles que les ‘sockets client’) en lien avec la requête sont transmises avec l’appel de la Vue et du Modèle, pour permettre à la Vue de répondre directement à l’utilisateur (grâce au navigateur Web).

1. Quoique nous utilisons une terminologie dérivée du monde Java, le schéma MVC s’applique également dans le monde Microsoft en utilisant les environnements de développement .Net ou ASP.net.

Architecture système

L’architecture système définit la structure et/ou le comportement d’un système. Il s’agit d’un plan à partir duquel les composantes peuvent être achetées et des systèmes développés de manière à ce qu’ils puissent être assemblés pour réaliser le système global.

Figure 8.5 : Architecture du système d’eFez

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C’est également une représentation dans laquelle on montre une correspondance entre les fonctionnalités et les composants matériels et logiciels, une correspondance entre l’architecture logicielle et l’architecture matérielle, et on met en évidence l’interaction humaine avec ces composants. La figure 8.5 représente l’architecture système du système d’e-gouvernement eFez.

Architecture de service

Les services Web sont des applications autonomes et modulaires qui peuvent être décrites, publiées, localisées et invoquées sur le Web en utilisant XML SOAP au lieu des protocoles HTTP. Un courtier de service (‘service broker’) est utilisé pour jouer l’intermédiaire entre le prestataire (‘service provider’) et le consommateur de service (Figure 8.6).

Figure 8.6 : Cycle du service Web

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Les concepts fondamentaux des services Web comprennent l’encapsulation des détails, l’envoi de messages, la liaison dynamique, et la description du service et la requête au service (Thomas 2009). Les services Web sont composés et chorégraphiés pour s’apparier aux processus d’affaires (ou processus métier). Le processus d’affaire composé est ensuite livré grâce à la technologie de portlet – ou mini-portail- (voir Figure 8.7).

Figure 8.7 : Architecture de services Web (source : http://oreilly.com/java/archive/what-is-a-portlet.html)

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Les services Web sont liés dynamiquement à l’exécution. Un demandeur de service décrit les capacités du service requis, puis utilise l’infrastructure du courtier de service pour le localiser. Une fois qu’un service ayant les capacités requises est localisé, l’information de la description du service est utilisée pour ‘se lier’ au service. La découverte et l’invocation de services dynamiques grâce à la publication, la recherche, et le lien (‘binding’) conduisent à des applications avec un couplage plus faible; ce qui permet l’intégration de nouvelles applications et services en temps réel. Cette approche produit des systèmes à configuration automatique, adaptifs et robustes, avec moins de points de défaillance. Les technologies inter-logicielles de sécurité et de communications sont également encapsulées dans l’environnement d’exécution et sont transparentes au demandeur.

Les services Web sont des aspects importants pour les systèmes d’e-gouvernement car ils permettent aux applications patrimoniales (‘legacy applications’) et aux applications transversales de l’administration publique d’être encapsulées et exposées en tant que services Web, et intégrées dans un système d’e-gouvernement.

V. SÉCURITÉ, AUTHENTIFICATION ET CONTRÔLE D’ACCÈS

En général, la gestion de la sécurité (Tipton 2009) consiste en un ensemble de processus et de techniques utilisés pour établir, maintenir et évaluer les programmes de sécurité à tous les niveaux, ainsi que pour assurer la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité de tous les actifs informatiques du système d’e-gouvernement.

La gestion des programmes de sécurité (technique, administrative, physique) est une tâche de plus en plus difficile et exigeante. Avec les progrès de l’informatique et des technologies des communications, il est obligatoire de contrôler la sécurité sur plusieurs niveaux. Les efforts de la gestion de la sécurité nécessitent la prise en charge des points suivants.

Dans le cas spécifique des plate-formes de prestation de services d’e-gouvernement (les serveurs, les ordinateurs, et les logiciels), une politique de sécurité générale permet d’orchestrer une configuration rigoureuse et méticuleuse pour authentifier les utilisateurs, restreindre l’accès aux ressources et/ou bloquer les intrusions de piratage et les infiltrations malveillantes des logiciels.

Les contrôles de sécurité de l’information visent à préserver la triade de confidentialité, d’’intégrité et de disponibilité des actifs du système d’e-gouvernement, à savoir le matériel, les logiciels, les données et les personnes. Ceci se fait par de nombreux contrôles, y compris la sécurité physique, les contrôles administratifs et les contrôles logiques et techniques. Un cadre commun à toute l’organisation est également fondamental pour la gestion des risques en particulier et de la sécurité en général. Les contrôles techniques comprennent le contrôle d’accès logique/technique, les mécanismes techniques de défense et l’établissement de canaux sécurisés pour les transferts des données.

Le contrôle d’accès logique/technique

Le contrôle d’accès logique/technique se concentre sur l’Identification de l’utilisateur, l’Authentification, l’Autorisation et l’Audit (IAAA). L’identification consiste à demander les informations d’identification de l’utilisateur qui le distinguent des autres utilisateurs. L’autorisation s’occupe d’accorder un accès à distance à une ressource particulière ou à un service. Cela se fait habituellement en découvrant si l’utilisateur fait partie d’un rôle ou d’un groupe particulier. L’accès peut être accordé ou refusé suivant de nombreux critères tels que l’adresse réseau (soit l’adresse IP) du client, la zone géographique où l’utilisateur se trouve, l’heure de la journée ou l’application utilisée.

L’authentification est le processus consistant à vérifier qu’un utilisateur est vraiment celui qu’il prétend être. Cela implique généralement un nom d’utilisateur et un mot de passe, mais peut inclure toute autre méthode de preuve d’identité, comme l’utilisation d’informations d’identification du PKI (les clés de cryptage, les certificats numériques) chargées sur une carte à puce (‘smart card’), l’utilisation de données biométriques telles que le scan de la rétine, la reconnaissance vocale ou les empreintes digitales.

Une combinaison de ces techniques est utilisée de plus en plus souvent : on l’appelle habituellement ‘l’authentification à 2-facteurs’. En général, l’authentification à 2 facteurs se réfère à toute combinaison de deux des trois éléments suivants : « quelque chose dont l’utilisateur dispose », « quelque chose que l’utilisateur sait », ou « quelque chose que l’utilisateur est ».

L’authentification et l’identification sont étroitement liées et souvent utilisées conjointement dans les applications. L’authentification sans faille est si critique et difficile à construire que dans la pratique l’authentification est déléguée à un composant tiers spécialisé, et n’est pas intégrée dans l’application de service d’e-gouvernement en soi. Les systèmes des tiers d’authentification tels que Kerberos, Windows AD, l’annuaire X509 LDAP ou CAS2 pour les utilisateurs Web sont souvent utilisés pour l’authentification dans une architecture de sécurité d’un système d’e-gouvernement.

Deux types de contrôle d’accès existent : le contrôle d’accès aux données et le contrôle d’accès aux services. Si ces derniers sont généralement paramétrés au niveau du conteneur Web qui sera utilisé pour invoquer le service (voir sous-section Architecture de Service ci dessus), le contrôle d’accès aux données est généralement appliqué au niveau du système d’exploitation et/ou du système de gestion de bases de données.

Les mécanismes de défense techniques/logiques

La sécurisation d’un système d’e-gouvernement (c.-à-d. la préservation de la disponibilité, de l’intégrité et de la confidentialité des actifs du système) n’est pas une tâche facile. Elle est très large et comprend :

1. La sécurisation des données à la fois permanentes et en transit à travers l’Internet;

2. La sécurisation des infrastructures (les serveurs, les commutateurs de réseau, les consoles d’administration, etc.) contre les attaques;

3. L’authentification et le contrôle d’accès des utilisateurs;

4. La fourniture de services à travers des canaux sécurisés (confidentiels et fiables).

Habituellement une architecture de sécurité prend en charge tous ces aspects. Les mécanismes de défense comprennent les pare-feux, les systèmes de détection d’intrusion et de prévention (IDS, IPS), les solutions d’antivirus d’entreprise (AV) et les solutions anti-spam, les systèmes du contrôle d’accès réseau (‘Network Access Control’ - NAC), et les pots de miel (‘honeypots’). Les mises à jour automatiques de tous les logiciels font également partie des mécanismes de défense.

L’établissement de canaux de communication sécurisés

Que ce soit par le biais d’un réseau privé virtuel (VPN), un TLS (Sécurité de la couche transport pour sécuriser l’accès au Web) ou des séances IPsec, la cryptographie et l’infrastructure à clé publique (PKI) sont au cœur de la création des canaux sécurisés entre le service d’e-gouvernement et l’utilisateur final, avec authentification mutuelle.

La demande croissante pour les applications d’e-commerce, les transactions bancaires en ligne et les services d’e-gouvernement ont augmenté la demande pour des solutions à base d’infrastructure à clé publique (PKI). Le PKI est l’ensemble des normes et des protocoles qui permettent la mise en place de canaux sécurisés sur des réseaux non sécurisés, tels que l’Internet, en vue de transférer des informations sensibles et de l’argent, au moyen de la cryptographie à clé publique.

L’un des outils de base de l’infrastructure PKI est le certificat numérique. C’est un document (fichier) qui lie de manière authentifiée l’identité d’un utilisateur, serveur ou application, à sa clé cryptographique publique. L’utilisation des certificats (c.-à-d. clé authentifiée du destinataire) permet l’échange sécurisé et fiable du matériel cryptographique tels que les clés de cryptage de session, par des protocoles de sécurité tels que l’IPSec, la TLS et l’IPv6.

Les certificats peuvent identifier un individu ou une organisation comme “minA.gov.ma”. La génération d’un certificat est un processus standardisé par lequel une organisation ou un individu présente sa clé publique à une autorité centrale tiers de confiance, qui leur renvoie alors le certificat signé attestant essentiellement que « cette clé publique appartient à cette personne ou organisation ». La signature est unique et son authenticité est vérifiable.

Bien sûr, les contrôles nécessaires des ID sont effectués avant que le certificat soit délivré. Quand il y a des raisons de croire que la clé privée correspondant à la clé publique du certificat est compromise, le certificat peut être révoqué et placé dans une liste des certificats révoqués (CRL), de sorte que tout le monde sache que la combinaison « clé publique, entité » n’est plus valide.

Les certificats PKI suivent la norme X.509v3, et il existe diverses catégories de certificats selon le degré de vérification des antécédents et des ID, permettant différents types d’utilisation (sécuriser la messagerie, sécuriser les sessions Web et, éventuellement, signer d’autres clés publiques).

L’infrastructure de clé publique consiste en :

1. Une autorité de certification (AC) qui émet et vérifie les certificats;

2. Une autorité d’enregistrement (AR) qui reçoit et vérifie les demandes de certification pour la AC avant d’émettre le certificat au demandeur;

3. Un répertoire LDAP où les certificats (et leurs clés publiques) sont emmagasinés.

Les demandes sont encapsulées dans un fichier standard (PKCS # 10) et envoyées à l’AR par courriel. Il existe divers logiciels pour la génération des paires de clés public/privé pour former une demande de certificat PKCS#10.

Une utilisation typique des certificats est de les échanger entre les parties communicantes qui souhaitent établir un canal sécurisé. Chaque partie vérifie la validité et l’authenticité du certificat de l’autre. La vérification comprend l’obtention du statut de révocation du certificat à partir de l’AC qui a délivré le certificat, par le téléchargement de la CRL ou en utilisant le ‘Online Certificate Status Protocol’ (OCSP). Après vérification, l’échange de clés s’effectue suivant le format standard PKCS#12.

Au moment où ce livre est rédigé, les solutions PKI les plus utilisées et les plus commercialisées étaient :

• RSA;

• Verisign;

• GTE CyberTrust;

• Bull MetaPKI.

Les solutions PKI peuvent être déployées en interne au sein d’une organisation dans le but d’authentifier les utilisateurs internes. Dans ce cas, l’AC de l’organisation n’a aucune autorité en dehors de l’organisation.

Les contrôles administratifs

Ce sont tous les contrôles non-techniques nécessaires pour assurer la triade de l’information de sécurité : confidentialité, intégrité, disponibilité (CIA : Confidentiality, Integrity, Availability). La séparation des fonctions, le ‘besoin de savoir’ (‘need to know’), et les politiques sont considérés comme des contrôles administratifs. Il existe trois types de politiques de sécurité, à savoir la politique de sécurité de l’organisation, la politique de gestion des données et la politique de sécurité du système.

La politique de sécurité de l’organisation

Elle établit les bases d’une classification des données comme actifs de l’organisation. Cette politique indique généralement que les informations seront classées en fonction de la valeur des données, la sensibilité, le risque de perte ou de compromis, et les exigences légales et les besoins de rétention d’information. Cela offre à l’Administrateur de Sécurité de l’Information (ASI, ou ‘Information Security Officer’ - ISO) l’autorité et le cadre nécessaires pour élaborer des programmes de sécurité, obtenir des fonds, et autres formes de soutien telles que le parrainage et le soutien de la haute direction.

La politique de gestion de données

Elle établit une classification des données ainsi que les processus pour protéger les informations. Elle comprend :

La politique de sécurité

Les politiques de sécurité du système sont généralement explicitement écrites dans un document, et configurées au niveau du logiciel de base tel que le système d’exploitation et/ou le système de gestion de données, ainsi qu’au niveau du PKI (par exemple les méthodes d’échange des clés acceptées, les algorithmes de cryptage autorisés, etc.). Toutes les politiques doivent être appliquées et largement communiquées au sein de l’administration et aux acteurs concernés, y compris les utilisateurs des systèmes d’e-gouvernement.

La gestion de la sécurité

La gestion de la sécurité (Tipton 2009) est l’ensemble des processus et des techniques nécessaires pour établir, maintenir et évaluer les programmes de sécurité à tous les niveaux pour assurer la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité de tous les actifs informatiques d’e-gouvernement. La plupart des coûts associés à cette tâche sont des coûts de démarrage. Les efforts de gestion de la sécurité traitent des points suivants :

• La politique (‘policy’);

• L’analyse d’impact (‘impact assessment’);

• La définition des rôles et responsabilités;

• L’identification des propriétaires (‘owners’);

• La classification des informations et applications;

• Le suivi (‘ongoing monitoring’).

Quand il s’agit des systèmes d’e-gouvernement, on ne peut ignorer l’importance de la gestion de la sécurité. Selon la taille du système, on pourrait vouloir envisager d’allouer des personnels de gestion de sécurité certifiés et dédiés (Responsable de la Sécurité des Systèmes d’Information, Comité de sécurité, etc.) pour superviser la gestion de la sécurité et de ses opérations. Une certification respectée dans l’industrie est CISSP (voir www.isc2.org)

IV. LES PLATE-FORMES MATÉRIELLES

Les processeurs multi-cœur

La combinaison de l’intégration haute densité des circuits électroniques et la demande pour le parallélisme ont motivé l’invention des microprocesseurs multi-cœur. De tels microprocesseurs implémentent plusieurs microprocesseurs (dits ‘cœurs’) dans un seul composant physique et un seul circuit intégré. Les cœurs peuvent partager une seule mémoire cache L2 cohérente, ou peuvent avoir des caches indépendantes (par exemple, les processeurs actuels dual-core d’AMD). Cependant, les processeurs partagent de façon transparente la même interconnexion au reste du système (les « bus » de données et d’adresses, les lignes d’interruption, etc.) (Stallings 2012).

Chaque cœur qui est un CPU en soi, implémente des optimisations telles que l’exécution super-scalaire, les pipelines et le multithreading. Un processeur multi-cœur est efficace quand il est sollicité pour exécuter plusieurs unités d’exécution (‘threads’) en même temps, c’est à dire lorsque l’application est multi-threaded, ou composée de plusieurs processus coopérants. Les Machines Virtuelles (voir la section de virtualisation ci-dessous) vues comme des entités d’exécution distinctes, peuvent également profiter de la technologie multi-cœur. Tous les serveurs Web connus, les serveurs d’applications et même les navigateurs web exploitent le multithreading, et peuvent donc s’appuyer sur tous les avantages de la technologie du processeur multi-cœur. Toutefois, selon la façon dont elles ont été codées, les différentes applications peuvent obtenir différents gains de performance sur différents types de microprocesseurs multi-cœur, ceci en raison des différentes manières dont les cœurs sont construits (Stallings 2012).

Cloud Computing

Le ‘Cloud Computing’ est une nouvelle approche technologique qui aide à réduire la complexité du traitement de l’information en tirant parti de la mise en commun efficace d’infrastructures virtuelles autogérées et utilisées comme un service (Rhoton 2009). Le Cloud Computing fournit un modèle plus efficace, flexible et rentable pour l’informatique – un service qui permet aux technologies de l’information de fonctionner beaucoup plus efficacement et de répondre plus rapidement aux opportunités d’affaires. L’objectif du Cloud Computing est d’activer les technologies de l’information en tant que services.

Un système d’exploitation de type « Cloud » gère des collections d’infrastructures– les CPU, le stockage, le réseau– d’une manière globale, dynamique et transparente en créant un environnement opérationnel dynamique. Très semblable à un système d’exploitation traditionnel qui gère la complexité d’une machine individuelle, le système d’exploitation Cloud gère la complexité d’un centre de données (« data center ») en entier.

La virtualisation du matériel est la technologie essentielle qui permet la mise en place du Cloud Computing (voir les détails dans la section suivante). Par ailleurs, les données stockées sur le Cloud sont distribuées sur différentes baies de stockage de manière transparente et cohérente, permettant ainsi un meilleur accès et une plus grande disponibilité.

La technologie de virtualisation

La virtualisation est une technologie qui utilise un hyperviseur (sorte de système d’exploitation du Cloud) pour créer un environnement informatique entièrement simulé (par exemple une machine virtuelle -VM), pour son système d’exploitation invité (Windows, Linux, etc.).

Généralement, on peut créer cinq machines virtuelles pour chaque CPU/cœur. Les fournisseurs offrent des calculateurs spécialisés pour ajuster le nombre de machines virtuelles qui peuvent être hébergées sur un système informatique. Le système d’exploitation invité s’exécute comme s’il fonctionnait directement sur le matériel physique (voir figure 8.8).

L’accès aux ressources physiques du système (telles que l’accès au réseau, à l’écran, au clavier, et au stockage sur disque) est multiplexé pour les machines virtuelles en exécution. On peut limiter l’accès des clients à des périphériques spécifiques, ou à un sous-ensemble de fonctionnalités natives de l’appareil, selon la politique d’accès au matériel mis en œuvre par l’hôte de virtualisation (l’hyperviseur).

Figure 8.8 : Un ensemble de microprocesseurs gérés par un hyperviseur qui permet la création de nombreuses machines virtuelles.

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Une machine virtuelle peut être plus facilement contrôlée et sa configuration est plus flexible. Une nouvelle machine virtuelle peut être provisionnée en cas de besoin, sans la nécessité d’acheter du nouveau matériel. En outre, une machine virtuelle peut être facilement déplacée d’une machine physique à une autre selon les besoins. Une erreur dans une machine virtuelle n’endommage pas le système hôte : il n’y a donc aucun risque de briser le système d’exploitation invité. En raison de leur relocalisation facile, les machines virtuelles peuvent être utilisées pour fournir une haute disponibilité et une continuité des affaires dans les scénarios de reprise après sinistre.

Centres de données

Une des principales préoccupations des systèmes d’e-gouvernement est la continuité de leurs activités. Si un système (par exemple un serveur, commutateur réseau, etc.) devient indisponible, les services d’e-gouvernement peuvent être compromis ou complètement arrêtés. Il est nécessaire de fournir une infrastructure fiable pour les opérations informatiques et pour minimiser les risques de perturbation. Les systèmes et les périphériques informatiques, tels que les systèmes de télécommunications et de stockage, sont généralement placés dans un centre de données (‘data center’). Un centre de données est une installation spécialisée utilisée pour stocker les composants informatiques. Il comprend généralement un système de contrôle de l’accès physique, des dispositifs d’alimentation redondants ou de secours, des liaisons redondantes de communication de données, des contrôles environnementaux (par exemple, des systèmes HVAC, des extincteurs d’incendie) et des dispositifs de sécurité.

Figure 8.9 : Un Centre de données

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Généralement, on classifie les centres de données selon la nature et la complexité des tâches/missions qu’ils doivent accomplir. Le plus simple est le centre de données à 1 Tiers, qui est essentiellement une salle pour serveur, suivant des directives de base pour l’installation de systèmes informatiques. Le Niveau de centre de données le plus élevé est le centre de données à 4 Tiers, qui est conçu pour accueillir des systèmes informatiques dont la mission est critique, avec des sous-systèmes complètement redondants et des zones de sécurité compartimentées et contrôlées par des méthodes de contrôle d’accès biométriques. Souvent, les centres de données sont placés dans des endroits géographiques spécifiques et/ou souterrains pour assurer la sécurité des données, ainsi que pour des considérations environnementales comme par exemple pour assurer refroidissement.

La consommation d’énergie est souvent le principal coût à considérer lors de la configuration et de l’exploitation d’un centre de données. La consommation d’énergie pour les centres de données varie de quelques kW pour un rack de serveurs jusqu’à plusieurs dizaines de MW pour les grandes installations. Pour des installations de grande puissance, le coût d’électricité est une dépense d’exploitation dominante et peut compter pour plus de 10 % du coût total de possession d’un centre de données. (voir http://sakthidww.com)

Il n’est pas nécessaire qu’une administration publique ait son propre centre de données, car aujourd’hui il existe des fournisseurs de service de data center. Bien évidemment les questions de souveraineté et de sécurité nationale exigent que les centres de données utilisés pour les systèmes d’e-gouvernement soient localisés à l’intérieur du pays.

V. LES PLATE-FORMES LOGICIELLES POUR LES SYSTÈMES D’E-GOUVERNEMENT

Les plate-formes logicielles des systèmes d’e-gouvernement comprennent des logiciels de base, des logiciels de serveur d’applications et des logiciels de gestion de base de données. Ces sont des solutions commerciales disponibles en tant que solutions propriétaires ou logiciels libres (libres de licence).

Les logiciels de base

Les logiciels de base font référence aux systèmes d’exploitation et aux divers logiciels utilitaires comme les applications d’usage général. Le système d’exploitation (OS) est le programme/logiciel qui contrôle l’exécution des programmes de l’utilisateur. Le système d’exploitation est, en fait, une interface entre le matériel et l’utilisateur/programmeur. Il est responsable de la gestion et de la coordination des activités, ainsi que du partage des ressources d’un ordinateur (processeur, dispositifs d’entrée/sortie, des périphériques, de la mémoire, etc.) entre les applications (également appelées processus) s’exécutant sur la machine. Il offre une fondation pour exécuter des programmes comme les logiciels de traitement de texte, les navigateurs web, les serveurs web et les serveurs d’application.

Des exemples de systèmes d’exploitation conçus pour les serveurs sont : UNIX, Linux, AIX, Solaris, Redhat et Windows2008. Des exemples de systèmes d’exploitation utilisateur/client sont Windows Vista, Windows 7, Linux, Mac OS 7 et 8.5, Symbian OS et Android.

Les logiciels serveurs Web et d’application

Un serveur web est un programme (ou un ordinateur exécutant un programme) qui est responsable de l’acceptation des requêtes HTTP provenant de clients et de retourner des réponses HTTP avec des contenus optionnels de données, qui sont généralement des pages web comme des documents HTML et les objets associés. Les serveurs Apache, Microsoft IIS et IBM HTTP sont des serveurs web connus.

Généralement, un serveur web s’exécute sur une machine distincte ou un serveur physique qui est accessible à partir du monde extérieur par le biais du réseau d’entreprise. Bien que les serveurs web aient des extensions pour le retour de pages HTML de façon dynamique (c’est-à-dire générées par un programme se basant sur les paramètres transmis au serveur web ainsi que les requêtes), ils sont mieux adaptés pour fournir des pages statiques (c’est-à-dire des fichiers statiques stockés sur disque, tels que des images, des objets web, etc.).

Un serveur d’application est un moteur logiciel de niveau intermédiaire (‘middle tier’) qui héberge et exécute les programmes (appelés aussi ‘logique d’affaire’) d’une application web (voir figures 8.3 et 8.5). Les composants d’entreprise (‘Enterprise Beans’) dans lesquels la logique est implémentée/codée, accèdent aux données permanentes (du tiers de données) à l’aide de connecteurs de base de données spécialisés. IBM Websphere, Jboss, Microsoft .Net Server et Oracle Application Server sont tous des exemples de serveurs d’application.

Au-delà du comportement dynamique, un serveur d’application présente de nombreux avantages pour le développeur tels que la gestion des transactions, le regroupement de connexions, la sécurité et le contrôle d’accès, et non des moindres, la disponibilité des environnements intégrés de développement.

Les logiciels de gestion des données

Un système de gestion de base de données (SGBD), également appelé gestionnaire de base de données, est un logiciel qui permet à un ou plusieurs utilisateurs et programmes d’écrire et de récupérer les données et des enregistrements dans une base de données.

Une base de données est une collection d’enregistrements permanents et organisés (Ullman 2007). Le SGBD reçoit et sert les requêtes d’enregistrement de données émanant des utilisateurs ou des programmes, tout en dissimulant leur emplacement physique sur le support de stockage et, dans le cas d’un système multi-utilisateur, en cachant les autres utilisateurs qui accèdent aux données. En traitant les requêtes des utilisateurs pour les opérations de récupération, de mise à jour et d’insertion de nouveaux enregistrements, le SGBD assure l’atomicité, l’intégrité et la sécurité des données. Ainsi, il veille à ce que les données continuent d’être accessibles et qu’elles sont systématiquement organisées comme prévu (atomicité et intégrité) et que seules les personnes disposant de privilèges d’accès peuvent y accéder (sécurité).

Parmi la variété des SGBD existants, les systèmes de gestion de bases de données relationnelles (SGBDR) sont les plus largement utilisés. Les SGBDR utilisent le langage structuré de requêtes (SQL) comme interface standard pour recevoir les requêtes.

Les systèmes de gestion de bases de données orientés-objets (SGBDO) sont également utilisés pour stocker les données persistantes sous forme d’objets et sont utilisés en conjonction avec des environnements de programmation orientée-objet.

Sur les PC, Microsoft Access est un exemple bien connu de SGBDR pour une seule personne ou un petit groupe d’utilisateurs. Microsoft SQL Server est un exemple de SGBDR qui sert les requêtes de base de données provenant de plusieurs utilisateurs/clients. D’autres SGBDR populaires sont DB2, la ligne de produits de gestion de base de données d’Oracle, et MySQL qui est un logiciel libre. Du côté des SGBDO, VERSANT est un outil très populaire et bien connu.

Les licences de logiciels

En général, les licences des logiciels peuvent être catégorisées de la façon suivante : licences exclusives, licences de logiciels gratuites et licences d’utilisation de logiciels libres. Les différences entre les licences gratuites et les licences d’utilisation de logiciels libres sont significatives en ce qui concerne les droits de l’utilisateur. Par ailleurs, une licence source libre (‘open source’) et gratuite permet la libre consultation du code/programme, sa modification et sa distribution. Certaines licences libres comme la licence GNU permettent au produit et/ou à ses produits dérivés d’être vendus commercialement par des compagnies d’intégration/édition de logiciels.

Avec des licences propriétaires, la propriété du logiciel reste dans les mains de l’éditeur du logiciel, et l’utilisateur final doit accepter la licence d’utilisation du logiciel. Le contrat de licence du logiciel stipule les termes qui précisent l’utilisation du logiciel, telles que le nombre d’installations autorisées et les modalités de distribution. Certains éditeurs de logiciels appliquent le modèle de tarification de licence pour chaque utilisateur déclaré tandis que d’autres appliquent un modèle de tarification pour chaque processeur ou même pour chaque cœur du microprocesseur. Les licences Microsoft Windows et Oracle sont des exemples de licences de logiciels propriétaires.

Si le droit d’utiliser le logiciel est gratuit grâce à une licence de logiciel libre, (c’est-à-dire sans paiement) le support technique peut cependant entrainer des frais. En effet, de nombreux intégrateurs de logiciels libres s’appuient sur ce modèle de support pour générer leur revenu principal, en plus de l’intégration de logiciels.

VI. MISE EN RÉSEAU ET INTERCONNEXION

Un réseau d’ordinateurs est un ensemble de supports physiques (c’est-à-dire les câbles de fibres optiques, les fréquences radio, les câbles coaxiaux, les câbles à paires torsadées en cuivre, etc.), ainsi que des équipements actifs (commutateurs et routeurs), et des protocoles et des services associés (service DHCP, service de nommage, etc.) permettant le transfert de l’information et l’invocation d’e-services sous la forme de messages entre l’équipement de l’utilisateur (ordinateur, périphérique mobile, etc.) et la plate-forme du système d’e-gouvernement. Il est important de mentionner ici que le moyen de transmission en lui-même n’est pas un réseau ou une technologie. C’est plutôt la combinaison du moyen de transmission et des dispositifs actifs (qui généralement mettent en œuvre une des normes de mise en réseau telles qu’IEEE, ATM, etc.) qui forment une technologie. Par conséquent, il n’est pas juste de parler uniquement de fibre optique en soi. Il est plus exact de parler de la technologie qui utilise la fibre optique. Dans ce qui suit, nous allons essayer autant que possible de dissiper la confusion entre le moyen utilisé pour construire le réseau, et la technologie qu’utilise ce moyen de transmission. Comme illustré dans la figure 8.10 ci-dessous, on peut, dans le cadre de systèmes d’e-gouvernement, distinguer entre au moins trois types de réseaux :

Figure 8.10 : Hiérarchie des réseaux

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Les réseaux déployés pour connecter les différents composants de la plateforme d’e-gouvernement font partie de la catégorie des réseaux d’entreprise. Les réseaux d’entreprise sont connectés à un réseau métropolitain (MAN) qui regroupe un certain nombre de réseaux locaux (LAN) à l’aide d’une fibre optique de haute qualité basée sur une technologie de réseau fédérateur (voir la Figure 8.11).

Figure 8.11 : Structure typique du MAN

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Ce réseau métropolitain fournit aussi des services up-links (également appelés ‘backhaul’ dans le contexte des réseaux sans fil) au réseau fédérateur Internet. Un MAN peut être détenu et exploité par une organisation unique, tout comme il peut être possédé et exploité en tant que service d’utilité publique. Les MAN peuvent être construits en utilisant des réseaux filaires (souvent en fibre optique) et des technologies réseau sans fil.

Il existe aujourd’hui deux grandes solutions et technologies sans fil pour construire des MANs (WMAN). Ce sont les WiMax802.16d, une solution standard également appelée WiMax fixe et le Wi-FI à longue portée (LR Wi-Fi). Malgré le fait qu’elles fournissent de larges bandes passantes, d’autres technologies sans fil, telles que les liaisons par microondes de 60 GHz, ne conviennent pas pour des MANs administratifs ou urbains. En effet, leur portée limitée ne dépasse généralement pas les 800m en raison de l’atténuation forte du signal. De plus, le type de lien utilisé (point à point au lieu de point à multipoint) ne se prête pas à la construction évolutive et rentable de réseaux sans fil de taille moyenne ou large.

VII. CONCLUSION

Bien que nous ayons essayé de garder au minimum le nombre d’outils technologiques discutés dans ce chapitre, le nombre de sujets que nous avons présentés indique clairement la variété et la complexité des défis que doivent relever les gouvernements/administrations pour déployer les services d’e-gouvernement.

Bien évidemment, le preneur de décision politique n’a pas nécessairement besoin de maîtriser tous les aspects technologiques afférents aux systèmes d’e-gouvernement, mais une bonne compréhension des questions qu’ils soulèvent, les avantages et les risques qu’ils posent sont des atouts pour en assurer un déploiement réussi.

La technologie évolue rapidement, et quel que soit le personnel du service informatique de l’administration publique, il est toujours avantageux de s’appuyer sur les conseils et la compétence technique de sociétés spécialisées dans les différents domaines de l’ingénierie logicielle, des réseaux et des télécommunications, de la sécurité des systèmes d’information et dans la gestion de projets. Les meilleures pratiques dans chacun de ces domaines, ainsi que des études de cas peuvent fournir d’importantes ressources pour le succès du développement du système d’e-gouvernement et de ses opérations.

RÉFÉRENCES

(Alberts and Dorofee 2002) : Alberts C. and Dorofee A., “Managing Information Security Risks : The OCTAVE (SM) Approach”, Addison-Wesley Professional, 2002.

(Bass et al. 2003) : Bass L., Clements P. and Kazman R., “Software architecture in Practice”, Dorling Kindersley Pvt Ltd, 2003.

(Brewer 2006) : Brewer G.A., “Designing and Implementing E-Government Systems, Critical Implications for Public Administration and Democracy”, The Journal of Administration & Society, 38 :472-499, September 2006.

(Hanna H. 2010) : “Transforming Government and Building the Information Society : Challenges and Opportunities for the Developing World”. Springer, NY : Peter T. Knight Editors.

(Rhoton 2009) : Rhoton J., “Cloud Computing Explained : Implementation Handbook for Enterprises”, Recursive Press, 2009.

(Sommerville 2006) : Sommerville I., “Software Engineering”, Sixth edition. New York : Addison-Wesley.

(Stallings 2012) : Stallings W., “Operating Systems, Internals and Design Principles”, 5th edition, Prentice hall, 2012.

(Tipton 2009) : Tipton H.F., “Information Security Management”, Auerbach Publications; 6th edition, 2009.

(Ullman 2007) : Ullman J.D., “First Course in Database Management Systems”, 3rd edition, Prentice Hall, 2007

(Wimmer 2004) : Wimmer, M. A., “E-government : A Catalyst to Good Governance in China”, in Lan L. edt., “Knowledge Management in Electronic Government”, Lecture Notes in Computer Science, n. 3035, Springer Berlin/Heidelberg, 2004.

Conclusion

Quelques mois avant l’apparition de ce livre, nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès de feu Sénateur Mohamed Titna Alaoui. Ce dernier a eu un rôle important dans le succès du projet eFez. Nous croyons que si ce n’était de son soutien et son dévouement sans faille, ce projet n’aurait jamais eu le même impact ni le même sort. Pour remercier le Sénateur Titna Alaoui, post mortem, et pour lui rendre l’hommage qu’il mérite bien en tant qu’acteur majeur dans le succès du projet eFez, nous avons décidé de conclure ce livre avec ses propres propos. En fait, quelques mois avant la disparition du Sénateur Titna Alaoui, le journaliste Rachid Jankari1 l’a rencontré pour discuter avec lui les « secrets et la recette magique » du projet eFez. Rachid s’est toujours intéressé au projet eFez et l’a amplement couvert à travers plusieurs articles dans la presse nationale. Quand il avait appris que nous étions en train d’écrire ce livre, il nous a proposé de renforcer le contenu avec le témoignage de Mr. Titna-Alaoui, trois ans après la mise en opération du système et tout l’impact et les changements qui l’ont suivi. Nous avions alors accepté cette proposition avec l’intention d’inclure quelques propos saillants de Mr. Titna Alaoui, ici et là, dans le livre, pour renforcer nos propositions et nos idées.

Quelques mois plus tard, Rachid nous a remis le résultat du travail qu’il a fait avec Titna-Alaoui, et c’était très intéressant. Le problème est que le contenu et la structure des chapitres de ce livre étaient assez stables à ce moment-là et qu’il nous était difficile d’insérer des nouvelles idées sans un effort considérable de restructuration générale. Nous avons alors décidé de laisser tomber ce nouveau contenu et d’envoyer le livre, tel qu’il était, à l’éditeur. Tout ce qui manquait c’était cette conclusion.

1. Rachid Jankari est un journaliste spécialisé en nouveaux médias. Son site www.jankari.org fournit tous les détails sur sa formation et ses compétences.

À l’approche de la date de parution du livre, alors que l’éditeur nous pressait de lui remettre la conclusion, nous avons commencé à extraire de nos archives tous les documents qui auraient pu faciliter cette tâche. À la lecture des propos de feu Titna Alaoui contenus dans le document de Rachid Jankari, nous avons immédiatement compris qu’ils forment la meilleure conclusion possible de cet ouvrage ! Ces propos sont pleins de leçons et d’enseignements pour les politiciens et les décideurs qui forment notre principal lectorat cible. Merci Sidi Mohammed pour le travail magnifique que tu as fait et pour les services loyaux que tu as rendus à ton pays !

Nous reproduisons dans ce qui suit l’intégralité du document que Rachid Jankari nous a remis et qui est articulé en quatre volets :

• eFez comme projet de conduite de changement;

• eFez et le défi de l’adhésion en interne des ressources humaines et des partenaires du projet;

• eFez : une mobilisation en continu pour la pérennité;

• eFez : un pari sur l’avenir pour la modernisation des services gouvernementaux.

I. EFEZ COMME PROJET DE CONDUITE DE CHANGEMENT

Au départ, lorsque le projet eFez a démarré, en partenariat avec l’Université Al Akhawayn, plusieurs acteurs politiques et économiques étaient circonspects et ont estimé qu’il s’agissait d’un projet de laboratoire et de vitrine technologique sans plus; une sorte de « fantasme technologique » d’acteurs politiques à la quête de notoriété et de communication dans un contexte marqué par la valorisation de la thématique technologique surtout avec la stratégie gouvernementale « E-Maroc 2009 ». Seule l’évolution de la mise en œuvre du projet et sa concrétisation au fil des années ont permis de rompre avec cette image d’expérimentation et d’aventure politico-technologique. Le projet eFez, en capitalisant sur son partenariat avec le CRDI (Centre de Recherche pour le Développement International) et l’Université Al Akhawayn, a réussi une prouesse de conduite de changement au sein de l’administration de la ville de Fès afin de servir les citoyens d’une manière fluide, réactive et immédiate.

Le retour d’expériences des acteurs politiques qui ont pris part à l’aventure eFez est que le changement doit d’abord s’opérer dans les mentalités. eFez n’est pas seulement un projet technologique. Si l’expertise dans le domaine technique et plus particulièrement le e-gouvernement est disponible aussi bien sur le plan national qu’international, ce qui fait défaut en revanche, c’est surtout la volonté d’hommes politiques et de preneurs de décision convaincus de l’intérêt de la technologie dans le changement de la perception des citoyens de leurs administrations. L’expertise technologique est certes capitale, mais elle demeure insuffisante sans d’autres éléments. Il faut surtout compter sur le courage politique et « l’intelligence économique » des preneurs de décision pour la conduite du changement. C’est un préalable pour l’aboutissement de chantiers de réformes de l’administration au moyen de l’innovation technologique.

Un homme politique ne se doit pas forcément d’être un spécialiste en technologie pour s’investir dans les TIC et l’administration électronique. La conviction par la volonté de changement de proximité de l’administration au service des citoyens est le seul préalable nécessaire. La découverte et la compréhension du volet technique se fait au fil du temps et au fur et à mesure de l’évolution et du déploiement des différents volets et services du projet.

Le preneur de décision doit mettre plutôt à contribution son savoirfaire pour mobiliser, convaincre et résoudre les contraintes administratives et combattre les poches de résistance. Un engagement qui ne manquera pas de faciliter le travail de l’équipe technique comme c’était le cas dans le projet eFez.

Ce qu’il faut retenir dans le processus de conduite du changement dans l’administration publique, c’est que l’innovation et le changement sont tributaires non seulement de facteurs externes mais aussi et surtout de la mobilisation et de l’adhésion en interne des équipes. Tout projet d’e-Gouvernement qui ne tient pas compte ou sous-estime ce volet va droit à l’échec.

II. EFEZ ET L’ENJEU DE RESSOURCES HUMAINES

C’est connu depuis toujours, les projets de numérisation et d’automatisation du processus d’octroi de documents administratifs au Maroc (et ailleurs !) ont posé avec acuité le problème d’adhésion en interne de l’écosystème administratif (arrondissement, préfecture, ministère de l’intérieur...).

Dans notre projet, le principal défi était de mettre en confiance le personnel des arrondissements quant à l’impact de l’informatisation sur leur emploi. C’est la première poche de résistance qui a menacé l’avenir du projet. Notre première contrainte était, dès lors, de gagner la confiance des ressources humaines pour les convaincre que le projet d’informatisation vise à améliorer la qualité des services offerts aux citoyens par l’administration. L’informatisation est une opportunité pour les citoyens mais aussi pour le renforcement des capacités et des compétences de nos collaborateurs.

Certes, de prime abord, ce n’est pas évident de dissiper les craintes des salariés. Mais, au fur et à mesure que la mise en œuvre du chantier avançait, cette crainte se dissipait, à partir du moment où l’impact positif du changement organisationnel commençait à se faire sentir.

La mise en confiance des ressources humaines passe inéluctablement par l’investissement dans la formation. Le retour d’expériences du projet eFez en témoigne. De nombreux programmes de formation et de mise à niveau des ressources humaines de l’administration dans le domaine informatique ont été organisés tout au long de la durée de vie du projet. Objectif : assurer une montée en compétence et aussi permettre au personnel de l’arrondissement de se rendre compte de l’intérêt du projet eFez.

Au défi de l’adhésion des ressources humaines en interne s’est ajouté le facteur de l’absence et de la faiblesse des mécanismes financiers susceptibles de motiver le personnel. Avec des procédures rigides de promotion et de bonification, l’administration a imposé à l’équipe de projet le choix d’explorer des pistes extra-professionnelles de motivation et de gratification. D’ailleurs, l’équipe projet, qui constitue le socle dur, a trouvé sa motivation principalement dans le caractère innovant du chantier eFez.

Le politicien doit donc faire preuve de créativité pour mettre en place un dispositif de motivation pour dissiper les contraintes et mobiliser rapidement et tout au long de la vie du projet les différents partenaires du projet (personnel, équipe technique, autorité de tutelle...).

Les responsables du projet eFez ont réussi, en effet, à gérer le manque de confiance et l’absence de mécanismes financiers de motivation des collaborateurs par un travail pédagogique en promettant le redéploiement du personnel en fonction de l’évolution du projet avec un engagement de garantie des emplois et le renforcement des capacités professionnelles.

III. APPROPRIATION ET PÉRENNITÉ

Le projet eFez a évolué au fil des années avant de mûrir et de devenir une réalité qui fait désormais partie du quotidien des citoyens de la ville de Fès. Or, le défi de ce chantier ambitieux est de maintenir la motivation au fur et à mesure des déploiements des différentes briques du projet. La mobilisation est d’autant plus critique que plusieurs problèmes organisationnels, techniques et financiers se posent en cours de route. Autrement dit, au-delà de la dimension technologique d’un projet d’e-gouvernement, c’est d’abord un processus de longue haleine. L’acteur politique doit être en mesure de redynamiser les équipes projets et de débloquer toute situation qui menace le bon déroulement de mise en œuvre du chantier. C’est un processus où l’homme politique doit, constamment, être en mode d’alerte pour faire face à l’évolution et aux contraintes du projet. L’innovation administrative et politique n’est pas facile dans les pays en voie de développement, d’autant plus que la gouvernance locale est encore en construction.

Sur un autre registre, la mobilisation post-déploiement du projet est nécessaire surtout pour éviter la démotivation. L’élan optimiste d’aboutissement de projets technologiques ne doit pas occulter l’importance de garder le cap et d’en assurer la pérennité. L’adoption d’un service informatisé par les citoyens et les ressources humaines d’une administration est un enjeu qui s’inscrit dans la durée. Il faut préserver les acquis mais aussi réfléchir sur le maintien de la cadence d’innovation.

Le défi est de préserver, et aussi d’assurer, l’évolution des offres de services e-Gouvernement et la montée en compétences des ressources humaines de l’administration. Ce défi paradoxal est sans conteste, le leitmotiv de l’action de l’homme politique, surtout celui qui a opté pour la technologie comme vecteur de changement et d’amélioration des prestations et des services de l’administration.

IV. LE PROJET EFEZ COMME ENJEU D’AVENIR

L’aboutissement du projet eFez de dématérialisation des documents de l’état civil n’est qu’un premier pas. L’enjeu est de pouvoir réformer le cadre juridique relatif à l’état civil au Maroc. Le pari sur l’avenir est de permettre à terme à tout citoyen de retirer son acte d’état civil dans n’importe quel arrondissement du Royaume du Maroc, indépendamment de sa ville de naissance ou de résidence. Le principe de la territorialité de l’acte d’état civil est un handicap administratif majeur qui peut parfois coûter cher en temps et en argent aux citoyens. C’est un défi juridique et technique, mais c’est du domaine du possible sur la base du retour d’expériences du projet eFez. Les premiers pas de numérisation des registres de l’état civil, l’introduction de l’outil informatique et des technologies de l’information en général (data center, wifi, accès internet, etc.) sont autant de facteurs accélérateurs de changement.

L’optimisme doit être de mise. Au début du projet eFez, on croyait que le domaine de l’état civil était un domaine réservé, insensible à la réforme et au changement. Or, quelques années après le démarrage de notre projet, la perspective de changement est devenue un défi abordable.

La convergence de la volonté politique, la recherche scientifique et la coopération internationale sont les ingrédients qui ont permis de rendre réalisable le projet ambitieux d’eFez. D’ailleurs, le Ministère de l’intérieur marocain et les différents arrondissements des autres villes du Royaume suivent avec intérêt les chantiers eFez. La reconnaissance internationale de l’originalité de l’expérience est un atout qui consolide le bilan positif des promoteurs du processus du changement du cadre juridique et réglementaire régissant l’état civil. Cette reconnaissance nationale et internationale est le vrai leitmotiv pour militer en faveur de l’élargissement du périmètre de la dématérialisation de l’état civil au Maroc et l’engagement de son administration publique dans un processus d’innovation soutenu/boosté par les atouts et les opportunités qu’offre la technologie des systèmes e-Gouvernement. Le vrai enjeu étant de rendre, petit à petit, l’e-Gouvernement et l’administration électronique une partie intégrante du quotidien des citoyens au Maroc et de lutter contre ce que vous appelez vous, académiciens, la fracture numérique ».

-Fin des propos de Feu Titna Alaoui

V. RECOMMANDATIONS FINALES

Oui, comme l’a si bien dit Titna Alaoui, les universitaires utilisent une terminologie sophistiquée et compliquée dans les articles scientifiques et les livres qu’ils publient. Mais, en fin de compte, ce qui importe pour transmettre nos messages et nos idées c’est de les formuler de façon à ce que les politiciens et les preneurs de décision puissent facilement les « décoder » et les comprendre. Ainsi, même si presque toute la substance de ce que nous voulions communiquer aux lecteurs à travers cette conclusion est incluse dans le témoignage de Titna Alaoui, et dans le but de respecter et de renforcer l’aspect académique de ce livre, nous présentons dans le reste de cette conclusion des recommandations et des conseils principalement basés sur ce que Titna Alaoui a dit, mais avec un « habillage » plus académique !

Les TIC fonctionnent... Le problème est ailleurs !

Oui, et il faut le reconnaître une bonne fois pour toutes, les TIC fonctionnement et grâce à elles des millions de dollars sont échangés instantanément entre New-York et Tokyo, entre Paris et Londres, et entre Montréal et Rome. Si les TIC ne fonctionnaient pas bien, personne n’aurait risqué son argent et ses biens (spécialement les hommes d’affaires !) dans de telles opérations. Les TIC fonctionnent parfaitement pour les banques, les compagnies d’assurances, les opérateurs de télécommunication, la défense, etc. Mieux encore, sans les TIC, toutes ces activités n’auraient pas pu prospérer comme elles l’ont fait pendant les cinquante dernières années, et elles ne survivraient pas, aujourd’hui, un seul jour ouvrable ! Ainsi, l’argument présenté par tant de personnes qui n’utilisent pas les TIC parce que cela ne fonctionne pas pour différentes raisons (menaces la sécurité, instabilité, dysfonctionnements, manque de fiabilité, etc.), est absurde et irrationnel.

Les TIC font bien ce que nous voulons qu’elles fassent et de la façon dont nous voulons qu’elles le fassent. Les problèmes qui se posent sont d’ordre socio-politique et technologique. Notre expérience dans le projet eFez a clairement montré que la diffusion des TIC n’est pas un problème de technologie, il s’agit plutôt d’une question politique. En fait, très souvent, les politiciens et les décideurs manquent de compétences fondamentales en matière de TIC et de connaissances/compréhension, ce qui influence directement leur niveau de sensibilisation. Étonnamment dans notre projet, et malgré l’absence d’e-sensibilisation, les acteurs politiques ont montré un haut niveau de préparation, de participation et d’engagement envers le projet eFez immédiatement après avoir compris les objectifs du projet et les résultats escomptés. Cela a été exprimé souvent par l’intermédiaire des déclarations telles que : « chouf Rahna maakoum « (c’est à dire en arabe : regardez, nous sommes avec vous), « Ghir goulounna Chnou ndirou » (c’est à dire en arabe : « laissez-nous savoir ce que nous allons faire pour vous aider ! « ), etc. Ces déclarations montrent l’empressement des décideurs à s’engager dans le déploiement des TIC pour soutenir/promouvoir la bonne gouvernance en dépit de leur faible prise de conscience de son potentiel.

Au niveau des citoyens, nous avons été encore plus surpris. En fait, un grand nombre de citoyens ont clairement exprimé leur besoin d’interagir électroniquement avec les bureaux du gouvernement, mais se sont plaints de leurs représentants politiques qui ne réagissent pas. Ils se sont exprimés avec des déclarations comme : « wha chhal hadi bach bghina hadchi eu walakine maddaha fina hadd » (i.e. en arabe : nous avons voulu ces choses-là depuis il y a longtemps, mais personne ne se soucie de ce que nous voulons ou demandons !). Une telle réaction montre clairement que les citoyens étaient ouverts aux TIC en dépit de leur faible « culture numérique ».

Les décideurs et les politiciens devraient faire un effort !

Sans aucun doute, l’introduction des TIC produit de profonds changements dans les structures et la dynamique de l’organisation. La réticence des décideurs envers les TIC dans nos pays est en quelque sorte légitime, compte tenu des risques associés (organisationnels, technologiques, commerciales, etc.) et des efforts d’ajustement nécessaires qu’ils doivent fournir. Le défi consiste à trouver des moyens originaux pour convaincre ces décideurs et ces politiciens que les TIC sont « aussi » pour eux et qu’il y a une situation de « gagnant-gagnant » pour tous les intervenants concernés.

Il n’est pas raisonnable de penser que tous les décideurs devraient devenir soudainement des ingénieurs ou qu’ils doivent maîtriser parfaitement les plates-formes et les outils TIC. Ce qui est plutôt nécessaire ici c’est d’acquérir les compétences nécessaires en lien avec la prise de décision de sorte que les décideurs soient en mesure de prendre des décisions éclairées et bien informées. Ils font face à une nouvelle situation à gérer où une partie importante du travail dépend de la technologie. Il est extrêmement difficile (voire impossible !) de gérer cette nouvelle situation sans connaissance au niveau des fondations et de l’évolution des TIC, des cadres conceptuels TIC et des opérations et techniques de base en TIC. Cette connaissance est en effet liée à la volonté et la conscience en général, et, vu que dans notre contexte les acteurs considérés ici sont les décideurs, son importance augmente de façon significative parce qu’on ne peut pas prendre de bonnes décisions à propos de choses qu’on ne comprend pas et qui, a priori, devront profondément changer la façon dont le travail est fait. Donc, comme nous l’avons dit précédemment, si Titna-Alaoui n’avait pas été « e-conscient » et « e-prêt », nous n’aurions jamais pu réussir ce projet et, de même, il est peu probable que la généralisation de ce projet dans tout le Maroc réussisse si les responsables en charge de ce département n’ont pas suffisamment d’e-conscience et d’e-empressement. En effet, on ne peut nier le rôle et l’importance des initiatives individuelles pour créer des synergies et pour préparer les conditions favorables pour les projets TIC. Mais ces initiatives seront toujours limitées dans leur portée et leur impact si elles ne sont pas prises en charge par les décideurs et les politiciens. Cela rappelle le dilemme entre l’approche descendante et l’approche ascendante (voir Chapitre V Section II). La vérité est qu’il y a une nécessité d’organiser et de synchroniser les efforts, les actions et les résultats des deux approches pour réussir au niveau national. Inévitablement, cet effort de synchronisation et d’organisation implique des politiciens et des décideurs e-conscients et e-prêts.

Les TIC représentent une opportunité...

Le lecteur peut légitimement se demander pourquoi l’une des principales suggestions de ce livre est relative à l’opportunité technologique puisque cette opportunité n’est plus à démontrer, en particulier dans les secteurs du commerce et des services ! L’opportunité sur laquelle nous insistons dans ce livre est liée au processus de développement de nos pays à grande échelle, et comment les TIC peuvent le soutenir, l’accélérer et le rationaliser. Nous sommes convaincus que les TIC sont une opportunité pour les pays en développement pour rattraper leur retard. Les TIC font le travail mieux, plus vite et à moindre coût pour tout le monde, partout, quels que soit la langue, le sexe ou la classe sociale des individus. Nous voulons citer ici quelques bons exemples de pays tels que la Malaisie, Singapour et la Corée qui ont saisi l’opportunité des TIC et sont aujourd’hui les nouveaux dragons de l’économie mondiale. Ils ont fait des TIC un outil stratégique pour leur développement économique et social par un engagement politique clair et explicite au plus haut niveau, et avec un suivi minutieux et des mécanismes continus d’évaluations et de réajustements.

Les TIC sont une opportunité car elles permettent l’accès, la préservation et le traitement des données, informations et connaissances, pour tout le monde et tous les pays (y compris les pays en développement et les moins développés !), et à coût moindre. Les TIC défient les obstacles du temps et de l’espace et offrent à tous les pays et à tous les individus les mêmes opportunités.

L’innovation et la créativité sont des éléments clés dans ce sens et chaque pays doit « inventer » un modèle TIC qui s’adapte à son contexte, ses contraintes et ses objectifs. Les TIC offrent des moyens et des opportunités pour relever les défis du développement aux niveaux organisationnel, national et international. L’indifférence aux TIC garde et maintient le statut quo et inévitablement alimente toutes sortes de menaces, y compris la fracture numérique.

Les TIC pour la bonne gouvernance est l’enjeu clé !

Les TIC ne suffisent pas à « créer » la bonne gouvernance, il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant ce que nous pouvons confirmer aujourd’hui c’est que les TIC « permettent » la bonne gouvernance et qu’il est impossible de parvenir à la bonne gouvernance sans l’aide d’outils et de plates-formes TIC. Il n’est pas également possible d’atteindre la bonne gouvernance sans appliquer et utiliser les bonnes méthodes de gestion, ainsi qu’en l’absence d’un environnement de travail (règles juridiques, conditions de travail, espace de travail, etc.) adéquat. Le nombre de plus en plus élevé de demandes émanant de citoyens, leur complexité administrative inhérente ainsi que la qualité de services attendue, requièrent nécessairement l’utilisation des TIC non seulement pour accélérer le processus de livraison, mais aussi pour éviter les erreurs, pour consolider les règles du droit et faciliter la vie quotidienne des citoyens.

Une idée originale que nous avons proposée et mise en œuvre dans le projet eFez est d’intégrer les attributs de la bonne gouvernance dans le cadre du cahier des charges des systèmes d’administration en ligne et de les prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre des phases; ceci afin de permettre le suivi et l’évaluation de leurs impacts sur le processus de gouvernance dans son entièreté. À la différence de la plupart des systèmes d’e-gouvernement actuels, la plate-forme eFez comprend des indicateurs et des paramètres qui renseignent sur la façon dont ce système a contribué à une meilleure gouvernance, y compris le temps de service, le volume des transactions, les taux d’erreurs, etc. De nombreuses institutions, y compris l’organisation des Nations Unies et la Banque mondiale, ont encore du mal à trouver le « bon » modèle qui lie les systèmes d’e-gouvernement à la bonne gouvernance et qui permette d’aboutir à un processus d’évaluation d’impacts fiable et juste. Nous avons proposé dans ce livre un cadre complet de développement et de mise en oeuvre d’un système d’e-gouvernement pour la bonne gouvernance, un cadre applicable dans tous les contextes où l’utilisation des TIC est principalement guidée et motivée par la bonne gouvernance. Ce cadre donne des mesures précises (des chiffres, des faits, des diagrammes, etc.) sur la façon dont les citoyens et les employés ont bénéficié du système et quels ont été, d’une manière quantitative, les changements qui ont suivi la mise en œuvre du système dans un certain laps de temps. Nous croyons fermement que ce cadre a un grand potentiel pour contribuer à l’important débat concernant l’évaluation et le suivi des systèmes d’administration en ligne. Éventuellement, ce cadre pourra raviver le dynamisme des organisations internationales dans leur soutien des projets d’administration en ligne. Enfin, espérons que ce livre contribuera à créer un élan qui encouragera les politiciens et les preneurs de décision de nos pays à adopter les TIC comme moteur pour stimuler la bonne gouvernance.

ANNEXE 1

Une vision synthétique des enjeux importants au succès des projets ICT4D et d’e-gouvernement

L’un des objectifs de cet ouvrage est de fournir au lecteur une meilleure compréhension des nombreux facteurs reliés qui ont une influence sur le succès éventuel ou l’échec d’un projet ICT4D/e-gouvernement. Nos six années d’expérience dans le développement de tels systèmes pour les institutions locales au Maroc nous ont permis d’établir un parallèle entre les observations et les recommandations fournies par différents auteurs sur le développement de programmes d’e-gouvernement au niveau national, et ce que nous avons constaté lorsque nous avons mis au point et déployé des systèmes ICT4D/e-gouvernement au niveau de la gouvernance locale. Il y a de fortes analogies entre les deux types de situations qui doivent être gérées et les mesures qui doivent être prises. (Voir chapitre V).

En pratique, les décideurs et les responsables des institutions gouvernementales, et les gestionnaires de projets ICT4D/e-gouvernement doivent examiner de nombreuses questions reliées et faire face à une grande variété de défis, pour lesquels ils pourraient parfois se sentir démunis et dépassés par les événements. Afin de les aider à prendre du recul, nous proposons dans cette annexe une vue détaillée de ce que nous considérons être les principaux éléments qui influencent la transformation de l’institution gouvernementale lorsqu’elle adopte et intègre de nouvelles politiques et pratiques d’affaires fondées sur les techniques ICT4D/e-gouvernement et les principes de bonne gouvernance.

En effet, l’institution évolue dans un contexte complexe lié à son environnement local organisationnel, économique, politique, culturel, social, technologique et juridique. Lorsque le contexte change, l’institution peut ne plus être en mesure d’y faire face de façon satisfaisante, en particulier si elle ne maîtrise pas les TIC et les pratiques d’affaire associées. C’est souvent le cas dans les PED/PMD, en particulier au niveau de la gouvernance locale. Par conséquent, l’institution doit relever le grand défi de subir une transformation à multiples facettes (sur les plans institutionnel, organisationnel, d’affaire, juridique, financier, technologique, culturel et humain) tout en adoptant et en intégrant les TIC et les pratiques d’e-gouvernement, ainsi que les principes de bonne gouvernance. Nous suggérons qu’il est essentiel de comprendre ces processus de transformation et de savoir comment les gérer avec soin. Cette connaissance constitue une clé importante pour les intervenants principaux, lorsqu’ils élaborent la vision qui va orienter la transformation de l’institution et vont faire face de manière proactive à tous les événements qui se produisent au cours de leur projet ICT4D/e-gouvernement. À cette fin, nous proposons l’ensemble suivant de tableaux dans lesquels nous présentons les principales questions à examiner de façon thématique et les principaux éléments qui sont impliqués dans la transformation de l’institution depuis la situation initiale jusqu’à la situation finale désirée, lors de la mise en œuvre d’un projet ICT4D/e-gouvernement. Les thèmes généraux que nous proposons sont les suivants :

• La gestion du contexte du projet ICT4D/e-gouvernement;

• La bonne gouvernance (BG) et leadership dans le domaine des projets ICT4D/e-gouvernement;

• La vision et le renforcement des capacités en ce qui concerne les projets ICT4D/e-gouvernement;

• La gouvernance et la gestion d’un projet ICT4D/e-gouvernement

• Assurer la durabilité de la transformation.

Tableau 1 : La gestion du contexte du projet ICT4D/e-gouvernement

Problèmes

Situation initiale

Processus de transformation

Situation cible

Contexte général (lié à l’environnement global)

Contextes politique, économique, social, culturel

À surveiller pour son impact possible sur la transformation.

Éléments susceptibles d’influencer l’institution.

Contexte légal

À surveiller (et adapter?).

Contexte légal favorable aux TIC.

Contexte technologique

Veille technologique.

Sélectionner les TIC et techniques d’e-gouvernement adaptées à l’institution.

le contexte de l’institution (lié à son environnement direct)

Leadership

E-champions à tous les niveaux Encourager les initiatives locales.

Une équipe dirigeante favorable au projet et participation de tous les niveaux de l’institution.

Politiques internes

Se méfier des forces politiques internes qui influencent le processus de transformation.

Assurer/conserver/encourager un contexte politique favorable à la transformation et à son développement durable.

Contexte institutionnel

Comment les lois et les règles influencent le processus de transformation (doivent-elles être adaptées?).

Lois et règles favorables à la situation cible du projet TIC/e-gouvernement.

Contexte financier

Obtenir un appui financier suffisant pour soutenir la transformation.

Un appui financier suffisant devrait être assuré pour financer la transformation.

Partenariats

Mobilisation de tous les partenariats nécessaires (des gouvernements, aide internationale au développement, soutien académique, soutien privé).

Créer et maintenir des partenariats pour soutenir la transformation.

Contexte de gestion

Identification des pratiques de gestion qui doivent être ajustées pour adapter l’institution à la transformation en cours et soutenir sa nouvelle forme envisagée.

Encourager la formation de structures adaptatives de gestion et de pratiques à l’appui de l’organisation en constante évolution.

Contexte organisationnel

Identification des flux de travail de gestion et des pratiques qui doivent être adaptés.

Encourager la formation de flux de gestion adaptatifs et de pratiques de soutien à la transformation et à l’évolution continue de l’organisation.

Contexte culturel (culture d’entreprise)

Attention à la culture de l’institution et aux besoins d’adaptation lors de l’adoption des approches TIC/e-gouvernement.

Des TIC modernes compatibles avec la culture de l’institution.

Tableau 2 : La bonne gouvernance (BG) et le leadership dans le domaine des projets ICT4D/e-gouvernement

Problèmes

Situation initiale

Processus de transformation

Situation cible

Principes de bonne gouvernance

Sensibilisation à la gouvernance et aux pratiques associées

Évaluation de la sensibilisation des gestionnaires et des politiciens en regard de la gouvernance et les aider à utiliser des principes appropriés de bonne gouvernance.

Consensus sur la manière de faire fonctionner l’institution sur la base des principes de BG.

Promotion des principes de bonne gouvernance (BG)

Certains décideurs de haut niveau (politiciens, cadres supérieurs) doivent adopter et promouvoir activement les principes de bonne gouvernance au sein de l’institution depuis le début du projet jusqu’à ce que ces principes soient fermement ancrés dans l’institution.

Une institution qui fonctionne suivant les principes de BG à tous les niveaux.

D’autres problèmes

Le lecteur peut compléter cette ligne.

 

Leadership

Qui dirigera le processus de transformation pour une mise en œuvre effective de bonne gouvernance?

Cette transformation profonde vers la BG et l’adoption des approches TICs/e-gouvernement doit être fortement soutenue par les décideurs de haut niveau et être transmise à tous les niveaux de l’organisation.

Soutien proactif et continu de la transformation en vue de l’adoption et de la mise en œuvre des principes de BG.

Tableau 3 : Vision et renforcement des capacités en lien avec les projets ICT4D/e-gouvernement

Problèmes

Situation initiale

Processus de transformation

Situation cible

Vision et volonté de changement

Vision de la transformation par la haute direction

Aider les décideurs de haut niveau à développer la vision de la situation cible, à impliquer les principaux acteurs concernés et permettre à cette vision d’évoluer au cours de la transformation.

Vision claire de la transformation et partagée par les gestionnaires et les politiciens.

Implication des principaux acteurs

Identification, sensibilisation et implication des principaux acteurs, et maintenir leur intérêt à l’égard de la vision et de la transformation.

Vision de la situation cible partagée par les principaux acteurs concernés.

Implication des autres employés

Développement d’un plan pour sensibiliser et impliquer les autres employés dans le processus de transformation.

Volonté de tous les acteurs concernés de changer, d’adopter et de soutenir le processus de transformation.

Sensibilisation et promotion

Tous les acteurs (les politiciens, les cadres supérieurs, les gestionnaires intermédiaires, les employés, les citoyens, les autres partenaires gouvernementaux, les partenaires commerciaux)

Evaluer le niveau de connaissances de chaque catégorie d’acteurs concernés et mise au point de plans de sensibilisation et de promotion.

Sensibilisation de toutes les catégories d’acteurs concernés de l’importance et des avantages de la transformation.

Formation générale

Tous les acteurs (les politiciens, les cadres supérieurs, les gestionnaires intermédiaires, les employés, les citoyens, les autres partenaires gouvernementaux, les partenaires commerciaux)

Évaluation des connaissances générales de chaque catégorie d’acteurs concernés en lien avec les TIC. Développement de plans de formation pour les aider à atteindre les niveaux appropriés afin de profiter des nouvelles technologies et des pratiques connexes.

Tous les acteurs ont des connaissances suffisantes pour adopter et tirer profit de la transformation.

Formation ciblée

Certains acteurs (cadres supérieurs, cadres intermédiaires, employés)

Évaluation des connaissances en TIC et des compétences de chacune des catégories d’acteurs. Élaboration de plans de formation pour les aider à atteindre les niveaux appropriés afin de mieux tirer parti des nouveaux systèmes TIC/e-gouvernement.

Ces acteurs ont les connaissances et les compétences nécessaires pour faire fonctionner l’institution en utilisant les nouveaux systèmes TIC/e-gouvernement et mettre en œuvre les pratiques et des flux de travail associés.

Tableau 4 : La gouvernance et la gestion d’un projet ICT4D/e-gouvernement

Problèmes

Situation initiale

Processus de transformation

Situation cible

Établir un fort leadership

Dans les PED/PMD, la grande majorité des institutions gouvernementales locales n’ont pas de ressources ou de connaissances de la gouvernance et de la gestion de projets ICT4D/e-gouvernement.
Par conséquent, ils ont besoin de l’appui de partenaires externes (partenaires internationaux, universitaires, entreprises) pour mettre en place des systèmes, modifier les flux de travail, les règles de gestion et les pratiques, pour évaluer les progrès accomplis et les risques, pour gérer le projet conformément au budget et aux échéanciers, etc.

Identifier les acteurs clés (e-champions) à tous les niveaux de l’institution. Identifier des conseillers compétents et expérimentés (externes) pour gérer le projet conjointement avec les e-champions clés de l’institution.

Une équipe de gestion forte et bien connectée à la direction de l’institution.

Partenariats

Identifier les partenariats critiques et nécessaires (tant à l’interne qu’à l’externe).

Partenariats efficaces et stratégiques avec les organismes d’aide au développement, les institutions universitaires, entreprises privées, etc.

Construire (les) l’équipe (s)

Créer une équipe avec des conseillers externes et des partenaires sélectionnés, impliquant les gestionnaires et les employés de l’institution.

Une équipe qui va efficacement et effectivement faire avancer le projet vers les objectifs de l’institution.

Méthodes

Sélectionner les méthodes requises par toutes les transformations (réingénierie des processus d’affaires, conception et développement de systèmes d’information, etc.).
Adapter ces méthodes au contexte de l’institution.

Un ensemble de méthodes à utiliser de façon simple et efficace par les membres de l’équipe de base, en pensant qu’elles vont ensuite être intégrées dans le futur fonctionnement de l’institution.

Plan directeur

Construire avec l’équipe de base et les principaux e-champions un Plan directeur pour orienter et planifier le projet.
Faire évoluer le contenu de ce plan directeur au besoin.

Un Plan Directeur complet et en évolution qui planifie le processus de transformation pour la réalisation de la vision et des principes de BG en tenant compte des ressources disponibles.

Identification des ressources

Identifier les ressources disponibles (financières, matérielles, humaines) et chercher tous les moyens nécessaires pour supporter le plan directeur.

Mobilisation des ressources afin de soutenir adéquatement la transformation de l’institution.

Adaptation du développement et déploiement des applications basées sur les TIC

Dans les PED/PMD, la grande majorité des institutions gouvernementales locales n’ont pas de ressources ou de connaissances de la gouvernance et de la gestion de projets ICT4D/e-gouvernement.
Par conséquent, ils ont besoin de l’appui de partenaires externes (partenaires internationaux, universitaires, entreprises) pour mettre en place des systèmes, modifier les flux de travail, les règles de gestion et les pratiques, pour évaluer les progrès accomplis et les risques, pour gérer le projet conformément au budget et aux échéanciers, etc.

Basé sur le plan directeur, sur la méthode de conception et de développement et aur les architectures proposées (données et informations architecture d’applications, architecture technologique). Ceci est le processus global qui oriente le déploiement de l’infrastructure matérielle et le développement et le déploiement des applications (logiciels).

Une infrastructure matérielle fonctionnelle et fiable et des applications logicielles pour supporter les TIC/e-gouvernement adaptées au contexte de l’institution et mettant en œuvre la vision de la nouvelle solution.

Gestion des acteurs

L’équipe de projet doit prendre soin de chaque catégorie d’acteurs pour s’assurer que toutes les personnes clés sont impliquées et supportent en permanence le processus de transformation.

C’est une tâche critique de gestion qui a besoin de temps et de ressources suffisantes (plans de communication, facilitation, formation, accompagnement, etc.).

Formation des acteurs

En regard du processus de transformation, les acteurs (gestionnaires, cadres moyens, employés) doivent être formés adéquatement.

Cela résulte en la création de programmes de formation adaptés à chaque catégorie d’acteurs. Ne pas sous-estimer la nécessité de trouver des « ressources de formation » (« formateurs ») aussi bien à l’extérieur de l’institution (conseillers, facilitateurs) qu’à l’intérieur (les cadres intermédiaires et les employés ayant les compétences appropriées pour devenir des formateurs).

Finance et contrôle de budget

Élaborer et garder à jour un plan budgétaire raisonnable qui reflète la capacité de l’institution à financer la transformation. Les gestionnaires de L’institution doivent être sensibilisés au fait que les solutions TIC/e-gouvernement ont besoin de budgets et de ressources qu’ils n’ont pas l’habitude de gérer. Surveiller les dépenses (contrôle budgétaire) et adapter le budget aux besoins et aux moyens financiers de manière proactive.

Il s’agit d’une tâche critique. Lorsqu’un organisme d’aide au développement international fournit des fonds, ce budget est obligatoire. L’institution doit poursuivre avec un tel contrôle budgétaire lorsque l’aide internationale est terminée.

Gestion des risques

Dans les PED/PMD, la grande majorité des institutions gouvernementales locales n’ont pas de ressources ou de connaissances de la gouvernance et de la gestion de projets ICT4D/e-gouvernement.
Par conséquent, ils ont besoin de l’appui de partenaires externes (partenaires internationaux, universitaires, entreprises) pour mettre en place des systèmes, modifier les flux de travail, les règles de gestion et les pratiques, pour évaluer les progrès accomplis et les risques, pour gérer le projet conformément au budget et aux échéanciers, etc.

Un projet de transformation est essentiel pour l’institution et toutes sortes de risques doivent être gérés par l’équipe de projet pendant toute la durée du processus de transformation (et au-delà!).

Un plan de gestion de risques efficace et évolutif qui est utilisé pour faire le suivi du processus de transformation en lien avec le Plan directeur.

Plan de communication

La communication avec tous les acteurs est essentielle pour maintenir leur intérêt et leur implication pendant toute la durée du processus de transformation.

Un ensemble de plans de communication adaptés aux différentes catégories d’acteurs et adaptés à l’évolution du contexte de l’institution.

Problèmes de passage à l’échelle

La phase de passage à l’échelle vise à adapter et à généraliser à l’ensemble de l’institution la solution qui a été élaborée au cours de la phase pilote. Tous les éléments mentionnés ci-dessus doivent être revus dans cette perspective de généralisation. Acquérir des ressources adéquates (financières, humaines, etc.) est de la plus haute importance.

Réviser tous les plans, les architectures, les méthodes, les processus, les solutions matérielles et logicielles. La formation, le coaching et les activités de facilitation ainsi que les ressources associées doivent être considérés avec soin.
Les échéanciers doivent également être révisés. Se rappeler de garder et d’étendre un appui suffisant de l’institution au processus de transformation (e-champions).

Évaluation de situation et contrôle de progression

La situation de l’institution doit être évaluée avant, pendant et après le processus de transformation afin de s’assurer que la transformation est effectuée en temps opportun et de façon adéquate pour parvenir aux objectifs de l’institution (vision, principes de bonne gouvernance, etc.).

Un plan d’évaluation de situation et un plan de suivi des progrès.
Des mécanismes de rapportage adéquats doivent être créés pour permettre à l’équipe de projet et aux gestionnaires de l’institution d’intervenir au cours du processus de transformation, en cas de besoin.

Gestion de changement

Le succès du processus de transformation résulte de l’utilisation d’une méthode appropriée de gestion de changement.

Une méthode de gestion de changement qui est adaptée au contexte et aux ressources de l’institution.

Tableau 5 : Assurer la durabilité de la transformation

Problèmes

Situation initiale

Processus de transformation

Situation cible

Une vision orientée vers la durabilité

L’institution a fait l’objet d’une transformation importante avec l’appui de divers partenaires. Le danger apparaît lorsque le support de l’aide internationale au développement s’estompe et lorsque les conseillers externes ne peuvent plus intervenir.

L’équipe de projet (qui est souvent étendue au cours de la phase de passage à l’échelle) et les décideurs de haut niveau doivent élaborer une vision, un plan directeur et des plans connexes (en particulier sur les plans financier, de gestion, de mobilisation des ressources humaines et de la formation) afin de s’assurer que la « transition vers l’autonomie » sera effectuée sans heurts.

Une vision de la façon de permettre à l’institution de devenir autonome pour maintenir la nouvelle situation résultant du processus de transformation. Comprendre que dans une institution moderne et adaptive, l’organisation subit un changement continu qui doit être régulièrement et convenablement géré.

Durabilité et support politique

Un solide appui politique est toujours nécessaire lorsque l’aide internationale au développement quitte la scène.

Puisque la transformation ne va généralement pas être achevée à la fin planifiée du projet, l’équipe de direction devra obtenir un soutien politique pour la continuité du processus de transformation de l’institution.

Appui politique pour la continuité du processus de transformation de l’institution.

Durabilité et support financier

Un soutien financier adéquat est nécessaire.

Les gestionnaires et les politiciens devraient être conscients qu’ils ont besoin de prendre des mesures pour que des budgets soient garantis et maintenus quand les fonds internationaux de développement s’estompent.

Des plans financiers et des budgets prenant en compte les nouvelles exigences financières de l’institution. Des actions efficaces pour sécuriser les budgets requis.

Une nouvelle structure pour gérer le processus de transformation

L’équipe de projet qui a guidé le projet jusqu’à son achèvement et qui déjà a subi des changements lors du passage à l’échelle.

Il faut prendre des mesures afin de permettre à l’équipe de projet (généralement au cours de la phase de passage à l’échelle) d’être transformée en une équipe autonome, considérant la diminution de la présence des conseillers externes.

L’équipe de projet devient une ‘équipe de gestion de la transformation’ (EGT) composée uniquement d’employés et de gestionnaires de l’institution. Les membres institutionnels de l’équipe de projet prennent généralement la tête de l’EGT qui est augmentée avec d’autres personnels motivés et capables.

Plans pour la durabilité

Divers plans (directeur, financier, de gestion, de ressources humaines, de formation, etc.) à élaborer pour le processus de transformation.

En fonction de la vision pour la durabilité, l’EGT et les gestionnaires de haut niveau doivent élaborer un Plan directeur et des plans connexes (notamment sur les plans financier, de gestion, de mobilisation des ressources humaines et de formation) afin de s’assurer que la ‘transition vers l’autonomie’ sera effectuée sans heurts.

Définir des plans de planification et de gestion pour la durabilité de la transformation.

Durabilité des e-champions

Les e-champions actuels.

L’EGT doit s’assurer que les e-champions vont rester mobilisés jusqu’à ce que la transformation soit complète et totalement intégrée à l’institution.

Se méfier du fait que les e-champions peuvent changer au cours de tout le processus de transformation.

Durabilité de l’infrastructure de TIC

Infrastructure TIC actuelle déployée pour soutenir la solution TIC/e-gouvernement.

Planifier et faire en sorte que l’infrastructure des TIC soit mise à jour correctement après l’achèvement officiel du projet (Sensibiliser et obtenir le soutien des hauts dirigeants à cette fin).

Budgets et ressources humaines suffisantes pour mettre à jour en permanence et appuyer l’infrastructure des TIC.

Durabilité des nouvelles pratiques d’affaire

Un grand nombre de gestionnaires et d’employés ont adopté de nouvelles pratiques d’affaires, tandis que les autres ne l’ont pas fait.

L’EGT motive les gestionnaires de l’institution à prendre des mesures afin que les nouvelles pratiques d’affaires soient appliquées dans l’organisation après l’achèvement du projet.

Les nouvelles pratiques d’affaires devraient être systématisées et soutenues dans l’ensemble de l’organisation.

Durabilité des applications TIC/e-gouvernement

Les applications TIC/e-gouvernement sont maintenant utilisées dans une partie significative de l’organisation.

Planifier et prendre des mesures afin que les applications TIC/e-gouvernement soient mises à jour et prises en charge adéquatement après l’achèvement officiel du projet (Sensibiliser et obtenir le soutien des hauts dirigeants à cette fin.).

Budgets, et actions concrètes de la part de la haute direction de l’institution.

Durabilité des ressources humaines pour le fonctionnement et l’évolution des solutions techniques

Les ressources pour le développement (budget, concepteurs experts et développeurs) disparaîtront à l’achèvement du projet.

Planifier des ressources humaines et financières d’appui permanent pour ces applications.

Suffisamment de ressources humaines expérimentées pour maintenir, développer et soutenir les applications TIC et e-gouvernement (généralement grâce à la sous-traitance à une entreprise privée).

Durabilité des ressources humaines capables d’utiliser les TICs pour mettre en place des solutions et les pratiques d’affaire associées

Une partie importante des gestionnaires et des employés de l’institution sont formés et utilisent les nouveaux flux de travail, les nouvelles pratiques d’affaire et les solutions TIC/e-gouvernement.
D’autres gestionnaires et employés ne sont pas encore formés.

Obtenir les budgets, les ressources humaines (formateurs) et du temps pour former le personnel à utiliser les nouvelles solutions. Planifier également du temps, des budgets et des ressources humaines pour accompagner (ou ‘coacher’) les gestionnaires et les employés au cours de leurs premières expériences avec les nouvelles solutions.

Des budgets, des échéanciers, l’attribution de temps et de ressources humaines adéquats pour poursuivre la formation et le coaching du personnel qui utilise les nouvelles solutions (au niveau entreprise, matériel, logiciel).

La continuité de l’évaluation de la situation et le contrôle de la progression

Un plan d’évaluation de la situation et un plan de suivi.
Des mécanismes de rapportage adéquats au cours du processus de transformation.

Les cadres supérieurs doivent être sensibilisés à l’importance de ces mécanismes de surveillance et d’établissement de rapports.
Des actions appropriées doivent être engagées pour les adapter à l’étape suivante de transformation.

Les plans et les mécanismes associés de gestion et de rapportage doivent être adaptés, en tenant compte de l’absence des conseillers externes et des pressions des organismes internationaux d’aide au développement.

Ces tableaux représentent notre synthèse des principales questions qui doivent être prises en compte pour faire d’un projet ICT 4D/e-gouvernement un succès. Nous ne prétendons pas que ces éléments soient exhaustifs, mais nous pensons qu’ils sont un bon point de départ et une bonne référence pour les gestionnaires de ces projets dans les PED/PMD.

Index

accompagnement/coaching (voir aussi ECE, EDE, EAT): 171, 214, 222, 259, 263, 273, 335, 339

Administrateur de Sécurité de l’Information: 304

ajustements continuels: 93, 116, 200, 242, 253, 264, 271, 289, 325

analyse des retombées (Méthode eFez): 14, 17-20, 25, 107, 242-246, 279-281

analyse d’affaires (Business analysis): 144

analyse d’utilisabilité: 242

analyse des besoins: 199, 241

approche bottom-up: 134, 138, 145

approche centralisée: 134, 137

approche centre de données: 266-268

approche consensuelle: 163

approche décentralisée: 105, 134

approche eFez: 30, 233-246, 276

approche expérimentale: 168-169, 174, 181, 184, 193-197, 200-202, 245, 250, 271

approche évolutionnaire (progressive): 188, 215, 224, 227, 278

approche participative: 27, 28, 72, 76, 99, 116, 246, 260, 271

approche orientée-retombées: 95

approche top-down: 62, 131, 134-138

appropriation: 18, 22, 86-87, 145, 161, 225, 257, 258, 267, 231

architecture client/serveur: 293

architecture conceptuelle: 199

architecture de sécurité: 301

architecture eFez: 262-263, 272-273

architecture multi-tier: 295-296

architecture de services web: 298

architecture (Services/Système/Application): 293, 297-298, 301

attestations administratives: 262, 279

attributs bonne gouvernance (UNDP): 57, 98

attributs de qualité de système :

Authentification (voir aussi certification): 64, 252, 285, 299-301

autonomie (voir aussi PTA): 106, 221, 275, 277, 281, 337-338

back office: 2, 14, 21, 35, 43, 60, 75, 104, 119, 249, 251-253, 286

barrière de la connaissance: 131

base de données (conception de): 20, 40, 250-253, 263, 279, 287, 291

BEC (Bureau d’état civil): 6, 10, 17-20, 110

BEC (automatisation): 17, 19-21, 118, 164, 249, 262

BEC pilote: 113, 116, 248, 274, 281

bonne gouvernance (definition, principes): 3-5, 14-15, 24, 57, 61, 71, 91, 98-102, 127, 170, 176, 180, 185, 189, 209, 235, 259, 282, 326, 329, 332

bonne gouvernance (attributs): 99-100, 106, 110-111, 172

bonne gouvernance (mesures): 103

C2G (Citizen to Government): 68

carte de route: 16, 24, 176, 179-183, 186, 198, 232

carte de route eFez: 122, 233-234, 243, 246, 260, 284

carte de route générique: 183, 186, 239, 259, 265

centre de données: 268-275, 279, 306-309

CERCL (Centre de renforcement des capacités locales: 268-271, 277, 279, 280

certification (numérique) (voir aussi authentification): 79, 302, 305

champions: 138, 160-163, 172, 179, 184-186, 193-195, 198-202, 215, 222, 226, 246, 259

cloud computing: 305-306

Comité Directeur du Projet de Transformation: 201, 211, 220, 224

communication (processus de): 190, 213

compréhension situationnelle (‘situational awareness’): 194

conditions défavorables: 163-164, 269

conditions favorables: 30, 104, 158, 162-164, 174, 179, 183, 185, 192, 196-198, 204, 209, 215, 218, 223, 236, 239-242, 259-260, 265, 269, 325

confiance (mise en): 96, 122, 171, 249, 319-320

consensus: 99, 100, 240, 266, 232

courtier de service (‘service broker’): 297, 299

contrôles administratifs: 300, 303

contrôle d’accès: 285, 299-301, 309, 311

contrôle de sécurité: 300

cryptographie: 301-302

couverture médiatique: 256

désengagement: 224, 276

développement itératif (processus): 114, 199, 252, 254

dissemination/promotion: 36, 102, 144, 148, 332-333

durabilité: 15, 38, 135, 139, 175, 180, 220, 225, 330, 337-339

échec (projets en): 3, 43, 62, 76-77, 87, 91-93, 116, 126-132, 147, 150-152, 168, 185, 192, 200, 210, 215, 224, 276, 287, 319

efficacité/efficience: 10, 29, 59-61, 72, 75, 79, 96-98, 105-106, 119-120, 142, 235, 285, 292

efficacité/efficience (attribut bonne gouvernance): 101, 108-110

e-appropriateness/e-awareness: 17, 21

e-champions: 239-240, 245, 247, 259, 331, 334, 336, 338

e-gouvernance (definition): 59-63, 79, 127

e-gouvernance (maturité, réussite): 62, 67, 71-73, 78,