Développement du Secteur Privé et des Entreprises
FAVORISER LA CROISSANCE AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD
Professeur Invitée, Chargée de Recherche au Centre de recherches pour le développement international du Caire, Égypte
© Centre de recherches pour le développement International
International Development Research Centre (IDRC) – 2010
PO Box 8500
Ottawa, ON, K1G 3H9
Canada www.idrc.ca / info@idrc.ca
ISBN 978 1 55250 474 1 (IDRC e-book)
Illustration de la couverture :
© Elena Moiseeva – Fotolia.com
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© Editions ESKA 2013
pour l’édition en langue française
ISBN 978-2-7472-1813-9
Editions ESKA, 12, rue du Quatre Septembre – 75002 Paris
Tél . : 01 42 86 55 65 – Fax : 01 42 60 45 35
Liste des figures |
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Liste des tableaux |
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Liste des abréviations |
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Le Centre de recherches pour le développement international |
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L’auteur |
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Remerciements |
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Préface |
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PARTIE 1 : CONTEXTE, DÉFIS ET PRIORITÉS |
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1. Développement du secteur privé : contexte et cadre |
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2. Introduction au contexte des 12 pays MENA |
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3. Les défis de la croissance économique |
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4. Le défi des PME et de l’entreprenariat |
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5. Les pays de la région MENA, l’économie de marché et l’environnement du développement du secteur privé |
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6. Questions de politiques, de recherche et de potentiel |
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7. L’entrepreneuriat : une plate-forme pour la croissance future du secteur privé |
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PARTIE II : PROFILS DES 12 PAYS DU MENA |
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8. Profils des environnements les plus dynamiques pour le développement du secteur privé |
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9. Profils des environnements les moins dynamiques pour le développement du secteur privé |
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Épilogue |
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Références |
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Index |
ACAA |
Accord sur l’évaluation de conformité et l’acceptation des produits industriels |
ACDI |
Agence canadienne de développement international |
AFEM |
Association des femmes chef d’entreprises du Maroc |
AFJE |
Programme d’accès au financement des jeunes entrepreneurs |
AG |
Algérie |
ANAPEC |
Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences |
ANDPME |
Agence nationale de développement de la Petite et Moyenne Entreprise |
ANETI |
Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant |
ANPME |
Agence nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise |
ANSEJ |
Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes |
ANVREDET |
Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et du développement technologique |
ANGEM |
Agence nationale de gestion du micro-crédit |
APD |
Aide publique au développement |
APEC |
Coopération économique Asie-Pacifique |
BAfD |
Banque africaine de développement |
BAsD |
Banque asiatique de développement |
BEI |
Banque européenne d’investissement |
BDSSP |
Projet de soutien aux services d’appui aux entreprises |
BERD |
Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement |
BFPME |
Banque de financement des petites et moyennes entreprises |
BID |
Banque interaméricaine de développement |
CARE |
Club d’Action et de Réflexion |
CAWTAR |
Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche |
CCG |
Caisse centrale de Garantie |
CCG |
Conseil de Coopération du Golfe |
CCPME |
Conseil canadien des PME et de l’entrepreneuriat |
CEA |
Commission économique pour l’Afrique |
CEEE |
Centre égyptien d’études économiques |
CEE-ONU |
Commission économique des Nations Unies pour l’Europe |
CGC |
Caisse de garantie de crédit |
CDEP |
Centre pour le Développement des entreprises privées |
CGCI |
Caisse de garantie des crédits d’investissements |
CGEM |
Confédération générale des entreprises du Maroc |
Centre international pour l’entreprise privée |
|
CJ&G |
Cisjordanie et Gaza |
CNC PME |
Conseil national consultatif pour la Promotion des petites et moyennes entreprises |
CRDI |
Centre de recherches pour le développement international |
CREAD |
Centre de Recherche en économie appliquée pour le développement |
CRI |
Centre régional d’investissement |
CSFA |
Conseil Suprême des Forces Armées |
DfID |
Département du développement international |
DPPR |
Plan de développement pour la réduction de la pauvreté |
DOS |
Département de la statistique |
DSP |
Développement du secteur privé |
DSRP |
Documents de stratégie de réduction de la pauvreté |
EBWA |
Association égyptienne des femmes d’affaires |
EFCs |
Conditions-cadres entrepreneuriales |
EFTP |
Enseignement et formation techniques et professionnels |
EG |
Égypte |
EiR |
Entrepreneur-à-résidence |
ELMPS |
Enquête par panel sur le marché du travail égyptien |
ERfKE |
Réforme de l’enseignement pour l’économie du savoir |
ERRADA |
Initiative égyptienne de réforme de la réglementation |
FADES |
Fonds arabe de développement économique et social |
FCCP |
Fonds de Croissance de capital de la Palestine |
FCE |
Forum des chefs d’entreprises |
FDEG |
Fonds de Développement des entreprises de la bande de Gaza |
FEM |
Forum économique mondial |
FEMISE |
Forum Euro-méditerranéen des Instituts de sciences économiques |
FGAR |
Fonds de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises |
FIP |
Fonds d’investissement palestinien |
FMI |
Fonds monétaire international |
FRE |
Forum de recherche économique |
FSD |
Fonds social de développement |
FSF |
Fondation suédoise pour la recherche des petites entreprises |
GAFI |
Autorité générale pour l’investissement |
GEM |
Global Entrepreneurship Monitor |
GEP |
Programme d’entrepreneuriat mondial |
GGGI |
Indice mondial de l’écart entre les sexes |
GONU |
Gouvernement d’unité nationale |
GOSS |
Gouvernement du Soudan-Sud |
GTZ |
Coopération technique allemande |
GZALE |
Grande zone arabe de libre-échange |
HCST |
Conseil supérieur de la science et de la technologie |
Institut supérieur d’administration des affaires |
|
HR |
Haut revenu |
IBIZ |
Réseau international des instituts pour conseillers des petites entreprises |
ICSB |
Conseil international pour la petite entreprise |
IDE |
Investissement direct étranger |
IDH |
Indice de développement humain |
IDM |
Indicateurs de développement dans le monde |
IFC |
Société financière internationale |
IJI |
Initiative des Jeunes Irakiens |
IMC |
Centre de modernisation industrielle |
IMF |
Institution de microfinance |
IML |
Investissement en microfinance au Liban |
ITB |
Indice de transformation Bertelsmann |
IK |
Irak |
IZDIHAR |
Croissance du secteur privé Irakien et génération d’emplois |
JCPPR |
Centre de Jordanie pour les politiques publiques de recherche et de dialogue |
JEDCO |
Société de développement des entreprises jordaniennes |
JFBPW |
Forum jordanien des femmes d’affaires et des femmes cadres |
JLGC |
Société jordanienne de garantie de prêts |
JNCT |
Équipe jordanienne de compétitivité nationale |
JO |
Jordanie |
JUMP |
Programme d’amélioration et de modernisation de Jordanie |
KAB |
Know About Business/ Connaître les affaires |
KAGDIR |
Associations des femmes entrepreneurs de Turquie |
KOSGEB |
Organisation de développement des petites et moyennes entreprises de Turquie |
LI |
Liban |
LMI |
Revenu intermédiaire de la tranche inférieure |
LUMI |
Revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure |
MA |
Maroc |
MAS |
Institut de recherche des politiques économiques palestiniennes |
MAWRED |
Modernisation et activation du rôle des femmes dans le développement économique |
MBA |
Maîtrise en administration des affaires |
MCSBE |
Conseil du Moyen-Orient pour les petites entreprises et l’entrepreneuriat |
MDTF |
Fonds fiduciaire des multi-bailleurs/Multi-Donor Trust Fund |
MEDA |
Moyen-Orient et Afrique en développement |
MENA |
Moyen-Orient et Afrique du Nord |
MES |
Ministère de l’Enseignement supérieur |
MCI |
Ministère du Commerce et de l’Industrie |
Ministère de l’Industrie et du Commerce |
|
MICNT |
Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies |
MIE-PME |
Ministère de l’Industrie, de l’Énergie et des Petites et Moyennes Entreprises |
MIM |
Ministère de l’Industrie et des Minerais |
MEC |
Ministère de l’Économie et du Commerce |
METFP |
Ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle |
MPCI |
Ministère de la Planification et de la Coopération internationale |
MPE |
Micro et petites entreprises |
MPME |
Micro, petites et moyennes entreprises |
MPMEA |
Ministère de la petite et moyenne entreprise et de l’Artisanat |
NAFES |
Fonds national de soutien aux entreprises |
OCDE |
Organisation de Coopération et de Développement économiques |
OFPPT |
Office de la Formation professionnelle et de la promotion du travail |
OIT |
Organisation internationale du travail |
OMC |
Organisation mondiale du commerce |
ONG |
Organisation non gouvernementale |
ONU |
Organisation des Nations Unies |
ONUDI |
Organisation des Nations Unies pour le développement industriel |
ONUESC |
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture |
OPIC |
Société d’investissement privée d’outre-mer |
OSC |
Organisation de la société civile |
PCBS |
Bureau central des statistiques palestinien |
PIB |
Produit intérieur brut |
PIN |
Programme Indicatif National |
PME |
Petites et moyennes entreprises |
PNUD |
Programme des Nations Unies pour le développement |
PPA |
Parité du pouvoir d’achat |
PPM |
Pays partenaires méditerranéens |
PPP |
Partenariat public/privé |
PRDP |
Plan palestinien de réforme et de développement |
PSUT |
Université de technologie Princesse Sumaya |
QRCE |
Centre de la Reine Rania pour l’entrepreneuriat |
R-D |
Recherche-Développement |
RADH |
Rapport arabe sur le développement humain |
RNB |
Revenu national brut |
RWEL |
Rôle des femmes dans la vie économique |
S et T |
Science et technologie |
Centre de développement des petites entreprises |
|
SD |
Soudan |
SDE |
Service de développement aux entreprises |
SEBC |
Centre syrien d’entreprise et d’affaires |
SEVE |
Association des femmes algériennes chefs d’entreprises |
SICAR |
Société d’investissement à capital risque |
SMEPol |
Politique des petites, moyennes et micro entreprises |
SMEPS |
Service de promotion de la petite et de la micro entreprise |
SPC |
Commission nationale de planification |
STD |
Fiducie pour le développement de la Syrie |
SY |
Syrie |
SYEA |
Association des jeunes entrepreneurs de Syrie |
TAE |
Activité entrepreneuriale totale |
TERKMER |
Centre de développement technologique |
TFER |
Groupe de travail pour les réformes économiques et le renforcement des capacités du secteur privé |
TIC |
Technologie de l’information et de la communication |
TN |
Tunisie |
TR |
Turquie |
UE |
Union européenne |
UNPME |
Union nationale des petites et moyennes entreprises |
US |
Etats-Unis |
USAID |
Agence des Etats-Unis pour le développement international |
WEEA |
Association pour l’autonomisation économique des femmes |
WFB |
World Factbook |
YE |
Yémen |
YEA |
Association des jeunes entrepreneurs |
YED |
Développement d’entrepreneuriat des jeunes |
ZIQ |
Zone industrielle qualifiée |
ZLE |
Zone de libre-échange |
Pour parvenir à l’autonomie, les communautés pauvres doivent répondre aux questions suivantes. Comment produire en plus grande quantité une alimentation plus saine ? Comment protéger notre santé ? Comment créer des emplois ? Le Centre de recherches pour le développement international du Canada (CRDI) soutient la recherche qui, dans les pays en développement, tente d’apporter des réponses à ces questions. Le CRDI encourage à partager ce savoir avec les décideurs politiques, les autres chercheurs et communautés de la planète. Le résultat est qu’à l’échelon local sont trouvées des solutions innovantes et durables qui offrent des possibilités de choix et de changement à ceux qui en ont le plus besoin.
Lois Stevenson, une des meilleures spécialistes du rôle de l’entrepreneuriat et des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) en matière de politique du développement des pouvoirs publics, est chercheuse associée au CRDI et vit en Égypte depuis 2006. Elle a rejoint le CRDI pour coordonner le projet de développement de la politique des petites et moyennes entreprises, un partenariat entre l’ACDI, le CRDI et le gouvernement égyptien, et pour effectuer une évaluation des capacités d’action des pouvoirs publics, et du potentiel de la recherche et du cadre institutionnel pour le développement du secteur privé et des PME dans 12 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). Elle a organisé un certain nombre de consultations sur les besoins de la politique du secteur privé de ces pays, conduit un projet pour effectuer des études GEM dans sept des pays de la région et participé à la Stratégie nationale de développement des micro et petites entreprises pour le fonds social égyptien pour le développement.
Avant d’intégrer le CRDI, Lois a travaillé plusieurs années au gouvernement canadien où elle a occupé des postes de direction ayant trait à l’orientation de la politique économique, à l’innovation, aux petites entreprises et au développement de l’entrepreneuriat. Elle a également été dix ans professeur d’université, se consacrant à l’enseignement et à la recherche dans les domaines de l’entrepreneuriat et de la gestion d’entreprise. Elle a également écrit ou coécrit 12 ouvrages sur des questions liées à l’entrepreneuriat, et de plus de 45 articles ou communications dans des revues scientifiques de référence et elle a également établi les actes de conférences, dont plusieurs sur les femmes chefs d’entreprise, sur les jeunes entrepreneurs et sur les orientations de l’activité entrepreneuriale.
Elle a été consultante auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) pour l’élaboration d’indicateurs de référence pour la politique d’éducation à l’entrepreneuriat, elle a effectué des évaluations pour l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les actions entreprises pour les femmes par les gouvernements des pays d’Afrique de l’Est et elle a procédé à une analyse scientifique de l’élaboration des politiques et des pratiques de soutien à l’entrepreneuriat dans 15 pays, dont la Chine, en tant que chercheuse associée à la Fondation suédoise pour la recherche pour les petites entreprises. Lois est ancienne présidente du Conseil international de la petite entreprise, ancienne présidente du Conseil canadien des PME et de l’entrepreneuriat et membre fondatrice du Conseil des PME et de l’entrepreneuriat pour le Moyen-Orient. Elle est titulaire de trois diplômes de l’université Dalhousie du Canada et de l’université de Bath au Royaume-Uni.
Plusieurs personnes méritent d’être remerciées pour leurs contributions à ce livre. Je voudrais avant tout exprimer ma gratitude au Dr Eglal Rached, directeur régional du CRDI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, au Dr Rohinton Medhora, vice-président des programmes, CRDI d’Ottawa, pour son soutien à ce travail, et au Dr Brent Herbert-Copley, ancien directeur de la politique économique et sociale, CRDI d’Ottawa, pour ses encouragements à cette initiative. En second lieu, je remercie tout particulièrement Tamer El-Meehy, Entrust : Conseils en Gestion et Développement, qui a participé à des missions d’information en Algérie, en Jordanie, au Maroc, en Syrie et au Yémen et a rédigé les rapports préliminaires sur ces pays, et je remercie également Sahar Zaki qui a aidé à la première analyse de l’évolution du secteur privé et des petites et moyennes entreprises en Irak, au Liban, au Soudan, en Tunisie, en Turquie et en Cisjordanie et Gaza et a rédigé les profils de chaque pays.
Le Dr Herbert-Copley et Susan Joekes, en charge du programme « Mondialisation, Croissance et Pauvreté » au bureau du CRDI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ont fourni des commentaires et des conseils sur l’évolution de cette recherche et sur la structure et le contenu du manuscrit. Les suggestions de Susan lorsque ce livre était à l’état d’ébauche ont été particulièrement précieuses et je lui suis très reconnaissante de m’avoir fait profiter de ses analyses. Bill Carman, conseiller principal en communication au CRDI, mérite d’être félicité pour le rôle très important qu’il a joué en facilitant les discussions avec Edward Elgar au sujet de l’organisation de la coédition.
Je serais coupable de négligence si je ne reconnaissais pas la valeur des commentaires et des suggestions que m’ont livrés en toute franchise les personnes concernées par le projet qui ont été consultées au cours des missions d’information, ainsi que de leurs remarques au cours des ateliers régionaux organisés par le CRDI en 2007 et 2008 sur la validité de l’analyse diagnostique préliminaire des défis économiques et sociaux auxquels sont confrontés les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Je voudrais enfin remercier les membres de l’équipe éditoriale d’Edward Elgar pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve au cours de la phase préparatoire à la publication du manuscrit. Il est également important d’offrir une appréciation à l’Édition ESKA pour entreprendre une traduction du manuscrit original en français et en acceptant de co-publier une édition française avec le CRDI.
Il y a déjà eu de nombreux écrits sur les défis politiques, économiques et sociaux auxquels sont confrontés les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) (voir Noland et Pack 2007 ; Banque mondiale 2007b ; BAfD et OCDE 2008 ; Muasher 2008 ; Richards et Waterbury 2008 ; FMI 2009b). Ces travaux portent sur la situation des pays de la région sous différentes combinaisons selon les regroupements, perspectives et intérêts géopolitiques choisis par les auteurs.
Ce livre se concentre sur le contexte du développement du secteur privé, ceci incluant les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME1), sur les défis liés au développement de ce secteur et sur les actions à entreprendre sur la capacité des institutions et de la recherche, ainsi que les réponses et les besoins des 12 pays MENA, à savoir : l’Algérie (AG), l’Égypte (EG), l’Irak (IK), la Jordanie (JO), le Liban (LI), le Maroc (MA), le Soudan (SD), la Syrie (SY), la Tunisie (TN), la Turquie (TR), la Cisjordanie et Gaza (CJ&G) et le Yémen (YE). La raison de cette sélection est que ces pays se situent tous dans l’espace géographique couvert par le bureau régional du CRDI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Les résultats publiés dans ce livre sont basés sur une étude de cadrage conduite par le CRDI de 2007 à 2008. Suivant l’intérêt croissant du CRDI pour la question du développement du secteur privé (DSP) depuis quelques années et conscient du nombre grandissant d’études sur les stratégies de développement du secteur privé au service de la croissance économique dans les pays en développement, ce livre présente un diagnostic des défis que pose aux 12 pays de la région concernant le développement du secteur privé, propose des cadres conceptuels pour le développement du secteur privé, des PME et de l’entrepreneuriat, et met en lumière les expériences et conceptions de chacun de ces pays pour stimuler la croissance du secteur privé.
L’intérêt du CRDI au développement du secteur privé remonte à l’automne 2004 avec la constitution d’un groupe de travail ad hoc qui avait pour mission d’étudier la question du développement du secteur privé comme thème de recherche et d’identifier des créneaux potentiels pour mettre en place un programme du CRDI. Le groupe de travail a commandé trois études de cadrage : un examen approfondi de la recherche et des activités liées au développement du secteur privé effectuées par les autres donateurs (CRDI 2004), un inventaire des projets qui sont dans les projets du CRDI et qui ont trait au développement du secteur privé (CRDI 2006) et une analyse conceptuelle des configurations du développement du secteur privé et des thèmes de recherche afférents (White 2008).
A l’issu de ces études, il a été découvert qu’un certain nombre de projets et de programmes de recherche du CRDI dans diverses parties du monde pouvaient s’intégrer dans le cadre du soutien au développement du secteur privé. L’une de ces initiatives était un projet concernant les politiques fondées sur les faits pour le développement des PME en Égypte. Ce projet de développement de la politique des PME (SMEPol), un partenariat entre le CRDI, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et le gouvernement égyptien, a été implémenté de 2000 à 2008. Des évaluations indépendantes ont conclu que les résultats de ce projet étaient très positifs que ce soit en terme de promotion des capacités de recherche et d’action au sein du gouvernement, d’influence du processus de développement de la politique des PME et du renforcement des consultations et de l’implication des différentes parties prenantes (Lynch 2003 ; ODI 2006). La mise en œuvre de ce projet a non seulement fourni des enseignements en politiques de développement, mais elle a aussi permis de mettre au point et de parfaire des instruments d’action, des processus et des méthodes d’implication des parties prenantes.
Pour poursuivre l’objectif du CRDI qui était de faire connaître les méthodes reconnues dans la mise au point des politiques fondées sur les faits et des processus de consultation des parties prenantes et dans la construction d’une capacité de recherche et d’action, le bureau régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du CRDI décida d’explorer les possibilités d’une initiative régionale impliquant d’autres pays de la région qui pourrait mettre à profit les instruments, les méthodes et les enseignements liés à la réussite du projet de développement de la politique des PME en Égypte. De ce fait, une étude exploratoire d’ensemble, comprenant un examen des grandes questions de développement du secteur privé fut lancée pour de bon en 2007.
Le principal objectif de cette étude exploratoire était d’examiner le potentiel de valeur ajoutée que représentait le soutien aux politiques et à la recherche pour accélérer les efforts de développement du secteur privé et des PME et d’identifier les mécanismes de soutien à la recherche et à la mise au point d’actions au niveau de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Pour aborder cette étude, une analyse situationnelle du contexte économique, social et politique de chaque pays, des conditions dans lesquelles s’effectuait le développement du secteur privé et des PME et des défis que cela impliquait était nécessaire, en tenant compte de l’activité gouvernementale et des apports des autres bailleurs de fonds et autres soutiens. Les évaluations approfondies des pays nécessitaient des missions d’étude en Algérie, en Égypte, en Jordanie, au Maroc, en Syrie, en Tunisie et en Cisjordanie et Gaza ainsi que des études bureau détaillées sur l’Irak, le Liban, le Soudan, la Turquie, la Tunisie et la Cisjordanie et Gaza. Les six pays retenus pour les missions d’étude avaient été choisis parce qu’ils représentaient une grande diversité tant par la taille de leur population et leurs niveaux de développement économique (pays à faible revenu, à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure) que par l’importance de leurs ressources naturelles et leur stade d’évolution vers l’économie de marché. Pour des raisons de sécurité liées aux conflits et à l’instabilité politique, des missions en Irak, au Liban, au Soudan et en Cisjordanie et Gaza auraient été rendu difficiles.
Les missions dans les pays ont eu lieu entre avril et septembre 2007. On a interviewé 139 représentants de 94 organisations, y compris des ministères et des agences gouvernementales, des associations professionnelles du secteur privé, des institutions financières, des organisations non gouvernementales axées sur le développement, des organisations clé de donateurs et autres parties prenantes du développement du secteur privé et des PME. Outre les informations recueillies auprès d’informateurs clés, les missions pays ont permis de disposer de documents et de rapports sur les pays d’études et de données internationales comparatives, dont des plans nationaux gouvernementaux de développement, des documents de politique et de stratégie, des évaluations du climat des investissements et d’autres analyses conduites par des organismes et des bailleurs internationaux. Les études bureau étaient complétées par les informations recueillies auprès des autorités au cours des consultations en 2007 et 2008.
Des efforts ont porté sur le potentiel de recherche, le potentiel d’actions des pouvoirs publics, le potentiel des institutions, la capacité du secteur privé à peser sur le processus d’élaboration de l’action des pouvoirs publics, et l’état d’avancement des réformes de la politique du développement du secteur privé et des capacités des gouvernements à la conduire. Cette analyse portait sur l’état des réformes actuelles du développement du secteur privé et des actions sur les PME (ce qui se faisait et les acteurs impliqués) et sur les obstacles majeurs à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique efficaces de développement du secteur privé et des PME. L’étude a également porté sur l’identification des lacunes de la recherche et la politique et des opportunités. Cet état des lieux et le cadre diagnostique préliminaire ont été présentés aux parties prenantes lors d’un atelier régional de deux jours en novembre 2007 (CRDI 2008a) et ont été affinés. À cet atelier assistaient des représentants de dix des douze pays et les bailleurs de fonds intéressés, qui ont tous eu la possibilité d’apporter des observations sur un premier projet de l’analyse régionale et de suggérer l’ajout de certains thèmes. Ce livre prend en compte plusieurs de ces suggestions, dans la mesure du possible.
Ce livre s’appuie également sur les analyses et les évaluations situationnelles effectuées par un certain nombre d’organismes et de chercheurs internationaux et s’efforce d’offrir une image globale des nombreux facteurs qui affectent le DSP dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et de présenter un état des lieux à un moment donné du contexte du DSP et des PME. Il dresse en outre le bilan des principales initiatives prises par les gouvernements pour soutenir l’activité du secteur privé. Le champs d’action des pouvoirs publics dans ces pays change constamment et ce livre ne prétend pas présenter un tableau exhaustif des efforts de réforme du secteur privé ou du développement des PME de chacun de ces pays, mais le profil synoptique des 12 pays présenté en partie II dégage les priorités et indique les orientations fondamentales de chaque pays.
L’une des difficultés auxquelles s’est heurtée l’élaboration de cette analyse a été l’accès aux données statistiques comparables les plus récentes des nombreux indicateurs socioéconomiques ayant trait au développement du secteur privé. Dans toute la mesure du possible, ce sont les dernières données disponibles des sources internationales et des sources des pays qui ont été utilisées.
Ce livre s’adresse en priorité aux responsables politiques, aux chercheurs, aux bailleurs et autres parties prenantes impliqués dans la mise en place du développement des capacités institutionnelles du secteur privé et des PME étant s’intéressés par la région MENA. Il est composé de deux parties.
La partie I comprend sept chapitres. Le chapitre 1 présente une synthèse des exposés théoriques sur le développement du secteur privé et un cadre conceptuel des politiques de développement en faveur du secteur privé et d’entreprise. Il comprend également, outre un examen des approches des bailleurs de fonds, de leurs priorités et de leurs orientations, une analyse de l’impact des stratégies et des efforts de développement du secteur privé sur la croissance solidaire en faveur des pauvres des pays en développement, et aussi sur les difficultés de mesurer les changements dans les évolutions du niveau de DSP. Le chapitre 2 présente une introduction au contexte des pays de la région, dont une analyse comparative des 12 pays sur les plans démographique et structurel. Les chapitres 3 et 4 décrivent les défis clés en matière de croissance économique et sociale qu’ont à relever les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, à savoir la création d’emplois, les entreprises et les ouvriers du secteur informel, l’éducation et la formation, la science, la technologie et l’innovation, l’intégration dans la mondialisation, l’égalité entre hommes et femmes, le développement des PME et de l’entrepreneuriat, autant d’éléments qui, tous, jouent un rôle dans la réforme de favoriser le secteur privé. Le chapitre 4 est exclusivement centré sur le défi des PME et de l’entrepreneuriat, développant plus longuement le rôle et l’importance des PME dans le développement du secteur privé et s’attardant également sur les approches, les stratégies et les structures de mise en œuvre des PME dans les 12 pays afin de renforcer le secteur des PME. Le chapitre 5 analyse le statut des 12 pays par rapport à l’économie de marché et au climat de développement du secteur privé, et il classe les pays selon le dynamisme de leur secteur privé et les résultats économiques. Le chapitre 6 présente une évaluation des priorités et des faiblesses du DSP et soulève des questions liées à l’action des pouvoirs publics, à la recherche et aux capacités institutionnelles. Les points de vue exprimés dans ce chapitre sont en majorité ceux des parties prenantes de chacun des pays qui ont été recueillis au cours des visites sur le terrain et des ateliers de consultation régionaux. Le chapitre 7 souligne à quel point il est important d’élaborer des politiques stratégiques de nature à promouvoir le niveau et la qualité de l’entrepreneuriat dans la phase suivante de développement du secteur privé et de croissance globale, et présente un cadre pour conduire une réflexion sur les orientations et les initiatives futures des pouvoirs publics.
La partie II procure un descriptif synoptique de chacun des 12 pays. Le chapitre 8 trace une esquisse du contexte, des récentes évolutions et des priorités du groupe de pays jugés comme étant les plus dynamique au regard du développement du secteur privé et le chapitre 9 est consacré aux pays dont les résultats dans ce domaine sont plus modestes.
1. L’acronyme PME désigne dans ce livre les micro-, petites et moyennes entreprises. Lorsque ne sont concernées que les micros et petites entreprises, c’est l’acronyme MPE qui est utilisé.
Avant d’aborder l’examen plus détaillé du développement du secteur privé (DSP) et des entreprises dans les 12 pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA), le chapitre 1 brosse le contexte dans lequel se situe ce développement, ses diverses facettes, les différents points de vue des bailleurs de fonds et des organisations internationales, les domaines d’implication des pouvoirs publics dans la création d’un environnement favorable à l’émergence d’un secteur privé robuste et les raisons pour lesquelles cela est important pour la croissance. Il présente un cadre des principales composantes du DSP et préconise une approche intégrée pour s’attaquer aux défis de la croissance et de l’équité dans les pays en développement.
En 1995, le Comité d’aide au développement de l’OCDE a défini le secteur privé comme « un principe organisateur de base de l’activité économique dans lequel la propriété privée est un facteur important, les marchés et la concurrence les moteurs de la production, l’initiative privée et la prise de risque le ressort des activités » (OCDE 1995, p. 7). Le concept de développement du secteur privé est étroitement associé à un ensemble de réformes macroéconomiques et de mesures de libéralisation inspirées et adoptées par les organismes financiers et les bailleurs internationaux dans les années 80 dans le cadre du « Consensus de Washington »1 pour renforcer le rôle et les performances du secteur privé et faire en sorte qu’il parvienne à une croissance durable. Au milieu des années 90, il commença à y avoir consensus sur l’idée que la croissance économique était essentielle pour la réduction de la pauvreté et que c’étaient les forces du marché, la concurrence et l’initiative privée qui étaient les meilleurs moyens d’y parvenir (OCDE 1994, 1995 ; Schulpen et Gibbon 2002). Selon le Département du développement international britannique, il n’y a pas de moyen plus puissant pour faire reculer la pauvreté dans les pays en développement que la croissance économique, et que le secteur privé — du paysan au marchand ambulant et à l’investisseur étranger — est le principal créateur de croissance (DfID 2007). La thèse selon laquelle l’entreprise est elle-même productrice de croissance est corroborée par Harberger (2005) et par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID 2008c).
Le secteur privé est constitué de personnes qui s’organisent en entreprises et produisent des biens et des services pour répondre aux demandes du marché et pour, ce faisant, créer des emplois, du revenu et de la richesse pour l’économie et pour les institutions, les organisations et les agents, fournissant ainsi l’appui nécessaire leur permettant d’accomplir leurs fonctions. La croissance soutenue d’une économie dépend de l’habilité et de la capacité des individus et des entreprises à exploiter efficacement les opportunités du marché ainsi que de l’existence d’un cadre approprié facilitant le DSP. Les moyens de soutenir la viabilité, l’expansion, la croissance de la productivité et une gouvernance efficace du secteur privé ont été au centre des préoccupations des pouvoirs publics et ce depuis le milieu et jusqu’à la fin des années 90 dans tous les pays en développement, quels que soient leur taille, leur structures, leur orientation stratégique et leur niveau de développement. Cet intérêt a été sous-tendu par le fait qu’il avait été compris que le secteur privé était l’espace où la croissance émergeait et où des emplois à haute valeur ajoutée étaient créés. Considérée comme essentielle pour le recul de la pauvreté dans le monde, cette question est devenue, au cours de ces années, une question brûlante dans les efforts de réforme des gouvernements et dans la programmation des bailleurs. Elle a ainsi stimulé la recherche et l’intérêt des pouvoirs publics (Klein et Hadjimichael 2003) et pris une importance qui s’est fait sentir partout dans le monde en développement.
En contrepartie de l’attention portée au DSP, l’État s’est pratiquement retiré de nombreux secteurs de la production, poussé par le sentiment général que les entreprises nationalisées étaient inefficaces et qu’il y avait tout intérêt à laisser prospérer un système fondé sur le marché, à condition qu’il soit bien délimité et régulé. Cependant, il est également reconnu que, parallèlement aux efforts de développement du secteur privé, développer le secteur public est nécessaire comme conditionnant en grande partie le développement du secteur privé (BAsD 2007b).
Le développement du secteur privé est un concept à la fois large et limité, à l’intersection de nombreux domaines de l’action publique. Selon l’OCDE, le DSP concerne « fondamentalement les gens : il libère et exploite leur potentiel productif, satisfait leurs besoins et leurs désirs humains et crée des sociétés pluralistes qui assurent à la fois la liberté et la sécurité » (OCDE 1995, p.7). Toujours selon l’OCDE, le DSP inclut diverses activités qui vont du développement de la micro-entreprise à l’extension des privatisations en passant par la réforme du secteur financier. Selon la Banque mondiale (2002), le DSP est une question transversale qui fait appel à l’initiative privée pour promouvoir la croissance, réduire la pauvreté et aider les gens à améliorer leur qualité de vie. La Commission européenne fait entrer dans le champ d’action du DSP « toutes interventions visant à améliorer la compétitivité du secteur des affaires (y compris les PME) (ADE 2005, p.8). Cette définition implique des actions de nature à encourager un secteur des affaires sain et dynamique, et également des interventions spécifiques pour améliorer la compétitivité, la productivité et les capacités d’exportation des micro, petites et moyennes entreprises (MPME). Selon White (2008), le DSP est défini comme le processus qui permet de s’attaquer aux contraintes qui pèsent sur la croissance du secteur privé et d’exploiter les opportunités. D’autres définitions sont aussi utilisées par les bailleurs individuels et les organisations internationales, dont la portée traduit les différences qui sous-tendent leur approche conceptuelle au sujet.
Les organisations internationales de développement et les bailleurs ont deux raisons de soutenir le DSP. Le développement du secteur privé contribue à la croissance de l’économie et, par là même, à la réduction de la pauvreté. Il affecte les composantes de la croissance qui permettent aux pauvres d’avoir plus facilement accès aux biens et services et leur donne ainsi davantage la possibilité de participer à la vie économique (White 2008).
L’OCDE, l’une des premières organisations internationales à introduire le concept de DSP à l’intérieur du concept de réforme des bailleurs en développement, a défini trois champs d’action pour le DSP (OCDE 1995, p.8) :
1. Niveau macroéconomique : politiques de stabilité fiscale, de développement de marchés financiers efficaces et de privatisation d’organisations quasi gouvernementales. Ces politiques contribueraient à créer la confiance dans le gouvernement et l’économie, à favoriser des financements extérieurs plus divers et plus durables et accroître le volume des apports de ressources, à réduire les charges budgétaires et administratives imposées au secteur public et à créer un espace fiscal pour l’expansion des investissements sociaux clés dans les domaines de la santé, de l’éducation et du logement. L’OCDE suggérait que les bailleurs s’efforcent à encourager à la fois le dialogue avec les pouvoirs publics et les politiques économiques appropriées (inflation faible, dérégulation, stabilité budgétaire et monétaire et prix des facteurs rationnels), et préconisait des changements structurels en matière de compétition et de politiques commerciale et recommandait la création d’un secteur financier qui fonctionne bien.
2. Niveau meso-économique : politiques de stimulation de l’entrepreneuriat, de l’initiative et de la prise de risques. À ce niveau, les bailleurs devant contribuer à améliorer l’environnement institutionnel dans lequel s’inscrivent les décisions commerciales comme par exemple promouvoir la primauté du droit et son application, réduire l’ampleur de la corruption et établir des institutions qui favorisent le dialogue entre secteur privé et secteur public.
3. Niveau micro-économique : substituer aux contrôles et aux interdictions des mesures d’incitation et de promotion et le soutien des pouvoirs publics. À ce niveau, l’OCDE suggérait que les bailleurs apportent leur soutien aux activités de facilitation, comme les services de formation et de conseil, le développement du micro et des petites entreprises, les privatisations, la réforme des entreprises publiques et les investissements directs étrangers.
Plusieurs concepts et champs d’actions sont intégrés au DSP:
• Les privatisations
• Cadres macroéconomiques, juridiques, réglementaires et d’investissements ayant pour but de favoriser la croissance des entreprises
• Gouvernance et lutte contre la corruption
• Développement des infrastructures physiques
• Investissement direct étranger
• Réforme du secteur financier
• Politique industrielle et commerciale
• Productivité et compétitivité sectorielles
• Politique de la concurrence
• Gouvernance des sociétés
• Enseignement et formation professionnels
• Politique en matière de science, de technologie et d’innovation
• Développement et croissance des PME
• Développement de l’entrepreneuriat
• Soutien aux microentreprises et aux acteurs du secteur informel
• Services financiers et non financiers pour les PME
• Activités de commerce électronique interentreprises, réseaux, chaînes logistiques, pôles de compétitivité
• Renforcement des capacités institutionnelles des organisations et des structures intermédiaires qui offrent des services aux entreprises du secteur privé et les représentent dans le dialogue avec le gouvernement.
Les gouvernements, les agences de développement et les organismes de recherche adoptent des orientations différentes à l‘égard du DSP selon leur point de vue privilégié (ADE 2005). Le discours des bailleurs sur le DSP est fondé sur des solutions aux problèmes socio-économiques régies par les lois du marché. Le point de départ de la formulation des stratégies du DSP au niveau des pays devrait être des évaluations permettant de bien comprendre l’environnement des affaires et de repérer les endroits où les politiques et les conditions locales sont des obstacles à une croissance saine et au développement des marchés financiers et des entreprises privées (OCDE 1995). En conséquence, les bailleurs ont relevé le défi de mettre au point des cadres et des stratégies pour guider leurs efforts respectifs de DSP dans les pays bénéficiaires, ainsi que des instruments pour évaluer l’environnement du DSP au niveau de chaque pays. La prise en compte du climat de l’investissement et de l’environnement des affaires est de première importance dans les discussions sur la réforme du secteur privé. Bien que ces termes n’aient pas toujours été utilisés de façon cohérente et qu’ils se recouvrent parfois, l’expression « climat des investissements » désigne un ensemble de facteurs bien localisés qui offrent aux entreprises des opportunités les incitant à faire des investissements rentables, à créer des emplois et à se développer (Banque mondiale 2005f). Quant à l’expression « environnement des affaires », c’est un sous-ensemble de « climat des investissement » qui fait référence aux conditions administratives, juridiques, institutionnelles et réglementaires qui gouvernent les activités des entreprises (DCED 2008).
Sur l’ensemble des documents décrivant les stratégies des bailleurs concernant le DSP (ONU 1997 ; CCE 1998 ; Banque mondiale 2002, 2003 ; DfID 2004a, 2008 ; Sida 2004 ; ACDI 2005 ; BAsD 2006 ; OCDE 2006 ; USAID 2006 ; PNUD 2007a), il apparaît évident que les bailleurs particuliers mettront l’accent sur un petit nombre de thèmes prioritaires en fonction des mandats qu’ils ont reçus et de leurs priorités. Pour certains, ce sera la gouvernance, les privatisations et les infrastructures, et pour d’autres, le soutien à la croissance des microentreprises et du secteur des PME. Snodgrass et Winkler (2004), par exemple, ont observé que l’USAID est plus centrée sur l’accès aux marchés, et que la Banque mondiale, selon Migliorisi et Galmarini (2004), joue un rôle essentiel dans les infrastructures et les banques régionales, telles que la Banque asiatique de développement (BAsD), la Banque africaine de développement (BAfD) et la Banque interaméricaine de développement (BID) jouant à leur tour un rôle de premier plan dans le soutien financier aux entreprises. Les bailleurs ont en commun, dans leur approche, d’essayer d’une manière ou d’une autre, d’améliorer « l’environnement favorable » des affaires, ce qui suppose des interventions qui, au niveau international, portent sur les règles commerciales, l’annulation de la dette, l’accès aux marchés et aux investissements internationaux; au niveau macroéconomique, sur les politiques macroéconomiques, les infrastructures physiques, le développement du capital humain et de la gouvernance ; au niveau meso-économique, ont trait à la réglementation des nouvelles entreprises, aux frais bureaucratiques des opérations des PME, aux infrastructures institutionnelles, telles que les institutions financières, les associations professionnelles et les centres de développement des entreprises ; et, au niveau micro-économique, apportent aux entreprises un soutien financier et non financier pour améliorer leur accès aux ressources, aux compétences, à la technologie, à l’assistance technique, à l’information et aux marchés.
Selon Habib et White (2007), la majorité des efforts des bailleurs se situent au niveau de soutien meso et micro dans trois domaines principaux : 1) aide à l’environnement 2) accès aux compétences, à la connaissance et aux capitaux 3) accès aux marchés et à la facilitation des marchés. Cependant, il reste encore beaucoup d’inconnues concernant les effets séparés ou conjugués des interventions des pouvoirs publics au niveau macro, meso ou micro pour que le DSP soit une réussite (ADE 2005), ce qui signifie qu’un vaste champ de recherche est ouvert. Les enseignements d’une évaluation des stratégies de DSP de la commission européenne (ADE 2005) donnent à entendre qu’une implication suffisamment proactive des gouvernements, la concertation avec les parties prenantes locales et le renforcement des organisations intermédiaires pour organiser le dialogue sur les politiques des pouvoirs publics sont des facteurs de succès importants au niveau de chaque pays.
Dans les échanges sur le DSP, il est important d’avoir conscience du lien étroit qui existe entre le développement des PME et l’entrepreneuriat. Les études de la Banque mondiale trouvent une corrélation positive importante entre les taux d’entrée des nouvelles entreprises, la taille du secteur privé (mesurée en pourcentage du PIB) et le PIB par habitant et une corrélation évidente entre la densité des PME et les niveaux de revenu des pays (Banque mondiale 2006a ; Klapper 2007). Les pays à revenu plus élevé ont des densités de PME plus élevées. Ces conclusions confirment que les PME et les nouvelles entreprises jouent un rôle central dans le DSP et dans la croissance économique. Selon l’OCDE (2005a), la transformation entraînée par les basculements fondamentaux vers la libéralisation de l’économie, la privatisation des entreprises publiques et les exportations tirées par la croissance (qui traduisent les changements du climat de l’investissement et l’environnement des affaires) ouvrira de nouvelles possibilités de création de PME et accroîtra le nombre d’entrepreneurs. L’OCDE conclut que la région MENA a besoin de davantage de PME pour créer des emplois et réduire le chômage, améliorer les taux de croissance et de productivité et combattre la pauvreté, mais fait aussi observer que la réglementation et les infrastructures d’appui sont inadéquats et qu’il y a des lacunes dans le savoir de base pour la recherche sur les PME et leurs perspectives de croissance et l’origine sociale des entrepreneurs.
Les gouvernements ont un rôle central à jouer dans la création d’un environnement favorable pour le développement du secteur privé. La Banque mondiale (2002) souligne à quel point il est important de construire un État efficace, à tous les niveaux administratifs, qui puisse créer un cadre dans lequel les marchés et l’entrepreneuriat peuvent prospérer, ajoutant que là où les gouvernements réussissent à créer un climat solide d’investissent, la réduction de la pauvreté est grandement facilitée. La réussite est possible si les banques centrales et les services financiers sont renforcés, s’il y a des mesures économiques incitatives, si les importations et les exportations sont réellement facilitées, si la bureaucratie est réduite, si l’autorité de la loi est respectée, si le système judiciaires fonctionnent bien, si la réglementation est équitable et transparente, et s’il y a une législation appropriée pour la protection de la propriété intellectuelle et pour l’insolvabilité (PNUD et FADES 2002). Cependant deux questions clés demeurent : est-ce que les réformes du climat d’investissement et d’environnement des affaires au niveau macroéconomique sont suffisantes pour produire un secteur privé dynamique, et quel brassage spécifique de politiques, d’actions et d’interventions produira les effets désirés ?
L’objectif ultime des efforts de DSP est de faciliter la croissance d’un secteur privé afin d’optimiser le développement économique et social et les performances d’un pays. Ces résultats se mesurent aux bénéfices en matière d’emplois, de commerce, d’investissement direct étranger (IDE), de productivité et de PIB, et de réduction de la pauvreté et de l’inégalité. Les composantes principales du DSP apparaissent dans le cadre présenté en figure 1.1.
Le premier jeu de ces composantes a trait à la création d’un espace de marché pour le secteur privé, ce qui nécessite dérégulation et amélioration du climat de l’investissement. Il y aura accroissement de l’ampleur et de la portée de l’apport du secteur prive aux résultats de la croissance économique si le gouvernement réduit son propre rôle dans l’économie et/ou si le secteur privé accentue le sien. Dans le contexte des pays en développement et en transition, où le gouvernement joue souvent un rôle plus actif dans l’activité économique, il faut que des mesures soient prises pour que se crée un plus grand espace de marché pour l’activité privée. Cela peut se faire par la privatisation des entreprises étatisées, l’encouragement aux partenariats public/privé (PPP), la réduction des obstacles à l’entrée du secteur privé dans les secteurs clés de l’économie jusqu’alors contrôlés par l’état, la réduction des pratiques monopolistiques, la réforme climat de l’investissement et l’adoption de bonnes pratiques de gouvernance. Il est également possible de créer des opportunités pour le secteur privé en ouvrant l’économie aux investisseurs étrangers, en réduisant les contraintes commerciales et en entreprenant des réformes du secteur financier pour que s’instaure la confiance dans ce système financier et pour libérer davantage de capitaux pour les investissements dans le secteur privé. Ce sont là des demandes importantes à prendre en considération.
Figure 1.1 Cadre des composantes du développement du secteur privé
En ce qui concerne le développement et la croissance du secteur privé, une augmentation de l’offre d’agents et d’entrepreneurs du secteur privé capables et entreprenants est nécessaire. Ce côté de l’offre du DSP fait entrer en jeu le stock de grandes entreprises existantes (étrangères ou nationales), les PME, les entreprises du secteur informel et les entrepreneurs nouveaux et potentiels. Il faudra mettre en place des politiques et des stratégies différentes pour stimuler le développement de chacun de ces groupes. Ce qui fonctionnera pour accroître l’offre d’investisseurs étrangers ne produira pas nécessairement une augmentation de l’offre d’entrepreneurs locaux. Les politiques de nature à transformer de grandes entreprises nationales en leaders nationaux n’amélioreront pas forcément la situation pour les PME. Il est donc nécessaire d’adopter des approches sur mesure.
Dans l’espace qui sépare les facteurs d’offre et de demande, des actions des pouvoirs publics et des interventions seront nécessaires pour créer un «environnement propice à l’investissement et à la facilitation des affaires», et pour «faciliter le développement des entreprises».
L’expression « environnement propice à l’investissement et facilitant les affaires » regroupe: réforme juridique et réglementaire pour fixer les règles du jeu ; réduction des charges qui pèsent sur le secteur privé, par exemple les délais et le coût de lancement d’une entreprise et la complexité des délivrances d’autorisation et des formalités d’enregistrement ; et autres domaines qui figurent dans la liste des indicateurs de ‘l’indice de facilité de faire des affaires’ de la Banque mondiale (Banque mondiale 2009b) et dans la liste des indicateurs de la liberté économique (Fondation Héritage 2010). Il faut également inclure la création d’autres conditions de facilitation comme par exemple les infrastructures physiques (le réseau routier, les ports et les télécommunications) et les terrains industriels et zones franches ; les système d’éducation et de formation qui produiront une offre appropriée de main-d’œuvre compétente ; l’accès au logement, à l’eau, à l’énergie et aux autres services de base qui sont nécessaires pour attirer les investissements et soutenir l’émergence d’un secteur privé dynamique.
Si les améliorations du climat d’investissement et d’environnement des affaires contribueront à attirer et à mobiliser les investissements privés, cela, seul, ne suffira pas à maximiser le potentiel d‘investissement dans les pays en développement (OCDE 2006). Les conditions extérieures ont un grand impact sur la naissance, le développement, le déclin et la disparition d’une entreprise privée (BAsD 2007a). Il est ainsi primordial de développer et de renforcer la capacité des entreprises et des entrepreneurs locaux à exploiter les opportunités nouvelles que leur offrent l’abaissement des barrières commerciales et un environnement plus favorable. Cela peut se faire par des actions améliorant leur accès aux ressources financières et non financières, facilitant les partenariats et les relations interindustrielles et améliorant leur qualité de gestion de leur entreprise et leurs compétences entrepreneuriales et en matière d’innovation (OCDE 1995). Si ces conditions ne peuvent pas être remplies, le développement des entreprises privées s’en trouverait gravement pénalisé et la croissance des revenus et de l’emploi serait compromise.
Par ‘facilitation du développement des entreprises’, il faut entendre : accès aux institutions intermédiaires (telles que les guichets uniques, les incubateurs, les centres de ressources d’affaires et les associations professionnelles) ; les services commerciaux (tels que les conseils et informations sur les entreprises, les services d’expertise et l’assistance technique) ; les possibilités de formation et de développement de compétences pour améliorer les compétences entrepreneuriales et de gestion ; les services d’optimisation de la productivité et de la compétitivité ; la technologie ; et les mécanismes financiers (par exemple, le microcrédit, les fonds de garantie, le prêt-bail, le capital-risque, l’épargne et l’assurance). L’accès à ces institutions et services susciterait de l’intérêt pour de nouvelles activités du secteur privé et optimiserait les performances de celles déjà existantes ce qui, en parallèle, valoriserait l’entrepreneuriat. Ces efforts doivent également être entrepris dans l’optique des droits des femmes et de l’élimination des obstacles à leur participation aux marchés (OCDE 2006).
Une stratégie globale de DSP porterait sur chacune de ces composantes étant donné qu’elles sont liées et interdépendantes. Des faiblesses dans un seul des domaines de ce cadre créeraient des goulets d’étranglement ou des réactions défavorables dans un autre domaine. Par exemple, si la réforme du système juridique et de la réglementation n’est pas faite de telle sorte qu’elle encourage le passage au secteur formel, les résultats médiocres et la corruption subsisteront.
Le succès des réformes du DSP dépendra de la volonté politique, de l’engagement et de la capacité des gouvernements à mettre en œuvre les mesures incitatives et les structures nécessaires pour produire le résultat souhaitée de même que de la capacité du secteur privé. Il est également admis que la réussite des réformes du DSP dépendra du degré de stabilité macroéconomique du pays. Des politiques macroéconomiques saines sont essentielles pour que l’initiative privée puisse convenablement s’exprimer ; cependant cela, seul, n’est pas suffisant pour renforcer et stimuler le développement du secteur privé.
Le défi auquel sont confrontés les gouvernements est de mettre au point un ensemble de politiques intégrées pour corriger les faiblesses constatées aux différents niveaux et aspects de l’économie. Les carences repérées à un moment donné varieront en fonction du contexte du pays et de son stade de développement ou de transition vers une économie de marché La figure 1.2 représente de façon schématique les différents domaines d’action qui affectent le DSP. Une approche holistique s’impose. Les approches systématiques du DSP demandent que les décideurs et les praticiens voient le secteur privé comme se situant à l’intérieur d’un réseau d’institutions qui déterminent les actions incitant ou non à la croissance et à la distribution (White 2008), et qui favorisent les dispositifs institutionnels liant les intervenants clés (par exemple, les agences gouvernementales, les autorités de régulation, les associations professionnelles, les organisations de la société civile, et les établissements d’enseignement et de formation) et encourageant le dialogue public/privé.
Figure 1.2 Intégration des domaines d’action affectant la croissance du secteur privé
L’OCDE (2005b) démontre que les institutions sont essentielles au développement d’une économie de marché, laissant entendre que les bonnes institutions2 sont plus importantes pour la croissance que les bonnes politiques. Cependant, de nombreuses questions demeurent quant aux moyens d’en améliorer l’efficacité de ces institutions. L’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à des entités régionales, comme l’Union Européenne et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, ont renforcé les incitations à l’amélioration des institutions, bien que cette question demeure un défi dans les pays en développement (OCDE 2005b).
Au cours des consultations que le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) a menées en 2007 et 2008 dans les 12 pays MENA pour son évaluation du DSP, les parties prenantes ont reconnues le manque de coordination des politiques et des stratégies du DSP et la faiblesse des liens entre les divers domaines d’interventions et la coopération entre les ministères responsables. Cela est dû en grande partie aux divisions structurelles au sein du gouvernement et au fait que les responsabilités de chacun ne sont pas clairement définies, ce qui résulte à la faible implémentation des plans de développement nationaux. Ces parties ont également observé le peu d’effort à considérer les interférences entre les diverses politiques, comme l’impact de l’adhésion à l’OMC ou les politiques et les stratégies de l’IDE sur le développement des PME, l’inégalité des revenus ou la dynamique du genre dans l’économie. Ces questions seront approfondies au Chapitre 6.
Le défi pour les organismes d’aide et les bailleurs internationaux est de déterminer où et comment attribuer leur aide en tenant compte des implications pour leurs propres stratégies de développement du secteur privé. Dans le passé, la majeure partie du soutien des bailleurs au DSP était sous forme de soutien direct aux entreprises, soit à des entreprises individuelles, soit par le canal d’associations ou d’alliances d’entreprises (OCDE 2004a). L’assistance technique était fournie par le biais de projets des bailleurs, les organisations non gouvernementales (ONG) servant souvent d’organes de transmission, pendant que l’aide financière passait par les banques ou les établissements de microfinance. L’effet de distorsion sur les marchés et d’éviction du secteur privé lié à ce mode d’intervention a beaucoup été reproché, surtout lorsqu’il s’agissait de subventions. En conséquence, il y a eu un changement d’approche récemment. En effet, de nos jours, davantage de bailleurs ciblent ‘l’environnement habilitant’ pour le DSP et soutiennent les changements de politiques institutionnelles, ce qui aura pour effet d’améliorer l’accès aux marchés. Une bonne partie du soutien récent est allée au partenariat avec les gouvernements, et non aux entreprises, l’objectif principal étant de fournir des outils d’analyses et de proposer des politiques de nature à produire des changements institutionnels assurant le développement du secteur privé sur le long terme. L’engagement des parties prenantes privées ou de la société civile est également une composante de cette approche.
L’hypothèse qui prévalait dans les années 60 était que les gouvernements des pays en développement pouvaient être les moteurs du développement à travers l’attribution des ressources, la nationalisation des entreprises et la gestion de l’économie (White 2008). Les bailleurs acceptaient l’idée que les gouvernements reçoivent de l’aide financière pour stimuler les investissements et générer de la croissance. Pourtant, les années 70 et 80 ont démontré que les pays adeptes de la planification macroéconomique ne remplissaient pas leur fonction. Nombre d’entre eux se sont en fait transformés en régimes d’oppression recherchant les avantages personnels et vidant de leur contenu des politiques publiques bien intentionnées pour servir des intérêts économiques ou politiques spécifiques. La dernière génération d’économistes et de décideurs politiques a même estimé le coût des carences des gouvernements comme supérieur au coût des carences des marchés, les gouvernements comme obstacles au développement et la nécessité de soumettre le secteur public à des contraintes en réduisant ses possibilités d’utilisation des ressources et sa liberté d’intervention pour assurer la croissance économique (Banque mondiale 2005c).
Le Consensus de Washington avait pour objectif la réduction de la taille et de l’étendue des pouvoirs de l’État ainsi que le renforcement du rôle du marché considéré comme le mécanisme le plus efficace pour l’affectation des ressources et la promotion de la croissance économique. Ce programme de réformes comportait dix points :
1. discipline budgétaire,
2. remise en ordre des priorités en dépenses publiques des subventions ciblées aux dépenses de base pour la santé et l’éducation,
3. réforme de la fiscalité combinant une large assiette d’imposition avec des taux d’imposition marginaux modérés,
4. libéralisation des taux d’intérêt,
5. taux de change compétitif,
6. libéralisation des échanges,
7. libéralisation des investissements directs étrangers,
8. privatisation,
9. dérégulation, et plus particulièrement l’assouplissement des barrières à l’entrée et à la sortie du marché pour les entreprises,
10. protection des droits de propriété.
Si dans les années 90, les réformes continuèrent à mettre l’accent sur l’accroissement du rôle des marchés et sur la diminution du rôle de l’État, elles avaient tendance à ne pas prendre en compte le rôle important des institutions (Banque mondiale 2005c). Devant l’échec patent du Consensus de Washington (que Williamson [2002] défend3), la liste des recommandations fut complétée par des ajouts prioritaires dans les domaines suivants : gouvernance des entreprises, flexibilité des marchés du travail, soumission aux règles de l’OMC et aux codes et normes financiers internationaux, système de protection sociale et réduction ciblée de la pauvreté (Richards et Waterbury 2008).
Il y a depuis longtemps un consensus sur le rôle crucial du DSP dans l’élévation du taux de croissance, mais on sait maintenant que l’évolution du secteur privé influe fortement sur la configuration de la croissance et sur le fait qu’elle soit, ou non, partagée par les pauvres. Ainsi, alors que les agences de développement et les bailleurs s’accordent à reconnaître que le DSP est un instrument de croissance et de réduction de la pauvreté, il y a pas encore des divergences concernant un accord complet sur la nature des résultats et sur la façon de les atteindre (White 2008). Le fait que les avantages de la croissance aient souvent été inégalement répartis parmi la population, accentuant les niveaux d’inégalité, corroboré par l’évidence que l’inégalité a des incidences sur la croissance économique (Banque mondiale 2005c), a conduit l’OCDE et d’autres organismes et bailleurs internationaux à soutenir le concept de croissance pro-pauvres. Selon l’OCDE (2006), la façon dont les politiques se combinent pour promouvoir un dispositif incitatif, ayant un impact sur l’activité du secteur privé, déterminera dans quelle mesure ces dispositions ont comme résultats une augmentation et une amélioration de l’emploi, de meilleurs revenus, un retour plus avantageux sur les marchandises vendues, une plus grande aisance pour se procurer les biens et services essentiels, et la mesure dans laquelle les hommes et les femmes pauvres peuvent profiter de ces opportunités. Ce dont il est question ici, c’est d’un meilleur accès aux actifs productifs, aux services de base, à la santé, à l’éducation et à la qualification, domaines dans lesquels les pays à planification macroéconomique peuvent jouer un rôle clé (Banque mondiale 2005c). Dans ces conditions, les agences de développement et les gouvernements des pays en développement ont un grand intérêt à favoriser un environnement politique et institutionnel qui permette l’émergence d’un secteur privé robuste et contribuant fortement à la réduction de la pauvreté.
La littérature pro-pauvre s’efforce de mesurer l’impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté en suivant les mesures de la pauvreté. Les deux mesures les plus couramment utilisées sont la mesure relative et la mesure absolue. Il y a croissance pro-pauvres relative lorsque la croissance produit un accroissement plus rapide des revenus des pauvres que la moyenne des revenus, auquel cas les pauvres bénéficient de la croissance de façon disproportionnée et les inégalités baissent. Il y a croissance pro-pauvres absolue lorsque les revenus absolus moyens des pauvres augmentent. Un accord commence à se dégager pour prendre comme mesure appropriée de la croissance pro-pauvres la croissance des revenus moyens des pauvres (c’est-à-dire des revenus des gens vivant en dessous du seuil de pauvreté national ou international) (Kraay 2004)4, bien que l’idéal serait d’identifier les conditions pour que la croissance produise à la fois une augmentation des revenus et une réduction des inégalités. Les études de Kraay l’on conduit à indiquer qu’il faudrait placer au cœur des stratégies de croissance pro-pauvres un ensemble de politiques centrées sur les déterminants connus des revenus moyens, comme, par exemple, la protection des droits de propriété, des politiques macroéconomiques stables et l’ouverture au commerce international. Zinnes (2009) insiste, lui aussi, sur l’importance de la protection des droits de propriété pour améliorer le niveau de vie des pauvres.
Cela étant, toutes les agences et tous les bailleurs internationaux ne souscrivent pas nécessairement à la théorie de la croissance pro-pauvre. Le débat concernant le risque d’impact négatif de mesures spécifiquement destinées aux pauvres sur le taux de croissance reste ouvert. La Banque mondiale pose deux questions importantes. Est-ce que la réduction de la pauvreté est le but de la croissance économique ou en est la conséquence ? Est-ce que la distribution des ressources aux pauvres retarde la croissance ou l’accélère ? La conclusion de la Banque mondiale est que les niveaux de pauvreté baisseront si le revenu par habitant augmente et que fixer la réduction de la pauvreté comme unique objectif de la croissance économique et du développement, c’est ne pas prendre en compte la valeur des gains de revenus pour la classe moyenne. Les partisans de la théorie de la croissance pro-pauvres opposent croissance économique et développement économique et précisent qu’il faut considérer la configuration distributionnelle de la croissance générée par le secteur privé; par exemple les impacts des inégalités entre hommes et femmes, l’ampleur du secteur informel, les opportunités pour les PME et la fracture zones urbaines/ zones rurales, autant de thèmes qui sont abordés dans la littérature sur le DSP (White 2008). La Banque mondiale (2005c) a fait deux observations sur les stratégies de croissance pro-pauvres. La première est que pour atteindre la croissance, il y a plusieurs vecteurs, dont certains ont un impact beaucoup plus marqué sur la pauvreté que d’autres, par exemple, les dépenses pour l’agriculture nécessitant une forte main-d’œuvre contre les subventions à l’industrialisation de forte intensité capitalistique. La seconde est que les programmes ciblant la pauvreté ne sont pas des substituts à la croissance pour prévenir la pauvreté. Pour que les pauvres puissent bénéficier de la croissance, il faut notamment que les travailleurs puissent facilement passer de l’agriculture aux secteurs non agricoles émergents à condition qu’ils aient l’instruction et les compétences requises pour ces nouveaux emplois (USAID 2008c). La réduction des disparités de revenus dépend également des possibilités qu’ont les pauvres d’accumuler des actifs. Ainsi les droits de propriété, les réformes du secteur financier et le développement des compétences sont des facteurs importants facilitant la croissance pro-pauvres.
La « croissance solidaire » est un concept plus récent de la croissance pro-pauvres (PNUD 2007a). Pour être solidaire, la croissance pro-pauvres doit comporter à la fois le rythme et la configuration de la croissance. Une politique de croissance solidaire met l’accent sur la production et l’emploi plutôt que sur la redistribution directe des revenus comme moyen d’accroître les revenus des pauvres et mesure l’impact de la croissance sur l’utilisation de la main-d’œuvre et de son intégration dans l’emploi productif (Banque mondiale 2009f). Pour que la croissance solidaire se produise, l’amélioration de la productivité et des débouchés pour l’emploi est nécessaire. C’est pourquoi l’élargissement de la taille de l’économie pour plus d’emplois productifs et pour l’égalité d’accès aux marchés, aux ressources et à un contexte réglementaire impartial pour les entreprises et les individus, aura un impact positif sur la réduction de la pauvreté. Cela signifie que la croissance de l’activité du secteur privé est un vecteur essentiel de la réduction de la pauvreté.
White (2008) résume les quatre composantes fondamentales de la croissance solidaire pro-pauvres comme suit:
1. Marchés concurrentiels, c’est-à-dire une concurrence libre et équitable, des barrières peu élevées à l’entrée de nouveaux acteurs, des systèmes efficaces pour la sortie des entreprises en faillite et des moyens de corriger les défaillances du marché et les carences en matière d’équité ;
2. Entrepreneuriat ;
3. Propriété privée, les droits de propriété des pauvres étant clairement définis ;
4. Conditions de travail décentes fondées sur une rétribution équitable du travail sans discrimination de genre, de religion ni d’ethnicité.
L’OCDE (2006) met en lumière six sujets importants pour promouvoir la croissance pro-pauvres et accroître l’influence du DSP sur la réduction de la pauvreté: (1) éliminer les obstacles à l’entrée dans le secteur formel ; (2) mettre en œuvre une politique de concurrence ; (3) appliquer des approches conformes aux lois du marché pour les services d’appui aux entreprises (SDE) et l’aide financière ; (4) renforcer la contribution du secteur financier à la croissance pro-pauvres ; (5) améliorer l’accès des femmes aux marchés ; et (6) construire un dialogue public/ privé inclusif. Dans son cadre de croissance pro-pauvres, l’OCDE fait également ressortir cinq facteurs entreliés, se renforçant mutuellement : 1) instaurer des mesures incitatives pour l’entrepreneuriat et l’investissement ; 2) accroître la productivité par la concurrence et l’innovation ; 3) exploiter les réseaux internationaux par le biais des échanges et des investissements ; 4) améliorer l’accès aux marchés et leur fonctionnement ; et 5) réduire le risque et la vulnérabilité. Étant donné que ces facteurs sont produits et influencés par des actions politiques et des institutions, les réformes d’ordre politique et institutionnel sont au centre des efforts pour réduire la pauvreté par le biais du DSP. Nombre d’actions en faveur des pauvres recommandées par l’OCDE aux bailleurs nécessitent des partenariats avec les gouvernements. On voit ainsi, à l’ère de la croissance pro-pauvres, le concept de planification macroéconomique réapparaitre, la thèse actuelle étant que l’État joue un rôle crucial dans la forme des incitations et des opportunités pour le développement du secteur privé (DfID 2007).
L’un des grands défis auxquels les gouvernements et les bailleurs sont confrontés, une fois d’accord sur les questions fondamentales et les dimensions politiques de la croissance solidaire du secteur privé, est de définir les indicateurs pour mesurer et évaluer le dynamisme et les résultats des efforts de développement du secteur privé. Il semble malheureusement que ce travail soit à un stade embryonnaire. Trois niveaux d’indicateurs sont nécessaires: 1) au niveau macroéconomique, des indicateurs de la croissance du secteur privé et de l’apport du secteur privé à l’amélioration des résultats économiques et sociaux ; 2) au niveau mésoéconomique, des indicateurs pour mesurer l’amélioration d’un environnement favorable et les changements dans la politique gouvernementale, les structures institutionnelles et la réforme de la réglementation qui ont des incidences sur les performances et les résultats du DSP ; et 3) au niveau microéconomique, des indicateurs pour mesurer l’apport de programmes, de projets ou d’initiatives spécifiques au DSP. Au niveau macroéconomique, il est possible de mesurer le développement, le déclin ou la stagnation du secteur privé (sous condition de disponibilité des données statistiques au niveau de chaque pays), et au niveau microéconomique, il est possible de mesurer les résultats de projets particuliers, mais il est plus difficile d’évaluer l’impact des éléments facilitateurs essentiels à la réussite des entreprises du secteur privé. Divers organismes et divers gouvernements ont par ailleurs commencé à corriger cette lacune depuis quelques années (BAsD 2007a). La BAsD rapporte que, bien que les agences internationales, les bailleurs et les gouvernements reconnaissent le besoin d’indicateurs de résultat du développement et leur importance pour mesurer les stratégies de DSP, il y a peu d’avancées dans ce domaine.
L’une des difficultés majeures est le manque de données sur les types d’indicateurs de performance qui seraient appropriés, en particulier pour des analyses et des comparaisons de pays à pays. La BAsD (2007a) n’a pas trouvé la preuve qu’un seul pays ait mis au point un ensemble de statistiques couvrant tous les aspects du DSP. Les gouvernements et les agences de bailleurs travaillent avec les ressources disponibles pour mesurer les performances et les résultats du DSP, utilisant souvent les classements d‘enquêtes mondiales, comme, par exemple, le Rapport mondial sur la compétitivité, l’Indice de liberté économique, l’Indice de la pratique des affaires de la Banque mondiale, le Global Entrepreneurship Monitor, l’Indice de développement humain, ou autres, comme indicateurs supplétifs pour évaluer les performances du DSP.5 La Banque mondiale (2005c) est très réservée sur l’utilisation de ces larges évaluations qui ne permettent pas facilement de diagnostiquer les problèmes spécifiques ni de saisir les spécificités des cadres institutionnels au niveau d’un pays, mais elles peuvent néanmoins constituer un élément pour les analyses de pays à pays. De plus, ces enquêtes ne couvrent pas forcément tous les pays, manquent de données pour certains indicateurs de certains pays et les indices sont souvent construits avec une telle complexité qu’il est difficile de comprendre précisément quelles actions sont susceptibles de faire le plus de différence dans les améliorations de résultats spécifiques.
La croissance solidaire pro-pauvres complique encore davantage la question parce qu’il faut également mesurer l’offre des services d’éducation et de santé ainsi que les infrastructures physiques de base – éléments également essentiels de l’environnement favorable du DSP – et les performances des PME et l’activité entrepreneuriale, domaines où les données des indicateurs sont très rares dans les pays en développement.
La plupart des bailleurs ont mis en place des cadres logiques pour leur programme de DSP mais n’auront pas toujours une approche systématique d’entreprise pour établir des indicateurs de performance (BAsD 2007a). Le choix des indicateurs dépendra de la définition du DSP utilisée. Si le DSP est défini par rapport à ‘l’amélioration du climat des investissements’, l’évaluation sera centrée sur un certain groupe d’indicateurs. S’il s’agit de stimuler la croissance dans le secteur des PME ou de réduire l’ampleur du secteur informel, un autre groupe d’indicateurs sera plus approprié. Il n’en reste pas moins qu’il faut trouver le meilleur moyen de recueillir les données de mesure et qu’il faut se demander si l’action des bailleurs et des gouvernements est bien orientée pour obtenir les ‘bons’ résultats concernant le DSP. Cela exige que l’on sache bien hiérarchiser les rapports entre les réformes du DSP et l’amélioration des résultats sociaux et économiques et que l’on comprenne comment des politiques particulières, des dispositions et des initiatives institutionnelles ont des incidences sur les résultats optimisés du DSP et sur les performances du secteur privé. Ce qu’il faut, c’est un jeu simple d’indicateurs appropriés pour mesurer les évolutions dans chacun des domaines présentés en figure 1.1. Ce travail ne fait pas partie des objectifs de ce livre, mais les parties prenantes intéressées sont invitées à relever le défi et à entreprendre cette vaste recherche analytique et cette modélisation pour produire des indicateurs de DSP.
Ceci conclut la description des principales composantes d’un cadre de DSP et l’analyse des différentes questions qu’implique la conception d’une stratégie de croissance solidaire pro-pauvres basée sur le secteur privé et conforme aux lois du marché. Les chapitres suivants se concentrent particulièrement sur une analyse de la situation des 12 pays MENA : Algérie, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Maroc, Soudan, Syrie, Tunisie, Turquie, Cisjordanie et Gaza et Yémen. Le chapitre 2 présente les pays couverts par l’analyse et fixe le contexte de l’élaboration de leur croissance économique alors que les défis du DSP sont analysés dans les chapitres 3, 4 et 5.
1. Le ‘Consensus de Washington’ est un corps de conseils élaboré par les institutions financières internationales basées à Washington prescrivant une approche du développement fondée sur trois principes : discipline macroéconomique, économie de marché, et ouverture sur le monde (Williamson 2002). Ces principes fondamentaux étaient destinés à remplacer l’approche du développement adoptée en Amérique latine, qui mettait l’accent sur la substitution de productions nationales aux produits importés et sur le rôle primordial de l’État dans l’industrialisation, et qui avait échoué.
2. Par institutions, on entend les règles et les normes qui contraignent le comportement des hommes et qui comprennent les règles et les normes informelles qui gouvernent les comportements personnels et sociaux aussi bien que les règles et les normes formelles qui gouvernent la vie économique, sociale et politique (OCDE 2005b, p.3).
3. Williamson (2002) avance trois raisons principales pour expliquer les résultats décevants des recommandations de politique pour l’Amérique latine dans les années 90 : les marchés émergents souffraient de crises qu’ils n’avaient pas su prévoir ; certaines des recommandations ont été négligées ou n’ont pas été complètement suivies. On n’avait pas, par exemple, prêté attention à la nécessité de renforcer les institutions pour tirer profit de la première génération des réformes ; et l’objectif du Consensus était trop étroitement basé sur l’accélération de la croissance sans détérioration des revenus alors qu’il aurait fallu inclure également des dispositions de distribution des revenus. Cela étant, il se livre à une vigoureuse défense des trois principes qui sous-tendent les recommandations politiques.
4. La définition de la pauvreté, récemment actualisée par la Banque mondiale, renvoie au pourcentage de la population vivant avec moins de 1 dollar 25 US (PPA) par jour (voir Banque mondiale 2008e).
5. La BAsD (2007a) offre un bon tableau des nombreuses sources internationales des indicateurs liés au DSP actuellement utilisés.
Ce chapitre présente un aperçu des caractéristiques démographiques et structurelles du groupe des 12 pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (MENA) en préambule à un diagnostic plus complet de leurs défis économiques et du développement de leur secteur privé dans les chapitres suivants.
Le groupe des 12 pays MENA constitue une mosaïque de républiques, de monarchies constitutionnelles et de démocraties parlementaires. À l’exception du Liban, du Soudan et de la Cisjordanie et Gaza, plus de 90 pour cent de la population de ces pays est musulmane. Collectivement, ils ont une population d’environ 360 millions d’habitants (c’est-à-dire plus que celle des Etats-Unis et près des trois quarts de celle de l’Union européenne), un produit intérieur brut (PIB) de 1 306 milliards de dollars US1 en 2009 et une population active de 111 millions.2 Ces pays sont divers en termes de taille, de niveaux de développement économique3, de richesses naturelles et de main-d’œuvre4 ainsi que d’urbanisation (tableau 2.1).
Leur population varie d’environ 4 millions d’habitants au Liban et en Cisjordanie et Gaza à près de 80 millions en Égypte5, et le PIB par habitant varie de moins de 1000 dollars US au Yémen à plus de 8700 dollars US en Turquie et au Liban (Indicateurs du développement mondial, IDM6). Cinq de ces pays possèdent d’abondants gisements pétrolifères. Ils présentent également des différences substantielles en termes de distribution urbaine-rurale de la population. Plus de 70 pour cent de la population du Liban (87 pour cent), de Jordanie (78 pour cent) et de Cisjordanie et Gaza (72 pour cent) vie en zones urbaines contre entre 54 et 69 pour cent en Turquie (69 pour cent), en Tunisie (67 pour cent), en Irak (67 pour cent), en Algérie (65 pour cent), au Maroc (56 pour cent) et en Syrie (54 pour cent) selon le World Factbook (WFB). L’Égypte, le Soudan et le Yémen sont les moins urbanisés, moins de la moitié de leur population vivant en zones urbaines (respectivement 43, 43 et 31 pour cent). On note de grandes différences d’un pays à l’autre, qu’il s’agisse des taux de croissance démographique et de PIB, des niveaux de pauvreté, des taux d’alphabétisation, des réserves de ressources naturelles, des taux d’activité de la main-d’œuvre, des structures industrielles, des performances économiques, de l’aide publique au développement (APD) par habitant, etc.
Tableau 2.1 Une catégorisation des 12 pays MENA
Chacun de ces pays a son propre passé historique, économique et social, mais, dans chacun d’eux, les gouvernements ont décidé de s’orienter vers une économie de marché plus libéralisée et plus ouverte, et ils sont parvenus à des stades différents de transition. Des réformes de fond restent nécessaires pour que voie le jour un secteur privé solide. Cela signifie qu’il faut redéfinir le rôle du gouvernement, réduire son intervention directe dans l’activité économique à travers la privatisation des entreprises, ouvrir davantage l’économie grâce à la libéralisation des échanges, créer un climat favorable aux investissements directs étrangers (IDE), renforcer la compétitivité des entreprises nationales, faire en sorte qu’un environnement propice aux affaires favorise l’émergence et le développement des PME et des entrepreneurs au niveau national et enfin encourager la société civile à jouer un plus grand rôle. Les pays se démarquent par les efforts accomplis pour développer le secteur privé. Leurs différences se prononcent également en matière de recherche, de développement et de connaissances dans le domaine du développement du secteur privé (DSP) et des micro-, petites et moyennes entreprises (MPME), qu’il s’agisse des instituts de recherche ou des chercheurs eux-mêmes.
Pour certains pays de ce groupe des 12, notamment pour l’Irak, le Liban, le Soudan et la Cisjordanie et Gaza, les défis à relever sont immenses. De longs conflits se sont soldés par la ruine des infrastructures de base, le déplacement de personnes et d’entreprises, l’interruption de l’activité commerciale, la fuite de capitaux privés et de main-d’œuvre qualifiée, la hausse des dépenses publiques, la montée du chômage et la perte de confiance des investisseurs, autant d’éléments qui brident la croissance du secteur privé.
Malgré leurs différences, qui feront l’objet d’analyses plus détaillées ci-bas ainsi que dans les chapitres suivants, ces pays présentent des caractéristiques et des défis communs en matière de développement du secteur privé et des PME. Ces principales similitudes sont détaillées ci bas.
Par comparaison avec les pays développés, une frange importante et en expansion de la population des 12 pays a moins de 15 ans. Étant donné que le nombre de nouveaux entrants dans la vie active dépasse largement chaque année ce que le marché du travail peut absorber, la création d’emplois est au premier plan des préoccupations et des priorités des pouvoirs publics.
Les défis qu’ils ont tous à relever en matière d’emplois sont notamment les excédents de main-d’œuvre, les chiffres élevés du chômage, les faibles taux de participation des femmes à la vie active, la fuite des ouvriers qualifiés, la compression des emplois dans le service public et l’écart entre les qualifications requises par le marché du travail et celles que produit le système éducatif.
La micro et de la petite entreprise ainsi que l’économie informelle ont le plus absorbé la main-d’œuvre grandissante.
Les taux de chômage élevés vont de pair avec le sous-emploi et les travaux non rémunérés dans les entreprises familiales et agricoles. Ce sont les femmes et les jeunes qui sont les principales victimes de cette situation, en particulier dans les catégories où le niveau d’instruction est le plus élevé.
Bien qu’il soit plus resserré que dans d’autres régions du monde en développement, il semble que l’écart entre les riches et les pauvres augmente.
De gros investissements dans le capital humain ont, spectaculairement réduit la mortalité infantile, élevé l’espérance de vie, augmenté la scolarisation et accru les taux d’alphabétisation depuis les années 90.
La plupart de ces 12 pays émergent d’un passé marqué par une forte intervention de l’État dans l’économie et où les entreprises étaient nationalisées.
La part du secteur public est relativement importante dans leur PIB, dans le secteur de l’emploi et dans les investissements. Les créations d’emplois dans le secteur public ont cependant ralenti par rapport aux années 90, mais, dans certains pays, la masse salariale est souvent encore une composante essentielle des dépenses publiques.
Les marchés capitaux sont presque tous sous-développés et l’apport de capitaux pour le secteur privé et la croissance des PME est limité, en particulier le crédit institutionnalisé et le financement à risque.
Leurs secteurs privés sont relativement faibles. On y trouve peu de grandes entreprises privées et la part de l’emploi du secteur formel privé est faible par rapport à l’ensemble du secteur de l’emploi.
Le tissu des PME du secteur formel est ténu et la proportion d’entreprises possédées par des femmes y est extrêmement faible. La majorité des PME (environ 90 pour cent de toutes les entreprises ou plus) ont moins de cinq employés et leur niveau de compétitivité est très bas.
Dans tous ces pays, les entreprises du secteur privé fonctionnent de manière très informelle.
Le coût des transactions étant élevé (bien qu’il varie d’un pays à l’autre), la pratique des affaires revient à cher.
Globalement, ce groupe de pays a moins bien réussi que les pays d’Asie de l’Est et du Sud au cours des années 90 et 2000, l’une des principales raisons étant la lenteur de la croissance de la productivité. Selon la Banque mondiale (2005c), cela s’explique par : (1) production aux mains de l’État ;(2) barrières tarifaires parmi les plus élevées du monde, l’accent étant mis sur les stratégies de substitution de productions nationales aux produits importés au détriment de l’ouverture sur l’extérieur ; (3) entraves intérieures freinant l’investissement privé : bureaucratie, corruption, systèmes judiciaires inefficaces et ligne politique mal définie.
Tous ces pays subissent les pressions de la mondialisation et, dans le droit fil des Accords de libre-échange, ressentent la nécessité de faire preuve de plus de compétitivité vis-à-vis des autres pays et/ou des autres régions du monde. Les entreprises nationales, habituées à fonctionner dans des régimes protectionnistes, sont en position de faiblesse et lorsqu’elles se trouvent dans un environnement de libéralisation et de libre-échange, il leur faut être en mesure d’entrer en concurrence avec les entreprises du monde entier pour obtenir des marchés au plan local ou à international.
Bien qu’ils mettent en place des réformes pour libéraliser leur économie, comme faciliter les courants d’échanges et d’IDE, et rendre l’environnement plus propice aux affaires, il leur manque à tous, à un degré plus ou moins grand, une politique coordonnée de développement du secteur privé.
Les données et les statistiques officielles dont ils disposent sur l’activité du secteur privé, et spécifiquement sur les PME, sont peu fiables et incomplètes.
Leurs procédures pour formuler et élaborer leurs politiques de DSP et des PME ne sont pas au point. Les processus de consultation sont insuffisants, les efforts de plaidoyer des associations du secteur privé et des organisations non gouvernementales (ONG) sont faibles et le recours aux approches qui prennent appui sur la recherche ou qui sont fondées sur les preuves varie considérablement.
Leurs orientations à tous concernant les PME sont manifestement mal coordonnées et la mise en œuvre des politiques et des programmes laisse à désirer à divers degrés.
Ce chapitre s’ouvre par un examen et une analyse plus détaillée des similitudes et des différences dans le domaine économique et social, puis, les chapitres 3 et 4 analysent les principaux défis relatifs au développement du secteur privé et à la croissance.
Les pays les plus importants en termes de population sont l’Égypte et la Turquie avec plus de 75 millions d’habitants, et les plus petits sont le Liban et la Cisjordanie et Gaza (figure 2.1). La croissance démographique dans le groupe des 12 pays MENA est la plus forte du monde, avec des taux de croissance d’environ 2,8 pour cent au Yémen, 2,7 pour cent en Cisjordanie et Gaza, 2,5 pour cent en Irak, 2,2 pour cent en Jordanie et 2 pour cent en Syrie. Ce sont la Tunisie (moins d’un pour cent), l’Algérie, le Liban et le Maroc (juste un peu plus d’un pour cent) qui ont les taux les plus faibles. La taille et la croissance de la population ont des incidences importantes sur la croissance économique. D’une part, lorsque la population d’un pays est forte et / ou en croissance, elle exerce une pression sur la création d’emplois. D’autre part, elle représente un potentiel de croissance du marché intérieur pour produits et services. Les petits pays doivent être particulièrement soucieux d’ouvrir leur commerce et de pénétrer sur les marchés extérieurs, sources de demande et de croissance.
Note : Le PIB nominal est la somme des valeurs des biens et services produits par une économie dans une année donnée, après conversion aux taux de change du marché en dollars US courants.
Sources : Estimations démographiques 2009, WFB ; PIB par habitant, données 2009, FMI (2010) ; estimation du PIB par habitant pour CJ&G, WFB.
Figure 2.1 Population et PIB par habitant
Si l’on se fonde sur la valeur nominale du PIB par habitant7, le pays le plus prospère est la Turquie (son PIB par habitant est de 8723 dollars US) ; le moins prospère est le Yémen (son PIB par habitant est de 1061 dollars US) (figure 2.1).
La croissance du PIB réel dans le groupe des 12 pays a été variable. En 2008, c’est l’Irak qui a enregistré la croissance la plus élevée (9,5 pour cent) suivi par le Liban (8 pour cent), et c’est la Turquie qui a connu la croissance la plus faible (0,9 pour cent) (figure 2.2). Dans la plupart des pays, il y a eu une chute importante de la croissance du PIB en 2009, la cause étant vraisemblablement la crise financière mondiale, la Turquie ayant été la plus touchée. Cette même année, seuls le Yémen et la Cisjordanie et Gaza ont connu une croissance du PIB. Par rapport aux taux moyens de croissance annuels de 2000 à 2008 (IDM), l’Irak, la Cisjordanie et Gaza, l’Égypte, le Maroc, le Liban et la Syrie ont enregistré de meilleurs résultats en 2008, avec des résultats plus marqués en Irak et au Liban. En Tunisie et en Syrie, le taux de croissance du PIB est demeuré à peu près le même, mais a baissé en Algérie, en Jordanie, au Yémen, au Soudan et en Turquie, la chute la plus forte ayant été en Turquie. À l’exception de l’Irak, du Liban, de la Cisjordanie et Gaza, du Maroc et de l’Égypte, les taux de croissance du PIB en 2009 des autres pays ont été inférieurs aux taux moyens annuels de 2000 à 2008. Les 12 pays ont connu une croissance moyenne du PIB de 3,2 pour cent en 2009, de 5,1 pour cent en 2008 et de 3,3 pour cent en moyenne de 2000 à 2008.
Figure 2.2 Taux de croissance du PIB
Selon le Rapport arabe sur le développement humain (RADH) de 2002, il faudrait que les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord enregistrent une croissance annuelle minimale du PIB de 5 pour cent pour réduire le chômage et fournir des emplois aux nouveaux venus sur le marché du travail (PNUD et FADES 2002, p.4). Seuls six du 12 pays MENA ont connu de tels taux de croissance en 2008 et 2009 : le Liban, l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Maroc et le Soudan.
Selon la théorie du développement économique, la distribution structurelle d’une économie change selon les niveaux de développement (Syrquin 1988). Les pays à faible revenu sont initialement plus dépendants de l’agriculture, mais au fur et à mesure que l’économie se développe, l’agriculture laisse place à l’industrie et puis progressivement aux services. D’autre part, on ne saurait occulter le rôle essentiel que jouent la diversification agricole et la modernisation des industries agro-alimentaires comme facteurs déterminants de la croissance pro-pauvres (OCDE 2007a). Bien que les débats sur le développement soient souvent centrés sur les secteurs secondaires et tertiaires, il ne faut pas oublier le secteur agricole dans les stratégies de croissance pro-pauvres.
La structure industrielle diffère de façon spectaculaire d’un pays à l’autre dans le groupe des 12 (figure 2.3). L’agriculture joue encore comparativement un rôle de premier plan dans les économies du Soudan, de la Syrie et du Maroc, alors qu’elle représente moins de 10 pour cent du PIB en Irak, en Algérie, au Yémen, en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Cisjordanie et Gaza. L’Algérie et l’Irak sont les pays où le secteur industriel est le plus puissant moteur de l’économie (il représente plus de 60 pour cent de leur PIB8) alors qu’en Jordanie, au Liban et en Cisjordanie et Gaza, ce sont les services (plus des deux tiers du PIB).
Figure 2.3 Parts des secteurs d’activité dans le PIB
Les économies d’Égypte et du Yémen, par leurs structures sectorielles similaires, se rapprochent le plus de la moyenne distribution sectorielle de l’ensemble des pays MENA en 2008 avec un secteur agricole représentant 11 pour cent du PIB, le secteur industriel 43 pour cent et le secteur des services 46 pour cent (IDM). Les structures sectorielles d’Algérie et d’Irak sont aussi très semblables, dans ces deux pays où le gouvernement a toujours une forte présence dans le secteur industriel et où le pétrole est une composante majeure de l’économie. Le Liban et le Cisjordanie et Gaza ont des structures assez semblables avec une production faible des secteurs agricole et industriel et un large secteur de services.
La région MENA est la région la moins performante au monde en terme de contribution de l’industrie de transformation au PIB, avec une moyenne de 12 pour cent en 2008, contre 14 pour cent pour l’ensemble des pays à faibles revenus, 22 pour cent pour les pays à revenu intermédiaire et 17 pour cent pour les pays à haut revenu (IDM). La part des industries de transformation dans le PIB des 12 pays MENA est également très faible (figure 2.4). C’est en Jordanie, en Turquie et en Tunisie que la production des industries de transformation est la plus forte; l’Égypte, le Maroc et la Syrie ayant également des résultats supérieurs à la moyenne des pays de la région MENA. Dans les cinq autres pays, la production des industries de transformation représente un maximum de 10 pour cent de leur PIB. Ces industries ne représentent qu’une petite part de l’apport du secteur industriel au PIB des pays producteurs de pétrole que sont l’Algérie, l’Irak et le Yémen, ce qui traduit un manque de diversification de l’activité industrielle et une dépendance excessive à l’égard de l’industrie pétrolière. Les limites de cette diversification dans les industries de transformation du pays de la région MENA ont été relevées par Blanc et Louis (2007) qui indiquent que les emplois de l’industrie de transformation sont concentrés dans cinq secteurs, au premier rang desquels l’industrie textile et l’industrie du cuir.
Figure 2.4 Part de l’industrie manufacturière dans le PIB
Si l’on considère la distribution de la main-d’œuvre dans les différents secteurs, on constate une certaine diversité entre les 12 pays MENA. Au Soudan et au Yémen, c’est dans le secteur agricole que la part de la main-d’œuvre est la plus forte (figure 2.5). Quatre-vingt pour cent de la main-d’œuvre soudanaise et plus de la moitié de la main-d’œuvre yéménite vivent de l’agriculture, ce qui correspond à la situation des pays à faible revenu. Plus des deux tiers de la main-d’œuvre de Jordanie, de Cisjordanie et Gaza, d’Irak et de Syrie sont concentrés dans le secteur des services. Les pays où la part relative de la main-d’œuvre est la plus forte dans l’industrie (entre un quart et un tiers) sont l’Algérie, la Tunisie et la Turquie.
Bien que l’apport du secteur industriel dans le PIB d’Algérie et d’Irak soit supérieur à 60 pour cent, la part de la main-d’œuvre dans l’industrie est beaucoup plus faible. Cela signifie qu’une bonne partie de la production industrielle n’a pas grande incidence sur l’emploi, l’une des explications étant la prépondérance de la production pétrolière, une activité à faible intensité de main-d’œuvre. Le secteur industriel du Soudan et du Yémen emploie moins de 7 pour cent de la main-d’œuvre, ce qui, là encore, signifie que les secteurs industriels ne sont pas de gros créateurs d’emplois. De l’autre côté, la forte proportion de main-d’œuvre agricole par rapport au rendement de ce secteur indique une faible productivité en agriculture.
Blanc et Louis (2007) indiquent la nécessité de changements dans la structure actuelle de l’emploi par secteurs si l’on veut tirer profit de l’ouverture sur l’extérieur et du potentiel commercial, et le besoin d’opérer des transferts d’emplois du secteur non exportateur vers les secteurs exportateurs ayant un avantage concurrentiel. Selon leur analyse, les secteurs non exportateurs, en particulier les services publics, représentent toujours une grande part de l’économie comparé aux secteurs exportateurs. En effet, alors que les secteurs des services et de l’agriculture, qui absorbent la majeure partie de la main-d’œuvre, ne sont pas suffisamment libéralisés, le secteur des industries de transformation quant à lui est comparativement petit.
Figure 2.5 Part de la population active dans les secteurs d’activité
Un niveau minimum de capacités humaines est nécessaire pour que les gens puissent s’engager dans une activité économique productive. La productivité d’une nation est bridée si les taux d’alphabétisation sont bas et si l’état de santé général laisse à désirer (Sala-i-Martin et autres 2008). Le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD 2009) présente un tableau comparatif des performances des capacités humaines des pays en se fondant sur un certain nombre d’indicateurs, dont l’alphabétisation des adultes, les niveaux de pauvreté, la scolarisation, l’espérance de vie, la malnutrition infantile et les populations ne disposant pas d’une source d’eau améliorée. L’Indice de développement humain (IDH) crée à cet effet est un indice composite qui comprend l’indice d’espérance de vie, l’indice d’instruction et l’indice de pauvreté humaine.9 Collectivement, ces indices fournissent une mesure du niveau des capacités humaines d’un pays – instruction, santé et bien-être — éléments importants comme mesures des résultats de la croissance en faveur des pauvres.
Le tableau 2.2 présente les résultats du classement IDH de 2009 et les différents scores des 12 pays MENA. Bien qu’ils soient tous évalués comme étant des pays à développement intermédiaire, seules la Turquie et la Jordanie se classent dans la première moitié des 182 pays avec des valeurs de 0,806 et 0,803 (la valeur maximale étant 1,0). Le Soudan se situe en bas du classement des 12 pays avec une valeur IDH de 0,521. Les écarts de performances se retrouvent entre les indicateurs et entre les pays. La Cisjordanie et Gaza, la Jordanie et le Liban ont des taux d’alphabétisation des adultes supérieurs, par exemple, à ceux de la Turquie. La Jordanie a le taux brut de scolarisation le plus élevé, mais c’est la Cisjordanie et Gaza qui a le score le plus élevé sur l’indice de pauvreté humaine. La Syrie et la Tunisie ont l’espérance de vie la plus élevée et la Cisjordanie et Gaza arrivent en tête pour l’indice de pauvreté humaine. Le Yémen et le Soudan font les plus mauvais scores sur tous les indicateurs.
Bien qu’il soit difficile de disposer d’un ensemble de données à jour comparables sur les niveaux d’égalité en matière de pauvreté et de revenus (Bibi et Nabli 2010), les estimations disponibles les plus récentes indiquent qu’il y a entre 7,4 pour cent de la population de Tunisie et plus de 45 pour cent de celle du Yémen qui vit en dessous du seuil de pauvreté alors que dans la bande de Gaza, environ 80 pour cent de la population vie dans la pauvreté (tableau 2.3). C’est en Turquie que la dispersion des revenus (ou l’inégalité) est la plus large (le RNB par habitant y est le plus élevé dans le groupe des 12 pays), suivi de la Tunisie; les premiers pays de la région ayant libéralisé leur économie. Au contraire, c’est en Égypte et en Algérie que la dispersion des revenus est la plus faible.
La Banque mondiale (2005c) fait observer que l’accroissement de l’inégalité des revenus ne conduit pas forcément à un accroissement de la pauvreté. En effet, même des politiques aggravant la distribution des revenus peuvent réduire les niveaux de pauvreté à condition que les effets soient suffisamment larges sur la croissance, auquel cas une augmentation de l’inégalité peut en fait se produire en même temps qu’une réduction des niveaux de pauvreté. Il est de plus en plus démontré que les pays ayant des taux initiaux d’inégalité plus élevés ont besoin de taux de croissance plus élevés pour réduire la pauvreté au même rythme que ceux qui ont un niveau initial d’inégalité plus faible (OCDE 2004a). Cela signifie, par exemple, que, pour réduire les inégalités en Turquie et en Tunisie, il faudrait des niveaux de croissance du RNB par habitant plus élevés qu’en Égypte et en Algérie. Bibi et Nabli (2010) concluent que les politiques de croissance doivent s’accompagner de politiques de redistribution afin d’éviter que la marginalisation des pauvres ne s’accentue.
Tableau 2.2 Performance des pays MENA selon l’indice de développement humain
Pays |
IDH – |
2007 |
Espérance de vie à la naissance (années) |
Taux d’alpha-bétisation des adultes (% 15 ans et plus) |
Ratio combiné de scolarisation brute (%) |
Indice d’espérance de vie |
Indice de développement de l’éducation |
|
Rang |
Valeur |
2007 |
1999-2007 |
2007 |
2007 |
2007 |
Turquie |
79 |
0.806 |
71.7 |
88.7 |
71.1 |
0.779 |
0.828 |
Liban |
83 |
0.803 |
71.9 |
89.6 |
78.0 |
0.781 |
0.857 |
Jordanie |
96 |
0.770 |
72.4 |
91.1 |
78.7 |
0.790 |
0.870 |
Tunisie |
98 |
0.769 |
73.8 |
76.7 |
76.2 |
0.813 |
0.772 |
Algérie |
104 |
0.754 |
73.6 |
75.4 |
73.6 |
0.787 |
0.748 |
Syrie |
107 |
0.742 |
74.1 |
83.1 |
65.7 |
0.818 |
0.773 |
Cisjordanie et Gaza |
110 |
0.737 |
73.3 |
93.8 |
78.3 |
0.806 |
0.886 |
Egypte |
123 |
0.703 |
69.9 |
66.4 |
76.4 |
0.749 |
0.697 |
Maroc |
130 |
0.654 |
71.0 |
55.6 |
61.0 |
0.767 |
0.5743 |
Yémen |
140 |
0.575 |
62.5 |
58.9 |
57.4 |
0.624 |
0.574 |
Soudan |
150 |
0.531 |
57.9 |
60.9 |
39.9 |
0.548 |
0.539 |
Irak |
.. |
.. |
67.8 |
74.1 |
60.5 |
0.714 |
0.695 |
Note : La valeur de l’IDH est basée sur un score maximum de 1,0. L’IPH mesure la proportion de personnes vivant en dessous d’un certain seuil de pauvreté dans chacune des trois dimensions de l’IDH : une vie longue et en bonne santé (proportion de personnes dont l’espérance de vie n’atteint pas 40 ans) ; accès au savoir (taux d’alphabétisation des adultes) ; et un niveau de vie décent (moyenne non pondérée de personnes n’utilisant pas une source d’eau potable et proportion d’enfants de moins de 5 ans qui ont un déficit pondéral par rapport à l’âge).
Le rang est un classement de 182 pays. Le pays en queue de classement est le Niger avec un IDH de 0,340. La Norvège est en tête du classement avec un IDH de 0,971.
Source : Données du PNUD (2009).
|
N’atteindront probablement pas 40 ans (% de cohorte) |
Taux d’alphabétisation des adultes (% 15 ans et plus) |
Population n’utilisant pas source d’eau potable (%) |
Insuffisance pondérale pour l’àge Enfants de moins de 5 ans (%) |
Population en dessous du seuil de pauvreté |
|||
US$1.25 par jour |
US$2.00 par jour |
% en dessous du seuil de pauvreté |
||||||
Rang |
Valeur % |
2005-2010% |
1999-2007 |
2006 |
2000-2006 |
2000-2007 |
2000-2007 |
2000-2007 |
40 |
8.3 |
5.7 |
11.3 |
3 |
4 |
2.7 |
9.0 |
27.0 |
33 |
7.6 |
5.5 |
10.4 |
0 |
4 |
.. |
.. |
.. |
29 |
6.6 |
5.3 |
8.9 |
2 |
4 |
.. |
3.5 |
14.2 |
65 |
15.6 |
4.1 |
22.3 |
6 |
4 |
2.6 |
12.8 |
7.6 |
71 |
17.5 |
6.4 |
24.6 |
15 |
4 |
6.8 |
23.6 |
22.6 |
56 |
12.6 |
3.9 |
16.9 |
11 |
10 |
.. |
.. |
.. |
24 |
6.0 |
4.3 |
6.2 |
11 |
3 |
.. |
.. |
.. |
82 |
23.4 |
7.2 |
33.6 |
2 |
6 |
.. |
18.4 |
16.7 |
96 |
31.1 |
6.6 |
44.4 |
17 |
10 |
2.5 |
14.0 |
.. |
111 |
35.6 |
15.6 |
41.1 |
34 |
46 |
17.5 |
46.6 |
41.8 |
104 |
34.0 |
23.9 |
39.1 |
30 |
41 |
.. |
.. |
.. |
75 |
19.4 |
10.0 |
25.9 |
23 |
8 |
.. |
.. |
.. |
Les taux de dispersion des revenus dans les le groupe des 12 pays n’ont guère changé depuis les années 90, bien qu’ils soient maintenant sensiblement plus élevés en Égypte et en Jordanie qu’ils ne l’étaient à l’époque.10 Il est difficile en particulier de comparer cinq pays de la région à cause de différences dans les années de références des données sur la pauvreté et de données manquantes. Cependant, selon le Rapport arabe sur le développement humain de 2002, la distribution des revenus est plus égalitaire dans les pays de la région MENA que dans bien d’autres parties du monde. Ceci est largement dû aux envois de fonds, aux travailleurs immigrés, aux subventions des gouvernements aux pauvres, aux pratiques musulmanes de la zakat et de la sadaqa11 et à l’existence d’un grand nombre d’organisations caritatives (PNUD et FADES 2002).
Les envois de fonds, rapatriés à leur familles par les travailleurs émigrés ou expatriés, représentent un apport considérable de fonds extérieurs pour les 12 pays MENA. Ces envois de fond constituent non seulement un revenu pour les familles qui les reçoivent mais sont aussi une source de devises importante qui, dans certains cas, est supérieure à l’apport des IDE. Le Liban, la Jordanie et la Cisjordanie et Gaza sont les pays qui reçoivent le plus de ces envois, plus d’un quart du PIB au Liban, 18 pour cent en Jordanie et 14 pour cent en Cisjordanie et Gaza (figure 2.6). Ce sont les trois pays du groupe des 12 où la population est la plus faible et ils comptent tous un nombre important de personnes déplacées, réfugiées ou expatriées.
L’aide publique reçue par les 12 pays au titre d’aide par habitant ou comme pourcentage du RNB est très variable selon les pays (tableau 2.4). L’Irak reçoit la plus forte APD par habitant, suivi par la Cisjordanie et Gaza et le Liban tandis que l’Algérie, la Turquie, le Yémen et la Syrie sont les pays en recevant le moins. Le Yémen avec un PIB par habitant légèrement supérieur à 1000 dollars US est défavorisé en termes d’APD. En fait, selon les estimations du PNUD, il faudrait au Yémen un apport d’APD d’environ 75 dollars US par habitant pour qu’il puisse réduire de moitié la pauvreté des revenus à l’horizon 2015 (PNUD 2006a). Il est à noter que les pays riches en pétrole, comme l’Algérie et la Syrie, sont moins tributaires de l’APD et peuvent se montrer plus sélectifs dans le choix des partenariats d’aide, notamment durant les périodes où les revenus du pétrole sont élevés.
Tableau 2.3 Niveaux de pauvreté et d’inégalité des revenus
Figure 2.6 Niveau des envois de fonds et RNB par habitant
Tableau 2.4 Niveau de l’Aide publique au développement (APD) par pays
Pays |
APD par habitant (US$) |
Aide en % du RNB |
Pays |
APD par habitant (US$) |
Aide en % du RNB |
Irak |
$767 |
.. |
Maroc |
$39 |
1,4 |
Cisjordanie et Gaza |
$504 |
.. |
Turquie |
$27 |
0,3 |
Liban |
$229 |
3.9 |
Egypte |
$17 |
0,8 |
Jordanie |
$88 |
3.0 |
Yémen |
$13 |
1,3 |
Soudan |
$55 |
5.0 |
Algérie |
$9 |
0,2 |
Tunisie |
$46 |
1,3 |
Syrie |
$7 |
0,3 |
Note : L’APD par habitant est en moyenne de 42 dollars US dans les pays à faible revenu, de 11 dollars US dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure et de 73 dollars US dans les pays de la région MENA. L’aide moyenne en pourcentage du RNB est de 7,4% dans les pays à faible revenu, de 0,3% dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure et de 1,9% dans les pays de la région MENA.
Source : IDM, données 2008; données 2006 pour l’Irak.
1. Le PIB est calculé comme valeur du taux de change en dollars US.
2. Les estimations relatives à la démographie, au PIB et à la main-d’œuvre sont empruntées au World Factbook (WFB) de la CIA disponibles sur le site http://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos (à la date du 4 février 2010).
3. Définitions selon les classifications par pays de la Banque mondiale à partir de juillet 2009 établies selon le mode de calcul du RNB de la méthode Atlas (et sur les données de 2008) : pays à faible revenu, < RNB par habitant 975 dollars US ; pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, RNB par habitant 976 dollars US–3855 dollars US ; pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, RNB par habitant 3856 dollars US–11 905 dollars US ; pays à haut revenu, 11 906 dollars US ou plus.
4. Catégorisation utilisée par la Banque mondiale (Banque mondiale 2007b). Ressources « riches » dans le cas des pays MENA indique généralement la présence de réserves de pétrole et de gaz.
5. Estimations démographiques du WFB pour juillet 2009.
6. Valeurs nominales du PIB par habitant résultant de la conversion, aux taux de change du marché, des monnaies nationales en dollars courants (voir FMI 2010).
7. Valeurs nominales empruntées à la base de données du Fonds monétaire international (FMI 201). La méthode de conversion de parité du pouvoir d’achat donne des valeurs absolues plus élevées pour le PIB par habitant.
8. À noter qu’en Algérie et en Irak la production de pétrole et d’hydrocarbures dominent les secteurs industriels.
9. Pour de plus amples informations sur l’indice de développement humain (IDH), se reporter à http://hdrstats.undp.org/en/indicators.
10. Dans les années 90, l’indice de dispersion des revenus était de 5,7 pour l’Égypte (1995) et de 9,1 pour la Jordanie (1997) (PNUD et FADES 2002, p.91)
11. Zakat et sadaqa: pratiques islamiques selon lesquelles on donne aux pauvres un certain pourcentage de la richesse individuelle.
Au cours de la première décennie du 21ème siècle, les gouvernements du groupe des 12 pays MENA ont cherché de plus en plus à créer les conditions favorables au développement du secteur privé. Si certains ont progressé plus rapidement que d’autres, le secteur privé demeure sous-développé dans tous les pays. Étant donné la tendance à accentuer la libéralisation de l’économie et l’ouverture sur l’extérieur, la diminution du rôle du secteur public dans l’activité économique et l’emploi, ainsi que la nécessité d’améliorer le niveau de vie des habitants, la volonté d’accélérer le développement et la croissance de l’activité du secteur privé est toujours très forte. Dans ce contexte, les 12 pays MENA se trouvent confrontés à un certain nombre de pressions et de défis économique et social majeurs, dont sept s’imposent de toute évidence :
1. le défi de la création de postes et de l’emploi ;
2. le défi de l’économie informelle ;
3. le défi de l’éducation, des compétences et du savoir ;
4. le défi des sciences, de la technologie et de l‘innovation ;
5. le défi de l’intégration dans l’économie mondiale;
6. le défi de l’équité et de l’égalité des genres; et
7. le défi des PME et de l’entrepreneuriat.
Les six premiers de ces défis sont analysés en détail dans le chapitre 3 et le défi des PME et de l’entrepreneuriat au chapitre 4. Il est à noter qu’il y a un lien étroit entre tous ces défis, qui sont, en quelque sorte, solidaires les uns des autres.
L’un des défis incontestable qui s’imposent aux pays MENA est le défi de la création d’emplois. Selon le Rapport arabe sur le développement humain de 2002, cette nécessité est probablement d’une ampleur sans égal dans les pays MENA comparé aux autres parties du monde (PNUD et FADES, 2002). Selon les projections de la Banque mondiale, il faudra, entre 2010 et 2020, 40 millions de nouveaux emplois rien que pour absorber la masse des nouveaux demandeurs d’emplois (Banque mondiale 2009c). Actuellement, la population compte un nombre important de jeunes, une main-d’œuvre en expansion excédent la demande du marché du travail et une faible utilisation de la main-d’œuvre existante, et dont les caractéristiques sont de faibles taux d’emploi, de faibles taux de participation de la main-d’œuvre féminine et des taux de chômage élevés. Confrontés à d’importants excédents de main-d’œuvre, à un flux croissant de primo-demandeurs et à une contraction des secteurs publics, les pays de cette région ont besoin d’un secteur privé en expansion pour créer les débouchés nécessaires et contribuer aux objectifs de croissance économique et de réduction de la pauvreté. La clé de la croissance future est de permettre à plus de personnes d’obtenir un emploi productif et de faciliter la transition progressive d’emplois peu qualifiés et faiblement productifs vers des postes plus qualifiés et plus productifs. Les facteurs qui interviennent dans la création d’emplois sont présentés ci-dessous.
Par comparaison avec les autres parties du monde, à l’exception de l’Afrique subsaharienne, les 12 pays MENA ont une population qui compte une forte proportion de jeunes. Le pourcentage de la population de moins de 15 ans varie d’environ 23 pour cent en Tunisie à plus de 46 pour cent au Yémen. Le pourcentage de la population de 65 ans et plus varie d’un minimum de 2,5 pour cent au Soudan et au Yémen à un maximum d’un peu plus de 7 pour cent au Liban et en Tunisie (figure 3.1). L’âge médian de la population du groupe des 12 pays MENA est de 23.6 ans, dont six pays variant de moins de 17 ans au Yémen à un peu plus de 29 ans au Liban et en Tunisie.1 Les pays en conflit ont les populations les plus jeunes (Irak, Soudan, Cisjordanie et Gaza, et Yémen) et les taux de fécondité les plus élevés (une moyenne de 4,4 naissances par femme2 alors que la moyenne des autres pays du groupe des 12 est seulement de 2,4 naissances).
Figure 3.1 Distribution des âges par pays
La population des moins de 15 ans dans les 12 pays MENA approche les 117 millions3, ce qui, en moyenne, représente 32,5 pour cent de l’estimation totale de la population en 2009. Cette réalité démographique annonce un accroissement de main-d’œuvre pour les années à venir. La croissance de la population active est un facteur étroitement lié à la croissance économique, qui peut se révéler positive si les participants peuvent accéder à un emploi rémunéré. Cette croissance représente donc à la fois une opportunité et un défi pour les 12 pays MENA (ONU 2007). Selon Silatech (2009), il ne s’agit pas seulement d‘accroître le nombre d’emplois pour la jeunesse arabe, mais la qualité de ces emplois.
Le rythme de croissance de la population en âge de travailler est plus rapide que la demande du marché. Avec des populations relativement jeunes, le nombre de primo-entrants sur le marché du travail dépasse de beaucoup la capacité d’absorption actuelle des marchés du travail, ce qui se solde par un déficit annuel considérable en termes d’emplois (tableau 3.1). Selon la Banque mondiale (2007b, p.86), il faudrait que les pays de la région créent 68 millions de nouveaux emplois pour absorber les primo-entrants sur le marché du travail entre 2005 et 2020 et 20 autres millions pour éliminer le chômage.4 L’autre défi de la région est que les secteurs à forte valeur ajoutée ne sont pas ceux qui créent la majorité des emplois. En effet, la plupart des emplois actuels sont des emplois à faible qualification et rémunération dans les secteurs de l’agriculture, la construction, l’industrie de transformation de bas de gamme et dans le secteur informel.
Le secteur public était l’employeur de premier et de dernier recours dans les 12 pays MENA. Faute d’un secteur privé dynamique, les emplois de la fonction publique sont les seules voies d’allègement des pressions du marché du travail et ils ont connu une expansion rapide au cours des décennies passées, le résultat étant un secteur public onéreux selon les normes internationales (Banque mondiale 2007b). Avant les années 90, par exemple, le gouvernement syrien exigeait des diplômés des universités publiques qu’ils accomplissent obligatoirement une période dans la fonction publique (Huitfeldt et Kabbani 2005). L’Égypte garantissait, elle aussi, un emploi dans la fonction publique à ses diplômés. Au cours des dernières années, dans le cadre de leurs programme de réformes, le secteur public de la région a réduit ses effectifs et ses dépenses publiques. La création d’emplois dans le secteur public s’est ralentie par rapport aux années 90 bien que la part de masse salariale entrant dans le produit intérieur brut (PIB) est néanmoins supérieure au niveau de 1990 en Égypte, au Maroc et en Tunisie (Banque mondiale 2007b). Cela n’empêche pas les jeunes d’avoir toujours une préférence très marquée pour les emplois dans l’administration. En Irak, en Syrie, en Jordanie, en Égypte et au Yémen, plus de la moitié des 15–29 ans préféreraient un emploi dans l’administration et moins de 20 pour cent dans le secteur privé (Silatech 2009). C’est au Soudan, par contre, que les jeunes ont la plus forte préférence pour le secteur privé (32 pour cent).
Tableau 3.1 Déficit annuel d’emplois pour les primo-entrants sur le marché du travail, sélection de pays
Pays |
Croissance annuelle population active (2005-2010)* % |
Croissance annuelle primo-entrants** |
Emplois disponibles |
Déficit annuel d’emplois |
Yémen |
4.3 |
188 000 (1) |
117 000 |
71 000 |
Cisjordanie et Gaza |
3.4 |
54 000 (2) |
.. |
.. |
Syrie |
3.7 |
196 000 (3) |
140 000 |
56 000 |
Égypte |
2.5 |
638 000 (4) |
446 310 |
191 690 |
Maroc |
2.2 |
200 000 (5) |
.. |
.. |
Algérie |
3.1 |
250 000 (6) |
100 000 |
150 000 |
Tunisie |
2.7 |
88 300 (7) |
67 825 (8) |
21 475 |
Turquie |
1.7 |
700 000 (9) |
575 000 (10) |
125 000 |
Jordanie |
3.3 |
50 000 (11) |
.. |
.. |
Liban |
2.5 |
.. |
.. |
.. |
Irak |
3.5 |
|
|
|
Notes :
(2) nombre annuel moyen d’entrants sur le marché du travail 2000–2005; n’étaient disponibles que 140 000 emplois en moyenne ;
(4) nombre annuel d’entrants sur le marché du travail 2001–2010 ;
(7) création annuelle moyenne d’emplois 2003–2006 ;
(8) création annuelle moyenne d’emplois 2001–2005.
Sources : *Banque mondiale (2007b), p.161, basé sur projections OIT. Données TR extraites de l’IMD International (2009).
**Estimations et sources des pays: (1) PNUD (2006a), p.93 ; (2) CNUCED (2004), p.7 ; (3) Goheer (2008), p.12 ; (4) FEMISE (2009), p.104 ; (5) USAID (2008b), p.40 ; (6) informateur clé ; (7) BAfD et OCDE (2008d), p.598 ; (8) BAfD (2007), p.18 ; (9) CE (2007c) ; (10) PNUD (2008) ; (11) FEMISE (2009), p.134.
Les États ne peuvent plus fournir des emplois à tous les primo-entrants sur le marché du travail et le secteur privé formel est trop petit et son développement lent pour les absorber. On sait que le secteur des micro- et petites entreprises (MPE), notamment le secteur informel, est celui qui absorbe le plus les excédents de main-d’œuvre, mais c’est un secteur fragile et la plupart des emplois créés sont des emplois de faible qualification non protégés, notamment des emplois non rémunérés dans les entreprises familiales et dans l’agriculture. L’entrée sur le marché du travail pour ceux qui sont à la recherche d’un premier emploi se fait de plus en plus par le canal du secteur informel, ce qui a pour conséquence un taux de chômage élevé. Une augmentation de l’offre d’emplois ne serait possible que grâce à une croissance accélérée du secteur privé (Banque mondiale 2004d). Cela nécessitera que les gouvernements travaillent à la réduction des restrictions de leur législation et de leur réglementation du travail ainsi qu’à la diminution de l’impact des coûts élevés des éléments non salariaux et de la sécurité sociale sur les pratiques d’embauche des entreprises, notamment des MPE. Des efforts supplémentaires sont également à fournir pour combler le décalage entre les compétences des diplômés et les besoins des employeurs. Ces contraintes, ajoutés à la fuite des cerveaux et le peu d’empressement des diplômés à monter leurs propres entreprise, sont les problèmes les plus évidents auxquels sont confrontés les pays de la région (CE 2006a ; FEMISE 2008).
En plus du besoin d’absorber une masse grandissante de primo-demandeurs, les pays MENA connaissent des taux de chômage élevés. C’est un immense défi pour les pays de la région, où les taux de chômage sont parmi les plus élevés du monde, et le sont depuis longtemps (PNUD et FADES 2002 ; Banque mondiale 2007b ; Blanc et Louis 2007). Le taux de chômage officiel dans les 12 pays est en moyenne de 14 pour cent. C’est en Cisjordanie et Gaza qu’il est le plus élevé (26 pour cent) et au Liban et en Syrie qu’il est le plus bas (9,2 pour cent) (figure 3.2).5
Six de ces pays ont des taux de chômage de 14 pour cent, ou plus. Cela traduit surtout l’inefficacité d’un marché du travail où un grand nombre de gens voulant travailler aux taux de salaires courants se trouvent dans l’impossibilité de le faire.
Figure 3.2 Taux de chômage élevés mais variant d’un pays MENA à l’autre
La situation du chômage est particulièrement préoccupante pour les femmes et pour les jeunes. Bien que la participation des femmes à la vie économique s’accroisse dans le groupe des 12 pays MENA, le nombre de celles qui se retrouvent au chômage s’accroît aussi. Le taux de chômage des femmes est plus de trois fois supérieur à celui des hommes en Égypte, en Syrie et au Yémen, et deux fois plus en Jordanie. Les taux de chômage ne sont semblables pour les hommes et pour les femmes qu’au Maroc, au Liban, en Turquie et en Cisjordanie et Gaza.
Les taux de chômage des jeunes sont à un niveau élevé préoccupant. Selon les pays de cette région, les 15–24 ans représentent 20 à 35 pour cent de la population active et surtout entre 35 et 80 pour cent du chômage. Les moins de 30 ans représentent plus de 70 pour cent du chômage en Algérie, tandis que les 15–24 ans représentent 78 pour cent en Syrie, environ 65 pour cent en Jordanie, presque la moitié au Liban et 42 pour cent au Maroc. Le taux de chômage des 20–24 ans est supérieur à 30 pour cent en Tunisie et au Liban, et supérieur à 28 pour cent en Jordanie, c’est-à-dire deux ou trois fois plus élevé que les moyennes nationales respectives.
Il semble que, dans de nombreux 12 pays MENA, les jeunes ayant un bon niveau d’instruction soient pénalisés au regard de l’emploi (Banque mondiale 2004d). C’est souvent parmi les jeunes diplômés d’université que le taux de chômage est le plus élevé, les femmes étant les plus durement touchées (Assaad 2006 ; JCPPR 2006). Deux raisons sont avancées pour expliquer le fait que les jeunes diplômées soient les plus touchés: certains employeurs du secteur privé ont une nette préférence pour les demandeurs d’emplois masculins soi-disant pour éviter les surcoûts salariaux liés aux congés de maternité et autres prestations. L’autre raison est que les femmes ayant un certain niveau d’instruction ne sont pas prêtes à accepter les emplois de faible qualification et de faible rémunération qu’on leur propose (OIT 2008b).
Plusieurs gouvernements font de gros investissements dans des programmes d’emplois pour les jeunes. Le gouvernement algérien a créé l’Agence de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ) il y a plusieurs années pour essayer de réduire les taux de chômage des jeunes. Ces dernières années, l’ANSEJ a mis en place un programme de création d’entreprises destiné aux diplômés des universités et des instituts techniques. Ce programme comporte la formation, l’aide au plan d’affaires et un prêt-relais par le biais d’un fonds de garantie. Les ministères du gouvernement libanais se sont associés au secteur privé pour lancer le programme BADER pour les jeunes entrepreneurs et le ministère de l’Économie et du Commerce a publié un document pour encourager les jeunes à créer leurs entreprises. En Syrie, le programme BIDAYA propose formation et conseils à d’éventuels jeunes entrepreneurs et a lancé plusieurs incubateurs qui proposent des modules de formation à la gestion d’entreprise pour aider les jeunes défavorisés à monter leur entreprise. Le programme marocain Moukalatawi géré par l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC) propose formation, coaching, garantie de prêt de 85% et un suivi de soutien pour encourager les diplômés d’université à créer des PME. Les « fenêtres » Moukalatawai apportent soutien à ces jeunes entrepreneurs sur l’ensemble du territoire. L’objectif initial du gouvernement marocain était ainsi de créer 30 000 nouvelles entreprises entre 2004 et 2009, mais du fait de résultats décevants, le programme a été révisé en 2009, l’objectif étant ramené à 10 000 nouvelles entreprises. De leur côté, le gouvernement turc a un programme de crédit pour les nouvelles entreprises créées par de jeunes entrepreneurs et le gouvernement tunisien a lancé une campagne nationale pour soutenir l’entrepreneuriat parmi les étudiants de l’enseignement supérieur. Pour encourager l’embauche de nouveaux diplômés universitaires, le gouvernement tunisien propose de prendre en charge la totalité de leurs salaires pendant les deux premières années de leur emploi et de couvrir les frais de formation initiale (Département d’État 2009). Dans nombre de ces pays, les bailleurs, les ONG et les associations de jeunes entrepreneurs ciblent les jeunes par des initiatives de créations d’emplois et d’entreprises.
La faible représentation des femmes dans la population active est un autre défi de la région. Le taux d’activité des femmes dans les pays de la région MENA est le plus faible au monde. Il y a en moyenne 26 pour cent de femmes de 15 à 64 ans qui ont un emploi, ou en cherchent un, contre 74 pour cent pour les hommes (Banque mondiale 2010d p.68). C’est en Algérie et au Soudan que les taux de participation des femmes sont les plus élevés des 12 pays MENA (respectivement 37 et 31 pour cent), et c’est en Irak et en Cisjordanie et Gaza qu’il est le plus faible (respectivement 13 et 16 pour cent) (figure 3.3). Pour autant, dans tous les pays, ils sont inférieurs à 49 pour cent, la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure (LUMI) auxquels appartiennent les pays MENA.
Les faibles taux d’activité se retrouvent dans la faible représentation des femmes dans la main-d’œuvre. Celle-ci varie en valeur absolue d’un maximum de 31 pour cent en Algérie à un minimum de 16 pour cent en Irak et en Cisjordanie et Gaza. Par comparaison, la moyenne est de 43,4 pour cent dans les pays à haut revenu, de 38,8 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure et de 44,5 pour cent dans les pays à faible revenu (Banque Mondiale 2010d, p.68). Le faible taux d’activité des femmes va de pair avec un taux plus élevé de chômage que chez les hommes dans la plupart de ces pays (nettement plus élevé dans certains cas) et d’emploi familial non rémunéré.
Cependant, selon la Banque mondiale (2007b), l’augmentation de la présence des femmes est le seul changement d’importance majeure survenu ces dernières années sur le marché du travail dans les pays MENA. Bien que, selon les normes internationales, les taux d’activité de la main-d’œuvre féminine soient encore faibles, ils ont connu un accroissement rapide au cours des 15 dernières années en Algérie, en Jordanie, en Syrie et en Tunisie, mais ont stagné en Irak, au Liban, au Maroc, en Égypte, au Soudan, au Yémen et en Cisjordanie et Gaza.
Figure 3.3 Part de la population active et taux d’activité, homme-femme
La Banque mondiale souligne (2004b) que le taux d’activité des femmes est une question fondamentale pour les pays de cette région et fait remarquer que le bienêtre économique d’une population — notamment l’alimentation, le logement, la santé et autres biens et services régis par les lois du marché — est fonction de la proportion de la population active et de ce que gagne chaque salarié. On voit donc que le faible taux d’activité des femmes a un coût élevé à la fois pour l’économie et pour la famille. Le rapport de la Banque mondiale démontre que le niveau de revenu par habitant s’élève lorsqu’il y a progression du taux d’activité des femmes, ce qui, du même coup, contribue à réduire la pauvreté et à accélérer la croissance économique pour le bien à la fois de la famille et de l’économie.
Le taux d’emploi officiel moyen dans les 12 pays MENA n’est que de 42 pour cent, avec un maximum de 49 pour cent en Algérie et un minimum de 30 pour cent en Cisjordanie et Gaza. Au total, moins de la moitié de la population a un emploi (figure 3.4).6 En comparaison, le taux moyen d’emploi est de 60 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure et de 45 pour cent dans tous les pays de la région MENA (Banque Mondiale 2010d, p. 76). Seuls quatre pays du groupe des 12 dépassent la moyenne de la région : l’Algérie, le Soudan, le Maroc et le Liban. Les taux d’emploi parmi les 15–24 ans sont considérablement plus faibles, avec une moyenne de 26 pour cent dans les 12 pays de la région (l’écart étant de 35 pour cent au Maroc à 15 pour cent en Cisjordanie et Gaza), et de 29 pour cent dans l’ensemble de la région MENA, contre 42 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure et 43 pour cent dans les pays à revenu élevé (Banque Mondiale 2010d, p. 76).
Figure 3.4 La population adulte et l’emploi
Le faible taux d’activité des femmes est la cause principale des faibles résultats sur le plan de l’emploi dans les pays de la région MENA. Le nombre de femmes au travail ne dépasse en moyenne que très légèrement 20 pour cent de la totalité de la population active occupée du groupe des 12 pays MENA, le maximum étant plus de 27 pour cent au Maroc et au Soudan et le minimum inférieur à 16 pour cent en Algérie, en Jordanie et en Syrie (figure 3.5). Il se peut que les taux plus élevés au Maroc, en Tunisie et en Turquie, soit en partie dû au fait que les ouvrières bénéficient de la croissance des années précédentes dans le secteur du textile et du vêtement.
La forte concentration des femmes dans certains sous-secteurs de l’économie indique qu’il y a une ségrégation sexuelle en matière de main-d’œuvre. Dans certains pays, les femmes sont plus souvent employées dans le secteur public que les hommes alors qu’elles sont généralement nettement sous-représentées dans le secteur privé formel. Par exemple, la moitié de tous les hommes qui ont un emploi en Irak travaille dans des sociétés du secteur privé formel contre 17 pour cent des femmes. En revanche, près de la moitié de la totalité des femmes ayant un emploi travaillent dans l’administration contre 25 pour cent des hommes (MPCD 2005a). En Égypte, les femmes ne représentent que 15 pour cent de tous les travailleurs du secteur privé formel. Dans toute cette région, on rapporte que les préjugés du secteur privé formel contre l’embauche des femmes sont monnaie courante (RWEL 2008c). Les femmes représentent également une proportion élevée de l’emploi familial non rémunéré par rapport aux hommes et sont moins susceptibles que les hommes d’être impliqués dans l’activité entrepreneuriale ou la propriété d’une PME, une question qui sera examinée au chapitre 4. On voit donc que la configuration de la main-d’œuvre féminine est fort différente de celle de la main-d’œuvre masculine, révélant une source inexploitée de possible croissance économique. C’est une question qui mérite de plus amples recherches et une attention plus marquée de la part des pouvoirs publics.
Figure 3.5 Faiblesse de la part des femmes dans l’emploi
Dans tous les pays, qu’ils soient en développement, en transition ou développés, il y a un secteur informel de l’économie. Ce qui diffère, c’est l’ampleur du phénomène. L’économie informelle joue un rôle beaucoup plus grand dans les économies des pays en développement, fournissant emploi et revenu à nombre de ménages et de gens pauvres qui ne peuvent pas trouver de travail dans l’économie formelle (OCDE 2006). Toutefois l’OCDE souligne que soutenir les activités du secteur informel n’est pas, sur le long terme, une solution pour réduire la pauvreté. Si tel était le cas, les pays qui ont une économie informelle de grande ampleur seraient moins pauvres, ce qui va à l’encontre d’une réalité avérée, à savoir que les pays qui ont les revenus par habitant les plus élevés ont des secteurs informels de moindre ampleur (Ayyagari et autres 2003 ; OCDE 2006). D’autres études concluent que la taille du secteur informel n’est pas seulement une fonction du niveau de développement économique, mais qu’elle est fortement corrélée avec les caractéristiques spécifiques du pays. Ce secteur est généralement plus petit dans les pays qui ont une réglementation favorable aux affaires, un dispositif législatif qui optimise la concurrence, une fiscalité relativement légère, des droits de propriété sécurisés, une législation du travail moins lourde et un système judiciaire de qualité (Pratap et Quintin 2006). L’ampleur du secteur informel d’un pays traduit souvent l’importance des barrières que la réglementation oppose à l’entrée de nouvelles entreprises et un manque de concurrence ouverte. L’économie informelle est plus présente dans les pays qui ont des écarts de revenus plus marqués (Schneider 2005) et aune plus grande ampleur dans les pays où les niveaux d’accumulation de capital humain7, les dépenses publiques et le développement d’intermédiaires financiers sont plus faibles (Ayyagari et autres 2003).
Pour réussir à améliorer la compétitivité, il faudra renforcer les activités du secteur formel dans le secteur privé. Cela demandera plus d’efficacité dans la mise en œuvre et le respect des politiques, des lois et des réglementations (Snodgrass et Winkler 2004) et la conception de réformes appropriées à l’environnement des affaires (Zinnes 2009). La mise en œuvre de politiques et de mesures de nature à améliorer la situation du secteur informel constituera également une stratégie importante de croissance économique globale.
De nombreux travaux de recherche ont été entrepris pour mieux comprendre ce qui caractérise l’économie informelle, ses causes, ses effets, et son impact sur l’économie (Kuchta-Helbling 2000 ; Carr et Chen 2001 ; BAsD 2004 ; Galal 2004 ; Chen 2005 ; USAID 2005 ; Chen 2007 ; Perry et autres 2007). Bien qu’il soit généralement admis que les obstacles d’ordre réglementaire et administratif, le manque de confiance, la corruption, le manque de services clés aux entreprises et d’information, les pratiques sociales et les comportements culturels soient des obstacles à l’intégration dans le secteur formel, l’OCDE (2006) avance que les raisons pour lesquelles les entreprises ne s’intègrent pas à l’économie formelle n’ont guère fait l’objet d’études spécifiques. Il est certain que le secteur informel permet aux entrepreneurs d’échapper au fisc et à la réglementation (OCDE 2006 ; De Paula et Scheinkman 2007), mais selon Zinnes (2009), les raisons pour lesquelles les entreprises choisissent le secteur informel varient d’une partie du monde à l’autre et la motivation principale n’est pas toujours la possibilité d’échapper au fisc et à la réglementation.
Schneider (2005), qui est l’un des rares chercheurs à avoir tenté de mesurer systématiquement la taille des secteurs informels d’un pays à l’autre8, conclut que le phénomène est complexe. Les gens choisissent le secteur informel pour toute une série de raisons mais, selon Schneider, le facteur qui, à lui seul, est déterminant dans les pays en développement est le poids de la réglementation officielle. C’est, par exemple, la complexité des régimes fiscaux et administratifs, la législation restrictive du travail et la lourdeur des charges sociales. De nombreux entrepreneurs décident de rester dans le secteur informel parce que les frais d’entrée, de fonctionnement et de sortie du secteur officiel sont plus élevés que les avantages éventuels (Galal 2004). La décision d’intégrer le secteur formel est largement déterminée par la mise en balance entre, d’une part, les frais d’enregistrement et de mise en conformité avec la réglementation et, d’autre part, les avantages qu’offre le secteur formel. Les entreprises privées sont prêtes à renoncer à une meilleure protection des droits de propriété et à supporter des frais qui n’entrent pas dans le cadre de la légalité (pots de vin, financement onéreux, etc.) lorsqu’il est plus avantageux de demeurer dans le secteur informel. Il semble que la présence du secteur informel soit plus faible au fur et à mesure qu’augmentent la taille des entreprises et la valeur des investissements de capitaux, mais des entreprises de toute taille peuvent continuer à fonctionner dans le secteur informel lorsque cela est trop coûteux de faire autrement. Cependant, demeurer dans le secteur informel prive les entreprises des avantages de pouvoir demander des prêts officiels, et /ou de bénéficier des services de développement des entreprises et d’obtenir des contrats d’approvisionnement, ce qui limite leur potentiel de croissance.
En ce qui concerne le rôle et l’utilité de l’économie informelle dans la réduction de la pauvreté et dans le développement d’une nation, les avis sont partagés. Bien que ce secteur fournisse des moyens de vivre à de nombreux ménages pauvres, les conditions de travail y sont souvent médiocres, et il n’y a ni sécurité de l’emploi ni salaires convenables. L’un des gros soucis de l’Organisation internationale du travail (OIT) est que les entreprises du secteur informel n’offrent aucun avantage social à leurs employés (souvent parce qu’elles n’ont pas les moyens de faire face aux charges élevées de la sécurité sociales et autres assurances). Bennett (2009) a un point de vue plus libéral à l’égard des entreprises du secteur informel comme tremplin vers le secteur formel, méritant vraiment d’être soutenues. En permettant l’expérimentation de l’entrepreneuriat à un coût relativement faible, l’expérience de l’entreprise du secteur informel est un facteur majeur de l’intégration progressive de l’entreprise dans le secteur formel. Placer le secteur informel sous contrôle, ou le déclarer illégal, contrarierait cette possibilité d’évolution. D’un autre côté, LaPorta et Shleifer (2008) ne voient guère ce qui permet d’affirmer que les entreprises du secteur informel intègrent le secteur formel au fur et à mesure qu’elles se développent. Il y a donc beaucoup de questions qui restent sans réponse concernant le rôle des entreprises du secteur informel dans la réduction de la pauvreté et dans le développement. Est-ce que le fait d’être dans le secteur informel fait que les microentreprises sont prises dans l’engrenage de la faible productivité et de la pauvreté, ou est-ce un tremplin vers de futures activités entrepreneuriales fructueuses ? Est-ce qu’il y aurait une nette augmentation de la productivité si les entreprises du secteur informel intégraient le secteur formel ? Selon LaPorta et Shleifer (2008), ce n’est pas l’intégration dans le secteur formel qui permet d’espérer le développement économique mais la création de nouvelles entreprises inscrites au registre du commerce dirigées par des propriétaires ou des gestionnaires ayant un meilleur niveau de formation et utilisant un mode opératoire, des technologies, et des procédures de marketing et de finance modernes.
Schneider (2005) conseille aux gouvernements qui veulent faire baisser les niveaux d’activité du secteur informel de commencer par analyser les relations complexes entre l’économie officielle et l’économie informelle et les conséquences de leurs propres décisions, tout en faisant remarquer que l’un des défis majeurs est de concevoir des mesures politiques incitatives efficaces pour que travailler dans le secteur formel soit plus attractif que dans le secteur informel. Zinnes (2009) va dans le même sens en ce qui concerne l’intégration des entreprises dans le secteur formel. Une étude de 2004 portant sur l’impact de cette intégration sur le bien-être social en Égypte et une analyse du rapport coût/profit de la mise en œuvre d’un programme de réformes d’ensemble ont démontré que cette évolution accroîtrait le PIB de 1,3 pour cent par an tout en bénéficiant aux entreprises, aux ouvriers et au Trésor public (Galal 2004). Cela est conforme aux estimations selon lesquelles le secteur informel coûte aux pays en développement entre un et deux points de pourcentage de croissance annuelle du PIB (Palmade 2005). L’accroissement de la proportion d’entreprises et d’emplois dans le secteur formel aura comme résultat sur le long terme de rendre les emplois de meilleure qualité et mieux payés, d’élargir l’assiette fiscale, et d’améliorer l’accès aux marchés, aux capitaux, aux terrains, aux services aux entreprises et autres soutiens nécessaires du secteur formel (OCDE 2006).
La part de l’économie informelle dans le PIB des pays MENA est passée de 21 pour cent à 31 pour cent entre 1990 et 20039 (Zinnes 2009). L’une des caractéristiques communes aux 12 pays MENA est la prépondérance du secteur informel à la fois dans les entreprises et dans l’emploi; tendance qui s’est légèrement accentuée entre 1999 et 2006. Selon Schneider et Buehn (2009), le secteur informel de l’économie représente légèrement moins de 20 pour cent du PIB de la Syrie et près de 40 pour cent en Tunisie10 (figure 3.6). Contrairement aux conclusions générales de Schneider selon lesquelles la taille du secteur informel de l’économie est inversement proportionnelle au niveau de son développement économique, il ne semble pas qu’il y ait un rapport significatif entre le niveau de développement et l’importance du secteur informel dans les 12 pays MENA. Il est donc vraisemblable que les différences entre les pays de la région soient dues à des facteurs structurels et institutionnels.
Peu de recherches ont été faites sur le secteur informel et ses effets sur les économies des 12 pays MENA. L’une des difficultés est le manque de données officielles, mais on estime que le secteur informel représente entre 40 et 70 pour cent de la totalité des entreprises du secteur privé et une large fraction de la main-d’œuvre : 40 à 50 pour cent des ouvriers du secteur privé en Algérie, 25 à 40 pour cent au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et Gaza, et au Maroc, plus de 80 pour cent en Égypte11 et plus de la moitié de la population active en Turquie.
Les travailleurs du secteur informel n’ont pas de protection sociale et les entreprises dans lesquelles ils travaillent ne peuvent pas avoir accès aux financements officiels, aux technologies modernes ni aux contrats du gouvernement. De plus, elles sont soumises à des frais qui n’entrent pas dans le cadre de la légalité (comme une sorte de prélèvement non officiel) et à du harcèlement par des fonctionnaires, la loi ne les protégeant pas des abus des responsables locaux (Blanc et Louis 2007). La question de l’économie informelle n’est pas unique aux MPE bien qu’elle y soit la plus importante. Il peut y avoir dans les grandes entreprises un nombre non négligeable de travailleurs qui ne sont pas déclarés à la sécurité sociale. L’accroissement attesté de la recherche d’emplois dans le secteur informel s’explique en partie par le fait que les débouchés dans le secteur formel sont limités en raison de l’ampleur de la population en âge de travailler (FEMISE 2008) et de la détérioration générale des offres du marché de l’emploi, en particulier pour les plus diplômés (Banque mondiale 2008g).
Figure 3.6 Taille du secteur informel selon le niveau de développement économique, MENA
Blanc et Louis (2007) laissent entendre que les gouvernements des pays MENA laissent ouverte la question de l’économie informelle parce qu’elle fait office de mécanisme de stabilisation sociale et de soupape de sûreté pour amortir les chocs frappant l’économie nationale. D’un autre côté, une économie informelle très développée prive les budgets publics de recettes fiscales et sape l’efficacité des réformes économiques.
Bien que la plupart des gouvernements des 12 pays MENA n’aient guère cherché à réduire l’importance du secteur de l’économie informelle, il est a noté des évolutions récentes dans certains pays. Pour faciliter les procédures d’enregistrement des entreprises et de délivrance de licences, la loi égyptienne sur le développement des petites entreprises (Loi 141/2004) précise les délais et les frais maximums prescrits pour l’enregistrement d’une micro ou d’une petite entreprise et l’établissement de guichets uniques dans les bureaux du Fonds social pour le développement des gouvernorats. Malgré ces mesures, la part des activités des entreprises du secteur informel a augmenté en Égypte. Le ministère marocain des Finances et de la Privatisation a lancé une enquête sur la situation du secteur informel en 2007 afin d’être en mesure de faire des recommandations argumentées pour la modernisation du secteur (l’intégration dans le secteur formel) et l’élargissement de l’assiette fiscale. Pour encourager les MPE à passer du secteur informel au secteur formel, le gouvernement syrien a lancé un programme qui prévoit l’exonération des droits de timbre et la réduction des taxes immobilières et des droits d’enregistrement (ministère de l’Industrie 2006). En 2008, celui-ci a engagé Hernando de Soto12 pour diriger une étude à grande échelle sur le secteur informel en Syrie et proposer des recommandations de mesures à prendre. Pour le gouvernement turc, l’existence d’un secteur informel est une faiblesse structurelle de l’économie et « la réduction de l’économie informelle » est un objectif clé de sa politique de développement fondée sur « l’optimisation de la compétitivité » (SPO 2008). Une étude sur les raisons de l’existence d’un secteur informel de l’économie, sur ses conséquences et ses dimensions, a été entreprise en 2008, de même que des mesures pour baisser les charges sociales et financières de l’emploi dans le secteur informel et accélérer le processus de transition vers l’économie formelle.
En 2008, le Bureau central palestinien des statistiques a lancé un projet de conduire une enquête sur le secteur informel et d’ajouter un module à ses enquêtes régulières de la population active pour recueillir des données sur l’emploi informel et aussi sur les activités commerciales informelles exploité auprès des ménages.13 Ces enquêtes sont destinées à fournir un tableau complet de la taille et de la structure de l’ensemble du secteur informel de la Palestine. Le gouvernement soudanais s’est également proposé d’entreprendre une étude pour analyser les obstacles à l’intégration dans le secteur formel afin de rationaliser les processus réglementaires et créer un bureau d’enregistrement des avoirs des pauvres qui participent à la vie économique pour qu’ils puissent servir de nantissement pour l’obtention de prêts (GONU 2006).
Plusieurs pistes de recherches pourraient être explorées concernant les défis d’ordre politique visant à formaliser le processus d’intégration dans le secteur formel et à ce que les gouvernements des pays MENA soient aidés à résoudre ce problème. À l’instar de l’étude projetée par le gouvernement soudanais sur les obstacles politiques à cette intégration, une étude régionale pourrait analyser les barrières auxquelles se heurtent les entreprises du secteur informel, la nature de leurs activités économiques et les sources de leurs informations sur les marchés, afin d’identifier celles qui pourraient devenir une source viable de croissance. Une telle étude pourrait également évaluer l’impact des obligations en matière de sécurité sociale, de structures et de coûts de l’emploi dans le secteur formel et le secteur informel des pays de la région MENA, et comparer les résultats à l’aune de l’expérience internationale. Prenant appui sur une étude de cet ordre, les gouvernements seraient mieux en mesure de concevoir et de mettre en œuvre des réformes financières, juridiques et institutionnelles pour atténuer les obstacles à l’intégration dans le secteur formel.
L’OCDE (2006) estime, elle aussi, qu’il faut poursuivre les travaux de recherche pour découvrir les raisons qui empêchent les entreprises de s’intégrer au secteur formel et les liens qu’il y a entre formalisation et performances des entreprises, tout en suggérant qu’il faut évaluer l‘impact de la réglementation pour évaluer l’impact des nouvelles lois sur la décision des PME d’intégrer le secteur formel.
En attendant, il faut poursuivre l’estimation de la taille de l’économie informelle au niveau des pays. L’OCDE a publié un manuel sur la mesure de l’économie non observée (OCDE 2002) et la Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe (CEE-ONU) a dressé l’inventaire des pratiques utilisées par les pays pour évaluer d’un point de vue statistique «l’économie non observée », y compris toutes les activités du secteur informel (CEE 2008b). L’objectif de l’OCDE et de la CEE-ONU est de s’efforcer de garantir l’exhaustivité des comptes nationaux dans l’établissement du PIB.
Le statut de l’éducation dans un pays joue un rôle clé dans la croissance économique et dans les résultats en matière d’équité. Entrent en ligne de compte les taux d’alphabétisation, l’offre de main-d’œuvre qualifiée, le niveau du chômage, les débouchés, le revenu par habitant et l‘égalité entre les genres. Selon Barro (1998), une année supplémentaire de scolarité en fin de cursus pour les hommes âgés de 25 ans et plus augmenterait le taux de croissance d’un pays de 1,2 point de pourcentage par an.14 Ce qu’il constate corrobore également les théories sur l’effet positif du niveau d’instruction sur la capacité d’une économie à absorber les nouvelles technologies. Cependant, il n’y a un lien entre l’élévation du niveau d’instruction et la croissance économique que si les travailleurs instruits sont embauchés dans des emplois qui mettent à profit leurs connaissances et leurs compétences (Banque mondiale 2008g). Cela n’a pas été le cas dans les pays MENA.
Bien que les pays de la région aient considérablement élevé le niveau d’instruction des populations depuis les années 90, la corrélation entre éducation et croissance économique dans les pays MENA est faible (Banque mondiale 2008g; MBRF et PNUD 2009). Les raisons qui expliquent cette situation ne manquent pas, mais ce qui ressort surtout, c’est que le marché du travail n’utilise que faiblement le niveau d’instruction et les compétences et que les pays de la région ne savent pas mettre à profit l’accroissement du capital humain. La demande inadaptée du secteur informel et les distorsions causées par l’importance accordée aux emplois dans l’administration ont été des facteurs déterminants du chômage élevé, du sous-emploi et des formes improductives d’emplois dans le secteur public. Le faible niveau de rendement de l’instruction a affaibli le rendement économique de l’enseignement supérieur ainsi que son impact sur la réduction de la pauvreté. Réduire l’écart entre l’offre de travailleurs instruits et la demande de main-d’œuvre, et réformer le système éducatif pour qu’il réponde aux exigences d’une société basée sur des connaissances sont parmi les défis majeurs auxquels sont confrontés les pays de la région (Banque mondiale 2008g).
La Banque mondiale utilise trois indicateurs pour mesurer le niveau de capital humain d’un pays et sa volonté d’engagement dans l’économie du savoir : 1) taux d’alphabétisation, 2) taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire et 3) taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur. Des différences frappantes entre les taux d’alphabétisation des adultes des 12 pays de la région sont à noter : plus de 90 pour cent en Jordanie et en Cisjordanie et Gaza, et moins de 60 pour cent au Maroc et au Yémen (figure 3.7). De plus, le taux d’alphabétisation des femmes est plus faible aussi bien à l’intérieur d’un pays que d’un pays à l’autre. Bien que dans certaines parties de la région les femmes soient plus instruites que les hommes, dans d’autres parties (par exemple, les Jordaniennes sont en moyenne plus instruites que les hommes du Yémen), au sein de chaque pays, les taux d’alphabétisation des femmes sont plus faibles que ceux des hommes. C’est au Yémen, en Égypte et au Maroc que les écarts entre hommes et femmes sont les plus marqués. Pour autant, il ne semble pas que le niveau d’alphabétisation des femmes ait un impact significatif sur leurs taux d’activité économique. Par exemple, les taux d’alphabétisation des femmes en Cisjordanie et Gaza et en Jordanie sont les plus élevés des 12 pays et pourtant les taux de participation des femmes à la vie active sont les plus bas de la région (voir figure 3.3).
Le Rapport arabe sur le développement humain (RADH) de 2002 indique que, au cours des années 80 et 90, les taux d’alphabétisation dans les pays arabes ont progressé de façon tangible, mais qu’ils demeuraient en dessous des moyennes internationales et des moyennes des pays en développement (PNUD et FADES 2002). Les données les plus récentes révèlent que seuls quatre des 12 pays MENA ont des taux d’alphabétisation masculine supérieurs à la moyenne de 90 pour cent des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et de la tranche inférieure, et que seuls trois des 12 pays ont des taux d’alphabétisation féminine supérieurs à la moyenne de 80 pour cent des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et de la tranche inférieure (Banque mondiale 2009g, p.94).
Figure 3.7 Taux d’alphabétisation
Les pays MENA ont également fait des progrès en matière de taux de scolarisation. Le tableau 3.2 présente une comparaison des taux de scolarisation brute et d’autres données relatives à l’éducation. La plupart des pays de la région ont réduit l’écart au niveau du primaire, si bien qu’il ne subsiste que quelques petites poches d’inégalité, l’exception étant l’Irak, le Soudan et le Yémen. Des améliorations sont encore nécessaires au niveau du secondaire, en particulier en Irak, au Soudan et au Yémen. Les taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur varient considérablement d’un pays à l’autre. Ils vont d’un maximum de 46 pour cent au Liban à un minimum de 6 pour cent au Soudan. La région est en grande situation d’infériorité concernant les taux de scolarisation en fin du cycle secondaire qui demeurent en dessous de 55 pour cent en moyenne contre 84 pour cent dans les pays industrialisés (MBRF et PNUD 2009). Depuis le milieu des années 70, les investissements moyens en éducation dans les pays MENA représentent environ 5 pour cent du PIB et 20 pour cent des budgets des États (Banque mondiale 2008g, p.3). Il est bien évident qu’il ne suffit pas seulement d’investir. Le Maroc offre un bon exemple à cet égard. En effet, les taux d’alphabétisation y sont relativement bas, les taux d’abandon élevés16, les taux de scolarisation postscolaire bas, le chômage des diplômés élevé et le niveau de l’emploi dans le secteur informel élevé. La Tunisie, le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Égypte ont comparativement mieux réussi à offrir à la majorité de leurs populations l’accès à un enseignement de qualité alors que le Yémen, le Maroc et l’Irak sont à la traîne. Cependant, même dans des pays où le taux d’alphabétisation et de scolarisation sont élevés, comme en Jordanie, au Liban et en Cisjordanie et Gaza, le rendement est faible, ce qui se traduit par la faible capacité à produire des emplois de qualité dans le secteur privé.
La demande d’éducation dans les pays MENA s’accélère en raison de la poussée de la jeunesse. Ceci a exercé une pression pour augmenter le nombre d’écoles, d’instituts de formation professionnelle et d’universités pour faire face aux demandes croissantes d’inscriptions dans ces établissements. D’autres questions que les taux de scolarisation sont à résoudre, tels que la qualité de l’offre d’éducation, les qualifications des enseignants et l’état des infrastructures éducatives. Selon la Banque mondiale (2008g), les pays MENA n’ont que modérément amélioré la qualité de l’enseignement et n’ont pas cherché à réformer le système ou à en améliorer les résultats. La capacité physique du système éducatif a été développée, mais les réformes fondamentales du contenu, de la pédagogie et de la gouvernance ont été beaucoup plus lentes.
Le RADH de 2002 a souligné qu’une réforme d’ensemble était urgente pour introduire de nouvelles orientations qui stimuleraient la créativité et l’innovation, pour être conforme aux exigences d’un marché du travail moderne et améliorer le niveau de la formation technique afin de répondre aux besoins de la production (PNUD et FADES 2002). Le défi qui se présente est d’assurer un enseignement de base de haute qualité, notamment pour les jeunes filles, de renforcer l’enseignement postscolaire, en particulier en sciences et en ingénierie et d’ouvrir davantage les voies de l’apprentissage tout au long de la vie. Le rapport soulignait également qu’il était urgent d’améliorer le niveau de l’enseignement supérieur, de corriger les faiblesses en matière de R-D. Selon des évaluations plus récentes, les failles du système éducatif empêchent les pays MENA de participer pleinement à l’économie du savoir, de créer du capital du savoir et de réduire l’écart avec le reste du monde (MBRF et PNUD 2009).
Tableau 3.2 Indicateurs de l’éducation pour les 12 pays MENA
Le savoir est un facteur essentiel de la production et l’élément déterminant principal de la productivité et du capital humain, tout comme il fait partie intégrante de la croissance et de la pauvreté, ce qui fait que l’accroissement du savoir est l’une des clés principales du progrès dans les pays MENA (PNUD et FADES 2002). Outre la médiocre qualité du système éducatif, il y a une pénurie de personnes compétentes, une incapacité à bien exploiter les connaissances existantes et à produire un nouveau savoir par le biais de la R-D, et une sous-utilisation de l’application des TIC en matière d’éducation, de culture et de santé. Des efforts sont nécessaires pour mieux intégrer les connaissances dans l’éducation et le système de formation et pour mieux aligner éducation, formation et recherche. Le RADH de 2003, consacré à « l’édification d’une société de la connaissance », soulignait l’importance, pour les pays arabes, du savoir, puissant moteur de l’augmentation de la productivité, et mettait en lumière de nombreuses faiblesses du système de connaissances existant (PNUD et FADES 2003). Ces sujets ont été repris et développés dans le Rapport arabe sur le savoir du 2009 (MBRF et PNUD 2009).
Ce qui pousse à réformer les systèmes éducatifs dans les 12 pays MENA, c’est la nécessité de répondre aux besoins modernes de main-d’œuvre, de créer des emplois pour les jeunes, de fournir aux entreprises étrangères des travailleurs qualifiés et compétents, d’optimiser les performances des PME nationales et de corriger les inadéquations graves entre les compétences dont les marchés du travail ont besoin et celles que fournissent les systèmes éducatifs. Des programmes de réformes de grande ampleur soutenus par des bailleurs sont en cours. Leur objectif est de développer et d’améliorer la qualité des systèmes aux niveaux du primaire, du secondaire et du supérieur et de moderniser l’enseignement et la formation professionnels. Ce sont, par exemple, en Égypte, le programme Initiative de qualité de l’éducation ; en Jordanie, le programme en éducation, Réforme de l’éducation pour l’économie du savoir (ERfKE), et le Programme de l’enseignement supérieur ; au Maroc, la Charte nationale d’Éducation et de Formation ; en Palestine, la Charte de l’Éducation ; en Tunisie, la Stratégie de l’Éducation nationale; en Syrie la Modernisation du programme d’enseignement et de formation professionnels; et au Yémen, la Stratégie de l’enseignement de base et stratégie nationale de l’enseignements secondaire général. Les efforts au niveau de l’enseignement et de la formation professionnels se traduisent ainsi : développement des centres d’enseignement et de formation et de la scolarisation des étudiants, amélioration des systèmes de pilotage, réforme des contenus, meilleure formation des enseignants, renforcement des liens avec le secteur privé afin que soient mieux prises en compte dans la formation les exigences en matière de main-d’œuvre et, dans certains cas, l’introduction dans les programmes de formation technique de modules d’activité entrepreneuriale et de gestion d’entreprise. Mais, à elle seule, la réforme des systèmes éducatifs ne suffit pas à produire de meilleurs résultats économiques. Il faut rendre les investissements en capital humain plus productifs (Banque mondiale 2008g). Un changement d’orientation qui irait vers une croissance fondée sur des emplois du secteur privé tournés vers l’exportation donnerait un gain de productivité qui accroîtrait les rendements de l’éducation (Banque mondiale 2007b).
La plupart des 12 pays MENA ne se classent pas bien sur l’indice de l’économie du savoir de la Banque mondiale (WBI 2008), indiquant qu’ils sont mal armés pour répondre aux exigences de l’économie du savoir et pour produire, adopter et diffuser le savoir.17 La Turquie et la Jordanie se situent en tête des 12 pays, obtenant systématiquement les deux meilleurs scores sur chacun des indicateurs de connaissance. Cependant tous les pays de la région ont encore un long chemin à parcourir pour réduire l’écart en matière de connaissances qui les sépare des pays de la tanche supérieure des revenus intermédiaires.
Valoriser la société de la connaissance et améliorer les programmes de développement du savoir théorique et pratique à la fois pour les primo-entrants et pour ceux qui doivent se recycler pour revenir sur le marché du travail, tel est le défi auquel sont confrontés les responsables politiques des pays MENA. Le relever demandera des efforts considérables (Banque mondiale 2004d, 2008g; Blanc et Louis 2007 ; FEMISE 2008 ; MBRF et PNUD 2009).
On trouvera aux chapitres 8 et 9 dans les études sur les pays particuliers des informations complémentaires.
Le défi suivant auquel sont confrontés les 12 pays MENA est celui des sciences et de la technologie (S et T) et de l’innovation. Augmenter la productivité est l’une des voies de la croissance économique et le recours à la technologie est l’un des moyens clés d’y parvenir. Les pays en développement ont besoin de la technologie pour améliorer leur capacité de production et leur compétitivité. Dans les premières phases du développement, la plupart doivent importer des pays développés la technologie et les équipements modernes et compter sur les investissements directs étrangers (IDE) pour les transferts de technologie et de compétence technique. Cependant, à un moment donné de leur parcours, il leur faut construire les infrastructures, élaborer les institutions et la capacité à se développer, commercialiser, diffuser et exporter leur propre technologie. Cela demande qu’ils investissent dans le développement des sciences, de la recherche et de la technologie.
La capacité d’innovation d’un pays est sa capacité à produire et à commercialiser sur le long terme un flux de technologies entièrement nouvelles (Furman et autres 2001). Le niveau de la capacité à innover a des incidences sur la productivité totale des facteurs de production d’un pays et sur l’importance des produits de haute technologie dans ses exportations. L’empressement d’un pays à exploiter sa capacité d’innovation dépend d’un certain nombre de variables : le niveau de recherche et développement (R-D), les infrastructures technologiques, les supports et les incitations institutionnelles, ses ressources en savants et ingénieurs, le niveau d’instruction de la main-d’œuvre, l’ouverture à la concurrence internationale, un système universitaire qui encourage l’exploitation commerciale de la science et de la technologie et la force des liens entre les milieux de la recherche et l’industrie privée. Selon Porter (1990) et Furman et autres (2001), ces facteurs entre autres sont les composantes du progrès de l’innovation dans un pays. La plupart de ces variables ne constituent pas les points forts des 12 pays MENA.
Les insuffisances de ces pays dans les domaines des S et T et de la recherche sont considérées comme des obstacles majeurs au développement économique (MBRF et PNUD 2009). Selon le Rapport arabe sur le savoir de 2009, les structures institutionnelles dans le domaine des S et T, et de la R-D accusent plusieurs faiblesses : manque de scientifiques et de chercheurs ; dispositif administratif et cadres juridiques qui limitent l’efficacité des organismes de S et T et de R-D ; pénurie de publications et de production de brevets par la recherche scientifique ; efforts trop modestes de transfert des acquis de la recherche vers les secteurs de la production et des services ; et manque d’investissements du secteur privé dans la recherche et le développement. 18Selon ce rapport, concevoir des politiques de soutien au développement des sciences et des technologies est l’une des mesures les plus importantes pour que les pays MENA puissent relever le défi du chômage parmi les jeunes, de l’émigration des talents et des investissements croissants dans la consommation de produits techniques importés. Les actions recommandées sont les suivantes : moderniser les structures de l’innovation, accroître les investissements en R-D, créer un environnement propice à l’innovation, favoriser les partenariats entre les gouvernements et les organismes de recherche privés, et fonder des agences et des institutions qui puissent concevoir des stratégies pour réduire l’écart entre la recherche scientifique et les résultats sur le plan économique en exploitant commercialement les innovations.
Les 12 pays MENA ont des niveaux de performance variés en matière de S et T et technologie et d’innovation. L’un des indicateurs de ces performances est la part des exportations de haute technologie dans l’ensemble des exportations de produits manufacturés.19 C’est un domaine où les 12 pays sont en position de faiblesse, même par comparaison avec d’autres pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et supérieure. C’est au Maroc que la part des exportations de haute technologie est la plus élevée avec 9 pour cent de la totalité des exportations de produits manufacturés (ce qui est inférieur à la moitié de la part des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et supérieure) (IDM). Vient ensuite la Tunisie avec 5 pour cent. Cette part est inférieure à un pour cent en Égypte, en Jordanie, en Syrie, au Yémen et au Soudan. La plupart des pays de cette région exportent des matières premières et des produits à faible valeur ajoutée et importent des produits à valeur ajoutée et à fort contenu du savoir.
Pays |
R-D en % du PIB |
Pays |
R-D en % du PIB |
Tunisie |
1,02 |
Égypte |
0,23 |
Maroc |
0,64 |
Algérie |
0,07 |
Turquie |
0,71 |
Pays LUMI* |
0,96 |
Jordanie |
0,34 |
Pays à haut revenu |
2,47 |
Soudan |
0,29 |
|
|
Note : *LUMI: pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure.
Source : Données IDM des années les plus récentes, 2000–2007(Banque mondiale 2010d).
Un autre indicateur de technologie/innovation couramment utilisé explique en partie la faiblesse des performances en matière d’exportations de haute technologie : le faible niveau des dépenses de R-D dans le PIB. Il n’a pas été possible d’obtenir des données comparables pour tous les pays MENA, mais, selon les indicateurs du développement dans le monde, pour sept d’entre eux, ce ratio est inférieur à un pour cent du PIB, l’exception étant la Tunisie qui investit légèrement plus qu’un pour cent (tableau 3.3). Le reste des 12 pays MENA se situe en dessous de la moyenne de 0,96 pour cent du PIB pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et supérieure, et très en dessous de la moyenne de 2,47 pour cent des pays à haut revenu. Le RADH de 2002 prévoyait la prise de retard dangereux des pays MENA par rapport aux pays développés en matière de performances d’innovation s’ils n’augmentaient pas leur ratio de R-D pour atteindre 2 pour cent du PIB à l’horizon 2012 (PNUD et FADES 2002).
Les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique en développement (MEDA)20 ne jouent pas un grand rôle dans l’innovation technologique à l’échelle mondiale ou régionale (AFII-ANIMA 2005). Non seulement les dépenses en R-D sont à un niveau très bas, mais le nombre de chercheurs, de publications scientifiques et de brevets est limité. Quant à l’action des pouvoirs publics en matière d’innovation, elle est modeste ou symbolique. Bien que les parcs scientifiques et technologiques, les centres de technologie et d’innovation et les incubateurs soient nombreux sur l’ensemble des pays du MEDA, leurs points faibles sont la gestion des budgets, le financement des nouvelles entreprises, les infrastructures du capital risque et les liens avec les IDE. D’ailleurs, les IDE produisent un faible niveau de transferts de technologie dans la région.
Il faut accentuer les efforts pour corriger les insuffisances des incitations à promouvoir le développement de la technologie et il faut accroître les dépenses de R-D, notamment dans le secteur privé. Ces mesures pourraient comprendre une fiscalité favorable, des mécanismes de partage des risques, une législation sur la propriété intellectuelle et le développement des marchés capitaux qui, tous, présentent des faiblesses dans les pays du MEDA (AFII-ANIMA 2005). Finalement, il faudrait un environnement qui facilite davantage le développement et la diffusion de la technologie et de la connaissance si l’on veut que les pays MENA deviennent plus compétitifs à l’échelle mondiale (MBRF et PNUD 2009).
Outre la poursuite de stratégies conçues pour attirer les IDE par le biais de zones industrielles qualifiées (ZIQ), de zones technologiques, et autres, la plupart des 12 pays MENA ont commencé à centrer davantage leurs stratégies sur les S et T et l’innovation qu’ils considèrent comme les éléments clés de leur future compétitivité et de leur croissance économique. C’est en Tunisie et en Turquie que les pouvoirs publics ont le plus fait évoluer les choses en adoptant une orientation fondée davantage sur « des systèmes d’innovation ». La Tunisie a mis en œuvre une série de mesures d’ensemble pour promouvoir la R-D, les compétences en science et technologie et les entreprises innovantes, et elle a créé un Observatoire de science et technologie pour repérer et suivre ces performances. Le gouvernement compte créer d’ici à 2015 12 centres de technologie pour encourager la recherche et l’innovation et a fondé plusieurs pépinières d’entreprises sur des campus des universités et des instituts de haute technologie. Depuis les années 90, le gouvernement turc a un conseil supérieur de science et technologie et a adopté une Stratégie nationale de Science, Technologie et Innovation dont l’objectif est d’intensifier la recherche et de la porter à 2 pour cent du PIB (OCDE 2008c). Des programmes nationaux de technologie ont été mis en place pour accroître la capacité de l’industrie en matière de recherche-développement et d’innovation (l’accent étant mis sur les secteurs industriels où la part des exportations et des importations est la plus élevée) ; des centres de technologie et d’innovation ont été implantés sur l’ensemble du territoire, et d’autres initiatives sont en cours pour soutenir l’accroissement de la capacité de R-D et pour stimuler la capacité des PME à acquérir des connaissances auprès de fournisseurs mondiaux.
De multiples initiatives d’actions des pouvoirs publics et de programmes ont également été lancées dans les autres pays. Ce sont, par exemple, les crédits d’impôt pour la R-D, le financement de la R-D dans les universités, l’amélioration de la réglementation relative à la propriété intellectuelle et aux brevets, la formation de technopoles, d’incubateurs et de centres d’innovation technologique. On trouvera aux chapitres 8 et 9, dans les analyses consacrées aux pays en particuliers, une brève description des efforts entrepris pour soutenir la R-D et l’innovation. Cependant, l’impact de ces efforts est souvent contrarié parce que certains éléments font défaut, comme des marchés capitaux, une robuste industrie de capital-risque, une culture d’entrepreneuriat et une forte capacité entrepreneuriale. En Jordanie et en Algérie, par exemple, les parties prenantes sont préoccupées par le manque d’institutions et de soutien appropriés pour l’exploitation commerciale des innovations nationales produites par les activités de R-D et par la faiblesse de la culture d’entrepreneuriat et d’innovation. Un diagnostic d’ensemble des obstacles à l’innovation et une analyse des faiblesses des dispositifs d’innovation faciliteraient considérablement la mise en œuvre des initiatives des pouvoirs publics dans l’ensemble des 12 pays MENA.
Disposer de capital-risque est quelque chose de très important pour le développement d’entreprises innovantes, à forte technologie et à haute croissance. Noutary (2008) souligne plusieurs faiblesses dans le financement de l’innovation dans la région. Il y a notamment la très faible part des fonds d’investissement consacrés au financement du capital de départ et du capital-risque : le manque d’investisseurs professionnels et de réseaux d’investisseurs pour jeunes entreprises : la faible capacité des organisations offrant des services aux investissements pour guider les entrepreneurs dans les relations avec investisseurs et apporter des conseils de valeur ajoutée après investissement ; la faiblesse des liens entre les incubateurs et les sources de capitaux d’investissement ; les asymétries de l’information entre les entrepreneurs qui ont besoin de capitaux d’investissement et les sources potentielles de fonds commun de placement en actions ; et l’insuffisance des incitations des pouvoirs publics de nature à stimuler l’activité du capital-risque privé (comme les crédits d’impôts et les fonds proportionnels).
Par comparaison avec les pays développés, l’industrie du capital-risque dans les 12 pays MENA est sous-développée. Elle est relativement plus développée au Maroc, en Turquie et en Tunisie qu’en Égypte, au Liban et en Jordanie. Elle est embryonnaire en Algérie, en Syrie et en Cisjordanie et Gaza (AFII-ANIMA 2005) et négligeable au Yémen, au Soudan et en Irak. La première société de capital-risque au Maroc a vu le jour en 1993 et, en 2007, il y avait plus d’une douzaine de fonds en activité. La Tunisie a plus de 35 sociétés d’investissement à capital-risque (SICAR) pour les nouveaux entrepreneurs bien que la culture du capital non coté (private equity) soit encore jugée faible. Il y a peu de solutions de sortie pour les investisseurs en capitaux propres du fait que, dans la plupart des bourses des pays du MENA, la cotation est limitée pour l’inscription des sociétés de croissance émergentes. La cotation en Bourse pour les petites entreprises n’est possible que dans trois Bourses : NILEX à la Bourse du Caire et d’Alexandrie et la Bourse des PME à la Bourse d’Istanbul, ainsi qu’un marché à petit capitalisation en Tunisie.
La question de la législation des brevets et de la protection de la propriété intellectuelle, qui est importante pour le développement de l’innovation dans le secteur privé, ne figure pratiquement pas parmi les priorités des gouvernements du MENA. La façon dont la protection de la propriété intellectuelle est abordée est fonction des cadres législatifs nationaux. Concernant la protection de la propriété intellectuelle, les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comme l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont liés par des obligations et des normes, mais dans d’autres pays les lois et les normes sont moins nombreuses ou plus rigoureuses que dans le système multilatéral international. La région souffre d’un manque de spécialistes compétents en matière de textes juridiques sur la propriété intellectuelle, domaine dans lequel il serait très utile qu’il y ait coordination et partage des expériences parmi les pays MENA (MBRF et PNUD 2009).
En 2004, l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité palestinienne, la Syrie et la Tunisie ont signé la Charte Euro-méditerranéenne pour l’entreprise et accepté de mettre en œuvre les actions fixées par les dix principes de bonne gouvernance pour un véritable développement du secteur privé.21 L’une des dimensions de la Charte est centrée sur les politiques d’encouragement aux entreprises innovatrices. Dans l’évaluation de la mise en œuvre des politiques d’innovation de la Charte (Communautés européennes et OCDE 2008), ce sont l’Égypte et la Tunisie qui arrivaient en tête du classement des huit pays MENA selon tableau 3.4. Ils ont obtenu des scores de 3,8 et 3,6 sur 5, le Liban venant immédiatement après avec un score de 3,1. Le rapport d’évaluation notait que le cadre de la politique d’innovation variait d’un pays à l’autre. Un certain nombre de pays ont des programmes d’innovation mais n’ont pas encore adopté de stratégie d’innovation globale. L’Algérie et la Cisjordanie et Gaza ont été évalués comme ayant le moins progressé sur les indicateurs de la politique d’innovation.
Tableau 3.4 Efficacité de la politique d’innovation
Indicateur |
AG |
EG |
JO |
LI |
MA |
SY |
TN |
CJ&G |
Optimisation de |
2.0 |
3.5 |
2.5 |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
3.5 |
1.0 |
l’innovation des |
|
|
|
|
|
|
|
|
entreprises |
|
|
|
|
|
|
|
|
Créations |
1.5 |
4.0 |
3.0 |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
3.5 |
1.0 |
de centres |
|
|
|
|
|
|
|
|
d’innovation et de |
|
|
|
|
|
|
|
|
technologie |
|
|
|
|
|
|
|
|
Soutien aux |
1.5 |
4.0 |
3.5 |
3.5 |
2.5 |
2.0 |
3.5 |
1.0 |
entreprises |
|
|
|
|
|
|
|
|
innovantes |
|
|
|
|
|
|
|
|
Incubateurs |
2.0 |
3.5 |
2.5 |
3.0 |
2.5 |
2.0 |
4.0 |
2.0 |
d’entreprises |
|
|
|
|
|
|
|
|
Moyenne pondérée |
1.8 |
3.8 |
2.9 |
3.1 |
2.8 |
2.0 |
3.6 |
1.3 |
(moyenne pondérée des PPM* = 2.9) |
1.8 |
3.8 |
2.9 |
3.1 |
2.8 |
2.0 |
3.6 |
1.3 |
Note : Score maximum: 5. * PPM = Pays partenaires méditerranéens.
Source : Données des Communautés européennes et OCDE (2008), p. 62.
Un certain nombre de projets financés par l’Union européenne sont à l’œuvre dans la région MENA pour favoriser le développement technologique et l’innovation. Medibtikar, le programme euro-méditerranéen « Innovation et Technologie », vise à contribuer au développement de l’innovation et à aider les entreprises méditerranéennes à participer aux projets d’innovation en collaboration avec des partenaires européens (Noutary 2008). Neuf des dix pays MEDA impliqués dans ce projet figurent parmi les 12 pays MENA. Le projet de Réseau d’investissement ANIMA a pour objectif d’aider les pays partenaires méditerranéens (PPM) à acquérir des stratégies et des outils pour attirer les investissements étrangers en mettant l’accent sur les infrastructures de la technologie et de l’innovation (AFII-ANIMA 2005). En 2008, l’Union européenne a lancé un projet pour établir un Fonds d’Innovation pour aider à améliorer les liens entre les universités et l’industrie. Ces projets sont espérés pour stimuler les innovations dans la région et renforcer la coordination entre les actions.
Pour les pays en développement, l’intégration dans l’économie mondiale représente des échanges internationaux à l’intérieur d’un système plus ouvert. Leur capacité à le faire est souvent bridée par la nécessité d’améliorer sensiblement leur production pour répondre aux normes internationales et aux critères de conformité, faciliter le commerce et élever le niveau du capital humain. Deux indicateurs sont couramment utilisés pour mesurer le degré d’intégration d’un pays dans l’économie mondiale, ce sont les IDE et les performances commerciales. Bien que les pays MENA aient, ces dernières années, accompli de substantiels progrès pour réduire les droits de douane, démanteler les barrières commerciales et s’ouvrir aux investissements étrangers, la région continue à avoir du retard par rapport aux autres parties du monde pour ce qui est de l’intégration dans l’économie mondiale (Banque mondiale 2006c, 2007b). Les performances des IDE et de l’ouverture commerciale des 12 pays MENA sont développées ci-dessous.
Les investissements directs étrangers (IDE) apportent non seulement des capitaux aux pays en développement mais ils peuvent également jouer un rôle essentiel dans la croissance économique par le biais des transferts de technologie d’entreprises étrangères à destination des entreprises nationales (Schmidt 2008). Les transferts de technologie et de savoir créent des emplois, stimulent l’ensemble de la productivité, accroissent la compétitivité et contribuent à la réduction de la pauvreté. Selon l’analyse de Schmidt, les IDE aident les pays pauvres à rattraper leur retard ou à converger vers le niveau des pays riches, mais pas la même dans tous les pays; l’impact des IDE dépendant du contexte. Il conclut que, pour que la transmission de la technologie profite au maximum à la croissance économique (ce transfert étant le principal apport des IDE à la croissance économique), les IDE ont besoin d’institutions nationales complémentaires suffisamment solides et développées, d’une main-d’œuvre d’un bon niveau d’instruction, d’un système financier complexe et d’un niveau minimal de commerce (Schmidt 2008). Il indique également qu’il faut un niveau minimum d’IDE pour que la croissance macroéconomique puisse vraiment en profiter.22
Depuis 1989, la région MENA a constamment moins bien réussi que d’autres régions à attirer les IDE, ne bénéficiant que d’une légère augmentation de la totalité des IDE depuis 1970 (Banque mondiale 2009c). Cela souligne un manque de débouchés commerciaux, un environnement défavorable aux affaires et une perception de risques plus élevées. La plupart des IDE de la région sont allés aux secteurs non marchands, par exemple l’immobilier, le logement et le tourisme, et très peu à l’industrie de transformation exportatrice. Pour que la région MENA puisse poursuivre son développement rapide, il faudra augmenter le niveau des IDE.
Figure 3.8 Apports des investissements directs étrangers dans le PIB, 2005–2008
La figure 3.8 compare l’apport des IDE dans les 12 pays MENA entre 2005 et 2008. Ces sont la Jordanie et le Liban qui arrivaient en tête, pendant que plusieurs des pays avaient, au cours de chacune des quatre années, attiré un niveau d’IDE bien supérieur au niveau moyen des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et la tranche supérieur et des pays de la Grande Région MENA. L’année 2006 a été une année particulièrement bonne pour les apports d’IDE, notamment en Jordanie et au Liban, mais depuis la situation s’est détériorée dans un certain nombre de pays. La Syrie et l’Algérie se sont régulièrement mal classées.
Attirer les investissements directs étrangers est une priorité pour les gouvernements des 12 pays MENA parce que c’est pour eux une source possible de capitaux, de technologie et d’emplois. C’est pourquoi ils ont tous entrepris de nombreuses réformes pour améliorer l’environnement des investissements. Presque tous ces pays ont instauré une législation sur les investissements étrangers dont l’objectif est de guider les efforts pour attirer les investisseurs étrangers, même si ces efforts varient par rapport aux dispositions restrictives sur les participations étrangères, les procédures d’approbation des investissements et la façon dont sont traités les investisseurs nationaux par rapport aux investisseurs étrangers. En matière de fiscalité, la plupart des pays offrent de généreux avantages et de généreuses exonérations. Ils ont mis en œuvre des mesures pour réduire les formalités et les frais de douane, instauré des zones industrielles qualifiées (ZIQ), des zones franches, des parcs industriels et des zones technologiques ; ont modifié la législation sur les investissements afin d’améliorer les structures et les procédures incitatives ; ont mis en place des agences de promotion des investissements ; modernisé le droit commercial ; créé des guichets uniques pour les investissements afin de simplifier les formalités d’enregistrement et de délivrance d’autorisations ; et facilité les négociations entre les entreprises étrangères et la bureaucratie nationale. La plupart des agences de promotion des investissements cherchent à maximiser le contenu «innovant » des IDE. Entre 2003 et 2005, dans les pays MEDA, ce sont le Maroc, l’Algérie, la Turquie et la Tunisie qui ont été les bénéficiaires de la majorité des IDE sous forme de centres de R-D, d’ouvertures de filiales de grandes entreprises axées sur la technologie, de reprises, d’acquisition des entreprises émergentes, de partenariats, de coentreprises et de centre d’appels (AFII-ANIMA 2005).
Cependant, comme le laisse entendre Schmidt (2008), il faut que les pays du MENA Nord renforcent d’autres secteurs de leur économie s’ils veulent entrer en concurrence avec d’autres endroits qui présentent un intérêt pour les IDE. Cela nécessitera une main-d’œuvre qualifiée (y compris de techniciens), une base de PME développées qui puissent servir de partenaires et/ou de fournisseurs aux firmes étrangères, une législation du travail flexible et une analyse sérieuse des possibilités d’investissements dans le pays. En attendant, un certain nombre de faiblesses propres à chaque pays persistent : écart entre la formation dispensée dans l’enseignement professionnel et technique et les compétences requises par les entreprises étrangères (en particulier les compétences exigées par une économie moderne fondée sur la connaissance) ; mesures restrictives sur les participations étrangères (plus importantes dans certains pays que dans d’autres) ; manque de transparence du système judiciaire ; mécanismes financiers archaïques ; et secteur des PME caractérisé par des entreprises de très petite taille, sous-capitalisation, main-d’œuvre ouvrière peu qualifiée, production à faible valeur ajoutée, faible niveau de diversification et de différenciation et faible compétitivité. La différence de degré de ces faiblesses aura un impact sur la réussite des stratégies gouvernementales concernant les IDE. La stabilité politique, la constance de l‘action des pouvoirs publics, la bonne gouvernance et la réputation de « pays sûr pour l’investissement » sont également des facteurs déterminants.
Les IDE existants ne contribuent toujours pas pleinement à l’économie des 12 pays MENA. Nombre de ces entreprises étrangères importent de l’extérieur cadres et ouvriers tandis que les emplois créés dans le pays sont souvent des emplois peu qualifiés et à faible valeur ajoutée. La question reste également ouverte concernant la mesure dans laquelle les IDE ont vraiment facilité le transfert de savoir, de compétences et de technologie aux PME du pays, par exemple par le biais des relations interindustrielles et des dispositifs de la chaîne de l’offre. Il faudrait donc approfondir la question de l’impact des politiques de libéralisation et d’IDE sur le développement des PME et sur l’emploi et la réduction de la pauvreté.
Il est avéré qu’une accentuation de l’intégration commerciale, de l’ouverture (qu’il s’agisse des exportations et des importations par rapport au PIB), et de la diversification des exportations va de pair avec un accroissement des taux de croissance de l’économie (Banque mondiale 2009c). Les exportations dans les pays de la région sont généralement fortement concentrées dans les secteurs de l’industrie extractive, notamment le pétrole, les produits agricoles et quelques secteurs industriels, comme l’habillement et le textile. Le niveau des exportations de produits manufacturés n’a que légèrement augmenté depuis 1970, ce qui montre les limites du secteur privé de la région à soutenir la croissance économique et à diversifier la base des exportations; objectif stratégique important pour la région (Banque mondiale 2009c). Les barrières tarifaires et non tarifaires élevées ont également empêché les entreprises privées d’avoir accès aux biens intermédiaires importés. (Noland et Pack 2007).
La figure 3.9 indique comment se classent les 12 pays par rapport à l’ouverture du commerce extérieur. La Jordanie, où le commerce totalise près de 150 pour cent du PIB, est l’économie la plus ouverte, suivie par la Tunisie avec 126 pour cent du PIB. La palme des exportations revient à la Tunisie, à la Jordanie et à l’Algérie qui ont tous des niveaux d’exportations qui dépassent les 40 pour cent du PIB (niveau supérieur à la moyenne pour les pays de la région MENA et pour les pays à revenu intermédiaire inférieur et supérieur). L’Égypte, la Turquie, le Liban, le Soudan et la Cisjordanie et Gaza n’atteignent pas cette moyenne des exportations. Le degré et la vitesse d’ouverture économique varient d’un pays à l’autre. Si l’on prend à la fois le niveau des exportations et des importations, on constate que les petits pays sont plus ouverts sur l’extérieur.
Figure 3.9 Résultats commerciaux — Exportations et importations
L’Algérie est le seul pays du groupe des 12 pays MENA à avoir un grand excédent commercial, en grande partie grâce aux exportations de pétrole, mais à l’instar de l’Égypte et de la Turquie, la croissance des exportations est demeurée marginale au cours de la période 2006–2008. En revanche, la Jordanie, le Liban, la Tunisie et le Soudan ont vu leurs résultats à l’exportation s’améliorer. La Cisjordanie et Gaza, la Jordanie et le Liban importent nettement plus qu’ils n’exportent, ce qui fait que, malgré leur ouverture sur l’extérieur, ils accusent un gros déficit commercial. Les partenaires commerciaux en Cisjordanie et Gaza sont singulièrement entravés par les mesures restrictives qu’Israël impose sur la mobilité des biens et des services, ce qui limite considérablement la diversification de l’activité commerciale. Les échanges avec Israël représentent environ 90 pour cent des exportations palestiniennes et 70 pour cent des importations.
L’un des défis en matière d’exportations auquel sont exposés les 12 pays MENA, outre le manque de production et de produits de qualité et la difficulté à se conformer aux prescriptions et aux normes internationales, est le manque de diversification industrielle. L’Algérie, l’Irak, la Syrie, le Soudan, le Yémen et l’Égypte sont fortement tributaires des exportations de pétrole et de gaz. Le pétrole représente plus de 90 pour cent des recettes d’exportations en Algérie, en Irak, au Soudan et au Yémen et plus de 60 pour cent en Égypte. La Tunisie, la Turquie et le Maroc ont été fortement tributaires des exportations de vêtements et de textiles. Comme cela a déjà été indiqué dans ce chapitre, le niveau des exportations de produits manufacturés de haute technologie dans les 12 pays est extrêmement bas.
Les pays de la région sont engagés dans des réformes pour libéraliser leur système commercial et lever les obstacles à un accroissement du commerce en modifiant la réglementation, en créant des institutions commerciales et en multipliant les accords de libre-échange régionaux, bilatéraux et internationaux. La Tunisie, l’Égypte, le Maroc et la Turquie sont membres de l’OMC depuis les années 90 et la Jordanie a pu y accéder au début des années 2000. L’Algérie, le Liban, la Syrie et le Yémen en sont, chacun, à des phases de préparations ou de négociations à leur accession. L’Irak a le statut d’observateur et l’Autorité palestinienne se prépare à poser officiellement sa candidature à ce statut alors que le Soudan projette d’y entrer. Les pays du MENA de la région Euro-Med font partie de l’Accord d’association avec l’Union européenne (UE), ce qui leur assurera le plein accès aux marchés de l’Union européenne à l’horizon 2010–2012, sachant que tous les pays ont conclu des accords commerciaux bilatéraux avec toute une série d’autres pays. Les efforts à l’intégration mondiale sont complétés et renforcés par des efforts à l’intégration régionale dans le cadre de la Grande Zone arabe de libre-échange (GZALE), bien que les échanges interrégionaux soient faibles (PNUD et FADES 2002). Si l’on prend en compte le nombre d’accords de libreéchange au sein de la zone euro-méditerranéenne, le niveau de l’intégration commerciale au niveau régional s’est élevé ces dernières années, mais la mise en œuvre des principaux accords régionaux en est encore à ses débuts. L’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie sont les plus avancés des pays euro-méditerranéens alors que l’Algérie est la moins intégrée (Communautés européennes et OCDE 2008). Le RADH de 2002 recommandait la constitution d’une union douanière régionale ou d’un marché commun pour amplifier l’intégration régionale et multiplier les effets d’autres accords d’association, comme ceux conclus avec l’UE.
Pour stimuler les exportations les plus importantes et les industries à vocation exportatrice, plusieurs gouvernements ont créé des zones franches, des agences de promotion des exportations, des centres d’information commerciale, des centres de commerce, et même des banque de développement des exportations. Ils ont tous mis en œuvre des réformes pour démanteler les tarifs douaniers, se conformer aux normes de qualité internationales et simplifier les formalités de douane et les mécanismes du commerce et des exportations, ce qui n’empêche pas que de nombreux obstacles subsistent dans le système douanier (délais de traitement, bureaucratie excessive, frais élevés et corruption). La plupart des 12 gouvernements ont également mis en œuvre des initiatives avec le soutien de bailleurs pour cibler les secteurs et les PME tout en harmonisant et en amplifiant le soutien à la promotion des exportations.
Dans le cadre de l’évaluation d’ensemble de la Charte Euro-méditerranéenne pour l’entreprise conduite par l’OCDE en 2007–2008, une des évaluations de l’action des pouvoirs publics a porté sur « un meilleur accès aux marchés ». Il s’agissait d’évaluer les actions entreprises pour abaisser les barrières commerciales, et cela portait notamment sur le cadre réglementaire, la réduction des frais de transactions et l’adoption de normes techniques internationales. Le tableau 3.5 présente les résultats de cette évaluation pour 8 des 12 pays. L’Égypte et la Tunisie arrivent en tête avec un score total de 3,5 et de 3,2 (sur 5) et sont suivies par le Maroc et la Jordanie. Concernant les actions commerciales proactives, le fait d’avoir une agence pour la promotion des exportations ou une entité gouvernementale responsable des activités de promotion des exportations et d’avoir mis en œuvre une stratégie d’exportation a placé l’Égypte, la Tunisie et le Maroc au premier rang de ce classement. La Jordanie a également fait assez bonne figure, mais il lui a manqué une stratégie d’ensemble, point faible auquel le gouvernement a cherché à remédier en 2009. Des efforts pour développer une stratégie de promotion des exportations sont également en cours au Liban. Bien que la Syrie et l’Algérie aient instauré des agences ou commissions pour le développement des exportations pour promouvoir les exportations de produits « propres » (sans carbone), la plupart de leurs activités pour promouvoir les exportations ont été jugées comme étant « ponctuelles ». En ce qui concerne le second aspect de l’action des pouvoirs publics, « la simplification des procédures », l’Égypte et la Tunisie sont, là encore, les mieux placées, mais seuls l’Égypte et le Maroc disposaient d’un guichet unique pour faciliter les exportations.
Des trois dimensions de l’action des pouvoirs publics, la plus problématique est liée à l’Accord sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels (ACAA). Les six indicateurs ACAA font apparaître de grandes différences entre les pays, mais la progression des actions politiques s’est avérée nulle dans l’ensemble. Il est essentiel que les pays respectent cet accord (alignement des législations et capacité des infrastructures) s’ils veulent être en conformité avec le cahier des charges relatif aux produits exportés sur les marchés européens. Tous les pays de la zone euro-méditerranéen ont souscrit au concept ACAA comme moyen d’améliorer leur compétitivité industrielle et ont défini leurs secteurs prioritaires (par exemple, les produits électriques, la construction, les équipements sous pression, les machines) et presque tous se préparent à signer l’accord. Excepté en Syrie et en Cisjordanie et Gaza, les gouvernements ont commencé à adopter les normes européennes harmonisées dans leurs secteurs prioritaires et à améliorer et restructurer leurs infrastructures « de qualité » et leurs organismes d’évaluation de la conformité.
Tableau 3.5 Mise en œuvre d’une politique pour un ‘meilleur accès aux marchés’
Indicateur |
AG |
EG |
JO |
LI |
MA |
SY |
TN |
CJ&G |
1. Mise en œuvre d’une politique commerciale proactive Stratégie de promotion des exportations |
1.5 |
4.0 |
2.5 |
2.0 |
2.5 |
2.0 |
3.5 |
1.5 |
Accords commerciaux intra-Med |
1.0 |
4.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
3.0 |
Moyenne pondérée des PPM = 2.8 |
1.3 |
4.0 |
3.1 |
2.4 |
3.1 |
2.4 |
3.7 |
2.1 |
2. Simplification des procédures du commerce international Niveau d’informatisation des procédures du commerce extérieur |
1.5 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
3.0 |
Qualité de l’information sur le commerce extérieur |
1.5 |
5.0 |
3.0 |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
3.0 |
3.0 |
Guichet unique virtuel |
1.5 |
4.5 |
2.0 |
2.0 |
3.0 |
1.0 |
3.5 |
1.0 |
Moyenne pondérée des PPM = 3.1 |
1.5 |
4.5 |
2.7 |
3.0 |
3.3 |
2.0 |
3.5 |
2.3 |
3. Accord sur l’évaluation de conformité et l’acceptation des produits industriels (ACAA) Adoption de la réglementation technique de l’UE |
1.0 |
2.0 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
1.0 |
Adoption des normes techniques de l’UE |
2.0 |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
2.5 |
1.0 |
Accréditation |
2.0 |
2.0 |
2.5 |
2.0 |
2.0 |
1.0 |
3.5 |
1.0 |
Évaluation de la conformité |
1.0 |
1.5 |
2.0 |
2.0 |
1.5 |
1.0 |
2.0 |
1.0 |
Métrologie |
1.0 |
1.5 |
2.0 |
1.5 |
2.0 |
1.0 |
2.5 |
1.0 |
Surveillance des marchés |
1.0 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
Moyenne pondérée des PPM* = 1.8 |
1.3 |
1.9 |
1.9 |
1.6 |
1.8 |
1.3 |
2.3 |
1.0 |
Score total de la politique commerciale |
1.4 |
3.5 |
2.6 |
2.3 |
2.7 |
2.0 |
3.2 |
1.8 |
Notes: Les scores sont sur un total de 5.
* PPM = Pays partenaires méditerranéens.
Source : Données des Communautés européennes et OCDE (2008), pp.55–60.
L’un des obstacles les plus importants à l’intégration commerciale de ces pays est la faible capacité et compétitivité du secteur des PME. Une sérieuse amélioration de ces conditions sera nécessaire pour que les PME puissent mieux contribuer aux performances des exportations. La question du défi auquel sont confrontées les PME sera traitée plus amplement au chapitre 4.
L’inégalité qui a pour origine la discrimination sexuelle est également un problème important pour le développement du secteur privé. Les femmes des pays en développement se heurtent à de sérieux obstacles commerciaux, systémiques, socioculturels et éducatifs qui restreignent leur accès aux titres de propriété, au crédit, à l’information, à l’emploi et à d’autres opportunités économiques. Les marchés du travail où sévit la ségrégation sexuelle contribuent à l’inégalité salariale entre hommes et femmes, bloquent l’investissement dans le capital humain et empêchent les femmes d’accéder à des professions plus productives (OCDE 2006). Alors qu’il est nécessaire de poursuivre et d’approfondir les recherches sur les rapports entre l’égalité hommes / femmes, la pauvreté et la croissance économique (Bibi et Nabli 2010), l’inégalité entre les hommes et les femmes semble affecter la croissance économique par le biais de la qualité des rendements du capital humain (l‘accès à l’instruction, par exemple), d‘obstacles à l’emploi des femmes dans certains secteurs ou certaines professions, de différences dans les propensions à économiser et d’accès inégaux aux droits de propriété (Morrison et autres 2007).
L’OCDE fait valoir que le fait de ne pas mettre l’accent sur l’accès des femmes au marché du commercial réduit l’efficacité des actions des pouvoirs publics conçues pour développer une croissance pro-pauvres. C’est pourquoi, pour les bailleurs, « améliorer l’accès des femmes au marché » a été identifié comme étant l’un des six facteurs importants pour accentuer l’impact du développement du secteur privé sur la réduction de la pauvreté (OCDE 2006). La question de l’égalité hommes-femmes est également au centre du Rôle des femmes dans la vie économique (RWEL) programme du Euro-Med (RWEL 2008d), de l’initiative commune de l’Organisation international du travail et du Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche sur l’égalité hommes-femmes et les droits des femmes dans l’économie informelle des États arabes (OIT et CAWTAR 2008a) et des études de la Banque mondiale (Banque mondiale 2001, 2004b, 2005d, 2009e) et du Forum économique mondial (FEM 2008b).
Le RADH de 2002 a souligné que les différences entre hommes et femmes dans la société de la région étaient l’un des trois déficits majeurs23 en matière de développement humain dans cette partie du monde (PNUD et FADES 2002). Le rapport soulignait que, dans le monde arabe, les femmes ne sont pas des citoyennes à part entière et qu’elles sont victimes de l’inégalité de droits juridiques, la preuve étant le très petit nombre de femmes dans les parlements, dans les gouvernements et dans la population active en général, ainsi que la tendance à la féminisation du chômage. La discrimination professionnelle et salariale qui frappe les femmes a pour conséquence d’étouffer le potentiel productif des femmes et d’affaiblir les revenus familiaux et les niveaux de vie. Selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA), cette discrimination constitue le maillon faible qui empêche de parvenir à une croissance durable: si les inégalités entre hommes et femmes dans les domaines de l’éducation et de l’emploi du secteur formel étaient corrigées, il y aurait une augmentation du revenu par habitant (CEA 2004). Morrison et autres (2007) démontrent, preuves à l’appui, que les pays en développement où il y a une plus grande égalité hommes-femmes ont généralement des niveaux de pauvreté plus faibles.
L’une des questions majeures est de déterminer dans quelle mesure les femmes des pays en développement bénéficient toutes également des stratégies de croissance économique. Selon le programme RWEL, les politiques de libéralisation ont un impact négatif sur les conditions des femmes, celles-ci étant en majorité cantonnées dans les emplois manufacturiers à bas salaire (RWEL 2007). La CEA (2004) a appelé à une analyse sexospécifique de toutes les questions commerciales liées à l’OMC en cours de négociation pour évaluer les impacts des politiques commerciales sur les personnes de sexes différents, la façon dont l’inégalité des genres affecte les performances commerciales et les effets des politiques d’équité sur la réduction de la pauvreté. La CEA a également suggéré que cette analyse soit incorporée dans les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). RWEL (2008c) conclut que, concernant les pays du MENA, il n’y pas suffisamment d’analyses sur les incidences de la politique de libéralisation du commerce et de l’économie sur les femmes pauvres et à faibles revenus, ni sur les effets de la mondialisation sur les ménages. Il ajoute que, dans cette région, la situation des femmes et les questions relatives à l’économie et à la discrimination sexuelle n’ont guère été explorées jusqu’à présent. Aucun travail de recherche systématique n’a été entrepris pour analyser les stratégies auxquelles les femmes ont recours pour négocier leur part de pouvoir économique ou pour disposer de ce qu’elles gagnent, ni de données concernant l’impact des nouveaux débouchés sur l’autonomisation des femmes. Il faudrait également engager des recherches sur le rôle des femmes dans le développement du secteur privé et des PME, et notamment sur l’impact des pratiques d’embauche discriminatoires du secteur privé ; sur l’impact des accords de libre-échange et des investissements directs étrangers sur l’emploi des femmes ; sur les moyens d’accroître le rôle des femmes dans l’activité des PME ; sur les raisons précises qui font que le pourcentage de femmes entrepreneurs, en particulier comme employeuses, est très faible ; et sur les obstacles qui empêchent les femmes de participer aux prises de décisions et d’exercer une influence politique. Ces questions devraient faire l’objet d’un examen systématique dans un cadre panrégional.
Ce chapitre a déjà attiré l’attention sur nombre d’iniquités à caractère discriminatoire qui affectent le développement social et économique des 12 pays MENA: taux d’alphabétisation féminin plus faibles, taux de scolarisation dans le secondaire et le supérieur plus faibles, taux de participation à la vie active plus faibles, taux de chômage plus élevés, féminisation de certains marché du travail et pratiques d’embauche discriminatoires dans le secteur privé formel. D’autres indicateurs concernant la discrimination, présents dans l’Indice de développement humain (IDH) (PNUD 2009), confirment l’existence de ces inégalités entre hommes et femmes (tableau 3.6). Des 12 pays MENA, la Turquie atteint la première place et la plus haute valeur sur l’indice de développement lié aux inégalités hommes-femmes et elle se place dans la première moitié des 155 pays évalués, suivie de très près par le Liban.
L’écart des revenus professionnels entre hommes et femmes est le plus bas en Algérie et au Soudan, pourtant les femmes ne gagnent pas plus que 36 pour cent de ce que gagnent les hommes. Le pourcentage le plus élevé de femmes occupant un poste ministériel se trouve en Irak et tandis que la Syrie détient le pourcentage le plus élevé de femmes cadres et de femmes exerçant une profession technique (cela est probablement dû à la forte proportion de femmes dans l’administration).
Un autre outil qui peut servir à comparer le comportement des pays en ce qui concerne les inégalités hommes-femmes, est l’Indice mondial de l’écart entre les genres (GGGI)24 du Forum économique mondial.24 Bien que seuls 8 pays sur les 12 figurent parmi les 130 pays classés selon cet indice de 2008, il a été établi que les pays de la région, dans leur ensemble, ont de moins on résultats que les pays d’autres parties du monde, avec un score de 0,58 (FEM 2008b). Cela signifie que seuls 58 pour cent de l’écart homme/femme ont été comblés, avec un écart le plus grand pour les indicateurs de participation et d’opportunités économiques. La figure 3.10 présente une comparaison des résultats de ces huit pays.
Selon les indicateurs de santé, d’espérance de vie et de niveau d’instruction, ces pays ont d’assez bons résultats, à l’exception du Yémen qui a encore beaucoup à faire pour réduire l’écart dans le domaine de l’éducation. En revanche, ils ont réduit de moins de 50 pour cent l’inégalité des genres concernant la participation et les perspectives économiques et de près de 10 pour cent l’écart d’autonomisation politique. Si l’on prend le classement total des 130 pays, les huit pays se situent tous dans la tranche des derniers 20 pour cent. Le Yémen se classe dernier, ce qui signifie qu’il est le seul pays à avoir réduit de moins de 50 pour cent son écart global.
Tableau 3.6 Indicateurs de l’autonomisation des hommes et des femmes
Figure 3.10 Scores des pays en matière d’égalité hommes-femmes
Selon le rapport mondial de 2008 sur l’écart entre les genres, pour maximiser sa compétitivité et son potentiel de développement, chaque pays devrait s’efforcer à parvenir à une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, confirmant du même coup une corrélation positive entre égalité hommes-femmes et niveau de développement et compétitivité d’un pays.25 La Banque mondiale (2004b, p.4) avance deux idées, à savoir: 1) que si les taux de participation des femmes à la vie active passaient de leurs niveaux réels aux niveaux prévisionnels (en prenant en compte les niveaux existants dans trois domaines : instruction, fécondité et pyramide des âges), l’augmentation des revenus des ménages pourrait atteindre 25 pour cent, ce qui constituerait un facteur majeur de réduction de la pauvreté ; et 2) que si les taux de participation des femmes avaient été aux niveaux prévisionnels dans les années 90, les taux de croissance du PIB par habitant auraient pu être supérieurs de 0,7 pour cent par an, ce qui représente une perte considérable au regard de la croissance moyenne des revenus par habitant de 1,9 pour cent sur la décennie. L’une des questions que soulevait le rapport de la Banque mondiale était de savoir si les pays de la région MENA pouvaient se permettre une perte de croissance à venir du fait de l’inégalité entre hommes et femmes (Banque mondiale 2004b).
La plupart des 12 pays MENA se considèrent comme étant les plus avancés au monde pour ce qui est de l’égalité des lois pour les femmes, y compris leurs droits juridiques de posséder des terres et des entreprises. Cependant, la mise en œuvre de ces lois, couplée aux pratiques patriarcales et aux pressions familiales, empêche les femmes de jouir de ces droits. L’amélioration de l’environnement pour que les femmes puissent participer pleinement à la vie sociale et économique est une priorité pour les 12 pays. Le gouvernement égyptien a, par exemple, inscrit au budget l’égalité hommes-femmes et, dans son Plan national de développement, s’est fixé comme objectif de porter à 25 pour cent le taux d’activité économique des femmes à l’horizon 2013. Le gouvernement Irakien a comme objectif de porter à 35 pour cent la participation des femmes à la vie active et projette de mettre en œuvre des politiques globales de l’emploi. Au Maroc, la législation du travail comprenait une clause en 2004 exigeant « à travail égal, salaire égal ». Quant à la Jordanie, son programme de transformation (Agenda national 2006–2015) stipule que le gouvernement s’engage à supprimer toutes les formes de discrimination contre les femmes. Malgré ces proclamations et ces actions officielles, il faudra du temps pour que se produisent les changements culturels. Le rythme du changement est modéré par les mentalités de l’actuelle génération de jeunes. Selon un sondage Gallup réalisé en 2009 auprès de jeunes Arabes (Silatech 2009), les jeunes hommes et femmes avaient des points de vue très différents sur le rôle des femmes dans la société. Un grand pourcentage de jeunes femmes, de loin supérieur à celui des jeunes hommes pensaient que les femmes devraient pouvoir occuper un emploi à l’extérieur de leurs maisons et des postes de premier plan au parlement.
Le RADH de 2005 souligne que l’extension du rôle des femmes dans la société est une condition préalable à une renaissance du monde arabe et que les femmes devraient être encouragées à développer et à utiliser pleinement leurs capacités dans toutes les sphères d’activité (PNUD et FADES 2006). Il faut que soient levés les obstacles qui leur interdisent l’accès égal à l’instruction, à l’emploi, aux débouchés dans le monde de l’entreprise, à la sécurité des conditions de travail, à la représentation, aux libertés individuelles, et au regard de la loi. Les bailleurs continuent de préconiser des réformes pour renforcer l’égalité entre hommes et femmes et précisent les objectifs à se fixer pour que les femmes soient les bénéficiaires des projets relatifs au développement du secteur privé et aux PME.
Ce chapitre a décrit les six défis économiques majeurs auxquels sont confrontés les 12 pays MENA. Le dernier défi économique a trait au développement des PME et de l’entrepreneuriat. Ce problème est traité séparément au chapitre 4 parce qu’il n’a pas fait l’objet d’une analyse aussi approfondie que les autres défis dans le cadre de l’étude des pays de la région, et parce qu’il est au cœur de la question du développement du secteur privé.
1. À titre de comparaison, moins de 16 pour cent de la population d’Europe a moins de 15 ans, 63,5 pour cent a entre 15 et 59 ans et 20,6 pour cent a plus de 60 ans ; l’âge médian dans les pays développés est supérieur à 40 ans (ONU 2007).
2. Les taux de fécondité varient en moyenne de 3,86 naissances par femme en Irak à 5 au Yémen (World Factbook, WFB). Ce sont l’Algérie et la Tunisie qui ont les taux de fécondité les plus faibles, moins de 1,8 naissances par femme dans les deux cas.
3. Le volume de la tranche d’âge des moins de 15 ans est calculé à partir des estimations des profils particuliers des pays établis dans le World Factbook.
4. Les projections de créations d’emplois de la Banque mondiale concernent tous les pays MENA, et pas seulement les 12.
5. Les taux de chômage officieux peuvent être beaucoup plus élevés. Par exemple, on estime qu’ils sont de 30 pour cent en Irak et en Jordanie et qu’ils peuvent atteindre 35 pour cent au Yémen.
6. À titre de comparaison, le taux d’emploi en Europe est d’environ 64 pour cent, et le Conseil européen de Lisbonne avait fixé l’objectif de 70 pour cent à l’horizon 2010 (Banque mondiale 2007b).
7. Les entreprises du secteur informel risquent d’être majoritairement dirigées par des entrepreneurs peu instruits et peu compétents (De Paula et Scheinkman 2007 ; LaPorta et Shleifer 2008).
8. Schneider parle « d’économie souterraine » et cette définition englobe toute la production légale de biens et de services conforme aux lois du marché mais délibérément dissimulée aux pouvoirs publics pour ne pas avoir à payer taxes, impôts et charges sociales et pour éviter d’avoir à respecter certaines normes de la législation du marché du travail, par exemple le salaire minimum et les normes de sécurité et d’avoir à se conformer à certaines procédures administratives. Il a élaboré un modèle complexe pour estimer le volume de « l’économie souterraine » dans 145 pays.
9. A cours de cette même période, le volume de l’économie informelle a augmenté de 30 à 39 pour cent en Afrique subsaharienne, de 22 à 28 pour cent en Asie du Sud, de 29 à 38 pour cent dans les pays d’Amérique latine et de 18,5 à 20 pour cent en Asie orientale et dans le Pacifique (Zinnes 2009).
10. En 2006, le niveau moyen de l’économie informelle dans 76 pays en développement était de 34,8 pour cent du PIB. Dans 19 pays de l’Europe de l’Est et d’Asie centrale, il était de 36,9 pour cent, et, de 15,8 pour cent dans 15 pays de l’OCDE à haut revenu (Schneider et Buehn 2009).
11. Le secteur privé formel ne représente qu’environ 10 pour cent de l’emploi total en Égypte (Assaad 2007).
12. Hernando de Soto est l’auteur du Mystère du capital (de Soto 2000) et un chaud partisan de l’octroi de droits de propriété aux pauvres pour qu’ils puissent participer plus pleinement à l’économie formelle.
13. Bureau central palestinien des statistiques (2008), « Bureau central palestinien des statistiques : secteur informel et emploi informel en Cisjordanie et dans la bande de Gaza », présentation de diapositives Powerpoint 15–17 juillet 2008, disponible sur http://www.pcbs.org.ps (accédé le 14 août 2009).
14. Bien que Barro (1998) n’ait pas trouvé de corrélation entre le niveau d’instruction des femmes et la croissance économique, il y en avait une importante pour d’autres indicateurs du développement économique, par exemple la fécondité, la mortalité infantile et la liberté politique.
15. Par ratio de scolarisation brut, il faut entendre « le ratio de scolarisation totale, indépendamment de l’âge, par rapport à la population de la tranche d’âge correspondant officiellement au niveau du cursus indiqué » (Banque mondiale 2009g, p.87).
16. Le nouveau Plan d’urgence pour l’éducation 2009–2012, lancé par le gouvernement marocain en 2008, a pour objectif de lutter contre l’abandon des études au niveau du lycée en rendant la scolarité obligatoire jusqu’à 15 ans et en modernisant plus de 2500 établissements en zones rurales.
17. On peut trouver des précisions sur l’indice et les mesures de l’économie de la connaissance sur le site : http://www.worldbank.org/kam.
18. Plus de 95 pour cent du financement de la recherche dans les pays MENA est assuré par les pouvoirs publics alors que dans les pays développés la proportion est considérablement plus faible (au maximum 40 pour cent au Canada, 30 pour cent aux Etats-Unis et 20 pour cent au Japon (MBRF et PNUD 2009, p. 192).
19. Par exportations de haute technologie, il faut entendre les productions à haute densité de R-D, tels que les produits de l’industrie aérospatiale, l’informatique, les produits pharmaceutiques, les instruments scientifiques et les machines électriques (Banque mondiale 2009g, p. 317).
20. MEDA est un groupe de 12 pays partenaires de l’Union européenne ---Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Autorité palestinienne, Tunisie et Turquie.
21. La Charte pour l’entreprise fixe dix principes d’actions prioritaires : 1) des procédures simples pour les entreprises ; 2) un enseignement et une formation spécialement conçus pour les entrepreneurs ; 3) des compétences améliorées ; 4) un accès facilité au financement et une fiscalité favorable à l’investissement ; 5) un meilleur accès au marché ; 6) des entreprises innovantes ; 7) des associations professionnelles fortes ; 8) des services et des programmes de soutien de qualité aux entreprises ; 9) des partenariats et des réseaux euro-méditerranéens renforcés ; 10) une information claire et ciblée.
22. Schmidt (2008 p.10) estimait que le seuil d’IDE à atteindre pour que la croissance réponde aux IDE devait être égal à 18 fois le PIB par habitant. Il soulignait également que le commerce pouvait se substituer aux IDE pour promouvoir la croissance dans les pays où le niveau des IDE était trop faible pour être efficace (p.11).
23. Les deux autres déficits observés dans la région étaient un déficit de liberté et un déficit de capacité humaine et de connaissance par rapport au revenu.
24. L’indice mondial de disparités entre les genres est une initiative du Forum économique mondial qui compare les écarts entre hommes et femmes au niveau national dans les domaines de la participation économique, de l’autonomisation politique, de l’éducation, et de la santé d’un pays à l’autre, d’une région et d’un groupe de revenus à l’autre, et qui range les pays en fonction des écarts d’égalité entre hommes et femmes. (FEM 2008b).
25. Pour parvenir à cette conclusion, les scores de l’indice mondial de disparités entre les genres figurent en regard des scores du PIB par habitant et des scores de l’indice mondial de compétitivité 2008–2009.
Les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) font partie intégrante du secteur privé, contribuant considérablement à la création d’emplois et jouant un rôle fondamental dans l’accroissement de la concurrence dans certains marchés, y compris les marchés qui ont leur importance pour les pauvres (DfID 2004c). Il semble que les PME (en particulier dans le secteur formel) deviennent plus importantes au fur et à mesure que l’économie se développe. Selon l’analyse de Ayyagari et autres (2003), qui porte sur une base de données1 relative à 76 pays, la part des PME dans le secteur formel d’une une économie augmente sensiblement avec le niveau de développement. Elle passe d’une moyenne de 15,6 pour cent du PIB dans les pays à faible revenu à une moyenne de 51,5 pour cent du PIB dans les pays à haut revenu. En ce qui concerne l’emploi total, la part des PME du secteur formel passe de 17,6 pour cent dans les pays à faible revenu à 57,2 pour cent dans les pays à haut revenu.2 En même temps, la part du secteur informel dans le PIB et l’emploi total baisse avec le niveau de développement économique. Pour le PIB, elle est en moyenne de 47,2 pour cent dans le pays à faible revenu, mais seulement de 13,0 pour cent dans les pays à haut revenu. Pour l’emploi total, elle passe d’une moyenne de 29,4 pour cent dans les pays à faible revenu à seulement 15,2 pour cent dans les pays à haut revenu. La part combinée des PME des secteurs formel et informel reste à peu près constante d’un pays à l’autre, quel que soit le niveau de développement, à savoir environ 65 à 70 pour cent du PIB. Ce qui change, c’est la distribution. Au fur et à mesure que le revenu national augmente, la part du PIB et de l’emploi accuse un glissement marqué du secteur informel vers le secteur formel des PME. Le défi que les pays en voie de développement ont à relever est de renforcer et de développer le secteur formel des PME pour qu’il puisse jouer un rôle plus important dans le développement du secteur privé et contribuer plus franchement à la croissance économique.
Bien que les PME occupent la première place dans la plupart des économies, leur petite taille les met en position de faiblesse par rapport aux grandes entreprises. Ils ont moins de ressources internes et sont moins compétitives sur les marchés mondiaux. Outre les facteurs internes qui limitent leur survie et leur potentiel de croissance, tels que le manque de compétence en matière de gestion, le financement et la technologie, il y a également des facteurs externes qui empêchent les petites entreprises de fonctionner efficacement. Ce sont notamment les marchés, les politiques, les lois et règlementations qui affectent leurs activités ainsi que le dispositif organisationnel et institutionnel (White 2008). Le contexte d’inégalité, qui ne favorise pas la croissance des PME, est un obstacle à l’investissement ce qui résulte en une croissance pro-pauvres plus faible (OCDE 2004a).
Les PME constituent la très grande majorité du secteur privé dans la région MENA. Il devrait donc y avoir une équivalence entre les politiques des PME et les stratégies de de développement du secteur privé (DSP), mais ce n’est généralement pas le cas. Les gouvernements et les pouvoirs publics n’accordent pas forcément aux politiques de développement des PME l’attention nécessaire pour qu’il y ait une amélioration spectaculaire des conditions de fonctionnement, des compétences et des besoins en ressources du secteur des PME pour qu’il puisse contribuer substantiellement à la prospérité économique. Presque tous les gouvernements des 12 pays MENA soulignent dans leurs déclarations et leurs programmes que les microet les petites entreprises sont importantes pour le développement économique du secteur privé. Cependant, leurs politiques, leurs stratégies et leurs initiatives ne traduisent pas cette idée que les PME sont les moteurs de la croissance économique du secteur privé, ce qui a des implications cruciales pour l’orientation des actions politiques d’un gouvernement. Si les PME sont considérées avant tout comme un mécanisme d’absorption de la main-d’œuvre du bas de la pyramide et de réduction de la pauvreté, leur développement est alors davantage traité sous l’angle social. La réponse des pouvoirs publics est souvent de soutenir une activité génératrice de revenus pour les ménages pauvres par l’intermédiaire de la microfinance. Le résultat final est que l’activité des entreprises est une forte concentration des activités de subsistance contribuant peu à la croissance économique. Même lorsque les gouvernements veulent faire des PME le vecteur de la croissance économique, il en résulte souvent des contradictions. Dans leurs Plans nationaux de développement, les gouvernements soulignent à quel point les PME sont importantes pour l’économie, mais, dans la pratique, les politiques ayant trait aux PME sont relayées derrières celles centrées sur les IDE et sur les grands projets d’investisseurs nationaux. Les PME représentent une véritable opportunité pour le développement du secteur privé d’un pays mais pour que leur rôle de composantes centrales, et non marginales, du développement et de la croissance économiques soit renforcé, de sérieuses réformes sont nécessaires.
Une conjonction de carences systémiques au niveau du marché, de l’éducation et de l’action gouvernementales empêche les PME d’avoir accès au financement, à l’information, aux services d’appui aux entreprises, aux terrains, à la technologie, à la formation et aux compétences qu’il faut pour être compétitives dans une économie moderne. Cela les expose à des coûts de transactions élevés et entrave leur pénétration des marchés. Parce que les forces du marché n’allouent pas les ressources comme prévu et que les structures institutionnelles ne répondent pas de façon appropriée aux besoins des PME, l’action des gouvernements s’impose pour remédier à cette situation.
Étant donné que toute une gamme de définition des PME est utilisée dans les 12 pays, les comparaisons entre les secteurs des PME d’un pays à l’autre sont pratiquement impossibles. Les critères officiels que retiennent les gouvernements pour ces définitions sont variables. Ce peut être le nombre d’employés, le total des actifs, le chiffre d’affaires annuel ou le capital versé (tableau 4.1). Même lorsque les définitions officielles sont arrêtées, les diverses agences et organes de soutien aux PME au sein d’un pays utilisent leurs propres définitions. Par exemple, on a compté plus de 30 définitions en Jordanie. De plus, les décomptes de la population active qui figurent dans les statistiques officielles ne sont généralement pas comparables d’un pays à l’autre.
Dans l’ensemble des 12 pays MENA, les statistiques sur les caractéristiques du secteur des PME sont limitées. Un certain nombre d’indicateurs couramment utilisés dans les pays plus développés pour décrire, mesurer et suivre les tendances de ce secteur sont manquants (OCDE 2009e) ; ce sont notamment la distribution des entreprises par taille (par nombre d’employés), la distribution sectorielle et géographique des PME (par taille), le taux de croissance annuelle du nombre de PME et d’employés, la part des PME dans la population active, le taux d’entrées des nouvelles entreprises, le taux de sortie, le pourcentage de PME en expansion et en déclin, la part des PME qui exportent et le volume des exportations, la part de valeur ajoutée apportée par les PME et la part de productivité.
L’exhaustivité, la qualité, l’exactitude des données relatives aux PME de la région MENA et les délais de notification laissent constamment à désirer. Certains gouvernements n’apportent des renseignements uniquement sur les PME industrielles – c’est le cas de la Syrie et, dans une large mesure, du Maroc et de la Tunisie – et ne possèdent pas d’informations chiffrées sur les entreprises dans tous les secteurs de l’économie. Aucun des 12 pays MENA ne donne une idée exacte du nombre d’entreprises du secteur informel bien que l’on estime qu’elles représentent, selon les pays, 40 à 80 pour cent de toutes les entreprises privées. Il est difficile, en raison de ce manque de données, de décrire le rôle des PME et de faire des comparaisons entre pays. Les 12 pays ont en commun le besoin de données et de statistiques détaillées sur le secteur des PME pour mieux en saisir l’ampleur et la signification économique, déceler les évolutions dans la durée et fournir des éléments pour que les actions des pouvoirs publics contribuent au développement des PME. Cela inclue les informations sur les entreprises du secteur informel et sur les entreprises possédées par des femmes.
Il y a également un manque de statistiques à jour. La plupart des pays effectuent un recensement des entreprises ou des établissements tous les 5 à 10 ans, un recensement des ménages (en général tous les 10 ans) et des enquêtes sur la population active qui donnent des informations sur le nombre de travailleurs indépendants (auto-entrepreneurs) et le nombre d’employeurs (chefs d’entreprise qui ont des employés). Certains gouvernements sont plus avancés que d’autres aussi bien pour le recueil des données sur le secteur des PME que pour leur communication, mais il n’y a généralement pas d’enquêtes annuelles sur ce secteur. La possibilité de lier les données des registres d’enregistrements des entreprises, des recensements des établissements et des archives des administrations fiscales et de sécurité sociale n’est pas exploitée pour fournir un tableau plus complet du secteur des PME et des évolutions en son sein. Pour relever ces défis, il faudrait mettre en place des instituts nationaux de statistique et que les ministères et les agences concernés acceptent de coopérer en partageant leurs données.
Tableau 4.1 Différentes définitions officielles des PME
Pays |
Définitions officielles des PME |
Algérie |
Micro entreprise : 1–9 employés; chiffre d’affaires annuel inférieur à 20 millions de dinars algériens ; actif au bilan inférieur à 10 millions de dinars algériens. |
|
Petite entreprise : 10–49 employés ; chiffre d’affaires annuel inférieur à 200 millions de dinars algériens ; actif au bilan inférieur à 100 millions de dinars algériens. |
|
Entreprise moyenne : 50–250 employés ; chiffre d’affaires de 200 millions à 2 milliards de dinars algériens ; actif au bilan de 100 à 500 millions de dinars algériens. |
Égypte |
Micro entreprise : capital versé inférieur à 50 000 livres égyptiennes. Petite entreprise : capital versé entre 50 000 et 100 000 livres égyptiennes et pas plus de 50 employés. |
Irak |
Aucune définition officielle. |
Jordanie |
Micro entreprise (artisanat) : 1–9 effectifs ou moins de 30 000 dinars jordaniens de capital enregistré. |
Liban |
Aucune définition officielle. |
Maroc |
PME : ne dépassant pas 200 employés et chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas 75 millions de dinars marocains ou actif au bilan de 50 millions de dinars marocains. |
Soudan |
Aucune définition officielle. |
Syrie |
Micro entreprise : moins de 10 employés ; chiffre d’affaires inférieur à 3 millions de livres syriennes ; capital maximum de 50 millions de livres syriennes. |
Tunisie |
Aucune définition officielle. |
Turquie |
Micro entreprise : moins de 10 employés ; chiffre d’affaires inférieur à 1 million de nouvelles lires turques ; actif au bilan : maximum de 1 million |
de nouvelles lires turques. |
|
Cisjordanie |
Aucune définition officielle. |
et Gaza Yémen |
Aucune définition officielle. |
Il faudrait absolument disposer de micro-données comparatives au niveau des entreprises pour essayer d’examiner les effets complets et réels des réformes structurelles sur le comportement et les performances des entreprises. Il est actuellement très difficile de faire cela dans les 12 pays MENA bien que certains efforts soient en cours pour construire au niveau gouvernemental un outil statistique dans des domaines relatifs. En Maroc, le bureau central de la statistique a lancé une initiative avec MEDSTAT3 pour harmoniser les statistiques du secteur. Eurostat a un projet MEDSTAT dont l’objectif est de renforcer le bureau central de la statistique syrien, et la Banque mondiale a apporté son soutien au bureau central de la statistique du Yémen pour une enquête sur le budget des ménages et pour le recensement de 2004. Des organismes gouvernementaux en Égypte, Tunisie, Maroc et Syrie ont proposé la création d’observatoires ou d’indices des PME qui présenteraient sous forme de données recueillies annuellement l’état du secteur des PME (voir CE 2008a ; GAFI 2008 ; FSD 2009 ; MEC 2009), initiative qui pourrait en théorie bénéficier grandement d’une approche combinée du développement au niveau régional.
On ne sait pas exactement combien de PME il y a vraiment dans la plupart des 12 pays MENA (pour les raisons soulignées ci-dessus), bien que selon les données existantes, lorsqu’il y en a vraiment, on estime que leur nombre atteint presque 7 millions, et plus de 12,5 millions si l’on inclut les entreprises du secteur informel (tableau 4.2)
Tableau 4.2 Nombre de PME dans une sélection des 12 pays MENA
Pays |
Nombre de PME |
Total (y compris estimations des entreprises du secteur informel) |
Algérie |
518 900 |
1 000 000 |
Égypte |
2 340 000 |
4 300 000 |
Irak |
330 000 |
330 000 |
Jordanie |
146 067 |
146 067* |
Liban |
171 000 |
171 000* |
Maroc |
.. |
1 500 000 |
Syrie |
523 000 |
873 000 |
Turquie |
2 390 000 |
3 500 000 |
Cisjordanie et Gaza |
109 686 |
180 000 |
Yémen |
304 131 |
500 000 |
Total |
6 832 784 |
12 500 067 |
Notes :
*Pas d’estimations disponibles sur le nombre d’entreprises du secteur informel. Pas de données disponibles sur TN et SD.
Source : Rapports statistiques et autres rapports fournis par les pays pour diverses années entre 2004 et 2008.
Le secteur privé des 12 pays compte un très grand nombre de microentreprises (moins de cinq employés), un très petit nombre de petites et moyennes entreprises et un nombre infime de grandes entreprises (tableau 4.3). Les entreprises qui emploient moins de 50 ouvriers représentent au moins 95 pour cent des entreprises du secteur privé des 12 pays et plus de 99 pour cent en Algérie, en Égypte, en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Turquie, en Cisjordanie et Gaza et au Yémen. La grande majorité des PME a moins de cinq employés : 89 pour cent en Jordanie, 90 pour cent en Cisjordanie et Gaza, 91 pour cent en Syrie et au Yémen, plus de 92 pour cent en Égypte et plus de 93 pour cent au Liban.
Les économies du groupe des 12 pays MENA produisent particulièrement peu d’entreprises de taille moyenne, ce qui traduit le « milieu manquant » de leur architecture entrepreneuriale. Par exemple, en Égypte, il n’y a que 0,21 pour cent d’entreprises privées qui emploient plus de 50 employés (5000 entreprises sur 2,34 millions), en Turquie, il y en a moins de 0,60 pour cent (environ 14 000 sur un total de 2,39 millions), et en Jordanie, 0,70 pour cent (1039 sur 146 622). La majorité des grandes entreprises sont possédées soit par des sociétés étrangères soit par des familles puissantes qui possèdent des groupes de sociétés.
Tableau 4.3 Distribution des entreprises par taille, sélection de 12 pays MENA
Distribution des |
EG |
JO |
LI |
TR |
CJ & G |
YE |
Micro (< 5) |
92.48% |
88.70% |
93.53% |
|
90.23% |
91.50% |
|
|
|
|
96.32% |
|
|
Micro (5-9) |
5.95% |
|
3.88% |
|
6.79% |
4.80% |
Sous-total |
98.43% |
10.59% |
97.41% |
96.32% |
97.02% |
96.30% |
Petites (10-49) |
1.35% |
|
2.28% |
3.09% |
2.03% |
|
Sous-total (%) |
99.79% |
99.29% |
99.68% |
99.41% |
99.77% |
|
Moyennes (50-249) |
0.21% |
0.71% |
0.32% |
0.48% |
0.23% |
3.70% |
Grandes (>249) |
|
|
|
0.11% |
|
|
Total (%) |
100% |
100% |
100% |
100% |
100% |
100% |
Répartition de l’emploi |
EG |
JO |
LI |
TR |
CJ&G |
YE |
Micro (< 5) |
63.64% |
38.19% |
.. |
.. |
56.80% |
83.50% |
Micro (5-9) |
12.96% |
|
.. |
.. |
15.50% |
|
Sous-total (%) |
76.60% |
25.73% |
|
|
72.30% |
|
Petite (10-49) |
8.74% |
|
.. |
.. |
17.10% |
16.50% |
Sous-total |
85.34% |
63.92% |
|
|
89.40% |
|
Moyenne (50-249) |
|
36.08% |
.. |
.. |
|
|
|
14.66% |
|
|
|
10.60% |
|
Grande (>249) |
|
|
|
|
||
Total (%) |
100% |
100% |
|
|
100% |
100% |
Taille moyenne de |
2.7 |
4.2 |
3.9 |
3.7 |
2.6 |
1.9 |
Note : La répartition de l’emploi par taille de l’entreprise n’est pas disponible pour LI et TR.
Source : EG (FSD 2009, recensement 2006); JO (DOS 2006); LI (MEC 2008, recensement 2004); YE (CSO 2004); CJ&G (PCBS 2007); TR (Turkstat 2008b).
Ce que les PME représentent en termes d’emploi est également difficile à déterminer et à comparer d’un pays à l’autre. Certaines administrations donnent des chiffres qui portent sur l’ensemble de l’emploi, d’autres sur l’emploi du secteur privé non agricole. Dans bien des cas, la base de calcul des statistiques n’est pas claire. En Égypte, les entreprises de moins de 50 employés représentent plus de 80 pour cent de l’emploi du secteur privé (Assaad 2007) et 77 pour cent du secteur privé non agricole en Turquie (Özar 2004). Il n’est pas facile de disposer de données comparables pour d’autres pays.
La taille des entreprises et la distribution de l’emploi dans le groupe des 12 pays MENA présentent une configuration légèrement différente de celle des 27-UE. Selon les chiffres d’Eurostat pour 2007, 92 pour cent des PME en Europe ont moins de dix employés (tableau 4.4). Par comparaison et à titre d’exemple, il y en a 98 pour cent en Égypte, environ 97 pour cent au Liban et en Cisjordanie et Gaza et 96 pour cent en Turquie. Ces microentreprises représentent plus de 70 pour cent des employés du secteur privé en Égypte, au Liban, en Turquie et en Cisjordanie et Gaza contre seulement 30 pour cent dans les 27 pays de l’UE, ce qui fait que l’emploi dans le secteur privé des pays de la région MENA dépend plus des microentreprises et que des petites et moyennes entreprises.
Tableau 4.4 Distribution des entreprises et de l’emploi par classe de taille dans les 27 pays de l’UE, 2007
Classe de taille (nombre de salariés) |
Nombre d’entreprises (000) |
Part des entreprises |
Nombre de salariés (000) |
Part des salariés |
Taille moyenne des entreprises |
Part de valeur ajoutée |
Micro (0-9) |
18 778 |
91.9% |
38 890 |
29.7% |
2.1 |
21.0% |
Petite (10-49) |
1 402 |
6.8% |
27 062 |
20.7% |
19.3 |
18.9% |
Moyenne (50-249) |
220 |
1.1% |
21 957 |
16.8% |
99.8 |
17.8% |
Sous-total |
20 409 |
99.8% |
87 909 |
67.2% |
4.3 |
57.0% |
Grande (250 +) |
43 |
0.2% |
42 895 |
32.8% |
997.6 |
42.3% |
Total |
20 452 |
100.0% |
130 804 |
100.0% |
6.4 |
100.0% |
Contribution des micro entreprises aux PME |
|
92.0% |
|
44.2% |
|
36.4% |
Note : Chiffres de l’économie marchande non financière.
Source : Audretsch et autres (2009), (tableaux 10 et 11).
La position dominante des microentreprises dans les pays de la région MENA signifie que, en règle générale, la taille moyenne des entreprises (sur l’ensemble des entreprises) est généralement inférieure à celle des pays de l’UE. Dans les 27, une entreprise a en moyenne 6,4 employés (2007) contre une moyenne de 6,1 en Syrie (2004), 4,2 en Jordanie (2006), 3,9 au Liban (2001), 3,7 en Turquie (2005), 3 en Algérie (2009), 2,7 en Égypte (2006), 2,6 en Cisjordanie et Gaza (2007) et 1,9 au Yémen (2004).
Il n’est pas facile d’avoir accès aux données longitudinales permettant de calculer les taux de croissance des PME dans le groupe des 12 pays MENA, mais certains indices donnent à penser que le taux de croissance annuelle varie grandement d’un pays à l’autre. La croissance moyenne annuelle du nombre de PME sur une période de sept à dix ans a été de 12,3 pour cent en Algérie (1999–2007), de 7,7 pour cent en Turquie (1992–2002), de 5,4 pour cent au Yémen (1994–2004), de 4,2 pour cent en Égypte (1996–2006) et de 3,4 pour cent en Cisjordanie et Gaza (1997–2007).4 L’absence de données sur les taux de croissance annuelle des entreprises individuelles fait qu’il est pratiquement impossible pour les responsables politiques de saisir à temps les évolutions qui se produisent à l’intérieur du secteur et d’évaluer l’impact des mesures prises.
Les publications qui cherchent à expliquer les raisons de la prédominance des micro- et des très petites entreprises dans les pays en développement laissent entendre que ce qui freine l’émergence d’entreprises moyennes et de plus grande taille, ce sont les facteurs suivants : le faible niveau d’instruction et de compétences des propriétaires des MPE ; les fortes incertitudes qui pèsent sur l’économie (ce qui a pour résultats la minimisation des investissements et des risques) ; la fragilité des droits de propriété ; l’incapacité à exploiter les économies d’échelle en raison des contraintes de liquidités et du manque d’infrastructures et de services des transports ; les restrictions drastiques en matière d’emploi, qui font que l’embauche de travailleurs du secteur formel est difficile et coûteuse ; l’information fragmentaire ; le coût élevé des transactions ; et l’insuffisance de l’accès et du recours aux technologies. Selon Aterido et autres (2008), un environnement des affaires faible tire vers le bas la distribution des tailles des entreprises. L’accès limité au financement officiel et la complexité de la réglementation ont pour effet de réduire la croissance de toutes les entreprises, notamment les micro- et les petites entreprises, alors que la corruption et la faiblesse des infrastructures réduisent la croissance de l’emploi dans les entreprises moyennes et grandes. Les contraintes réglementaires et la façon dont sont perçus la stabilité et le risque ont également des incidences sur la configuration de la taille des entreprises (Naudé 2008). Ces résultats signifient que des réformes importantes sont nécessaires dans les pays de la région MENA pour inciter les microentreprises à se hisser au rang de PME et pour modifier la distribution de la taille de l’ensemble des entreprises.
Une grande partie de l’activité des PME se déroule sous forme de travail indépendant effectué soit par des travailleurs indépendants qui n’ont pas d’employés (travailleurs à leur compte), soit par des travailleurs indépendants qui créent des emplois pour d’autres (donc qui sont des employeurs). Les enquêtes et les recensements qui portent sur la main d’œuvre au niveau de chaque pays fournissent des données sur le nombre de travailleurs indépendants, qu’ils soient seuls ou employeurs, et sur leur répartition dans la population active occupée. Le taux de travail indépendant dans les 12 pays MENA est en moyenne légèrement inférieur à 30 pour cent. Ces deux catégories représentent entre 30 et 34 pour cent de toute la population active occupée en Irak, au Liban, au Maroc et en Syrie, entre 24 et 29 pour cent en Algérie, en Égypte, en Tunisie, en Turquie, au Yémen et en Cisjordanie et Gaza, et seulement 15,2 pour cent en Jordanie (figure 4.1). C’est au Soudan que le niveau de travail indépendant est le plus élevé : près de la moitié de la population active occupée en 1993, dernière année où l’on dispose de données officielles (CBS 2006). L’Égypte et la Jordanie se distinguent de cette comparaison en raison de la forte proportion d’employeurs parmi les travailleurs indépendants. Dans le reste des 12 pays MENA, la grande majorité des travailleurs indépendants n’ont pas d’employés contre près de la moitié des microentreprises en Europe (Audretsch et autres 2009).
Figure 4.1 Part du travail indépendant dans l’emploi total
Faute de posséder le niveau d’instruction et les compétences nécessaires pour satisfaire aux exigences d’un emploi dans le secteur privé salarié et faute d’avoir le choix, les personnes peuvent être poussées vers le travail indépendant. Si le travail indépendant est un moyen de gagner sa vie dans les 12 pays, il ne contribue pas forcément de façon notable à la croissance économique. D’ailleurs, dans les premières phases du développement, les taux de travail indépendant ont tendance à baisser au fur et à mesure que l’économie se développe (Thurik et autres 2008).
Le taux de femmes chefs d’entreprises dans les PME de la région MENA est à l’image de leur faible taux de participation à la population active et à l’emploi. Selon la Banque mondiale (2007c), la participation des femmes dans l’entrepreneuriat de la région MENA est la plus faible au monde. Les enquêtes et les recensements dont on dispose sur la main d’œuvre indiquent que les femmes au Soudan ont le taux de travail indépendant le plus élevé, à savoir un tiers de l’emploi des femmes.5 Viennent ensuite les algériennes avec un taux de travail indépendant d’environ 30 pour cent. Dans le reste des 12 pays MENA, le taux de travail indépendant féminin varie de 18,0 pour cent en Égypte à 4,1 pour cent en Jordanie. On trouvera en figure 4.2 un tableau comparatif des taux de travail indépendant hommes / femmes, qu’ils soient employeurs ou non.
Figure 4.2 Taux de travailleurs indépendants et de travailleurs indépendants employeurs, hommes et femmes
Dans ces pays, les hommes actifs ont beaucoup plus de chances que les femmes d’occuper un emploi indépendant. Le taux de travail indépendant des hommes est en moyenne 2,4 fois plus élevé que le taux des femmes, mais cela varie beaucoup entre les pays, de 4 fois plus élevé en Jordanie à presque égalité en Algérie. Les écarts les plus marqués entre hommes et femmes se situent en Jordanie, au Liban, en Syrie et au Maroc. En Égypte, le pourcentage d’hommes actifs qui sont à leur compte est plus faible que le pourcentage de femmes. Il convient toutefois de noter qu’il y a énormément moins de femmes actives que d’hommes, ce qui signifie que les hommes l’emportent encore. Le taux de femmes employeur dans les 12 pays est infime, variant de moins d’un pour cent au Maroc à 4 pour cent en Égypte. Les hommes actifs ont, dans les 12 pays MENA, quatre fois plus de chances que les femmes de se trouver en situation d’employeurs.
Étant donné ces différences de taux en matière de travail indépendant, la part combiné de femmes parmi tous les travailleurs indépendants et les employeurs varie de 3 à 15 pour cent : 3,1 pour cent en Jordanie (2007), 4,1 pour cent en Syrie (2008), 5,1 pour cent au Yémen (2004), 7,7 pour cent au Liban, 10,3 pour cent en Cisjordanie et Gaza (2008) ; et il atteint 11,1 pour cent au Maroc (2005), 12,9 pour cent en Turquie (2006), et plus de 15 pour cent en Algérie (2009), en Égypte (2006), en Tunisie (2004) et au Soudan (1993) (figure 4.3).
La part de l’activité des femmes parmi tous les employeurs varie de 3 à 7 pour cent (sauf au Soudan où elle était d’environ 15 pour cent en 1993). De plus, il y a un très petit pourcentage de femmes ayant des entreprises de plus de dix employés. Il est probable que, dans ce cas, ce sont des femmes qui ont un haut niveau d’instruction, qui ont préalablement occupé des postes de cadres et de direction et qui ont le soutien de leur famille (IFC et CAWTAR 2007).
Figure 4.3 Part des femmes dans l’ensemble du travail indépendant
Ce qui se fait dans les autres pays donne à penser que les travaux de recherche qui visent à mieux comprendre les obstacles à la participation des femmes à l’entrepreneuriat peuvent aboutir à des actions et à des mesures efficaces qui réduisent les contraintes auxquelles se heurtent les femmes pour lancer et développer une entreprise (Stevenson et Lundström 2002). Les travaux de recherche sur cette question sont rares dans les pays de la région MENA (voir IFC et CAWTAR 2007 ; FEMISE 2006b). Le rôle des femmes dans l’activité entrepreneuriale et dans le travail indépendant est d’importance parce que de faibles taux de participation représentent une perte du potentiel économique et social. Non seulement l’activité entrepreneuriale est un moyen d’intégrer davantage de femmes dans le marché du travail et de réduire le rapport d’inactifs/actifs, mais aussi des millions de femmes déjà engagées dans l’activité de microentreprises au potentiel de croissance faible pourraient être aidées à se transformer en entreprises plus importantes et contribuer à la création d’emplois.
Les rapports et les études révèlent qu’il y a beaucoup de similarités dans les défis qu’ont à relever les PME des 12 pays MENA. Les points communs sont les suivants : faible niveau d’instruction et de formation ; manque de compétences et de méthodes de gestion indispensables pour être vraiment compétitif sur les marchés d’aujourd’hui ; système de production obsolètes ; défaut d’accès aux sources extérieures de financement par emprunt et par émission de capital ; accès insuffisant à l’information et aux services d’appui aux entreprises ; manque de savoir et d’expérience nécessaires pour l’exportation ; absence de liaisons larges et stratégique avec des entreprises plus grandes et des chaînes d’approvisionnement mondiales ; accès limité aux circuits des marchés et de la distribution ; difficulté de se procurer des intrants à des prix raisonnables en raison des limites de leur taille et de l’impossibilité d’obtenir des rabais pour achats en grande quantité ; insuffisance de main-d’œuvre ayant instruction et qualification ; faible utilisation des technologies de pointe ; piètre qualité de la production et faiblesse de la compétitivité ; et maigre niveau de l’innovation (CES 2003 ; Özar 2004 ; CNUCED 2004 ; El Mahdi 2006 ; FRE 2006 ; El-Meehy 2009 ; MEC 2009 ; FSD 2009). Dans certains pays, comme le Maroc, on signale que l’accès à la terre et aux locaux est une difficulté, et dans les pays en conflit, ou qui en sortent, comme le Soudan, l’Irak, la Cisjordanie et Gaza, et le Liban, l’instabilité politique est un problème majeur.
Les PME souffrent de procédures administratives lourdes, d’infrastructures médiocres, de systèmes financiers sous-développés, d’exigences de nantissement élevées et d’une fiscalité fortement défavorable. Les obstacles réglementaires auxquels se heurtent les PME sont bien connus. Enregistrer une entreprise, obtenir les licences d’exploitation, enregistrer les biens immobiliers et se mettre en règle avec le fisc et autres obligations déclaratives sont des procédures compliquées, onéreuses et qui prennent du temps. L’accès au financement est l’un des obstacles les plus importants et les plus constants. Dans ces pays, il n’y a qu’un très petit pourcentage de PME qui puisse obtenir un financement des banques commerciales. La situation est exacerbée dans les pays où il n’y a guère de concurrence dans le secteur bancaire (par exemple, au Yémen, en Syrie et en Algérie) et où les banques ont peu d’expérience en matière de prêts aux PME et ne sont guère en mesure de leur offrir des produits qui répondent à leurs besoins de financement sur le moyen et le long terme. Il y a, bien sûr, les possibilités de microfinance, mais la demande dépasse de loin l’offre. L’industrie du capital-risque dans la région est très faible à l’exception du Maroc, de la Tunisie et de la Turquie, qui sont beaucoup plus en pointe en matière de dispositifs de nature à combler les besoins de financement. Le crédit-bail est également un concept naissant dans la région bien qu’il y ait plusieurs sociétés de crédit-bail en Tunisie et que la Société financière internationale (IFC) soit à l’œuvre dans d’autres pays, comme en Algérie, en Égypte et au Yémen, pour essayer de stimuler l’industrie. Les agences privées de crédit sont rares dans la région et les agences publiques, lorsqu’elles existent, ne couvrent qu’une infime proportion de la population (Banque mondiale 2009b). Cela signifie que les institutions financières ont énormément de difficultés à évaluer le risque des prêts aux PME.
La qualité des produits manufacturés est devenue une contrainte majeure pour les PME. Avec l’ouverture des marchés à la suite des accords de libre-échange, les PME locales vont devoir se conformer aux normes internationales de production et de qualité pour être compétitives. Les pays de l’Euro-méditerranéen qui ont signé les accords d’associations de l’UE sont particulièrement soucieux de préparer leurs PME au régime du libre-échange, d’où l’intérêt considérable de plusieurs de ces pays aux programmes de valorisation des PME.
La qualité de l’aptitude à diriger une entreprise est également un problème majeur. Il est rare que l’enseignement de la gestion d’entreprise figure dans les programmes d’enseignement et de formation même si de nombreux diplômés finissent dans les micro- ou petites entreprises. Des cours sur l’entrepreneuriat et la gestion des petites entreprises ne sont assurés que dans un petit nombre d’universités de la région, ce qui fait que les dirigeants des PME possèdent rarement les compétences nécessaires pour rendre leurs entreprises compétitives sur le plan mondial.
Une autre contrainte à laquelle se heurtent les pays de la région MENA est le manque d’accès aux services de développement aux entreprises (SDE). En Égypte, par exemple, des études indiquent qu’il y a moins d’un pour cent des PME qui bénéficient d’une manière ou d’une autre de cette aide (Entrust 2006). Le concept de SDE est encore à l’état embryonnaire en Irak, en Syrie et au Yémen où les organismes gouvernementaux ou privés fournisseurs de cet appui sont peu nombreux. Ces services d’appui aux entreprises sont les plus développés en Turquie et en Tunisie, où l’on trouve des réseaux intensifs de centres de développement de l’entrepreneuriat, d’agences de soutien aux PME, de centres de développement des technologies et de bureaux de l’emploi qui conseillent, guident et informent les nouveaux entrepreneurs et les PME existantes. L’Égypte développe son réseau de centres de ressources pour les affaires, de centres de conseil aux PME et de centres de technologie et d’innovation bien que la majeure partie des efforts entrepris seulement depuis 2006 et des services créés aient été fortement orientés vers les PME industrielles et à vocation technologique. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) en Égypte apporte son soutien depuis trois ans au Projet de soutien aux services d’appui aux entreprises (BDSSP), dont l’objectif est de renforcer les capacités du secteur privé pour faire bénéficier les PME des bonnes pratiques des services d’appui aux entreprises. Un réseau de centres de facilitation pour les PME a été mis en place en Algérie (décret 2003) et l’Agence nationale de développement de la petite et moyenne entreprise (ANDPME) facilite l’accès aux services de conseils des PME qui veulent améliorer leur compétitivité. Le marché du secteur privé pour fournir des services de développement et de la formation aux entreprises est singulièrement sous-développé dans la plupart des pays de la région. Des programmes comme la formation à la gestion des affaires Business Edge de la IFC et Connaître les affaires (« Know About Business », KAB) de l’OIT sont proposés dans diverses parties de la région, mais pour qu’ils puissent être assurés, il faut une formation approfondie des personnes et des sociétés du secteur privé en raison du manque d’expérience dans ce domaine. Outre les questions de portée et de capacité liées à l’offre de services d’appui aux entreprises, la question de l’octroi de subventions aux SDE, et les distorsions du marché que cela provoque, donne lieu à beaucoup de débats. Se posent également des questions sur l’offre des SDE, par exemple, les mérites de l’offre publique ou privée de la SDE, la force et les capacités des fournisseurs de SDE, la durabilité des SDE (c’est-à-dire la volonté des clients à payer les services) et l’impact des SDE sur les résultats des entreprises clientes.
Pour lever ces obstacles, il faut simplifier les procédures d’enregistrement des entreprises, la délivrance de licences et les formalités douanières. Il faut améliorer l’accès au financement extérieur et aux SDE en zones urbaines et rurales. Il faut améliorer les compétences techniques et les compétences de gestion, le savoir-faire et la technologie. Il faut aussi améliorer la qualité des systèmes de production et des produits. Il faut enfin élargir l’accès à l’information et aux marchés et renforcer la coopération avec les grandes entreprises.
Les gouvernements des 12 pays MENA ont conçu et mis en œuvre des actions et des programmes destinés à réduire les obstacles au développement et à la croissance des PME dans l’espoir d’accélérer la création d’emplois, de réduire la pauvreté et d’améliorer la productivité, la compétitivité et l’innovation au niveau national. Il y a des différences considérables d’un pays à l’autre concernant l’ampleur des actions pour atteindre ces objectifs et la façon de procéder. En Algérie, en Tunisie et en Turquie, les pouvoirs publics centrent leurs efforts sur les actions de nature à développer les PME depuis plus longtemps que les autres pays. La Turquie a établi l’Organisation de développement des petites et moyennes entreprises (KOSGEB) en 1990, le gouvernement algérien s’est doté d’un ministère des PME et de l’Artisanat (et une direction de la promotion des PME) depuis 1992, et le gouvernement tunisien a créé une agence spéciale pour les petites et moyennes industries en 1998. Au départ, il s’agissait essentiellement de programmes d’assistance aux PME industrielles pour qu’elles puissent améliorer leur compétitivité. Dans le reste des pays, les pouvoirs publics ont commencé en 2000, ou plus tard, à considérer les PME comme le moteur de la croissance. Certains ont voté des lois sur les PME (Algérie - 2001, Égypte - 2004 et Maroc - votées en 2000, publiées en 2002), d’autres ont préparé des Livres Blancs sur les PME (Maroc - 1999 et Algérie - 2004), et la plupart ont établi des documents de stratégie (Algérie, Égypte, Tunisie, Turquie et Yémen) ou se sont récemment engagés dans la mise à jour des stratégies existantes (Yémen) ou encore en ont préparé de nouvelles (Égypte, Liban, Syrie et Cisjordanie et Gaza).
Les pays MENA ont conçu toute une variété de structures pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes de développement des PME. Certains ont créé des départements ou des unités « PME » au sein des ministères compétents, d’autres ont instauré des agences dédiées aux PME, ont mis en place une législation sur les PME, ont instauré des mécanismes de coordination interministérielle ou ont institué des conseils consultatifs pour permettre de prendre conseil auprès du secteur privé et de solliciter son apport. Il existe une myriade de dispositifs conçus pour porter assistance aux PME. Le tableau 4.5 présente certaines caractéristiques de la politique et des structures des PME dans les 12 pays MENA.
Tableau 4.5 Comparaisons des caractéristiques de la politique des PME et des structures de prestation
Dans la plupart de ces pays, les questions ayant trait aux PME relèvent de la compétence de multiples ministères et agences, ce qui crée de sérieuses difficultés pour l’élaboration d’une politique intégrée. Par exemple, en Tunisie la responsabilité des PME incombe à deux ministères séparés : le ministère de l’Industrie et de la technologie a la charge des PME industrielles et le ministère du Commerce et de l’Artisanat a sous sa responsabilité les PME commerciales, les artisans et les petits ateliers. En Algérie, au Liban, en Jordanie, au Maroc, au Soudan, au Yémen et tout récemment en Syrie, il y a un département ou une unité « PME » dans un ministère qui a pour principale responsabilité toutes les questions liées aux PME. En Égypte, plusieurs ministères et agences ont à traiter des questions relatives aux PME, ce sont notamment le Fond social de développement, le ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI), le ministère des Investissements, l’Autorité générale pour l’investissement et les zone franches, le ministère des Finances et le ministère de la Solidarité sociale, ce qui peut avoir comme résultat une absence de cohérence et de coordination dans les actions. En Jordanie, on a recensé dix-huit organes impliqués dans les questions de PME, ce qui fait qu’il n’y aucune coordination systématique de leurs efforts. À la fin des années 2000, le gouvernement jordanien a tenté de créer un organisme de coordination chapeautant l’ensemble de la politique des PME mais a dû finalement y renoncer en raison des difficultés de réalisation. Des agences dédiées aux PME ont été instaurées en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Turquie pour mettre en œuvre les programmes relatifs aux PME et consolider leur environnement. Bien qu’elles constituent une importante structure de soutien aux PME, le risque existe que ces agences se coupent des processus d’élaboration des politiques décisionnaires si elles sont trop engagées dans la mise en œuvre des programmes des PME au détriment du soutien à la politique. Il n’est pas rare que, dans les 12 pays MENA, il y ait séparation, dans les ministères ou les agences, entre une politique des PME visant à la réduction de la pauvreté et une politique des PME visant à la compétitivité. Le résultat est que les questions relatives au secteur des PME sont abordées selon une approche qui n’a rien d’holistique, le grand risque étant la formation d’un schisme entre les politiques de développement des microentreprises et les politiques de développement des PME. La question de savoir quelle structure est la plus efficace mériterait une analyse comparative globale.
Bien que la question des structures soit importante, ce qui l’est probablement encore plus est de savoir si la politique élaborée et mise en œuvre est bonne. Cela demande un engagement du gouvernement au niveau le plus élevé, une action interministérielle conjuguée, un solide faisceau de preuves pour que les décisions soient prises en pleine connaissance de cause, un processus efficace de consultation des parties prenantes, une corrélation étroite entre l’élaboration des politiques et leur mise en œuvre, un solide plaidoyer en faveur du secteur privé et des mécanismes appropriées de propositions et de mise en œuvre des mesures. Ces questions sont développées plus longuement dans la partie du rapport de la Banque mondiale (2009c) qui traite de la façon de relancer une croissance fondée sur le secteur privé dans les pays de la région MENA et elles sont analysées plus en détail au chapitre 6.
Les politiques et les stratégies des PME dans les 12 pays MENA présentent de grandes similarités en termes d’objectifs et de mesures. Citons notamment les mesures de financement ; les investissements dans les structures de soutien aux PME ; les SDE et les dispositifs d’information ; les formalités d‘enregistrement des entreprises et la simplification de la réglementation ; l’amélioration de la technologie et des compétences ; le perfectionnement des compétences de gestion ; les relations entre PME et les pôles de compétitivité, les soutiens à l’innovation comme les incubateurs et les parcs technologiques ; et le renforcement des associations professionnelles. Mais c’est dans le dosage de ces mesures que les différences se creusent, ainsi que dans la configuration et l’ampleur de leur mise en œuvre. Dans certains pays, on accorde plus d’importance au soutien aux microentreprises par le biais de la microfinance, et dans d’autres à la compétitivité et à l’amélioration des PME existantes. Certains gouvernements sont plus interventionnistes que d’autres dans la mesure où ils choisissent d’apporter un soutien direct aux entreprises individuelles plutôt que de créer un environnement qui facilite les affaires de l’ensemble du secteur. Le recours à des mesures destinées à un choix de PME signifie que l’on ne cherche pas forcément à créer un environnement facilitateur pour toutes les PME ni que les besoins de segments entiers du secteur des PME soient pris en compte. Les politiques qui ont pour objectif exclusif la création d’un environnement favorable ne permettront pas forcément de résoudre un certain nombre de contraintes qui pèsent sur les PME. Il est vraisemblable la solution optimale soit une combinaison de ces politiques. Une analyse des diverses options et des diverses approches constituerait également un sujet intéressant pour une analyse comparative des pays de la région.
Un résumé des priorités politiques et des actions actuelles concernant les PME de la région MENA figure dans les profils de chaque pays aux chapitres 8 et 9. La plupart des gouvernements se sont attelés à des réformes visant à réduire les délais et les coûts de lancement des entreprises. Dans beaucoup de pays, un guichet unique regroupe les procédures d’enregistrement des entreprises et de délivrance des licences. Toutefois, certains sont plus en avance que d’autres dans la mise en œuvre de cette disposition. Pour ce faire, il existe différents modèles et approches mais les tentatives de partage d’expériences sont limitées pour définir quelle approche fonctionne le mieux. L’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie ont réduit de façon spectaculaire les obligations de capital versé pour les nouvelles sociétés à responsabilité limitée et il y a en Algérie et au Yémen des groupes qui plaident pour une réforme de cet ordre. Les gouvernements ne mettent pas tous le même empressement à réformer la réglementation pour améliorer l’environnement des affaires et le climat de l’investissement, notamment à moderniser la législation sur les sociétés, la concurrence, les faillites et la fiscalité. L’Égypte met en œuvre un mécanisme de « Révision Guillotine » de grande envergure pour réformer la réglementation7; procédure également envisagée par le gouvernement syrien.
Pour remédier aux carences des prêts aux conditions du marché, les gouvernements de la plupart des 12 pays MENA ont instauré pour les PME des fonds de garanties de diverses natures (les montants, plafonds et conditions étant différents) qui sont habituellement gérés par les banques. On ne sait pas grand-chose sur l’impact de ces fonds de garantie sur le déficit de financement des PME ni sur les conditions nécessaire pour le résorber. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que ces plans seraient d’une portée limitée. Plusieurs gouvernements ont créé des fonds de développement pour les petites entreprises pour financer les nouvelles entreprises et pour améliorer les activités des PME existantes, mais là non plus on ne dispose d’aucune donnée comparative sur la réussite ou l’impact de ce dispositif. En 2005, le gouvernement tunisien a mis sur pied une banque de financement des PME, la première de la région. Au Maroc, en Tunisie et en Cisjordanie et Gaza, il y a des programmes et des organismes de microfinance bien établis. En Égypte, ils sont moyennement développés et, en Algérie, en Jordanie, en Syrie, en Irak, au Liban et au Soudan, ils sont à l’état embryonnaire. L’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Syrie, la Turquie, la Cisjordanie et Gaza, et le Yémen ont déjà voté une loi de microfinance ou ont récemment établi un avant-projet pour poser un cadre pour assurer le fonctionnement des institutions de microfinance et pour réguler cette industrie. Le gouvernement soudanais a édicté un règlement exigeant des banques du pays que dix pour cent au moins des prêts accordés soient sous forme de micro-crédit et a lancé un grand Mécanisme de développement du microcrédit financé par la banque du Soudan et des organismes associés au développement. Une législation sur le crédit-bail pour stimuler le marché du crédit-bail des PME du secteur privé est en vigueur en Égypte, en Algérie et au Yémen et le gouvernement syrien en prépare une. Les gouvernements égyptien, tunisien et turc ont lancé des bourses de second rang pour permettre aux petites sociétés qui sont en phase initiale de croissance de se procurer des fonds propres. En participant à un forum, les pays peuvent apprendre des leçons utiles les uns des autres, et partager leur savoir et l’expérience qu’ils ont des réussites et des échecs en matière de possibilités de financement que la région offre aux PME.
Les politiques et les programmes conçus pour améliorer la capacité de production des PME et la qualité de leurs produits constituent une priorité pour la majorité de ces pays. Des initiatives comme les programmes de Mise à Niveau du Maroc et de Tunisie, le Programme d’amélioration et de modernisation de Jordanie (JUMP) et le Centre de Modernisation industrielle d’Égypte (IMC) sont essentielles si les PME veulent satisfaire les normes requises pour pouvoir profiter du potentiel du marché d’exportation qu’offrent les accords de libre-échange avec l’UE et d’autres pays. Les progrès de la technologie et de l’innovation constituent également un domaine porteur en expansion. Le développement des parcs technologiques et des centres d’innovation en est la preuve. Citons, par exemple, l’initiative « Smart Village » (village intelligent) et les centres de transfert technologique et d’innovation en Égypte ; les parcs technologiques et technopôles au Maroc et en Tunisie ; les incubateurs technologiques et le réseau de centres d’innovation en Jordanie ; et les parcs technologiques dans les universités et les centres de recherche en Turquie. De plus, ces pays attachent de plus en plus d’importance à l‘amélioration des liens entre R-D et PME. Toutefois, comme observé au chapitre 3, le niveau d’investissement en R-D par rapport au PIB est minime.
Neuf des 12 pays MENA bénéficient des initiatives politiques initiées par l’UE pour les PME. En 2000, la Turquie a été le premier pays de la région MENA à signer la Charte de Bologne et à adopter la Charte européennes pour les petites entreprises. L’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l’Autorité Palestinienne, la Syrie et la Tunisie ont signé en 2004 la Charte Euro-méditerranéenne pour l’entreprise. Ces Chartes sont conçues pour être des outils de structuration des politiques de soutien aux PME et au développement des entreprises au niveau national et pour encourager la culture entrepreneuriale et construire un cadre pour les réformes du secteur privé. La raison d’être de la Charte euro-méditerranéenne est de mettre en lumière les moyens de créer les conditions pour que les entreprises profitent au maximum de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne, ce qui signifiera accepter la mise en conformité des marchandises du libre-échange avec les normes communes et la réglementation technique (CE 2006a). L’engagement dans la Charte s’est traduit par une série de réformes pour stimuler la compétitivité des entreprises et par un changement de l’orientation de l’action des pouvoirs publics pour créer des entreprises, développer l’entrepreneuriat et les entreprises innovantes. En 2007, l’OCDE et la Commission européenne se sont associées dans une opération destinée à évaluer et à faire connaître le degré de mise en œuvre de la politique relative aux entreprises comme défini dans la Charte pour l’entreprise (Communautés européennes et OCDE 2008). Le tableau 4.6 compare ces évaluations sur une sélection de six pays. L’Égypte et la Tunisie étaient en tête du classement pour la simplification des procédures; la Tunisie pour l’éducation et la formation à l’entrepreneuriat; l’Égypte pour l’amélioration des compétences; l’Égypte et le Maroc pour l’accès au financement et une fiscalité favorable à l’investissement; l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et la Jordanie pour les plans et les services d’appui aux entreprises de qualité; et l’Égypte, le Maroc et la Tunisie pour la force de leurs associations professionnelles.
On porte de plus en plus d’attention dans les économies développées et dans les économies en développement au rôle que joue l’entrepreneuriat dans le développement et la croissance ainsi qu’à l’importance de construire une « société entrepreneuriale » (Carree et Thurik 2003 ; Acs et autres 2005 ; Acs 2006 ; Stevenson et Lundström 2007 ; Naudé 2008 ; Thurik 2009). Une grande partie des travaux de recherche sur l’entrepreneuriat a été effectuée dans le contexte des pays développés. Selon Lingelbach et de la Viña (2005), « l’entrepreneuriat dans les pays en développement est sans doute le phénomène économique et social le moins étudié dans le monde d’aujourd’hui ». Selon Naudé (2008) l’entrepreneuriat ne joue pas le même rôle dans les économies en développement et dans les économies développées. Concernant l’entrepreneuriat, ce qui préoccupe avant tout les économies avancées, c’est de trouver de nouvelles sources de productivité et de croissance (qui sous-tendent la compétitivité), alors que les économies en développement se soucient davantage de stimuler et d’accélérer la croissance.
Tableau 4.6 Progrès de l’action des pouvoirs publics sur une sélection de priorités de la Charte Euro-méditerranéenne
Indicateur |
AG |
EG |
JO |
LI |
MA |
SY |
TN |
CJ&G |
1. Procédures simplifiées pour les entreprises |
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Cadre institutionnel de la politique de l’entreprise |
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Délégation de responsabilité pour la politique d’entreprise |
1.5 |
4.0 |
3.5 |
2.0 |
3.0 |
2.0 |
3.5 |
2.0 |
Coordination avec d’autres ministères, parties prenantes et la société civile |
3.0 |
3.5 |
3.0 |
2.0 |
4.0 |
2.0 |
3.0 |
2.5 |
Stratégies de développement des entreprises |
2.0 |
4.0 |
2.5 |
2.5 |
3.0 |
3.0 |
3.5 |
1.5 |
Allocation claire des tâches |
2.5 |
4.0 |
4.0 |
2.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
1.5 |
Moyenne pondérée PPM = 2.3 |
2.3 |
3.9 |
3.2 |
2.2 |
3.5 |
2.5 |
3.5 |
1.9 |
Amélioration de la législation et simplification administrative |
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Délégation de responsabilité pour la réforme de la réglementation |
2.0 |
4.0 |
2.5 |
2.0 |
3.0 |
2.0 |
3.0 |
1.0 |
Stratégie de simplification de la législation |
2.0 |
4.0 |
2.0 |
2.5 |
2.5 |
3.0 |
3.0 |
1.0 |
Examen et simplification de la législation actuelle |
2.0 |
3.5 |
2.0 |
2.5 |
4.0 |
2.0 |
2.5 |
2.0 |
Elimination des lois et règlements redondants |
2.0 |
3.5 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
3.5 |
2.0 |
Analyse coût-bénéfice de |
1.0 |
2.5 |
1.5 |
1.0 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
la nouvelle législation des entreprises |
|
|
|
|
|
|
|
|
Moyenne pondérée PPM |
1.9 |
3.7 |
2.1 |
2.1 |
2.7 |
2.2 |
2.8 |
1.5 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Nombre de jours pour obtenir une attestation d’enregistrement |
4.0 |
4.0 |
4.0 |
4.0 |
4.0 |
1.0 |
4.0 |
4.0 |
Nombre de démarches pour obtenir une attestation d’enregistrement |
4.0 |
4.0 |
4.0 |
5.0 |
5.0 |
1.0 |
5.0 |
1.5 |
Coûts officiels pour obtenir une attestation d’enregistrement |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
4.0 |
1.0 |
1.0 |
3.0 |
4.0 |
Numéros d’identification administrative |
3.0 |
4.0 |
4.0 |
3.0 |
2.0 |
1.0 |
1.0 |
4.0 |
Nombre de jours pour obtenir le(s) numéro(s) d’identification de la société |
4.0 |
4.0 |
5.0 |
1.0 |
4.0 |
1.0 |
4.0 |
4.0 |
Nombre de jours pour l’ensemble du processus d’enregistrement |
2.0 |
3.0 |
3.0 |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
Nombre de démarches pour l’ensemble du processus d’enregistrement |
1.0 |
3.0 |
2.0 |
3.0 |
3.0 |
1.0 |
2.0 |
1.0 |
Le silence vaut consentement |
1.0 |
5.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
5.0 |
1.0 |
Frais d’enregistrement des SARL |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
1.0 |
Exigences minimales de fonds propres |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
4.0 |
Guichets uniques (centres régionaux d’investissement, etc.) |
1.5 |
4.0 |
4.0 |
4.5 |
4.5 |
2.0 |
5.0 |
2.5 |
Enregistrement en ligne |
1.0 |
3.0 |
2.5 |
1.0 |
2.5 |
1.0 |
4.0 |
1.0 |
Délai de fermeture d’entreprise |
4.0 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
5.0 |
2.0 |
5.0 |
1.0 |
Frais de fermeture d’entreprise |
5.0 |
2.0 |
4.0 |
2.0 |
2.0 |
4.0 |
5.0 |
1.0 |
Moyenne pondérée PPM = 2.6 |
2.2 |
3.3 |
2.6 |
2.5 |
2.6 |
1.4 |
3.5 |
2.3 |
Total moyenne pondérée |
2.1 |
3.6 |
2.6 |
2.3 |
2.9 |
2.0 |
3.3 |
1.9 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Cadre politique |
1.0 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
2.0 |
3.0 |
1.0 |
1er cycle du secondaire |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.5 |
1.5 |
3.0 |
1.0 |
Second cycle du secondaire |
1.0 |
1.5 |
1.5 |
1.0 |
1.5 |
2.0 |
3.0 |
1.0 |
Bonnes pratiques |
1.0 |
2.5 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
3.5 |
1.0 |
Apprentissage entrepreneurial non formel |
1.0 |
4.0 |
1.0 |
1.0 |
1.5 |
1.5 |
2.5 |
1.0 |
Moyenne pondérée PPM totale = 1.7 |
1.0 |
2.0 |
1.2 |
1.0 |
1.5 |
1.6 |
3.0 |
1.0 |
3. Compétences améliorées |
|
|
|
|
|
|
|
|
Disponibilité de formation |
1.0 |
4.0 |
3.0 |
2.0 |
3.0 |
2.5 |
3.5 |
2.5 |
Jeunes pousses |
2.0 |
2.0 |
1.5 |
1.5 |
1.5 |
1.5 |
2.0 |
1.5 |
Formation à l’entreprise |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
Croissance des entreprises |
1.0 |
4.0 |
3.0 |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
Accès aux marchés internationaux |
2.0 |
4.0 |
3.0 |
2.0 |
2.0 |
2.0 |
2.5 |
2.0 |
Moyenne pondérée PPM totale = 2.3 |
1.4 |
3.5 |
2.4 |
1.6 |
2.2 |
1.7 |
2.5 |
1.7 |
4. Accès facilité au financement et fiscalité favorable à l’investissement |
|
|
|
|
|
|
|
|
Environnement du crédit |
|
|
|
|
|
|
|
|
Exigences de nantissement et de provisionnement |
1.0 |
2.0 |
2.0 |
3.0 |
2.0 |
1.0 |
2.0 |
1.5 |
Cadastre |
3.0 |
3.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
3.5 |
4.0 |
2.0 |
Lois sur les entreprises en difficulté et sur les faillites |
3.0 |
3.5 |
4.0 |
1.5 |
3.0 |
3.0 |
4.0 |
2.0 |
Systèmes d’enregistrement des valeurs mobilières |
1.0 |
3.0 |
1.0 |
1.5 |
1.0 |
1.0 |
1.0 |
2.0 |
Services d’information sur le crédit |
2.0 |
3.5 |
2.5 |
3.0 |
2.5 |
1.0 |
3.5 |
2.0 |
Moyenne pondérée PPM = 2.7 |
2.0 |
3.0 |
2.8 |
2.4 |
2.5 |
1.9 |
2.9 |
1.9 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Plans de garantie de crédit |
3.0 |
4.0 |
4.5 |
4.0 |
4.0 |
2.0 |
3.5 |
3.5 |
Disponibilité de capital-risque |
2.5 |
4.0 |
1.5 |
3.5 |
4.0 |
1.0 |
4.0 |
1.5 |
Accès aux marchés financiers |
1.5 |
4.0 |
3.0 |
3.0 |
4.0 |
1.5 |
3.5 |
2.0 |
Facilités de micro finance |
2.5 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
5.0 |
2.0 |
3.0 |
3.0 |
Crédit-bail |
3.0 |
4.0 |
3.5 |
4.0 |
4.5 |
2.0 |
5.0 |
1.5 |
Moyenne pondérée PPM = 3.2 |
2.5 |
4.0 |
3.1 |
3.7 |
4.3 |
1.7 |
2.3 |
2.3 |
Fiscalité favorable à l’investissement |
|
|
|
|
|
|
|
|
Analyse des obstacles fiscaux au financement sur fonds propres pour les PME |
– |
5.0 |
1.0 |
– |
– |
– |
– |
1.0 |
Analyse des obstacles fiscaux à l’investissement à risque dans les PME |
– |
2.0 |
1.0 |
– |
– |
– |
– |
– |
Évaluation des frais de mise en conformité pour les PME et du redressement fiscal |
– |
5.0 |
1.0 |
2 |
– |
– |
– |
1.0 |
Évaluation des mesures politiques pour réduire les frais d’obligations fiscales pour les PME |
– |
5.0 |
1.0 |
– |
– |
– |
– |
2.0 |
Évaluation de l’aide au contribuable pour réduire le fardeau des obligations fiscales |
– |
5.0 |
3.0 |
4.0 |
– |
– |
– |
2.0 |
5. Services et plans d’appui aux entreprises de qualité |
|
|
|
|
|
|
|
|
Gamme des services d’appui aux entreprises |
2.0 |
4.0 |
3.5 |
3.0 |
3.0 |
2.0 |
3.0 |
2.0 |
Disponibilité de l’information sur les prestataires de services aux entreprises |
1.5 |
4.0 |
3.5 |
2.0 |
3.5 |
1.5 |
3.0 |
1.5 |
Accès aux services aux entreprises |
2.0 |
3.5 |
3.0 |
2.0 |
3.5 |
2.0 |
4.0 |
2.0 |
Services d’appui à la création d’entreprises |
3.0 |
4.0 |
3.5 |
2.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
2.0 |
Moyenne pondérée PPM = 3.1 |
2.2 |
3.9 |
3.4 |
2.3 |
3.5 |
2.2 |
3.6 |
1.9 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Concertation public-privé |
|
|
|
|
|
|
|
|
Cadre des consultations |
2.5 |
4.0 |
3.5 |
3.0 |
4.0 |
3.0 |
4.0 |
3.5 |
Fréquence |
2.0 |
4.0 |
3.0 |
2.0 |
3.5 |
3.5 |
5.0 |
4.5 |
Ouverture et transparence du processus de concertation |
2.0 |
4.0 |
3.5 |
2.5 |
4.0 |
2.0 |
3.0 |
5.0 |
Moyenne pondérée PPM = 3.5 |
2.1 |
4.0 |
3.4 |
2.5 |
3.9 |
2.7 |
3.9 |
4.4 |
Réseaux d’entreprises et associations professionnelles |
|
|
|
|
|
|
|
|
Fonction de plaidoyer et règle de gouvernance |
2.0 |
4.0 |
3.5 |
4.0 |
4.5 |
2.0 |
4.0 |
5.0 |
Fourniture de services par les associations du secteur privé |
2.0 |
4.0 |
3.0 |
2.5 |
3.0 |
2.5 |
4.0 |
3.0 |
Moyenne pondérée PPM = 3.6 |
2.0 |
4.0 |
3.3 |
3.5 |
4.0 |
2.2 |
4.0 |
4.3 |
Total des scores pondérés |
2.1 |
4.0 |
3.3 |
2.9 |
3.9 |
2.5 |
3.9 |
4.4 |
Note: Score maximum : 5
Source: Données statistiques des Communautés européennes et OCDE (2008).
En raison de son importance et de son pouvoir « d’amener l’entreprise à œuvrer pour les pauvres », l’entrepreneuriat a été promu par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) au rang de pilier clé de la stratégie des pays en développement (PNUD 2004). Selon l’OCDE (2004b), les pays où l’entrepreneuriat est élevé ont plus de chance d’avoir des secteurs privés dynamiques et sont mieux en mesure d’atteindre des taux de croissance élevée et de les maintenir. La Banque mondiale (2006a) soutient également que l’activité entrepreneuriale est importante pour préserver le dynamisme d’une économie moderne et pour la création d’emplois. Les obstacles à la création d’une entreprise sont dans une large mesure négativement corrélés avec la densité des entreprises et le taux d’entrée de nouvelles compagnies alors qu’une grande densité des taux d’entrée élevés ont des effets négatifs sur un secteur privé robuste (Banque mondiale 2006a ; Klapper et autres 2009).
Au terme de son analyse de l’activité entrepreneuriale et des réformes de l’environnement des affaires, la Banque mondiale (2006a) concluait que si les pouvoirs publics réduisaient les obstacles au lancement des entreprises et facilitaient l’accès au crédit, l’activité entrepreneuriale connaîtrait une expansion. Cependant, cela apparait comme une approche trop simpliste. Dans leur panorama de la documentation sur l’entrepreneuriat, Lundström et Stevenson (2005) identifiaient nombre d’autres facteurs ayant des incidences sur le niveau de l’activité entrepreneuriale. Ce sont, entre autres, la conscience de la culture d’entreprise, l’éducation, la sécurité sociale, le degré de soutien aux entreprises, etc. Après avoir également passé en revue les pratiques des pouvoirs publics des pays développés, ils conclurent que la gamme des actions pour accroître les niveaux de l’activité entrepreneuriale dans une économie est plus étendue que celle des actions de soutien aux PME. En d’autres termes, bien qu’elle soit liée à la politique des PME, l’activité entrepreneuriale est un domaine à part (Stevenson et Lundström 2002 ; Lundström et Stevenson 2005). Cet aspect sera plus amplement développé au chapitre 7.
Dans aucun des 12 pays MENA, l’activité entrepreneuriale ne constitue une ligne d’action majeure. Bien que les gouvernements d’Algérie, du Maroc et de Tunisie se soient fixé comme objectif la création de nouvelles entreprises dans leurs plans et leur stratégies8 de développement au niveau national et qu’ils aient mandaté des agences pour atteindre ces objectifs, en général l’environnement de soutien n’est pas suffisant pour faciliter l’accélération de l’activité entrepreneuriale. Il est difficile d’obtenir un financement de départ pour les nouvelles entreprises, les formalités de lancement sont souvent lourdes, le service d’appui aux entreprises n’existe pas partout et la culture d’entreprise est toujours faible après des décennies d’économies étatisées dans lesquelles l’activité entrepreneuriale ne pouvait guère se déployer qu’à la marge.
Encourager l’entrepreneuriat est crucial parce qu’aucun de ces 12 pays MENA n’a une base de PME suffisamment solide dans le secteur formel. Cela nécessitera que ces pays reçoivent un apport croissant d’entreprises privées et que celles qui existent déjà soient davantage orientées vers la croissance et la compétitivité afin qu’ils puissent développer leurs économies et créer des emplois pour une masse de nouveaux entrants sur le marché du travail. C’est pourquoi il est indispensable d’augmenter le volume de créations d’entreprises de qualité, ce qui signifie qu’il faut davantage d’entrepreneurs motivés et compétents.
L’intérêt pour l’entrepreneuriat parmi les pays de la région MENA s’est accru. L’Association des jeunes entrepreneurs jordaniens (YEA) a produit un Livre Blanc sur l’entrepreneuriat en 2004 (YEA 2004a) dont l’objectif était de souligner l’importance du problème auprès des parties prenantes. Dans le même temps, la YEA a engagé la Jordanie dans le Global Entrepreneurship Monitor (le projet de suivi global de l’entrepreneuriat) (YEA 2004a). La YEA poursuit également un dialogue public et un plaidoyer pour promouvoir un environnement de soutien plus favorable à l’entrepreneuriat. L’une des idées clés est qu’un changement de mentalité est aussi important pour la croissance du secteur privé qu’un changement de l’environnement et du contexte. L’Association des jeunes entrepreneurs syriens est également engagée activement dans la promotion de l’entrepreneuriat et des efforts de même nature sont également en cours en Égypte, en Tunisie et en Turquie.
Les niveaux d’activité entrepreneuriale sont un indicateur du niveau de développement du secteur privé. Dix des 12 pays MENA ont pu le mesurer par leur participation au Global Entrepreneurship Monitor (GEM) Project.9 Le projet GEM piloté par Babson College et la London Business School a commencé à suivre les taux d’activité entrepreneuriale dans dix pays en 1999 et effectue maintenant des études annuelles de ces taux dans 50 pays développés et en développement. Les demandes officielles de participation au consortium GEM en Égypte, Syrie, Tunisie et Turquie ont surtout été présentées par les organismes gouvernementaux et du secteur privé et / ou par les bailleurs de fonds soucieux de sensibiliser les pouvoirs publics à l’importance de l’entrepreneuriat et d’apporter des données factuelles pour éclairer les programmes d’action des gouvernements. Le financement assuré par le Centre de recherche pour le développement international (CDRI) a permis de recueillir des données pour le GEM dans sept des pays MENA en 2009.10
Les travaux de recherche du GEM ont élaboré trois instruments de mesure de l’entrepreneuriat. Le taux d’activité entrepreneuriale total (TAE) mesure le pourcentage de la population adulte engagée dans un début d’activité entrepreneuriale. Ce taux est calculé sur la base de deux indicateurs : le pourcentage de la population adulte qui travaille sur des projets d’entreprises en gestation (le taux d’entrepreneurs émergents) et le pourcentage de la population adulte engagée dans de jeunes entreprises qui ont versé des traitements et des salaires depuis plus de trois mois et moins de 42 mois (propriétaires dirigeants d’entreprises naissantes). Le troisième indicateur porte sur le pourcentage de population adulte engagée dans des entreprises établies depuis plus de 42 mois (propriétaires dirigeants d’entreprises établies).
Les résultats du GEM pour 10 des 12 pays MENA révèlent que c’est le Yémen qui a le taux d’activité entrepreneuriale total le plus élevé : 24 pour cent de la population essaie de lancer une entreprise nouvelle ou possède une entreprise naissante (figure 4.4). Viennent ensuite l’Algérie avec un taux de 16,7 pour cent, le Maroc avec 15,7 pour cent, le Liban avec 15 pour cent, l’Égypte avec 13,1 pour cent, la Tunisie et la Jordanie avec un taux entre 9,4 et 10,2 pour cent, et la Cisjordanie et Gaza, la Syrie et la Turquie dont les taux sont inférieurs à 9 pour cent. Ces taux indiquent que, dans ces pays, il y a plus de 20 millions d’adultes qui essaient de lancer une entreprise nouvelle ou possèdent une entreprise naissante.
Figure 4.4 Population adulte engagée dans l’activité entrepreneuriale
Le Maroc et le Liban ont les plus fortes concentrations d’entrepreneurs actifs dans la population adulte (environ 25 pour cent) et également dans les trois types d’activité entrepreneuriale (plus de 30 pour cent). Le cas du Yémen est quant à lui intéressant puisqu’il y a plus de 22 pour cent d’adultes qui essaient de lancer une entreprise mais seulement 4 pour cent qui en possèdent réellement une. Il se peut que cette situation traduise les difficultés à trouver un emploi rémunéré dans le pays, associé à un environnement réglementaire et financier défavorable. Ainsi les gens envisagent la possibilité de lancer leur propre entreprise mais peu réussissent vraiment à le faire. À l’opposé, en Tunisie, en Cisjordanie et Gaza et en Turquie, il n’y a qu’une minorité d’adultes qui essaient de lancer leur entreprise.
Le taux d’activité entrepreneuriale total est intéressant en soi, mais il est plus pertinent de considérer le lien entre ce taux et le niveau de développement du pays. Les résultats du GEM indiquent que le taux d’activité entrepreneuriale total d’un pays baisse au fur et à mesure que croît le niveau de son développement économique jusqu’à ce que le PIB par habitant atteigne entre 27 000 dollars US et 30 000 dollars US, point auquel TAE et PIB par habitant ont tendance à croître parallèlement (Bosma et Levie 2010).11 Les pays se situent de part et d’autre d’une ligne qui s’apparente à une « courbe en U ». À l’exception du Liban, de l’Algérie et du Yémen, dont les taux d’activité se situent au-dessus de la courbe (ce qui signifie que leur niveau d’activité entrepreneuriale est supérieur à ce qu’on attendrait compte tenu de leur niveau de développement économique), les sept autres pays se situent en dessous de la courbe en U (ce qui signifie que leur niveau d’activité entrepreneuriale est inférieur à ce que l’on attendrait compte tenu de leur niveau de développement économique) (figure 4.5).
Figure 4.5 Stade précoce de l’activité entrepreneuriale et PIB par habitant
Il serait très utile qu’il y ait davantage de pays de la région MENA à être impliqués dans la recherche GEM sur une base continue dans la mesure où cela fournirait d’importantes données de suivi sur les taux d’activité entrepreneuriale qui permettraient d’orienter la politique des pouvoirs publics. Outre les données précieuses que la participation au projet GEM permet de glaner (CRDI 2010), des recherches complémentaires portant sur les contraintes sociales, culturelles et environnementales qui bloquent la décision de devenir entrepreneur seraient fort utiles. Il faudrait étudier le profil des entrepreneurs dans chaque pays (et les différents types d’entrepreneurs), l’impact de la réglementation, des réformes économiques et des programmes d’appui aux nouvelles entreprises, les taux de survie et de croissance, l’impact des aspects culturels sur les niveaux d’activité entrepreneuriale, l’influence de l’éducation entrepreneuriale sur la motivation à devenir entrepreneur et les différentes approches et mécanismes pour développer le potentiel entrepreneurial chez les jeunes et chez le femmes.
Tout donne à penser que c’est probablement le gouvernement tunisien qui a su le mieux trouver l’approche d’ensemble pour stimuler l’entrepreneuriat. Non seulement le gouvernement s’était fixé comme objectif la création de 70 000 entreprises nouvelles entre 2005 et 2009, mais l’Agence de promotion de l’Industrie au sein du ministère de l’Industrie et de la technologie détient le Centre de soutien de la création d‘entreprise qui possède de nombreuses mesures pour promouvoir l’activité d’entreprises nouvelles et le développement de l’entrepreneuriat. Concernant ces mesures, il y a notamment la formation à l’entrepreneuriat, les plans de financement des nouvelles entreprises, les pépinières dans les universités, les conseils et l’appui au niveau national et régional, et l’introduction de cours d’entrepreneuriat dans les programmes universitaires. Le MIEPME (rebaptisé ministère de l’Industrie et de la Technologie en 2010) et le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) ont même signé un accord par lequel le MES accepte de lancer des pépinières sur les campus universitaires et de promouvoir l’entrepreneuriat auprès des étudiants et des diplômés. En avril 2005, le MIEPME a lancé une campagne nationale pour la création et le développement de PME qui comprenait des mesures pour la création, la qualité et le soutien aux entreprises, l’accent étant particulièrement mis sur la culture entrepreneuriale parmi les jeunes Tunisiens. Les gouvernements d’Algérie et du Maroc s’étaient également fixé comme objectif pour 2005–2009 un nouveau nombre de création d’entreprises nouvelles et ont mis en place des agences et des programmes pour encourager les diplômés universitaires à créer des entreprises. Il semble cependant que ce soit l’approche tunisienne qui soit la plus intégrée. Il est à noter qu’en Irak et au Maroc des programmes de télévision présentant des portraits de propriétaires dirigeants des PME sont utilisés pour mieux sensibiliser l’audience aux opportunités qu’offre l’entrepreneuriat.
Comme nous l’avons fait observer aux chapitres 2 et 3, les barrières culturelles, sociales, économiques et familiales affectent le niveau de participation des femmes à la vie économique des 12 pays MENA. Leur faible niveau de participation à la vie active se retrouve dans le faible taux d’activité entrepreneuriale et de possession d’entreprises, comme nous l’avons montré précédemment dans ce chapitre. Les femmes ne peuvent pas s’impliquer davantage dans l’entrepreneuriat en raison de nombreux obstacles bien identifiés. Ce sont notamment la culture, le nantissement, le crédit, les capacités, la mobilité, la discrimination et la ségrégation sexuelles sur le marché du travail, etc. (FEMISE 2006b ; IFC et CAWTAR 2007).
Il y a peu de temps encore, il y avait très peu de données sur l’activité entrepreneuriale des femmes. Les résultats du projet GEM pour 2008 et 2009 révélaient que les taux d’activité entrepreneuriale des femmes dans les entreprises émergentes varient considérablement d’un pays à l’autre dans les 10 pays de la région (figure 4.6). Le taux d’activité entrepreneuriale des hommes est plus de quatre fois supérieur à celui des femmes en Cisjordanie et Gaza et en Syrie et plus de trois fois supérieur en Turquie, en Jordanie et en Égypte. La part des femmes dans l’activité entrepreneuriale émergente de ces pays est d’environ 20 pour cent contre 35 pour cent en Algérie, au Yémen, au Maroc et au Liban.
Figure 4.6 Niveau d’activité entrepreneuriale des femmes
L’intérêt porté à l’entrepreneuriat féminin dans les pays de la région MENA est relativement récent. La possession d’entreprises par des femmes n’est devenue une question politique en Jordanie que lorsqu’elle a été soulevée dans le Rapport d’évaluation par pays établi par l’ONU et présenté au gouvernement jordanien en 2008. Par la suite, la cour royale a demandé au Forum jordanien des femmes d’affaires et des femmes cadres (JFBPW) un plan d’action stratégique sur l’entrepreneuriat des femmes qui constituerait une composante du plan d’action national quinquennal. En 2000, le premier ministre égyptien a créé un Conseil national des femmes pour conseiller le gouvernement sur les stratégies permettant d’accroître le rôle des femmes dans les PME. Le Maroc s’intéresse à l‘entrepreneuriat des femmes, mais principalement au niveau des programmes. Rien n’indique qu’il y ait dans aucun de ces pays un cadre définissant une stratégie spécifique pour le développement de l’entrepreneuriat féminin.
Étant donné que, dans de nombreux pays de la région MENA, il y a une discrimination contre les femmes à l’embauche dans le secteur privé formel, l’entrepreneuriat suppose une volonté bien arrêtée chez les femmes qui veulent jouer un rôle dans la vie économique. Outre le besoin de politiques et d’actions pour éradiquer la discrimination sexuelle dans les pratiques d’embauche du secteur privé formel, il faut également des politiques qui mettent en valeur les opportunités qui permettent aux femmes de mieux réussir dans l’activité entrepreneuriale. Des programmes limités ont été mis en œuvre dans certains de ces pays. En Égypte, le Conseil national des femmes a instauré un centre de développement des affaires pour les femmes conçu pour apporter formation, conseil et appui aux PME existantes possédées par des femmes et aux femmes qui essaient de lancer des entreprises nouvelles. L’Agence nationale pour la Promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME) au Maroc assure un programme de promotion de l’entrepreneuriat pour les femmes financé par la Coopération technique allemande (GTZ), propose une formation aux femmes entrepreneurs en partenariat avec le programme Taahil Almokawalat et coopère avec l’Association des femmes chefs d’entreprises du Maroc (AFEM) au Programme de financement des femmes. En Syrie, l’Association pour la modernisation et l’activation du rôle des femmes dans le développement économique (Modernizing and Activating Women’s Role in Economic Development, MAWRED) gère un réseau d’incubateurs d’entreprises pour encourager les femmes à entrer dans le monde de l’entreprise et le Fiducie pour le développement de la Syrie coordonne le projet « Women Village Incubators » (incubateurs d’entreprises pour femmes dans les villages). Le Fonds jordanien de microcrédit pour les femmes est l’un des plus importants du pays. Au Yémen, l’Association pour l’autonomisation économique des femmes (WEEA) a formé plus de 60 groupes de prêt constitués de femmes qui, dans les microentreprises, gèrent elles-mêmes leurs économies et leurs plans de prêt.
Dans certains pays de la région MENA, les bailleurs et les ONG fournissent sous diverses formes un appui au développement de l’entrepreneuriat des femmes. Il s’agit notamment de cibler les femmes clientes dans les programmes de microfinance financés par des bailleurs, d’aider à la mise en place d’associations de femmes d’affaires et d’ONG de plaidoyer, et de conduire des travaux de recherche. Il y a des associations de femmes d’affaires dans la plupart des 12 pays MENA, mais il y a des différences considérables de capacités, de services et de puissance de plaidoyer. L’une des plus développées est le Forum jordanien des femmes d’affaires et des femmes cadres, qui a effectué une recherche globale sur les femmes entrepreneurs et leurs entreprises, l’objectif étant de peser sur la politique des pouvoirs publics. D’autres organisations comme l’Association égyptiennes des femmes d’affaires (EBWA), l’Association des femmes entrepreneurs de Turquie (KAGDIR) et l’Association des femmes d’affaires libanaises ont beaucoup fait pour améliorer l’image des femmes d’affaires en organisant des conférences et des actions de promotion et de plaidoyer.
Il y a peu d’efforts qui aient pourtant été faits au niveau de l’action des pouvoirs publics et des programmes pour accroître la participation des femmes dans le monde des affaires ni pour accélérer la croissance de leurs entreprises. Il n’existe que quelques études sur l’état de l’entrepreneuriat des femmes dans les pays de la région MENA. Le rapport de la Société financière internationale sur les femmes entrepreneurs12 recommandait que soient poursuivies des recherches pour comparer les caractéristiques et les apports des femmes et des hommes propriétaires d’entreprises et les défis qu’ils avaient à relever (IFC et CAWTAR 2007). Ce rapport recommandait également que les responsables politiques consultent beaucoup plus les femmes entrepreneurs sur la formulation des actions à entreprendre et soulignait combien il était important de renforcer les associations de femmes d’affaires.
Il n’existe pas de réseaux régionaux pour que les responsables politiques puissent échanger leurs informations et leurs expériences relatives au développement des entreprises de femmes, bien que ces échanges méritent d’être encouragés. Le Forum des femmes chefs d’entreprise, lancé à la réunion ministérielle pour le Programme d’investissement OCDE-MENA en novembre 2007, a pour objectif de créer une tribune pour le dialogue régulier entre ce programme d’investissement et les organismes régionaux qui œuvrent à l’amélioration du statut des femmes de la région MENA (OCDE 2007c). L’un des résultats attendus de ce Forum sera des actions destinées à améliorer le cadre de l’entrepreneuriat des femmes, dont l’adoption de politiques et d’initiatives conçues pour aider les femmes chefs d’entreprise à relever les défis qui se posent à elles et à encourager une plus forte participation de leur part à la vie économique. Pour guider les activités du Forum, un plan d’action a mis en place des sections de ce Forum dans chaque pays participant mais ces sections ont mis beaucoup de temps à devenir opérationnelles.
Ainsi s’achève la description des défis économiques majeurs qu’ont à relever les 12 pays MENA et est en même temps planté le décor qui va permettre d’explorer plus en détail le développement du secteur privé et des entreprises. Le chapitre 5 examine dans quelles conditions l’économie de marché peut être libérée et regroupe un certain nombre d’indicateurs pour comparer l’ampleur du dynamisme du secteur privé de ces pays.
1. La Turquie était le seul pays des 12 pays MENA à figurer dans la base de données des PME. La période couverte par l’analyse allait de 1990 à 1999. Les auteurs établissent une différence entre les PME, qui, dans leur base de données, désignent les entreprises du secteur formel, et le secteur informel, qui englobe les entreprises non enregistrées.
2. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, le secteur informel représente 29,14 pour cent de la totalité de la population active et les PME du secteur formel seulement 17,56 pour cent. Dans le pays à haut revenu, la répartition est respectivement 15,16 pour cent et 57, 24 pour cent (Ayyagari et autres 2003, p.10).
3. MEDSTAT est un programme statistique propre à cette région entre l’Union européenne et divers pays méditerranéens : précisément l’Algérie, l’Égypte, Israël, le Jordanie, le Liban, le Maroc, la Palestine, la Syrie, la Tunisie et la Turquie.
4. Le taux de croissance des PME en Cisjordanie et Gaza a atteint 4,5 pour cent entre 2004 et 2007.
5. Les données relatives au Soudan datent de 1993, dernière année où des données étaient disponibles.
6. Avant d’être rebaptisé en 2010, ce ministère s’appelait ministère de l’Industrie, de l’Énergie et des Petites et Moyennes Entreprises (MIEPME).
7. Le mécanisme de « Révision Guillotine » conçu pour la réforme de la réglementation comporte un examen rapide en trois étapes de la législation et de la réglementation existantes, l’objectif étant d’éliminer les règlements qui ne sont pas nécessaires et de simplifier ceux qui sont trop complexes.
8. L’Algérie avait comme objectif la création de 100 000 nouvelles entreprises, le Maroc 30 000 et la Tunisie 70 000.
9. Pour plus d’informations sur le projet GEM, se reporter au site www.gemconsortium.org.
10. Le projet pilote du CDRI a soutenu les recherches du GEM en Algérie, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Syrie, en Cisjordanie et Gaza et au Yémen.
11. Le pays qui avait le taux d’activité entrepreneuriale total le plus élevé en 2009 était l’Ouganda avec 33,6 pour cent, et le plus faible le Japon, avec 3,3 pour cent (Bosma et Levie 2010).
12. Le projet IFC a produit une étude comparative sur l’entrepreneuriat des femmes à Bahreïn, en Jordanie, au Liban, en Tunisie et dans les Émirats Arabes Unis en coopération avec le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR).
Le secteur privé est le moteur principal d’une économie de marché, l’État jouant un rôle minimal dans l’activité économique, sauf comme régulateur et facilitateur, et n’intervenant qu’en cas de carences manifestes du marché (Banque mondiale 2005f). Les éléments clés de la transition vers une économie de marché sont notamment la privatisation des entreprises étatisées ; la création d’un environnement favorable aux affaires en allégeant la réglementation ainsi que les procédures et les frais de gestion, le soutien de la politique concurrentielle et la limitation des comportements monopolistiques ; la promotion d’un secteur financier viable qui oriente les ressources vers des investissements productifs (libéralisation) ; la stimulation d’un corps d’entrepreneurs enthousiastes et compétents pour qu’ils saisissent l’offre en étant persuadés de la longévité des améliorations du climat de l’investissement ; et l’ouverture au commerce qui assurera l’intégration dans la mondialisation. On estime que les actions entreprises dans ces domaines sont de nature à renforcer le secteur privé et à le rendre plus dynamique.
Bien que les pays de la région MENA aient progressé dans la mise en œuvre des réformes allant dans le sens de l’économie de marché, selon la Banque mondiale (2007b), ils figurent parmi les pays du monde les moins favorables aux échanges du fait des procédures lourdes et coûteuses qui entravent le développement des affaires et du fait de toute une gamme de pratiques qui empêchent l’émergence du secteur privé. Dans de nombreux pays, il y a des secteurs clés qui demeurent fermés à la concurrence en raison des niveaux élevés de la concentration de l’industrie (Sekkat 2010) et des contraintes réglementaires. Les progrès d’ensemble en matière de réforme du secteur des services, y compris la libéralisation des services financiers, des transports, des télécommunications1, de l’électricité et de l’eau sont inférieurs à ceux des autres économies en transition (Banque mondiale 2007b). Bien qu’il soit avéré que l’engagement direct de l’État dans le secteur productif ait de sérieux effets négatifs sur l’initiative privée et sur le dynamisme et la compétitivité des marchés (OCDE 2004a), la privatisation des entreprises étatisées dans la région MENA a été lente et les barrières à l’entrée découragent souvent les investisseurs. La corruption et les insuffisances de la réforme de la gouvernance et de l’administration persistent dans le secteur public et demandent que des efforts supplémentaires soient entrepris pour accroître la transparence, contraindre le secteur public à rendre des comptes et contester les politiques des pouvoirs publics (Banque mondiale 2009c).
Après de longues périodes d’une approche du développement basée sur une intervention lourde de l’État et un rôle très limité du secteur privé, les 12 pays MENA sont à différents stades de leur transition vers une économie de marché. Certains gouvernements avaient amorcé leur évolution vers l’économie de marché au milieu des années 80 et, à l’horizon des années 90, la plupart avaient fait de même. Les premières mesures en ce sens portaient sur des programmes de stabilisation macroéconomique, privatisations et réformes pour encourager les investissements et les exportations. La Turquie, la Jordanie et le Maroc ont entamé le processus de libéralisation dans les années 80, la Tunisie, l’Algérie, l’Égypte, le Soudan, la Syrie et le Yémen dans les années 90, et l’Irak et la Cisjordanie et Gaza au début des années 2000. En raison de l’instabilité politique, des interruptions causées par la guerre et les conflits ou par des changements de gouvernement, même les pays qui avaient commencé plus tôt à se libéraliser et à s’ouvrir entrèrent dans une « nouvelle phase » de réformes nationales une fois l’année 2000. Ce qui a précipité cette nouvelle phase de réformes dans chacun des pays, est la volonté de satisfaire aux critères d’accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à ceux des accords d’association de l’Union européenne (UE) ou à ceux de l’entrée au Conseil de coopération du Golfe, mais cela peut également être lié aux changements de régime et de pouvoir politique, étant donné que l’année 2000 semble avoir été un moment pivot dans nombre de ces pays.
Les 12 pays MENA sont également à différentes phases de leurs efforts de privatisation, c’est-à-dire à un moment important de leur transition vers une économie de marché2 fondée sur le secteur privé. Les premières opérations de privatisation enregistrées eurent lieu en Turquie en 1988 (OCDE 2007a), bien que le gouvernement eût d’abord instauré l’Administration de Privatisation en 1895 (CE 2005c). Son premier souci fut de se défaire des PME étatisées opérant dans des secteurs compétitifs, principalement dans l’industrie et le tourisme, pour se tourner ultérieurement vers les services publics et les infrastructures en réseaux. Puis la Tunisie, l’Égypte, le Maroc et le Soudan se sont à leur tour lancés dans les privatisations. Depuis lors, la plupart des 12 pays ont adopté des plans de privatisation pour se défaire des entreprises étatisées ou encadrées, ou pour les restructurer, même si certains s’activent à mettre en œuvre leur plan plus que d’autres. Ces gouvernements ont des lignes d’action différentes pour privatiser3 et ont adopté des mécanismes différents : ventes d’actions et d’actifs, restructuration de sociétés étatisées transformées en sociétés anonymes indépendantes à 100 pour cent, rachats d’entreprises par les salariés ou les cadres, coentreprises, et la transformation des entreprises en sociétés d’État.4
Il y a eu beaucoup de cessions d’actifs en Turquie, en Tunisie et au Maroc5 alors que l’État en Algérie, en Irak, au Yémen et en Syrie possède encore un grand nombre d’entreprises dans les secteurs clés de l’industrie. Le gouvernement marocain a ratifié son premier programme de privatisations en 1989 et maintenant que la majorité des privatisations sont achevées, le Maroc est considéré comme l’un des pays les plus avancés de la région (Banque mondiale 2006c). Le gouvernement algérien a lancé son programme de privatisations en 1995, mais, selon la Banque mondiale, « on est encore loin d’un plan d’ensemble de privatisations à grande échelle » (Banque mondiale 2006c) bien que de nombreuses petites entreprises étatisées aient été vendues. Le gouvernement soudanais a également commencé la privatisation d’entreprise tôt (Plan de privatisations en 1992) et a déjà accompli deux phases de privatisation avec une pointe en 1993. Selon Suliman (2007), les efforts du Soudan se sont, dans l’ensemble, soldés par un échec non seulement en raison de la corruption et du manque de transparence mais aussi parce que les privatisations ont provoqué de fortes augmentations du taux de chômage et que les ouvriers victimes des compressions d’effectifs n’ont pas de protection sociale. La Jordanie et l’Irak se sont lancés dans la privatisation dès 2000, et bien que le gouvernement syrien ait voté une loi en 2001 mettant un terme aux monopoles d’État, il envisage encore d’autres solutions qu’une privatisation totale. Les gouvernements qui s’accrochent à leurs entreprises étatisées craignent souvent d’autant plus le risque d’impact négatif des privatisations sur l’emploi que les taux de chômage sont déjà élevés et que le secteur privé n’ait pas de grandes possibilités d’absorption de l’excédent de main-d’œuvre. À l’opposé, certains gouvernements qui ont privatisé font état de gains d’emplois dus aux cessions d’actifs et à l’accroissement des apports d’investissement direct étranger (IDE).
Dans certains pays du groupe des 12 pays MENA, les pouvoirs publics ont reconnu, plus tard que d’autres, combien il était important que se développe une économie de marché fondée sur le secteur privé. Selon toutes les évaluations et les conclusions des organisations internationales et des agences de bailleurs de fonds au sujet du statut de l’économie de marché des 12 pays : la Turquie est considérée comme ayant une économie de marché qui fonctionne ; la Tunisie comme un « pays nouvellement industrialisé » et ayant l’économie la plus compétitive d’Afrique et d’Arabie (ayant été l’un des premiers pays de la région à ouvrir son économie et à prendre des mesures de nature à améliorer le climat des affaires) ; le Maroc comme un pays qui a épousé le principe d’une économie de marché mais dont l’environnement du secteur privé n’est vraiment pas assez compétitif (Bertelsmann Stiftung 2008c) ; la Cisjordanie et Gaza comme l’une des économies les plus ouvertes du Moyen-Orient (MEN 2005), bien que la situation de conflit l’empêche de réaliser les bénéfices de cette ouverture ; le Liban comme l’une des économies les plus avancées du Moyen-Orient avec un passé de libéralisme et un secteur privé prédominant (Holmes et autres 2008) ; la Jordanie comme un pays qui a considérablement gagné à s’être totalement convertie à l’économie de marché (Bertelsmann Stiftung 2008b) ; l’Égypte comme un pays qui se place dans le peloton de tête pour la facilité de faire des affaires (Banque mondiale 2008i) mais où le cadre institutionnel de l’économie de marché souffre de faiblesses structurelles ; la Syrie comme « économie majoritairement étatisée et qui ne s’est engagée que tout récemment sur le chemin de la réforme » (FEM 2008a, p.33) ou comme une «économie sociale de marché » autoproclamée en passe de se réformer (SEBC 2007, p.20) ; l’Algérie comme un pays où les réformes économiques sont étouffées par l’abondances des revenus du pétrole et du gaz mais où le cadre structurel de l’économie de marché est encore à élaborer (Bertelsmann Stiftung 2008a) ; l’Irak comme « économie de marché naissante » (Banque mondiale 2004a), qui jusqu’en 2005 n’avait pratiquement pas de secteur privé ; et le Yémen, dont l’économie est l’une des moins compétitives du monde (PNUD 2006a) et qui, avec le Soudan, a très peu avancé sur la voie de l’économie de marché et qui ne donne guère l’impression qu’un secteur privé dynamique va y voir le jour (Bertelsmann Stiftung 2008a).
L’indice de transformation Bertelsmann (ITB) examine les processus de développement et de transformation de l’économie de marché dans 125 pays en utilisant 52 indicateurs sur la base de 17 critères pour mesurer le niveau de transformation économique, le niveau de transformation vers l’économie de marché et le degré de volonté politique pour la mise en œuvre de réformes conduisant à l’économie de marché (Bertelsmann Stiftung 2008a).7 Les résultats du ITB pour 2008 concernant 11 des 12 pays MENA sont présentés en figure 5.1. Seule la Turquie répond aux critères d’une économie de marché fonctionnelle selon l’ITB. Cinq des 12 pays sont classés comme économies de marché présentant des failles fonctionnelles et cinq comme économies de marché de marché chaotiques ou embryonnaires. La Turquie se classe dans le quart de tête des 125 pays (à la 32ème place) et la Syrie, l’Irak et le Soudan se situent dans les 10 pour cent du bas de l’échelle. Ce sont la Turquie, l’Algérie et l’Égypte qui ont le plus amélioré leurs scores de transformation économique depuis le ITB de 2006 alors que la Syrie et le Soudan n’ont absolument pas progressé.
Figure 5.1 État de la transition vers l’économie de marché, pays MENA
Il serait idéal si on disposait d’un jeu explicite d’indicateurs et de données pour mesurer l’état de développement du secteur privé. Malheureusement, il ne semble pas que ce soit le cas, comme nous l’avons souligné au chapitre 1. Des indicateurs comme celui de la part du secteur privé dans le PIB, l’emploi et l’investissement donneraient une indication de la taille relative du secteur public et du secteur privé. La mesure de l’apport de l’IDE fournirait une indication sur l’ouverture de l’économie aux activités du secteur privé. Le crédit intérieur au secteur privé en pourcentage du PIB pourrait servir d’indicateur des capitaux disponibles pour la croissance du secteur privé. Des indicateurs comme celui de la densité des PME dans le secteur privé fourniraient la mesure de la prédominance de la fréquence des entreprises indépendantes, les taux d’entrée et de sortie des entreprises8 mesureraient le niveau du dynamisme économique, etc. Du fait que ces indicateurs n’offrent pas de données comparables, il est difficile de suivre dans la durée les changements qui se produisent au sein des pays et de faire des comparaisons d‘un pays à l’autre. Les tentatives d’analyse du potentiel d’un pays en matière de développement du secteur privé et de résultats de la croissance globale pro-pauvres doivent inclure les indicateurs de développement humain, tels que l’alphabétisation, l’instruction, les niveaux de pauvreté, l’inégalité et l’équité hommes/femmes, autant de questions de plus en plus au centre des préoccupations des 12 pays MENA.
La section suivante de cet ouvrage présente des données comparatives fondées sur les indicateurs clés disponibles (autres que ceux déjà étudiées aux chapitres 3 et 4) pour aider à mieux comprendre l’ampleur et la portée du secteur privé et l’environnement qui en permet l’expansion dans le groupe des 12 pays. Les indicateurs mesurant la taille relative du secteur public et du secteur privé et leur rôle dans l’emploi et la formation de capital, l’importance de la disponibilité du crédit privé, l’environnement favorable aux affaires et le niveau de liberté économique sont abordés dans cette analyse. Ces indicateurs sont combinés avec d’autres qui ont été analysés dans les précédents chapitres tels que les taux de croissance du PIB, les taux de l’emploi, les taux de densité de l’entrepreneuriat et les indicateurs de développement humain afin de classer les 12 pays MENA sur une échelle qui mesure leurs performances relative en matière de développement du secteur privé.
La première palette d’indicateurs du développement du secteur privé a trait à la taille du gouvernement. Trois mesures permettent de la calculer : le niveau des dépenses publiques, la part du secteur public et du secteur privé dans la population active ayant un emploi et la part du secteur public et du secteur privé dans la formation brute de capital. Un autre indicateur clé utilisable serait la part du secteur privé dans le PIB, mais il n’y a pas de données comparables récentes pour tous les 12 pays MENA. Cependant, la Banque mondiale (2009c p.26) indique que la part du secteur privé dans le PIB hors hydrocarbure est de l’ordre de 70 à 75 pour cent en Égypte, au Maroc et en Tunisie et de 80 pour cent ou plus en Algérie, en Syrie, en Jordanie et au Liban, et de plus de 90 pour cent au Yémen. (Il est à noter que si les hydrocarbures étaient inclus, la part du secteur privé dans le PIB en Algérie et au Yémen se situerait entre 40 et 50 pour cent.) La croissance de la part du secteur privé dans le PIB des pays MENA a été relativement stable depuis au moins 2000.
Figure 5.2 Dépenses publiques par rapport au PIB
Le niveau des dépenses publiques est l’un des moyens dont dispose l’État pour peser sur l’économie et la société.9 La comparaison du niveau des dépenses publiques par rapport au PIB entre les 12 pays est présentée en figure 5.2. Cela va d’un maximum de 70 pour cent du PIB en Irak à moins de 25 pour cent en Turquie et au Maroc. Cinq de ces pays – l’Irak, le Yémen, la Jordanie, le Liban et la Cisjordanie et Gaza – ont des dépenses publiques supérieures à 30 pour cent du PIB, ce qui est considéré comme un seuil clé par la Fondation Héritage dans ses calculs de l’Indice de liberté économique (Fondation Héritage 2009). Un certain niveau des dépenses publiques est justifié pour la prestation de services et de biens collectifs qui sont plus efficacement fournis par l’État que par le marché, ou pour corriger les failles du marché, mais si ce niveau est trop élevé, il peut évincer le secteur privé, conduire à des distorsions du marché et porter atteinte au potentiel de croissance du pays sur le long terme.
Un autre indicateur permet de mesurer la taille comparée du secteur public et du secteur privé, c’est la part de population active ayant un emploi. C’est en Algérie et en Jordanie que la part du secteur public dans la population active ayant un emploi est la plus forte, dépassant 32 pour cent. En revanche, la part du secteur privé au Maroc, en Turquie, au Liban et au Soudan est supérieure à 80 pour cent10 de la population active ayant un emploi (figure 5.3).
Figure 5.3 Part de l’emploi du secteur privé et du secteur public
Le niveau d’investissement brut dans les immobilisations est l’un des indicateurs clés de la croissance dans les économies. L’investissement total dans les pays en développement a tendance à approximer 15 à 30 pour cent de leur PIB. La part du secteur public est entre 20 et 40 pour cent du PIB et la part du secteur privé est 60 à 80 pour cent du PIB (Harberger 2005). L’investissement brut dans les pays à forte croissance dépasse généralement 25 pour cent du PIB mais moins de 20 pour cent dans les pays à faible croissance (OCDE 2004a). Selon Blanc et Louis (2007), il faut au moins un ratio de 30 pour cent du PIB pour qu’il y ait une forte croissance économique. Lorsque l’investissement est faible, la capacité productive de l’économie n’augmente pas, les taux de création d’emploi sont plus faibles et il y a moins d’opportunités pour que les pauvres puissent améliorer leur niveau de vie (OCDE 2004a). Cependant, ce n’est pas seulement le niveau de l’investissement qui compte, mais la part de l’investissement dans les secteurs productifs, technologie moderne et innovation, qui produit des accroissements de la productivité de la main-d’œuvre.
La proportion de formation de capital privé dans l’investissement brut fournit des indications sur le rôle et la force du secteur privé dans l’économie. Une augmentation de la part de l’investissement privé dans l’investissement brut pourrait signifier que le climat de l’investissement est plus favorable, et que les coûts, les risques, et les obstacles à la concurrence sont réduits (Banque mondiale 2005c). Une baisse de la part de l’investissement privé dans un pays pourrait indiquer que le secteur privé a été évincé par le secteur public.
La formation de capital brut dans les 12 pays MENA a atteint une moyenne de 23,2 pour cent du PIB en 2008, ce qui est inférieur à la moyenne des pays intermédiaires de la tranche inférieure (34,5 pour cent) et des pays de l’ensemble de la région MENA (24,8 pour cent), qui comprend les pays riches en gisement pétroli-fères du Golfe. Cependant, elle variait d’un maximum de 33 pour cent au Maroc à un minimum de 16,4 pour cent en Syrie (figure 5.4). Seuls le Liban, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie avaient une moyenne supérieure à 25 pour cent. Quant à la Turquie, la Cisjordanie et Gaza, la Syrie et l’Irak, ils se situaient en deçà de 20 pour cent. La formation de capital privé par rapport au PIB était en moyenne de 16,3 pour cent, ce qui était supérieur à la moyenne des pays intermédiaires de la tranche inférieure et très légèrement inférieur à la moyenne des pays de la région MENA, le maximum étant presque de 30 pour cent au Liban et au Maroc et le minimum de 9 pour cent en Syrie. C’est au Liban, au Maroc, en Turquie et en Cisjordanie et Gaza que le ratio de l’investissement privé par rapport à l’investissement brut était le plus élevé (près de 80 pour cent de l’investissement brut) et en Algérie et en Tunisie qu’il était le plus faible (moins de 55 pour cent). Selon cet indicateur, huit des 12 pays MENA avait des résultats supérieurs à la moyenne des pays intermédiaires de la tranche inférieure, mais il n’y en avait que sept à faire mieux que la région MENA.
Figure 5.4 Part privée de formation brute de capital
Au cours de la période 2000–2008, seuls la Jordanie le Soudan et le Turquie ont vu leur formation annuelle de capital brut dépasser la moyenne de 9,8 pour cent des revenus intermédiaires de la tranche inférieure et de la tranche supérieure. La croissance de la part de l’investissement privé dans le PIB a été inégale d’un pays MENA à l’autre entre 1995 et 2006, avec un léger accroissement en Égypte, au Maroc, au Yémen et en Tunisie, et une baisse en Jordanie, au Liban, en Algérie et en Syrie (Banque mondiale 2009c, p. 53).
L’accès au crédit privé est un facteur clé de la croissance économique et du secteur privé. Les déterminants fondamentaux de la croissance du crédit privé sont les suivants : 1) l’ampleur de l’éviction par le secteur public; 2) l’efficacité de la réglementation, des systèmes juridiques et de l’exécution des contrats ; 3) l’existence d’infrastructures pour l’information et les transactions (telles que les agences d’évaluation du crédit), et 4) les structures du système bancaire concernant la propriété et la concentration (OCDE 2004a). Les causes fréquentes du faible niveau de l’expansion du crédit du secteur privé sont les lacunes du contrôle réglementaire du système bancaire, l’éviction par le secteur public, les politiques imposées par le gouvernement en matière de prêts bancaires et le manque de concurrence dans le système bancaire.
Le niveau du crédit interne au secteur privé par rapport au PIB et le niveau du crédit interne fourni par le secteur bancaire12 comme pourcentage du PIB servent d’indicateurs importants pour le développement du secteur privé. L’indicateur du crédit interne par rapport au PIB renseigne sur la proportion de capital d’un pays utilisée par le secteur privé et est un indice de l’expansion des circuits financiers. Les économies à croissance rapide ont des niveaux de crédit du secteur privé par rapport au PIB beaucoup plus élevés que les économies à croissance lente (OCDE 2004a). Le niveau de crédit interne fourni par le secteur bancaire est un indice du niveau de libéralisation du secteur bancaire et du niveau de concurrence que se livrent les banques privées.
Concernant le premier indicateur, la Jordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie se classaient en tête des 12 pays MENA en 2008, chacun ayant une moyenne de meilleures performances que les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure ainsi que de l’ensemble de la région MENA (figure 5.5). Il semblerait que le crédit interne au secteur privé soit relativement plus limité en Syrie, en Algérie, au Soudan, au Yémen et en Cisjordanie et Gaza. Le Liban est de loin le pays du groupe des 12 qui obtient les meilleures performances en ce qui concerne le crédit interne fourni par le secteur bancaire en pourcentage du PIB (173 pour cent) et, avec la Jordanie, le Maroc et l’Égypte, dépasse la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure. Le Yémen, la Cisjordanie et Gaza, le Soudan et l’Algérie ont des performances bien inférieures à la moyenne aussi bien des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure que des pays de la région MENA. L’Algérie, l’Irak, la Syrie et le Yémen ont très récemment fait l’expérience de la libéralisation du secteur bancaire alors que les cinq pays qui sont en tête du classement encouragent depuis beaucoup plus longtemps l’entrée des banques étrangères et des banques privées. Cependant, tout indique que le secteur public continu à évincer le secteur privé de l’accès au financement, et que les banques préfèrent toujours prêter aux entités publiques, aux entreprises étatisées et aux grandes firmes plutôt qu’aux PME. De gros arriérés intérieurs et des prêts improductifs ont des incidences sur le faible niveau de crédit interne dans le cas du Soudan (FMI 2008a). Le manque de sources d’information sur le crédit dans les pays MENA et la diffusion limitée de ce qui existe créent de fortes asymétries en matière d’information.
Figure 5.5 Part du crédit au secteur privé et du crédit fourni par le système bancaire dans le PIB
Les services financiers de la région MENA ont grand besoin d’une accentuation de la libéralisation, du développement et de l’expansion. Selon la banque mondiale (2007b), 12 pour cent seulement du financement des entreprises de la région MENA provient du secteur bancaire, ce qui est moins que dans n’importe quelle autre région du monde. Le fait que nombre de banques soient la propriété de l’État, le manque de concurrence et les pratiques restrictives en matière de prêts sont parmi les problèmes majeurs auxquels font face les 12 pays MENA. Les banques étatisées détiennent plus de 90 pour cent des actifs bancaires en Algérie (PESF 2004) et en Irak, et, à la fin de 2007, elles possédaient encore 94 pour cent de tous les actifs bancaires en Syrie (OBG 2009). Au Maroc, en Turquie et au Yémen, l’État détient environ un tiers des actifs bancaires contre une moyenne de moins de 7 pour cent en Asie orientale et dans le Pacifique et de 12 pour cent en Europe et en Asie centrale (Banque mondiale 2006c, p.77).
Deux indices globaux sont utilisés pour comparer les 12 pays MENA sous l’angle de l’environnement propice aux affaires, qui est une dimension essentielle pour le DSP : l’indice de facilité à faire des affaires de la Banque mondiale et l’indice liberté économique de la Fondation Héritage.
Les classements de l’enquête Doing Business de la Banque mondiale sont maintenant de plus en plus couramment utilisés comme indicateur pour évaluer si les environnements d’un pays sont favorables aux affaires et s’ils peuvent stimuler l’activité du secteur privé. Les indicateurs Doing Business permettent d’évaluer dans quelle mesure la réglementation relative aux affaires et à la protection des droits de propriété est un facteur d’amélioration ou une contrainte dans dix secteurs d’activité : 1) lancement d’une entreprise, 2) permis de construire, 3) embauche d’ouvriers, 4) enregistrement de propriétés, 5) obtention d’un crédit, 6) protection des investisseurs, 7) paiement des impôts, 8) commerce transfrontalier, 9) exécution des contrats, et 10) liquidation d’une affaire. Les valeurs et les classements de 183 pays selon ces indicateurs traduisent la facilité comparative de faire des affaires.
Dans le rapport Doing Business 2010, la Tunisie et la Turquie sont en tête du classement des 12 pays MENA (Banque mondiale 2009b) et leurs environnements sont les plus favorables aux affaires, alors que l’Irak et le Soudan sont les derniers du classement (figure 5.6). Au cours des quatre années qui ont suivi 2007, seule l’Égypte a régulièrement amélioré son classement année après année, passant de la 165ème place en 2007 à la 106ème en 2010 et elle a été reconnue par la Banque mondiale comme étant dans le peloton de tête des réformateurs pendant cette période. À l’opposé, les performances comparées du Liban, de l’Algérie, de la Cisjordanie et Gaza, et de l’Irak se sont régulièrement détériorées. Selon le rapport de 2010, il n’y a que la Tunisie, le Yémen, la Jordanie, l’Égypte et le Maroc à avoir enregistré des améliorations de leur classement par rapport à 2009. La Turquie a le plus régressé en 2010, passant de la 63ème place en 2009 à la 73ème en 2010. Les scores des 12 pays MENA selon les indicateurs de Doing Business 2010 figurent dans le tableau 5.1.
Figure 5.6 Classements des pays selon « Doing Business » (Indice de facilité de faire des affaires)
L’indice de liberté économique que publie tous les ans par la Fondation Héritage repose sur le principe que la liberté des échanges, l’ouverture et la concurrence sont les fondements de la croissance et du bien-être économique. Dans sa définition de sa liberté économique, la Fondation Héritage déclare : « Dans une société économique libre, les individus auraient, en toute liberté, le droit de travailler, de produire, de consommer et d’investir comme bon leur semble dans le respect de la loi, leur liberté étant à la fois protégée et respectée par l’État » (Fondation Héritage 2009, p.11). Cet indice est construit à partir d’une analyse des dix critères de liberté qui figurent au tableau 5.2 et qui, réunis, présentent la situation des politique économiques obéissant au libre jeu du marché et qui évaluent les forces et les faiblesses des institutions d’un pays par rapport à des repères et à des comparaisons entre pays.
L’analyse des performances comparées des pays que la Fondation Héritage a effectuée ces quinze dernières années indique que les pays qui se sont ouverts à « à la concurrence du marché mondial, qui stimule la productivité » ont enregistré des niveaux de prospérité plus élevés que les pays où les libertés économiques sont soumises à des contraintes économiques (Fondation Héritage 2009, p.xii). C’est la preuve que la liberté économique est fondamentale pour créer un environnement dans lequel l’entrepreneuriat et l’innovation peuvent prospérer, avec, comme résultat, une croissance économique rapide, un développement durable, une augmentation du revenu par habitant et des améliorations dans le domaine du développement humain général. La Fondation Héritage affirme également que les environnements dans lesquels il y a accroissement de la liberté économique permettent l’émancipation des pauvres et la constitution d’une classe moyenne.
Neuf des 12 pays MENA figurent parmi les 179 pays évalués selon l’Indice de liberté économique 201013 (Fondation Héritage 2010). La Jordanie a le niveau de liberté économique le plus élevé du groupe des neuf pays en étant 52ème au classement mondial (tableau 5.3). La Jordanie et la Turquie ont été classées comme étant « moyennement libres » (se situant dans les 40 pour cent du haut du tableau de tous les pays) tandis que le reste des pays, à l’exception de la Syrie, sont considérés comme étant « moyennement peu libres » (se situant dans la moitié du bas du tableau). La Syrie a le niveau le plus bas de liberté économique des 12 pays MENA, ayant perdu deux points par rapport à 2009 et s’enfonçant petit à petit dans la catégorie des économies « réprimées ».
C’est dans le domaine de la liberté fiscale que les neuf pays MENA se classent le mieux (score moyen de 82), et ils se situent comparativement assez bien par rapport aux 179 autres pays pour la liberté de commerce, la liberté fiscale et la taille des gouvernements. Ils ne se classent pas très bien par rapport à la moyenne mondiale en ce qui concerne la liberté financière, la liberté des droits de propriété, la liberté de la corruption et la liberté du travail, toutes les libertés qui jouent un grand rôle dans la promotion du commerce et de la compétitivité. Une attention toute particulière est portée aux scores concernant les droits de propriété parce que la capacité à accumuler de la propriété individuelle est la principale motivation dans une économie de marché et est essentielle pour que fonctionne à plein rendement une économie obéissant aux lois du marché (Fondation Héritage 2009). Si les particuliers et les entreprises ne jouissent pas de la sécurité des droits de propriété, leur capacité à entreprendre des activités commerciales et à emprunter pour investir sera entravée et leur confiance pour faire des plans à long terme sera freinée. Cela fera peser une sérieuse contrainte sur le développement du secteur privé, et également sur la possibilité pour les pauvres d’améliorer leur niveau de vie, argument souligné avec force par de Soto (2000). Seules la Jordanie, la Tunisie et la Turquie ont des scores supérieurs à la moyenne de tous les pays en matière de droits de propriété mais des résultats inférieurs concernant une économie « essentiellement peu libre ». Les six autres pays se classent, pour ce critère, parmi les économies « réprimées ». C’est évidemment un domaine nécessitant davantage d’efforts proactifs de la part des gouvernements des pays MENA.
Tableau 5.1 Scores selon les indicateurs « Doing Business » 2010
Tableau 5.2 Composantes de l’indice de liberté économique
Composantes |
Mesure |
Liberté # 1: Liberté d’entreprise |
Mesure l’aptitude à lancer, gérer et fermer une entreprise sans intervention de l’État. Évalue le poids total de la réglementation et de l’efficacité de l’administration dans le processus de régulation (utilise les indicateurs de l’évaluation Doing Business de la Banque mondiale). |
Liberté # 2: Liberté de commerce |
Mesure l’ouverture d’une économie aux importations et l’aptitude des habitants à jouer librement le jeu de l’achat et de la vente sur les marchés internationaux (absence de barrières tarifaires et non tarifaires). |
Liberté # 3: Liberté fiscale |
Mesure le poids de l ‘administration, en particulier à partir des prélèvements obligatoires, et la liberté dont jouissent les individus et les entreprises pour garder et gérer leurs revenus et leurs biens. |
Liberté # 4: Taille du gouvernement |
Mesure le volume des dépenses publiques. |
Liberté # 5: Liberté monétaire |
Mesure la stabilité des prix et évalue les prix déterminés par le marché (par opposition au contrôle des prix). |
Liberté # 6: Liberté d’investissement |
Mesure l’ensemble du climat de l’investissement (politiques orientées vers la libre circulation des capitaux intérieurs et étrangers pour l’investissement). |
Liberté # 7: Liberté financière |
Mesure la sécurité des banques et leur indépendance vis-àvis du contrôle du gouvernement. |
Liberté # 8: Liberté des droits de propriété |
Mesure le degré de protection de la propriété privée assuré par les lois d’un pays et leur application. |
Liberté # 9: Liberté de la corruption |
Mesure le niveau de la corruption dans un pays. |
Liberté # 10: Liberté du travail |
Mesure les aspects du cadre juridique et réglementaire qui fixent des contraintes au marché du travail d’un pays (réglementations relatives au salaire minimum des heures de travail et aux normes d’indemnités de licenciement, législation interdisant les mises à pied, poids de la réglementation sur l’embauche, etc.). |
Source: Heritage Foundation (2009).
Tableau 5.3 Scores à l’indice de liberté économique, 2010
Les performances sont extrêmement variables en ce qui concerne les différents critères de liberté dans les neuf pays MENA. La Tunisie a le niveau le plus élevé pour la liberté d’entreprise ; en Turquie, c’est la liberté de commerce et la liberté par rapport à l’administration ; au Liban et en Égypte, c’est la liberté en matière de fiscalité ; au Maroc et en Algérie, c’est la liberté monétaire; en Jordanie et en Turquie, c’est la liberté d’investissement (mais seulement une liberté « moyenne »), en Jordanie, au Liban et au Maroc, c’est la liberté financière (mais seulement une liberté « moyenne »), et en Jordanie, ce sont la liberté des droits de propriété et la liberté de la corruption (toutefois, le plus souvent, une liberté limitée) et la liberté du travail.
Ce sont l’Égypte, le Maroc et la Turquie qui, entre 2005 et 2010, ont obtenu les gains les plus importants en matière de liberté économique ; le Liban, la Tunisie et le Yémen ont enregistré de légères améliorations. Quant à la Jordanie, aucun changement mesurable n’a été noté. La Syrie a connu des améliorations considérables de l’indice de liberté économique jusqu’en 2009, mais la situation s’est détériorée en 2010 (Fondation Héritage 2010).
Niveau de l’activité entrepreneuriale
Le niveau d’activité des entrepreneurs et des PME peut également être utilisé comme indicateur du niveau de DSP. Il est assez difficile de trouver des mesures comparables pour cet indicateur, ainsi que nous l’avons souligné au chapitre 4. La mesure couramment utilisée de la densité des PME (nombre de PME pour 1000 habitants) serait utile si les données des pays de la région MENA étaient complètes et comparables, mais ce n’est pas le cas. Cependant les taux d’activités entrepreneuriales que donne le GEM (propriétaires d’entreprises jeunes et d’entreprises établies (figure 4.4, chapitre 4) et les taux de travail indépendant (et la part des employeurs) (qui figure également au chapitre 4) peuvent être utilisés comme mesures supplétives. La proportion de la population adulte qui essaie activement de créer une entreprise (nouveaux entrepreneurs) peut être utilisée comme autre indicateur de la propension à entreprendre d’un pays. La densité des entreprises informelles pourrait également fournir un indicateur du niveau de développement du secteur privé d’un pays à ceci près que le rapport pourrait être positif aussi bien que négatif. Une forte densité d’entreprises informelles pourrait avoir une valeur positive dans la mesure où elle indique un haut niveau de participation des entreprises indépendantes dans la vie économique, ou une valeur négative signifiant que l’environnement n’est guère favorable à l’implantation d’entreprises formelles.
Ce chapitre et les précédents présentent les indicateurs clés qui permettent de mesurer le niveau de développement du secteur privé d’un pays. Prenant appui sur une sélection de ces indicateurs, nous avons essayé d’établir une catégorisation des 12 pays MENA par rapport à leur niveau de développement du secteur privé. Elle résulte d’une analyse basée sur le classement14 respectif à partir d’un certain nombre d’indicateurs qui rendent compte du dynamisme du secteur privé et des résultats économiques. Le dynamisme du secteur privé a également été évalué par rapport à certaines caractéristiques structurelles dont on pense qu’elles ont une influence sur le DSP, par exemple la taille du gouvernement, la dimension du capital humain et la dimension hommes/femmes. Les variables de ces indicateurs utilisées dans cette analyse figurent au tableau 5.4
La figure 5.7 présente les résultats du positionnement des pays selon les indicateurs du dynamisme du secteur privé et des résultats économiques. D’après cette analyse, le Liban, le Maroc, la Jordanie, l’Égypte et la Tunisie se comportent comparativement bien en ce qui concerne aussi bien le dynamisme du secteur privé que les résultats économiques (Quadrant I), alors que, si la Turquie se comportent comparativement bien pour ce qui est du dynamisme du secteur privé, ils ne se classent pas aussi bien pour les résultats économiques (Quadrant II). En revanche, l’Algérie se classent comparativement bien en ce qui concerne les résultats économiques, mais moins bien pour le dynamisme du secteur privé (Quadrant III). Le Yémen, le Soudan, la Cisjordanie et Gaza, la Syrie et l’Irak ont des performances comparativement faibles aussi bien en ce qui concerne les résultats économiques que le dynamisme du secteur privé (Quadrant IV).
La figure 5.8 présente le positionnement de chaque pays au regard des trois groupes d’indicateurs. Le Liban, la Jordanie et la Tunisie et sont les seuls pays à se situer au-dessus de la moyenne en ce qui concerne le dynamisme du secteur privé, les résultats économiques et les caractéristiques structurelles. Le Yémen, le Soudan et l’Irak se situent en dessous de la moyenne dans les trois cas. Le Maroc et l’Égypte se situent au-dessus de la moyenne pour le dynamisme du secteur privé et les résultats économiques malgré qu’ils soient en dessous pour les caractéristiques structurelles. La Turquie est supérieure à la moyenne sur le dynamisme du secteur privé et des caractéristiques structurelles, mais inférieurs à la moyenne sur les résultats économiques. La Cisjordanie et Gaza est un cas intéressant. Son dynamisme du secteur privé et ses résultats économiques sont relativement faibles mais, si l’on exclut un niveau de pauvreté élevé, a un niveau de capital humain relativement fort. Si la Cisjordanie et Gaza parvenait à accroître son niveau de liberté et d’action, elle pourrait bien espérer améliorer ses performances dans le secteur privé. L’Algérie se situe au-dessus de la moyenne pour les résultats économiques et en dessous pour les deux autres indicateurs, tandis que la Syrie est au-dessus pour les résultats économiques et les caractéristiques structurelles et en dessous pour le dynamisme du secteur privé.
Tableau 5.4 Variables du dynamisme du secteur privé, des résultats économiques et des caractéristiques structurelles
Critères |
Variable |
Signe du DSP intégré |
Dynamisme du secteur privé |
• IDE privé net par rapport au PIB |
+ |
|
• Formation brute de capital privé fixe par rapport au PIB |
+ |
|
• Part du privé dans la formation brute de capital fixe |
+ |
|
• Part du secteur privé dans l’emploi |
+ |
|
• Crédit intérieur au secteur privé par rapport au PIB |
+ |
|
• Crédit intérieur au privé fourni par les banques par rapport au PIB |
+ |
Dynamique de l’entrepreneuriat |
• Secteur informel par rapport au PIB |
+ * |
|
• Taux de travail indépendant (ouvriers à leur compte et employeurs) (en pourcentage du total des travailleurs occupés) |
+ |
|
• Pourcentage d’employeurs dans total des travailleurs indépendants |
+ |
|
• Taux d’entrepreneurs naissants |
+ |
|
• Densité d’entrepreneurs pour 100 habitants (propriétaires d’entreprises jeunes et établies) |
+ |
Environnement des affaires |
• Classement Doing Business 2010 |
+ |
|
• Score à l’indice de liberté économique |
+ |
Résultats économiques |
|
|
|
• Taux de croissance du PIB réel (2008) |
+ |
|
• Taux de croissance du PIB par habitant |
+ |
|
• Taux d’activité |
+ |
|
• Taux de chômage |
- |
|
• Exportations par rapport au PIB |
+ |
|
• Formation brute de capital fixe (investissement) |
+ |
Caractéristiques structurelles |
• Indice démographique de l’âge (proportion des moins de 15 ans par rapport aux 65 ans et plus) |
+ |
|
• Indice d’espérance de vie (IDH) |
+ |
|
• Indice de développement de l’éducation (IDH) |
+ |
|
• Taux d’alphabétisation |
+ |
|
• Taux d’alphabétisation : écart hommes/femmes |
+ |
|
• Part des femmes dans l’emploi |
+ |
|
• Population vivant en dessous du seuil de pauvreté |
- |
• Part du secteur des services dans le PIB par rapport à la part du secteur agricole |
+ |
|
Taille du gouvernement |
• Dépenses publique par rapport au PIB |
- |
|
• Part du secteur public dans l’emploi |
- |
|
• Dette publique par rapport au PIB |
- |
Notes : Les signes plus et moins indiquent si les hauts niveaux de chaque indicateurs produiraient un effet positif ou négatif.
* Un volume important d’économie informelle peut avoir des effets négatifs sur le DSP en raison de la concurrence déloyale avec les entreprises du secteur formel et traduit généralement un environnement des affaires médiocre. D’un autre côté, cela indique également un haut niveau d’activité du secteur privé dans l’économie, même si cela n’apparaît pas dans les statistiques officielles du PIB. Pour les besoins de cette évaluation, l’économie informelle est traitée comme mesure positive du dynamisme du secteur privé.
Bien que les pays où le dynamisme du secteur privé est plus élevé aient tendance à avoir des caractéristiques structurelles plus favorables et de meilleurs résultats économiques globaux, et que ceux où le dynamisme du secteur privé se situe plus bas aient tendance à avoir une dimension capital humain et des résultats économiques globaux plus faibles, les indicateurs spécifiques au contexte de chaque pays accusent des différences importantes (tableau 5.5). Il s’ensuit que le DPS accuse également des différences d’ampleur et de caractère. Par exemple, les possibilités d’expansion du secteur privé en Cisjordanie et Gaza sont très inférieures à ce qu’elles sont en Jordanie et en Tunisie. Le tableau 5.6 présente en résumé le déve-loppement du secteur privé dans chaque pays. Étant donné que ces pays sont à des phases de transition différentes et que leurs performances sont différentes, ils ont la possibilité d’apprendre beaucoup les uns des autres sur les façons d’améliorer leurs résultats.
Si l’on veut suivre l’évolution du développement du secteur privé, il est essentiel de pouvoir établir un lien direct entre les mesures prises et les indicateurs du DSP. Cela était inhérent à l’analyse précédente avec l’inclusion d’indicateurs sur la facilité de faire des affaires et sur l’indice de liberté économique dans la liste des variables du dynamisme du secteur privé. Cependant les indicateurs de Doing Business et l’indice de liberté économique ont presque exclusivement trait aux mesures destinées à améliorer l’environnement des affaires et le climat de l’investissement, abordant à peine les actions au niveau microéconomique nécessaires pour « faciliter le développement des entreprises », troisième pilier de la cadre du DSP en figure 1.1.
Des politiques et des mesures telles que celles qui sont destinées à réduire le délai et le coût des transactions, à ouvrir des possibilités commerciales et à inciter à la concurrence dans le secteur financier contribueront certainement à créer un environnement plus propice à l’activité des entreprises privées mais ne suffiront pas à stimuler une poussée de l’entrepreneuriat local dont les pays de la région MENA ont un besoin urgent pour qu’il y ait amélioration de la situation de l’emploi et que l’innovation et la croissance passent à la vitesse supérieure. Il est absolument essentiel que soient engagées des actions et prises des mesures au niveau micro-économique pour renforcer la culture de l’entreprise, forger le savoir-faire et les capacités des entrepreneurs et la compétitivité de leurs entreprises, et s’attaquer aux obstacles qu’ils rencontrent en matière d’accès au financement, au SDE, aux conseils, à la formation, aux marchés, à la technologie et à l’assistance technique, toutes questions développées au chapitre 4.
Figure 5.7 Performances comparées des pays par rapport au dynamisme du secteur privé et aux résultats économiques
Figure 5.8 Positionnement comparé des pays par rapport au dynamisme du secteur privé, aux résultats économiques et aux caractéristiques structurelles
Tableau 5.5 Classement des 12 pays MENA selon les indicateurs de performances du secteur privé
Tableau 5.6 Description du contexte du DSP, 12 pays MENA
Ces dernières années, les actions au niveau microéconomique ont souvent été reléguées au second plan par rapport aux priorités des politiques destinées à promouvoir un environnement propice aux affaires. Une initiative qui met en lumière les priorités des politiques d’entreprise est la Charte Euro-méditerranéenne que huit des 12 pays MENA ont adoptée (la Turquie est également partenaire de la Charte européenne des petites entreprises). L’effort de la Commission européenne auprès de l’OCDE pour évaluer les progrès des pays Euro-Med dans la mise en œuvre des dix lignes d’actions (voir chapitre 4) est l’un des exemples d’initiatives d’évaluation des actions entreprises. Dans le même temps, le manque de données a entravé les efforts pour lier les améliorations des politiques d’entreprise et les améliorations de l’ampleur et de la portée de l’activité entrepreneuriale et des PME. Il est intéressant de noter que la commission européenne auprès de l’OCDE a estimé que la Tunisie, l’Égypte, le Maroc, le Liban et la Jordanie, pays qui se sont bien classés dans la catégorisation DSP ci-dessus, avaient davantage progressé dans la mise en œuvre des politiques d’entreprise que la Syrie, l’Algérie et l’Autorité palestinienne, avec un score global de près de 3,0, ou de plus, (sur un total de 5,0) alors que les autres pays n’atteignaient pas 2,0. (Pour une comparaison entre les scores dans chacun des domaines, se reporter aux analyses qui s’y rapportent aux chapitres 3 et 4).
Il est certain qu’il faut poursuivre les efforts pour affiner un jeu d’indicateurs complet et facilement utilisable pour mesurer et suivre l’évolution du niveau de dynamisme du secteur privé. Le cadre dont les grandes lignes ont été présentées dans le présent chapitre est un pas dans cette direction.
1. La Banque mondiale (2007b) a effectivement observé que l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie ont entrepris des réformes dans les télécommunications.
2. Dans les pays avancés à économie industrielle, l’indice de référence utilisé pour la propriété privée des actifs de grandes entreprises est supérieur à 75 pour cent et, pour les petites entreprises, il est de 100 pour cent (indice de privatisation de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement).
3. Par exemple, la Tunisie est fortement opposée à la privatisation des services de base et l’Algérie à ses sociétés d’énergie.
4. La transformation en société d’Etat est un processus par lequel le gouvernement conserve la propriété de l’entreprise mais passe des accords avec des sociétés du secteur privé pour que l’entreprise d’État soit gérée comme une entreprise « constituée en société ».
5. En 2005, le gouvernement turc ne possédait que 5 pour cent des entreprises turques (CE 2005c) et le gouvernement tunisien s’était défait de plus des deux tiers de ses actifs (MIEPME 2005).
6. Le gouvernement Irakien a mis en place une commission spéciale de privatisation en 2004, mais l’a supprimée en 2005. En 2005, le gouvernement possédait encore 192 entreprises d’État qui employaient un demi-million de salariés. Des solutions de secteurs mixtes où il y a participation du secteur privé et du secteur public sont envisagées (MPCD 2005b ; Banque mondiale 2006c).
7. Le ITB comprend des indicateurs qui évaluent la participation politique, l’autorité de la loi, la stabilité des institutions démocratiques et de l’intégration politique et sociale (transformation politique), la protection sociale, les performances économiques, l’éducation, l’environnement et les contraintes structurelles (transformation économique), l’efficacité de la politique dans l’établissement des priorités, la coordination et la mise en œuvre des politiques (performances de la gestion et autorité politique).
8. Les taux d’entrée et de sortie des entreprises sont un indicateur important du dynamisme du secteur des PME. Ce type de données est pratiquement inexistant dans les pays de la région MENA. L’office turc de statistiques publie tous les mois les chiffres des nouvelles inscriptions d’entreprises au registre du commerce et des nouvelles fermetures et l’Office national des statistiques d’Algérie publie une fois par an le nombre d’entrées et de fermetures de PME, voilà ce dont on dispose dans les 12 pays MENA. On peut également, en puisant aux sources de chaque pays, se procurer des données sur le nombre de nouvelles sociétés à responsabilité limitée inscrites au registre du commerce, mais il est plus difficile d’obtenir la mesure exacte du parc d’entreprises existantes, ce qui fait que le calcul des taux d’entrée des nouvelles entreprises est imprécis et les comparaisons entre pays difficiles. Utiliser les inscriptions au registre du commerce des sociétés à responsabilité limitée comme indice supplétif des entrées d’entreprise pose un autre problème dans la mesure où, dans la grande majorité des cas, les entreprises existantes et les nouvelles sont des entreprises individuelles et qu’elles ne sont pas comptées.
9. Ce qui est aussi important, sinon plus, que le niveau des dépenses publiques est la façon dont elles sont réparties entre les secteurs, par exemple entre la santé, l’éducation, la protection sociale, la défense et les infrastructures, et les impacts que cela a sur la croissance économique et la justice sociale. La gestion des ressources de l’État est fondamentale pour la croissance, la formation de capital humain et la protection des pauvres, et la répartition des dépenses publiques est très importante pour le développement d’une économie de marché. Une analyse de la configuration des dépenses publiques dans les pays de cette région n’entre pas dans le cadre de cet ouvrage, mais c’est un élément qui compte pour beaucoup dans la part de ces dépenses comme soutien des priorités d’une croissance solidaire fondée sur le marché.
10. L’emploi dans le secteur public des pays du Golfe est en moyenne de 13 pour cent de la population active occupée (« Dégradation des perspectives d’emploi du secteur privé en 2009 », Banque nationale du Koweït, 17 février 2009), accessible sur le site http://www.arabtimesonline.com/NewsDetails/tabid/96/smid/414/ArticleID/144257/reftab/73/default.aspx (consulté le 12 février 2010).
11. La Banque mondiale définit ainsi le crédit interne au secteur privé : « ressources financières fournies au secteur privé, par exemple prêts, achats de titres immobilisés, et crédits commerciaux et autres comptes clients, qui fondent une demande de remboursement » (Banque mondiale 2010d, p.295).
12. Le crédit interne au secteur privé est ainsi défini: « tout crédit à divers secteurs sur une base brute, sauf au gouvernement central, qui est sur une base nette. Le secteur bancaire comprend les autorités monétaires, les banques de dépôt, et autres institutions bancaires pour lesquelles on dispose de données ». (Banque mondiale 2010d, p.311).
13. L’Irak et le Soudan faisaient également partie de la liste, mais en raison du manque de données n’ont été notés ni classés dans l’indice de liberté économique de 2010.
14. Le classement des 12 pays MENA a été établi par la méthode Borda (voir Moulin 1988) utilisée par Lundström et Stevenson (2005) dans leur catégorisation contextuelle de 13 pays développés. Selon cette méthode, les 12 pays ont d’abord été classés de 1 à 12 en fonction des résultats quantitatifs de chaque indicateur (1 pour le pays qui avait les meilleurs résultats et 12 pour celui qui avait les moins bons). En se basant sur le classement ordinal moyen de chacun des trois groupes de variables (dynamisme du secteur privé, résultats économiques et caractéristiques structurelles), le classement Borda attribue des valeurs de +6 à -6 : + 6 étant attribué au rang 1 et -6 au rang 12.
Les chapitres précédents de ce livre ont exposé les défis socioéconomiques auxquels sont confrontés les 12 pays MENA et souligné que la lenteur du développement et de la croissance du secteur privé est, du point de vue stratégique, l’un des point faibles clés. La question politique vitale est de créer les conditions pour que le secteur privé se développe et devienne plus dynamique. Les gouvernements des pays MENA ont entrepris, depuis la fin des années 90, de nombreuses réformes structurelles pour améliorer leurs cadres macroéconomiques, mais il est manifeste que cela n’a pas suffi à encourager le secteur privé à faire de gros investissements, ni à répondre aux demandes en matière d’emplois (Banque mondiale 2006d). Les efforts pour engager des réformes structurelles de l’environnement microéconomique concernant les entreprises se sont révélés beaucoup plus lents et beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre (Noland et Pack 2007) bien que les gouvernements de chacun des 12 pays MENA aient exprimé leur volonté d’engager des réformes et aient fait quelques progrès.
La réaction du secteur privé aux réformes politiques a été beaucoup plus favorable dans les pays pauvres en ressources, comme la Jordanie, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Turquie que dans les pays aux ressources abondantes comme l’Algérie et la Syrie bien qu’elle ait été moins enthousiaste dans les pays MENA que dans les pays à croissance plus forte où des réformes similaires ont été poursuivies (Banque mondial 2009c). Cela a conduit la Banque mondiale à en conclure que le niveau relativement faible de l’investissement et du dynamisme du secteur privé dans les pays de la région MENA est davantage dû à l‘incertitude politique et à la mise en œuvre inégale, discrétionnaire et préférentielle des mesures qu’à l’insuffisance des réformes (Banque mondiale 2009c). En d’autres termes, ce manque d’impact est moins dû aux réformes elles-mêmes qu’à la façon dont elles sont appliquées et à la confiance qu’inspire la volonté de réformes du gouvernement. Selon Muasher (2008), il y a d’autres raisons qui expliquent ce manque de progrès en matière de réformes : le conflit israélo-palestinien, la richesse pétrolière (qui réduit le besoin), le manque de démocratie, le manque d’emplois et d’un enseignement de qualité et le manque d’un système de contre-pouvoirs. Il souligne la nécessité d’élargir la participation du public aux processus décisionnaires et de renforcer la liberté économique et politique.
Dans leurs efforts pour continuer d’améliorer l’environnement des affaires et le climat de l’investissement, les pays de la région MENA devront remédier à un certain nombre d’insuffisances dans le domaine de la recherche et des institutions. Non seulement de nombreuses carences d’ordre politique subsistent, mais il y a également de sérieuses contraintes et des faiblesses fondamentales dans les systèmes statistiques, un manque de données, de recherches et d’informations publiques, et une participation insuffisante du secteur privé dans l’identification, la conception, le suivi et l’évaluation des réformes. Le développement du secteur privé est une entreprise multisectorielle qui demande un large processus de réformes impliquant une coordination interministérielle et des alliances avec les parties prenantes extérieures (Banque mondiale 2009c). Les structures permettant d‘atteindre ces objectifs sont rares dans les pays MENA.
Les micro-, petites et moyennes entreprises (MPME) constituent une bonne partie du secteur privé et donc leur croissance est essentielle pour son développement, mais la cohérence et la cohésion des politiques et des stratégies pour renforcer le secteur des PME et créer un environnement favorable à l’émergence d’entreprises nouvelles sont sporadiques. Les cadres des actions entreprises ne tiennent pratiquement pas compte du fait que le développement de l’entrepreneuriat est une priorité. Les unités de politique des PME, quand elles existent, n’ont pas suffisamment de ressources ni, en général, de structures institutionnelles assez fortes. Les agences dédiées aux PME qui existent dans certains pays jouent surtout le rôle d’intermédiaires des programmes de soutien financés par les bailleurs et n’ont pas forcément de liens étroits avec les mécanismes de décision. Il y a des lacunes dans les programmes, les services et le soutien aux groupes cibles, et les liens entre les priorités des PME et les politiques de libéralisation et d’investissement sont faibles.
On ne voit guère si les IDE ont des retombées sur les PME ni s’ils contribuent à améliorer le niveau de vie des pauvres (Bibi et Nabli 2010), ce qui, d’ailleurs, n’est pas considéré comme une question essentielle dans la région. La question du secteur informel figure de plus en plus au premier plan des priorités des gouvernements dans certains pays, notamment au Soudan, en Turquie, au Maroc et en Syrie, où l’on cherche à intégrer le secteur informel dans l’économie moderne. Cependant, la plupart des gouvernements tolèrent, ou encouragent tacitement, l’activité de ce secteur, comme filet de protection sociale. Le rôle des femmes dans le secteur privé constitue un dilemme politique majeur, mais pas au point de susciter grand intérêt dans les milieux de la politique économique. Les recherches entreprises par la Banque mondiale ont accentué la prise de conscience des avantages économiques qu’il y avait à augmenter la participation des femmes dans la vie économique en particulier comme entrepreneurs, mais le soutien politique pour améliorer la situation actuelle laisse à désirer.
La région souffre manifestement de l’insuffisance d‘une base de soutien au développement politique. On ne dispose généralement pas de données statistiques d’ensemble sur les PME, et ce que l’on a est de médiocre qualité, ne se prête guère aux comparaisons et n’est pas à jour. L’information sur le niveau d’activité entrepreneuriale et sur l’analyse du comportement des nouveaux entrepreneurs ou de ceux qui débutent est très limitée. On ne cherche guère à examiner l’impact de la législation et de la réglementation sur les PME et plus généralement sur le DSP. Il y a peu de chercheurs dans la région MENA qui étudient les questions ayant trait au secteur des PME, et le rôle des Organisations de la société civile (OSC) dans le processus de prise de décisions et de réformes est limité. Le secteur privé et les groupes de plaidoyer n’ont guère la capacité de produire des études fondées sur les faits et ne sont pas suffisamment motivés pour chercher à savoir quelles politiques seront efficaces pour améliorer l’environnement et les conditions de fonctionnement des entreprises privées, en particulier des activités des PME, ni pour suivre les résultats des mesures prises. Le résultat est que, au sein des gouvernements, on n’est guère enclin à rendre des comptes et à prendre en compte les priorités et les besoins des petites entités du secteur privé.
Le reste du chapitre 6 présente le point de vue des parties prenantes de la région sur l’état du DSP de leur pays et sur les faiblesses et les priorités qui doivent être abordées.1
A cours des consultations conduites par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), les parties prenantes des 12 pays MENA ont énuméré une longue liste de défis qui se posaient au DSP. En Algérie, il y avait notamment ceux-ci : lenteur des efforts de privatisation, le gouvernement possédant encore de nombreuses grandes entreprises qui entrent en concurrence avec le secteur privé ou lui interdisent complètement l’entrée de certains domaines ; faiblesse des IDE avec trop de restrictions imposées aux intérêts étrangers ; manque de diversification des économies tributaires à l’excès du secteur pétrolier ; désindustrialisation ; excès de réglementation ; corruption ; complexité de la législation commerciale ; barrières douanières ; faiblesse de liquidités du système bancaire ; manque de capital-risque et d’infrastructures pour l’innovation (manque d’incubateurs notamment) ; obstacles à la création d’entreprises ; concernant les PME, manque de compétitivité, de compétences de gestion et de capitaux ; et poids de la fiscalité. Bien que le secteur privé se soit développé depuis le début des années 2000, certains soutiennent que le climat de l’investissement, ou le DSP en général, ne se sont guère améliorés. En Algérie, les parties prenantes ont souligné la nécessité de diversifier l’économie trop tributaire du pétrole et d’instaurer des structures pour que les PME puissent voir le jour; l’un des principaux objectifs de la loi PME et du cadre pour le développement des PME.
En Jordanie, les parties prenantes ont mis l’accent sur les points suivants : faiblesses du secteur des PME, notamment marchés limités, faible capacité à produire de la qualité et accès limité au financement ; faiblesses structurelles, en particulier la concentration de grandes firmes dans de nombreux secteurs, le petit secteur d’industries de transformation et la petite taille de la majorité des entreprises ; faiblesse du système de recherche-développement et d’innovation (faiblesse du niveau des investissements en recherche-développement, les universités ne favorisent pas la recherche-développement et n’incitent pas les professeurs à la recherche appliquée, faiblesse des liens entre les établissements de recherche et le secteur privé) ; inadéquation entre le système éducatif et le marché du travail ; coût assez élevé de la main-d’œuvre ; faiblesses de la coordination au sein du gouvernement, ce qui crée des problèmes de mise en œuvre des objectifs à long terme du pays. Des décennies d’emplois dans l’administration et de régulation de l’économie par l’État ont créé une génération de Jordaniens à qui il manque la capacité d’entreprendre, et une génération d’entreprises habituées à fonctionner dans un marché protégé. Dans les deux cas, il y a difficulté à opérer le passage vers une économie de marché compétitive fondée sur le secteur privé, ce qui explique qu’à la base des préoccupations des parties prenantes, il y avait le souci d’un changement de culture.
En ce qui concerne les mesures à adopter, les parties prenantes ont mis l’accent sur les points suivants : amélioration du système de formation professionnelle pour que les Jordaniens puissent acquérir davantage de compétences ; valorisation des PME ; stimulation des prêts bancaires aux PME ; accentuation des activités à plus forte valeur ajoutée dans des secteurs prometteurs et dans des domaines à forte technicité ; mise en œuvre d’une politique de l’innovation selon l’approche « des systèmes d’innovation » et avec tous les éléments et les liens institutionnels que cela suppose ; et mobilisation du secteur privé pour que se constitue une « voix groupée » qui fasse entendre au gouvernement les besoins du DSP. Elles ont également préconisé une rationalisation et une meilleure coordination des structures gouvernementales pour le développement du secteur privé et pour la mise en œuvre des politiques et des actions en faveur des PME.
Les parties prenantes marocaines ont mis l’accent sur les faiblesses de l’environnement des investissements (par exemple, le manque de transparence du système judiciaire, la « paperasserie » ; le coût élevé de faire des affaires et la forte imposition sur les revenus et les salaires) ; une attention insuffisante à la qualité de l’enseignement dans le développement du système de formation professionnelle et technique et le manque de coordination entre les 14 ministères qui proposaient une formation professionnelle spécialisée ; le manque d’innovation, notamment la faiblesse des liens entre les universités et le monde des affaires ; les faiblesses du secteur des PME (faible qualité des produits, différenciation limitée de la production, mauvaise organisation de la production et difficulté d’accès au financement) ; et réticence de franges de la société à l’égard des privatisations et de la mise en œuvre des réformes. Concernant les priorités, les parties prenantes ont insisté pour que l’on accentue l’innovation considérée comme un facteur clé du développement des affaires, que l’on améliore le développement des compétences et la qualité de la formation pour que les nouveaux diplômés puissent acquérir les compétences que demandait le marché du travail et que l’on poursuive les efforts de réduction du coût de faire des affaires.
En Syrie, les parties prenantes ont évoqué les divers défis auxquels se heurtait le DSP. Bien que le dernier plan quinquennal du gouvernement insistait sur l’importance de la croissance du PIB du secteur privé, la stratégie pour y parvenir était jugée « manquante ». Aucun ministère n’est en charge du DSP et il n’est pas certain que cette perspective de développement soit partagée par tous les membres du Cabinet, dont certains y voient « une menace de socialisme »2. Plusieurs informateurs clés ont insisté sur la nécessité de régler la question de la privatisation. Il y a des monopoles d’État dans de nombreux secteurs de l’économie (par exemple dans le pétrole et le gaz, l’électricité, certaines parties de la chaîne de production textile, dans la passation de marchés pour le coton, la canne à sucre et autres denrées) et les sociétés du secteur public sont en concurrence avec le secteur privé dans plusieurs domaines. Bien que, d’après les informateurs, plus de la moitié des entreprises industrielles publiques perdent de l’argent et que, ce que produit le reste, est à faible valeur ajoutée, le gouvernement hésite à privatiser et réfléchit à d’autres solutions, par exemple la transformation en société d’État ou la coentreprise, ce qui lui permettrait de conserver une part importante de propriété et de contrôle. D’autres faiblesses ont été évoquées : faiblesse du potentiel de production dans les entreprises du secteur privé (ressources humaines, normes industrielles dans tous les domaines, contrôle de la production ; liens entre les secteurs, liens et information sur éducation- industrie) ; PME à faible valeur ajoutée et à forte main-d’œuvre qui sont habituées à fonctionner dans des marchés protégés et ne peuvent concurrencer ni les prix ni la qualité des produits de la GAFTA (grande zone arabe de libre-échange) ; législation du travail restrictive qui décourage le secteur privé d’embaucher en bonne et due forme ; faiblesse de l’enseignement universitaire et professionnel ; faiblesse des dépenses pour la recherche-développement ; faiblesse du potentiel entrepreneurial (de nombreux diplômés préfèrent travailler dans le secteur public ou s’en aller dans les pays du Golfe) ; et manque d’intégration des questions environnementales au niveau du secteur.
« Le secteur privé n’est toujours qu’une petite partie de l’ensemble de l’économie ».
« Tout reste à faire...la place est libre pour des interventions nouvelles. »
(Informateur clé, Syrie)
En Syrie, les parties prenantes avaient une longue liste de priorités pour le développement du secteur privé. Il fallait selon eux : réformer les cultures ; opérer des changements dans la réglementation ; s’entendre sur l’harmonisation de la législation et de la réglementation syriennes afin de pénétrer les marchés de l’UE ; faire de gros investissements dans les infrastructures (routes , ports, rail, transports, eau) ; modifier la législation du travail afin d’embaucher conformément à la loi ; instauration d’un filet de protection sociale ; modifier la législation sur les ONG pour que la société civile et les ONG puissent s’impliquer davantage dans les débats et les activités relatives ; élaborer un cadre d’actions et d’infrastructures institutionnelles d’appui au secteur privé ; et renforcer les capacités institutionnelles pour que le secteur privé puisse améliorer son efficacité, avoir une meilleure gestion financière, des ressources humaines de meilleure qualité, une meilleure politique de commercialisation et un meilleur accès aux opportunités des marchés étrangers.
En général, les parties prenantes estimaient que la Syrie avait besoin, en matière de développement du secteur privé, d’une politique gouvernementale de niveau international. Elles recommandaient l’instauration d’un Conseil de développement du secteur privé pour initier des politiques et des activités liées aux : services financiers ; services de conseil ; la révision de la réglementation (notamment du droit des sociétés, de la législation du travail, de la législation douanière, de la politique de change et de la fiscalité) ; une gestion professionnelle des entreprises familiales ; le développement des associations entre secteurs ; l’harmonisation des normes avec l’UE ; et la valorisation des entreprises. Il y avait en Syrie un défi majeur que devaient relever le gouvernement, les bailleurs et les organisations internationales : le manque de données statistiques et d’informations. Le manque de données est lié à la faiblesse des institutions, au déficit de compétences, à l’incapacité à établir un lien entre les données statistiques et l’action politique sans qu’entrent en ligne de compte des considérations politiques, et à une culture réticente à partager l’information (ONU 2005). Il y a des lacunes dans la collecte et la communication des données statistiques à jour sur les entreprises, en particulier sur les MPE et aucun effort n’est fait pour suivre les activités, qu’il s’agisse des entrées ou des sorties, ni les autres indicateurs du dynamisme et des performances des entreprises. Autre préconisation : nécessité d’améliorer les sources statistiques, de construire des données de référence, de mettre au point un système d’enregistrement des entreprises avec un numéro unique et de concevoir des méthodes d’évaluation de l’impact des changements de politiques (SEBC 2007).
Au Yémen, le principal défi pour le DSP était la faiblesse du climat de l’investissement qui décourageait les investisseurs des pays non arabes. L’investissement du secteur privé est très faible depuis 1991 et on fait état de plusieurs problèmes majeurs : corruption, absence de registre foncier, restrictions sur les participations étrangères, monopoles dans plusieurs domaines, manque de liquidités du système bancaire, absence d’une bourse et faiblesse de la base industrielle. Les faiblesses du système bancaire se voient dans le fait que de grandes banques non publiques sont aux mains de grandes compagnies industrielles qui pratiquent le prêt préférentiel, que la loi sur les banques impose des restrictions à l’entrée de banques étrangères et que le flux d’épargne vers les investissements est faible (moins de 5 pour cent des Yéménites ont un compte bancaire). Parmi les autres faiblesses, on peut citer : l’insuffisance des infrastructures ; la piètre qualité de l’enseignement et de la formation universitaire et professionnel et un manque d’instituts de gestion compétents ; un secteur des PME non compétitif (dont les caractéristiques sont la petite taille des entreprises, des entreprises familiales mal armées pour la croissance, des PME à faible potentiel et PME industrielles habituées à fonctionner dans des marchés protégés) ; et faible implication du secteur privé dans les débats et les décisions sur les investissements du gouvernement. La machine gouvernementale était considérée comme l’un des principaux problèmes. Il n’y a pas de ministère de la planification centrale, aucun dispositif permettant de faire remonter jusqu’au Cabinet les points de vue du secteur privé. Il n’était pas spécifié clairement non plus quels ministères étaient chargés de quels secteurs et plusieurs ministères étaient fortement impliqués dans la gestion des entreprises étatisées. La lenteur des réformes est due aux faiblesses de mise en œuvre au niveau du gouvernement. Il était également mentionné comme problème le manque d’études et d’indicateurs fiables sur l’expansion du secteur privé avec, comme conséquence, l’incapacité à mesurer la croissance dans certaines zones du secteur privé et à déterminer les futures orientations.
Selon les parties prenantes, il fallait :simplifier les procédures d’investissement, investir dans la formation professionnelle pour améliorer les compétences de la main-d’œuvre, restructurer la banque centrale du Yémen (pour qu’elle ne fonctionne pas comme banque commerciale du gouvernement), promouvoir le rôle de l’entrepreneuriat dans la culture, renforcer les compétences et la capacité de gestion des PME, et cibler des opportunités de croissance en agriculture, dans la pêche, dans le tourisme et dans l’industrie de transformation.
En Égypte, en Jordanie, au Maroc et en Syrie, les parties prenantes s’inquiétaient des disparités croissantes de revenus entre les riches et les pauvres et entre les populations urbaines et rurales, qu’ils attribuaient au résultat des réformes économiques. Elles soulignaient la nécessité d’entreprendre des recherches sur l’impact de l’accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), des accords de libre-échange et également sur l’impact de la législation sur les investissements étrangers sur l’égalité et la pauvreté, et recommandaient que ces thèmes, avec en plus l’autonomisation des femmes, soient intégrés aux stratégies des réformes économiques.
Pour la Cisjordanie et Gaza, le défi principal était d’accentuer la concurrence des marchés et de la lier au secteur privé. Il est toutefois important de prendre en considération le contexte du pays. En Palestine, il y a un conflit et cela a des incidences sur l’environnement des PME et l’expansion du secteur privé. La fermeture des frontières, par exemple, crée des problèmes particuliers pour l’accès des PME aux marchés. Elles n’ont pas de « voix » collective, ce qui les empêche de jouer activement un rôle de plaidoyer dans les processus de décisions. En Palestine, les travaux de recherche sont majoritairement centrés sur les IDE et sur les domaines où les grandes sociétés peuvent faire des affaires, ce qui a comme effet qu’on ne porte pas suffisamment attention au développement des PME.3 La fuite des cerveaux a eu comme conséquence un manque de chercheurs compétents et formés et a réduit la possibilité de développer l’aptitude à la recherche.
En Irak, selon les parties prenantes, l’obstacle majeur au DSP est une réglementation excessive, mais davantage de lois et de règlements ne résoudront pas le problème. L’une des questions vitales est que la configuration de la privatisation et de l’investissement en Irak n’est pas suffisamment adaptée aux secteurs de la production. Effectuer une analyse de la compétitivité au niveau sectoriel et identifier les opportunités du secteur, se baser sur les compétences et la demande du marché, telles sont les clés de la création d’emplois et de marchés. Pour le développement des PME, les parties prenantes recommandaient de s’orienter vers des approches sectorielles en ce qui concerne l’offre des Services de développement aux entreprises (SDE) et les services des centres de développement des petites entreprises, et de lier ces SDE au financement et à l’offre des produits de financement islamiques.
Au Soudan, il est apparu que l’une des questions vitales était la relation entre le secteur public et le secteur privé et la capacité des fonctionnaires, qui ont surtout l’expérience d’une économie planifiée, à comprendre le comportement du secteur privé et à concevoir des mesures qui répondent à ses besoins.
Selon les parties prenantes libanaises, l’une des questions cruciales est le manque de bases de données et d’indicateurs statistiques pour voir si les performances du secteur privé et des PME s’améliorent vraiment. Une recherche de données de référence est nécessaire pour identifier des indicateurs de performance permettant de mesurer le niveau de compétitivité des entreprises libanaises et pour voir comment un système de comptabilité nationale pourrait être instauré. L’effort que demanderait la mise au point de ces paramètres aurait comme résultat la décision des actions des pouvoirs publics en meilleure connaissance de cause et leur réorientation dans le cas échéant. D’autres parties prenantes confirmèrent qu’il était nécessaire de se mettre d’accord sur une série d’indicateurs appropriés pour mesurer l’évolution du DSP (par exemple, la création d’emplois, la part des PME dans le produit intérieur brut (PIB), l’entrée et la sortie d’entreprises, etc.).
Parce que, dans chaque pays, les incitations et les structures sont très différentes, il est évident que des approches « passe-partout » définissant l’action des pouvoirs publics ont peu de chances de répondre aux besoins spécifiques de chaque pays. Il y avait des divergences entre les parties prenantes sur la hiérarchisation des carences à corriger en priorité. Les parties prenantes en Jordanie, au Maroc et au Yémen ont signalé des carences particulières dans le domaine de la recherche (recherche, renforcement des capacités institutionnelles et plate-forme d’échange). En Jordanie, les ONG, les bailleurs et les associations professionnelles avaient le sentiment que l’un des plus gros besoins était le renforcement des capacités des agents de l’État, à savoir connaissance des dossiers, capacité à développer des actions politiques et à mieux mettre en œuvre les décisions. Ils soulignaient également que « les efforts de plaidoyer » du secteur privé et des PME ne sont pas suffisamment développés et que les associations d’ONG, créées pour la plupart au cours des quatre dernières années, ont besoin d’un renforcement de leurs capacités et d’une formation aux techniques du plaidoyer. Selon les Syriens, il faudrait créer un forum qui puisse prodiguer, en toute indépendance, des conseils au gouvernement et aux bailleurs, tel un institut de recherche en politiques publiques. Au Yémen, les responsables soulignaient également le besoin de créer un institut de recherche en politiques publiques, d’améliorer l’expertise technique et de tirer profit de l’expérience des autres pays. On signalait également que le manque de coordination entre les parties prenantes et les départements ministériels constituait un autre problème majeur. Au Maroc, les parties prenantes indiquaient qu’il y avait des faiblesses dans la mise en réseau des prestataires de services des PME et, pour eux, la facilitation de la mise en réseau était une priorité.
Les pages qui suivent présentent une analyse de quatre catégories de besoins importants à cet égard et de carences identifiées dans l’évaluation du CRDI : 1) capacité d’élaboration des politiques, 2) capacité des associations d’entreprises ainsi que des ONG du développement 3) capacité de recherche, et 4) au niveau des pays et de la région, forums de dialogue et d’échange en matière de politiques publiques.
Les parties prenantes de la région reconnaissent qu’il y a des ministres progressistes qui essaient de faire avancer les réformes politiques, mais les lenteurs de la bureaucratie, la faiblesse des processus d’élaboration des politiques, l’insuffisance de la concertation et la maigre mise à profit des résultats de la recherche pour étayer les décisions politiques sont des freins à l’action. Dans les pays où le gouvernement se charge de diriger de nombreuses entreprises étatisées, la capacité d’élaboration des politiques est encore plus affectée parce que les ministères, qui sont occupés à gérer ces entreprises – chaînes d’approvisionnement agroalimentaire, chemins de fer, exploitations minières, groupes hôteliers, sociétés d’énergie et entreprises industrielles – ont peu de temps à consacrer au travail d’élaboration des politiques. Les cadres et les processus globaux pour guider l’élaboration des politiques font le plus souvent défaut. Bien que, d’un pays à l’autre dans la région MENA, il y ait manifestement des différences dans la capacité des gouvernement à concevoir et à proposer des politique de développement du secteur privé, selon les auteurs de l’indice de transformation Bertelsmann, la vraie question est le défaut de volonté politique pour élaborer des politiques de grande portée qui risqueraient de bouleverser les rapports de forces existants (Bertelsmann Stiftung 2008). Selon la Banque mondiale, les responsables politiques de certains pays de la région MENA ne s’engagent pas franchement sur la voie des réformes. À cela s’ajoute le manque aux institutions du secteur privé d’ « une voix forte et unifiée » pour réclamer des réformes et exiger que le gouvernement rende des comptes (Banque mondiale 2009c, p.13).
Dans la lignée des déclarations de la Banque mondiale selon laquelle la mise en œuvre des politiques est un problème clé, les parties prenantes de la région pointent un certain nombre de faiblesses. Il a beau y avoir des documents de perspectives, des plans quinquennaux, des stratégies et des lois – il est reconnu que la plupart de ces pays est compétente à proposer tout ceci – mais leur réalisation est plus problématique. Le manque de plans de mise en œuvre, d’affectation des ressources nécessaires, de savoir-faire et de coopération entre les ministères et les agences, voilà quelques-unes des raisons avancées pour expliquer la modicité des résultats. D’autres signalent la présence continue des agents de l’État qui freinent les réformes politiques, ce qui fait qu’il est difficile d’obtenir un consensus, ou encore le fréquent renouvellement des hauts fonctionnaires, ce qui retarde souvent la concertation sur les mesures à prendre, ou bien encore les changements de gouvernements et la restructuration des ministères, ce qui a comme conséquence un manque de continuité et de cohérence dans la conduite des affaires.
Dans plusieurs des 12 pays MENA, les parties prenantes ont fait valoir qu’il y avait des difficultés de développement des PME et des processus de mise en œuvre. Les gouvernements sont considérés comme étant meilleurs pour la préparation de documents de politique générale et de stratégies que pour leur mise en œuvre. Il y a un chevauchement considérable entre les organismes nationaux et internationaux qui, au sein des pays, traitent des questions relatives aux PME et, dans certains cas, on ne sait pas vraiment qui est responsable de la politique dans ce secteur. Les politiques relatives aux PME ne sont pas bien intégrées aux autres domaines d’action qui peuvent s’y rapporter, par exemple à la politique industrielle, à la politique du commerce et de l’investissement, à la politique du marché du travail et de la fiscalité, domaines qui, d’une manière ou d’une autre, ont tous un rapport avec les politiques conçues pour favoriser le développement du secteur privé. En d’autres termes, ce qui manque, c’est une approche intégrée des politiques de développement.
Pour corriger ces faiblesses en matière de capacité d’élaboration des politiques, les représentants des gouvernements des pays MENA suggèrent de faire appel à l’expertise extérieure pour trouver de nouvelles idées et de nouvelles façons de procéder, de passer des accords de renforcement de capacités avec les bailleurs pour permettre le recrutement d’experts qualifiés moyennant des salaires plus compétitifs, et d’organiser la formation de personnels et la mise en place de stratégies de développement institutionnel. Il est également important que soit réduit l’écart entre l’action des pouvoirs publics et la recherche en finançant les instituts de recherche en politiques publiques, en produisant des études sur les bonnes pratiques des mécanismes de coordination des actions, et en exploitant le jeu des indicateurs qui peuvent servir à mesurer le rôle et les performances du secteur privé et des PME dans l’économie et à jauger dans quelle mesure leur contribution croit. Les pays tireraient profit des études et des échanges pour débattre et analyser les expériences de réussites en matière de structures politiques et voir comment les leçons tirées pourraient s’appliquer au contexte de leurs propres pays. Il serait également fort utile d’échanger des expériences et des informations sur les moyens d’intégrer le développement des PME au contexte plus large des initiatives et des politiques de DSP. Il y aurait également intérêt à examiner les structures de coordination et de concertation du DSP et leur impact sur la mise en œuvre des politiques.
« Il n’y a pas réellement de dialogue public-privé... Les associations d’entreprises ont des rencontres avec le gouvernement, mais il n’en sort jamais rien. » (informateur clé, Algérie)
« Le secteur privé, les PME et les prestataires de services des PME ne sont pas vraiment consultés. Même si le gouvernement consulte les chambres de commerce et d’industrie par habitude, ce sont toujours les mêmes personnes, celles qui siègent dans les conseils gouvernementaux ». (Informateur clé, Jordanie)
« Le gouvernement ne travaille pas vraiment avec le secteur privé et ne l’associe ni aux discussions ni aux décisions sur l’investissement. » (Informateur clé, Yémen)
Les parties prenantes des communautés des affaires et des ONG de nombreux pays de la région MENA estiment que les gouvernements ne consultent pas assez souvent, ni comme il le conviendrait, les parties prenantes sur les changements des politiques ou de la législation, et elles jugent les procédures de consultation passives et inefficaces. Même les ministères et les agences gouvernementales évoquent le manque de concertation, surtout en ce qui concerne les PME, bien qu’ils soient plus disposés que les bailleurs et le secteur privé à reconnaître que les gouvernements s’efforcent d’associer le secteur privé aux prises de décisions, s’étant rendu compte que les décisions imposées hiérarchiquement sont inefficaces. Il est également évident que certaines agences gouvernementales sont plus attachées à la concertation que d’autres, une situation liée au fait que le ministre concerné, ou le chef de l’agence, soit ouvert à l’apport du secteur privé. Bien que le secteur privé des pays MENA aimerait qu’il y ait davantage de concertations et qu’elles portent sur davantage de sujets, le gouvernement a parfois du mal à le faire comme il conviendrait parce que les organismes du secteur privé sont très fragmentés et ne sont pas organisés pour participer efficacement à ces consultations.
L’importance des associations professionnelles et sectorielles ainsi que les ONG de développement varie d’un pays MENA à l’autre. Cela dépend du cadre juridique pour la constitution d’associations d’entreprises et d’ONG indépendantes et de la liberté de réunion et d’association. Il semble que ces lois soient plus abouties et plus souples en Algérie, en Égypte et au Maroc, où existe un grand nombre de ces associations. En Irak, en Syrie et au Yémen, les lois sur les ONG sont plus récentes et très restrictives, aussi les ONG sont-elles beaucoup moins nombreuses, et plus faibles, dans ces pays. En Jordanie, il existe de nombreuses ONG spécialisées dans le développement depuis le milieu des années 2000. En Syrie, il n’y en a qu’environ une dizaine et, au Yémen, la constitution d’associations est présentée par les parties prenantes comme un « concept très neuf ». Même dans les pays où il y a davantage d’ONG, le manque de capacité des ressources humaines est l’un des problèmes majeurs, en particulier dans les domaines de la gestion de projets, de l’élaboration du budget et du plaidoyer. Les organisations de la société civile de la région MENA restent sous-développées et soumises à une extrême répression (Bertelsmann Stiftung 2008a). Les ONG ne sont pas considérées comme des groupes de plaidoyer pouvant faire partie du système des contre-pouvoirs, mais, selon Muasher (2008), ces groupes sont nécessaires pour aider à lutter contre la corruption, le népotisme et la stagnation dans les sociétés arabes.
Les associations professionnelles et sectorielles sont généralement conscientes de l’importance des efforts de plaidoyer et de la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles pour qu’elles puissent accomplir cette fonction, en particulier au nom des PME. Il y a des chambres de commerce dans tous les 12 pays MENA mais elles ne sont pas considérées comme capables de bien jouer le rôle de porte-parole des PME auprès du gouvernement. Il existe d’autres associations professionnelles fondées sur l’affiliation des membres dans certaines parties de la région, par exemple les associations de jeunes entrepreneurs en Syrie, en Cisjordanie et Gaza, en Turquie et en Jordanie ; des associations de femmes chefs d’entreprise en Algérie, en Égypte, en Irak, en Jordanie, au Liban, au Maroc et en Turquie ; et des confédérations d’entrepreneurs, des clubs ou forums en Algérie, en Égypte, en Jordanie, au Maroc et en Tunisie. Ces associations jouent le rôle de porte-parole des entreprises indépendantes mais, dans la plupart des cas, leur capacité d’intervention est limitée. Il y a toutefois deux exceptions notables : l’Association des jeunes entrepreneurs (YEA) en Jordanie et la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM). La YEA est en passe de fonder un projet de plaidoyer des politiques publiques qui milite pour une réforme de la législation et des structures pour améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les nouvelles entreprises (YEA 2009). Les priorités mises en avant dans cette nouvelle initiative de plaidoyer sont les suivantes : délivrer des licences d’exercer temporaires, permettre l’enregistrement électronique, imposer la règle de « silence vaut consentement » et supprimer l’obligation pour les propriétaires de PME d’avoir une licence professionnelle dans le domaine technique dans lequel ils veulent créer une affaire. La CGEM, qui représente les intérêts plus larges des entrepreneurs du Maroc, se dépense beaucoup pour défendre les intérêts des PME au niveau de la politique nationale et, en 2007, a constitué une commission sur les PME pour focaliser l’attention sur les questions relatives aux PME dans son dialogue avec le gouvernement.
La faiblesse des associations professionnelles et des PME du secteur privé est considérée comme une question importante. Il faut notamment améliorer leur capacité de dialogue avec le gouvernement et le public sur l’environnement dans lequel fonctionnent les PME et renforcer leur capacité à évaluer l’impact des politiques, de la législation et de la réglementation concernant les PME et à accomplir leur fonction de plaidoyer. Dans certains pays, les organisations gouvernementales et les bailleurs déploient des efforts pour renforcer les associations professionnelles et sectorielles. Au Maroc, l’UE a un projet pour aider les associations sectorielles à améliorer leur gouvernance pour qu’elles puissent devenir des partenaires plus efficaces du gouvernement, des PME et des bailleurs et qu’elles améliorent leur capacité à participer aux discussions avec le gouvernement sur les orientations politiques. Ce projet est également conçu pour favoriser les liens entre les associations sectorielles pour qu’elles puissent profiter des échanges d’informations, partager leur savoir, débattre des problèmes relatifs aux PME et voir comment les résoudre. Jordan Enterprise travaille directement avec les associations sectorielles jordaniennes sur le développement de la politique et apporte son appui aux plans de renforcement de leurs capacités.
Les organisations du secteur privé sont mieux armées dans certains pays que dans d’autres pour engager avec le secteur public un dialogue sur les orientations politiques. Dans quelques-uns des 12 pays MENA, les associations du secteur privé se sont rassemblées en fédérations ou en conseils afin d’aborder d’une seule voix avec les gouvernements les questions du secteur privé, avec parfois l’aide de leur propre gouvernement. En 2004, le ministère algérien des PME et de l’Artisanat a encouragé la constitution d’un Conseil consultatif national pour la promotion des PME, qui regroupait plus de 90 associations professionnelles locales, des fédérations d’employeurs et des groupements professionnels. Ce Conseil, dont l’assemblée générale est présidée par le ministre des PME et de l’Artisanat, sert de forum pour un dialogue continu entre le gouvernement, les PME et les offices centraux de la statistique pour aborder les questions relatives aux PME, les réformes politiques et les programmes de développement. En Palestine, les chambres de commerce, les fédérations des industries et les associations sectorielles et professionnelles ont formé un conseil de coordination du secteur privé pour qu’il soit leur porte-parole auprès du gouvernement. Cependant, même lorsqu’il y a une meilleure organisation et un renforcement des capacités, la possibilité des associations professionnelles et des ONG du développement de peser sur les réformes dépend de l’efficacité des processus de consultations secteur public/secteur privé au sein d’un pays.
Les parties prenantes consultées à ce sujet ont le sentiment que, au total, le potentiel de la recherche dans les 12 pays MENA est faible, bien qu’il soit variable d’un pays à l’autre. On estime qu’il est très faible en Jordanie au regard du nombre de chercheurs qui effectuent des travaux sur les PME. Pour les questions plus larges concernant la politique économique et la politique des réformes, la capacité existe au centre d’études stratégiques de l’université de Jordanie et au Centre de Jordanie pour les politiques publiques de recherche et de dialogue (JCPPR) formé par la haut Conseil des Sciences et de Technologie en 2003; mais l’utilisation d’une recherche fondée sur les faits pour étayer l’action politique est loin d’être facile.
Le potentiel de la recherche est également faible en Syrie et au Yémen. On estime que l’absence d’institut de recherche économique dans ces pays est un obstacle à l’élaboration éclairée de politiques. En Syrie, les membres de la Société syrienne économique effectuent des recherches qualitatives et les sessions régulières de présentation de cet organisme constituent une tribune pour les débats sur les orientations des politiques. La Fiducie pour le développement de la Syrie (STD) accroît sa capacité de recherche et le Centre syrien d’entreprise et d’affaires (SEBC) mène des études sur des aspects du développement des PME. L’université de Kalamoon et le SEBC ont appelé à la formation d’un centre de recherche sur les politiques publiques dédié à des études et à des recherches indépendantes de nature à éclairer les orientations des politiques publiques (Husrieh 2005, SEBC 2008). Cette initiative est jugée nécessaire pour renforcer les capacités locales d’analyse critique des politiques et pour en maximiser l’impact.
Au Yémen, plusieurs parties prenantes ont souligné le besoin de recherche et la faiblesse du potentiel de la recherche dans les universités. Il n’y a pas d’études solides sur l’état actuel du secteur privé et peu de choses sont connues sur la façon de mesurer la croissance dans les divers domaines de ce secteur. Il n’existe pas de réseaux de chercheurs ni de fichiers de chercheurs ou de consultants et il y a un grand besoin de valoriser la capacité et les compétences dans ce domaine.
« On a besoin de créer des centres d’excellence qui puissent former les gens d’ici et en attirer de l’extérieur. » (Informateur clé, Yémen)
Selon les bailleurs, il faudrait des gens formés à effectuer rapidement des évaluations et à produire des études de référence qui puissent sous-tendre les interventions des programmes des bailleurs. Comme solution partielle à la demande de recherche de qualité, il a été conseillé de former à la recherche les étudiants de troisième cycle.
Le potentiel de la recherche est jugé « convenable » en Algérie, en Égypte et au Maroc. Le centre de Recherche en Économie Appliquée pour le développement (CREAD) est l’institut de recherche le plus dynamique d’Algérie avec une unité dédiée à la recherche sur les PME. L’Égypte a plusieurs centres de recherche, le principal étant le Centre égyptien d’études économiques (CEEE) et le Forum de recherche économique (FRE). Ce dernier, qui opère à travers un réseau régional, a un certain nombre de programmes de recherche, propose des ateliers de formation à la méthodologie de la recherche, organise un congrès annuel de recherche sur l’économie, publie une série de documents de travail et a lancé le « Middle East Development Journal » en 2009. Le Centre Marocain de Conjoncture est un institut de recherche clé au Maroc, qui compte, parmi son personnel, un certain nombre d’économistes qui ont été formés en Amérique du Nord et en Europe. Les 14 universités du Maroc fonctionnent avec des réseaux comme le Forum euro-méditerranéen des Instituts économiques (FEMISE) et le Forum de recherche économique (FRE) pour puiser aux sources de l’expertise, et ont établi de véritables liens avec les chercheurs des pays européens, bien qu’il y ait peu de recherches directement axées sur les questions des PME. En Palestine, au Liban, en Turquie et en Tunisie, il y a également des instituts de recherche économique et politique identifiables et crédibles. En Irak, l’environnement n’est généralement guère propice à une recherche orientée sur la politique économique. Un réseau régional de chercheurs s’intéressant aux questions d’entrepreneuriat se développe par le biais de l’initiative pilote appuyée par le CRDI, un projet de renforcement de la capacité de recherche et de soutien aux recherches du GEM dans les pays de la région MENA.
Les parties prenantes de la région ont identifié trois priorités liées à la recherche pour combler les lacunes actuelles : études d’impact et liées aux PME, développement des infrastructures de recherche et de la formation, et données statistiques qualitatives sur le DSP et les PME.
De nombreux sujets de recherche ont été évoqués qui nécessitent une étude plus poussée. Le premier groupe d’études concerne les évaluations de l’impact des politiques économiques sur les performances du secteur privé et des PME et sur les résultats en matière de développement social. La liste des études suggérées dans ce domaine est longue. Elle comprend notamment l’impact de l’adhésion des PME à l’OMC, l’impact des stratégies de l’IDE sur le transfert de technologie ; l’impact de la libéralisation et des politiques de l’IDE sur la réduction de la pauvreté ; l’impact de la fuite des cerveaux sur l’IDE; l’impact du programme de réformes économiques sur les PME; l’impact des actions passées en faveur des PME et de l’analyse des options futures; l’impact sur les entrepreneurs des services et des programmes à leur intention; l’impact du crédit-bail et des systèmes de garantie sur l’accès des PME au financement; l’impact des programmes et des politiques des gouvernements et des bailleurs sur les performances du secteur privé et des PME; l’impact socioéconomique des politiques actuelles et de l’analyse des coûts d’autres politiques possibles pour parvenir à la croissance économique; l’efficacité des mécanismes de transfert des connaissances scientifiques et techniques dans l’économie générale ; le coût social du passage à l’économie de marché ; l’impact du financement et des priorités des bailleurs sur les actions du gouvernement ; et l’affectation des ressources (est-ce que les bailleurs font ce qu’il faut en ce qui concerne les problèmes et les solutions ou est-ce que leur financement provoque des distorsions du marché ?).
Il y a une demande importante d’études liées aux PME. Besoins formulées par les parties prenantes : études sur les moyens d’accentuer l’intégration des PME dans la région, étude de référence à jour sur les PME, recherche sur les femmes entrepreneurs et leur rôle dans les PME, recherche sur le paysage entrepreneurial, recherche sur les secteurs prometteurs et présentant de grandes opportunités pour les PME et les entreprises nouvelles, recherche sur le rôle du financement islamique dans l’amélioration de l’environnement du financement, recherche sur la demande de microcrédit, recherche sur les déficits de financement dans des segments du marché financier et sur les formes de financement qu’il faudrait, information sur les programmes de garantie de crédit dans les autres pays, études sur les possibilités d’instaurer des fonds de garantie pour encourager l’investissement en capital-risque dans les entreprises émergentes, recherche sur les PME de croissance, recherche sur la main-d’œuvre qualifiée et les besoins des PME, et analyse des solutions possibles pour développer les PME. Les parties prenantes ont également indiqué qu’il y avait un besoin de recherche sur le « vrai » rôle du secteur des PME dans l’expansion du secteur privé, telles qu’en témoignent les tendances de l’emploi, la valeur ajoutée du dynamisme des entrées et des sorties, le degré de formalisation et les tendances de la croissance (à la fois à l’échelle du secteur et au sein des entreprises individuelles. Il n’y a pratiquement aucune recherche sur la physionomie de la classe sociale que constituent les entrepreneurs pour orienter les décisions et les objectifs, par exemple les statistiques démographiques, les motivations, les objectifs, les milieux socioculturels, les comportements et les stratégies. Il y a là des lacunes à combler.
Il faudrait poursuivre les recherches dans les domaines suivants : le défi de la jeunesse et les tendances et résultats de l’emploi longitudinal et du marché du travail, études sur les capacités de l’environnement des ONG (bilan de leurs activités et de leurs capacités), recherches sur la nature exacte des obstacles à la commercialisation des innovations dans la région, et analyse détaillée du système d’innovation pour sous-tendre les propositions d’action.
Les parties prenantes ont signalé les faiblesses du potentiel de la recherche et souligné le besoin de constituer un cadre plus large de chercheurs compétents en les formant, en opérant un transfert de connaissances, et en encourageant et en soutenant les jeunes chercheurs de la région. Il faudrait également développer un réseau de recherche et les connaissances pour effectuer des analyses microéconomiques, de la recherche sur les PME, et d’évaluer l’impact des actions engagées. Avec un soutien financier, les centres de recherche et les réseaux existants pourraient former le noyau régional d’instituts de recherche politiques et accroître ainsi la capacité de recherche dans ces domaines.
Il y a des faiblesses dans les systèmes statistiques de la plupart des 12 pays MENA, ce qui non seulement pose un défi aux responsables politiques, mais a comme conséquence un manque d’informations sur les secteurs, les marchés, les possibilités de croissance et les performances de la microéconomie. Les parties prenantes de l’ensemble de la région ont systématiquement souligné le manque de données statistiques sur le secteur des PME. Des statistiques incomplètes, inexactes et inaccessibles ont été ciblées comme le problème majeur empêchant d’approfondir la compréhension du secteur et de son développement dans la durée. Les statistiques et les informations sont manquantes dans tous les pays. Les informations sur l’activité des entreprises du secteur informel proviennent des recensements de populations, mais dans la plupart des 12 pays, ces recensements n’ont lieu que tous les dix ans. Ce manque d’informations est problématique pour les gouvernements qui essaient de réduire le secteur informel.
Selon les parties prenantes de la région, le problème de l’amélioration des données statistiques pourrait être résolu si l’on créait un Observatoire des PME de la région MENA. Les pays membres de cet Observatoire pourraient travailler à harmoniser les définitions des PME, s’entendre sur l’utilisation des indicateurs clés pour décrire le secteur et mettre sur pied les systèmes statistiques appropriés et les enquêtes par sondage pour suivre les besoins et repérer les développements longitudinaux dans le secteur, y compris les taux d’entrées et de sorties des entreprises. Des observatoires des PME ont été instaurés dans d’autres parties du monde (il y a, par exemple, l’Observatoire européen des PME4 financé par la Commission européenne et l’Observatoire des PME d’Amérique latine financé par la banque interaméricaine de développement).5 Ces efforts ont eu pour effet de renforcer la capacité de chacun des gouvernements et des chercheurs à créer des Observatoires de PME au niveau d’un pays et à améliorer les systèmes de statistiques par pays de telle sorte qu’ils fournissent des données qualitative sur la population des PME en temps voulu et que ce soit une élément à prendre compte dans les processus décisionnaires. Ces Observatoires sont devenus la source clé de connaissances et d’informations sur le secteur des PME dans les pays où ils existent.
« Le manque de statistiques et d’informations sur le secteur des PME est une grosse lacune. » (Informateur clé, Jordanie)
« Nous n’avons pas de bonnes données statistiques sur les PME... aussi il est difficile de voir où sont les lacunes des politiques engagées. » (Informateur clé, Maroc)
« Les données statistiques sur les PME, c’est la pagaille. Il y a un problème avec l’exactitude et la fiabilité des données statistiques. La qualité des données statistiques est médiocre et ce qui existe a toujours besoin d’être validé. » (Informateur clé, Yémen)
« Il est très difficile d’obtenir des données statistiques sur les entrées des nouvelles entreprises. Toutes les nouvelles entreprises doivent se faire enregistrer à la chambre de commerce mais les données ne sont pas publiées ». (Informateur clé, Jordanie)
« Les statistiques sont un problème en Syrie. » (Informateur clé, Syrie)
À l’heure actuelle, il n’y a pas d’Observatoire de PME dans les 12 pays MENA, bien que les pays particuliers soient vivement intéressés et qu’il y ait une demande de leur part. En Algérie, le MPMEA a proposé la création d’un centre d’étude et de développement des PME et de l’Artisanat (un observatoire) chargé d’élaborer un système d’information économique sur le fonctionnement du secteur des PME. Au Liban, l’unité de soutien aux PME du ministère de l’Industrie et du Commerce (MIC) projette d’instaurer un Observatoire des PME chargé de fournir une information plus complète sur l’apport des PME à l’économie. Le gouvernement tunisien a également pris conscience du besoin d’un Observatoire des PME sur le modèle de l’Observatoire de l’emploi et de l’Observatoire des sciences et techniques, pour renforcer la base de preuves sur laquelle s’appuie l’élaboration de la politique des PME. Un projet de jumelage est en cours entre l’Institut national de la statistique au Tunisie et l’UE pour l’instauration d’un système fiable permettant de suivre l’évolution des données sur les entreprises, d’en améliorer la qualité et de faire meilleur usage des ressources administratives (CE 2008a). L’Agence nationale des PME du Maroc a exprimé le besoin de recherche et d’enquêtes plus régulières sur les besoins des PME pour mesurer l’impact des programmes de soutien aux PME. Elle a proposé la création d’un Observatoire de l’entreprise pour répondre à ce besoin (ANPME 2007). La CGEM a insisté pour que soit créé un Observatoire des PME qui produise un rapport annuel sur la situation des PME du Maroc. En Égypte, de récents documents de stratégie ont fait état du besoin de données statistiques plus complètes et plus à jour sur le secteur des PME et l’évolution de ses performances (GAFI 2008 ; FSD 2009). Le document de stratégie de l’Autorité générale pour l’investissement (GAFI) proposait l’élaboration d’un indice des petits et moyens investisseurs comme outil numérique pour mesurer les changements intervenant dans les différents aspects des comportements des petits et moyens investisseurs et pour suivre l’évolution des performances de l’entrepreneuriat, y compris l’entrée, la croissance, la survie et la sortie d’entreprises. L’Office de la statistique turque a rationalisé ses activités en collaboration avec d’autres ministères pour le recueil des données statistiques et il est plus apte que la plupart des autres pays de la région MENA à signaler les enregistrements de nouvelles entreprises et de nouvelles sorties. Conformément au processus d’harmonisation de l’UE, l’Institut de la statistique turc (Turkstat) va s’efforcer de moderniser le registre de commerce et des sociétés et de présenter les données statistiques des entreprises selon les normes de l’UE. A la lumière du stade précoce des réalisations actuelles, un effort de collaboration pour créer un Observatoire des PME serait tout à fait bénéfique pour les pays MENA qui y participeraient.
Les parties prenantes de la région apportent également leur appui à la réalisation des études annuelles du GEM dans les pays MENA (CRDI 2008b). Les objectifs du projet GEM sont de mesurer les différences de l’activité des entreprises ente les pays, de découvrir les facteurs qui déterminent le niveau national de l’activité entrepreneuriale et d’identifier les politiques susceptibles de rehausser ce niveau (et la qualité de cette activité). En 2009, il y avait plus de 50 pays impliqués dans cette recherche mondiale. Au fil des années, les conclusions des travaux de recherche du GEM ont eu une influence fondamentale sur l’action des pouvoirs publics en présentant de nombreux exemples concrets de réformes engagées au niveau des pays qui ont contribué à améliorer le climat des affaires et à développer l’activité (élément constitutif de la croissance du secteur privé) en application des recommandations du rapport du GEM. En outre, le projet GEM a stimulé une recherche intensive sur le processus entrepreneurial et les déterminants qui sont à l’origine de l’ augmentation des taux de création des start-up et des entreprises de croissance naissantes dans les différents contextes des pays et qui ont donné naissance à un réseau international en expansion d’entrepreneurs et de chercheurs compétents. La région MENA n’est pas bien représentée dans le projet GEM, ce qui la désavantage dans la compréhension de la dynamique de l’entrepreneuriat et dans la capacité à comparer les performances au niveau régional.
Au cours des ateliers organisés dans la région par le CRDI en 2007 et 2008, à plusieurs reprises, les participants ont manifesté leur intérêt pour la constitution d’une tribune régionale qui permettrait de partager les expériences, de débattre des politiques et de créer du savoir et de le diffuser (CRDI 2008a, 2008b).
« Les chercheurs, les représentants des gouvernements, les financiers et les prestataires de services d’appui aux entreprises n’ont pas souvent l’occasion de se rencontrer pour échanger les bonnes pratiques. » (Informateur clé, atelier régional du CRDI)
Les échanges et le dialogue entre responsables politiques, chercheurs et secteur privé se produisent dans certains pays, mais c’est un phénomène récent et qui n’est pas vraiment systématique. Les organismes de recherche clés, les représentants des gouvernements et les bailleurs d’un grand nombre de pays ont souligné la nécessité de partager les bonne pratiques et d’organiser des forums d’échange au niveau régional qui faciliteraient le dialogue sur les actions à entreprendre et qui permettraient un enrichissement mutuel des connaissances, ce qui conduirait peut-être les gouvernements à identifier des études et des projets sur lesquels ils pourraient travailler ensemble.
Les 12 pays MENA sont à des stades différents de la transition à l’économie de marché, mais les gouvernements entreprennent tous des réformes pour moderniser leurs économies et devenir plus compétitifs dans l’économie mondiale. Dans cette conjoncture, ils sont tous confrontés à nombre de défis contextuels identiques. Ils ont tous en commun de nombreux besoins de connaissances, se posent les mêmes questions sur les choix de politiques optimaux pour une véritable expansion du secteur privé et souffrent parfois des mêmes faiblesses dans les domaines de l’action politique, de la recherche et des institutions. Il y a des possibilités de valoriser les efforts de développement du secteur privé et des PME dans la région. Cela peut se faire par les efforts de coopération pour renforcer la capacité de recherche et d’action politique, élaborer et mener à bien un programme de recherche afin de combler les lacunes en connaissances, créer les opportunités d’échanges de connaissances, d’expériences et d’informations au niveau régional, et bâtir la capacité de plaidoyer des ONG et des associations professionnelles.
1. Les points de vue exprimés dans ce chapitre ont, en grande partie, été recueillis auprès d’informateurs clés au cours de visites d’étude dans 6 des 12 pays MENA et complétés par les apports des fonctionnaires gouvernementaux, des chercheurs et des parties prenantes des associations professionnelles des 6 autres pays qui ont participé aux deux ateliers régionaux organisés par le Centre de recherches pour le développement international en 2007 et 2008 (CRDI 2008a, 2008b). D’autres réflexions sur la question des politiques orientées vers le DSP, sur la recherche et sur les capacités institutionnelles sont étayées par divers ouvrages publiés sur le sujet.
2. Propos tenus par un informateur clé au cours d’interviews en Syrie en 2007.
3. Le CRDI a financé l’Institut de recherche des politiques économique palestiniennes (MAS) pour qu’il mette en œuvre un programme de recherches sur les microentreprises et les PME et pour que les chercheurs palestiniens se construisent une compétence dans ce domaine. On peut avoir accès aux publications issues de ce projet sur le site : http://www.pal-econ.org.
4. Les principaux avantages de l’Observatoire européen sont les suivants : 1) Il permet un examen systématique de la situation des PME en améliorant la couverture statistique et en analysant la réaction des PME à tout une gamme d’initiatives de politique économique, 2) Il participe aux débats sur les PME au plan régional et sur les questions économiques et politiques qui se posent à elles, 3) Il constitue un document de référence unique pour les chercheurs, les économistes, les responsables politiques, les organisations de soutien aux PME et pour les PME.
5. Au départ, en 1992, l’Observatoire européen comptait 12 pays. En 2007, il en compte 30. Il a servi de modèle aux Observatoires de PME en Amérique latine, en Afrique du Sud et en Russie. L’Observatoire des PME d’Amérique latine comprend 25 pays.
Les chapitres précédents ont décrit les nombreux défis auxquels sont confrontés les 12 pays MENA pour le développement du secteur privé DSP). L’ampleur de ces défis et les types de réponses en termes de politiques dépendent des contextes particuliers de chaque pays. La situation des pays pauvres et en conflit demandera de plus larges efforts de réformes en matière de politiques de DSP que dans les pays qui connaissent une plus grande stabilité politique et qui sont davantage engagés dans le DSP. Il y a cependant des progrès à faire dans chacun de ces pays en ce qui concerne les performances du secteur privé comme mécanisme pour relever leurs défis en matière de croissance et de développement socioéconomique.
Dans les conseils qu’elles prodiguent aux 12 pays MENA, les organisations internationales soulignent la nécessité d’opérer des réformes au niveau macro et meso pour améliorer l’environnement des affaires et le climat de l’investissement dans l’espoir que les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) nationales en profiteront. Cependant, ces conseils n’insistent peut-être pas assez sur la nécessité de réformes au niveau micro qui renforceraient la capacité des MPME existantes à tirer avantage des opportunités qu’offre un meilleur climat d’investissement et qui encourageraient un plus grand nombre d’entrepreneurs compétents à investir dans de nouvelles entreprises ou à en créer. Des MPME renforcées et des entrepreneurs plus compétents ne jaillissent pas automatiquement des réformes de la réglementation et des structures. Cette capacité doit être construite dans le contexte d’une culture de soutien. Les entrepreneurs potentiels et existants ont besoin de conseils pour reconnaître et évaluer la valeur des idées et des opportunités, et de soutien pour convertir ces opportunités en affaires efficaces et pouvant répondre aux besoins des marchés locaux et étrangers. Le chapitre 7 part du principe que la politique des MPME et de l’entrepreneuriat doit faire partie des priorités des gouvernements et des bailleurs pour que les 12 pays MENA parviennent à une approche plus globale du développement et de la croissance. Il est temps d’intégrer l’entrepreneuriat comme élément constitutif stratégique d’une politique de développement économique et de s’engager à former les alliances interministérielles et les partenariats public/privé nécessaires pour mettre en œuvre un plan d’action de nature à libérer son potentiel comme plate-forme pour une croissance futur du secteur privé.
La croissance future du PIB, du PIB/hab et de l’emploi viendront essentiellement de l’expansion des opportunités du marché, de l’expansion des PME existantes, et de la création et de la croissance de nouvelles entreprises. Assouplir les normes d’entrée des nouvelles firmes sera important, mais s’il n’y a pas d’effort de stimulation de la culture d’entreprise, si on ne parvient pas à un juste équilibre entre les institutions, les mesures d’incitation et de soutien pour permettre l’émergence et la réussite d’un plus grande nombre d’entrepreneurs motivés et compétents issus de la société locale, il est probable que les réformes de politique au niveau macro et micro destinées à développer le secteur privé continueront à progresser lentement.
Selon les hypothèses sur les conditions dans lesquelles le développement se produit et sur ce qui compte le plus pour la croissance dans le contexte d’un pays particulier, les gouvernements placeront la priorité sur des objectifs et des options d’action différents. Étant donné que la croissance se produit au niveau de l’entreprise productive, le cadre du DSP présenté en figure 1.1 du chapitre 1 identifie cinq sources possibles de croissance du secteur privé : les investisseurs étrangers, les grandes entreprises, les PME, les entreprises existantes du secteur informel et les nouveaux entrepreneurs. Il y a différentes possibilités d’exploiter le potentiel de croissance de ces groupes cibles, dépendamment des décisions prises sur la façon dont ces groupes pourraient contribuer à la croissance. Le cadre des décisions et des objectifs possibles pour le DSP est présenté en figure 7.1.
La croissance du secteur privé peut être stimulée par des réformes au niveau macro et meso qui accroîtront le volume des IDE, le commerce international et la privatisation. Dans ce cas, le premier objectif de l’action des pouvoirs publics sera d’attirer les multinationales et les entreprises étrangères et de créer des ‘champions nationaux’ parmi les grandes firmes nationales. Les PME nationales seront les bénéficiaires de cette approche dans la mesure où elles seront capables de tirer profit des liens des chaînes d’offre et du transfert de technologie et de savoir-faire.
Figure 7.1 Cadre des objectifs possibles du DSP et des décisions des pouvoirs publics
Le second objectif pour la croissance du secteur privé est le renforcement du socle existant des PME nationales. Dans ce cas, les pouvoirs publics doivent choisir entre créer les conditions qui amélioreront le fonctionnement de l’ensemble du secteur des PME ou seulement des PME industrielles, entre l’appui au renforcement de toutes les PME ou seulement de celles qui ont un potentiel de croissance1. Il leur faudra également décider s’ils cherchent à répondre aux besoins des entreprises du secteur informel, et sous quelle forme.
Le troisième objectif est d’encourager les nouveaux entrepreneurs et les nouvelles entreprises. Dans ce cas, il s’agira de savoir si l’on préfère accroître les taux globaux de nouvelles entreprises ou encourager seulement celles qui sont innovantes ; si l’on préfère encourager toutes les formes d’activité entrepreneuriale ou simplement les entrepreneurs motivés par l’opportunité ; et si l’on veut viser des groupes particuliers de la population qui ont un potentiel de croissance, les femmes ou les jeunes, par exemple. Si l’objectif est d’élever le niveau global de l’activité entrepreneuriale, alors il faut prêter attention aux valeurs culturelles et sociétales qui soutiennent l’entrepreneuriat.
Pour être bien sûr de faire les bons choix, il faudra avoir saisi la nature du problème à résoudre et pris conscience de l’état de développement des PME et de l’activité entrepreneuriale. L’objectif ultime devrait être de mettre au point un jeu équilibré de stratégies visant les trois objectifs et de maximiser l’intrication de ces stratégies. Si on se fonde sur une évaluation de l’état des 12 pays MENA, il semble que les actions visant les entreprises étrangères et les grandes firmes soient plus complexes et plus importantes dans les priorités des pouvoirs publics que les actions visant le développement des PME, et que les politiques d’ensemble pour stimuler les niveaux de l’activité entrepreneuriale fassent défaut (voir les profils spécifiques des pays en partie II). Dans la phase suivante de la croissance d’un secteur privé robuste, les gouvernements des MENA devraient faire de l’entrepreneuriat l’orientation majeure de leur politique en armant la population pour qu’elle puisse s’engager dans l’activité entrepreneuriale et la développer, et en créant des conditions propices. Non seulement les PME existantes, mais également les nouveaux entrepreneurs, sont des rouages essentiels de la croissance du secteur privé sur le long terme.
Selon Kirzner (1980), l’entrepreneuriat est le principal moteur du progrès, et ne pas tenir compte de son rôle dans le développement serait négliger un rouage important du processus de la croissance. Plus de 20 ans après, le sujet de l’entrepreneuriat dans les pays en développement est abordé par Lingelbach et de la Viña (2005) qui y voient l’un des phénomènes les moins étudiés et sur lequel il y a eu le moins de travaux de recherche. Et pourtant, les études sur les économies développées confirment l’importance dans la création d’emplois de l’activité entrepreneuriale et des entées des nouvelles entreprises, qui sont des facteurs d’augmentation de la concurrence et de la productivité, de l’innovation et de la croissance solidaire (Sobel et autres 2007). Au terme de leur analyse approfondie de la littérature, Ovaska et Sobel (2005) concluent que l’entrepreneuriat est important pour une économie de marché saine et efficace. Les faits montrent que l’entrée de nouvelles entreprises est au moins aussi importante pour la création d’emplois et les gains de productivité que l’amélioration du potentiel des PME existantes, sinon plus (Djankov 2008). De nouvelles entrées, par exemple, placent les firmes existantes dans une situation de concurrence qui les oblige à se perfectionner ou à décliner et disparaître. Celles qui disparaissent sont remplacées par des entreprises plus productives et compétitives. Cette augmentation du niveau de dynamisme de l’économie est un facteur reconnu de la croissance économique, illustration du concept de ‘destruction créatrice’ de Schumpeter.
Selon Lingelbach et de la Viña (2005), l’entrepreneuriat dans le contexte des économies en développement est différent de celui des économies avancées et la compréhension de cette distinction est essentielle pour le DSP des pays en développement. Bien qu’il y ait des nombreuses possibilités pour les nouvelles entreprises dans les pays en développement, les entrepreneurs potentiels et existants opèrent dans un environnement marqué par de bien plus grandes incertitudes d’ordre économique, politique et réglementaire. Pour réduire leurs risques, les entrepreneurs répartissent souvent leurs ressources sur un certain nombre d’affaires similaires, de sorte que si l’une ne réussit pas, ils peuvent se replier sur les autres. Dans les économies en développement, les entrepreneurs sont beaucoup plus lourdement tributaires du financement informel, que ce soit par le biais des familles ou des réseaux sociaux, pour créer leur entreprise; la possibilité de recourir à d’autres solutions étant limitée, que ce soit le financement bancaire ou le crédit-bail. Le manque de financement extérieur et de capital-risque limite sérieusement le potentiel de croissance des entreprises. Comme l’accès aux sources extérieures de financement n’est pas possible, le flux de trésorerie d’une affaire est utilisé pour financer les autres. Du fait que les circuits de distribution, et notamment de distribution au détail, sont sous-développés et fragmentés, les entrepreneurs ont tendance à créer des entreprises qui sont en prise directe sur le consommateur final, ce qui réduit également leur apport en capital initial, et puis petit à petit à développer des entreprises dans les secteurs verticalement intégrés de la chaîne de production. Les entrepreneurs ont moins la possibilité d’acquérir les compétences et l’expérience nécessaires pour vraiment développer leur entreprise en raison des carences du système éducatif et du manque d’emplois du secteur privé formel où ils pourraient être initiés aux stratégies de marketing, de la vente et de logistique. De plus, peu d’économies en développement ont une forte tradition du secteur privé, une culture d’entreprise développée, ou des structures institutionnelles d’appui. Tous ces facteurs mis en lumière par Lingelbach et de la Viña (2005) ont un impact sur l’évolution de l’entrepreneuriat dans les pays en développement.
De plus, un grand nombre de gens dans les pays en développement sont poussés à se replier sur des formes d’activité entrepreneuriale informelles et de subsistance en raison d’un manque de débouchés et de filet de protection sociale. Si ces microentreprises, qui représentent le plus souvent du travail indépendant, contribuent à endiguer la pauvreté des ménages, elles n’ont pas d’impact significatif sur la croissance économique. Cela soulève la question fondamentale de savoir si le type d’entrepreneuriat est important ou non pour la croissance. Naudé (2008) conclut que des contextes différents produisent des types et des genres différents d’opportunités pour les entrepreneurs et qu’elles ne sont pas toutes liées à la croissance. Selon Baumol (1990), il y a trois types d’entrepreneuriat : le productif (qui innove et optimise la croissance), l’improductif (qui assure la subsistance) et le destructeur (qui cherche l’intérêt personnel et fonctionne dans l’illégalité). Il précise également que seul l’entrepreneuriat productif produit de la croissance. Au terme de son opposition entre entrepreneuriat d’opportunité et entrepreneuriat2 de nécessité, Acs (2006) observe que le premier est corrélé positivement avec le développement économique. L’entrepreneuriat d’opportunité est associé à de plus grandes aspirations de croissance et à un plus grand potentiel de création d’emplois. Ceci est une préoccupation importante pour les économies en développement étant donné que, le plus souvent, leurs nouvelles entreprises sont créées par des gens motivés par la nécessité. Une grande partie de ces « entrepreneurs par nécessité » préfèreraient être salariés s’il y avait des débouchés, et, dans bien des cas, leurs entreprises ont un potentiel limité qui ne leur permet guère de s’élever au-dessus du niveau de subsistance. D’un autre côté, même les entreprises de nécessité sont des sources d’expérimentation et pourraient donner naissance à des entreprises d’opportunité dans l’avenir, en particulier pour les entrepreneurs ayant un meilleur niveau d’instruction.
Ce qu’implique l’analyse d’Acs est que les économies en développement devraient stimuler en priorité l’entrepreneuriat d’opportunité. Cependant l’‘environnement d’opportunité’ est influencé par la taille et le rôle du secteur privé par rapport au secteur public dans l’économie, par les infrastructures des transports (acheminement des produits vers le marché), par la distribution de la population entre zones rurales et zones urbaines (accès aux services et aux marchés), par l’ouverture de l’économie à la concurrence et au commerce, par la répartition des secteurs dans l’économie (taille du secteur agricole contre secteur industriel et secteur des services), par le niveau d’accès à la technologie et aux marchés financiers, etc. ; ce qui signifie qu’il faut tout un éventail d’actions pour ouvrir la voie à un entrepreneuriat productif et motivé par l’opportunité.
Outre la question de savoir quel genre d’entrepreneuriat contribue à la croissance économique, il y a la question de savoir quel volume d’entrepreneuriat est bon pour la croissance économique. Carree et autres (2002) ont constaté qu’il y avait une relation de « courbe en U » entre le taux de propriété d’entreprises (propriétaires d’entreprises et entrepreneurs indépendants en pourcentage de la population active) et le PIB/hab dans les pays de l’OCDE. Les pays qui avaient un PIB par habitant plus faible, quelle que fût la période, avaient des taux de propriété d’entreprises plus élevés que ceux des pays économiquement plus développés. Il apparaissait que le taux de propriété d’entreprises d’un pays baissait alors qu’augmentait le PIB par habitant jusqu’à ce qu’il atteigne 18 000 dollars US, niveau auquel les taux de propriété d’entreprises commençaient à grimper en même temps que le PIB par habitant.3 Selon ces chercheurs, il y a peut-être un taux d’équilibre de la propriété d’entreprises et les pays qui se situent au-dessus ou en dessous de la courbe en U ont peut-être trop peu ou trop de propriétaires d’entreprises respectivement. Les pays qui ont trop de propriétaires d’entreprises (et peut-être trop d’entreprises à faible rendement gérées par des entrepreneurs peu compétents), généralement dans les économies en développement, ne tirent peutêtre pas suffisamment profit des économies d’échelle et de gamme. Les pays dont les taux de propriété d’entreprises se situent en dessous de la courbe n’ont peut-être pas une activité entrepreneuriale suffisante, ce qui a pour effet que l’innovation et la concurrence demeurent à des niveaux peu développés. Dans les deux cas, il y a une pénalité : qu’il y ait trop peu ou trop de propriétaires d’entreprises, la conséquence est une chute des taux de croissance économique. Les pouvoirs publics peuvent être appelés à intervenir pour procéder à un ajustement du niveau de l’entrepreneuriat, mais les mesures appropriées à prendre dépendront du niveau de développement économique du pays (Wennekers et autres 2008). Dans l’élaboration de la solution, il faut prendre en compte l’effet net des taux annuels d’entrées et de sorties d’entreprises et une estimation du nombre d’entreprises qu’il faudrait chaque année pour maintenir à un certain niveau les propriétés d’entreprises et l’emploi. La question fait débat dans le contexte des pays MENA du fait qu’il n’y a pratiquement pas de données statistiques sur les taux d’entrées, de survie et de sortie des entreprises et que les données fiables sur le taux de propriétés sont limitées.
Les tentatives pour établir un lien entre le niveau de l’entrepreneuriat et les variables de la croissance et du développement économiques se sont le plus souvent soldées par des échecs. L’un des obstacles majeurs était le manque de données internationales comparables sur les niveaux d’activité entrepreneuriale. Le projet Global Entrepreneurship Index (GEINDEX) est l’une de ces tentatives (Acs et Szerb 2009). Il compare les performances entrepreneuriales de différents pays à différents stades de développement en considérant des mesures de la qualité de l’activité entrepreneuriale, par exemple, le potentiel de l’entrepreneur et les aspirations à la croissance, et en les comparant à la qualité des institutions et de l’environnement des affaires. L’analyse du travail préliminaire de GEINDEX révèle que, bien que les niveaux bruts de l’activité entrepreneuriale soient plus élevés dans la plupart des pays en développement que dans les pays développés (comme cela a été précisé au chapitre 4), la qualité de l’activité entrepreneuriale et sa contribution à la croissance sont supérieures dans les pays développés.
Cela étant, les taux élevés de propriété d’entreprises sont importants dans les pays en développement parce qu’aussi bien leurs secteurs privés que leurs économies sont sous-développés. Le travail indépendant est porteur de création d’emplois et d’expérimentation. Aussi, même si le taux de propriété d’entreprises est élevé par rapport aux pays développés, cela ne signifie pas forcément que le principal défi soit d’interdire l’emploi indépendant et l’activité des microentreprises. En fait, il peut être nécessaire d’accroître le taux de création d’entreprises pour constituer le socle des PME. Selon Gries et Naudé (2008), les nouveaux entrepreneurs et les nouvelles entreprises sont essentiels dans les économies en transition parce qu’ils ne portent pas le poids d’un passé protectionniste et qu’ils ne sont pas sous l’influence d’une faible orientation par le marché. Le défi est plutôt d’améliorer la qualité des nouvelles entreprises, de modifier la structure de la taille du stock des entreprises et la configuration de l’équilibre entre les entreprises du secteur formel et celles du secteur informel, et d’aider les PME à surmonter les limites et les inconvénients de leur ‘petitesse’. La croissance des PME individuelles dans les économies en développement est bridée par un manque de marchés, de finance, d’infrastructures, de technologie et de compétences de gestion. À certains égards, elles sont destinées à fonctionner en dessous d’un seuil maximum de taille arbitrairement fixée par les plafonds de la microfinance ou le coût excessif de l’enregistrement. Il est également essentiel d’éliminer ces obstacles à la croissance.
Les facteurs qui poussent les gens à créer une entreprise et à devenir entrepreneurs sont nombreux. Les gens décident de créer une entreprise pour toute une variété de raisons qui tiennent à leur milieu familial, à l’environnement social, à l’expérience professionnelle et aux aspirations personnelles. Le désir d’autonomie et d’indépendance économique, le besoin de prouver que ‘c’est possible’ et l’espoir de meilleurs revenus sont parmi les motivations classiques qui poussent les travailleurs à créer une entreprise. Il est évident que le contexte situationnel joue un rôle clé dans le processus de décision individuel (Wennekers et Thurik 1999 ; Verheul et autres 2001 ; Gabr et Hoffman 2006 ; Wennekers 2006), qui peut être déclenché par la nécessité, la survenue d’opportunités irrésistibles ou l’inspiration, sous une forme ou une autre.
L’aptitude entrepreneuriale, qui est faite de capital humain (éducation et compétences), de capital social et de cognition, est certainement l’un des déterminants clés du niveau et de la qualité de l’activité entrepreneuriale et est de plus en plus considérée en science économique comme une force vitale du capital humain (Gries et Naudé 2008). Lorsqu’elle est associée à des opportunités de marché intéressantes et à la possibilité de lancer sur le marché une nouvelle entreprise, l’aptitude entrepreneuriale constitue le déterminant central à la source des nouvelles start-up et la promesse assurée de la réussite en bout de course (Naudé 2008).
Les gens ne naissent pas avec un don pour l’entreprise, ils l’acquièrent avec le temps. Les compétences entrepreneuriales s’apprennent et se cultivent par le contact avec la réalité, avec l’éducation, l’expérience et l’acquisition du savoir et du savoir-faire. Si une société veut davantage d’entrepreneurs, il faut qu’elle investisse dans leur savoir-faire. Le système éducatif et le système de formation ne sont que l’une des voies qui permettent de parvenir à ce résultat. Les gens acquièrent également des compétences entrepreneuriales en grandissant dans un milieu familial où l’on a l’habitude des affaires, en travaillant dans de petites entreprises ou en faisant l’expérience du travail indépendant.
Les facteurs socioéconomiques et culturels, les caractéristiques du marché du travail, les ressources financières et la qualité des institutions jouent un rôle important dans l’émergence de l’entrepreneuriat dans une société. L’idée bien arrêtée que les gens se font du risque, des métiers socialement valorisants, des systèmes d’éducation, de la nature des choix en matière d’emploi et des mécanismes d’incitation peut être source d’importants facteurs négatifs ou positifs (CEE-ONU 2008a). Les déterminants de l’entrepreneuriat peuvent être influencés par tout un ensemble d’interventions de nature à faire prendre conscience de l’entrepreneuriat, à présenter l’entrepreneur comme modèle identificatoire, à faire entrevoir des opportunités, à réduire les peurs, les incertitudes et les facteurs de découragement et à permettre l’accès aux ressources nécessaires à la création d’une entreprise, par exemple le pilotage, les conseils, le financement, l’information et l’assistance technique.
D’un autre côté, certaines politiques ou initiatives gouvernementales peuvent, par inadvertance ou pour d’autres raisons, détourner de l’activité entrepreneuriale. Il peut y avoir des dispositions qui découragent l’entrepreneuriat, ce peut être l’environnement fiscal et réglementaire, la législation du travail, les régimes de sécurité sociale, les lois sur les faillites, le système des droits de propriété, les marchés financiers et le régime de la propriété intellectuelle. On voit donc que l’un des facteurs fondamentaux qui déterminent les différences de niveaux d’activité entrepreneuriale entre les pays est l’existence et la qualité d’institutions qui favorisent l’émergence de l’entrepreneuriat. Les différences entre les taux d’entrepreneuriat des pays peuvent s’expliquer par les différences de politiques économiques et de conception des institutions officielles (lois et règlements) qui fixent les règles du jeu pour la conduite des affaires (Hall et Sobel 2008). Ce système d’incitations peut avoir comme résultat une hausse ou une baisse des niveaux soit de l’entrepreneuriat productif soit de l’entrepreneuriat improductif ou destructif (Baumol 1990) et, par la façon dont la règlementation affecte les réseaux sociaux, le statut du travail, les compétences entrepreneuriales et les attitudes à l’égard du risque, peut influencer la décision d’un individu de s’engager ou non dans l’entrepreneuriat d’opportunité (Ardagna et Lusardi 2008).
Il a été établi qu’il y avait plusieurs liens entre la liberté économique et les niveaux d’entrepreneuriat, ce qui donne à penser que la qualité des institutions compte pour la croissance des entreprises. Si le cadre institutionnel ne garantit pas la liberté économique, les gens qui veulent créer de nouvelles entreprises se trouveront confrontés à davantage de risques et d’incertitudes, se décourageront peutêtre et s’orienteront vers le secteur informel (Amorós 2009). Si le dispositif d’incitations, comme les droits de propriété, les politiques de l’épargne, la fiscalité, la réglementation du marché du travail, et les frais d’exécution des contrats et d’obtention de l’information encouragent les activités entrepreneuriales improductives (entreprises de subsistance) ou les activités destructives (recherche d’un avantage personnel), alors même une élévation des niveaux officiels d’entrepreneuriat aura comme résultat une baisse de la prospérité économique. Par exemple, les droits de propriété mal assurés encourageront l’entrepreneuriat improductif. Des institutions, comme le taux d’imposition élevé, déterminent la distribution de l’activité entre le secteur formel et le secteur informel de l’économie (van Stel et autres 2007) et la rigidité de la réglementation du travail et de la sécurité sociale vont à l’encontre de la croissance de l’emploi dans les PME et peuvent freiner le travail indépendant (Henrekson 2007). Au total, un accroissement de la liberté économique conduit à une élévation des niveaux d’entrepreneuriat (Sobel et autres 2007), notamment à diminuer le secteur de l’administration, à améliorer les structures juridiques, à assurer les droits de propriété et à diminuer la réglementation du crédit, du travail et des affaires (Nyström 2008). La taille du gouvernement assure le lien entre la liberté économique et les niveaux d’activité entrepreneuriale (Sobel et autres, 2007 ; Bjørnskov et Foss, 2008 ; Nyström, 2008). Un grand secteur d’administrations publiques (caractérisé par des taux d’imposition et niveaux d’investissement et de consommation publics élevés) a pour effet de diminuer les niveaux de l’activité entrepreneuriale.
Naudé (2009) soutient qu’un bonne gouvernance4 et des coûts plus faibles de lancement des start-up sont insuffisants pour promouvoir l’entrepreneuriat dans les pays en développement, en particulier l’entrepreneuriat d’opportunité. Les mesures proactives des pouvoirs publics pour améliorer la compétence des entrepreneurs sont justifiées, tout comme le sont les politiques de nature à créer un environnement favorable qui permette d’appendre et d’expérimenter l’entrepreneuriat; les mesures pour réduire les obstacles aux start-up, en particulier d’ordre financier; et, pour l’innovation, les politiques de soutien aux activités de recherche-développement et au capital-risque (Gries et Naudé 2008 ; Naudé 2009).
Les travaux de recherche GEM ont identifié un groupement de neuf conditions-cadre pour l’entrepreneuriat qui fixent le contexte permettant l’émergence de l’activité entrepreneuriale (Bosma et autres 2009) : soutien financier ; réglementations et politiques de l’administration ; programmes gouvernementaux : système éducatif et système de formation ; transfert de recherche-développement ; infrastructures des services commerciaux, juridiques et professionnels ; ouverture du marché intérieur ; facilités d’accès aux infrastructures physiques ; et normes sociales et culturelles. Dans la mesure où cela pourra avoir valeur de frein ou de stimulant, l’importance prise par l’une de ces conditions aura des incidences plus ou moins fortes sur l’effort déployé pour développer l’entrepreneuriat (Levie et Autio 2008).
Ce qui précède recommande d’accentuer les mesures spéciales destinées à faire éclore l’entrepreneuriat. Comme cela a été indiqué au chapitre 4, la plupart des 12 pays MENA poursuivent une politique de développement et de mise en œuvre des PME, mais selon les analyses de Stevenson et Lundström (2002) et de Lundström et Stevenson (2005), la politique d’entrepreneuriat couvre un domaine plus large. Bien qu’elles soient liées, la politique des PME et la politique d’entrepreneuriat sont distinctes. Elles diffèrent par leurs objectifs d’ensemble, leurs stratégies globales, leurs cibles, leur logique, les mesures et les périodes pour réaliser les résultats. La politique des PME a pour but principal de réduire les inégalités qui frappent les petites entreprises par des mesures de nature à combattre les désavantages dont elles sont victimes sur le marché en raison de leur petitesse et de la faiblesse de leurs ressources, et d’améliorer leur compétitivité. Ce sont les entreprises établies qui sont la cible principale. Les buts particuliers de la politique d’entrepreneuriat sont d’augmenter les niveaux de l’activité entrepreneuriale, d’optimiser la capacité des entreprises et de développer un environnement propice à l’émergence d’entreprises porteuses nouvelles et en phase de démarrage. Parce que les entreprises ne se créent pas d’elles-mêmes, il faut déplacer le centre de l’analyse et des décisions de l’entreprise vers l’entrepreneur individuel ou l’entrepreneur potentiel. L’accent mis sur les individus et non sur les entités est l’une des principales caractéristiques de différence entre la politique d’entrepreneuriat et la politique des PME. La figure 7.2 illustre les rapports réciproques qu’entretiennent ces deux domaines politiques, aux diverses phases du processus de développement des politiques d’entrepreneuriat et des PME. L’activité entrepreneuriale démarre avant que l’entreprise ne soit créée afin que la politique d’entrepreneuriat puisse être en vigueur aussi bien pendant la phase où l’idée de création prend corps et pendant celle qui précède sa création, aussi bien que pendant les phases de démarrage, de survie et de croissance. La politique des PME suppose qu’il y ait déjà des entreprises assistées ayant mis en place suffisamment de capacités pour absorber les avantages de n’importe quelle aide.
Le rôle et la forme appropriée de l’intervention des pouvoirs publics dépendront des défaillances du marché ou des carences systémiques ou culturelles auxquelles le gouvernement cherche à remédier et de la phase du processus de développement de l’entrepreneuriat ou de la PME. Cependant, l’assise d’une politique efficace des PME sera limitée s’il n’y a pas d’efforts pour favoriser le développement d’attitudes positives et une offre d’un nombre suffisant d’individus motivés, d’entrepreneurs débutants, de start-up et de jeunes entreprises émergentes. En d’autres termes, des politiques spécifiques pour encourager l’entrepreneuriat sont essentielles. Les politiques conçues pour améliorer l’environnement de l’entrepreneuriat amélioreront également les conditions de fonctionnement des PME existantes, si bien qu’à certains égards on peut considérer la politique d’entrepreneuriat comme la base de cette amélioration.
La figure 7.3 présente le cadre des politiques d’entrepreneuriat.5 Il comprend six domaines principaux : abaissement des barrières à l’entrée et à la sortie ; promotion de l’entrepreneuriat ; éducation à l’entrepreneuriat ; financement des nouvelles entreprises ; soutien non financier aux entrepreneurs émergents et nouvelles entreprises ; et mesures relatives aux groupes-cible. L’une des composantes de ce cadre portait également sur la recherche et sur le suivi et l’évaluation des politiques et des initiatives. La gamme des politiques retenues comme priorités par les divers gouvernements dépendra fortement du contexte de l’entrepreneuriat et de la force des PME existantes ainsi que du secteur entrepreneurial.
Figure 7.2 Interface entre politique de l’entrepreneuriat et politique des PME
Figure 7.3 Cadre des politiques de l’entrepreneuriat
Stevenson et Lundström (2002) ont dégagé quatre typologies dominantes de politiques d’entrepreneuriat, chacune spécifique d’un ensemble de facteurs contextuels d’un pays. Dans les pays qui ont déjà des niveaux élevés de travail indépendant et d’activité entrepreneuriale pour leur niveau de développement économique, comme le Canada, les USA et l’Australie, les gouvernements n’ont généralement pas de « politique entrepreneuriale » clairement identifiable. Ces sont des pays qui ont depuis longtemps des politiques de PME avec peu d’obstacles à la création d’entreprises et des cultures d’entrepreneuriat bien développées. Leur objectif est d’améliorer le niveau de prestation et de programmation des structures de soutien aux PME existantes pour répondre aux besoins des start-up et des nouvelles entreprises. Il arrive souvent que des initiatives particulières soient prises au bénéfice de groupes sous-représentés dans la population entrepreneuriale, par exemple les femmes, ou de groupes pour qui la création d’une entreprise pourrait être une solution au chômage, par exemple les chômeurs ou les handicapés. Le domaine dans lequel ces pays déploient généralement de sérieux efforts est celui de l’innovation, dont ils cherchent à élever le niveau. Dans ce cas, le programme d’actions comporte les mesures suivantes : simplifier les procédures pour les brevets d’inventions, garantir le niveau de la propriété intellectuelle et de la protection des droits, financer la recherche-développement et les processus de commercialisation de la phase de démarrage, stimuler un apport de capital-risque en phase de démarrage et promouvoir une culture de l’innovation. Il est important de noter qu’une politique d’entrepreneuriat axée sur l’innovation sera d’autant plus efficace qu’elle reposera sur une base déjà solide de PME et d’activité entrepreneuriale.
La seconde typologie met l’accent sur une politique conçue spécialement pour favoriser la création de nouvelles entreprises. C’est une approche qui est généralement répandue dans les pays où il y a des barrières administratives et réglementaires à la création d’entreprises et des mesures qui découragent l’entrepreneuriat et l’entrée de nouvelles entreprises dans le monde du travail, dans la concurrence, dans le régime fiscal et dans celui de la législation sur l’insolvabilité Bien que le niveau de travail indépendant soit élevé dans ces pays, ce qui est caractéristique des pays à faible niveau de développement, le niveau du chômage et la place du secteur informel sont également importants. Il peut également s’agir d’un pays oùla culture d’entrepreneuriat est faible en raison d’un récent passage à l’économie de marché. Le secteur des PME est probablement important mais sous-développé en termes de potentiel de production. Avoir une politique des PME est essentiel pour renforcer l’ensemble du secteur, mais la création de nouvelles entreprises est un pilier important de l’architecture du cadre de cette politique qui se doit de réduire le temps et les frais nécessaires pour créer une entreprise, de faciliter l’intégration dans le secteur formel des PME existantes et d’améliore l’accès au microcrédit, à l’acquisition des compétences entrepreneuriales et au service d’appui aux entreprises. L’objectif général est de créer des emplois. Par exemple, au début des années 2000, le gouvernement espagnol a lancé un certain nombre d’initiatives pour faciliter le processus de création de nouvelles sociétés et, par le biais de la coopération et de la coordination interministérielles, pour réduire les freins à l’entrepreneuriat dans le droit du travail, la fiscalité et le système financier. Il a aussi instauré des organismes d’information uniques, des guichets uniques pour l’enregistrement, des fonds de garantie mutuelle, des programmes d’éducation à l’entrepreneuriat dans l’enseignement secondaire et professionnel, des programmes de formation à l’entrepreneuriat pour les chômeurs, les jeunes et les femmes. Le gouvernement a également créé une nouvelle forme de personne morale, une « société autonome» pour encourager les entreprises de la microéconomie et de l’économie informelle à passer dans l’économie formelle. La société autonome est une forme d’entreprise à mi-chemin entre l’entreprise individuelle et la société à responsabilité limitée, dont les frais de création et la complexité juridique étaient minimaux, et dont le statut pouvait être maintenu pendant les deux premières années d’existence de l’entreprise.
La troisième typologie se caractérise par des politiques spécialement conçues pour accroître l’activité entrepreneuriale et les taux de start-up parmi des groupes spécifiques de la population. Il pouvait s’agir de groupes sous-représentés parmi les entrepreneurs, par exemple les femmes et les jeunes, ou de groupes à potentiel supérieur, comme les diplômés d’université, les chercheurs et les scientifiques. Il est manifeste que les USA et le Canada ont des politiques bien au point visant des groupes cible, par exemple, les femmes, les jeunes et les chômeurs. Cette forme de « politique entrepreneuriale de niche » est particulièrement appropriée là où l’assise des entrepreneurs et des PME est relativement solide et où la « stratégie de niche » accroîtra l’activité globale productrice de croissance et également la cohésion sociale.
La dernière typologie se caractérise par une approche holistique de la politique d’entrepreneuriat. Les pays qui adoptent cette approche ont des documents et des cadres qui définissent cette politique, exposent les objectifs, les cibles et les mesures pour élever le niveau de l’activité entrepreneuriale et du dynamisme de l’économie. Ce sont généralement des pays où les taux de propriété d’entreprises, de travail indépendant et d’entrée de nouvelles entreprises sont bas et la culture d’entreprise faible. Le cadre qui définit cette politique comprend généralement des mesures de nature à promouvoir la culture de l’entrepreneuriat, à réduire les obstacles à l’entrée, à la croissance et à la sortie d’entreprises, à intégrer l’entrepreneuriat au système éducatif, à améliorer l’accès au financement des start-up, de l’information sur les affaires, de l’assistance technique et des réseaux, à répondre aux besoins des groupes cible particuliers, dont les entrepreneurs novateurs. Les gouvernements qui adoptent cette approche s’efforcent de remédier à toute une série de carences : carences systémiques, sociales, éducatives, asymétries de l’information, carences des externalités et du marché. Au milieu des années 2000, le Danemark, la Finlande et le Royaume-Uni ont fourni de bons exemples de cette approche holistique.
Cette analyse des typologies fait apparaître, de toute évidence, que l’environnement compte pour beaucoup dans le choix d’une approche. Les 12 pays MENA ont généralement des taux de chômage assez élevés, une économie informelle importante, des secteurs de PME faibles et, peut-être, à l’exception du Liban, des cultures d’entrepreneuriat relativement faibles. Leur expérience de la politique d’entrepreneuriat est relativement récente, elle est même en phase d’amorçage dans certains cas. Selon les communautés européennes et l’OCDE (2008), seuls le Maroc et la Tunisie (parmi les huit des 12 pays MENA à avoir inclus dans leurs politiques des outils d’évaluation) sont allés jusqu’à fixer des orientations pour le développement des entreprises. L’idée d’une politique d’entrepreneuriat est un concept neuf dans ces contextes, où l’on ne compte que quelques initiatives isolées et fragmentaires. L’approche la plus appropriée est probablement de placer l’intégration au cœur des cadres existants des politiques des PME et d’en faire la stratégie de fond tout en y intégrant les objectifs et les mesures caractéristiques d’une politique holistique. L’autre solution est un cadre d’accompagnement pour compléter la politique existante des PME. Étant donné que se posent tant de questions d’ordre institutionnel, la mise en œuvre de politiques favorables à l’entrepreneuriat demandera une approche interministérielle.
La partie suivante expose en détail les objectifs et les mesures dans le cadre des politiques en faveur de l’entrepreneuriat présentées en figure 7.3 avec une brève référence aux pratiques actuelles en cours dans les 12 pays MENA.
Les principaux objectifs des politiques au service de l’entrepreneuriat sont de réduire les obstacles culturels et psychologiques et d’élever le statut de l’entrepreneuriat considéré comme une activité valorisante de la société. Une expérience positive de l’entrepreneuriat est un facteur important pour sensibiliser la population aux possibilités de création d’entreprises et à considérer l’entrepreneuriat comme un métier et un choix de carrière possibles, tout comme à renforcer la légitimité sociale de l’activité entrepreneuriale et à accentuer son niveau d’intérêt. Cela est particulièrement important dans les économies oùla culture d’entrepreneuriat est faible. À titre d’exemple, ces initiatives pourraient inclure des campagnes publicitaires visant à souligner la valeur de l’entrepreneuriat dans la création d’emploi et de prospérité économique, des reportages de médias traçant le portrait de l’entrepreneuriat et de modèles concrets, des distinctions pour reconnaitre et récompenser la réussite des entrepreneurs, et des évènements publics pour attirer l’attention sur les activités de l’entrepreneuriat et le soutien qui leur est disponible.
Dans le contexte des pays MENA, les efforts de promotion sont très importants parce que la légitimité sociale de l’entrepreneuriat n’est pas vraiment ancrée dans les mentalités. Cela est particulièrement évident dans des pays comme l’Algérie où seule une faible partie de la population adulte considère l’entrepreneuriat comme un choix de carrière souhaitable, voit les entrepreneurs comme ayant un statut social élevé et reconnaît que les médias présentent souvent des reportages de réussites de nouvelles entreprises (tableau 7.1). Bien que des pourcentages relativement élevés de la population adulte des pays MENA considèrent l’entrepreneuriat comme un choix de carrière souhaitable, un grand nombre préfèreraient vraiment être employés dans le secteur public. Les exceptions sont le Liban et le Maroc. La population adulte du Yémen se dit favorable à l’entrepreneuriat, cependant peu de gens préfèreraient, s’ils en avaient le choix, être travailleurs indépendants ou créer une entreprise dans les trois années à venir.
Tableau 7.1 Perceptions et attitudes envers l’entrepreneuriat, pays MENA
Un sondage réalisé par l’institut Gallup en 2009 auprès de près de 9000 jeunes des pays MENA a révélé qu’une forte proportion des 15-29 ans préféreraient devenir fonctionnaires plutôt que de travailler à leur compte, à égalité de salaire et de conditions de travail (Silatech 2009). Il n’y a qu’en Algérie, au Liban et au Maroc que le travail indépendant est la préférence des jeunes (figure 7.4). Dans ces trois pays, les taux de préférence pour le travail indépendant se rapprochent de la moyenne de 25 pays de l’UE, qui est de 44,6 pour cent (Gallup 2007). Les taux de préférence les plus faibles pour le travail indépendant sont chez les jeunes d’Égypte, du Yémen, d’Irak et de Syrie. L’héritage de la culture de l’emploi dans le secteur public continue de marquer les formes de travail désirées. Il est toutefois intéressant de noter que, en dépit des fortes préférences pour les emplois dans la fonction publique au Soudan, en Irak et en Tunisie, ce sont les jeunes de ces pays qui sont le plus susceptibles de déclarer qu’ils projettent de lancer leurs propres entreprises dans les 12 mois à venir.
Il y a très peu de gouvernements des 12 pays MENA qui font figurer dans leurs initiatives officielles la promotion de l’entrepreneuriat (selon la définition donnée ci-dessus). La Syrie est l’un de ces pays. Le gouvernement a intégré « la promotion des PME et des entrepreneurs » parmi les priorités de sa stratégie pour les PME (MEC 2009). L’objectif visé est de donner une image plus positive de l’entrepreneuriat et de faire en sorte qu’une carrière dans le secteur privé et dans l’entrepreneuriat soit perçue positivement. Des consultations organisées par le gouvernement syrien ont révélé que « la promotion de l’entrepreneuriat par les médias n’est ni positive ni efficace, qu’il y a peu de modèles inspirants de nature à promouvoir les aspects positifs de l’entrepreneuriat ; et (...) qu’il y a peu d’indications dans les médias syriens (…) d’endroits auxquels les entrepreneurs pourraient s’adresser pour avoir encouragements, soutien et conseils » (MEC 2009, p.61). Cette stratégie à mettre en œuvre comprendra une campagne de communication et de promotion en déployant tout un arsenal de documents et d’articles de presse. Les gouvernements d’Égypte, de Jordanie, du Liban et du Maroc ont conclu des partenariats avec le secteur privé et avec des ONG pour soutenir les activités de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat (Global Entrepreneurship Week) en 2009 et il y a, dans les divers pays, des exemples isolés d’organisation de concours d’entrepreneurs, de congrès et d’événements consacrés à l’entrepreneuriat. Il est probablement important, également, que, dans le contexte des pays MENA, les efforts promotionnels, quelle qu’en soit la forme, visent les agents de l’État car ils ont, eux aussi, besoin d’être sensibilisés à la valeur des entrepreneurs dans une société moderne. Plus les responsables politiques en seront conscients, plus ils orienteront les efforts et l’affectation des ressources vers le soutien à l’entrepreneuriat.
Figure 7.4 Préférences des 15-29 ans en matière d’emploi
L’éducation à l’entrepreneuriat est considérée comme l’un des déterminants du niveau de l’entrepreneuriat, comme un indicateur des performances de l’entrepreneuriat d’un pays (Levie et Autio 2008 ; OCDE 2009e). Cependant cet aspect n’a vraiment retenu l’attention qu’au cours de la dernière décennie (Stevenson et Lundström 2002). Cette politique d’éducation a pour objectif de promouvoir l’esprit d’entreprise dès le plus jeune âge, de faire de l’entrepreneuriat une compétence clé à acquérir dans l’enseignement primaire et secondaire et d’exposer les étudiants aux principes et aux pratiques de l’entrepreneuriat et de la création d’entreprise à tous les niveaux du système éducatif. La logique qui sous-tend les efforts de formation à l’entrepreneuriat est que l’entrepreneuriat est un mode de pensée, un comportement et un jeu de compétences et que tout cela s’apprend. On espère que la formation à l’entrepreneuriat accroîtra les ressources en entrepreneurs par le biais de trois mécanismes : effet sur les dispositions naturelles et sur les comportements (mentalités) ; amélioration des capacités cognitives permettant de reconnaître et d’évaluer les opportunités ; et acquisition des compétences requises pour lancer et développer une entreprise (Levie et Autio 2008). En introduisant la formation à l’entrepreneuriat dans les programmes scolaires, les pays peuvent se constituer un potentiel et des capacités pour l’entrepreneuriat. Bien que les faits prouvent que les étudiants qui suivent les cours de formation à l’entrepreneuriat se destinent plus souvent à devenir des entrepreneurs, les compétences et les connaissances acquises pendant ces cours assurent une meilleure préparation à toutes les formes d’emploi.
Pour concevoir une stratégie de formation à l’entrepreneuriat, il faut : libéraliser le système éducatif afin d’enseigner la créativité et la résolution de problèmes et l’acquisition personnelle de connaissances ; élaborer un programme et prévoir des supports en rapport avec l’entrepreneuriat et adaptés à l’âge des étudiants ; former les enseignants à l’utilisation de ces ressources ; enseigner aux étudiants l’art et la manière de lancer et de gérer une entreprise dans le cadre d’un programme de formation professionnelle ; et soutenir les activités parascolaires pour que les étudiants soient exposés à la pratique du métier. On trouvera dans Stevenson et Lundström (2002), OCDE (2009b) et CE (2009) une description des bonnes méthodes de conception d’une formation à l’entrepreneuriat dans les pays développés.
La formation théorique et pratique à l’entrepreneuriat est un domaine de la politique en faveur de l’entreprise dans lequel les pays MENA ne réussissent pas très bien selon les évaluations de l’OCDE sur les progrès dans la mise en œuvre de la Charte euro-méditerranéenne pour l’entreprise (Communautés européennes et OCDE 2009). Avec un score de trois sur cinq, la Tunisie se comportait mieux que les autres pays (voir chapitre 4). La promotion de l’entrepreneuriat et des compétences entrepreneuriales clés sont au cœur même de la Stratégie d’éducation nationale en Tunisie et les compétences théoriques et pratiques afférentes sont enseignées dans les établissements secondaires. La charte nationale d’éducation et de formation du Maroc met l’accent sur l’esprit d’entreprise et sur les programmes de formation professionnelle et enregistre des progrès au niveau secondaire grâce à l’initiative « une école, une entreprise ». Les autres pays de la région MENA n’ont pas autant progressé. En 2009, le ministre égyptien de l’éducation a approuvé l’extension dans les établissements secondaires du programme de l’OIT « Connaître les affaires » (Know About Business, KAB) à la suite du succès du programme pilote en 2007-2008, et le ministre de l’enseignement supérieur appuie l’intégration de la formation à l’entrepreneuriat dans les programmes d’enseignement des écoles d’ingénieurs et des diverses universités. La fondation européenne pour la formation travaille avec le ministère syrien de l’Éducation et le ministre de l’Enseignement supérieur pour promouvoir la formation à l’entrepreneuriat dans les écoles et les universités. Cette initiative sera appuyée par la nouvelle stratégie pour les PME (MEC 2009). Au Liban, le ministère de l’Éducation a permis l‘accès à INJAZ Liban à toutes les écoles publiques pour qu’elles puissent assurer des cours ayant trait à l’entrepreneuriat.
Ces efforts sont récents et n’ont pas encore eu le temps d’avoir un impact sur le socle des connaissances de la population. Il n’y a qu’une très faible proportion de la population adulte des pays MENA à avoir, pendant sa scolarité, suivi des cours sur les procédures de création des entreprises : en général moins de 5 pour cent (CDI 200), alors que la moyenne est supérieure à 11 pour cent dans les pays plus développés, la Colombie, l’Équateur, le Chili, la Belgique et la Slovénie dépassant les 20 pour cent (Bosma et autres 2009).
Les efforts pour initier les étudiants au monde de l’entreprise dans les pays MENA sont plus fréquents dans les activités parascolaires. Les ONG, par exemple, INJAZ, l’Association des jeunes entrepreneurs syriens, la Fiducie pour le développement de la Syrie, le Centre de la Reine Rania pour l’entrepreneuriat en Jordanie et l’Egyptien Junior Business Association, sont parmi celles qui jouent un rôle clé dans la promotion de l’entrepreneuriat comme possibilité de carrière pour les jeunes. INJAZ, qui est affilié à l’organisation internationale Junior Achèvement, propose ses programmes d’enseignement théorique et expérientiel à plus de cent écoles en Jordanie et plusieurs en Égypte, au Liban et en Syrie. Des programmes particuliers pour des pays précis sont proposés par les organismes suivants : le programme BADER pour les jeunes entrepreneurs au Liban et les projets de promotion de l’entrepreneuriat et de formation BIDAYA et SHAHAB en Syrie. Des sociétés d’entrepreneurs ont été constituées par des étudiants dans les universités, par exemple, l’université de technologie Princesse Sumaya en Jordanie (PSUT) et l’université américaine du Caire. D’autres universités manifestent un intérêt croissant pour cet aspect des choses, mais le meilleur appui sera celui des directeurs d’études et des entrepreneurs locaux.
Ce domaine de la politique de l’entrepreneuriat a comme objectifs d’éliminer les obstacles à l’entrée et à la sortie d’entreprises, de simplifier les procédures administratives pour la création et le fonctionnement d’une entreprise, de supprimer les mesures qui risquent de détourner du travail indépendant et de démotiver l’entrepreneuriat et qui figurent souvent dans la législation du travail et les régimes fiscaux. Les restrictions bridant les entrées et les sorties entravent les processus du marché, dissuadent de faire enregistrer les entreprises nouvelles et favorisent la corruption et la recherche d’avantages personnels. Les politiques gouvernementales qui tentent de limiter la concurrence ont pour effet de réduire le niveau de l’entrepreneuriat, les combinaisons du marché des nouveaux produits et l’innovation (Sobel et autres 2007). D’un autre côté, s’il n’y pas de restrictions réglementaires, le marché tend vers la concentration. Si les lois sur la concurrence et les politiques publiques sont insuffisantes pour mettre un frein aux pratiques anticoncurrentielles des entreprises en place, alors il y aura, de la part des entreprises dominantes, collusion et abus de pouvoir du marché, ce qui interdira l’entrée sur le marché (Joekes et Evans 2008) ; Sekkat 2008, 2010).
La simplification de la réglementation relative à l’entrée des entreprises et des procédures moins onéreuses a pour effet d’augmenter l’arrivée de nouvelles entreprises et de réduire l’ampleur du secteur informel (Djankov 2008). Les frais élevés de lancement des start-up ont cette double conséquence, la baisse du nombre d’entrepreneurs et la hausse du chômage (Naudé 2008). Nous avons déjà établi le lien entre l’entrepreneuriat et la qualité des institutions. La qualité des règles dans le système réglementaire et juridique du secteur formel (fortement associée aux libertés économiques) peut avoir un impact sur le niveau, le type, et la répartition des activités entrepreneuriales.
L’ensemble des politiques réglementaires ayant trait à l’amélioration de l’environnement des petites entreprises a une longue histoire qui remonte à la fin des années 70. En tant que question liée à l’entrepreneuriat, il suscite un intérêt considérable dans les pays de l’OCDE et de l’UE depuis la fin des années 90 (Stevenson et Lundström 2002). Depuis cette époque, les gouvernements de ces pays analysent, amendent et réforment les législations, les réglementations et les procédures existantes et soumettent des propositions de législation et de réglementation nouvelles à l’évaluation de leur impact possible sur les entreprises nouvelles et sur les PME existantes. En particulier, les barrières à l’entrée sur le marché, les marchés réglementés, la réglementation des administrations publiques, et la complexité des procédures administratives et de la fiscalité sont autant d’obstacles auxquels se heurtent les entreprises nouvelles et celles qui sont en phase d’amorçage. Flexibilité des marchés du travail, rationalisation des normes administratives (réduction du temps et des frais), simplification des politiques fiscales et des systèmes de notification, réforme de la législation sur l’insolvabilité, telles sont certaines des dispositions qui peuvent le plus contribuer à accroître les niveaux d’activité entrepreneuriale. Le processus d’ajustement de la réglementation est en cours. Les pays du monde entier, y compris les économies avancées, sont engagés dans une course pour parvenir en haut du classement de l’indice de la facilité de faire des affaires établi par la Banque mondiale, et qui indique les places perdues et gagnées en une année.
Les 12 pays MENA ont un long chemin à parcourir pour améliorer l’environnement réglementaire et administratif des PME et des entrepreneurs. Nombre des lois existantes et des réglementations des affaires ont été élaborées sous les régimes de l’économie planifiée et ne sont pas appropriées au contexte de l’économie de marché. Le coût à payer pour l’économie est l’ampleur du secteur informel, à la fois en ce qui concerne les entreprises et l’emploi. Le processus des entrées et sorties d’entreprises dans les pays MENA n’a pas le dynamisme des pays en transition de l’Europe de l’Est, à l’exception de la Turquie (Sekkat 2010). L’intensification du processus de « destruction créatrice » en encourageant les nouvelles entrées et en facilitant le processus de sortie des entreprises improductives demande ample réflexion.
Dans la plupart des 12 pays MENA, les gouvernements ont entrepris des programmes massifs de réformes depuis 2000 pour procéder à des ajustements de leurs environnements réglementaires. Des guichets uniques ont été instaurés pour faciliter les procédures d’enregistrement des entreprises, le droit des sociétés et les codes du commerce ont été amendés, la fiscalité a été simplifiée et les systèmes d’inscription au cadastre ont été institués ou améliorés. La plupart des 12 gouvernements MENA ont lancé de vastes programmes de réformes de la réglementation pour améliorer le climat des affaires, dont l’un portait sur la préparation de la stratégie de la guillotine en Égypte et en Syrie. Les progrès n’ont pas été aussi marqués en ce qui concerne la politique de la concurrence6, la législation sur l’insolvabilité, la flexibilité du marché du travail, la protection et le respect des droits de propriété, comme le montrent les résultats des évaluations de l’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale et de l’indice de liberté économique.
Il y a un domaine réglementaire auquel les économies avancées se sont déjà attaquées, c’est la réglementation des banques et des institutions non bancaires afin d’améliorer l’accès au financement pour les PME et les nouvelles entreprises. C’est une action qu’il faut absolument que les 12 pays MENA entreprennent. Des cadres pour la réglementation des institutions de microfinance sont en place en Jordanie et en Syrie, les gouvernements égyptien et turc ont élaboré des lois sur la microfinance, et le Yémen a adopté une loi sur les banques de microfinance qui ont ouvert la porte aux microéconomies. À d’infimes exceptions près, les bourses, lorsqu’elles existent sont petites et sont inflexibles en ce qui concerne l’entrée en bourse des petites entreprises. Il est rare qu’il y ait des cadres réglementaires pour le capital-risque et pour la microfinance (le Maroc et la Jordanie étant des exceptions), bien que certains pays s’efforcent de changer cela.
Il est de la plus haute importance pour ces pays d’achever l’inventaire des lois et des procédures existantes afin d’éliminer ce qui décourage l’activité entrepreneuriale (dans les domaines affectant les libertés économiques) et d’appliquer le principe de « penser d’abord petit » à toutes nouvelles législations et réglementations. Il est également essentiel qu’ils fassent en sorte que le public ait accès à une information claire sur les réglementations et les procédures pour créer ou fermer une entreprise.
C’est un fait bien connu que les entrepreneurs ont des difficultés à se procurer les fonds nécessaires pour le lancement d’une nouvelle entreprise, en particulier faute de nantissement ou d’antécédents favorables dans les affaires. Pour remédier aux défaillances du marché en matière d’attribution des ressources pour créer de petites entreprises nouvelles, les gouvernements de nombreux pays mettent au point des mesures pour combler cette lacune. Ces mesures peuvent prendre la forme de fonds de micro-prêts, de fonds de départ, de plans de garantie soutenus par le gouvernement pour encourager les banques à prêter ou de programmes d’incitation pour stimuler les investissements en capital-risque dans les phases d’amorçage des entreprises à potentiel de croissance. Il y a beaucoup plus de formes ou de sources de financement pour les nouvelles entreprises et les PME dans les pays développés que dans les pays en développement. Les marchés financiers et les marchés des capitaux sont plus étoffés et plus complètement développés et il y a une plus longue histoire de prêts bancaires aux PME et aux entreprises à risque.
Dans les 12 pays MENA, il n’y a pas cette diversité ni cette profondeur des sources de financement pour les PME et les nouvelles entreprises. La très grande majorité des nouvelles entreprises démarrent sans pouvoir bénéficier d’un quelconque financement officiel extérieur. Le principal instrument de financement est le microcrédit et la pénétration du marché potentiel est lente. Les recherches entreprises en 2009 par le Global Entrepreneurship Monitor dans sept pays MENA révèlent que moins de la moitié des nouveaux entrepreneurs comptent financer le lancement de leur entreprise par leurs propres fonds (CRDI 2010). Il y a beaucoup plus de chances que ceux qui font appel aux autres empruntent à leurs proches parents et à leurs relations plutôt qu’aux banques, aux prestataires de microfinance ou demandent à bénéficier de programmes gouvernementaux. Les situations varient quelque peu d’un pays à l’autre. Par exemple, il est probable que le financement des nouvelles entreprises en Algérie sera assuré par les banques beaucoup plus que dans les autres pays et qu’au Yémen, ce sera par les prestataires de microfinance.
Comme nous l’avons vu au chapitre 4, la microfinance est bien implantée au Maroc, en Tunisie et en Cisjordanie et Gaza, moyennement en Égypte et est à l’état embryonnaire en Algérie, en Jordanie, en Syrie, au Liban et au Soudan. Bien qu’il soit possible d’obtenir un peu de microcrédit auprès des agences gouvernementales, ce sont les bailleurs qui assurent la quasi-totalité de ce crédit et les ONG qui l’attribuent. Les faits donnent également à penser qu’il est plus facile pour les PME que pour les nouvelles entreprises d’avoir accès au microcrédit (PlaNet Finance 2008). Il existe des programmes de garantie des pouvoirs publics dans la plupart des pays mais on ne sait pas qu’elle en est la portée ni l’impact. Des initiatives particulières pour financer les start-up de diplômés ou de jeune au chômage sont soutenues par les pouvoirs publics en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Turquie. L’industrie du capital-risque est faible dans tous les pays sauf au Maroc, en Tunisie et en Turquie, bien qu’il existe des fonds de développement technologique dans quelques un des pays pour assurer le financement de lancement des nouvelles entreprises à forte intensité technologique ou axées sur les TIC. Le manque d’agences d’évaluation du crédit empêche les banques d’évaluer le risque que peuvent présenter comme clients les nouveaux entrepreneurs, même si elles étaient prédisposées à prêter sur ce marché. D’après les évaluations de l’OCDE, des progrès ont été réalisés en matière de politique d’accès au financement en Égypte et au Maroc, la Syrie étant la moins bien lotie à cet égard (Communautés européennes et OCDE 2008).
Pour améliorer les disponibilités de financement pour les nouvelles entreprises dans les pays MENA, il faudrait développer les programmes de microfinance, explorer la possibilité d’accroître les plans de financement islamiques, inciter à l’instauration de fonds de départ et de capital-risque, encourager plus vigoureusement les banques à proposer des crédits aux nouvelles entreprises et aux entreprises en phase d’amorçage (assouplir les conditions de garantie pour le crédit, former les dirigeants des banques aux procédures de prêts aux PME), concevoir des systèmes de diffusion de l’information sur le crédit, informer les entrepreneurs des types et des sources de financement et proposer des programmes de formation financière et économique pour permettre aux PME et aux nouveaux entrepreneurs d’être mieux armés pour attirer le financement extérieur.
L’objectif des services d’appui aux entreprises (entendus comme apport d’informations, de conseils, de guidance, de formation à la gestion d’entreprise, de mentoring et d’assistance technique) est d’aider les nouveaux entrepreneurs et les nouvelles PME à acquérir des connaissances, des compétences et du savoir-faire. Si les pouvoirs publics agissent dans ce domaine, il est manifeste que c’est parce que les actions de conseils professionnels et de formation ont un impact sur les taux de survie et de croissance des entreprises. Dans des conditions de marché idéales, ces services seraient fournis aux entrepreneurs et aux PME par le secteur privé à des prix abordables. Cependant, la réalité est que, tant que l’entreprise n’a pas atteint un certain niveau de prospérité, les entrepreneurs n’ont pas les moyens de s’offrir les services de sociétés de conseil ou de formation, ou n’ont pas conscience de la valeur de ces services. C’est là un signe d’une certaine forme de carence du marché ou de l’asymétrie de l’information. Cette situation est particulièrement aiguë dans les pays en développement parce que la capacité du secteur privé à fournir ces services aux PME et aux nouvelles entreprises est très faible. Donc, il est justifié que les pouvoirs publics aient un rôle à jouer dans ce domaine et que la création d’un marché privé soit envisagée.
Les types d’information et de guidance dont les entrepreneurs ont besoin dépendront de l’état de développement de leur entreprise. Les entrepreneurs émergents qui veulent se faire aider à affiner la vision de leur affaire ou à évaluer le potentiel d’une opportunité auront des besoins sensiblement différents de ceux d’un entrepreneur déjà établi qui veut s’introduire sur les marchés internationaux. Les gouvernements des économies développées disposent généralement de systèmes d’appui aux entreprises qui sont bien au point, solidement établis et coordonnés, et qui répondent aux besoins de groupes d’entrepreneurs à différents stades de développement de leurs entreprises. Ces systèmes de soutien pourraient porter sur les points d’entrée aidant les nouveaux entrepreneurs à accéder à une information pertinente concernant le lancement d’une entreprise ; à des portails en ligne pour les entrepreneurs émergents; aux centres d’entreprises et d’entrepreneuriat pour aider les entrepreneurs potentiels à reconnaître leurs ambitions et leurs aptitudes, à exploiter les idées qu’ils ont et les opportunités qui s’offrent à eux dans le domaine des affaires ; à se former aux techniques de ‘juste à temps’ et à la flexibilité dans la gestion de l’entreprise ; à accéder aux centres de conseils pour entreprises, qui effectuent des diagnostics et prodiguent des conseils ; aux pépinières d’entreprises qui fournissent espace, intégration à un réseau et conseils ; aux centres de technologie et d’innovation qui aident au transfert de technologie et aux activités de commercialisation.
Pour que ces divers services soient fournis efficacement, il faut un réseau de prestataires institutionnels et un socle de professionnels possédant les connaissances et les compétences requises. Les gouvernements d’un certain nombre de pays mettent au point les normes professionnelles pour que les services d’appui aux entreprises soient assurés et investissent dans le développement professionnel pour améliorer les niveaux de performance. Le Royaume-Uni est un bon exemple de ces pratiques, mais il y a également des instituts de formation de conseillers en entreprise et des créations de conseillers agréés de petites entreprises dans nombreux pays en Europe et partout dans les pays de la Coopération économique AsiePacifique (APEC), dont l’Indonésie et la Malaisie.7
Le système d’appui officiel, qu’il s’agisse de guidance, de conseil, de recommandation et d’information à l’intention des nouveaux entrepreneurs n’est très développé dans aucun des 12 pays MENA, comme cela a été souligné au chapitre 4. Outre les différentes possibilités d’accès aux systèmes d’appui gouvernementaux au niveau national, les ONG et les associations professionnelles jouent un rôle dans l’offre de conseils aux entreprises et de formation. La plupart de ces services sont fortement tributaires du financement des bailleurs, et si ce soutien des bailleurs est précieux pour la mise en place de capacités institutionnelles, un vide se produit dans les services aux entrepreneurs et aux PME quand le programme de financement parvient à son terme. Les questions de capacités, de coordination, de l’éventail de services offerts et de leur qualité, de l’accès au financement et aux zones rurales reviennent sans cesse dans le système d’appui aux entreprises. Dans sept des 12 pays MENA, il y a moins de 10 pour cent des entrepreneurs en phase d’amorçage qui utilisent les services de conseils des agences officielles, des ONG et des associations professionnelles. La grande majorité des chefs d’entreprise des entrepreneurs émergents ont recours à leurs réseaux informels de familles et d’amis lorsqu’ils ont besoin de conseils (CRDI 2010), ce qui est beaucoup plus que dans les pays développés. Ce qu’il faudrait, c’est une analyse par pays des capacités institutionnelles du système d’appui aux entreprises pour identifier les domaines qui appellent à amélioration.
Divers types de programmes de formation à l’entrepreneuriat et à la gestion d’entreprise sont proposés et assurés, essentiellement avec le soutien de bailleurs. Les pays utilisent les ressources de formation de l’OIT et de l’IFC et les méthodes internes mises au point par les ONG pour accroître la compétence des entrepreneurs et des propriétaires de PME. Là encore se posent les questions de coordination, de portée et de capacité. Un socle de formateurs et de conseillers compétents se constitue petit à petit dans le secteur privé, mais la tâche demeure immense.
Il faudrait réfléchir à la possibilité de créer des réseaux des centres d’entrepreneuriat ou d’entreprises ; d’ouvrir des guichets uniques pour renseigner sur les marchés, les opportunités commerciales, les fournisseurs, les démarches à accomplir pour créer une affaire et les services d’orientation ; de conclure des partenariats avec les organisations du secteur privé et les associations professionnelles et de renforcer leurs capacités à fournir un appui approprié de qualité aux entrepreneurs nouveaux et à ceux dont l’entreprise est en phase d’amorçage ; d’encourager les entrepreneurs qui réussissent à servir de mentors aux entrepreneurs émergent et aux entreprises en début de phase de croissance ; et de multiplier le nombre d’incubateurs pour fournir des installations et des conseils aux nouvelles entreprises. Ces services devraient être constamment disponibles et pouvoir être fournis aux entrepreneurs des zones rurales aussi bien qu’urbaines.
La majorité des gouvernements des pays en développement prennent des mesures pour accroître la participation de groupes de la population sousreprésentés dans les activités entrepreneuriales et parmi les propriétaires de PME. Une analyse pour savoir quels groupes de la population ont des taux inférieurs à la moyenne pour ce qui est des lancements et des propriétés d’entreprises révèlera souvent que ce sont ceux qui n’ont pas un accès équitable aux ressources nécessaires, aux opportunités, au savoir et au soutien. Les groupes particuliers à cibler diffèrent d’un pays à l’autre selon le contexte. Aux USA, par exemple, les taux de propriété d’entreprises, plus faibles parmi les Hispano-Américains et les AfroAméricains, ont conduit la Small Business Administration à mettre en œuvre des politiques et des mesures de nature à lever les obstacles à l’accès aux compétences, au financement et aux marchés. Le gouvernement US a également institué des programmes sur l’entrepreneuriat spécialement destinés aux anciens combattants.
Les pouvoirs publics de nombreux pays ont mis en place des politiques spéciales pour la formation des femmes à l’entrepreneuriat, certains datant du début des années 80. Le travail indépendant était un moyen pour l’afflux des femmes occidentales entrant dans la population active de se créer des emplois utiles à une époque où sévissait la discrimination dans les pratiques d’embauche du secteur privé. Cependant nombre de ces femmes n’avaient ni l’habitude du travail, ni l’expérience de la gestion, ni la possibilité d’accéder aux réseaux d’entreprises dominés par les hommes, avaient des difficultés pour bénéficier du financement des banques pour leurs entreprises, et se heurtaient à tout un ensemble de barrières sociales et culturelles, qui n’étaient pas sans ressembler à ce que connaissent actuellement les femmes des pays MENA. Des dispositions législatives pour donner aux femmes le droit d’avoir accès au crédit en leur nom propre sans l’obligation d’un cosignataire masculin, des efforts pour changer les attitudes à l’égard du rôle des femmes dans l’économie, des centres de développement d’entreprises destinés aux femmes, des réseaux de formation et des fonds de garantie pour prêts dédiés, telles ont été certaines des mesures de politique générale adoptées pour réduire les inégalités qui frappaient les femmes (Stevenson et Lundström 2002).
Les chômeurs et les jeunes constituent d’autres groupes fréquemment ciblés par les actions de la politique d’entrepreneuriat. Cette initiative, considérée comme une alternative sérieuse à l’emploi pour un certain pourcentage de chômeurs, a l’appui des pouvoirs publics au Canada, aux USA, au Royaume-Uni, en Suède et dans bien d’autres pays qui ont des systèmes d’assurance chômage. En incitant les chômeurs à participer aux programmes de formation à l’entrepreneuriat qui les aideront à trouver des idées d’entreprise et des stratégies d’entrée, on peut les aider à réintégrer le marché du travail. Les politiques destinées à aider les jeunes à devenir entrepreneurs reposent sur le constat qu’ils n’ont pas conscience que l’entrepreneuriat peut offrir une possibilité de carrière, qu’ils manquent d’expérience et de savoir-faire dans ce domaine et qu’ils ont des difficultés d’accès au financement extérieur. La réponse que les pays développés ont apportée à ces problèmes a été de promouvoir l’entrepreneuriat auprès des jeunes, d’instituer des centres d’entreprises pour jeunes, de créer des plans de financement spéciaux pour jeunes entrepreneurs et de soutenir la formation de réseaux de jeunes entrepreneurs.
La nature des défis que posent l’emploi des jeunes et l’inégalité hommes/ femmes dans les 12 pays MENA a été exposée aux chapitres 3 et 4. Pour assurer le développement du secteur privé et garantir un emploi futur aux jeunes et aux femmes, il faudra concevoir des stratégies plus globales. Les gouvernements d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et de Turquie, en particulier, ont des programmes nationaux pour soutenir les jeunes entrepreneurs, par exemple le programme Moukalatawi au Maroc et l’ANSEJ en Algérie, dont il est question au chapitre 3. Les politiques nationales dans les 12 pays mettent beaucoup moins l’accent sur l’entrepreneuriat des femmes, et on trouve peu d’exemples de bonnes pratiques. Étant donné le nombre de jeunes, hommes et femmes, ayant un bon niveau d’instruction, qui vont arriver sur le marché du travail des pays MENA au cours de la prochaine décennie et le manque d’emplois disponibles dans le secteur public et le secteur privé, les gouvernements feraient bien d’accentuer leurs efforts pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies ciblées de développement de l’entrepreneuriat.
Ces remarques complètent une brève description des six domaines de la politique d’entrepreneuriat. Étant donné la nature du secteur privé et le développement des PME et de l’entrepreneuriat dans les 12 pays MENA, il apparaît qu’il faudrait insister davantage sur la nécessité de favoriser le développement d’une société entrepreneuriale, de pousser les gens à considérer l’entrepreneuriat comme choix de carrière viable et de fournir le soutien nécessaire aux nouvelles entreprises et à la croissance d’entreprises viables. Les défis d’une politique d’entrepreneuriat de haut niveau sont les suivants : accroître le nombre d’entrepreneurs et de PME du secteur formel pour accélérer la croissance du socle des entreprises privées, améliorer la capacité et la qualité des nouveaux entrepreneurs pour qu’ils créent des start-up plus fortes et plus axées sur les opportunités avec des taux de survie et un potentiel de croissance plus élevés, et améliorer les possibilités d’accès aux ressources et aides nécessaires et pour lancer et développer des entreprises qui réussissent. Cela signifie que, pour les 12 pays MENA, l’approche la plus appropriée est une politique holistique et intégrée de l’entrepreneuriat, mais étroitement liée à une stratégie globale des PME qui vise à instiller des attitudes et des pratiques innovantes dans les entreprises existantes, en particulier dans les microentreprises, valoriser les compétences de gestion et la compétitivité des PME existantes et accroître le pourcentage des entreprises à forte croissance axées sur l’innovation.
Le développement du secteur privé est un moteur très important de l’emploi et de la croissance économique dans les 12 pays MENA. Cependant, il reste relativement faible et concentré sur un petit nombre de grandes entreprises qui ont bénéficié de politiques protectionnistes et sur un grand nombre de très petites entreprises qui ont un accès limité au financement officiel, aux marchés et aux programmes de soutien des pouvoir publics. Le secteur privé est fort peu compétitif sur les marchés mondiaux et sa croissance est entravée par l’importance des dispositions qui échappent à la réglementation officielle. La Banque mondiale a dégagé les principaux problèmes structurels qui sont des obstacles à l’investissement et à la croissance des entreprises privées de la région MENA :
• l’environnement réglementaire et administratif des affaires, qui freine, l’entrée, la sortie, la croissance et la concurrence ;
• le manque d’accès au financement et autres soutiens aux entreprises ;
• une logistique et des infrastructures qui ne facilitent pas les échanges commerciaux ;
• le manque d’accès aux terrains et les frais et la complexité et de l’enregistrement des droits de propriété ;
• le poids toujours écrasant du rôle et de l’intervention de l’état dans l’économie.
Ces questions et d’autres affectant le DSP, telles que l’accroissement du nombre d’entrepreneurs et le renforcement de la capacité entrepreneuriale de la population, sont parmi les actions de première priorité à entreprendre. Il y a toutefois une diversité considérable entre les pays MENA, comme le souligne constamment ce livre. Il a beau y avoir quelques carences communes concernant le DSP, par exemple, la faible représentation des femmes dans l’activité entrepreneuriale, la qualité relativement médiocre des systèmes éducatifs, la réglementation bureau-cratique et l’absence de financement extérieur officiel, il y a des différences considérables entre les contextes et les capacités des pays. Ce sont donc des réponses politiques sur mesure qu’il faut.
La partie 1 décrit le cadre du DSP, analyse les défis économiques et sociaux auxquels sont confrontés les 12 pays MENA, compare les performances de chacun au regard du DSP et souligne à quel point il est crucial, pour la croissance future de renforcer leur capacité entrepreneuriale. La conclusion est que le développement entrepreneurial a été un domaine négligé du DSP. Ce qu’il faut, c’est un ensemble de politiques et de stratégies pour libérer le potentiel entrepreneurial de chaque pays et qu’elles soient accompagnées de politiques de statut élevé de nature à développer les PME existantes et à améliorer leur compétitivité. Il est temps que le développement des PME et de l’entrepreneuriat vienne au premier plan des préoccupations des pouvoirs publics.
Étant donné que le contexte de chaque pays est différent au regard des niveaux de capital humain, de la stabilité politique, des orientations et des initiatives politiques du moment, de la qualité des institutions, des structures de soutien financier et non financier, des niveaux de l’activité entrepreneuriale et de la capacité de développement du secteur public, les mesures à prendre pour aller de l’avant doivent être dictées par la situation de chaque pays. Toutefois, dans une perspective globale, plusieurs priorités se dégagent.
1. Investir pour élever le niveau moyen d’instruction de la population. Cela sera payant en termes de développement du capital humain et a son importance pour le développement et la croissance du secteur privé. Le contenu du programme éducatif est une question cruciale pour améliorer le savoir, les compétences, la qualité et la capacité des propriétaires de PME et des nouveaux entrepreneurs, et cela assure, en outre, qu’ils auront accès à une main-d’œuvre qui a les qualifications requises pour répondre aux demandes d’une économie moderne. En plus des investissements pour élever le niveau général de l’instruction de la population des 12 pays MENA, il faudrait accélérer les efforts d’intégration de l’entrepreneuriat dans les programmes scolaires. La qualité des résultats de l’enseignement de l’entrepreneuriat a une influence directe sur le niveau futur de l’activité entrepreneuriale. Cela implique l’établissement de liens solides entre le ministère de l’Économie et celui de l’Éducation. Il n’y a qu’une petite minorité de la population à avoir déjà suivi un enseignement de l’entrepreneuriat dans le système éducatif et une formation sur la création d’une entreprise, ce qui fait que, lorsque les gens se lancent dans une activité entrepreneuriale, ils le font avec des connaissances formelles limitées. Il est impératif d’investir dans le développement des compétences entrepreneuriales et dans le potentiel des jeunes hommes et des jeunes femmes.
2. Faciliter au maximum l’accès au financement. Dans les pays MENA, les entrepreneurs démarrent généralement avec peu de capitaux et n’ont guère la possibilité de faire appel au financement extérieur pour développer leurs nouvelles entreprises ou la croissance de leurs entreprises. La situation se trouve exacerbée par les problèmes que posent les contraintes de nantissement, les droits de propriété, l’enregistrement de la propriété et l’information sur le crédit. Les systèmes bancaires des pays MENA sont peu disposés à s’intéresser au secteur des petites entreprises et les autres solutions aux problèmes financiers sont, le plus souvent, peu nombreuses, en particulier pour le financement à moyen terme et à plus long terme dont les entreprises en expansion ont besoin. Les systèmes de garantie ne font guère changer le comportement des banques en matière de prêts et les marchés du capital d’amorçage et du capital-risque sont sous-développés.
3. Abaisser les barrières à l’entrée des nouvelles entreprises. Cette question croise des questions d’ordre réglementaires et procédurales. Il faut accentuer la concurrence par la dérégulation sectorielle, la poursuite de la privatisation des entreprises étatisées et l’application plus efficace d’un politique concurrentielle pour réduire le pouvoir des monopoles sur les marchés et autres activités anticoncurrentielles. Il faut accentuer la simplification des lois, des règlements et des procédures qui régissent les enregistrements des entreprises et les autorisations et rationaliser les processus pour faciliter l’entrée des nouvelles entreprises et la sortie d’entreprises. Il faut également des mesures d’incitation pour qu’un grand nombre d’entreprises du secteur informel passent dans le secteur formel. Il est nécessaire de réduire les coûts du travail non salariaux et autres rigidités du marché pour favoriser l’embauche et la création d’emplois dans le secteur formel.
4. Développer au maximum les systèmes et les infrastructures institutionnelles d’appui pour fournir des services non financiers et une assistance technique aux nouveaux entrepreneurs, aux PME et aux entreprises axées sur la croissance. Dans la plupart des 12 pays MENA, les structures et les services d’appui sont d’une portée limitée, notamment dans les zones non urbaines. Il y a une absence générale de centres d’entrepreneuriat et d’entreprises pour fournir conseils et soutien aux nouveaux entrepreneurs qui essaient d’exploiter les idées qu’ils ont en matière de création d’entreprises ou qui sont déjà engagés.
5. Renforcer la légitimité sociale de l’entrepreneuriat et encourager le développement d’une culture de l’entrepreneuriat. Il faut que soient prises des initiatives pour promouvoir l’importance de l’entrepreneuriat et des entrepreneurs dans la société, et il faut également mieux informer sur l’entrepreneuriat et mieux faire connaître les compétences et le savoir-faire du métier d’entrepreneur. Intégrer l’entrepreneuriat au socle des programmes d’enseignement serait une mesure importante pour préparer l’arrivée d’une brochette d’entrepreneurs capables.
6. Renforcer le potentiel de toutes les institutions et de tous les professionnels qui interviennent dans les actions de soutien au développement de l’entrepreneuriat : autorités de régulation, décideurs politiques et administrateurs, autorités de concurrence, prestataires d’appui aux entreprises, ONG spécialisées dans le développement économique, formateurs, prêteurs de la microfinance, banquiers, investisseurs de capital-risque, associations professionnelles, enseignants, chercheurs, et même les médias.
7. Développer les systèmes améliorés de coordination et de mise en œuvre des politiques et des initiatives, sans oublier les mécanismes de consultation plus globaux pour conseiller les pouvoirs publics sur les actions à entreprendre.
8. Concevoir des systèmes d’évaluation de l’efficacité et de l’impact des politiques, des mesures et des programmes sur le développement des PME et de l’entrepreneuriat,, et également des mécanismes pour mesurer l’impact des lois, des règlements et des politiques d’importance majeure sur les PME et les niveaux d’activité entrepreneuriale. Pour y parvenir, il faudra des systèmes statistiques nationaux plus élaborés et plus globaux permettant de recueillir régulièrement des données sur les PME (nombre, taille, effets sur l’emploi, activités exportatrices et configuration des investissements), sur les taux d’entrée, de croissance et de sortie des entreprises, et permettant également de suivre les tendances et les performances du développement dans la durée. Il faudrait sérieusement envisager la création d’un Observatoire des PME et de l’entrepreneuriat, comme cela a été suggéré au chapitre 6. L’action de cet observatoire pourrait avancer le travail sur la mesure du développement du secteur privé et de l’activité entrepreneuriale, et cet observatoire pourrait également effectuer des études permettant de suivre l’impact des réformes de l’environnement des affaires et soutenir les programmes sur le développement des PME et de l’entrepreneuriat.
9. Soutenir et effectuer un programme de recherche qui apportera des réponses à quelques-unes des questions soulevées par les parties prenantes et qui ont été soulignées au chapitre 6 : études de l’impact sur le secteur privé des politiques au niveau macro et meso, évolution des PME et de l’entrepreneuriat et de l’égalité hommes/femmes, croissance et pauvreté globales et études en rapport avec toute la gamme des questions qui traitent du rôle du secteur des PME dans l’économie et de son comportement. Les résultats de cette recherche sont absolument essentiels pour servir de base à l’élaboration d’une politique efficace. Dans les pays où la capacité de recherche est faible ou dans ceux où il n’y a pas d’instituts de recherche, il faudrait s’efforcer de remédier à ces carences. L’objectif ultime devrait être la création d’un Centre régional d’excellence de recherche sur les PME et l’entrepreneuriat, le renforcement du potentiel de recherche et la constitution d’un cadre d’experts spécialisés dans la recherche sur les PME et l’entrepreneuriat.
10. Étant donné qu’il y a un contexte somme toute différent dans chacun des 12 pays, qu’ils sont à des stades différents de la transition vers l’économie de marché, qu’ils ont, à des degrés divers progressé dans leur capacité à développer le secteur privé et qu’ils ont une expérience très diverse en matière de conception et de mise en œuvre des politiques, des mesures et des initiatives ayant trait à l’entrepreneuriat, les possibilités d’échanges entre les pays, qu’il s’agisse de pratiques ou de politiques, sont considérables. Il y a également de grandes possibilités de collaboration pour l’élaboration de solutions à certains des défis politiques clés.
La partie II brosse un tableau individuel pour chaque pays. Le chapitre 8 comporte un tableau synoptique de six pays où la dynamique du secteur privé est relativement plus forte, cette dynamique étant basée sur la catégorisation qui figure au chapitre 5. Il s’agit du Maroc, du Liban, de la Jordanie, de la Turquie, de l’Égypte et de la Tunisie. Le chapitre 9 brosse le portrait des 6 pays dont l’environnement pour le DSP est moins dynamique .Ce sont le Yémen, le Soudan, la Cisjordanie et Gaza, la Syrie, l’Algérie et l’Irak. Ces présentations résument brièvement la question du DSP, les récentes évolutions des politiques des pouvoirs publics, le soutien institutionnel aux PME et à l’entrepreneuriat, et les initiatives de nature à valoriser la croissance dans le secteur privé.
1. Cette question du choix politique est soulevée par plusieurs chercheurs (voir Storey 1994 ; Lazonick 2008 ; Naudé 2008, entre autres) qui donnent à entendre que le moteur de la croissance est davantage le petit pourcentage de jeunes ou de nouvelles entreprises à développement rapide. On voit que la qualité de l’activité entrepreneuriale entre en jeu.
2. Les notions d’entrepreneuriat d’opportunité et d’entrepreneuriat de nécessité provient des recherches du GEM basées sur les réponses d’une population d’adultes à qui l’on demandait pourquoi ils lançaient une affaire ou essayaient d’en lancer une (Reynolds et autres 2003). Bien que ce soit un concept intéressant et qui peut avoir son utilité, les chercheurs attachent peut-être trop d’importance à la distinction entre opportunité et nécessité. En premier lieu, les motivations des entrepreneurs changent souvent une fois qu’ils ont créé leur entreprise et sont plus attentifs aux opportunités. En second lieu, il y a toute une gamme de variables ou de facteurs qui interviennent et qui déclenchent la décision de créer une entreprise, ces éléments ne déterminant pas forcément l’avenir de l’entreprise et, au bout du compte, sa contribution à la croissance.
3. Au fur et à mesure qu’une économie se développe et que les salaires augmentent, les entrepreneurs les moins compétents disparaissent pour devenir des salariés ; les entrepreneurs plus compétents trouveront davantage de motivations de développer leur entreprise (Naudé 2008).
4. Naudé (2009) concède néanmoins qu’une bonne gouvernance peut atténuer le rôle de l’entrepreneuriat destructeur et avoir finalement un impact positif sur la croissance économique.
5. Le cadre de la politique d’entrepreneuriat de Stevenson et Lundström (2002) est emprunté à leur analyse des mesures prises dans dix pays développés pour stimuler l’entrepreneuriat.
6. Les Autorités de la concurrence commencent à agir au Maroc, en Tunisie et en Égypte. Dans ces conditions, il se peut que la situation change.
7. Voir http://apec-ibiz.org pour de plus amples informations sur le Réseau international APEC des instituts pour conseillers en petites entreprises (APEC International Network of Institutes for Small Business Counsellors, APEC-BIZ).
Ce chapitre comporte de brefs portraits de 6 pays du groupe des 12, où le dynamisme du secteur privé est supérieur à la moyenne, cette évaluation étant basée sur la catégorisation présentée au chapitre 5. Ce sont, dans l’ordre, le Liban, le Maroc, la Jordanie, l’Égypte, la Tunisie et la Turquie.
La République libanaise est un petit pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure avec une population d’environ 4 millions d’habitants qui a un rythme annuel de croissance de 1,1 pour cent et dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant était en 2009 de 14 266 dollars US (parité du pouvoir d’achat) (PPA) (base de données 2010 du FMI). Le Liban est un centre majeur de services, de transports et de finance de la région MENA avec une tradition de libéralisme et une histoire de suprématie du secteur privé. Il passe pour être l’une des économies les plus avancées du Moyen-Orient (Holmes et autres 2008).
Selon certains indicateurs, l’intervention de l’État dans l’économie est assez importante. Les dépenses publiques représentaient en moyenne 36 pour cent du PIB entre 2002 et 2005, ce qui est supérieur à la moyenne des autres pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (CE 2005a). Les privatisations ont progressé lentement et le processus s’est compliqué du fait des hésitations des investisseurs en raison de l’instabilité politique (CE 2005a). Le Liban se classe au deuxième rang de la région MENA pour la formation brute de capital (environ 31 pour cent du PIB en 2008) et au premier rang pour le niveau de formation de capital privé (29 pour cent du PIB), augmentation spectaculaire par rapport à 2007. Les investissements privés représentent près de 95 pour cent des investissements bruts. Le secteur privé représente près de 85 pour cent de la population active (CAS 2007).
La croissance du PIB, entravée par la situation politique et fiscale, a fluctué ces dernières années entre un maximum de 7,5 pour cent en 2004 et un minimum d’un pour cent en 2006, la moyenne s’établissant à une croissance annuelle de 4 pour cent entre 2000 et 2008 (IDM), ce qui en faisait la quatrième croissance la plus faible du groupe des 12 pays MENA. En 2008, le PIB est remonté à 8 pour cent, taux de croissance le plus élevé, mais a légèrement baissé à 7 pour cent en 2009 (World Factbook, WFB). Les récentes améliorations des performances économiques ont été dues principalement à la consommation (plutôt qu’à l’investissement privé), aux exportations nettes vers les marchés en expansion des pays voisins du Moyen-Orient et aux dépenses touristiques des expatriés libanais (Banque Audi 2008).
Le gouvernement a signé un certain nombre d’accords qui comportent des obligations et des réformes pour accentuer la libéralisation de l’économie. En 2008, les exportations s’élevaient à 27 pour cent du PIB, ce qui est inférieur à la moyenne des pays MENA, ce qui est toutefois une augmentation par rapport aux 21 pour cent de 2006 (IDM). L’accès aux marchés européens s’accroîtra grâce aux accords de partenariat avec l’Union européenne (UE) et il est probable que les sociétés libanaises bénéficient de transferts de technologie et de savoir-faire grâce à l’afflux de l’investissement direct étranger (IDE). Malgré l’instabilité politique, le Liban a pu attirer les IDE à hauteur de 12,3 pour cent du PIB en 2008, apport relatif le plus élevé pour les pays MENA et nettement supérieur à la moyenne de la région. L’économie a en plus bénéficié de l’apport de capitaux de l’UE et d’autres bailleurs pour soutenir les efforts de restauration et de reconstruction ainsi que des envois de fonds des travailleurs (qui représentent près du quart du PIB). L’économie libanaise est majoritairement orientée vers les services, ce secteur représentant plus de 75 pour cent du PIB et 70 pour cent de la main-d’œuvre (WFB). La production de l’industrie manufacturière représente environ 10 pour cent du PIB.
Le Liban a un secteur bancaire bien établi, compétitif et régulé, et affiche de bien meilleurs résultats que d’autres pays MENA pour ce qui est du niveau de crédit interne assuré par le système bancaire : 173 pour cent du PIB en 2008, la moyenne des pays MENA se situant à près de 40 pour cent (IDM). On observe cependant quelques cas d’éviction par envahissement du secteur public (MEC 2005) et une forte concentration de prêts à un petit nombre de clients. Seulement 3 pour cent de bénéficiaires représentent 75 pour cent du crédit total au secteur privé (OCDE 2007b).
En ce qui concerne les indicateurs mondiaux de la liberté économique, de l’économie de la connaissance et de la pratique des affaires, le Liban se situe dans la moitié supérieure des 12 pays MENA. Il se classait 108ème sur un total de 183 pays dans Doing Business 2010 (Banque mondiale 2009b) et son économie est jugée ‘essentiellement non libre’ selon l’indice de liberté économique (Fondation Héritage 2010). Elle a un ‘un haut degré’ de liberté fiscale et de liberté des échanges, est ‘moyennement libre’ en ce qui concerne la liberté monétaire et la liberté financière et ‘essentiellement non libre’ en ce qui concerne les libertés des affaires, de l’investissement et du travail. Elle tombe dans la catégorie de l’économie ‘réprimée’ en ce qui concerne les droits de propriété et la lutte contre la corruption.
Les contraintes majeures au niveau macroéconomique qui entravent le développement du secteur privé sont l’instabilité politique, le haut niveau d’endettement (parmi les plus élevés du monde), le manque d’infrastructures d’appui, la lenteur de la modernisation du secteur productif et les retards dans les réformes du secteur public (CE 2004, 2005a). La compétitivité du secteur des affaires est entravée par le coût élevé de la pratique des affaires, qui freine l’expansion de la production et des exportations, en particulier dans l’industrie manufacturière et dans le secteur des services (Banque Audi 2008), le coût élevé des droits de douane, les coûts élevés de la main-d’œuvre, en particulier les charges sociales, les loyers élevés des terrains et les coûts de l’électricité, la faiblesse du potentiel de commercialisation et de l’information sur les marchés, la lourdeur des procédures administratives et les barrières gouvernementales à la concurrence (Nasnas 2007).
Outre les questions de croissance et de développement économiques, le pays a un certain nombre de problèmes sociaux à régler, tels que le chômage élevé, la pauvreté et l’inégalité d’accès aux services et aux infrastructures de base. Avant la crise de 2006, près de 7 pour cent de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté ; à la suite du conflit, un tiers des Libanais ne pouvaient pas satisfaire à leurs besoins de base avec leur revenu d’après-guerre, la conséquence a été l’augmentation des inégalités sociales (CESAO-ONU 2006). Le taux d’alphabétisation est parmi les plus élevés des 12 pays MENA (87,4 pour cent) et l’écart entre hommes et femmes est relativement faible (10,9 points) et les performances sur les indicateurs d’éducation sont comparativement élevés.
Le Liban a un taux d’activité de 50 pour cent, un taux d’emploi de 46 pour cent et un taux officiel de chômage d’un tout petit plus de 9 pour cent (beaucoup plus élevé parmi les jeunes). Le taux d’emploi parmi les femmes n’est que de 20,5 pour cent. Environ un tiers de la population active est composé de travailleurs indépendants (2ème position parmi les 12 pays MENA), le part des femmes étant faible – moins de 8 pour cent. Il semble qu’il y ait un taux élevé d’activité dans le secteur informel, plus de 36 pour cent du PIB (Schneider 2005). Près de la moitié des micro et petites entreprises et 40 pour cent de leurs salariés appartiennent au secteur informel (FEMISE 2006a).
Au Liban, les PME sont aux prises avec un certain nombre de désavantages liés à l’environnement, au marché et aux institutions. Leurs performances souffrent d’un manque d’accès aux nouvelles technologies, au financement et aux services d’information et de conseil. Les infrastructures de base sont inadaptées ; il y a une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans certains corps de métier et une faiblesse des investissements en R-D et dans la formation, ce qui bride l’innovation, et un potentiel de croissance rapide (FEMISE 2006a ; MEC 2006b). L’obstacle le plus grave est l’instabilité en matière de sécurité et de politique, ce qui dissuade l’investissement et fait que la compétitivité est faible (MEC 2006b). L’accès au crédit officiel souffre d’un manque de transparence des PME, qui sont en majorité des entreprises familiales. Un taux d’imposition élevé, un dispositif lourd de délivrance d’autorisations et des droits de douane élevés dissuadent les PME d’intégrer le secteur formel et brident la croissance. La médiocre qualité et les l’insuffisances des services des associations professionnelles ne soutiennent pas la croissance des PME libanaises et le fait que les propriétaires de PME n’ont guère la possibilité de répondre aux normes de qualité internationales a comme conséquence que les produits locaux ne peuvent pas entrer en concurrence sur les marchés internationaux malgré une politique d’économie ouverte (CE 2003).
Au Liban, la culture d’entreprise est plus forte que dans la plupart des 12 pays MENA. Selon les données préliminaires de l’étude Global Entrepreneurship Monitor (GEM) de 2009, il y a actuellement une forte densité d’entrepreneurs. Près du quart de la population adulte possède une entreprise. C’est la densité d’entrepreneurs la plus élevée par tranche de 100 adultes dans les dix pays GEMMENA (24,6 pour cent) (CRDI 2010). Environ 7 pour cent de la population adulte essayait de créer une entreprise en 2009. Selon l’enquête Silatech (2009) portant sur les jeunes Arabes, 44 pour cent des 15–29 ans au Liban déclaraient préférer être travailleurs indépendants, à égalité de salaire et de conditions de travail, que d’être fonctionnaires (30 pour cent) ou employés dans une entreprise privée (15 pour cent). Plus de 60 pour cent des adultes interrogés pour l’étude GEM-MENA déclaraient aussi préférer être travailleurs indépendants, ce qui constitue un pourcentage beaucoup plus élevé qu’en Syrie, en Jordanie, en Algérie, en Cisjordanie et Gaza et au Yémen (voir tableau 7.1, chapitre 7).
Le gouvernement a un certains nombre de priorités sociales et économiques urgentes, dont la stabilité macroéconomique et financière, la restauration des infrastructures d’après conflit, le rétablissement de la crédibilité du système éducatif, l’amélioration de la situation économique et de la protection sociale des groupes à faible revenu, la création d’emplois, la réforme de la fonction publique et l’amélioration de l’environnement du commerce et des investissements.
Depuis 2005, et avec la mise en place du programme de simplification de la haute administration, le Liban effectue un certain nombre de réformes pour améliorer l’environnement réglementaire des affaires. Cela fait suite à une révision complète de la législation du commerce et des entreprises touchant le secteur privé (Mallat 2006). Le ministère de l’Économie et du Commerce (MEC) travaille à une série d’amendements pour faciliter l’établissement des sociétés, instaurer des nouvelles lois sur les fusions et acquisitions, une législation révisée sur l’insolvabilité conforme aux normes internationales1 et prépare la nouvelle réglementation des marchés capitaux et la structure organisationnelle de l’Autorité des marchés capitaux. Les services du secrétariat d’État à la réforme administrative mettent en œuvre une stratégie de simplification des procédures administratives (Communautés européennes et OCDE 2008). Le MEC a instauré des guichets uniques dans les bureaux de poste nationaux (LibanPost) sur l’ensemble du pays pour simplifier l’enregistrement des sociétés, économisant 1300 d’euros aux entrepreneurs en frais d’enregistrement et le ministère des Finances s’est attaqué aux réformes de la fiscalité pour que le poids des prélèvements obligatoires soit mieux réparti. L’enregistrement électronique des contribuables, les déclarations de revenu par la poste et le paiement par l’intermédiaire des banques commerciales sont maintenant possibles. Un nouveau projet de législation sur la concurrence a été soumis au Parlement pour réglementer les pratiques anticoncurrentielles et l’instauration d’un conseil national indépendant de la concurrence est en préparation (CE 2008c). Ceci est d’une importance fondamentale étant donné que les marchés intérieurs du Liban vont de l’oligopole au monopole et sont fortement concentrés dans les mains de quelques entreprises (Berthélémy et autres 2007). Certaines de ces pratiques monopolistiques sont naturelles, étant donné les économies d’échelles, ou les charges fixes, mais d’autres sont artificielles et ont pour objectif le profit personnel et restreignent l’entrée de nouvelles entreprises (CRI 2003 ; Berthélemy et autres 2007).
Pour améliorer les performances des exportations sur le marché international, le gouvernement prépare une simplification des procédures du commerce et des exportations, jetant les bases de laboratoires et de sociétés répondants aux critères internationaux, faisant prendre conscience de questions relatives à la qualité, et préparant une loi sur la standardisation. Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement a ouvert un guichet unique pour faciliter les procédures bureaucratiques et réglementaires. Il a également préparé un programme de réformes administratives de nature à créer une administration transparente et à la doter d’un pouvoir de contrôle et de surveillance pour lutter contre la corruption.
Le Programme de réformes du gouvernement du Liban et son accord d’association avec l’UE servent d’outils de suivi de la mise en œuvre des réformes économiques, sociales et politiques auxquelles les autorités libanaises se sont engagées à la troisième conférence internationale des bailleurs de Paris en janvier 2007.
Le gouvernement du Liban a adopté la Charte Euro-méditerranéenne pour l’entreprise en 2004 et a ensuite lancé le Programme intégré de soutien aux PME. C’était le premier effort pour engager une action spécialement centrée sur les PME. Les objectifs de ce programme étaient de mettre en œuvre une approche intégrée pour le développement des PME, de faciliter l’accès au financement et aux services d’appui aux entreprises et de créer un environnement propice à la pratique des affaires. C’est un programme fortement engagé dans l’établissement de conditions favorables à l’émergence d’un environnement facilitateur des affaires et dans des initiatives d’appui aux entreprises. Il a réussi à instaurer quatre centres de développement des entreprises dont l’objectif principal est l’incubation d’idées d’entreprises innovantes et il a entrepris des efforts visant à développer le secteur financier et à créer des plans de financement pour les entreprises (OCDE 2007b).
Le MEC a créé une unité d’appui aux PME en 2005 qui, en coopération avec le ministère des Finances, est le principal organe de coordination du développement des PME. Il a également institué un comité consultatif des PME constitué d’organismes gouvernementaux et du secteur privé pour identifier des actions concrètes destinées à éliminer les barrières réglementaires et à faire pression pour que soient réduites les inégalités dans le champ des PME. On s’achemine vers l’élaboration d’une stratégie2 officielle pour les PME conformément à l’engagement du Liban dans le cadre de la Charte Euro-méditerranéenne pour l’entreprise (MEC 2008). Cette stratégie a comme objectifs principaux: 1) d’améliorer l’environnement macroéconomique pour corriger les lenteurs de l’investissement ; 2) d’améliorer la structure des coûts des entreprises et encourager la diversité des marchés des produits et des exportations ; 3) de réduire les coûts de la réglementation et de la mise en conformité, les charges afférentes aux entrées et aux sorties ainsi que les obstacles ; 4) d’assurer une concurrence équitable ; et 5) d’améliorer les routes, les zones industrielles, l’accès à l’électricité et aux télécommunications, et aux services d’appui aux entreprises. L’Unité d’appui aux PME projette de créer un Observatoire des PME pour mieux faire connaître l’apport des PME à l’économie.
En 2000, le gouvernement, en partenariat avec le secteur privé, a institué Kafalat, une société de garantie de crédit limité pour apporter une garantie de prêt aux PME3 et aux nouvelles entreprises qui n’ont pas le nantissement suffisant. En application d’un protocole avec la Banque européenne d’investissement, Kafalat offre également des prêts à taux d’intérêt bonifiés aux PME clientes dans les secteurs liés à l’artisanat traditionnel, à la haute technologie, à l’agriculture, au tourisme et à l’industrie. L’émergence d’une industrie de la microfinance est relativement nouvelle au Liban, mais un certain nombre d’institutions du secteur public et d’ONG facilitent l’accès au microcrédit. Le crédit-bail est une pratique fréquente, bien que les sociétés de crédit-bail soient sous le contrôle d’une loi sur le crédit-bail pleinement appliquée. Le marché du capital investissement/risque privé est à l’état embryonnaire et les fonds en direction des PME et des nouvelles entreprises à haut potentiel sont limités. On note des initiatives supplémentaires pour aider à financer les améliorations des installations des entreprises du secteur privé qui ont subi directement ou indirectement des dommages à la suite de catastrophes naturelles et pour répondre aux besoins de financement des entreprises qui rouvrent dans la période d’après conflit (OCDE 2007b).
Des efforts modestes sont en cours pour soutenir le développement de l’entrepreneuriat. En 2006, le ministère de l’Éducation a conclu un accord avec INJAZ-Liban, lui accordant l’autorisation de donner des cours sur l’entrepreneuriat dans toutes les écoles publiques. INJAZ apporte également son soutien pour renforcer le service d’orientation professionnelle du ministère et y inclure l’entrepreneuriat et le travail indépendant comme possibilités de carrière. Le Programme Bader4 des jeunes entrepreneurs vise à promouvoir l’initiative privée en incitant la jeune génération à créer des entreprises et en apportant un soutien à ces entrepreneurs sous la forme de programmes d’enseignement, de financement et de réseaux. Ces initiatives comprennent la participation au concours panarabe du meilleur plan d’affaires et la création du « Building Block Equity Fund » de 17 millions de dollars US pour investir dans des entreprises nouvelles à potentiel d’innovation. L’Olayan School of Business de l’université américaine de Beyrouth a récemment fondé l’Initiative d’entrepreneuriat pour permettre aux étudiants de se confronter au monde de l’entrepreneuriat. Son objectif à long terme est de devenir un noyau régional pour soutenir et développer la recherche liée à l’entrepreneuriat et de disséminer dans le monde arabe les matériaux de formation et le savoir.
Les activités de recherche et d’innovation au Liban sont modestes. En matière de science et de technologie, il y a, dans ce pays, une communauté petite mais diverses et multiculturelle, et les investissements du secteur privé en R-D sont limités (CE 2005a). Un Plan de politiques de science et technologie et d’innovation a été lancé en 2006 (CNRS 2006), cependant sa mise en œuvre a été contrecarrée par la guerre civile. Le nouveau Parlement a entériné un plan de réformes en science et technologie au cours de l’été 2008, mais il faut un plan d’action pour renforcer les organismes et les instituts de recherche existants, et également pour investir dans de nouveaux laboratoires et dans le potentiel technologique amélioré des établissements d’enseignement. Il faut des infrastructures, notamment des technopôles et des incubateurs, tout comme il faut améliorer la protection de la propriété intellectuelle.
L’avenir du développement et de la croissance économique dépend fortement de la restauration de la stabilité financière et politique. Les perturbations survenues dans l’élaboration des politiques et dans les réformes du fait des bouleversements politiques, des luttes sociales et des conflits ont eu des effets négatifs sur l’investissement du secteur privé et sur l’accélération des réformes. Cela étant, les conditions de base de la croissance du secteur privé sont positives. Le commerce est vigoureux et la population est solidement orientée vers les activités entrepreneuriales. Des efforts concertés s’imposent pour mobiliser ce potentiel.
Le Royaume du Maroc est un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, avec une population d’environ 31,3 millions d’habitants, qui a un taux de croissance modérée de 1,1 pour cent, et un PIB par habitant de 4600 dollars US (PPA) en 2009 (FMI 2010). Le Maroc a adopté le principe d’une économie de marché et, met en œuvre des politiques de libéralisation économique depuis les années 80.
La plupart des entreprises étatisées ont été privatisées, domaine dans lequel le Maroc est considéré comme le plus avancé des pays de la région MENA (Banque mondiale 2006c). La promotion des IDE a commencé dans les années 80, au départ surtout du fait des privatisations. Des améliorations du climat de l’investissement pour les investisseurs étrangers et nationaux sont réalisées par le biais de programmes spécifiques conçus pour développer et améliorer les infrastructures publiques, conclure des partenariats public/privé pour le développement des infrastructures et du tourisme. Des technopôles et des zones de délocalisation ont été aménagés pour implanter de nouvelles usines construites grâce aux IDE, lesquels atteignaient 2,8 pour cent du PIB en 20085, ce qui est inférieur à la moyenne des pays MENA, et à un niveau bas par rapport à la Jordanie, au Liban, à la Tunisie et à l’Égypte. Les privatisations ont représenté une bonne partie des IDE avec des retombées relativement limitées. Les envois de fonds des travailleurs expatriés représentaient environ 8 pour cent du PIB en 2008, ce qui est un niveau sensiblement supérieur à celui des IDE.
La libéralisation du commerce est l’une des priorités du gouvernement depuis la fin des années 80. C’est l’un des 4 pays du groupe des 12 pays MENA à être membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à avoir signé son premier Accord euro-méditerranéen d’association en 1996 et des accords multi-latéraux et bilatéraux de libre-échange avec les pays arabes et les USA. En 2008, le total de ses échanges commerciaux s’élevait à 87 pour cent du PIB, les exportations à 37 pour cent et les importations à 50 pour cent (IDM). Selon les clauses de l’accord de libre-échange auquel l’UE et les USA avaient souscrit, le Maroc devait améliorer ses normes de qualité. Le résultat est que la certification ISO 9000 est devenue une priorité pour les entreprises et les usines.
La croissance a été sporadique. De 2000 à 2008, la croissance moyenne annuelle du PIB a été de 4,8 pour cent (IDM), mais elle a fluctué d’un minimum de 1,8 pour cent en 2000 à un maximum de 7,8 pour cent en 2006. La croissance du PIB était de 5,1 pour cent en 2009 alors contre 6,2 pour cent en 2008 (WFB). Ces écarts sont en grande partie dus aux variations du rendement du secteur agricole, qui est hautement sensible aux précipitations annuelles. À la base de la croissance du Maroc, il y a des niveaux d’investissements élevés. La formation brute de capital atteignait 33 pour cent du PIB en 2008, niveau le plus élevé parmi les 12 pays MENA, et une croissance annuelle moyenne de 9,1 pour cent au cours de la période 2000–2008, ce qui était supérieur au taux moyen des pays MENA, qui était de 7,5 pour cent (IDM). Plus de 85 pour cent de la formation brute de capital est dérivé du secteur privé, la part au deuxième rang dans les 12 pays MENA. Seul le Liban faisait mieux.
Le système bancaire devient plus compétitif grâce aux fusions et aux liens avec les systèmes bancaires de la région et les systèmes internationaux. Toutes les banques marocaines ont des actionnaires privés, bien que le gouvernement conserve une participation majoritaire dans quelques-unes et dans quelques sociétés financières. Le taux publié du crédit interne au secteur privé en 2008 était de 77,4 pour cent du PIB alors que le taux moyen dans les pays MENA était de 35,8 pour cent du PIB (IDM), et qu’en 2003, il était de 52 pour cent du PIB. Le montant du crédit interne assuré par le système bancaire s’élevait à 95,5 pour cent du PIB, ce qui, là encore, était un taux très supérieur à la moyenne de 39,7 pour cent de la région MENA, et qui plaçait le Maroc au troisième rang des 12 pays MENA. L’ouverture d’une agence d’évaluation du crédit à direction privée en 2008 devrait faciliter l’intermédiation financière.
Le Maroc a l’un des marchés de capital-risque les plus robustes de la région, avec 18 à 20 sociétés privées de capital-risque et des branches capital-risque dans la plupart des banques. Si le capital-risque est en expansion, c’est en partie dû aux investissements de la Banque d’investissement européenne, mais, en 2006, la législation a amélioré le cadre réglementaire du capital-risque et prévu des mesures incitatives pour l’investissement du capital-risque dans les PME.
Selon l’indice de compétitivité mondiale de 2009–2010, le Maroc se classait au 73ème rang sur 134, ce qui représentait une chute par rapport au 64ème rang de 2007–2008, cela étant dû en grande partie à l’affaiblissement de l’environnement sécuritaire et à la détérioration du système éducatif (FEM 2009b). On considère que l’environnement réglementaire et commercial est en train de devenir plus favorable à l’activité des entreprises et à la création et que la rigidité du marché du travail est le principal obstacle à la compétitivité du pays. Le Maroc est classé comme ‘économie en grande partie non libre ’ sur l’indice de liberté économique (Fondation Héritage 2010). Son meilleur score est sur la taille du gouvernement (‘haut degré ’ de liberté) ; liberté monétaire, liberté des affaires et liberté des échanges (‘essentiellement libres’) ; liberté budgétaire (‘moyennement libre’). Le score le plus bas est sur la liberté du travail, suivi par la protection de la propriété privée et la lutte contre la corruption, ces deux indicateurs tombant dans la catégorie ‘économie réprimée’. Le rapport Doing Business de 2010 classe le Maroc au 128ème rang sur 183 pays (Banque mondiale 2009b) alors qu’il était à la 115ème place dans le premier rapport. Les performances du Maroc se sont détériorées sur un certain nombre d’indicateurs et améliorées sur d’autres, le résultat global étant qu’il perd sa compétitivité par rapport à d’autres pays qui ont fait davantage de progrès en matière de réformes pour faire des affaires. Parmi le 12 pays MENA, le Maroc se plaçait au septième rang en 2010. Ce classement signifie qu’il y a un certain nombre d’obstacles à éliminer pour améliorer la productivité et la compétitivité sur le plan mondial.
L’agriculture comptait presque pour 19 pour cent du PIB en 2009, mais représente 45 pour cent de la main-d’œuvre (WFB) et jusqu’à 75 pour cent dans les zones rurales. Le gouvernement s’est engagé à améliorer la productivité de ce secteur tout en se diversifiant dans d’autres domaines de l’activité économique. Le secteur industriel compte pour environ un tiers du PIB, mais ne représente que 20 pour cent de la main-d’œuvre. En 2008, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB était de 14 pour cent (IDM). Le secteur des services représente près de 49 pour cent du PIB (et est en expansion) et plus du tiers de la main-d’œuvre.
Le taux d’activité au Maroc est de 50,6 pour cent : 75,9 pour cent d’hommes et 26,6 pour cent de femmes (HCP 2009). La part des femmes dans l’emploi est d’environ 27 pour cent, ce qui est un taux supérieur à celui de nombreux pays MENA, mais il y a de graves discriminations en matière de salaires. La majorité de toutes les femmes qui ont un emploi sont classées comme travailleuses familiales (Banque mondiale 2009e). Le taux de chômage en 2009 était supérieur à 10,0 pour cent, mais de manière disproportionnée dans les zones urbaines et parmi les jeunes. En 2008, il n’y avait qu’un peu plus du cinquième des jeunes en âge de travailler qui avaient un emploi, ce qui représentait près de 42 pour cent du total du chômage (HCP 2009). Le taux de chômage des femmes est proche de la moyenne nationale, ce qui n’est pas le cas dans bien d’autres pays de la région MENA.
Le Maroc a un niveau de capital humain faible. Le taux d’alphabétisation des adultes est passé de 52,3 pour cent à 58,8 pour cent entre 2004 et 2007 (Royaume du Maroc 2008), mais se classe toujours à l’avant-dernier rang des 12 pays MENA, et il y a un grand écart, près de 25 points, entre le taux des femmes et celui des hommes. Cela se traduit par les faibles performances du Maroc sur la plupart des indicateurs de l’éducation. Par rapport à la moyenne des pays MENA, le Maroc a un taux brut de scolarisation qui est bas, spécialement au niveau secondaire et au niveau tertiaire, et particulièrement pour les filles (USAID 2008b). Moins d’un ouvrier marocain sur dix a terminé sa scolarité secondaire et les reprises d’études sont faibles (USAID 2007). Le niveau de pauvreté a baissé considérablement depuis 2001, passant de plus de 20 pour cent de la population vivant avec moins de 2 dollars US par jour (PPA) à moins de 9 pour cent en 2007 (Royaume du Maroc 2008). Malgré la réduction de la pauvreté, de fortes inégalités subsistent dans la distribution des revenus, situation qui n’a pas changé du tout depuis 1985.
Bien que le secteur public soit toujours en concurrence avec le secteur privé dans certains domaines de l’activité économique, il ne représente que 9,2 pour cent de l’emploi (HCP 2009), taux le plus faible des 12 pays MENA. C’est le secteur privé qui est responsable de la majorité de la formation de capital (investissement brut). Le secteur privé représentait près de 90 pour cent de la formation brute de capital en 2007, soit 27,2 pour cent du PIB. C’est l’un des niveaux les plus élevés de l’investissement privé dans les 12 pays MENA, ce qui indique qu’il y a de grandes opportunités économiques pour le secteur privé. Il y a cependant des monopoles dans certaines industries, et le conseil de la concurrence instauré en vertu de la loi antitrust de 2001 se réunit rarement, ce qui fait que la lutte contre les pratiques des cartels et des monopoles est faible au Maroc (Bertelsmann Stiftung 2008c).
Les entreprises du secteur privé ont de nombreux défis à relever : insuffisance des infrastructures des transports ; coût élevé de la pratique des affaires ; procédures administratives bureaucratiques, longues et marquées par la corruption ; réglementation restrictive du travail ; faible niveau des normes de qualité ; et processus d’arbitrage des conflits commerciaux longs et marqués par la corruption. Pour ces entreprises, les principales contraintes qui entravent la pratique des affaires sont les taux d’imposition suivis par l’accès au financement et la corruption.6 Il y a un manque de personnel qualifié, en particulier aux niveaux intermédiaires de gestion, de même qu’il y a un écart entre les compétences produites par le système éducatif et les besoins du marché du travail du secteur privé. La pénurie en matière d’immobilier est une autre contrainte sérieuse, mais les droits de propriété sont bien définis et l’acquisition de biens est régulée.
Le niveau du secteur informel est élevé, situation encouragée par les pouvoirs publics dans les années 80 et 90 pour atténuer la pauvreté. Schneider et Buehn (2009) ont calculé que l’économie informelle représentait près de 37 pour cent du PIB en 2006. Selon certains experts, 50 à 60 pour cent des entreprises du secteur privé sont sans l’économie informelle. La perte fiscale annuelle imputable au secteur informel atteint 7,5 millions de dirhams (CNUCED 2007). Il semble que ce qui dissuade d’intégrer le secteur formel au Maroc, soit les tarifs prohibitifs des assurances et le taux élevé de l’imposition7 (FRE 2006).
Les PME sont très importantes dans l’économie marocaine. Elles représentent 95 pour cent de toutes les entreprises, 50 pour cent de la totalité de la population active, 30 pour cent des exportations et 40 pour cent de l’investissement privé (Communautés européennes et OCDE 2008). Cependant, il y a fort peu de données statistiques disponibles sur le secteur des PME, notamment sur la distribution des PME par domaine, taille et effectifs. La plupart des PME marocaines sont de type familial et peu diversifiées. Elles sont généralement concentrées dans des secteurs à faible valeur ajoutée et souffrent de sous-capitalisation, de médiocre productivité, de compétences de gestion limitées et de faibles liens avec les investisseurs et les activités des IDE (Banque mondiale 2006b ; Communautés européennes et OCDE 2008). Les PME se heurtent à la difficulté d’accès au financement et à l’information, aux taux d’imposition élevés, à la complexité du régime fiscal et des formalités d’enregistrement (FRE 2006).
Les ONG et les associations professionnelles apportent un soutien actif aux PME et se font les porte-parole de leurs préoccupations. Ce sont notamment la Fédération des PME, l’Union nationale des PME (UNPME), l’Association des Femmes Chefs d’Entreprises du Maroc (AFEM) et la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM). En 2007, la CGEM a institué une commission sur les PME pour que, dans son dialogue avec les pouvoirs publics, les questions relatives aux PME soient davantage prises en considération.
En 2008, il y avait environ 2,8 millions de travailleurs indépendants au Maroc, soit 30,4 pour cent de la population active (HCP 2009). Le taux d’auto-emploi des hommes est trois fois supérieur à celui des femmes. Les travailleurs indépendants hommes sont également plus susceptibles que les femmes d’être des employeurs. Selon les rapports du Global Entrepreneurship Monitor de 2009, 24,5 pour cent des adultes sont propriétaires d’une entreprise, ce qui place le Maroc au second rang pour la densité des entrepreneurs en activité dans les pays du GEM-MENA (CRDI 2010). La proportion d’adultes qui essaient de créer une entreprise atteint presque 7 pour cent, ce qui est très proche du niveau que l’on pourrait attendre d’un pays à ce stade de développement. Ces données indiquent que la culture de l’entrepreneuriat est forte. Le Maroc est l’un des quelques pays arabes où les 15–29 ans déclarent préférer être travailleurs indépendants plutôt que fonctionnaires (41 pour cent contre 26 pour cent) (Silatech 2009). Le nombre d’entrées de nouvelles entreprises a doublé entre 2000 et 2007, ce qui résulte peut-être des réformes engagées pour réduire les obstacles à l’entrée et accroître les opportunités pour les entreprises (Communautés européennes et OCDE 2008).
Le gouvernement marocain s’est engagé à stimuler la croissance économique en renforçant le climat de l’investissement, à accentuer l’activité du secteur privé et à améliorer la compétitivité. La création d’emplois, en particulier pour les jeunes, est au centre de la stratégie de développement économique et social du gouvernement. Le secteur privé ne se développe pas assez rapidement pour absorber la croissance de la population active. C’est pourquoi des mesures incitatives sont prises pour motiver le secteur privé à embaucher et également pour encourager les jeunes à créer leurs propres entreprises. La valorisation des PME et la stimulation de nouveaux secteurs de l’économie constituent l’un des fondements des politiques que le gouvernement s’efforce de mettre en place. L’égalité entre hommes et femmes et la réduction de la pauvreté font également partie des priorités, le gouvernement étant soucieux d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement.
Il y a un certain nombre de stratégies sectorielles nationales pour accroître les performances des industries et des entreprises. Le Plan d’urgence de 2005, qui fixait les objectifs stratégiques de la politique industrielle jusqu’en 2015, proposait, pour le secteur privé, une stratégie tirée par les exportations et de nature à attirer les investissements qui serait concentrée sur un certain nombre de secteurs prometteurs considérés comme moteurs de la croissance économique : délocalisation (conception de logiciels, centres d’appel, traitement des données, et le technologie de l’information et de la communications) ; pièces détachées pour autos ; aéronautique ; fournitures électroniques spéciales ; agroalimentaire avec avantages concurrentiels régionaux ; produits de la mer ; et textiles et articles artisanaux.
Comme le Plan d’urgence initial ne répondait pas aux attentes, le gouvernement a élaboré un nouveau plan d’urgence (2009–2015) à mettre en œuvre en partenariat avec des associations professionnelles et sectorielles. Le Pacte national pour l’émergence industrielle comporte plus de 100 mesures pour promouvoir l’activité du secteur industriel, dont beaucoup ont trait à la compétitivité des PME marocaines. Pour que les secteurs prioritaires puissent satisfaire aux normes de qualité, un soutien leur sera apporté sous la forme de fonds de formation à la gestion d’entreprises et d’instituts de formation spécialisés. Les objectifs sont de créer 220 000 nouveaux emplois, de réduire les niveaux de chômage en zones urbaines, de stimuler les investissements du secteur privé en injectant 50 millions de dirhams et d’accroître les exportations de 95 millions de dirham.
Il existe d’autres stratégies sectorielles pour le secteur du commerce (le Plan Rawaj), pour l’industrie artisanale (Vision 2015) et pour le secteur du tourisme (Plan Azur de Tourisme). Chacun de ces plans a des objectifs offensifs de création d’emplois et comporte des investissements massifs pour renforcer le potentiel et la sophistication du secteur. L’objectif du gouvernement est de faire du Maroc une plateforme de commerce et de production et, dans ce but, de se concentrer sur la modernisation des infrastructures des transports et de constituer de « petites villes » avec des zones industrielles qui encourageront la création de nouvelles entreprises et de pôles de compétitivité.
Le développement des compétences et la formation sont au premier plan des priorités du gouvernement. Pour souligner leur importance, le gouvernement a déclaré 2000–2010 ‘la décennie de l’enseignement et de la formation’. L’objectif était de fournir une formation et des connaissances plus appropriées pour que les jeunes sortant du système éducatif soient dotés des compétences exigées sur le marché du travail et pour valoriser la modernisation et la compétitivité des entreprises et l’accès aux marchés en proposant une formation pour améliorer les niveaux et les compétences acquises validées au sein des secteurs industriels.
L’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT) est l’organe central gouvernemental de la formation responsable de l’élaboration de la stratégie de formation du gouvernement pour atténuer l’insuffisance de l’emploi. Le plan de l’OFPPT pour 2008–2012 est de doter 650 000 jeunes des compétences requises dans les nouveaux secteurs de l’économie identifiés dans le Plan d’urgence (BAfD et OCDE 2008c). Il lui faut absolument, dans ces conditions, accroître le nombre des centres et des étudiants, et développer le potentiel de formation. L’Agence nationale de Promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC) facilite l’emploi en accordant, dans les nouveaux secteurs de l’économie, des avantages fiscaux et des allègements des charges sociales aux employeurs et en proposant des stages de formation aux demandeurs d’emploi. Le budget gouvernemental de la formation est alimenté par un impôt pour la formation de l’emploi prélevé sur la masse salariale des sociétés et versé au fonds de sécurité sociale. Bien qu’il y ait des tensions entre les agences intergouvernementales au sujet de la responsabilité de la formation professionnelle et de la formulation des politiques afférentes, le système de formation professionnelle du Maroc est considéré comme le meilleur de la région pour son organisation et ses approches.
La réforme de l’éducation présentée dans la Charte nationale d’éducation et de formation pour 2008-2010 vise à ce que 90 pour cent au moins des enfants achèvent leur scolarité primaire et 80 pour cent le premier cycle de l’enseignement secondaire. La Charte précise les mesures pour utiliser avec plus d’efficacité les ressources et les infrastructures du système éducatif, améliorer la conception des programmes, développer l’offre d’enseignement, tirer partie des diverses formes d’apprentissage et d’autres modes de formation sur le lieu du travail, et adopter une approche fondée sur la compétence. La Charte met également l’accent sur la promotion d’une mentalité entrepreneuriale et stipule les mesures pour le développement des compétences entrepreneuriales dans l’enseignement technique et professionnel. Cependant, le cadre de l’apprentissage entrepreneuriales n’est pas bien intégré ni est l’entrepreneuriat dans les principes directeurs des cursus comme une compétence clé (Communautés européennes et OCDE 2008). Le nouveau Plan d’urgence, publié en 2008, cherche à endiguer les taux d’abandon des études au lycée en rendant la scolarité obligatoire jusqu’à 15 ans et en modernisant plus de 2500 établissements scolaires en zones rurales. Sur un plan plus général, le gouvernement se fixe comme objectif de ramener l’analphabétisme à moins de 20 pour cent à l’horizon 2010 et de l’éradiquer au plus tard en 2015 par le biais d’une campagne d’alphabétisation de grande ampleur et un programme d’enseignement des connaissances de base pour les adultes.
Le gouvernement s’engage à stimuler la croissance du secteur privé en modernisant la législation des affaires et en apportant des solutions aux problèmes de fiscalité. Les procédures de délivrance des licences et des permis ont été rationalisées par l’instauration de Centres régionaux d’investissements (CRI) qui servent de guichets uniques pour les immatriculations commerciales et les investissements. Le capital versé minimum pour une nouvelle société à responsabilité limitée a été réduit de 100 000 à 10 000 dirhams, les formalités douanières ont été modernisées et une loi a été votée sur la normalisation et la certification de l’accréditation des normes. Le programme d’Amélioration du climat des affaires au Maroc a pour objectif l’élaboration d’outils d’évaluation du climat des affaires et des facteurs de compétitivité et l’amélioration des infrastructures ‘de qualité’ (USAID 2007). Le Maroc entreprend un effort d’importance pour s’aligner sur la législation de l’UE, ses règles et ses normes, afin de pouvoir accéder au marché intérieur de l’UE (CE 2007a).
Développer et valoriser les PME est l’un des fondements de la politique du gouvernement. Le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (MICNT) est l’organisme qui pilote la coordination de la politique des entreprises, bien qu’il ne comporte pas d’unité distincte pour les PME. C’est à la fin des années 90 que le gouvernement a commencé à porter une attention accrue à la politique des PME. Un Livre Blanc sur les PME a été publié en 2000 (MAGG 1999), suivi par la Charte sur les PME en 2002, qui précisait l’instauration de l’Agence nationale pour la promotion de la PME (ANPME). Le Maroc a adopté la Charte Euro-méditerranéenne pour les entreprises en 2004, et en 2005 il a institué un Comité national d’appui à la création d’entreprise pour promouvoir des mesures d’encouragement aux nouvelles entreprises (MICMANE 2005).
Le rôle de l’ANPME est de coordonner la communication des programmes et des services en faveur des PME et d’élaborer un programme d’assistance technique pour la création, la promotion et la modernisation concurrentielle des PME. Ce programme a pour principal objectif de fournir le programme de Mise à Niveau, qui vise à améliorer les capacités technologiques et les capacités de gestion des PME. Les cibles principales de l’ANPME sont les entreprises à haut potentiel de croissance et celles dont la compétitivité est limitée et qui sont en phase de restructuration ou de modernisation. Des programmes sur mesure ont été conçus pour répondre aux besoins de ces deux groupes d’entreprises.
Les pouvoirs publics encouragent le travail indépendant comme solution au problème de la recherche de travail depuis la fin des années 80. C’est dans cette perspective qu’a été lancée l’initiative Prêt aux jeunes entrepreneurs, qui offrait des taux d’intérêt préférentiels ou des exonérations d’impôts à qui suivait un enseignement et une formation professionnels et aux étudiants de troisième cycle qui voulaient créer une entreprise. L’une des initiatives récentes les plus marquantes est le programme Moukawalati, un programme national de formation à l’entrepreneuriat destiné aux jeunes diplômés sans travail. Lancé en 2006 et mis en œuvre par l’ANAPEC, ce programme assure une formation à la création d’entreprise et couvre les frais d’une année de soutien pour les jeunes qui fonderont une microentreprise créatrice d’emplois pour d’autres jeunes. L’ANAPEC a constitué un réseau de 100 ‘guichets’ par l’intermédiaire de banques associées, qui traitaient les affaires des participants au programme Moukawalati et le gouvernement a accepté de se porter garant de 85 pour cent de la valeur des prêts. Cependant, les résultats de ce programme ont été très décevants pendant les deux premières années. Le lancement des entreprises Moukawalati a été entravé par la difficulté de trouver des installations convenables et parce que de nombreux jeunes entrepreneurs potentiels ne pouvaient pas obtenir le financement des banques malgré les garanties spéciales du gouvernement.8 Le gouvernement a présenté un programme révisé en 2009. L’objectif n’était plus que de créer 10 000 nouvelles entreprises (le tiers de l’objectif initial) et les critères d’admission étaient étendus aux jeunes sans diplômes des établissements de formation professionnelle. Le nombre de bureaux et de conseillers formés Moukawalati a été augmenté et les banques ont accepté des engagements financiers de plus grande ampleur.
Pour aider les PME à avoir accès au financement, le gouvernement garantit le crédit. Onze plans de garantie du crédit sont mis en place par la Caisse centrale de Garantie (CCG), société à 100 pour cent à capitaux publics qui fournit 60 à 85 pour cent des garanties pour prêts bancaires pour les PME qui y ont droit. Le Maroc met en place des établissements de microcrédit depuis plus d’une décennie et s’est révélé être l’un des leaders dans le Grand Moyen-Orient. La réglementation et la gouvernance de l’industrie de la microfinance sont en place depuis la promulgation de la Loi de microfinance de 1999 et les plus gros établissements de microcrédit du Maroc suivent les meilleures pratiques internationales en matière de micro-prêt. Le microcrédit est solidement appuyé par les pouvoirs publics.
La politique du gouvernement à l’égard du secteur informel est conçue pour encourager le passage au secteur formel. La stratégie « Rawaj » qui vise à réduire l’importance du secteur informel comportait des campagnes de sensibilisation du public, des avantages fiscaux, diverses exonérations et un système d’assurance maladie et d’assurances sociales. L’idée est que ces avantages offerts aux entreprises du secteur formel encourageront les entreprises du secteur informel à rejoindre le secteur formel.
Le gouvernement donne la priorité à l’innovation, aux TIC et à la R-D, mais les investissements dans la R-D sont faibles, et ce malgré l’existence d’un certain nombre d’organismes pour la promotion de la R-D (par exemple, le Centre national de recherche scientifique, le Fonds national de recherche scientifique et un fonds national pour aider les investisseurs technologiques). Des efforts sont actuellement déployés pour renforcer les universités et les centres de R-D, accorder des avantages fiscaux, encourager les réseaux de savoir et de transfert de technologie, ériger des centres de technologie industrielle et des parcs d’innovation, et décerner des prix de l’innovation. Douze incubateurs d’entreprises au moins sont organisés en réseaux sur l’ensemble du territoire pour apporter un appui aux nouvelles entreprises, y compris un appui financier aux projets hébergés dans des incubateurs. Un certain nombre de ces incubateurs sont associés à des établissements d’enseignement supérieur et financés par le ministère de l’Enseignement supérieur et le MICNT.
Une bonne partie du dispositif d’innovation en est encore au stade expérimental et a encore besoin de mieux trouver sa voie (Communautés européennes et OCDE 2008). Entre-temps, le gouvernement continue la mise en œuvre du Plan d’Action 2006–2010 de modernisation et de renforcement du système national de recherche. Le gouvernement attache une grande importance aux TIC pour développer une économie de l’information et de la connaissance propice à la croissance et à la création d’emplois (MICNT et DPTIT 2007). La stratégie e-Maroc 2010, lancée en 2005, est liée à la modernisation du système éducatif, à la promotion de l’innovation, au gouvernement en ligne et à l’adoption des TIC par les entreprises.
Bien que le Maroc ait un secteur privé plus fort que celui de nombreux autres pays MENA, il lui reste encore beaucoup à faire pour créer un environnement propice aux affaires et pour corriger les déséquilibres structurels et les faiblesses de l’économie en matière de capital humain. La stabilisation économique et les autres réformes n’ont pas eu pour effet de répondre aux attentes en matière de création d’emplois ni de réduire les inégalités de revenus. Le manque de croissance forte durable et de création d’emplois sont les défis majeurs auxquels le pays est confronté. De plus, le Maroc a besoin d’un secteur privé en expansion, plus diversifié et plus compétitif qui créera des emplois, des exportations et des innovations à plus forte valeur ajoutée. La clé est d’exploiter les fortes dispositions entrepreneuriales de la population.
Le royaume de Jordanie est un pays à revenu intermédiaire d’une population d’environ 6,3 millions d’habitants, avec une croissance de 2,2 pour cent et un PIB par habitant de 5620 dollars US (PPA). La Jordanie est un pays où la société est la plus urbanisée des 12 pays MENA. Soixante-dix-huit pour cent de la population vit en zones urbaines (WFB). Située au centre d’une région d’instabilité politique, son progrès économique et politique est fortement influencé par les événements de ses voisins, l’Irak et la Cisjordanie et Gaza.
À la fin des années 90, la Jordanie a privatisé un certain nombre d’entreprises étatisées, lancé des processus de libéralisation et commencé à abaisser les barrières au commerce et à l’IDE. Il y a plus de 13 Zones industrielles qualifiées (ZIQ), qui ont placé la Jordanie sur la carte des investissements étrangers depuis 2000. Le volume des apports de capitaux étrangers est passé rapidement de moins de 2,5 pour cent du PIB en 2001 à 23 pour cent en 2005. Le niveau des IDE a décliné depuis 2005, mais joue encore un rôle plus important en Jordanie (9,3 pour cent du PIB) que dans la plupart des autres pays de la région MENA (IDM). Bien qu’elles réussissent incontestablement à attirer des investissements étrangers, les ZIQ réussissent moins bien à créer des emplois.9 La Jordanie est le pays le plus ouvert au commerce du groupe des 12 pays MENA. Elle est membre de l’OMC depuis 2000 et a conclu des accords de libre-échange avec les USA, l’UE et plusieurs pays arabes. Les exportations atteignaient 58,0 pour cent du PIB en 2008, et les importations 91 pour cent du PIB (IDM).
La Jordanie a enregistré de solides performances économiques entre 2000 et 2008 avec une croissance annuelle du PIB de 7,2 pour cent en moyenne (IDM). Elle se classait au deuxième rang des 12 pays MENA pour la croissance. Cependant, la croissance du PIB est tombée à 5,6 pour cent en 2008 et à 3,1 pour cent en 2009. La croissance a été alimentée par un boom dans la construction, l’immobilier, le tourisme et les envois de fonds. Les envois de fonds s’élevaient à 18 pour cent du PIB en 2008, ce qui était nettement supérieur à la moyenne des pays MENA (4,8 pour cent) ou des autres pays à revenu intermédiaire (1,9 pour cent) (IDM). Ces dernières années, la Jordanie a constamment bénéficié de l’un des niveaux les plus élevés d’aide publique au développement dans le monde arabe : 126 dollars US par habitant10 et 3 pour cent du RNB en 2008 (IDM).
C’est le secteur des services qui est nettement le moteur de l’économie jordanienne (deux tiers du PIB), l’apport du secteur agricole étant relativement mineur (3,7 pour cent du PIB). Le secteur manufacturier, qui représente plus de 20 pour cent du PIB et deux tiers de la production industrielle, est dominé par les industries fondées sur les ressources, à forte intensité de main-d’œuvre et à faible technologie. Le dynamisme industriel a été, dans une large mesure, le produit de capitaux étrangers et d’une main-d’œuvre étrangère cherchant à bénéficier des accords commerciaux préférentiels avec les USA.
Le niveau de formation brute de capital est élevé par rapport aux 12 autres pays MENA (25,6 pour cent du PIB), le secteur privé comptant pour près des trois quarts. Cela étant, en raison du retour élevé sur investissement, une bonne partie de l’investissement privé est détourné vers l’immobilier et la construction au lieu d’aller à l’activité de production à valeur ajoutée.
Le système bancaire jordanien est bien développé, compétitif à l’échelon international et en conformité avec les normes bancaires internationales de base (Banque Audi 2009b). À la différence de la plupart des autres pays MENA, la Jordanie n’a pas de banques étatisées (Lyman et Lauer 2005), mais il y a quelques établissements de crédit gouvernementaux qui sont tous impliqués dans la microfinance subventionnée. Le crédit intérieur au secteur privé a atteint 84 pour cent du PIB en 2008, ce qui était nettement supérieur à la moyenne des pays MENA, qui était de 36 pour cent et classait la Jordanie au premier rang des 12 pays MENA. Le niveau du crédit intérieur fourni par le système bancaire a grimpé à 115 pour cent du PIB, considérablement plus élevé que la moyenne de la région MENA d’environ 40 pour cent. Les marchés financiers sont bien développés et le boom boursier a amené des changements dans la réglementation relative à l’entrée en bourse des nouvelles entreprises. La Bourse d’Amman n’est pas à la portée de la plupart des PME jordaniennes et il faudrait une bourse secondaire pour les PME.
La Jordanie a un environnement des affaires relativement favorable pour la croissance du secteur privé. C’est le meilleur score des 12 pays MENA sur l’indice de liberté économique et la Jordanie est classée comme pays ‘moyennement libre’ (Fondation Héritage). Elle a un haut degré de liberté fiscale, est ‘essentiellement libre’ sur les libertés des échanges et de la monnaie, ‘moyennement libre’ sur les libertés des investissements et de la finance, et est jugée ‘réprimée’ sur les libertés concernant la lutte contre la corruption et la protection des droits de propriété. La Jordanie a perdu des places dans le classement de la Banque mondiale, Doing Business passant du 80ème rang en 2007 au 100ème dans Doing Business 2010 (Banque mondiale 2009b).
Les initiatives de reformes de grande ampleur prises dans le passé pour promouvoir la croissance tirée par le secteur privé et une économie du savoir ont compris des investissements dans le capital humain. La Jordanie a l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés de la région (90 pour cent des adultes et jusqu’à 99 pour cent des 15-24 ans) (IDM). Elle a rapidement réduit le différentiel hommes/femmes en matière d’éducation, aussi bien des niveaux que de l’accès, et elle affiche l’un des taux d’alphabétisation des femmes les plus élevés de la région (WFB). Les établissements d’enseignement, de formation et de R-D publics et privés sont nombreux et le niveau d’instruction est élevé (Bertelsmann Stiftung 2008b). Cependant, l’économie jordanienne a peu tiré profit de son investissement dans le capital humain en raison de la faiblesse des taux d’utilisation de la main-d’œuvre et des taux élevés du chômage parmi les Jordaniens les plus instruits.
En 2008, le taux d’activité était de 50,0 pour cent (IDM). Le ratio d’emploi par rapport à la population est inférieur à 40 pour cent, ce qui est l’un des plus bas des 12 pays MENA. L’une des raisons est la faible participation des femmes à l’activité économique. Leur part dans l’emploi est inférieure à 16 pour cent. Les taux de fécondité élevés, la discrimination hommes/femmes en matière de salaires et de rémunérations non salariales, le chômage, la ségrégation professionnelle et le potentiel inexploité des capacités des femmes dans le secteur privé sont les obstacles majeurs à leur rôle dans la population active (Banque mondiale 2005b).
Le taux de chômage officiel de 13,5 pour cent11 demeure élevé. Le taux de chômage des femmes est deux fois plus élevé que celui des hommes (10,2 pour cent contre 24,7 pour cent) (RHJ 2008) et les trois quarts des chômeuses ont entre 15 et 29 ans (DOS 2008). Les taux de chômage les plus élevés sont de loin parmi les femmes les plus instruites : 58 pour cent des femmes titulaires d’au moins une licence (DOS 2008). L’un des défis majeurs auxquels est confrontée la Jordanie est la capacité de créer suffisamment de nouveaux emplois de qualité pour absorber environ 50 000 nouveaux entrants sur le marché du travail chaque année12 et d’assurer la protection sociale aux travailleurs qui ne peuvent pas s’adapter aux changements de la situation ni aux exigences de compétences (OIT 2006).
Le pourcentage de la population vivant en dessous du seuil national de pauvreté est tombé de 21,3 pour cent en 1997 à 14,2 pour cent en 2007 (PNUD 2009), mais les taux de pauvreté sont beaucoup plus élevés dans les zones rurales et les efforts pour réduire la pauvreté n’ont pas conduit à une réduction de l’inégalité de revenus (Saif et Tabbaa 2008). Il apparaît qu’une bonne partie des performances récentes de croissance n’ont pas été en faveur des pauvres, pas plus qu’elles n’ont fait baisser le chômage ou les niveaux de pauvreté.
Le gouvernement joue dans l’économie un rôle important, qui représente plus de 30 pour cent du PIB (MPCI 2008) et près de 40 pour cent de l’emploi, et il est fortement engagé dans les secteurs clés. L’emploi dans le secteur public est un choix de carrière qui attire en raison de la sécurité et des avantages sociaux. Les jeunes Jordaniens instruits sont prêts à attendre longtemps que se libèrent des emplois dans le secteur public, qui en compte peu, ou choisissent de partir plutôt que d’accepter un travail peu qualifié et mal payé dans le secteur privé. Presque les deux tiers des emplois nouvellement créés depuis 2001 ont été pris par des non Jordaniens (Razzaz et Iqbal 2008).
L’activité des autochtones dans le secteur privé est concentrée dans le commerce de gros ou de détail à faible valeur ajoutée, dans la réparation des véhicules à moteur et dans le commerce des effets personnels et les articles ménagers (61 pour cent des établissements et près d’un tiers de l’emploi). Diverses enquêtes confirment les faiblesses du secteur manufacturier et qui se traduit par son faible apport au PIB et à la croissance économique. Les entreprises jordaniennes estiment que les taux d’imposition, la corruption et l’obtention de permis sont leurs contraintes majeures.13
L’apport des PME au PIB est estimé à 27 pour cent, ce qui est beaucoup plus faible que dans bien d’autres pays (MPCI 2006). La part de l’emploi des établissements de moins de 50 employés est plus faible (64 pour cent) que dans la plupart des 12 pays MENA. En Égypte et Cisjordanie et Gaza, par exemple, les entreprises de moins de 50 salariés représentent plus de 85 pour cent de l’emploi du secteur privé. Les PME jordaniennes se heurtent à nombre de difficultés que rencontrent les PME des autres pays MENA : faiblesse des capacités de gestion et des systèmes de gestion internes ; systèmes de comptabilité financière inadaptés ; faibles compétences en matière de commercialisation ; accès insuffisant à l’information sur les marchés, aux circuits de distribution, aux cahiers des charges requis pour les marchés de l’exportation et aux bonnes pratiques de production et techniques de gestion. Si elles ne s’améliorent pas, la plupart des PME ne pourront pas se montrer compétitives et profiter des opportunités que leur offrent les accords de libreéchange. L’un des obstacles extérieurs majeurs est l’accès au financement (Al-Anagreh et autres 2005). Ce dont les PME ont le plus besoin, c’est d’avoir accès au financement, d’acquérir du savoir-faire en matière de commercialisation, de développer leurs capacités et leurs réseaux d’exportations, d’avoir une réglementation des pouvoirs publics qui leur soit favorable et de bénéficier de plaidoyers zélés.
En 2007, le taux de travail indépendant n’était que de 15,2 pour cent (DOS 2008), ce qui était moins que la moitié du taux de la plupart des 12 pays MENA. Il y a quatre fois plus de chances que les hommes actifs soient travailleurs indépendants que les femmes actives. Le taux d’auto-emploi des femmes est de 4,1 pour cent, comparativement à 17,3 pour cent pour les hommes. Ce taux de travail indépendant des femmes est le plus bas des 12 pays MENA. La Jordanie se démarque, avec l’Égypte, comme étant l’un des pays où les travailleurs indépendants sont les plus susceptibles de créer des emplois pour les autres (près de la moitié de la totalité des travailleurs indépendants sont des employeurs).
En 2006, la part du secteur informel dans le PIB était d’environ 21,6 pour cent (Schneider et Buehn 2009), ce qui en fait est faible pour un pays à ce niveau de développement économique. Cela pourrait s’expliquer par un environnement plus favorable à l’intégration des entreprises dans le secteur formel ou par un niveau plus faible de l’activité économique de subsistance en général.
Selon l’enquête GEM de 2009 sur l’activité entrepreneuriale, environ 6 pour cent des adultes étaient en train d’essayer de créer une entreprise (entrepreneurs naissants) et 10 pour cent possédaient déjà une entreprise qui fonctionnait (CRDI 2010). La densité des entrepreneurs en activité dans la population adulte est parmi les plus basses des 10 pays du GEM-MENA. Le taux relativement bas de travail indépendant et la densité relativement basse d’entrepreneurs naissants et en fonction en Jordanie donnent à penser qu’il y a beaucoup moins de gens engagés dans l’activité entrepreneuriale, bien que certaines des autres conditions favorables soient réunies. Jusqu’à la fin des années 80, les Jordaniens comptaient surtout sur des emplois dans la fonction publique, ce qui explique que la culture d’entreprise ne soit pas très bien ancrée. Plus de la moitié des 15–29 ans ont déclaré dans un sondage qu’ils préféreraient un emploi dans la fonction publique, à égalité de salaire et de conditions de travail, à un emploi dans le secteur privé (16 pour cent) ou d’être travailleur autonome (23 pour cent) (Silatech 2009). Ce qu’il faut, de toute évidence, pour assurer dans l’avenir la croissance du secteur privé, c’est faire en sorte que l’entrepreneuriat soit un choix pour les jeunes et veiller à ce que soient en place les soutiens nécessaires au développement de l’entrepreneuriat.
Depuis 1999 et l’accession au trône du roi Abdullah II, le développement du potentiel économique intérieur et l’amélioration du niveau de vie sont devenus les priorités politiques principales. L’objectif des pouvoirs publics est une mise en place totale de l’économie de marché et une intégration totale dans le marché mondial (Bertelsmann Stiftung 2008b). La reconnaissance du rôle du secteur privé comme partenaire principal de l’activité économique a été confirmée dans le Plan national de développement économique et social 2004–2006 du gouvernement (MPCI 2004).
Le Plan national d’action 2006–2015 expose le nouveau visage d’une Jordanie transformée et des principaux sujets de réformes pour les 10 ans à venir (MPCI 2006). Les objectifs fixés sont une croissance annuelle du PIB réel de 7,2 pour cent, le doublement du revenu par habitant, la réduction du chômage à 6,8 pour cent par la création de 600 000 nouveaux emplois, le passage à 20 pour cent de la part de l’emploi des femmes, la réduction de la dette publique à 36 pour cent (alors qu’elle est de 91 pour cent), l’accroissement de l’apport des IDE, qui passeraient à 40 pour cent du PIB, et la réduction du taux de pauvreté, qui tomberait à 10 pour cent. Ce Plan a été mis au point en concertation avec les différentes parties prenantes, aussi bien les associations de la société civile que le public. Le nouveau programme était divisé en trois phases conduisant la Jordanie à passer d’une économie déterminée par les facteurs à une économie déterminée par l’efficacité et finalement à une économie déterminée par l’innovation. Les trois phases comportent des réformes de nature à promouvoir les industries et le commerce des services à forte intensité de main-d’œuvre et axés sur les exportations ; à développer la formation professionnelle et le soutien à l’emploi ; à investir dans les infrastructures clés pour soutenir la croissance du secteur privé ; à améliorer la gouvernance du secteur public ;à éliminer toutes les formes de discrimination contre les femmes ; à libéraliser les marchés étatisés ; à valoriser et renforcer la base industrielle pour créer des emplois à valeur ajoutée ; et à soutenir une sélection de secteurs pour assurer la transition vers l’économie du savoir. Le programme souligne également la nécessité d’associer davantage les organisations de la société civile et le public à la prise de décisions et aux processus de développement. Cela implique qu’il faut une nouvelle législation pour garantir la liberté d’établissement des ONG et réduire les obstacles à leur création.
Concernant les réformes de la réglementation et de l’administration, des progrès dans leur mise en œuvre ont été réalisés sur plusieurs fronts (CE 2008b). Il y a notamment une nouvelle loi sur les investissements, la préparation d’une nouvelle législation du travail, la révision du droit de la concurrence et des sociétés, la modernisation du droit fiscal avec avantages pour les petites entreprises et l’abaissement significatif de leurs charges, et la modification du code de la sécurité sociale pour éliminer les pratiques discriminatoires à l’embauche des femmes14. Les frais d’enregistrement d’une société à responsabilité limité ont été réduits de 30 000 dinars jordaniens à 1000, les formalités d’enregistrement ont été simplifiées et le Conseil jordanien de l’investissement et le ministère de l’Industrie et du Commerce (MIC) ont instauré des guichets uniques. L’enregistrement en ligne des sociétés est maintenant possible. Des mesures importantes ont été prises pour accentuer la prise de conscience du secteur privé des normes de qualité et pour faciliter l’accès aux chaînes de valeur mondiales. Un ministère de la Réforme du secteur public a été créé pour simplifier les systèmes et les procédures et promouvoir l’évaluation des performances et la transparence (ONU 2008). Le MIC a créé une Équipe nationale de compétitivité pour suivre et évaluer l’état de la compétitivité de la Jordanie et pour établir un Observatoire de la compétitivité. Le premier rapport de l’Équipe recommandait d’investir dans les secteurs productifs les plus rapides, de trouver une solution à la fuite des cerveaux, de développer le rendement du système éducatif et de la formation professionnelle pour répondre aux besoins du marché, d’accroître la coopération entre le secteur public et le secteur privé, de coordonner les efforts pour renforcer la capacité du secteur manufacturier en soutenant la commercialisation, les réseaux d’entreprises, les SDE, la création de pôles de compétitivité et l’accès à l’information (JNCT 2007).
Former une main-d’œuvre de qualité est une priorité de la réforme inscrite au Programme national d’action et qui a débuté en 2003 avec le lancement de l’Initiative pour l’éducation en Jordanie, la Réforme de l’éducation pour l’économie de la connaissance (ERfKE) et le Programme jordanien d’enseignement supérieur. Ces initiatives comportent notamment l’actualisation des programmes, l‘élaboration de programmes de formation générale pour les enseignants de tous niveaux, l’adoption de systèmes d’enseignement en ligne, la construction de nouveaux établissements et la réforme des contenus d’enseignement pour la petite enfance.
L’un des principaux défis auxquels la Jordanie est confrontée est le décalage entre le système éducatif, et notamment le système d’enseignement et formation techniques et professionnel) et les besoins du marché du travail (ONUESC 2008). Bien qu’aient été lancées un certain nombre de réformes clés soutenues par les bailleurs, le manque de procédures officielles de coordination pour l’harmonisation de l’enseignement et de la formation, l’incapacité des partenaires sociaux et des parties prenantes à gérer les réformes du développement du capital humain, et le manque de coordination entre bailleurs compromettent la réalisation des objectifs du Programme national (ETF 2009).
La Jordanie n’a pas de politique ou de stratégie cohérente de développement des PME et des entreprises, bien que l’Agence des États Unis pour le développement international (USAID) aide le ministère de l’Industrie et du Commerce à préparer un document sur cette question (Communautés européennes et OCDE 2008) et que l’ONU ait estimé qu’elle devait apporter son soutien à la politique des PME sur la réduction des inégalités hommes/femmes (ONU 2008). Le département des PME au sein du MIC, instauré en 2003, a la responsabilité des politiques relatives aux PME. Cette responsabilité est partagée avec Jordan Enterprise, qui est l’organisme de mise en œuvre de tous les programmes d’appui aux entreprises, dont le Programme d’amélioration et de modernisation de la Jordanie (JUMP), une initiative nouvelle pour améliorer les PME du secteur des services, et d’autres programmes d’appui direct aux PME. Cela étant, de nombreux organismes gouvernementaux et quasi gouvernementaux sont engagés dans les actions de développement des PME. Le Fonds national de soutien aux entreprises (NAFES) a été institué en 2001 pour aider à la création d’un marché de services de développement aux entreprises (SDE) en Jordanie et il subventionne jusqu’à 80 pour cent des honoraires payés aux prestataires de services agréés pour les conseils qu’ils prodiguent aux PME. Le Centre de développement des entreprises de Jordanie apporte un appui aux PME qui ont entre 5 et 250 salariés dans les domaines suivants : développement des exportations, amélioration de la gestion et des opérations financières et de la compétitivité, dont un programme pour les entreprises possédées et gérées par des femmes. Le Fonds de développement et d’emploi est une institution financière non bancaire fondée en 1992 qui fournit des services aux particuliers pauvres, à faible revenu et sans travail pour qu’ils puissent créer leur entreprise. L’Académie arabe des services bancaires et financiers a fondé un Centre des PME en 2006 pour développer les compétences des entrepreneurs en organisant des stages de formation de haut niveau et en proposant des services de conseils pour qu’ils améliorent leurs entreprises.
Pour améliorer l’accès au financement, la banque centrale a encouragé la professionnalisation des banquiers en matière de prêts aux PME. Quelques banques ont commencé lentement à pénétrer le marché des PME, en instaurant des départements distincts de prêt aux PME et en expérimentant des modèles de notation de crédit.
Le gouvernement a instauré la Société jordanienne de garantie de prêts15 en 1994 pour apporter aux banques commerciales des garanties de prêts (jusqu’à 85 pour cent) pour les encourager à accorder des prêts aux PME qui ne peuvent pas offrir le nantissement. Il a également mis sur pied des organismes spécialisés pour étendre les facilités de prêts à long terme dans le secteur agricole et dans le secteur industriel à des taux d’intérêt bonifiés.
L’industrie de la microfinance en Jordanie en est à ses débuts. Il y a cinq grandes institutions de microfinance à forte orientation commerciale et se conformant aux normes industrielles, une douzaine d’autres institutions de microcrédit et environ 200 programmes locaux de microcrédit (PlaNet Finance 2007). La Stratégie nationale de développement de la microfinance est un plan de cinq ans lancé en 2008 qui fournit un cadre de surveillance et de régulation au développement de l’activité des institutions de microcrédit (MPCI 2008).
Pour combler le déficit de capital-risque privé, en particulier pour les entreprise émergentes en phase d’amorçage et les PME, le gouvernement a chargé Jordan Enterprise de créer deux programmes soutenus par le gouvernement - un fonds de démarrage de 5 millions d’euros et un fonds de capital-investissement de 20 millions d’euros. Un appel de propositions pour sélectionner les directeurs de ces deux fonds a été clos en juin 2009 (JEDCO 2009). Outre les ressources budgétaires gouvernementales, la banque d’investissement européenne et d’autres bailleurs sont intéressés par investir dans ces fonds.
Un certain nombre d’ONG cherchent à promouvoir l’entrepreneuriat bien que leurs activités soient quelque peu fragmentées et non coordonnées. La Société financière internationale (IFC) a lancé son programme de formation à la gestion des affaires en Jordanie, Business Edge, dont l’objectif était de former 5000 propriétaires d’entreprises d’ici 2009. Le programme de formation Business Edge est complémentaire des programmes de formation proposés par l’OIT, Créez votre propre entreprise et Développez votre propre affaire. Le Forum jordanien des femmes d’affaires et des femmes cadres (JFPBW) propose des conseils professionnels aux femmes entrepreneurs, organise en son sein un incubateur pour les femmes qui possèdent une entreprise ou veulent en créer une, et se fait le porte-parole auprès du gouvernement et du public des PME dirigées par des femmes en conduisant des recherches et en réclamant une législation et une réglementation plus favorables. L’Association des jeunes entrepreneurs (YEA) fait beaucoup pour promouvoir l’entrepreneuriat et plaider en sa faveur et elle a effectué des travaux de recherche et proposé des mesures pour peser sur les décisions en la matière (YEA 2004b). Le site AIRiyadi (‘entrepreneur’) (www.airiyadi.net) fait partie de l’action de plus grande envergure de la YEA pour stimuler la croissance économique en encourageant l’entrepreneuriat et en facilitant l’accès à l’information et au savoir. La YEA organise des campagnes promotionnelles à l’intention des étudiants des universités et, dans les collectivités, des forums sur l’entrepreneuriat et est en passe d’établir le Projet de plaidoyer pour les politiques publiques préconisant une réforme législative et structurelle pour améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les nouvelles entreprises (YEA 2009). INJAZ, programme instauré en Jordanie en 1999, propose des cours liés à l’entrepreneuriat aux étudiants des universités et des établissements secondaires comme activités para-scolaires. Plus de cent établissements, écoles et universités, y participent. Il y a d’autres efforts officiels entrepris par les ministères pour intégrer l’entrepreneuriat dans les programmes, mais ils ne sont pas très avancés. L’université de technologie Princesse Sumaya (PSUT) a fondé le Centre Reine Rania pour l’entrepreneuriat (QRCE) en 2006 pour promouvoir l’entrepreneuriat fondé sur la connaissance et encourager la commercialisation de la technologie. L’une des initiatives clés est le Concours national d’entrepreneuriat, un concours de plans de création d’entreprise basé sur la technologie destiné à transformer l’innovation en commercialisation.
La recherche-développement fait partie des priorités du programme national. Le Conseil supérieur de la science et de la technologie (HCST), créé en 1987, sert d’organisme de coordination des activités des sciences, de la technologie et de l’innovation des ministères, des institutions et des organisations du secteur privé. Sa dernière stratégie consiste à identifier un certain nombre de réalisations à effectuer dans les domaines de l’information, des ressources humaines, des transferts de technologie et de R-D (HCST 2004). La Société des zones industrielles de la Jordanie a établi un réseau de centres d’innovation pour promouvoir la coopération entre les universités et l’industrie et commercialiser la R-D, et les incubateurs existants ont formé le Consortium national pour l’appui technologique et incubation d’entreprises. Un fonds de recherche a été créé au sein du ministère de l’Enseignement supérieur pour soutenir la recherche et renforcer le dialogue entre le secteur privé et le monde universitaire. Le financement de la R-D et des nouvelles entreprises est assuré par le HCST par le canal du projet de l’UE, Soutien aux initiatives et stratégies de recherche, de développement technologique et d’innovation en Jordanie. Il faudrait s’efforcer d’intégrer ces initiatives dans une politique plus large encourageant la promotion de l’entrepreneuriat et de la disponibilité du capital de lancement et du capital-risque pour les nouvelles entreprises et les sociétés à haut potentiel (Communautés européennes et OCDE 2008).
La Jordanie se classe parmi les pays MENA qui réussissent le mieux en matière de DSP. Cela étant, sa croissance relativement forte est déterminée par les IDE et les investissements dans des secteurs non productifs. La Jordanie n’est pas aussi forte qu’elle pourrait l’être en termes d’activité entrepreneuriale orientée vers la création d’emplois et la croissance, et elle ne tire pas avantage de sa réserve de femmes instruites qui contribueraient au développement économique.
La croissance du secteur privé, et particulièrement, des PME, est nécessaire, non seulement pour la croissance économique, mais pour la création d’emplois, l’un des défis majeurs auxquels la Jordanie est confrontée. Bien que les évolutions récentes aient favorisé l’émergence d’un cadre propice au développement du secteur privé et des PME, l’institutionnalisation de ces efforts demeure une préoccupation. Le manque de consensus clair sur l’orientation de la réforme de l’économie de marché libre, les fréquents changements de gouvernements au cours de la période des réformes16, le manque de participation totale de la société civile au processus de réforme (Bertelsmann Stiftung 2008b) et l’incapacité à mettre en œuvre des réformes de la bureaucratie, en particulier si elles risquaient d’avoir des incidences sur les emplois du secteur public ou porter atteinte aux intérêts des groupes privilégiés (Alissa 2007a) ont été sources de désaccords dans le passé. Il faudrait une meilleure coordination et un renforcement des institutions dans la plupart des domaines d’action affectant le développement du secteur privé, de l’entrepreneuriat et des PME.
La République arabe d’Égypte est un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure avec une population d’environ 79 millions d’habitants, dont la croissance est tout juste supérieure à2 pour cent, et, en 2009, un PIB par habitant de 6123 dollars US (PPA). C’est le pays le plus peuplé du monde arabe. Sa politique de la ‘porte ouverte’ date de 1976. En 2004, le gouvernement égyptien a engagé un nouveau mouvement de réformes, qui faisait suite à un programme de réforme économique lancé en 1991 et qui était lors au point mort après avoir décliné depuis le milieu des années 90. La stratégie adoptée a pour objectif de poursuivre l’intégration de l’Égypte dans l’économie mondiale.
Il y a eu accélération des efforts de privatisation depuis la création du ministère de l’Investissement en 2004. Les entreprises étatisées de tous les secteurs sont susceptibles d’être privatisées, y compris les services publics et le pétrole, mais l’économie égyptienne repose essentiellement sur le tourisme, sur les exportations de pétrole et de gaz et sur les revenus du canal de Suez, dont une bonne partie est sous le contrôle de l’État. Une meilleure coordination des efforts pour attirer les IDE a eu pour effet l’augmentation du niveau de leurs apports à un rythme régulier passant de 3,4 pour cent du PIB en 2002 à 8,9 pour cent en 2007 avant de chuter à 5,9 en 2008 (IDM). Ce sont le tourisme et l’immobilier qui en attirent la plus grande part. L’Égypte a des accords de commerce extérieur et d’investissements avec plus de 40 pays, dont plusieurs de la Ligue arabe. Le Contrat d’association avec l’UE est entré en vigueur en 2004. Les exportations représentaient 33 pour cent du PIB en 2008 et les importations 39 pour cent (IDM). Les hydrocarbures et les produits agricoles représentent jusqu’à 80 pour cent des exportations (USAID 2008a). Afin de tirer avantage des accords commerciaux et d’accroître les exportations de produits manufacturés, il faudra que les entreprises égyptiennes améliorent la qualité des produits et la compétitivité et soient encouragées à diversifier leur base de produits.
La croissance annuelle du PIB a tourné autour de 4,7 pour cent entre 2000 et 2008 (IDM). En 2009, elle était à environ 4,7 pour cent, ce qui représentait une chute par rapport aux 7,2 pour cent de 2008 (WFB), mais, dans ces deux années, l’Égypte se situait au troisième rang des 12 pays MENA pour la croissance. Ces performances du taux de croissances sont en grande partie dues aux revenus du canal de Suez, au tourisme, au pétrole et aux envois de fonds des travailleurs du pays de Golfe17, cependant les pauvres n’en ont guère profité. Au cours de la période 1991–2006, la croissance du PIB ne s’est pas traduit par un abaissement des niveaux de pauvreté ni par une amélioration de la distribution des revenus ou une élévation des dépenses par habitant, pour les salariés et les demandeurs d’emplois malgré une nette amélioration des conditions du marché (Assaad et Roushdy 2006 ; Kheir-El-Din et El-Laithy 2006). Près de 20 pour cent de la population vit avec moins de 2 dollars US par jour (PNUD 2009).
Le secteur des services représente près de la moitié du PIB et la moitié de la population active (WFB), et le secteur du pétrole et du gaz environ 12 pour cent. Un tiers de la main-d’œuvre travaille dans le secteur industriel et environ un tiers dans des activités agricoles de faible productivité.
En 2008, la formation brute de capital s’élevait à 22,4 pour cent du PIB (IDM), ce qui place l’Égypte en queue du classement des 12 pays MENA. La formation de capitaux privés atteignait 14,5 pour cent du PIB, environ les deux tiers des investissements bruts, ce qui représente une augmentation par rapport aux 47 pour cent de 2003–2004. Les investissements privés demeurent concentrés sur le pétrole et le gaz, l’immobilier et la construction, les transports, les communications et l’entreposage.
Plus de la moitié du système bancaire est maintenant dans des mains privées bien que le secteur public soit encore dominant et absorbe une partie notable du crédit disponible. Le crédit intérieur au secteur privé était de 43 pour cent du PIB en 2008 (IDM), ce qui était supérieur à la moyenne de la région MENA. Le niveau du crédit intérieur fourni par le système bancaire atteignait 78 pour cent du PIB en 2008, ce qui était également supérieur à la moyenne de la région MENA (IDM). La distribution du financement bancaire est inégale, la majorité des prêts allant à quelques grandes entreprises bien établies. La moitié de la totalité des prêts des banques égyptienne est concentrée sur 0,20 pour cent des clients (Banque mondiale 2008a). L’Égypte a implanté une bourse des PME (NILEX) à la Bourse du Caire et d’Alexandrie en 200718 mais l’industrie formelle du capital-risque est toute récente. Le financement sur fonds propres et les mécanismes de crédit-bail sont sousdéveloppés et n’ont pas une consistance suffisante pour servir le marché des PME.
L’Égypte a gagné quelques places au classement 2009–2010 de l’indice de compétitivité mondiale par rapport à l’année précédente, ce qui était en grande partie dû à l’amélioration des infrastructures et aux évolutions positives liées à l’efficacité du marché du travail et à la sophistication des marchés financiers (FEM 2009b). Cela étant, le marché du travail continue de souffrir d’un excès de réglementation et il y a un déficit de débouchés pour les jeunes et pour les femmes. Les rigidités du marché du travail, avec l’instabilité macroéconomique provoquée par une lourde dette publique (85 pour cent du PIB en 2007), les déficits budgétaires et l’inflation, et la maigre confiance dans le système bancaire sont les principaux obstacles à la compétitivité. Selon l’indice de liberté économique de 2010, l’Égypte se classe entre le Maroc et la Tunisie à la 94ème place sur 179 (Fondation Héritage 2010). Elle se classe dans la catégorie des économies ‘essentiellement non libres’ bien qu’elle ait un haut degré de liberté en matière fiscale et qu’elle soit ‘moyennement libre’ en matière de liberté des échanges et de taille du gouvernement. C’est au regard des droits de propriété et de lutte contre la corruption que son score est le plus bas. En ce qui concerne les évaluations de la Banque mondiale sur la pratique des affaires, l’Égypte s’est fort bien classée ces dernières années. Elle est passée de la 165ème position dans le premier rapport à la 106ème dans le rapport Doing Business 2010 (Banque mondiale 2009b), se classant cinquième parmi les 12 pays MENA. Par comparaison, elle se classe très honorablement lorsqu’il s’agit des délais et des frais de lancement d’une entreprise et du commerce transfrontalier, ce qui n’est pas le cas pour les frais de licenciement d’un employé, qui sont les plus élevés, tout comme le sont, le délai d’enregistrement19 d’une entreprise, les frais pour faire exécuter un contrat et ceux qu’entraîne une faillite.
Le taux d’alphabétisation est de 71,4 pour cent (WFB), avec un écart significatif hommes/femmes de près de 24 points. Selon les indicateurs relatifs à l’éducation, l’Égypte se classe à la huitième place parmi les 12 pays MENA, ce qui donne à penser que la qualité de la main-d’œuvre est relativement faible. Le taux d’activité est de 48 pour cent : 71 pour cent pour les hommes et 23 pour cent pour les femmes (IDM). Le taux d’emploi n’est que de 42 pour cent, l’un des plus bas des 12 pays MENA. La part des femmes dans l’emploi est de 23 pour cent, ce qui est très légèrement supérieur à la moyenne des 12 pays MENA. Le taux de chômage en 2009 était de 9,7 pour cent (WFB), le taux pour les femmes étant quatre fois plus élevé que celui des hommes. Il y a plus d’un million de femmes dans la population active qui aimeraient travailler mais ne trouvent pas d’emploi. C’est chez les jeunes ayant un bon niveau d’instruction que le chômage est le plus élevé (Assaad 2006) et la pression s’accentue pour que soient absorbés les 800 000 nouveaux entrants sur le marché du travail chaque année. Il est peu probable que la croissance économique seule puisse générer suffisamment d’emplois pour faire face à cet afflux et endiguer le chômage.
La part du secteur privé dans le PIB est passée d’un maximum d’un peu plus de 70 pour cent en 2002 à moins de 65 pour cent en 2008. La part du secteur public dans l’ensemble de l’emploi est d’environ 30 pour cent20, ce qui place l’Égypte au quatrième rang du groupe des 12 pays MENA. Il n’y a qu’environ 10 pour cent de l’emploi qui soit dans le secteur privé formel. Le reste se répartit entre le secteur informel (plus d’un tiers) et le secteur agricole (plus d’un quart). Le secteur privé formel a été jusqu’à présent incapable d’absorber l’accroissement constant de la main-d’œuvre. Les pratiques du secteur informel et la corruption, une main-d’œuvre insuffisamment instruite, les taux de prélèvements, l’accès au financement et au terrain sont les principaux obstacles auxquels se heurtent les entreprises du secteur privé.21
La part du secteur des PME dans le PIB est d’environ 25 pour cent (GAFI 2008). Les micro- et petites entreprises, c’est-à-dire celles qui ont moins de 50 employés et un capital de lancement de moins d’un million de livres égyptiennes, constituent la quasi-totalité du secteur privé non agricole. À elles seules, les microentreprises (moins de cinq employés) représentent 92,5 pour cent des établissements privés et presque les deux tiers de la population active occupée du secteur privé (FSD 2009). Il n’y a que 1,6 pour cent des établissements à avoir plus de dix employés, ce qui dénote un sérieux déséquilibre structurel dans la distribution des entreprises par taille. La part de la population active occupée des micros et des petites entreprises dans le secteur privé est passée de 75 pour cent en 1996 à 85 pour cent en 2006, mais l’apport de ces entreprises en termes de valeur ajoutée et d’exportations des produits manufacturés est faible (FSD 2009).
Les PME égyptiennes souffrent de plusieurs contraintes : manque de compétences de gestion et de systèmes pour être en mesure d’être vraiment compétitives sur les marchés mondiaux ; systèmes de production dépassés ; difficulté d’accès au financement, à l’information, au SDE et à la formation ; accès limité aux marchés, aux circuits de distribution, aux liens avec de plus grandes entreprises dans la chaîne de production ; et faible utilisation des technologies modernes et accès limité (FSD 2009). Il y a moins d’un pour cent des PME à avoir accès aux SDE (Entrust 2006), seul un petit pourcentage d’entrepreneurs reçoit une formation technique avant de se lancer une entreprise (El Mahdi 2006) et moins de 10 pour cent indiquent que leurs employés ont reçu une quelconque formation (Entrust 2006). La réglementation juridique impose des coûts de transactions élevés aux PME (ENCC 2007). Le financement par les banques n’est pas facilement accessible aux PME et le crédit-bail est un phénomène relativement nouveau en Égypte. La microfinance est la source extérieure de financement la plus importante pour les PME bien que la demande dépasse l’offre.
En raison principalement d’un environnement difficile des affaires pour les micro- et petites entreprises, le secteur informel est une des caractéristiques du paysage de ces entreprises. L’économie informelle représente environ 35 pour cent du PIB (Schneider et Buehn 2009). Plus de 83 pour cent des entreprises sont dans le secteur informel (El Mahdi et Rashed 2007) et plus de 70 pour cent de tous les salariés du secteur privé travaillent dans le secteur informel. Bien que le secteur informel diminue lorsqu’il y a des entreprises de grande taille, même les plus grandes (plus de 50 employés) recrutent près d’un quart de leurs ouvriers aux conditions du secteur informel (sans contrat ni couverture sociale). C’est là une des caractéristiques du développement du secteur privé qui appelle le plus d’attention.
Presque un quart des Égyptiens qui travaillent sont des travailleurs indépendants, soit 5,3 millions. Parmi les 12 pays MENA, l’Égypte est de ceux où il y a le plus de travailleurs indépendants à être eux-mêmes employeurs. Ils sont 58,5 pour cent. Les travailleurs indépendants hommes sont plus nombreux que les femmes dans une proportion de quatre pour un. Parmi les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder au travail indépendant ou à l’activité des PME, il y a notamment les résistances d’ordre social et culturel ; le faible niveau d’instruction ; l’accès limité au financement, à la formation, au SDE et aux marchés ; et la faible proportion de propriétaires de biens et la difficulté de l’exercice des droits de propriété (El Mahdi 2006). Avec les efforts pour accroître le taux d’activité des femmes, elles auront davantage de possibilités de devenir propriétaires d’entreprises, à condition que le soutien approprié suive.
En Égypte, l’entrepreneuriat n’est pas une valeur culturelle profondément ancrée. La moitié des 15–29 ans ont déclaré, dans un sondage d’opinion, qu’ils préfèreraient être fonctionnaires, à égalité de salaires et de conditions de travail, plutôt que d’être employés dans le secteur privé (10 pour cent) ou d’être travailleurs indépendants (18 pour cent) (Silatech 2009). Bien qu’un nombre croissant de jeunes Égyptiens se disent intéressés par l’entrepreneuriat, la formation à l’entrepreneuriat est pratiquement absente du système éducatif. Promouvoir l’entrepreneuriat et présenter aux jeunes l’entrepreneuriat comme un choix de carrière possible et assurer l’assistance technique pour que leur potentiel entrepreneurial puisse s’exprimer est de toute évidence très important pour la croissance à venir du secteur privé. Selon l’enquête GEM de 2008 sur l’activité entrepreneuriale, environ 8 pour cent des adultes essaient activement de créer leur entreprise (entrepreneurs naissants) et 13,5 pour cent étaient déjà propriétaires d’une entreprise établie (Hattab 2009). La densité des entrepreneurs dans la population adulte est parmi la plus élevée des 10 pays GEM-MENA. Cela étant, les conditions sont moins favorables en Égypte que dans la plupart des pays de l’enquête GEM, notamment en ce qui concerne l’éducation à l’entrepreneuriat, le soutien à la R-D, l’accès au financement pour les entreprises nouvelles et celles en phase de croissance, et l’appui des pouvoirs publics à ces entreprises (Hattab 2009).
Le gouvernement a annoncé des objectifs de développement très dynamiques en matière sociale et économique dans le Sixième Plan quinquennal 2007/08–2011/12: croissance annuelle du PIB de 8 pour cent, croissance annuelle du revenu par habitant de 6 pour cent, création de 3,8 millions de débouchés, réduction du taux officiel de chômage à 5,5, taux d’investissement passant à 24 pour cent du PIB, doublement des apports de l’IDE, accroissement annuel de 12 pour cent des exportations, réduction du niveau de pauvreté à 15 pour cent (et à 6 pour cent à l’horizon 2022), réduction du taux d’analphabétisme à 20 pour cent et taux d’activité des femmes passant à 25 pour cent ( République arabe d’Égypte 2007). Ce Plan comporte un programme de dépenses publiques massives pour implanter 1000 nouvelles usines, construire 415 000 logements pour les groupes à faible revenu et 3000 nouvelles écoles, développer les infrastructures du tourisme et créer 30 villages. Pour que ces objectifs puissent être atteints, l’orientation politique va dans le sens d’une accélération des réformes économiques qui favorisera un meilleur niveau de participation du secteur privé à l’activité économique, aux investissements et à la création d’emplois. Le financement du plan sera assuré par le gouvernement, les bailleurs, l’IDE et le secteur privé.
L’Égypte a fait des progrès considérables en matière de réformes de la réglementation et de l’administration depuis l’arrivée du nouveau gouvernement de 2004 et elle se classe depuis parmi les meilleurs réformateurs selon l’évaluation de la facilité de faire des affaires conduite par la Banque mondiale. Depuis 2004, le droit des sociétés a été simplifié ; les tarifs douaniers considérablement réduits ; les formalités douanières rationalisées ; les frais d’enregistrement des biens réduits ainsi que les délais et les frais de lancement d’une entreprise ; et une nouvelle loi a été votée pour instaurer des tribunaux économiques qui amélioreront la prévisibilité et la rapidité de la justice dans les domaines liés aux droits de propriété intellectuelle, aux monopoles et à la concurrence, aux marchés financiers et au système bancaire (CCE 2009). Les réformes fiscales ont eu pour résultat une réduction de 50 pour cent des prélèvements et une augmentation des recettes de l’État. Le gouvernement prépare une modernisation de la législation sur les faillites, qui en avait bien besoin.
En instaurant l’Initiative égyptienne de réforme de la réglementation (ERRADA) en 2008, le gouvernement utilise la ‘procédure de la Guillotine’ pour revoir, simplifier et éliminer des dizaines de milliers de règlements en vigueur dans plusieurs ministères. Cette initiative conduira finalement à l’adoption d’une évaluation de l’impact de la réglementation, qui améliorera la qualité de la nouvelle législation et de la nouvelle réglementation.
L’une des principales initiatives pour réduire les délais et les frais d’enregistrement d’une entreprise a été l’instauration de guichets uniques. Le Fonds social de développement (FSD) a ouvert des guichets uniques pour les micro- et petites entreprises dans chaque gouvernorat et l’Autorité générale pour l’investissement en a implanté dans les grandes villes pour rationaliser les procédures d’enregistrement et d’octroi de licences pour les investisseurs. Elle a également réduit les frais d’immatriculation des sociétés à responsabilité limitée, qui sont passés de 50 000 livres égyptiennes à 1000 livres égyptiennes, ce qui a eu pour effet l’augmentation du nombre d’immatriculations de sociétés anonymes. Le ministère des Finances a entrepris des réformes fiscales pour simplifier la méthode de détermination des prélèvements pour les micro- et petites entreprises et est en voie d’adopter les normes internationales de comptabilité simplifiée et les systèmes de notification pour les petites entreprises.
Malgré le zèle du gouvernement pour améliorer le dispositif institutionnel touchant la création et le fonctionnement des entreprises, la réduction du poids du secteur informel n’a guère progressé.
L’amélioration des compétences de la main-d’œuvre est au premier plan des priorités du gouvernement. La stratégie nationale de formation à l’emploi lancée en 2002 comprenait un programme de réformes conçues pour améliorer les centres de formation, les qualifications des instructeurs, le système de formation professionnelle et technique. Le ministère de l’Enseignement supérieur a mis en œuvre le Programme des collèges techniques égyptiens pour instituer huit « super » collèges régionaux et améliorer 45 collèges techniques locaux dotés de programmes et de matériel améliorés et a également institué le Projet de cluster de l’enseignement technique pour dispenser un enseignement et une formation technologiques de pointe.
Le Projet national des normes de compétences assure une formation professionnelle déterminée par la demande pour les micro- et petites entreprises dans les secteurs de la construction, de l’industrie de transformation et du tourisme et œuvre en étroite collaboration avec les organisations d’employeurs pour évaluer les besoins en compétences des entreprises du secteur privé. Ce projet a mis au point un système national de normes de compétences professionnelles et de certification qui a délivré des attestations de qualifications pour des centaines de métiers et a produit un système d’accréditation pour les prestataires de formation. Le Fonds social de développement et le ministère de l’Enseignement supérieur travaillent avec les centres de formation professionnelle pour mettre sur pied des sections spécialisées dans la gestion et le fonctionnement des petites entreprises.
En 2006, le ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI) a institué le Centre de formation industrielle avec un financement de 4 milliards de livres égyptiennes sur cinq ans pour subventionner la formation des ouvriers du secteur industriel et améliorer l’enseignement dispensé dans certains centres de formation afin de répondre aux besoins locaux. L’objectif est de former 250 000 ouvriers par an.
Le premier cadre de politiques en faveur des PME a été élaboré en 1998 (Ministère de l’Économie 1998). Avec le financement et l’assistance technique de l’Agence canadienne de développement international et du CRDI au cours des années 2000–2008, le gouvernement égyptien a mis en œuvre le projet de développement de la politique des petites et moyennes entreprises conçu pour que soient engagées des recherches et formulées des politiques de nature à éliminer les obstacles d’ordre réglementaire au développement des PME et pour optimiser leur accès au soutien et aux services financiers et non financiers. En 2004, le gouvernement a voté la Loi pour le développement des petites entreprises (SME Law 141/2004) qui présentait un dispositif d’optimisation du rôle des micro- et petites entreprises (moins de 50 employés) dans l’économie et confiait au seul FSD le mandat de mettre en œuvre et de coordonner les politiques et les programmes en faveur des PME. Depuis le vote de cette loi, trois stratégies ont été élaborées, l’une par le ministère des Finances pour l’amélioration de la compétitivité des petites et moyennes entreprises (Ministère des Finances 2004), l’une par le ministère de l’Investissement, qui concernait les investisseurs (GAFI 2008) et la troisième par le FSD, qui concernait les micro- et petites entreprises (FSD 2009). Faute d’un mécanisme clairement défini au niveau gouvernemental pour coordonner les politiques sur l’ensemble du secteur, il y a eu des chevauchements et une certaine confusion.
Il y a en Égypte un nombre relativement important d’organismes gouvernementaux, d’ONG et d’associations professionnelles qui travaillent au développement des PME. La plupart des actions de soutien financier émanent des bailleurs et sont fort peu coordonnées. Les bureaux régionaux du FSD fournissent aux micro- et aux petites entreprises des petits prêts et des conseils. Le centre de modernisation industrielle, affilié au MCI, offre toute une gamme de programmes définis pour améliorer la compétitivité des PME industrielles à l’échelon local et national, y compris les transferts de technologie, la qualité du travail et le développement des pôles de compétitivité. Cet organisme se concentre surtout sur les entreprises de plus de 10 employés. L’apport du SDE en Égypte en est au stage embryonnaire et les services délocalisés sont limités. Le Projet de soutien aux services d’appui aux entreprises (BDSSP) financé par l’Agence canadienne de développement international a renforcé la capacité des associations professionnelles et des ONG à prêter assistance non financière aux PME et aux prestataires de formation au SDE.
Les ONG, le FSD, les ministères et les agences gouvernementales, les bailleurs, les banques et les sociétés du secteur privé essaient tous d’apporter des solutions aux questions de financement des PME. L’instrument privilégié à l’heure actuelle est le microcrédit. Près de 300 ONG et banques ont traité plus d’un million de demandes de microcrédit en 2007, quatre fois plus qu’au cours des cinq années précédentes (USAID et EMFN 2008). Une stratégie nationale a été mise au point en 2005 (EBI et CBE 2005) et une loi sur la microfinance a été élaborée en 2009 pour réglementer ce secteur. Un nombre croissant de banques instaurent des unités ou des départements de PME, mais ce qu’elles recherchent, ce sont des clients qui ont des antécédents solides. L’Unité PME au sein de l’Institut bancaire égyptien forme des institutions financières aux questions de prêts et d’aide aux PME pour renforcer leur capacité à élaborer des propositions bancables. Certains bailleurs ont consenti aux banques des prêts assortis de conditions libérales pour les encourager à assouplir leurs procédures de prêts ou à financer des mécanismes de garantie. La Société coopérative d’assurance pour les PME, la Société de garantie de crédit pour les petites entreprises et le dispositif de garantie pour les microentreprises fournissent des garanties de crédit pour les petites entreprises qui empruntent aux banques dans les différents gouvernorats. En 2009, le ministère de l’Investissement a annoncé la création d’un fonds PME de 500 millions de livres égyptiennes pour financer les plans de développement des investisseurs des PME. Une loi crédit-bail a été votée en 2001 et l’IFC cherche à promouvoir l’émergence de nouvelles sociétés de crédit-bail. En 2007, le gouvernement a soutenu le lancement d’I-score, un bureau d’information sur le crédit conçu pour avoir un impact significatif sur le marché du crédit aux PME.
On se rend de plus en plus compte en Égypte qu’il faut concentrer les efforts sur l’éducation et la formation à l’entrepreneuriat. En 2008, le ministère de l’Éducation, en coopération avec l’OIT, a piloté le lancement du programme Connaître les affaires dans un petit nombre d’établissements secondaires sélectionnés et a formé des enseignants pour l’assurer. Le ministre de l’Éducation a approuvé l’extension de ce programme à l’ensemble du système et le ministre de l’Enseignement supérieur l’a adopté dans les établissements d’enseignement supérieur.
Il y a peu d’initiatives concrètes au niveau universitaire, mais on marque un intérêt croissant pour l’enseignement de la gestion de petite entreprise et pour l’éducation à l’entrepreneuriat. Le Fonds social de développement a apporté son soutien à 17 universités publiques, à 7 établissements d’enseignement supérieur privés qui proposent un stage de 40 heures sur l’entrepreneuriat, initiative qui pourrait toucher 40 000 étudiants et diplômés par an quand elle serait pleinement mise en œuvre. Dans le cadre de la nouvelle stratégie de l’Autorité générale pour l’investissement en faveur des petits et moyens investisseurs, un réseau de centres d’entrepreneuriat et d’incubateurs a été constitué dans les universités.
INJAZ-Egypte, lancé en 2006, a pour objectif d’autonomiser une nouvelle génération de jeunes qui deviendront des entrepreneurs en offrant des produits éducatifs selon l’âge pour encourager les étudiants à envisager une carrière d’entrepreneur en s’entraînant pendant une année de cours à gérer leur propre entreprise avec l’aide et sous l’autorité de cadres d’entreprise. Ces programmes sont proposés dans le cadre d’une coopération avec les écoles et les universités. Il y a également d’autres initiatives isolées de formation à l’entrepreneuriat, le plus souvent proposées par les associations professionnelles et les ONG. Par exemple, IntilaaqahEgypte propose aux jeunes le programme Entreprise Jeunesse Shell LiveWire sur la façon de lancer et de développer une entreprise et la Fondation Génération future propose un programme d’acquisition des compétences de base pour l’entreprise aux nouveaux diplômés dans divers centres de formation. L’Entrepreneurs Business Forum (EBF) organise le concours de la meilleure idée d’entreprise à l’intention des étudiants des écoles de commerce et d’ingénieurs, Nahdet El Mahroussa parraine le Prix des jeunes Innovateurs et l’Egyptien Junior Business Association parraine le Concours national de Plans d’Affaires avec le MCI.
La R-D en Égypte est à un niveau très bas, moins d‘un demi pour cent du PIB, et les projets de grande ampleur sont relativement modestes. Les investissements privés en R-D sont très faibles. C’est dans le secteur des TIC que les efforts sont les plus vigoureux (MCIT 2007), mais le gouvernement consolide également et complexifie les structures de soutien à la R-D et à la commercialisation. Il y a notamment l’initiative Smart Village (village intelligent), les centres d’excellence en R-D, les incubateurs d’entreprise et de technologie, un réseau de transferts de technologie et de centres d’innovation et un fonds de développement de la technologie qui fournit le capital-risque aux nouvelles entreprises, en particulier à celles qui sont spécialisées dans la technologie et ont une forte valeur ajoutée. À l’heure actuelle, ces infrastructures n’existent pas dans toutes les parties du pays.
L’Égypte a réalisé des progrès notables dans son passage à l’économie de marché ces dernières années, améliorant ses scores sur les indicateurs de l’environnement macroéconomique et de l’environnement des affaires. Cela étant, si on ne fait rien, l’importance du secteur informel, la masse des entreprises qui s’y trouvent, la prépondérance des microentreprises dans sa base structurelle et la faible compétitivité de ses PME contrarieront les efforts déployés pour attirer les IDE et pour développer l’activité exportatrice. La promotion d’un entrepreneuriat de qualité et la croissance des micro-, des petites et des moyennes entreprises sera la clé de la création d’emplois et de la réduction de la pauvreté. À l’heure actuelle il y a une concertation insuffisante avec ces entreprises et, plus largement, avec la société civile sur le programme des réformes et un manque de mécanisme de transparence pour que la conception des politiques et leur mise en œuvre soient une œuvre commune. (Alissa 2007b). La correction de ces carences s’impose.
La République de Tunisie est un pays relativement petit à revenu intermédiaire, avec une population d’environ 10,5 millions d’habitants qui enregistre une croissance inférieure à un pour cent par an, et dont le PIB par habitant en 2009 était de 8254 dollars US (PPA) FMI 2010), ce qui fait d’elle la troisième économie la plus riche des 12 pays MENA et dont le taux de croissance de la population est le plus lent. Jusque dans les années 70, la Tunisie avait un gouvernement socialiste et un système économique dirigiste, l’État contrôlant les principaux secteurs de production.
C’est l’un des premiers pays de la région à avoir ouvert son économie et à être maintenant l’économie au commerce le plus libéralisé des 12 pays MENA. L’un des fondements de sa politique de libéralisation a été l’instauration de zones de libre-échange, qui sont entrées en vigueur en 1995. La Tunisie est membre de l’OMC depuis 1995, et elle a été le premier pays MENA à conclure un accord d’association avec l’UE. Pour répondre à la pression initiale qui s’exerçait sur la capacité des industries pour qu’elles puissent faire face à la concurrence au niveau européen, le gouvernement a lancé un programme global de mise à niveau en 1996 et a également constitué des parcs technologiques pour encourager les activités industrielles innovantes dans la haute technologie et le secteur des TIC. Ces initiatives ont eu pour effet que les exportations vers l’UE ont quadruplé entre 1995 et 2007. La Tunisie a également des accords de libre-échange avec plusieurs pays MENA et d’autres pays. En 2008, ses exportations et ses importations atteignaient 126 pour cent du PIB (IDM) et elle n’était dépassée que par la Jordanie. Bien que le niveau des exportations fût passé de 50 pour cent du PIB en 2006 à 61 pour cent en 2008, les importations ont augmenté à un rythme plus rapide que les exportations22, le résultat étant un léger déficit commercial international.
La Tunisie a bien réussi à attirer les investissements étrangers. Les IDE atteignaient 6,5 pour cent du PIB en 2008 (alors que la moyenne des pays MENA était de 4,6 pour cent) (IDM), ce qui représentait un accroissement par rapport aux 3,2 pour cent de 2000, mais une chute par rapport aux 10,8 pour cent de 2006. Il n’y a pas eu de transfert significatif des connaissances en matière de production vers les entreprises privées, ce qui ne leur a pas permis de se moderniser à l’échelon local (FEM 2008c).
Ces dernières années, le pays a connu une croissance économique régulière, la croissance annuelle moyenne du PIB se situant à 4,9 pour cent dans la période 2000–2008 (WFB). Cela étant, la croissance du PIB est tombée à 0,3 pour cent en 2009 (WFB), l’un des taux les plus bas des pays MENA. La croissance passée était tirée par une forte demande intérieure et européenne, due en grande partie à la reprise du secteur agricole et à l’augmentation des investissements et des exportations. Cependant, la part du secteur privé dans les investissements est tout à fait faible. La croissance a reposé en grande partie sur l’investissement public, la part de l’investissement privé dans la formation brute de capital étant de 50 à 55 pour cent (12 à 13 pour cent du PIB), ce qui est l’un des niveaux les plus faibles des 12 pays MENA.23 L‘objectif du gouvernement est de faire passer la part du secteur privé à 65 pour cent à l’horizon 2011 (BAfD 2007).
L’économie tunisienne s’est diversifiée en accroissant son secteur des services. Les services représentent 54 pour cent du PIB (le tourisme y étant pour beaucoup) et environ la moitié de la population occupée.24 L’industrie manufacturière représente environ 60 pour cent du secteur industriel et 18 pour cent du PIB.
Le secteur bancaire a été privatisé, mais le gouvernement continue d’avoir la main mise sur les trois plus grosses banques publiques, et on dit qu’il possédait 47,2 pour cent de la totalité des actifs des banques en 2004 (Banque mondiale 2006c). Les secteurs de la banque et de la finance ne sont pas bien intégrés dans le marché international et la petite taille des banques ne permet pas les économies d’échelle dans les transactions (FMI 2008b). Le crédit intérieur au secteur privé est relativement élevé (66,7 pour cent du PIB en 2008 alors que la moyenne des pays MENA est de 35,8 pour cent), tout comme le crédit intérieur fourni par le système bancaire (73 pour cent contre 39,7 pour cent).
La Tunisie se classe assez bien dans les évaluations des indices mondiaux. Elle se situait dans les 27 pour cent de tête de tous les pays sur l’indice de compétitivité mondiale en 2009–2010 et se classait 69ème sur 183 dans le rapport Doing Business 2010, dans les deux cas numéro un des pays MENA. En revanche, elle se situait dans la catégorie des économies ‘essentiellement non libres’ sur l’Indice de liberté économique 2010 (en 98ème position sur les 179 pays et en 6ème pour les 12 pays MNA), bien qu’elle fût classée comme ayant un haut degré de liberté des affaires et comme étant ‘essentiellement libre’ relativement aux libertés fiscale et monétaire et à la taille du gouvernement (Fondation Héritage 2010). Ce sont les faibles scores obtenus pour la liberté du commerce et de l’investissement ainsi que pour la lutte contre la corruption qui sont ce qui explique, entre autres, les comparaisons défavorables.
Par rapport aux 12 pays MENA, la Tunisie a un niveau moyen de capital humain avec un taux d’alphabétisation de 76 pour cent et un niveau relativement élevé d’instruction. Le taux d’activité est de 48 pour cent : 70 pour cent parmi les hommes et 26 pour cent parmi les femmes (IDM). Le taux d’emploi est de 41 pour cent (IDM), ce qui est inférieur à la plupart des 12 pays MENA. La part des femmes dans la main-d’œuvre et dans l’emploi (environ 26 pour cent) est parmi la plus élevée des 12 pays MENA. Les premières décisions du gouvernement, qui datent des années 60, d’interdire la polygamie, de promouvoir le contrôle des naissances et le planning familial, de rendre la scolarité obligatoire pour les filles comme pour les garçons sont pour beaucoup dans l’accroissement du niveau de participation des femmes dans les activités économiques (Ayadi et autres 2005). La Tunisie est en tête du classement des 8 pays du groupe des 12 pays MENA selon le rapport du Forum économique mondial sur l’écart entre les genres en étant 103ème sur 130 pays (FEM 2008b). Le cadre institutionnel est tout à fait favorable à l’émancipation des femmes et place la Tunisie en tête des autres pays arabes pour la dynamique des genres (BAfD et OCDE 2008d).
Le taux de chômage est élevé, à plus de 15 pour cent (WFB). Bien que la croissance ait été forte depuis la fin des années 90, une bonne partie a été à forte intensité capitalistique et insuffisante pour absorber la montée des demandeurs d’emploi et réduire les hauts niveaux du chômage (BAfD 2007). La Tunisie a un niveau de pauvreté relativement bas, ce qui conduit les analystes à conclure que sa croissance économique a été constamment en faveur des pauvres (Ayadi et autres 2005 ; Bibi 2006). Le ralentissement de la croissance de la population, le taux d’activité des femmes et les politiques sociales favorables aux pauvres, comme l’aide sociale, les programmes de microcrédit et la gratuité de l’enseignement, sont pour beaucoup dans la réussite de la croissance pro-pauvres (Ayadi et autres 2005). L’indice numérique de pauvreté (population vivant avec moins de 2 dollars US par jour) est tombé de 20 pour cent en 1980 à 3,8 pour cent en 2005. Selon les estimations de 2005, le pourcentage de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté était de 7,4 pour cent (WFB), niveau plus bas que dans les 12 autres pays MENA.
Le manque de robustesse du secteur privé est l’une des principales faiblesses du pays (BAfD et OCDE 2008). La croissance et la compétitivité du secteur privé continuent d’être bridées par le contrôle de l’État sur les secteurs principaux, ce qui donne à penser qu’il faut poursuivre les réformes des pratiques et de la politique de la concurrence (Banque mondiale 2008j). Les entreprises du secteur privé continuent à se heurter à un certains nombre de contraintes : accès au financement (niveau élevé des garanties exigés), technologie (faiblesse des capacités technologiques), rigidités du code du travail, charges sociales élevées sur le salaire des employés, tarifs douaniers élevés et faible qualité des infrastructures.
Les données statistiques sur les PME, sauf lorsqu’il s’agit des entreprises industrielles, sont limitées. Selon certaines estimations, 75 pour cent du secteur privé est composé de PME de 100 employés ou moins (Di Tommaso et autres 2001), proportion inférieure à ce que l’on trouve généralement dans un pays en développement. Les PME tunisienne ont un potentiel de production et des compétences faibles, notamment en marketing, en gestion et en R-D. Les ressources pour acquérir de la technologie sont plutôt limitées, ce qui explique que les PME s’appuient sur une technologie dépassée et que les perspectives de développement et d’innovation sont faibles. Elles ont besoin de pouvoir avoir plus facilement accès aux ressources financières pour lancer de nouvelles entreprises, d’une restructuration financière et de crédit à court, moyen et long termes.
En 2007, le taux de travail indépendant était de 25,4 pour cent (ONEQ 2008), ce qui représentait un accroissement par rapport aux 20,2 pour cent de 2004. Le taux de travailleurs indépendants devenus employeurs est moyen pour les 12 pays MENA. Les femmes représentent 15,8 pour cent de la totalité du travail indépendant, l’une des plus fortes proportions de travailleuses indépendantes dans les 12 pays MENA. Elles constituent 17,5 pour cent des travailleurs autonomes sans employés et 11,6 pour cent des employeurs. On estime que le secteur informel représente 39,3 pour cent du PIB (Schneider et Buehn 2009), ce qui est le niveau le plus élevé parmi les 12 pays MENA pour lesquels on dispose de données statistiques. Il y a environ 38 pour cent des entreprises tunisiennes qui appartiennent à l’économie informelle (Banque mondiale 2004c).
En 2009, avec l’appui de la Coopération technique allemande (GTZ), l’université de Sousse a adhéré au projet GEM et a recueilli, par sondages et interviews, des données permettant d’établir une évaluation de référence du niveau d’activité entrepreneuriale en Tunisie et les conditions-cadres entrepreneuriales dans lequel elle s’exerce. Les premières données indiquent que la Tunisie a une densité d’entrepreneurs assez élevée. Plus de 17 pour cent de la population adulte possède sa propre entreprise. Sur les 10 pays GEM-MENA, seuls le Liban et le Maroc comptent davantage d‘entrepreneurs pour 100 adultes (CRDI 2010). Cependant, il n’y a qu’un très faible pourcentage de la population adulte qui essaie activement de créer une entreprise — 2,2 pour cent. C’est le taux d’entrepreneurs naissants le plus faible des 10 pays GEM-MENA, ce qui signifie qu’il n’y aura pas beaucoup de nouvelles entreprises à voir le jour. Selon la recherche 2009 du GEM, il n’y a qu’un très faible pourcentage de la population adulte (seulement 15 pour cent) qui ‘voie de bonnes opportunités pour créer une entreprise dans les six mois à venir’, ce qui est nettement moins que la moyenne de tous les pays du projet GEM et du groupe GEM-MENA (Bosma et Levie 2010). Il y a peut-être là un facteur qui contribue à expliquer le faible taux d’activité naissante. Le projet GEM-Tunisie constituera une base d’information sur le niveau de l’activité entrepreneuriale en Tunisie et permettra un important étalonnage pour suivre les politiques et les initiatives en matière de création d’entreprises.
Le gouvernement a deux défis majeurs à relever : accroître les IDE et réduire le chômage. Dans le 11ème plan quinquennal 2007–2011 de développement économique et social, le gouvernement se fixe comme objectifs de parvenir à une croissance économique d’environ 6,5 pour cent par an, d’élever le revenu par habitant à 5700 dinars tunisiens, de créer des emplois, notamment pour les jeunes diplômés, et de faire baisser le taux de chômage à moins de 11 pour cent (MDCI 2007). Le Plan prévoit des mesures de nature à accentuer la libéralisation, y compris la réforme de la réglementation restrictive du travail ; à promouvoir les exportations ; à améliorer et moderniser le secteur industriel et celui des services ; à établir des structures de création d’entreprises et des fonds de soutien, dont le capital de lancement et des fonds de garantie capital-risque ; à réformer le système éducatif et le système de formation ; à développer des centres technologiques, des technopôles et des incubateurs d’entreprises pour encourager la recherche et l’innovation ; et à proposer des incitations fiscales et financières pour parvenir à un développement plus équilibré entre les régions.
La Tunisie a fait des progrès notables pour améliorer le climat des affaires depuis le vote de la nouvelle Loi pour l’Initiative économique en 2007 (République tunisienne 2007). L’instauration de guichets uniques25 a considérablement réduit et simplifié le processus d’enregistrement des entreprises ; il y a maintenant des services d’enregistrement en ligne ; le minimum de capital initial exigé pour les nouvelles sociétés à responsabilité limitée a été supprimé ; et les délais et les frais de fermeture d’une entreprise ont été considérablement simplifiés, notamment lorsqu’il s’agit d’insolvabilité ou de faillite (Communautés européennes et OCDE 2008). La loi comportait également des dispositions qui réduisaient le poids des prélèvements obligatoires, facilitaient le financement de la formation professionnelle et le développement des incubateurs d’entreprises, pépinières d’entreprises et cyber-parcs26 et encourageaient la création de zones de développement régionales.
L’un des défis majeurs pour réussir à pousser le marché du travail à créer plus d’emplois est de renforcer le système éducatif pour que les étudiants soient mieux préparés à s’intégrer dans le marché du travail et à donner aux jeunes l’envie de s’engager dans le travail indépendant (BAfD 2007). Pour parvenir à ce résultat il faut monter le niveau du système éducatif, corriger les disparités entre régions pour l’accès à l’instruction et améliorer la qualité et la pertinence de l’enseignement pour faciliter le passage de l‘école à la vie active. Un vaste programme pour remédier aux insuffisances du système éducatif a été présenté dans un document de stratégie du gouvernement, Écoles de l’Avenir 2002–2007. La Loi d’Enseignement secondaire et primaire de juillet 2007 a réaffirmé que la qualité de l’enseignement est une priorité nationale absolue pour préparer les jeunes à l’économie du savoir. Les réformes de l’enseignement supérieur ont été entamées sérieusement en 2005 lorsque le Président a annoncé sa décision de développer le système universitaire et de l’aligner sur les normes et les systèmes des pays avancés. L’objectif est de faire en sorte que la formation universitaire soit un facteur important du processus de développement et de l’employabilité des diplômés. Il y a eu, depuis 2006, un très grand développement des centres de formation professionnelle publics et privés. En janvier 2008, la chambre des députés a adopté un projet de loi gouvernemental sur la formation professionnelle pour accroître la capacité d’accueil des centres de formation, renforcer, en partenariat avec les entreprises, les plans de formation optionnelle et de formation en alternance, et instaurer des passerelles entre l’enseignement général et l’enseignement technique pour que les étudiants puissent passer de l’un à l’autre (BAfD et OCDE 2008d).
Le gouvernement tunisien met l’accent sur le secteur industriel des PME depuis la fin des années 90. Le Centre de Soutien aux petites et moyennes industries a été créé au sein du ministère de l’Industrie, de l’Énergie et des Petites et Moyennes Entreprises (MIE-PME) en 1998. La responsabilité du secteur des PME est partagée avec le ministère du Commerce et de l’Artisanat, qui est responsable de l’artisanat, des petits ateliers et des PME commerciales des services marchands. Le Centre de soutien à la création d’entreprises a été créé en 1993 et a établi des réseaux dans tous les gouvernorats pour encourager l’activité de nouvelles entreprises. Il dirige également le réseau national d’incubateurs d’entreprises, qui en compte 19, situés dans les Instituts supérieurs d’études technologiques, les écoles d’ingénieurs, les universités et les technopoles. Un Haut Conseil de la création des entreprises et du développement des projets innovants, et des comités régionaux pour le développement de projets créatifs ont été institués en 2002. Bien que cette politique globale des PME ne soit exposée dans aucun document officiel, la création et le développement des PME font partie des nouvelles priorités nationales. Un directorat-général pour la promotion des PME a été créé au sein du MIE-PME en 2010 et sa mission est de fixer les lignes directrices de la politique et d’en coordonner la mise en œuvre par le canal d’un certain nombre d’agences d’exécution.
Les deux principales orientations de la politique des PME visent à : 1) améliorer la compétitivité des PME en revalorisant leurs compétences, la technologie, la qualité de la production et la gestion pour qu’elles puissent faire face à la concurrence mondiale, et 2) accroître le niveau de l’activité entrepreneuriale, en particulier parmi les jeunes, qui connaissent le niveau de chômage le plus élevé. Cette stratégie repose sur quatre piliers clés : 1) un environnement des affaires attractif et favorable, 2) un système de financement diversifié, 3) un système d’incitation généreux pour le développement des régions, 4) un système de soutien et d’assistance technique pendant toute la durée de la création de l’entreprise. Le gouvernement consacre un cinquième de son budget annuel à un programme de formation professionnelle centré sur la valorisation de l’esprit d’entreprise parmi les jeunes et axé sur la création et le soutien d’incubateurs d’entreprises pour développer les liens entre le monde universitaire et le monde de l’entreprise, et sur d’autres initiatives telles que la campagne du salon de création d’entreprises27. Le ministère de l’Industrie et de la Technologie est associé avec le réseau national et régional de structures de soutien pour cette stratégie, et notamment pour créer des centres d’entreprises, des incubateurs28, des guichets uniques, des centres de technologie, des technopoles, des spécialistes régionaux du coaching, des universités, des banques, des fonds de garantie, un salon de la création et des forums29 sur les PME.
La Tunisie est plus avancée que la plupart des 12 pays MENA en ce qui concerne la promotion de l’entrepreneuriat parmi les jeunes, l’intégration de l’entrepreneuriat dans les programmes scolaires et un apprentissage entrepreneurial non formel. L’entrepreneuriat est considéré comme une compétence clé à acquérir au cours de la scolarité secondaire (il fait partie de la Stratégie nationale en matière d’enseignement depuis 2002), le coaching aux microentreprises est assuré par l’Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant (ANETI), et bien d’autres plans de formation au travail indépendant et à la création de nouvelles entreprises sont proposés. Le programme présidentiel de 2005–2009 avait fixé comme objectif, pour cette période, la création de 70 000 nouvelles entreprises, particulièrement fondées sur des idées innovantes. Cette stratégie de développement de l’entrepreneuriat inclut promotion, financement, formation, assistance pour les plans d’affaires, guidage et soutien après lancement. Le MIE-PME a lancé en 2005 une campagne nationale pour la création et le développement des PME qui comportait trois programmes nationaux pour soutenir la création d’entreprises, la qualité de la production, et la gestion et le coaching par des experts tunisiens et internationaux. Il y a, sur l’ensemble du territoire, des centres régionaux d’entreprises et des centres d’appui à l’établissement d’entreprises qui dispensent assistance technique, conseils et coaching aux nouveaux entrepreneurs et aux nouvelles PME.
Le gouvernement a mis en œuvre un certain nombre d’actions et mis en place un certain nombre de structures pour fournir microcrédit, garanties de prêts aux PME et capital-risque. La Banque de financement des PME a été lancée en 2005, la Tunisie étant le premier des 12 pays MENA à se doter d’une banque pour le financement des PME. Elle a une loi sur le crédit-bail et une douzaine de sociétés de crédit-bail, ce qui fait de ce pays le plus progressif de la région MENA pour l’accès à cette forme de financement des PME. Il y a plus de 38 sociétés de capital-risque, ce qui, là encore, fait de la Tunisie le pays le plus développé de la région MENA.
Le développement d’entreprises innovantes par la modernisation du système de R-D, l’amélioration du niveau de transfert des connaissances entre les instituts publics de recherche et l’industrie, et le financement de la R-D pour l’industrie constituent également une priorité pour le gouvernement. Promouvoir les entreprises innovantes, encourager les inventeurs, et fixer des objectifs de résultats à l’innovation (par exemple, l’intensité de la R-D et le nombre de diplômés en science et en technologie) faisaient partie de la politique de l’innovation lancée en 2005. Le gouvernement espère créer 12 pôles technologiques à l’horizon 2015 destinés à encourager la recherche et l’innovation et est en train d’instaurer des Centres de compétitivité (BAfD et OCDE 2008d).
Le cadre de l’action politique et des institutions traduit une forte implication de la Tunisie dans le développement du secteur privé, en particulier en ce qui concerne l‘IDE et les politiques commerciales. Le développement du secteur des PME est également considéré comme important et de gros efforts sont en cours pour promouvoir l’entrepreneuriat. Cela étant, la croissance des échanges et des investissements n’a pas eu pour effet une augmentation de l’emploi et la part du secteur privé dans l’investissement n’a pas été à la hauteur des attentes. Le pays est loin d’avoir atteint tout son potentiel économique et beaucoup reste à faire pour améliore la compétitivité, la flexibilité et le dynamisme des entreprises du pays. Faciliter la pénétration et la concurrence dans les secteurs régulés de l’économie, diversifier l’activité économique en prenant pied dans de domaines plus innovants, réduire les rigidités des politiques de l’emploi et dans la sécurité sociale onéreuse pour les travailleurs, et dynamiser les réformes de l’environnement des affaires, voilà autant de sujets qui demandent encore des efforts.
La république de Turquie est un pays de grande taille appartenant au groupe de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, avec une population d’environ 76,8 millions d’habitants, dont le taux de croissance est de 1,3 pour cent, et, en 2009, un PIB par habitant de 12 746 dollars US (PPA). Jusqu’en 1980, la Turquie était en grande partie une économie étatisée isolée avec une structure industrielle dominée par de grandes entreprises étatisées et privées. Au cours des années 80, le gouvernement turc a entrepris des réformes pour passer à une économie de marché. L’économie turque est maintenant un mélange d’industrie et de commerce modernes et d’un secteur agricole traditionnel. Le secteur industriel compte pour environ un quart du PIB, le secteur des services pour environ deux tiers et le secteur agricole pour environ 10 pour cent (WFB). L’industrie de transformation représente une bonne part du secteur industriel, 18 pour cent du PIB, niveau le plus élevé parmi les 12 pays MENA.
Les investissements directs étrangers (IDE), qui représentaient 2,5 pour cent du PIB en 2008, étaient inférieurs aux années précédentes et à la moyenne de la région MENA, qui était de 4,6 pour cent (IDM). On compte sur les réformes associées à l’entrée dans l’UE pour stimuler les niveaux des IDE. La loi sur les investissements directs étrangers est en vigueur depuis 2003 et, en 2006, le gouvernement a créé l’Agence de promotion et de soutien des investissements, l’absence d’un organe de cette nature étant considérée comme l’une des causes principales du niveau des IDE faible pour une économie de la taille de la Turquie. La Turquie se situe juste en dessous de la moyenne de tous les pays MENA pour le niveau d’ouverture du commerce. L’union douanière de 1996 avec l’UE a eu pour effet un accroissement du volume des échanges avec les États membre de l’UE. Cela étant, la Turquie continue d’avoir un gros déficit commercial. En 2008, les exportations représentaient 24 pour cent du PIB et les importations 28 pour cent (IDM).
La croissance moyenne du PIB entre 2000 et 2008 était de 5,7 pour cent (IDM), avec un maximum de 9 pour cent en 2004. Une bonne partie de la croissance durant cette période a été marquée par le chômage, que la prospérité économique ne faisait pas baisser. En 2008, elle a connu un ralentissement et se situait à 0,9 pour cent et, en 2009, elle a enregistré une contraction et était à –5,6 pour cent (WFB). En 2008, la formation de capital brut s’élevait à environ 20 pour cent du PIB (seconde moitié des 12 pays MENA), la part du secteur privé représentant 80 pour cent (16 pour cent du PIB).
Il y a un secteur bancaire bien développé, qui compte de nombreuses banques privées et qui est ouvert à la participation étrangère. En 2007, les sept banques publiques possédaient 28,6 pour cent de la totalité des actifs bancaires (SPO 2008), niveau beaucoup plus faible que dans nombre des 12 pays MENA. Le crédit intérieur au secteur privé représentait 32,6 pour cent du PIB en 2008 et le crédit intérieur fourni par le système bancaire représentait 52,6 pour cent du PIB (IDM), ce qui était inférieur à la moyenne des autres pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure, ce qui indique qu’il y avait certaines contraintes sur le financement du secteur privé. L’Autorité des marchés capitaux apporta la base juridique pour l’ouverture d’une bourse des PME à la Bourse d’Istanbul en 2003.
La Turquie soutient assez bien la comparaison avec les 12 pays MENA au regard des indicateurs mondiaux de la compétitivité, de la liberté, de l’économie du savoir et de la pratique des affaires. Elle se situait au 61ème rang sur 134 pays à l’indice mondial de compétitivité 2009–2010 (FEM 2009b), mais elle était derrière la Tunisie et le Jordanie. Sur l’Indice de liberté économique 2010, elle se situait derrière la Jordanie avec, au classement général, la 67ème place sur 179 et est considérée comme étant une économie ‘moyennement libre’ (Fondation Héritage 2010). Elle se comportait particulièrement bien en ce qui concerne la liberté des échanges et la taille du gouvernement. Ses performances les moins bonnes étaient la liberté du travail et la lutte contre la corruption où, dans les deux cas, elle était jugée ‘réprimée’. Elle arrive en seconde position pour la facilité à faire des affaires (Banque mondiale 2009b), et elle y obtient des scores particulièrement compétitifs sur les points suivants : délais et frais de création d’une entreprise, facilité d’enregistrement de la propriété, disponibilité de l’information sur le crédit et exécution des contrats. Elle est numéro un parmi les 12 pays MENA sur l’indice de l’économie du savoir (WBI 2008).
Un taux d’activité de 46,9 pour cent, un taux d’emploi de 41,7 pour cent et un taux de chômage de 14,2 pour cent30 (Turkstat 2009), traduisent une faible utilisation de la main-d’œuvre du pays, une situation qui va se dégradant depuis 2000 (Banque mondiale 2006f). La part des femmes dans toutes les formes d’emploi est d’environ 26 pour cent, ce qui est un taux élevé par rapport aux autres pays MENA, mais faible étant donné le niveau de développement de la Turquie. Environ 40 pour cent de la participation des femmes au marché du travail est sous la forme de travail familial non salarié (Turkstat 2008a). Bien que le taux d’alphabétisation des adultes soit proche de 90 pour cent, 70 pour cent des personnes en âge de travailler ont un niveau d’instruction inférieur au niveau du lycée. Elle se situe au troisième rang des 27 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui freine les taux d’emploi et la productivité de la main-d’œuvre (OCDE 2009b). La scolarité moyenne de la population adulte étant de 8,8 années, donc le secteur privé n’a guère de ressources en main-d’œuvre qualifiée (PNUD 2008). On estime à environ 20 pour cent la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté (WFB). L’écart hommes/femmes est très important, la Turquie se classant 123ème sur 130 pays selon l’indice mondial de l’écart entre les genres du Forum économique mondial (FEM), les scores étant particulièrement bas pour la participation des femmes à la vie économique et pour leur autonomisation politique (FEM 2008b).
La Turquie a un secteur privé en augmentation rapide. Il emploie 87 pour cent des travailleurs et compte pour 85 pour cent dans la formation brute de capital. Cependant, en dépit des gros efforts qui sont faits pour mettre un terme aux monopoles de l’État et pour privatiser les entreprises étatisées, l’État joue encore un rôle dans les infrastructures, l’industrie de base, la banque, les transports, les secteurs des communications et de l’énergie. L’Autorité de la concurrence, instituée en 1997, joue un rôle important pour veiller à ce que les marchés soient ouverts et axés sur la concurrence, mais le gouvernement, qui a la main mise sur les secteurs stratégiques freine encore la concurrence du secteur privé. Des réformes majeures ont été opérées depuis 2001 pour ouvrir le marché turc à la concurrence mondiale et pour se mettre en conformité avec les normes d’adhésion à l’UE. Ces changements ont modifié les fondements de l’économie de marché et créé un environnement différent pour les entrepreneurs privés, qui demande des améliorations de la productivité, de la compétitivité et de la technologie (Turan et Kara 2007).
La croissance du secteur privé est bridée par les incertitudes de la gouvernance publique, un manque de transparence et les incertitudes du système judiciaire, les coûts élevés de l’énergie, la complexité et l’instabilité de la fiscalité et la faiblesse du capital humain (Banque mondiale 2007e ; OCDE 2008b). Il y a également un certain nombre d’obstacles d’ordre réglementaire. Dans le bilan que l’OCDE a dressé pour les 27 pays de l’OCDE, la Turquie se situait au deuxième rang pour le caractère restrictif de la réglementation de son marché des produits, au premier rang pour les contrôles18 restrictifs de l’État et les obstacles d’ordre réglementaire affectant l’entrepreneuriat19 et au sixième rang pour les barrières les plus restrictives au commerce et à l’investissement20 (OCDE 2009a). Les recommandations de l’OCDE étaient les suivantes : poursuivre fermement les efforts de simplification de la réglementation du marché des produits, en particulier les règles d’autorisation sectorielles qui interdisent l’entrée sur le marché dans plusieurs compartiments du secteur des services ; poursuivre les privatisations ; encourager et accentuer la concurrence dans les industries de réseau ; réduire le coût de la main-d’œuvre ; améliorer les résultats du système éducatif ; et réduire les rigidités de la législation protégeant l’emploi, qui encouragent la main-d’œuvre à choisir le secteur informel (OCDE 2009a).
L’un des déséquilibres les plus importants du secteur privé turc est l’ampleur de l’économie informelle. Schneider et Savaşan (2005) ont estimé que, pour la période 1999–2005, le secteur informel représentait 31 à 35 pour cent du PIB. Selon l’OCDE (2004c), le secteur informel pouvait représenter jusqu’à 50 pour cent de l’activité des PME. Entre 2002 et 2005, moins de la moitié de la population active était dans le secteur formel et affiliée à un système de sécurité sociale (Papps 2008). Davutyan (2008) conclut qu’une masse de chômeur combinée à des coûts de l’emploi élevés (parmi les plus élevés de l’OCDE), un dispositif juridique faible et les pressions de la concurrence des pays à bas salaires créent des conditions qui conduisent de nombreuses entreprises turques à se tourner vers le secteur informel.
Les PME sont majoritaires par le nombre dans le secteur privé mais leur main-d’œuvre est d’une faible productivité, leur accès au financement est insuffisant, elles se heurtent aux barrières à l’entrée des marchés étrangers et manquent de compétitivité (CE 2008d). Leurs caractéristiques sont les suivantes : faible attention à la qualité et aux normes environnementales ; utilisation insuffisante de la technologie ; production inefficace ; faible valeur ajoutée ; manque de connaissances et d’expérience dans le domaine des exportations ; carences en matière de gestion et de capital humain ; faible compétitivité de la main-d’œuvre ; faiblesse des liens avec les autres PME ; et insuffisance dans les activités de R-D et d’innovation ainsi que dans les investissements (Özar 2004 ; Banque mondiale 2008k). À cette liste, Çetindamar et Çetinkaya (2008) ajoutent l’incapacité des PME et des entrepreneurs à commercialiser les résultats de la recherche en créant des entreprises innovantes. Pour éliminer ces obstacles, il faut améliorer les systèmes de soutien aux PME et mieux et plus complètement intégrer le réseau des services (Çetindamar et Çetinkaya 2008 ; SPO 2008).
Les taux du travail indépendant sont relativement élevés, 27 pour cent de la population active occupée (Turkstat 2008a), mais ce taux n’a pratiquement pas bougé entre 2000 et 2009. Il y a des chances pour qu’il y ait deux fois plus d’hommes à leur compte que de femmes et plus de quatre fois plus qui sont en même temps employeurs. Parmi les facteurs qui expliquent la faible participation des femmes à l’activité entrepreneuriale en Turquie, il y a le caractère patriarcal de la société, les différences traditionnelles de rôles entre hommes et femmes, le manque d’instruction, les difficultés d’accès au crédit et aux ressources et les rôles où elles peuvent jouer les mentors sont limités (OCDE 2004c). L’absence d’un cadre de politique de cohésion pour développer la participation des femmes à l’entrepreneuriat n’est pas de nature à améliorer les choses (Ecevit 2007).
Le niveau du dynamisme entrepreneurial est faible en Turquie (il n’y a que 6 pour cent de la population adulte à chercher activement à créer une entreprise ou à posséder déjà une entreprise jeune qui ait moins de 42 mois) et la densité des entrepreneurs en activité est également faible (7,8 pour cent de la population adulte), bien que les trois quarts considèrent que l’entrepreneuriat est un choix de carrière désirable et qu’un cinquième espère créer une entreprise dans les trois années (Bosma et autres 2009). Ces attitudes positives à l’égard de l’entrepreneuriat associées au dynamisme et au changement du marché des biens et des services indiquent qu’il y a des conditions favorables à l’entrepreneuriat à condition qu’elles soient exploitées. Cela étant, il semble que les conditions cadres pour l’activité entrepreneuriale ont besoin d’amélioration dans les domaines suivants : disponibilité de soutien financier pour les entreprises nouvelles en phase de croissance ; des programmes gouvernementaux pour soutenir le développement de la technologie et des mesures incitatives pour investir dans la R-D ; un renforcement des droits de propriété intellectuelle ; une régulation officielle pour réduire les frais et les délais pour obtenir les permis et les licences ; et le soutien aux nouvelles entreprises et les PME en phase de croissance comme une priorité politique de haut niveau (Karadeniz et Ozdemir 2009).
La création d’emplois demeure un défi majeur pour le gouvernement turc. Il faudrait jusqu’à 700 000 nouveaux emplois pour absorber l’afflux croissant de nouveaux entrants sur le marché du travail et pour que le chômage se maintienne à son niveau actuel. Ces dernières années, il y a eu un déficit annuel d’emplois (CE 2007c ; PNUD 2008). Parmi les mesures de nature à améliorer le marché du travail et le niveau de la population active, citons : des programmes d’emplois pour les jeunes ; une formation professionnelle pour les femmes ; un examen du système de sécurité sociale ; la modernisation et le renforcement des capacités du système éducatif et du système de formation professionnelle pour mieux répondre aux besoins du marché du travail ; des programmes de formation garantissant un emploi ; et l’encouragement à l’entrepreneuriat (SPO 2008).
L’objectif global du neuvième Plan de développement, 2007–2013, est d’accroître la compétitivité de l’économie en faisant en sorte que les infrastructures soient effectivement équipées d’un potentiel de ressources technologiques humaines adaptables (SPO 2006). Un certain nombre d’actions ont des implications pour le DSP : révision de la législation fiscale pour simplifier le système de prélèvements et réduire le poids du secteur informel ; poursuite des améliorations de l’environnement des affaires ; système de garantie de crédit et capital-risque pour améliorer l’accès des PME au financement ; nouveaux centres industriels ; et optimisation des infrastructures technologiques, en particulier des TIC. Le Premier ministre a institué un Comité ad hoc spécial permanent sur la compétitivité de l’industrie en 2007 pour évaluer les problèmes généraux et sectoriels et formuler des propositions d’actions. Le Programme annuel de 2008 a présenté un certain nombre d’actions de nature à atténuer les disparités régionales, à diversifier l’activité économique et à renforcer les gouvernements locaux pour améliorer la qualité de vie et les opportunités pour les entreprises dans les régions (SPO 2008). Développement des centres de croissance régionaux (par l’extension des Zones industrielles organisées, des zones franches et des pôles de compétitivité), instauration d’agences de développement régionales et promotion de l’entrepreneuriat, telles sont quelques-unes des mesures clés.
Pour se conformer aux critères d’adhésion à l’Union européenne, le gouvernement turc se doit d’établir des priorités d’ordre économique et social.
La Turquie a fait de son Programme de Réformes pour l’Amélioration de l’Environnement des Affaires une des priorités du Huitième Plan de développement 2001–2005. Un Conseil de Coordination pour l’amélioration de l’environnement de l’investissement a été institué comme structure chargée de recueillir les apports du secteur privé (modèle international de réussite d’une plate-forme public/ privé). Pour mener à bien son programme, le Conseil a l’aide de 12 comités techniques21 et la participation d’organismes aussi bien du secteur public que du secteur privé. Les objectifs principaux du Conseil sont de rationaliser la réglementation des investissements, d’élaborer des politiques pour améliorer la compétitivité de l’environnement des investissements et d’imaginer des solutions aux obstacles auxquels se heurtent les investisseurs nationaux et étrangers (OCDE 2009f). Plusieurs mesures ont été adoptées. Des amendements au code turc du commerce en 2003 ont permis l’enregistrement d’une société en une journée en en conférant l’autorité aux registres du commerce. Une nouvelle loi entrée en vigueur en 2005 permet aux artisans et aux commerçants d’enregistrer leur entreprise en ligne auprès de la Confédération des Commerçants et Artisans de Turquie. Une nouvelle réglementation relative à l’ouverture de locaux commerciaux et à l’obtention de licences d’exercer a considérablement réduit le nombre de documents exigés. Des guichets uniques ont été installés dans les districts pour décentraliser de nombreuses fonctions gouvernementales. En 2007, le gouvernement a adopté un système d’analyse de l’impact de la réglementation qui permettra d’évaluer les règlements existants et de mieux percevoir comment les améliorer, et a été le premier pays des 12 pays MENA à le faire. De nombreuses réformes ont été effectuées pour mettre la législation en conformité avec celle de l’UE.
Réduire l’ampleur du secteur informel est une autre priorité du gouvernement pour améliorer la compétitivité de l’économie. Des plans sont en cours pour mettre en œuvre une stratégie globale de lutte contre le secteur informel en faisant prendre conscience à la société des aspects négatifs de l’économie informelle, en baissant les charges financières et sociales sur l’emploi du secteur formel et en instituant une coopération plus efficace entre les organismes publics pour s’attaquer à la question du secteur informel et en surveiller l’évolution (SPO 2008). Pour y parvenir, il faut notamment procéder à une analyse systématique des raisons, des conséquences et des dimensions de l’économie informelle et formuler des propositions pour en éliminer les causes. La Turquie est l’un des quelques pays du groupe des 12 pays MENA à avoir fait de la réduction du secteur informel une des grandes priorités gouvernementales.
La Turquie a commencé à élaborer des politiques liées aux PME à la fin des années 80, ce qui était tôt pour les 12 pays MENA. Ces politiques étaient spécifiquement orientées vers le renforcement des petites entreprises industrielles en valorisant la technologie et en améliorant la qualité des produits. L’Organisation pour le développement des petites et moyennes entreprises (KOSGEB), organisme associé du ministère de l’Industrie et du Commerce (MIC) a été institué par la loi en 1990 pour exécuter les politiques industrielles en faveur des PME. Son rôle actuel est de mettre en œuvre les mécanismes de soutien pour accroître la compétitivité des PME dans tous les secteurs et d’encourager l’entrepreneuriat et les nouvelles entreprises.
Comme membre de l’OCDE, la Turquie a signé en 2000 la Charte de Bologne sur les politiques en faveur des PME, s’engageant à optimiser la disponibilité d’instruments financiers et non financiers pour promouvoir le développement des PME. La Charte européenne pour les petites entreprises a été adoptée en 2002 et le gouvernement a commencé à prendre des mesures concrètes en faveur du développement des PME dans les dix domaines politiques35 préconisés dans la Charte et en conformité avec les sections relatives aux PME des Accords de Partenariat pour l’adhésion.
Le premier plan Stratégie et Plan d’Action de PME a été lancé en 2004 (SPO 2004). Les objectifs du plan révisé pour 2007–2009 sont d’améliorer l’efficacité et la compétitivité internationale des PME et d’accroître leur contribution à l’emploi et à la valeur ajoutée (OCDE 2009f). Cinq grands principes politiques guident cette stratégie : 1) amélioration de l’entrepreneuriat; 2) développement de l’entreprise ; 3) intégration des PME sur le marché international ; 4) amélioration de l’environnement des affaires ; et 5) développement des capacités en matière de technologie et d’innovation. Les principaux objectifs du Plan d’Action du comité technique sont : d’améliorer les systèmes de garantie de crédit et les sociétés de capital-risque ; d’améliorer la politique des grappes pour les PME ; d’encourager les PME à se conformer à la législation et à la réglementation sur l’environnement ; et de préparer une stratégie de développement du secteur des services (OCDE 2009).
La Grande Assemblée de Turquie a un groupe de travail sur les PME qui étudie les questions relatives aux PME avant qu’elles ne soient débattues à la Grande Assemblée nationale. Un comité consultatif sur les PME, constitué d’acteurs gouvernementaux et privés, conseille le gouvernement et la KOSGEB sur la conception et la présentation des politiques sur les PME et des initiatives de soutien. La KOSGEB travaille avec d’autres ministères et agences, avec des organismes financiers et des organisations professionnelles à la mise en œuvre des stratégies pour les PME et des mécanismes d’appui : Centres de développement des entreprises de la KOSGEB, Centres de développement des technologies de la KOSGEB et Centres de synergie (noyaux d’organisations associées au niveau local/régional) liés à des institutions et programmes financiers (Tezyetiş 2007).
On a noté des progrès en matière d’accès au financement. Depuis 2003, un certain montant du budget de la KOSGEB est alloué au système de soutien crédit pour les PME, qui permet aux PME agréées d’obtenir des prêts à taux faible ou à taux zéro des banques intermédiaires. En 2004, la KOSGEB a lancé un mécanisme de microcrédit pour soutenir la constitution de nouvelles entreprises. L’UE, en coopération avec le Fonds turc de garantie des crédits a créé un service de garantie des crédits pour les PME et des banques publiques et privées ont institué des nouvelles facilités de prêts36 aux PME. Cela étant, les PME continuent d’avoir des difficultés à satisfaire aux normes de nantissement des banques sans garanties de prêts et les soutiens qui existent pour le capital d’amorçage et le risque et les garanties de crédit ne sont pas suffisants pour y répondre (MIC 2007 ; SPO 2008).
Les demandes de microcrédit sont assez nouvelles en Turquie, où le marché est dominé par les institutions bancaires étatisées. Un projet de loi sur les institutions de la microfinance en attente, si adopté, instaurera le cadre légal permettant aux fondations, aux associations et aux ONG de fournir des services de microfinance, ce qui accroîtrait considérablement le nombre de programmes de microcrédit pour les PME. En attendant, il faut poursuivre les recherches sur les microentreprises et les plans de soutien de microfinance (Karatas et Helvacioglu 2008).
La base de la R-D en Turquie a encore besoin d’être développée, question qui ne cesse de prendre de l’importance. La Turquie est une importatrice nette de technologie et, en 2006, elle n’a dépensé que 0,76 pour cent du PIB en R-D (OCDE 2008c). Dans le cadre de sa préparation à son adhésion à l’UE, le gouvernement a adopté une Stratégie nationale pour la science, la technologie et l’innovation, dont l’objectif était d’intensifier la recherche et de la porter à 2 pour cent du PIB. Des programmes nationaux de technologie ont été établis pour accroître le potentiel de R-D et d’innovation des PME et pour stimuler leur capacité à accéder au savoir des fournisseurs mondiaux. Accentuer la prise de conscience des entreprises privées, en particulier des PME, concernant leur rôle en R-D et en innovation figure au premier plan des priorités dans les plans de développement nationaux du gouvernement. Par le biais de la Loi de 2001 sur les zones de développement technologique, le gouvernement apporte son soutien aux entreprises axées sur la technologie, encourage la coopération entre les universités et l’industrie et facilite la diffusion de la technologie. Plusieurs parcs technologiques ont été institués dans les universités et les centres de recherche gérés par les TEKMER (Centres de développement technologiques de la KOSGEB.
La Turquie est plus développée à bien des égards que le reste des 12 pays MENA. C’est le pays économiquement le plus développé avec le PIB par habitant le plus élevé. Le développement du secteur privé et des PME est au centre des préoccupations depuis plus longtemps que dans la plupart des 12 autres pays MENA. Elle a l’avantage d’être membre de l’OCDE et d’être très proche des communautés européennes. Cela lui a permis d’apprendre les bonnes pratiques des pays développés et de voir ses programmes soumis à l’examen de ses pairs et de participer aux Programmes Cadres de l’UE sur l’entrepreneuriat, les PME, la R-D et l’innovation.
Cela étant, l’ampleur de l’économie informelle, la faiblesse de la compétitivité des PME, la faible utilisation de la population active, les inégalités entre hommes et femmes et les faibles résultats des indicateurs clés relatifs à la réglementation et aux réformes sont des sujets de préoccupation.
1. La législation actuelle sur les faillites est périmée. La faillite est considérée comme une activité criminelle, les biens personnels sont saisis, c’est le principe de la sanction, plutôt que du redressement, qui est appliqué, les rythmes de redressement sont lents et les procédures longues et onéreuses (MEC 2005).
2. La ‘Vision économique pour le développement des entreprises’ présente le cadre et la stratégie des politiques pour les PME pour guider le secteur public et le secteur privé dans les six prochaines années et une série de concepts d’initiatives et de programmes. Ce programme est le résultat de deux années de recherche et de concertation et a été élaboré sur la base d’un consensus avec les parties prenantes. Voir le site : http://www.economy.gov.lb/sme/newsletter/-%20DynaMesh%20For%20SME-newsletter4.2.htm
3. Pour pouvoir en bénéficier, la PME doit avoir moins de 40 employés.
4. Voir le site : http://www.baderlebanon.com. Bader est une initiative du secteur privé en partenariat avec l’Unité de soutien aux PME, l’Autorité de développement des investissements, Kafalat et autres organisations et associations d’appui.
5. L’IDE a baissé par rapport à son taux de 3,7 pour cent du PIB de 2007 et de 4,1 pour cent en 2006, mais il était supérieur à son taux de 2002, qui était de 0,20 pour cent (IDM). L’afflux des IDE de 2000 à 2007 était en moyenne de 4,6 pour cent du PIB (Royaume du Maroc 2008).
6. Enquête de la Banque mondiale sur les entreprises, 2007, disponible sur le site http://www.enterprisesurveys.org/ExploreEconomies/?economyid=132&year=2007 (en date du 13 septembre 2009).
7. Les taux d’impositions du secteur formel se situent entre 30 et 41 pour cent.
8. Le Maroc annonce la relance du programme Moukawalati’, Magharebia, 18/02/2009.
9. Le JCPPR (2006) se demande si les ZIQ ont nettement contribué à réduire le chômage ou à créer des emplois de haute qualification pour les Jordaniens, en précisant que 65 pour cent de la main-d’œuvre des ZIQ sont des travailleurs immigrés, la plupart des emplois étant peu qualifiés et les exportations des ZIQ à faible valeur ajoutée. En août 2008, il y avait 44 000 travailleurs immigrés et seulement 12 000 Jordaniens à travailler dans les ZIQ (ITUC 2008).
10. Le niveau d’APD était de 242 dollars US par habitant en 2004.
11. On estime que le taux officieux de chômage est plus proche de 30 pour cent (WFB).
12. Il faudra en créer davantage pour que les Jordaniens réduisent leur taux de chômage.
13. Enquête de la Banque mondiale sur les entreprises 2006, disponible sur le site : http://www.enterprisesurveys.org/ExploreEconomies/?economyid=2006 (en date du 13 septembre 2009).
14. Le coût des congés et des allocations de maternité est maintenant supporté par la sécurité sociale et non par l’employeur seul.
15. La Société jordanienne de garantie de prêts est possédée par la banque centrale de Jordanie, le secteur bancaire et autres organisations du secteur public et du secteur privé.
16. La durée moyenne des gouvernements jordaniens au cours des 15 dernières années a été inférieure à deux ans. Entre 2005 et 2007, il y a eu trois différents Premiers ministres et cinq Cabinets différents (Bertelsmann Stiftung 2008b).
17. En 2007, les envois de fonds atteignaient 5,9 pour cent du PIB (IDM).
18. Les petites et moyennes entreprises qui ont un capital minimum de 500 000 livres égyptiennes et un plafond de 25 millions livres égyptiennes peuvent demander l’inscription si elles répondent aux autres exigences (voir www.nilex.egyptse.com). En 2008, seulement trois entreprises ont été cotées (Banque Audi, 2009a).
19. La recherche des titres de propriété est difficile en raison des dispositions historiquement complexes de la propriété foncière.
20. Données issues du Panel d’enquête sur le marché du travail égyptien (ELMPS06).
21. Enquête de 2008 de la Banque mondiale sur l’entreprise, disponible sur le site : http://www.enterprisesurveys.org/ExploreEconomies/?ecomyid=61&year=2008 (en date du 9 novembre 2009).
22. En 2006, les exportations ont augmenté de 12,6 pour cent alors que les importations augmentaient de 15,6 pour cent (BAfD et OCED 2008d, p.592).
23. La faiblesse de l’investissement privé est en grande partie due à l’investissement intérieur plutôt qu’à l’IDE (Banque mondiale 2008j).
24. La source de la composition du PIB par secteur est le WFB, estimations de 2009 ; les chiffres de l’emploi par secteur s