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Les questions d’actualité les plus pressantes qui influent sur le développement durable, voilà à quoi s’attaque la collection un_focus du CRDI. Chaque fascicule distille les recherches du CRDI pour en tirer les enseignements les plus importants ainsi que les observations et les recommandations les plus pertinentes. Chaque ouvrage constitue en outre un point de convergence vers des pages Web thématiques où le CRDI étudie ces questions plus en profondeur et présente toute l’information que souhaitent obtenir les lecteurs et les internautes de divers horizons. La liste de toutes les pages thématiques un_focus se trouve à www.crdi.ca/un_focus. On peut aussi parcourir et commander les titres de la collection à www.crdi.ca/livres.
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SYSTÈMES DE SUIVI COMMUNAUTAIRE DE LA PAUVRETÉ
Publié par le Centre de recherches pour le développement international CP 8500, Ottawa (Ontario) Canada K1G 3H9 www.crdi.ca/info@crdi.ca
© Centre de recherches pour le développement international 2009
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
ISBN 978-1-55250-433-8
Reyes, Celia
Les faits, une arme contre la pauvreté:
systèmes de suivi communautaire de la pauvreté
Celia Reyes et Evan Due.
(Un focus)
Publ. aussi en anglais sous le titre
Fighting poverty with facts.
Également disponible sur l’Internet.
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 978-1-55250-433-8
1. Pauvreté—Recherche—Pays en voie de développement—Participation des citoyens.
2. Pauvreté—Recherche—Méthodologie.
3. Pauvres—Pays en voie de développement.
4. Développement communautaire—Pays en voie de développement.
I. Due, Evan
II. Centre de recherches pour le développement international (Canada)
III. Titre.
IV. Collection: Focus (Centre de recherches pour le développement international (Canada))
HC59.72 P6 R4914 2009 362.5’525091724 C2009-980115-9
ISBN 978-1-55250-436-9 (édition éléctronique)
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Ce livre, dont le texte intégral est en ligne à www.crdi.ca/livres, constitue l’élément central des pages thématiques du CRDI sur les systèmes de suivi communautaire de la pauvreté consultables à www.crdi.ca/un_focus_pauvrete.
Sommaire vii
Préface xiii
Avant-propos xvii
Chapitre 1. L’enjeu et le contexte du développement 1
Depuis plus de vingt ans, les gouvernements et les organismes de développement placent la réduction de la pauvreté au centre de leurs préoccupations. Malgré les énormes progrès accomplis, dans les pays en développement, environ une personne sur quatre vit toujours sous le seuil de pauvreté international établi par la Banque mondiale.
La mesure et le suivi de la pauvreté . 3
La production d’information pour la reddition de comptes . 6
L’appropriation locale du développement . 8
Chapitre 2. L’approche 11
Les investissements publics judicieux sont essentiels à la réduction de la pauvreté et au redressement des inégalités dans la société. Il importe donc de disposer de données exactes et actualisées tant pour évaluer les progrès et planifier les investissements que pour assurer l’efficacité des analyses et de la mise en oeuvre des politiques.
Les origines du CBMS . 13
Qu’entend-on par CBMS ? . 17
Le CBMS, étape par étape . 23
Les ressources requises . 25
Le CBMS dans le monde . 26
Chapitre 3. Les expériences sur le terrain 29
Depuis plus d’une décennie, le CRDI appuie des chercheurs de 15 pays d’Asie et d’Afrique qui ont conçu, évalué et mis en oeuvre un système de suivi communautaire de la pauvreté. Comme le montrent les expériences des différents pays, tant les collectivités que les gouvernements tirent rapidement de réels avantages d’un tel système.
L’Asie — les Philippines, le Vietnam, le Bangladesh, le Cambodge, la République démocratique populaire lao, l’Indonésie et autres initiatives de mise en oeuvre du CBMS en Asie . 31
L’Afrique — le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin, l’Afrique de l’Est . 61
Conclusions . 72
Chapitre 4. Leçons et recommandations 77
La grande leçon à tirer des travaux de recherche sur le CBMS : la conception des systèmes de suivi communautaire de la pauvreté et le soutien à y apporter sont un élément primordial de tout programme qui vise à suivre de près la pauvreté à l’échelle nationale.
Les leçons à retenir quant aux conditions propices . 79
Les leçons à retenir quant à la conception et à la mise en oeuvre du CBMS . 83
Les leçons à retenir quant aux avantages tirés du CBMS . 90
L’élargissement des utilisations et des avantages du CBMS . 91
Chapitre 5. Les voies de l’avenir 93
Comment le CBMS évolue-t-il et quels sont les défis posés par cette évolution ?
Le suivi des dépenses publiques et des programmes financés par les bailleurs de fonds . 93
Un projet pilote d’utilisation du CBMS pour l’établissement de budgets sexospécifiques . 95
Le suivi des progrès accomplis dans la réalisation des OMD . 97
Un meilleur ciblage des bénéficiaires des programmes . 97
Un moyen de donner l’alerte rapidement . 98
L’élargissement de la portée du CBMS . 99
De nouvelles avenues de recherche . 100
Glossaire des termes et des sigles 103
Sources et ressources 109
Depuis plus de vingt ans, les gouvernements et les organismes de développement placent la réduction de la pauvreté au centre de leurs préoccupations. Malgré les énormes progrès accomplis, dans les pays en développement, environ une personne sur quatre vit toujours sous le seuil de pauvreté international établi par la Banque mondiale.
Les investissements publics judicieux sont essentiels à la réduction de la pauvreté et au redressement des inégalités dans la société. Il importe donc de disposer de données exactes et actualisées tant pour évaluer les progrès et planifier les investissements que pour assurer l’efficacité des analyses et de la mise en oeuvre des politiques. Dans bien des pays en développement, toutefois, le manque d’information locale pertinente sur les pauvres nuit à la planification du développement, à la mise en oeuvre des programmes et aux mesures de suivi des changements. En outre, cette lacune compromet les efforts visant à évaluer les progrès accomplis à l’égard de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Depuis plus d’une décennie, le CRDI appuie des chercheurs de 15 pays d’Asie et d’Afrique qui ont conçu, évalué et mis en oeuvre un système de suivi communautaire de la pauvreté (communitybased monitoring system ou CBMS). Ce livre de même que le CD qui l’accompagne et les pages Web connexes démontrent que les choix en matière de politiques publiques visant à favoriser les pauvres et à améliorer leurs conditions de vie sont plus judicieux lorsque les autorités locales et les collectivités travaillent main dans la main en se fondant sur des données solides et des analyses qui reposent sur des éléments probants. C’est là le gage de l’efficacité des dépenses publiques et d’une justification plus transparente de l’emploi des fonds publics.
La recherche révèle que le CBMS n’est pas une solution immédiate. Il faut l’adapter aux réalités locales de même qu’au contexte politique, économique et social. Et, comme le montre l’expérience des différents pays, tant les collectivités que les gouvernements retirent rapidement de réels bienfaits d’un tel système, qu’il s’agisse de nouveaux services essentiels comme les écoles et les installations sanitaires ou de programmes de santé et d’emploi. Le CBMS donne aux collectivités la possibilité de prendre part à la prise de décisions.
D’abord mis en oeuvre dans la province de Palawan, le CBMS a par la suite été adopté dans 52 des 81 provinces du pays, et on compte en doter l’ensemble des Philippines d’ici à 2010. Les administrations locales se servent des données issues du CBMS pour préparer leur plan d’investissement annuel et établir l’ordre de priorité des projets de réduction de la pauvreté, pour évaluer les impacts des projets et pour se préparer à faire face aux urgences. De plus, comme le soulignent les chercheurs, le CBMS a accru la transparence et la reddition de comptes des administrations locales.
Selon le président du comité populaire d’une commune très pauvre du district de Nho Quan, l’enquête fournit de l’information qu’il était impossible d’obtenir auparavant, et ces données vont permettre d’élaborer des plans. Les plans et programmes comprennent la formation professionnelle dans des domaines comme l’artisanat traditionnel afin de contribuer à la création d’emplois, l’aide à l’amélioration des logements et la fourniture d’intrants agricoles pour stimuler la production alimentaire. Ces données aident aussi le Vietnam à suivre de près les progrès effectués à l’égard de la réalisation des OMD.
Lorsque l’enquête réalisée à l’aide du CBMS dans le village de Kbal Snoul a mis en lumière le nombre d’enfants qui ne fréquentaient pas l’école car aucune n’était accessible, un bailleur de fonds a décidé de construire une école où il leur serait possible de se rendre à pied. Si les données obtenues grâce au CBMS ont aidé les communes pauvres à obtenir le soutien des bailleurs de fonds, elles ont aussi permis aux collectivités de mieux faire face à leurs problèmes, notamment à la violence familiale.
Étant donné le taux élevé d’analphabétisme au Burkina Faso, la diffusion dans les collectivités des résultats ayant émané du CBMS posait un problème particulier. La solution ? Représenter les données par des illustrations faciles à comprendre, que l’on affiche dans les salles de réunion des villages, et traduire l’information en langue locale.
Mis en place afin d’appuyer le processus d’élaboration du document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), le CBMS du Sénégal témoigne de l’importance de la validation communautaire des données.
Pour prendre connaissance d’autres études de cas et obtenir plus de précisions sur celles qui sont présentées ici, consulter www.crdi.ca/un_focus_pauvreté.
Partout où l’on en a fait l’essai, le CBMS a permis d’obtenir de l’information et des données plus complètes sur le bien-être des pauvres. Il a amené les collectivités pauvres à faire valoir leurs besoins auprès des autorités locales et nationales et à exercer une influence sur les affectations budgétaires. Le CBMS est ainsi devenu un instrument permettant de susciter directement une plus grande autonomie et une véritable réduction de la pauvreté.
La décentralisation facilite l’adoption du CBMS.
L’engagement politique est essentiel à la viabilité du CBMS.
La participation de la population est importante.
Les systèmes de suivi communautaire de la pauvreté offrent un bon rapport coût-efficacité.
Les partenariats réunissant les chercheurs, les représentants des gouvernements et les collectivités sont essentiels.
Veiller, d’entrée de jeu, à la mobilisation et à l’orientation des collectivités est gage de succès.
Le choix des indicateurs et l’élaboration des outils d’enquête doivent s’appuyer sur la recherche.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance d’une formation adéquate.
La collecte et le traitement des données doivent se faire en temps opportun.
La validation des données est essentielle.
La diffusion des résultats est cruciale.
Le recours au CBMS renforce l’autonomie des collectivités en leur donnant les moyens de prendre part au diagnostic des problèmes et de proposer des solutions.
Le recours au CBMS améliore l’affectation des ressources en facilitant la détermination des interventions prioritaires.
Le recours au CBMS rend plus équitable la répartition des ressources.
Le recours au CBMS aide à suivre de près l’impact des projets et des programmes, contribuant ainsi aux efforts de réduction de la pauvreté.
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L’adoption du code de l’administration locale, en 1991, a mis l’accent sur le rôle des entités gouvernementales locales dans les Philippines, en particulier en leur confiant d’énormes responsabilités et en mettant à leur disposition d’importantes ressources pour exercer efficacement les fonctions qui étaient désormais les leurs. Dans un rapport, l’Union of Local Authorities of the Philippines faisait état de la part croissante du revenu intérieur attribuée aux entités gouvernementales locales. Pour la période allant de 1991 à 2001, les affectations moyennes se sont élevées à 79,96 milliards PHP1, soit 13,83 % du budget national.
Compte tenu des ressources considérables que gèrent ces entités, il importe de mettre à leur disposition les outils et systèmes voulus pour utiliser judicieusement les fonds publics. Une façon d’atteindre cet objectif est de veiller à ce que les autorités locales aient accès aux données socioéconomiques les plus complètes,
1Au 31 mars 2009, 48,25 pesos philippins (PHP) équivalaient à 1 USD.
comme celles qui résultent du système de suivi communautaire de la pauvreté (Community-Based Monitoring System ou CBMS), sur lesquelles elles peuvent se fonder pour élaborer leurs plans de développement.
L’utilité de ces données est particulièrement évidente aux Philippines, où le CBMS a vu le jour, puisqu’elles servent d’assises à la planification et à l’établissement de budgets fondés sur des données probantes dans 13 498 barangays de 531 municipalités et 42 villes de 52 provinces. Depuis les premiers essais pilotes effectués dans les années 1990, le CBMS a été instauré dans 14 autres pays d’Asie et d’Afrique. L’enthousiasme avec lequel les entités gouvernementales locales ont adopté le CBMS témoigne éloquemment du fait que le système répondait effectivement à un besoin criant d’information locale fiable et crédible en vue de l’élaboration de politiques, de la conception de programmes et du suivi des impacts.
Le gouvernement des Philippines appuie sans réserve cette initiative. Ainsi, son plan de développement à moyen terme 2004-2010 prévoit l’adoption du CBMS par toutes les entités gouvernementales locales d’ici à 2010. De même, de grands organismes gouvernementaux nationaux ont préparé plusieurs circulaires administratives et des lignes directrices faisant valoir non seulement l’utilité du CBMS comme outil de suivi de la pauvreté à l’échelle locale, mais aussi son importance dans la localisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En voici quelques exemples.
Le comité de développement social de la National Economic and Development Authority (NEDA) a transmis, en 2006, la résolution no 3 enjoignant à l’ensemble des organismes gouvernementaux nationaux et des entités gouvernementales locales d’adopter systématiquement le CBMS comme outil de suivi de la pauvreté à l’échelle locale.
En mars 2003, la National Anti-Poverty Commission a adopté la résolution no 7 ordonnant aux entités gouvernementales locales d’adopter les 13 indicateurs de base de la pauvreté comme information minimale provenant de la collectivité pour le diagnostic de la pauvreté et la planification à l’échelle locale.
Le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a rendu publiques, en avril 2003, la circulaire administrative 2003-92 énonçant les lignes directrices à suivre pour l’adoption des 13 indicateurs de base de la pauvreté locale aux fins de la planification et, en novembre 2004, la circulaire administrative 2004-152 incitant les entités gouvernementales locales à intensifier leurs efforts en vue d’atteindre les OMD. Cette dernière circulaire prescrivait également aux entités gouvernementales locales d’avoir recours à des systèmes de suivi comme le MBN-CBIS (système d’information communautaire sur les besoins fondamentaux), le CBMS et l’IRAP pour suivre la nature et l’étendue de la pauvreté.
En 2005, le National Statistical Coordination Board (NSCB) a voté la résolution no 6, laquelle reconnaît l’importance du système de suivi communautaire de la pauvreté et prône l’appui au CBMS en tant qu’outil de renforcement du système statistique local. Elle enjoint également au personnel technique de la NSCB de veiller à la mise sur pied et à la coordination d’un programme visant à promouvoir l’adoption du CBMS par les entités gouvernementales locales, par le truchement du comité régional de coordination de la statistique, l’organe technique du conseil du NSCB dans les régions.
La League of Municipalities of the Philippines a quant à elle publié les circulaires administratives 027-2006 et 027-2006B enjoignant aux entités gouvernementales locales membres de l’organisme d’adopter le CBMS (ou d’en appuyer l’adoption) comme outil de diagnostic de la pauvreté à l’échelle locale et d’institutionnaliser le système en vue de l’intégrer à la gouvernance locale. Parallèlement, l’organisme a préparé trois circulaires sur l’intégration des cibles des ODM et l’utilisation des données du CBMS dans les plans de développement local des municipalités et des barangays afin de mieux cerner le suivi de la pauvreté.
Nous sommes d’avis que le CBMS constitue un énorme progrès dans la lutte que mène le pays pour permettre à un plus grand nombre de familles philippines d’avoir leur juste part des ressources nationales. À ce titre, le CBMS est digne de l’appui et de l’engagement de tous ceux et celles qui croient que les Philippins ont devant eux un avenir meilleur et plus prospère.
Domingo F. Panganiban
Secrétaire et coordonnateur principal
National Anti-Poverty Commission
Philippines
Des écoles primaires dans des régions éloignées du Cambodge qui en étaient dépourvues, des programmes de formation professionnelle à l’intention des femmes pauvres vivant en milieu rural au Vietnam, des centres de jour et des installations sanitaires dans les Philippines — ce ne sont là que quelques-uns des services fournis par les administrations locales après qu’un système participatif de suivi de la pauvreté eut clairement défini les besoins les plus urgents des collectivités. Les données issues des enquêtes ont aussi permis aux administrations locales d’obtenir des ressources de bailleurs de fonds pour leurs projets de développement. Elles ont aidé les autorités à déterminer les mesures prioritaires susceptibles de réduire la pauvreté au sein de la population. Au Laos, et ailleurs, il a été plus facile d’établir avec précision les groupes qui devaient recevoir de l’aide. Ces données ont en outre contribué à inciter les collectivités à passer à l’action pour régler elles-mêmes certains de leurs problèmes — ainsi, les inscriptions à l’école primaire ont doublé dans un village du Burkina Faso, sans qu’il soit nécessaire d’en construire de nouvelles, et les villageois ont créé des potagers communaux afin de réduire la faim, un des principaux indicateurs de la pauvreté.
Ce ne sont là que quelques exemples de ce qu’on peut accomplir lorsque les collectivités et les gouvernements disposent de données exactes et actualisées sur lesquelles fonder leur planification — des données fournies par la mise en oeuvre du système de suivi communautaire de la pauvreté (CBMS) décrit dans ce livre. Le CRDI appuie le système depuis son lancement dans le cadre du programme Impacts micros des politiques macroéconomiques et d’ajustement (MIMAP), au début des années 1990, et il s’est intéressé de près à toutes les étapes de son évolution et de son expansion dans les Philippines ainsi que dans plusieurs autres pays d’Asie et d’Afrique.
À l’origine, au début des années 1990, le CBMS devait fournir de l’information sur les effets des politiques macroéconomiques et des programmes d’ajustement structurel sur les ménages et les individus. On s’attendait à ce que ces politiques et programmes influent différemment sur les ménages et à devoir mettre en place des mécanismes de protection sociale pour venir en aide aux groupes vulnérables. Mais les données produites par les bureaux nationaux de la statistique n’étaient pas suffisamment ventilées pour pouvoir capter de tels éléments. Il fallait un système de suivi local complémentaire du système national. Qui plus est, comme certains pays avaient opté pour la décentralisation afin de rapprocher les gouvernements de la population, la demande d’information locale s’était accrue.
Malheureusement, cette évolution vers une structure gouvernementale décentralisée ne s’était pas accompagnée d’une réorientation semblable du système statistique. Dans bon nombre de pays, les systèmes statistiques étaient restés axés sur la satisfaction des besoins d’information des gouvernements centraux. Voilà pourquoi le CBMS a été conçu pour fournir de l’information qui serait utile en premier lieu aux administrations locales et, dans un deuxième temps, aux gouvernements nationaux et aux autres parties prenantes. Il a pour objectif d’améliorer la gouvernance locale et de favoriser la transparence et la reddition de comptes en fournissant de l’information pouvant faciliter la prise de décisions fondées sur des données probantes.
La stratégie de mise en oeuvre du CBMS, qui consiste à faire participer les collectivités locales à la recherche et à la mutualisation des connaissances, au renforcement des capacités des chercheurs locaux et des utilisateurs de la recherche ainsi qu’à la production d’information fondée sur les données probantes essentielles à la planification et à l’élaboration des politiques, tient compte de la démarche fondamentale du CRDI en matière de recherche pour le développement. Pour le CRDI, il est impératif de faire des collectivités locales des partenaires de recherche et de se mettre à l’écoute des pauvres qui, mieux que quiconque, savent ce qu’est la pauvreté et comment améliorer leurs conditions de vie. Le CBMS renforce leur autonomie en leur donnant la possibilité de prendre part au processus de développement et en produisant des connaissances susceptibles de mener à des mesures adéquates.
Les travaux dans le domaine du suivi communautaire de la pauvreté reposent sur l’hypothèse que, pour être efficaces, les programmes doivent être ciblés et fondés sur des données pertinentes, exactes, actualisées et ventilées. Le CBMS vise à combler les lacunes d’information dans la planification du développement par l’institutionnalisation de la collecte et de la validation systématiques des données à l’échelle locale afin qu’elles puissent servir aux autorités locales. Grâce à la collaboration technique entre l’équipe du sous-réseau CBMS à l’Angelo King Institute de l’Université De La Salle à Manille, dirigée par Celia Reyes, et les administrations locales partenaires, l’information recueillie rend compte fidèlement de la réalité sur le terrain et peut être aisément intégrée aux politiques et à la planification. Rien de surprenant, donc, à ce que le CBMS soit devenu un outil indispensable pour les planificateurs et les responsables des politiques des administrations locales. Ce livre décrit comment cela s’est produit dans différents pays.
En raison des engagements internationaux à l’égard des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), il est impératif que les pays recueillent de l’information fiable et actualisée afin de suivre de près les progrès accomplis et d’élaborer des stratégies et des programmes exhaustifs pour atteindre ces objectifs. Le CBMS y contribue par la localisation des OMD et en fournissant les outils et l’espace d’application des politiques nécessaires pour que se produise un développement véritable.
Ce livre explique comment le CBMS a été conçu, adapté et mis en oeuvre dans plusieurs coins du globe et comment les données probantes qu’il permet de recueillir peuvent être utilisées pour réduire la pauvreté. Le CBMS étant d’abord et avant tout une méthode d’enquête participative qui doit être appliquée avec rigueur, nous insistons sur les aspects techniques de son élaboration et de sa mise en oeuvre. La description de l’adaptation du système aux réalités de différents pays témoigne de sa souplesse et montre bien que le CBMS peut servir, et sert effectivement, à diverses fins.
Ce livre fait voir comment un système de suivi local peut, en tenant compte des capacités qui existent, être conçu et mis en application pour répondre aux besoins locaux dans divers pays en développement. Il indique également comment l’analyse des données découlant d’un CBMS peut être mise à profit par les responsables des politiques locaux et nationaux afin de réduire la pauvreté. Il montre en outre comment l’utilisation des données et processus locaux peut être avantageuse pour la prise de décisions par les instances locales. Ce livre traite aussi de l’action de représentants d’administrations locales déterminés à aider les pauvres à sortir de la pauvreté et de l’autonomisation de collectivités à qui on a fourni des données et un espace pour participer à la conception des plans et des budgets locaux.
Parmi toutes les personnes qui ont collaboré à la préparation de ce livre, c’est à Michelle Hibler, la rédactrice principale, que nous devons notre plus vive gratitude. Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans son expertise, ses encouragements et le concours de tous les instants qu’elle nous a offert. Nous remercions également Bill Carman et Rowena Beamish, de la Division des communications du CRDI, pour leur consciencieuse révision du manuscrit anglais. Le livre a aussi profité des commentaires et suggestions de nos collègues du CRDI, du Réseau de recherche sur les politiques économiques et la pauvreté (réseau PEP) et de diverses personnes de l’extérieur. Qu’ils en soient tous remerciés. Nous remercions les chefs d’équipe des projets de suivi communautaire de la pauvreté qui ont gracieusement répondu à nos demandes d’information. Nous tenons aussi à souligner l’inestimable contribution de l’équipe du CBMS aux Philippines et son indéfectible engagement à renforcer les capacités des administrations locales en vue de servir les pauvres.
Celia Reyes est chercheure principale au Philippine Institute for Development Studies et directrice du sous-réseau Systèmes de suivi communautaire de la pauvreté (CBMS) du Réseau de recherche sur les politiques économiques et la pauvreté. Mme Reyes est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de la Pennsylvanie. Ses travaux de recherche portent sur les systèmes de suivi de la pauvreté, l’analyse de la pauvreté et la modélisation macroéconomique.
Evan Due est, à titre de spécialiste de programme principal, responsable de la programmation en matière d’économie et de commerce du bureau du CRDI à Singapour. Ses recherches sont axées sur les politiques publiques, l’économie institutionnelle et l’analyse de la pauvreté. Avant d’entrer au service du CRDI, il a occupé divers postes au sein de l’Agence canadienne de développement international et a, entre autres, été affecté à des missions diplomatiques au Pakistan, en Afghanistan et en Inde. Il a aussi dirigé la délégation canadienne auprès des groupes de travail sur les aspects financiers de la réduction de la pauvreté du Comité d’aide au développement de l’OCDE.
Le 12 janvier 2009
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« La disponibilité de statistiques fiables et la capacité des gouvernements, des donateurs et des organismes internationaux systématiquement mesurant, surveillant et rendant compte du progrès sur tous les aspects sociaux et économiques sont au coeur de la politique de développement et de l’accomplissement des OMD. »
— Objectifs du Millénaire pour le développement – Rapport 2007, ONU, 2007, p. 34
Depuis plus de vingt ans, les gouvernements et les organismes de développement placent la réduction de la pauvreté au centre de leurs préoccupations. Malgré les énormes progrès accomplis, dans les pays en développement, environ une personne sur quatre vit toujours sous le seuil de pauvreté international établi par la Banque mondiale à 1,25 USD par jour (Chen et Ravallion, 2008). Les progrès ont été fort inégaux, l’Asie de l’Est (la Chine, notamment) ayant connu un succès spectaculaire alors que l’évolution a été sensiblement plus lente en Asie du Sud et en Amérique latine et que la pauvreté s’est aggravée en Afrique subsaharienne. Les difficultés matérielles déterminées par les évaluations du revenu et de la consommation ne sont qu’un aspect de la situation. Pour comprendre et évaluer le bien-être des pauvres, il faut adopter une démarche diversifiée qui tienne compte d’autres types de privation, en ce qui a trait à la santé, à l’éducation, à l’accès aux biens et services publics, à la sécurité, à la liberté et aux droits de la personne, par exemple. Bien que les comptes nationaux et internationaux soient d’importants repères, la prise en compte du contexte géographique, économique, social et politique particulier dans lequel vivent les gens permet d’évaluer avec plus d’exactitude la pauvreté et les inégalités dans les ménages et la collectivité.
Les investissements publics judicieux sont essentiels à la réduction de la pauvreté et au redressement des inégalités dans la société. Il importe donc de disposer de données exactes et actualisées tant pour évaluer les progrès et planifier les investissements que pour assurer l’efficacité des analyses et de la mise en oeuvre des politiques. Comme l’affirme le rapport 2007 sur les objectifs du Millénaire pour le développement, « [i]l est nécessaire de disposer d’un système statistique national solide et d’une comptabilité publique améliorée pour soutenir ces efforts » (Nations Unies, 2007). Et, ainsi que le fait remarquer Christopher Scott de la London School of Economics, il a toujours été très important de consolider l’assise de données probantes pour –l’élaboration de politiques dans les pays en développement, mais cela est devenu particulièrement crucial dans la période que nous traversons. Selon lui, 55 pays ne disposent pas d’informations sur la proportion de leur population qui vit avec moins d’un dollar jour, et environ une centaine n’ont aucune donnée sur l’évolution de la pauvreté, ce qui empêche un suivi direct au fil du temps des progrès accomplis à l’égard de la réalisation des OMD (Scott, 2005).
Dans bien des pays en développement, le manque d’information locale pertinente sur les pauvres nuit à la planification, à la mise en oeuvre des programmes de développement et aux mesures de suivi du changement. Ce livre présente un système, mis au point grâce à l’appui du CRDI, qui peut aider les gouvernements à mettre en place des programmes de lutte contre la pauvreté plus efficaces, à en surveiller les effets et à mesurer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Connu sous le nom de système de suivi communautaire de la pauvreté (CBMS), ce système démontre que, pour être efficace, une démarche visant à comprendre la pauvreté et à s’y attaquer doit nécessairement reposer sur la participation des collectivités à la prise des décisions en matière de politiques publiques. Comme nous l’expliquons, les choix en matière de politiques publiques visant à favoriser les pauvres et à améliorer leurs conditions de vie sont plus judicieux lorsque les autorités locales et les collectivités travaillent main dans la main en se fondant sur des données solides et des analyses qui reposent sur des éléments probants. C’est là, soutenons-nous, le gage de l’efficacité des dépenses publiques et d’une justification plus transparente de l’emploi des fonds publics.
La recherche présentée dans ce livre fait valoir l’importance de la participation des pauvres à la planification des programmes publics qui influent sur leurs moyens de subsistance et leur bien-être. Les décideurs doivent répondre à leurs préoccupations, mettre à profit leur savoir et leur expérience et considérer les pauvres comme des partenaires dans l’élaboration des politiques publiques. Inciter les collectivités à collaborer avec les autorités locales afin d’assurer le suivi et d’utiliser de l’information fiable, obtenue sur place, sur les conditions de vie réelles en vue d’une planification judicieuse, voilà ce que bon nombre de praticiens du CBMS désignent sous le vocable de « localisation des OMD ».
Tout au long des années 1990, le milieu du développement international a reçu force incitations en vue d’améliorer les perspectives en matière de pauvreté par une meilleure compréhension de la nature multidimensionnelle de la pauvreté, de sa répartition et de son étendue. Ces appels sont venus en partie de travaux de recherche des organismes internationaux indiquant que les bouleversements externes et l’ajustement macroéconomique ont des répercussions néfastes sur les pauvres et les personnes vulnérables et qu’il faut en tenir compte lors de l’élaboration des politiques publiques (voir, par exemple, Jolly, 1991). Le Rapport sur le développement dans le monde 1990 — La pauvreté de la Banque mondiale en particulier a contribué à attirer l’attention sur la pauvreté dans les pays en développement et sur les stratégies axées sur les pauvres. Il mettait en évidence d’autres dimensions de la pauvreté que le revenu, faisait état des caractéristiques des pauvres — qui ils sont, où ils vivent et quels sont les facteurs concourant à la pauvreté (comme le manque de moyens, d’éducation et de santé) — et abordait la question de l’inégalité. Le rapport a aussi suscité de l’intérêt pour la mesure de la pauvreté à l’aide de meilleures enquêtes statistiques et estimations de la pauvreté.
Toutefois, en règle générale, ce sont les mesures monétaires qui ont continué à dominer pour évaluer la pauvreté et qui ont façonné les démarches de réduction de la pauvreté, même celles mises de l’avant par les nouveaux « cadres de développement intégré » et les « documents de stratégie de réduction de la pauvreté » (DSRP) qui ont généralement remplacé les programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale. Les progrès ont été moindres, cependant, avec d’autres stratégies et politiques évolutives qui devaient s’attaquer aux mécanismes sous-jacents responsables du maintien des pauvres dans la pauvreté ou leur permettant d’en sortir.
Bien que les gouvernements aient continué de privilégier les démarches descendantes et les programmes nationaux de réduction de la pauvreté principalement fondés sur les revenus et la consommation pour s’attaquer à la pauvreté, de nombreuses instances ont de plus de plus reconnu l’importance de cibler les pauvres et de mieux comprendre les aspects « micros » et la « dynamique » de la pauvreté.
Dix ans après la publication du Rapport sur le développement dans le monde 1990, la Banque mondiale a examiné les progrès accomplis à l’égard de la réduction de la pauvreté et prôné une démarche plus globale, plus solidaire et plus favorable aux pauvres. Le Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001 - Combattre la pauvreté, publié sous la direction de Ravi Kanbur, présentait une analyse beaucoup plus complète et se démarquait sensiblement en ce qu’il élargissait le concept de la pauvreté pour tenir compte de la vulnérabilité, de la dynamique de l’impuissance et du risque — ce qu’Amartya Sen appelle la capacité d’une personne de mener le genre de vie auquel elle aspire (Sen, 1999).
Le recours à des méthodes de suivi de la pauvreté participatives, utilisées concurremment, comme les enquêtes auprès des ménages et la mesure des capacités, avait pour objet de donner une définition plus juste et « expérientielle » de la pauvreté, telle que la conçoivent les pauvres eux-mêmes. La mesure de facteurs comme l’impuissance, la sécurité et d’autres dimensions participatives met en relief l’importance de la gouvernance et de l’obligation de rendre compte dans le débat sur la pauvreté. Elle souligne aussi l’importance du contexte pour comprendre la pauvreté et met l’accent sur le point de vue de ceux et celles qui vivent dans la pauvreté, ainsi que sur les moyens et les politiques requis pour s’y attaquer.
L’importance de la mesure et du suivi des aspects multidimensionnels de la pauvreté — et de la mesure des progrès accomplis à l’égard de la réalisation des OMD — est désormais généralement admise. Toutefois, le consensus est manifestement moins répandu quant aux applications empiriques des méthodes ou quant à la manière de les convertir en politiques opérationnelles. Comme le souligne le Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001 : « Les pays en développement doivent déterminer eux-mêmes les mesures les plus appropriées pour lutter contre la pauvreté, compte tenu des priorités nationales et des réalités du terrain. Les décisions seront dictées par le cadre économique, sociopolitique, structurel et culturel des différents pays, voire […] des différentes communautés. » Mais, paradoxalement, la Banque mondiale et le milieu des bailleurs de fonds de l’aide internationale ont continué à jouer un rôle de premier plan, la plupart du temps sans se fonder sur des recherches locales, dans l’élaboration de cadres de lutte contre la pauvreté dans la majorité des pays bénéficiaires.
C’est dans ce contexte où les parties prenantes tentaient de comprendre les perspectives locales de la pauvreté et de les appliquer aux stratégies de développement que le système de suivi communautaire de la pauvreté s’est développé. Le chapitre 2 explique les origines du CBMS et son évolution en une démarche visant à concilier les méthodes de mesure de la pauvreté avec les stratégies de planification fondées sur des données probantes, l’investissement public responsable et l’autonomisation des collectivités. Cette évolution n’a pas été linéaire, toutefois, pas plus que le CBMS ne s’est érigé en modèle. Comme le montrent les expériences des divers pays, décrites au chapitre 3, c’est lorsque les facteurs institutionnels et politiques en jeu à l’échelle locale sont favorables que le CBMS est le plus efficace.
Les stratégies de réduction de la pauvreté exigent la mesure et le suivi continu de la dynamique du bien-être, et il est crucial d’y faire participer les pauvres. Le contexte institutionnel et social par lequel les pauvres peuvent se faire entendre par l’entremise de leur collectivité, et s’assurer ainsi que leur situation sera communiquée efficacement afin de recevoir de meilleurs services publics, est fondamental. Il en découle une utilisation judicieuse des ressources publiques, et tant la reddition de comptes que la gouvernance locale s’en trouvent renforcées.
Les gouvernements ont la responsabilité de fournir des biens et des services publics susceptibles de réduire la pauvreté. Mais comme le montrent les travaux de recherche menés dans l’ensemble des pays en développement, l’affectation de ressources publiques au développement ne peut à elle seule garantir la prestation des services, de manière efficace si tant est que ces services sont effectivement fournis, ni en garantir l’accès aux pauvres. Les pauvres, les fournisseurs de services et les responsables des politiques doivent entretenir des liens étroits, et leurs rapports doivent être facilités par des institutions favorables à l’inclusion et régis par un cadre de reddition de comptes.
La décentralisation et la subsidiarité — principe selon lequel toute question doit être traitée par la plus petite entité ou par l’autorité compétente de rang inférieur — facilitent souvent la mise en place d’un tel cadre parce qu’elles renforcent l’autonomie des pauvres en leur fournissant une information plus pertinente. Selon la Banque mondiale, cette délégation des fonctions politiques, fiscales et administratives du gouvernement national à des instances infranationales est devenue l’une des plus importantes tendances des politiques de développement. La décentralisation est également largement appuyée par les bailleurs de fonds, qui y voient un moyen d’accroître la participation des populations et l’appropriation locale des programmes de développement (Jütting et coll., 2004).
Bien qu’elle soit un important moteur de changement, la décentralisation des fonctions ne garantit pas en soi les conditions nécessaires à la réduction de la pauvreté, surtout lorsque les cadres institutionnels et juridiques sont fragiles, que la volonté politique est faible et que la reddition des comptes est rarement exercée. La recherche révèle que la décentralisation a donné différents résultats eu égard à la pauvreté, selon la mesure dans laquelle les administrations locales ont su remplir les fonctions fédérales, selon les engagements à mener à bien les réformes et selon l’appui accordé par les institutions sociales et les structures politiques à la participation locale aux programmes de développement. En ce sens, l’information visant à sensibiliser les citoyens au sujet de l’affectation des ressources publiques, des instances qui procèdent à leur répartition et des conditions dans lesquelles elle se fait est cruciale.
Dans les Philippines, la décentralisation a eu des répercussions positives importantes sur la prestation des services et la réduction de la pauvreté. D’autres pays d’Asie, comme l’Indonésie, le Vietnam et le Cambodge, s’engagent dans cette voie. Néanmoins, si les facteurs institutionnels ou politiques ne sont pas favorables, s’il existe un manque de transparence dans les dépenses publiques ou si la capacité de mettre en oeuvre les politiques fait défaut, la décentralisation pourrait ne pas avoir les effets escomptés (Jütting et coll., 2004).
Comme nous le verrons dans le chapitre 3, bon nombre de pays d’Afrique en sont encore aux premiers stades de la décentralisation. Ils doivent faire face à des défis de taille, notamment une claire répartition des rôles, la mise au point de mécanismes de transfert fiscaux efficaces, la responsabilisation des administrations locales et la capacité de ces dernières de planifier, gérer et surveiller efficacement les ressources publiques.
L’expérience montre que, à long terme, le CBMS est efficace lorsque la fourniture des biens publics est décentralisée et confiée aux administrations locales et lorsque les collectivités participent à l’élaboration des politiques en faisant part de leurs besoins et de leurs aspirations. Cette interaction contribue en outre au retour d’information sur les répercussions des politiques adoptées, ce qui permet aux responsables des politiques de prendre par la suite des décisions plus éclairées.
En dépit de l’incitation à mettre en place des programmes favorables aux pauvres et axés sur le développement local, rares sont les pays en développement qui ont pris les commandes des efforts de réduction de la pauvreté, étant donné le manque de capacités des institutions locales. Selon Rohinton Medhora, vice-président, Programmes, du CRDI, on a peu fait pour renforcer les capacités de recherche et d’analyse politique locales, un élément pourtant crucial pour soutenir les démarches de mesure et d’analyse de la pauvreté.
La promesse de voir les collectivités locales s’approprier les programmes d’évaluation et de réduction de la pauvreté a longtemps été un principe directeur pour les bailleurs de fonds du Comité d’aide au développement de l’OCDE. Néanmoins, malgré les beaux discours, les DSRP et les rapports luxueux des organismes de développement international, le processus de planification du développement est encore asymétrique et fait beaucoup pencher la balance en faveur des démarches des bailleurs de fonds. Ce n’est que tout récemment que l’on a vu des programmes de réduction de la pauvreté fondés sur la recherche locale, et des activités de renforcement des capacités dirigées par des instances locales, mais financés par des organismes nationaux et ayant un ancrage national. Cela est particulièrement évident dans des économies émergentes comme la Thaïlande. La production de connaissances locales au sein d’établissements d’enseignement supérieur et d’organismes de recherche a été un élément fondamental de cette transition.
Il n’y a pas de raccourci au renforcement des capacités locales. Toutefois, certaines voies sont clairement tracées, et bien des intervenants des régions en développement du monde n’hésitent pas à les emprunter. Ce livre montre comment un réseau local de chercheurs de pays en développement a été créé pour faire contrepoids à l’asymétrie et assurer l’appropriation de l’information et des connaissances locales. Il décrit aussi comment le réseau a donné lieu à une relation dynamique entre les administrations et les collectivités locales en vue d’instaurer une planification sensée du développement. Ce livre porte sur le travail de collecte et d’analyse méthodiques de l’information locale fait par les chercheurs du sous-réseau CBMS afin de mieux comprendre les répercussions des programmes et des politiques publiques sur les pauvres.
Selon Christopher Scott, la création d’un cadre institutionnel efficace en vue de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes est un processus long, et lent, dans la majorité des pays. Le CBMS peut aider à accélérer les choses et à combler les lacunes. Comme nous le verrons dans les chapitres 2 et 3, le CBMS est un système qui renforce les capacités des administrations locales de planifier et d’établir un budget, de suivre de près les programmes et les projets et de présenter un compte rendu fiable et précis des progrès accomplis dans la réalisation des OMD. Il permet en outre aux organismes des administrations locales de concevoir des programmes de réduction de la pauvreté ciblés et d’autres interventions publiques qui sont favorables aux collectivités et dont celles-ci peuvent suivre l’évolution. Ce faisant, il renforce l’autonomie des pauvres.
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« Les efforts déployés pour mesurer, suivre et établir des rapports sur les progrès accomplis vers la réalisation des OMD ont mis en lumière la nécessité de renforcer les capacités de la majorité des pays en développement de produire, d’analyser et de diffuser des données. »
— Objectifs du Millénaire pour le développement – Rapport 2008, ONU, 2008, p. 50
Comme nous l’avons expliqué dans le premier chapitre, il est essentiel, pour s’attaquer à la pauvreté, de savoir qui sont les pauvres, où ils sont et quelles sont les raisons de leur pauvreté. Malgré les efforts faits pour mesurer, décrire et analyser la pauvreté, toutefois, bon nombre de responsables des politiques et de planificateurs de programmes de lutte contre la pauvreté n’ont pas encore compris l’importance de voir la situation du point de vue des pauvres.
Le système de suivi communautaire de la pauvreté (CBMS) a été créé aux Philippines dans les années 1990 précisément parce que ses instigateurs savaient à quel point il est important de se placer dans la perspective des pauvres pour comprendre la pauvreté et transmettre l’information aux responsables des politiques. Le CBMS est né de la nécessité de mettre en place un système de suivi de la pauvreté qui soit adapté aux capacités et aux contextes locaux, dirigé par des chercheurs locaux et destinés aux planificateurs locaux.
Le système devait saisir, de manière continue et dynamique, les diverses dimensions de la pauvreté et permettre aux pauvres eux-mêmes de valider l’information en collaboration avec les planificateurs et les représentants des administrations locales. Pourquoi cela ? Parce qu’il est ainsi plus facile de poser un diagnostic sur l’ampleur et la nature de la pauvreté, de proposer des solutions appropriées, d’affecter les ressources à des bénéficiaires désignés et d’évaluer l’impact des politiques et des programmes. Le CBMS vise ainsi à réduire la pauvreté.
Au départ, le CBMS faisait l’objet d’un projet de recherche financé par le CRDI. Mais comme l’indiquent les activités décrites plus loin dans le livre, il en est venu à jouer un rôle déterminant, et indépendant, en fournissant régulièrement aux représentants des administrations locales et aux responsables des politiques locales de l’information sur les principaux indicateurs de développement au sein des ménages. Le fait de ne pouvoir dégager des données des enquêtes et recensements nationaux l’information locale, détaillée et actualisée utile aux administrations locales a donné lieu à l’accroissement de la demande de données produites par le CBMS, surtout là où la décentralisation s’est concrétisée. Le CBMS étant pour les organismes gouvernementaux chargés de la planification locale un outil convivial et d’un bon rapport coût-efficacité, il a été adopté, appuyé et institutionnalisé au sein des administrations locales dans l’ensemble des Philippines, ainsi que dans d’autres pays d’Asie et d’Afrique.
La nécessité d’adopter une approche multidimensionnelle de la pauvreté dont nous avons parlé dans le chapitre précédent a joué un rôle important dans l’élaboration des activités de suivi et d’évaluation participatifs (SEP) dans le monde. Aux Philippines et ailleurs, ces activités ont favorisé la participation des collectivités — au début dans le domaine de la gestion des ressources naturelles —, à titre de bénéficiaires, au suivi du rendement des projets de développement. Les organismes de développement ont encouragé ces activités en les intégrant à leurs projets pour suivre les progrès réalisés et faire rapport aux bailleurs de fonds. Ainsi intrinsèquement liées à des projets de développement particuliers, les activités de SEP ont eu tendance à rester rattachées à des programmes financés surtout par des sources externes et, dans la plupart des cas, n’ont duré que le temps où les projets euxmêmes ont été en cours. Par conséquent, elles n’ont pas été institutionnalisées en des systèmes locaux plus durables au sein des instances gouvernementales.
Le CBMS n’a pas débuté comme une activité de SEP. De fait, il a naturellement découlé d’une initiative de recherche locale, des chercheurs locaux s’étant montrés intéressés à suivre de près les impacts des politiques d’ajustement macroéconomiques sur les collectivités et les ménages à l’échelle locale. L’initiative a d’abord pris la forme d’enquêtes menées localement sur les répercussions des politiques d’ajustement macroéconomiques sur les ménages et les entreprises. La recherche initiale a révélé que les réformes macroéconomiques pouvaient avoir des conséquences déplorables et fortuites, et que les responsables des politiques pouvaient adopter des politiques peu judicieuses parce qu’ils ne disposaient pas de recherches de terrain pertinentes sur le comportement des ménages — des ménages pauvres, surtout — et sur la manière dont ils étaient touchés. Ces considérations ont jeté les bases d’un programme du CRDI appelé Impacts micros des politiques macroéconomiques et d’ajustement, ou MIMAP.
Le programme MIMAP |
Impacts micros des politiques macroéconomiques et d’ajustement Dans quelque pays que ce soit, l’accès à une information pertinente est essentiel à la conception de politiques économiques qui auront un effet favorable sur les pauvres et les personnes vulnérables. À moins que les gouvernements ne comprennent la dynamique de la pauvreté, les moins nantis seront sans doute les perdants de la mise en oeuvre de nouvelles politiques économiques. En 1989, le CRDI a mis sur pied le programme Impacts micros des politiques macroéconomiques et d’ajustement (MIMAP) afin d’aider les pays en développement à trouver des solutions de remplacement aux politiques macroéconomiques classiques en harmonisant l’analyse des politiques et le suivi de la pauvreté. Il voulait ainsi faire en sorte que ces pays puissent réduire au minimum les incidences néfastes qu’avaient les programmes d’ajustement structurel sur les pauvres. MIMAP avait pour objectif de faire mieux comprendre la pauvreté et de favoriser le dialogue entre les chercheurs, les politiciens, les représentants du gouvernement et les organisations non gouvernementales en vue de l’élaboration de politiques plus équitables. Le projet qui a vu le jour aux Philippines s’est transformé en un réseau qui regroupe plus de 40 équipes de chercheurs d’Asie, d’Afrique et du Canada. Les travaux se poursuivent dans le cadre du Réseau de recherche sur les politiques économiques et la pauvreté (www.pep-net.org), lancé en 2002. |
Le programme de recherche a mis en évidence à quel point il était important d’assurer la mesure, le suivi et l’analyse de la pauvreté à l’échelle locale, que des chercheurs locaux en soient chargés et que les parties prenantes et les responsables des politiques locaux soient mis à contribution. C’est ce qui a donné naissance à un réseau local de chercheurs philippins dirigé par Celia Reyes, désormais connu comme le sous-réseau Systèmes de suivi communautaire de la pauvreté (CBMS).
Dans le cadre de son évaluation des systèmes en vigueur, l’équipe de recherche du CBMS a constaté que divers ensembles de données existaient au niveau des villages ainsi qu’à l’échelle municipale et provinciale. Mais les données des enquêteséchantillons nationales n’étaient pas suffisamment ventilées pour suivre au fil du temps la situation des ménages. Qui plus est, ces données n’étaient pas ultérieurement communiquées aux collectivités. Si bien que celles-ci ne pouvaient pas comparer leur situation à celles d’autres collectivités, et que les dirigeants locaux ne pouvaient pas non plus utiliser l’information pour planifier quantité de services publics, notamment les programmes ciblés de lutte contre la pauvreté dont ils étaient responsables. D’autres enquêtes menées par des ONG n’étaient pas comparables et étaient effectuées à intervalles irréguliers.
Fondamentalement, le manque d’information pertinente à l’échelle locale a empêché les administrations locales de bien s’acquitter des fonctions décentralisées, et la reddition de comptes en a souffert. D’un autre côté, les investissements publics n’ont pas réussi autant qu’ils le devaient à favoriser le développement et à réduire la pauvreté au sein des collectivités.
L’équipe de recherche du CBMS aux Philippines était convaincue que le meilleur moyen de remédier aux données lacunaires était d’amener les administrations locales et les résidants — des barangays ou villages — à collaborer au suivi de la pauvreté et au développement. Les chercheurs ont proposé que ce système soit mis à l’essai dans des sites sentinelles. Ils ont conçu un questionnaire simple pour établir le profil des ménages, reposant sur des indicateurs minimaux des besoins fondamentaux déjà contenus dans de nombreux formulaires d’enquête, mais comprenant aussi d’autres grands indicateurs de la pauvreté. Les chercheurs ont dressé une liste d’indicateurs simples à dessein afin que l’enquête puisse être facilement administrée par les autorités locales et comprise par les membres de la collectivité. Dans la mesure du possible, les indicateurs de cette liste allaient aussi dans le sens des concepts et définitions standard en usage dans les bureaux nationaux de la statistique.
Le système a été élaboré à la suite de consultations avec des représentants des administrations locales et des collectivités et d’autres parties prenantes, conformément aux caractéristiques particulières de la localité où le questionnaire devait être administré. En commençant dans les deux barangays de Masuso et de Real de Cacarong dans la province de Bulacan, aux Philippines, les chercheurs ont pu démontrer, tant aux autorités locales qu’aux représentants de la collectivité, les avantages du système pour la planification et pour le suivi de la pauvreté à l’échelle locale. Et, fait tout aussi important, il s’est avéré que le processus de collecte de données a permis de renforcer les capacités et l’autonomie des collectivités locales parce qu’elles ont ainsi pris conscience de leur situation économique et sociale. Grâce à cet essai pilote, l’équipe a pu évaluer les indicateurs et valider l’information recueillie et traitée par d’autres organismes.
L’essai pilote a aussi établi la faisabilité du CBMS. L’enquête a produit la majorité des données dont les administrations locales avaient besoin pour préparer leurs plans de développement. La recherche a mis en évidence les secteurs où il fallait renforcer les capacités des administrations locales afin qu’elles puissent concevoir et mettre en oeuvre des programmes axés sur les besoins de groupes particuliers. De plus, l’essai pilote a fait ressortir le besoin de formation dans les domaines du dénombrement, du traitement et de l’analyse des données, de la mise à jour des bases de données, de la détermination des projets, de l’établissement des priorités, du suivi et de la préparation des budgets (Reyes et Ilarde, 1996).
Les travaux de l’équipe du CBMS ont connu une grande notoriété aux Philippines et, en 1999, Salvador Socrates, gouverneur de la province de Palawan à l’époque, a invité les chercheurs à étendre le CBMS à l’ensemble de la province. Grâce au soutien des ministères provinciaux, il a alors été possible d’établir la viabilité du CBMS à titre de système local adapté aux réalités locales.
Le CBMS est un système de collecte, d’analyse et de vérification de l’information en vue de la production de connaissances appliquées à la planification et au développement.
Qu’est-ce que le CBMS et en quoi diffère-t-il d’autres outils de suivi de la pauvreté ? Le CBMS est une façon méthodique de recueillir, à l’échelle locale, l’information courante et récurrente dont se serviront les administrations locales, les organismes gouvernementaux nationaux, les ONG et les organismes de la société civile pour planifier les programmes de développement locaux, en établir le budget et les exécuter, ainsi que pour suivre de près et évaluer leur rendement. Il s’agit essentiellement d’un outil qui, dans le but d’améliorer la gouvernance locale et la prise de décisions démocratiques, favorise une plus grande transparence et une meilleure reddition de comptes en qui a trait à l’affectation des ressources.
Le CBMS vise cinq objectifs, soit :
le diagnostic de l’ampleur de la pauvreté à l’échelle locale;
l’élaboration de plans et de programmes pertinents pour résoudre les problèmes;
l’établissement de critères pour l’affectation rationnelle des ressources;
la détermination des bénéficiaires admissibles aux programmes ciblés;
le suivi et l’évaluation de l’impact des programmes et des projets.
Le CBMS se distingue des autres systèmes de suivi en ce qu’il est fondé sur un partenariat entre les collectivités locales, les administrations locales et des chercheurs locaux qualifiés, dans le cadre d’un système institutionnalisé de collecte régulière, d’analyse et de validation des données pour l’élaboration de programmes locaux. De plus — et cela est particulièrement significatif — il contribue à renforcer la capacité des administrations locales d’utiliser les statistiques sur la pauvreté dans la conception des plans de développement et des programmes de réduction de la pauvreté. Il renforce aussi les capacités des collectivités locales en leur fournissant de l’information. La mise en oeuvre du CBMS constitue en soi une politique de réduction de la pauvreté puisque l’un de ses objectifs est de renforcer l’autonomie des collectivités locales, estime Louis-Marie Asselin du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) et formateur pour le programme MIMAP et le CBMS.
Le CBMS repose sur le postulat selon lequel personne n’est mieux placé que les pauvres pour bien comprendre en quoi consiste la pauvreté. Il se fonde sur un ensemble d’indicateurs fondamentaux (voir le tableau 1) pour examiner, à intervalles réguliers, la situation des ménages au chapitre de la pauvreté et du développement. Les données sont recueillies et analysées par des membres dûment formés de la collectivité, en partenariat avec les représentants des administrations locales, puis utilisées par les planificateurs du développement local. Le système peut être mis en application rapidement, à peu de frais et fréquemment. C’est un système convivial dont peuvent se servir facilement les personnes formées à cette fin. Le CBMS a pour principal objectif de réduire la pauvreté, mais il comporte également d’autres avantages importants, dont le renforcement des capacités des autorités locales et des représentants communautaires en matière de planification du développement, une plus grande équité entre les sexes, la sensibilisation à l’environnement, et il peut même servir de système d’alerte rapide en cas de crise.
Le CBMS comporte plusieurs caractéristiques particulières :
c’est un outil de recensement des ménages et non une enquête-échantillon;
il plonge ses racines dans les administrations locales et il favorise la participation communautaire;
il fait appel au personnel local et à des bénévoles de la collectivité pour assurer le suivi;
il utilise des indicateurs de base, simples et bien établis;
il crée une base de données à tous les niveaux géopolitiques.
Qui plus est, les données peuvent être ventilées, entre autres variables, par région, facteur sexospécifique, groupe socioéconomique, âge et origine ethnique. Étant donné que le suivi se fait de façon régulière et que les résultats sont rapidement traités, les données sont très utiles pour la planification locale continue. Et parce que les résultats sont accessibles à qui veut en prendre connaissance, toutes les parties prenantes sont enclines à accorder leur appui au système.
Tableau 1. Les indicateurs au coeur du CBMS |
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Indicateur du CBMS |
Dimension de la pauvreté |
Indicateur de base |
Survie |
Santé |
Pourcentage de mortalité infantile (enfants de 0 à 5 ans) |
|
Pourcentage de femmes décédées des suites d’une grossesse | |
|
Nutrition |
Pourcentage d’enfants (de 0 à 5 ans) souffrant de malnutrition |
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Eau et installations sanitaires |
Pourcentage de ménages sans accès à l’eau potable |
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Pourcentage de ménages sans accès à des installations sanitaires |
Sécurité |
Abri |
Pourcentage de ménages vivant dans des logements de fortune |
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Pourcentage de ménages squatteurs ou habitant dans des établissements spontanés |
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Paix et ordre |
Pourcentage de personnes victimes de crimes |
Renforcement de l’autonomie |
Revenu |
Pourcentage de ménages dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté |
|
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Pourcentage de ménages dont le revenu est inférieur au seuil de subsistance |
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Pourcentage de ménages qui ont connu une pénurie alimentaire |
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Emploi |
Pourcentage de personnes sans emploi |
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Éducation |
Pourcentage d’enfants de 6 à 12 ans qui ne fréquentent pas l’école primaire |
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Pourcentage d’enfants de 13 à 16 ans qui ne fréquentent pas l’école secondaire |
Le CBMS est un système de suivi de la pauvreté peu commun en ce qu’il recueille de l’information sur tous les ménages de la collectivité. Cette collecte généralisée est essentielle pour éclairer les interventions ciblées de lutte contre la pauvreté comme les transferts de fonds, les prestations de santé et d’autres prestations du secteur public.
Les collectivités et les administrations locales se sont approprié le CBMS, et elles dirigent la collecte et le traitement des données. Elles mettent à jour la base de données et utilisent les données pour élaborer les plans d’investissement et de développement annuels. Les données recueillies constituent une information de référence essentielle pour la préparation des profils socioéconomiques, des propositions de projets et d’autres rapports sur le développement. Les données du CBMS servent aussi de baromètre pour évaluer l’efficacité des programmes et des projets.
La participation communautaire est essentielle au succès du CBMS. Informée d’entrée de jeu des objectifs et des utilisations de l’enquête, la collectivité fournit les recenseurs pour la collecte des données de même que le personnel requis pour leur traitement et leur analyse. L’information est recueillie auprès de chacun des ménages, et les données sont regroupées au niveau des villages. Une fois traitées, les données retournent dans la collectivité aux fins de validation et de discussion. L’autonomie des collectivités est ainsi renforcée puisqu’elles disposent désormais de l’information et d’un mécanisme qui leur permet de participer activement au diagnostic de la pauvreté et de déterminer les interventions appropriées, y compris l’affectation des ressources. Étant donné que les membres de la collectivité prennent part à la collecte et à la validation de l’information, le CBMS renforce les capacités communautaires de production et d’utilisation des données. Il facilite la diffusion des données recueillies au niveau géopolitique supérieur pour qu’on puisse y donner suite dans l’immédiat et, finalement, les données
Permettre l’accès aux données | |||
L’élaboration d’une base de données statistiques, conservée au sein de la collectivité ou par les autorités locales, est un élément essentiel du CBMS. Pour que ces données soient largement diffusées auprès des chercheurs, des analystes et des responsables des politiques, ainsi que des personnes chargées de la mise en application des programmes, l’équipe du sous-réseau CBMS a créé un dépôt central regroupant les données provenant des CBMS de tous les pays où le système a été instauré par le truchement du Réseau de recherche sur les politiques économiques et la pauvreté (réseau PEP) lancé en 2002. | |||
Pays |
Année |
Source des données |
Nombre de ménages |
Bangladesh |
2004 |
6 administrations locales de la West Mohammadpur Union |
3 761 |
Bénin |
2005 |
13e arrondissement de Cotonou (6 secteurs urbains) |
12 337 |
|
2006 |
district d’Adogbé (3 villages) |
823 |
|
2006 |
arrondissement de Médédjonou (9 villages) |
3 026 |
Cambodge |
2006 |
181 communes de 3 provinces |
22 298 |
Ghana |
2004 |
3 collectivités du district de Dangme-ouest |
5 379 |
Indonésie |
2005 |
districts de Cianjur et de Demak |
5 379 |
RDP lao |
2004 |
4 villages des districts de Sepone et de Toomlan |
458 |
Philippines |
2000-2007 |
15 provinces et 5 villes |
1 145 142 |
Tanzanie |
2006 |
quartier de K/Ndege et village de Nala |
4 901 |
Vietnam |
2006 |
42 communes de 5 provinces |
42 000 |
parviennent aux planificateurs nationaux. Le CBMS utilise aussi comme information complémentaire celle qui est produite par d’autres systèmes de suivi.
L’établissement d’un bon système de suivi de la pauvreté passe nécessairement par la détermination de l’objet du suivi. Les indicateurs de base du CBMS visent à saisir de multiples dimensions de la pauvreté. Les données étant faciles à recueillir et à traiter, le système est souple et s’adapte aux indicateurs propres à la collectivité. Par exemple, dans la province des Camarines Norte aux Philippines, on a ajouté des indicateurs portant sur les catastrophes naturelles. Dans la province de Ninh Binh, au Vietnam, ce sont des indicateurs pour déterminer le bien-être des femmes qui ont été ajoutés. En Tanzanie, c’est le travail des enfants qui est évalué. Au Ghana, un indicateur traite de l’accès aux services communautaires comme les services bancaires et postaux. En outre, comme les indicateurs tiennent compte des facteurs sexospécifiques, les données peuvent indiquer aussi dans quelle mesure les politiques ont des répercussions différentes sur les filles et les garçons, les hommes et les femmes, et souligner les inégalités dans les avantages que procurent les programmes. Ainsi, une enquête menée dans une commune du Vietnam a fait prendre conscience aux autorités locales que de nombreux enfants avaient abandonné l’école parce que leur famille n’avait plus les moyens de les y envoyer. Tant les garçons que les filles ont été forcés de décrocher, mais pas pour les mêmes raisons : les garçons ont dû laisser l’école à cause du coût du trajet; les filles, pour travailler dans les champs.
Figure 1. LE CBMS fournit des données complémentaires de celles qui proviennent des enquêtes nationales.
Globalement, les indicateurs fournissent de l’information non seulement sur le degré de pauvreté d’une collectivité, mais indiquent aussi quelles sont les personnes qui, dans la collectivité, sont pauvres et où elles se trouvent. La figure 1 illustre comment l’information issue du CBMS peut compléter celle des enquêtes nationales.
Selon Louis-Marie Asselin du CECI, le CBMS fait des choses toutes simples, mais une fois les données produites, elles peuvent servir à des fins très complexes, comme cela a été le cas des données d’enquête des bureaux nationaux de la statistique. Cela vaut la peine de faire des choses simples, commente-t-il, mais cela doit être fait correctement. La mise en place d’un système de suivi communautaire de la pauvreté doit suivre un certain nombre d’étapes.
Il faut évaluer les systèmes de suivi en vigueur et les exigences en matière de données afin de déterminer les lacunes et d’élaborer un plan de travail qui expose en détail, d’une part, l’engagement de toutes les parties et la participation des ressources humaines à tous les niveaux et, d’autre part, les ressources financières et matérielles affectées à la formation, à la collecte, au traitement et à la validation des données, à la gestion des bases de données et à la diffusion des données. Il faut aussi obtenir des administrations locales l’assurance qu’elles utiliseront les données.
Cette étape comprend la préparation des questionnaires pour les enquêtes au sein des ménages et des collectivités, le choix et la formation des recenseurs et l’information de la population. Les données sont recueillies dans le cadre de l’enquête sur les ménages et (ou) de groupes de discussion. C’est également à ce moment que sont choisis et formés les recenseurs et les superviseurs de terrain qui constitueront le personnel local.
CBMS — Un processus en huit étapes |
Étape 1 – Organisation Étape 2 – Collecte des données Étape 3 – Codage et numérisation cartographique Étape 4 – Traitement et cartographie des données Étape 5 – Validation des données et consultation communautaire Étape 6 – Gestion des connaissances (des bases de données) Étape 7 – Élaboration des plans Étape 8 – Diffusion, mise en oeuvre et suivi |
Les données recueillies sont harmonisées et regroupées par les membres de la collectivité formés à cette fin. Le système de codage est soit manuel, soit informatisé, en fonction des ressources et des capacités. Le codage informatisé facilite l’analyse et la cartographie des données.
Le traitement est une étape cruciale puisque les résultats constitueront le fondement de la planification locale et de la mise en oeuvre des programmes. Dans toute la mesure du possible, le traitement est informatisé, même dans les villages. Les données regroupées des villages sont ensuite transmises aux niveaux géopolitiques supérieurs afin d’y être consolidées.
Les résultats de l’enquête sont présentés lors d’une réunion communautaire où l’ampleur de la pauvreté dans ses multiples dimensions fait l’objet d’une évaluation et de discussions, et où les participants tentent de diagnostiquer et d’expliquer les causes de la pauvreté et déterminent les besoins prioritaires et les interventions appropriées.
La présentation à la collectivité des données traitées est essentielle à la mise en oeuvre du CBMS, tant pour assurer l’exactitude des données que pour expliquer les résultats.
Les bases de données sont créées à chacun des niveaux géopolitiques en vue de la planification et du suivi. On s’assure ainsi que les diverses parties prenantes ont toutes accès aux résultats de l’enquête.
Les données du CBMS et leur analyse servent de fondement à l’élaboration des plans annuels de développement et à la préparation des profils socioéconomiques par tous les ordres de gouvernement. Elles constituent aussi l’information repère qui permettra d’enrichir les profils des ressources des sites des projets des ONG et d’autres bailleurs de fonds. Les données issues du CBMS aident en outre à déterminer les bénéficiaires admissibles aux programmes de réduction de la pauvreté.
Les résultats du CBMS sont mis à la disposition des organismes de planification, des personnes chargées de la mise en oeuvre des programmes et d’autres groupes intéressés par le truchement, entre autres, de tableaux de données, de banques de données informatisées, de publications, d’ateliers, de groupes de discussion et d’Internet.
Le CBMS exige des ressources — humaines, financières et matérielles. Il s’agit toutefois d’un outil d’un excellent rapport coût-efficacité pour les administrations locales. Les partenariats garantissent la disponibilité des ressources et le succès du programme. Des membres du personnel des administrations publiques, tant à l’échelon local qu’à l’échelon provincial, participent à la mise en oeuvre du système à titre d’observateurs, de superviseurs de terrain, de recenseurs et de préposés au traitement des données.
Les divers frais récurrents de la mise en place d’un CBMS sont habituellement à la charge des administrations locales. Les coûts techniques, comme ceux associés à la formation du personnel pour la collecte, le traitement et l’analyse des données, sont généralement assumés par les équipes de recherche (l’équipe de coordination du sous-réseau CBMS à l’Angelo King Institute for Economics and Business Studies, par exemple, offre ces services). Les collectivités, qui assurent la collecte et la validation des données, apportent elles aussi une précieuse contribution.
Le coût par ménage de la mise en oeuvre du CBMS est de beaucoup inférieur à celui des enquêtes menées par les bureaux nationaux de la statistique. Ainsi, ce coût n’est que d’environ 0,30 USD par ménage au Vietnam et de 0,75 USD aux Philippines. Outre les considérations d’ordre financier et humain, l’élément le plus important s’agissant de la mise en oeuvre du CBMS est l’engagement des administrations locales et d’autres parties prenantes à mener l’enquête et à utiliser les données qui en résultent.
En s’étendant au-delà des Philippines où il a pris naissance, le sous-réseau CBMS a soutenu la recherche axée sur l’élaboration d’indicateurs propres aux cultures et aux réalités locales dans divers pays et régions, sur l’adaptation des méthodes de suivi et d’analyse et sur la réalisation d’études de cas auprès de groupes vulnérables. Les équipes de recherche ont fait l’essai de nouveaux outils comme le système d’information géographique (SIG) pour présenter les données du CBMS sous forme de cartes.
Comme le chapitre 3 en fait état, tous les pays qui participent présentement au sous-réseau CBMS appuyé par le CRDI partagent les mêmes objectifs et principes et utilisent les mêmes processus. Toutefois, le système a été adapté aux réalités et capacités locales, si bien que les questionnaires, la portée de l’enquête, les modes de traitement et les utilisations des résultats diffèrent. Certaines de ces distinctions dénotent les capacités diverses ainsi que les différentes conditions politiques et socioéconomiques propres à chaque pays.
En rassemblant les divers éléments décrits ici et en les ancrant au niveau local, le CBMS fait preuve d’innovation. Par la vérification — et l’interprétation — des données recueillies en collaboration avec les collectivités, il a établi de nouvelles normes en ce qui a trait à la rigueur méthodologique. Ce faisant, l’équipe technique du CBMS a facilité la compréhension, par les collectivités et les planificateurs, les fonctionnaires et les responsables des politiques, des enjeux importants et de la conjoncture existante.
C’est peut-être là que réside la différence la plus significative entre le CBMS et d’autres démarches de suivi de la pauvreté : le système n’est pas seulement conçu pour répondre à la demande croissante de données sur les ménages actualisées et ventilées, mais il a été élaboré en vue de son « institutionnalisation » aux ordres inférieurs de gouvernement, c’est-à-dire au sein des administrations locales qui conçoivent et mettent en oeuvre bon nombre des programmes axés sur la réduction de la pauvreté. Le CBMS favorise également la planification de politiques et la prise de décisions « fondées sur des données probantes ».
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Les populations vivant dans la pauvreté sont celles qui ont le moins accès au pouvoir en vue de déterminer les politiques à venir — en vue de déterminer leur avenir. Mais elles ont droit à une voix. On ne doit pas leur demander de s’asseoir en silence tandis que le « développement » se produit autour d’elles, à leurs dépens. Un véritable développement est impossible sans la participation des personnes concernées.
— Propos de Nelson Mandela lors de l’acceptation du Prix Ambassadeur de la conscience, à Johannesburg, le 1er novembre 2006
Comme l’illustrent les deux premiers chapitres, le CBMS est un système unique en son genre de suivi de la pauvreté spécialement conçu pour recueillir et analyser l’information locale devant être utilisée principalement par les autorités locales pour le diagnostic de l’ampleur de la pauvreté, pour la planification des programmes de développement et l’établissement de leur budget, ainsi que pour l’évaluation de l’impact de ces programmes. Le CBMS a découlé de la prise de conscience de ce que l’efficacité des interventions ciblées en matière de réduction de la pauvreté dépend de la compréhension et de l’utilisation de l’information sur les particuliers et les ménages pauvres, de la collaboration des collectivités avec les administrations locales et de l’engagement des responsables des politiques à l’égard du développement solidaire. Par conséquent, outre le fait qu’elles facilitent la planification et la répartition des ressources, les initiatives qui s’appuient sur le CBMS permettent également d’améliorer la gouvernance locale et de rendre les collectivités plus autonomes.
Les exemples qui suivent montrent que le CBMS tire son origine d’un processus d’interaction entre les chercheurs locaux, les responsables des politiques et les collectivités, processus qui a été adapté aux réalités locales dans différents contextes, régions et pays. Plus qu’une simple enquête sur les pauvres, il a fait sa marque comme système de collecte de données locales devant servir à la planification de programmes de réduction de la pauvreté et d’autres programmes des administrations publiques locales. Toutefois, l’enquête communautaire sur laquelle se fonde son approche en
Tableau 2. Les pays partenaires du CBMS et l’état des projets | ||
Pays |
Année de démarrage |
Territoire visé par le CBMS* |
Philippines |
1994 |
52 provinces (dont 26 ont mis le système en application à l’échelle de la province), 531 municipalités et 42 villes, soit 13 498 barangays au total |
Népal |
1996 |
Collectivités pilotes dans les districts de Kavre, Dhanusha, Bardiya, Dailekh et Jumla |
Burkina Faso |
1997 |
Collectivités villageoises des départements de Yako et de Diébougou |
Vietnam |
1997 |
Communes des provinces de Ha Tay, Ninh Binh, Yen Bai, Quang Ngai et Lam Dong |
Sri Lanka |
1998 |
Villages des districts de Hambantota et Batticaloa ainsi qu’une municipalité de Colombo |
Sénégal |
2000 |
Commune d’arrondissement de Dakar, commune de la région de Thiès et communauté de la région de Diourbel |
Bangladesh |
2003 |
Collectivités du district de Comilla |
Cambodge |
2003 |
Communes des provinces de Battambang, Kratie et Kampong Thom |
RDP lao |
2004 |
Villages du district de Sepone, dans la province de Savannakhet, et du district de Toomlan, dans la province de Saravan |
Ghana |
2004 |
Collectivités du district de Dangme-ouest dans la région métropolitaine d’Accra |
Indonésie |
2005 |
Collectivités du district de Cianjur, province de Java-Ouest, du district de Demak, province de Java-Centre, et de la ville de Pekalongan |
Bénin |
2005 |
Collectivités du 13e arrondissement de Cotonou et de l’arrondissement d’Adogbé dans la commune de Covè |
Tanzanie |
2006 |
Collectivités du quartier de K/Ndege |
Kenya |
2007 |
Collectivités du district de Tana River |
Zambie |
2007 |
Collectivités des districts de Makishi et de Mungule |
*En janvier 2009 |
matière de suivi soulève des difficultés pour ce qui est d’en faire un programme national, notamment en ce qui a trait au renforcement des capacités nécessaire pour que les administrations locales fassent passer le système à grande échelle et à l’intégration de ce dernier dans les systèmes nationaux de suivi de la pauvreté.
Les systèmes de suivi communautaire de la pauvreté mis en place dans divers pays (voir le tableau 2) ont des éléments essentiels en commun. Toutefois, chacun a été adapté aux réalités et aux besoins locaux ainsi qu’au contexte politique, économique et social plus général.
Le CBMS a donné lieu à la création d’un groupe de travail « propre et vert » et d’une patrouille santé chargée d’examiner les problèmes de santé et de nutrition. Un centre de santé a été construit, un programme de repas scolaires a été instauré à l’intention des enfants, et des toilettes ont été remises aux ménages afin de remédier aux problèmes posés par des installations sanitaires inadéquates.
En janvier 2005, le National Statistical Coordination Board a officiellement accordé son soutien au CBMS, dans lequel il voyait un outil pouvant renforcer le système statistique local, et il a enjoint à son personnel technique de promouvoir l’adoption du CBMS par les entités gouvernementales locales (en anglais Local Government Units ou LGUs). Au début de février 2006, la National Anti-Poverty Commission des Philippines annonçait l’adoption du CBMS dans l’ensemble du pays. Cette bonne nouvelle faisait suite aux directives émises par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales selon lesquelles les Entités Governementales Locales devaient adopter les indicateurs de base du CBMS pour le suivi de la pauvreté et la planification.
En janvier 2009, le CBMS était mis en oeuvre dans 52 des 81 provinces du pays, entre autres dans 531 municipalités et 42 villes, soit dans 13 498 barangays au total. L’objectif : en doter l’ensemble du pays d’ici à 2010, date fixée pour la mise en oeuvre, à l’échelle nationale, d’un système de suivi de la pauvreté fondé sur les indicateurs locaux.
L’histoire du CBMS aux Philippines commence dans la province de Palawan. Lorsque les autorités locales ont entrepris la planification du budget de 1999, elles faisaient face à plusieurs obstacles, dont le manque d’information détaillée sur les municipalités, les villages, les ménages et les particuliers. Elles se sont donc tournées vers le CBMS mis au point dans le cadre du projet MIMAP-Philippines financé par le CRDI.
Ayant pris connaissance d’une évaluation des besoins de la province en matière de données et de l’information dont elle disposait, menée conjointement par l’équipe de recherche du CBMS et le Provincial Planning and Development Office (PPDO), Salvador Socrates, le gouverneur de la province, a publié un décret en vue de la création, au sein des administrations locales, de groupes de travail techniques chargés de la mise en oeuvre du CBMS, ouvrant ainsi la voie à l’adoption du système à l’échelle provinciale. À l’issue de projets pilotes menés dans deux barangays de la municipalité de Taytay, le système a été étendu, en 2000, à l’ensemble de la province.
La stratégie de mise en oeuvre du CBMS était fondée sur le partenariat et la mise en commun des ressources, sous la coordination des administrations provinciale et municipales. Les recenseurs ont été recrutés dans les barangays et formés par le PPDO. Une fois l’enquête auprès des ménages terminée, le personnel du PPDO est retourné pour former les représentants communautaires en vue du traitement des résultats. Les agents de planification municipale ont consolidé les données alors que l’équipe du CBMS offrait des conseils et une formation techniques aux formateurs provinciaux et municipaux, avec l’appui du CRDI. Le coût de ce premier cycle de l’enquête ne s’est élevé qu’à 5,03 millions de pesos philippins (100 265 USD), soit 1,42 USD par ménage. Ce montant a été affecté, en grande partie, au renforcement des capacités, dont la demande allait diminuer au cours des cycles subséquents. Le gouvernement provincial a assumé 13 % des coûts, les administrations municipales participantes fournissant le reste.
Le premier cycle a permis de dégager des leçons inestimables quant aux types de questions posées et à leur formulation, auxquelles on a donné suite lors des cycles subséquents. Le processus de validation s’est révélé particulièrement utile pour évaluer l’exactitude des données et déterminer dans quelle mesure les collectivités comprenaient les causes de la pauvreté. L’efficacité de la mise en oeuvre du CBMS a été accrue lorsque les administrations municipales ont joué un rôle de premier plan dans la coordination et lorsque l’orientation, l’enquête et le traitement des données ont été faites rapidement : les délais diminuent la quantité et la qualité des données et augmentent les coûts.
Le traitement des données s’est révélé plus complexe. De nombreuses régions de la province de Palawan étant dépourvues d’électricité ou y ayant un accès limité, le traitement a dû être fait manuellement dans les barangays et les municipalités. La formation initiale des personnes qui abordaient pour la première fois le traitement des données était inadéquate et, pour bon nombre d’entre elles, il était difficile de traiter en anglais les données du questionnaire recueillies en langue locale. Il a donc parfois fallu recourir au personnel du PPDO pour mener à bien le traitement des données.
En dépit des difficultés, cette première expérience a démontré au gouvernement l’intérêt du CBMS. Le gouvernement provincial a utilisé les données du CBMS pour préparer, en 2001, le premier rapport sur le développement humain de la province de Palawan. Les administrations municipales s’en sont servi pour préparer leur plan d’investissement annuel et pour établir l’ordre de priorité des projets de réduction de la pauvreté, notamment les investissements dans les infrastructures rurales, dans l’approvisionnement en eau et l’assainissement, ainsi que dans les services de santé et l’éducation. En outre, la précision de l’information a aidé les administrations locales à évaluer les impacts de certains de leurs projets.
Une innovation survenue à Palawan est digne de mention. Il s’agit de l’intégration des systèmes d’information géographique (SIG) afin de présenter les données du CBMS sous forme de cartes chromocodées, faciles à comprendre, qui permettent de voir chacun des ménages de la collectivité (voir la figure 2). Les SIG ont été très utiles au CBMS, non seulement parce qu’ils représentent graphiquement la situation de la pauvreté, mais aussi parce qu’ils constituent un outil pour communiquer avec les collectivités et les responsables des politiques.
Les cartes de la pauvreté sont des représentations chromocodées des indicateurs de la pauvreté. Contrairement aux cartes de la pauvreté produites à partir d’estimations préparées pour des territoires restreints (comme les estimations pour les municipalités issues d’enquêtes-échantillons nationales visant à produire des données estimatives pour des niveaux d’agrégation plus élevés), les cartes du CBMS présentent la situation de la pauvreté en commençant au niveau des ménages. En regroupant les données sur les ménages, on obtient des estimations des indicateurs de la pauvreté. Les cartes de la pauvreté peuvent ensuite être préparées pour dépeindre la situation de la pauvreté dans les villages, les municipalités ou les provinces. En se reportant aux couleurs de la carte, les responsables des politiques peuvent déterminer les endroits et les ménages prioritaires aux fins de la prestation des programmes.
Figure 2. Exemple de carte produite par un SIG et présentant les données du CBMS (les couleurs ont été modifiées aux fins de cette publication). Cette carte a été produite grâce au gratuiciel Natural Resources Database (NRDB) mis au point par un coopérant des British Voluntary Services Overseas (Richard Alexander) et adapté pour les données du CBMS (www.nrdb.co.uk). Ce logiciel fait désormais partie intégrante du CBMS.
Ainsi, lors de la présentation de cartes de la pauvreté dans le cadre d’une rencontre de planification provinciale, le directeur du bureau d’urbanisme et de développement de Bataraza, dans la province de Palawan, a fait observer que les données sur l’accès aux installations sanitaires, par ménage, semblaient accuser du retard puisque la municipalité avait récemment mis à exécution un programme de distribution de latrines, en partenariat avec le ministère national de la Santé. Mais lorsqu’il est rentré et qu’il a vérifié les résultats de l’enquête menée à l’aide du CBMS, il a constaté que les latrines avaient bel et bien été distribuées, mais non installées – les ménages devaient se charger de l’installation et fournir le ciment et la main-d’oeuvre. Malheureusement, cela ne s’était pas concrétisé, et les latrines n’avaient jamais servi. La conception du programme a donc été reprise afin que les investissements publics en installations sanitaires soient utilisés à bon escient.
La réussite de la mise en oeuvre du CBMS dans la province de Palawan a donné lieu aux cycles de 2002 et de 2005, puis à un quatrième qui a eu lieu en 2008. Les données du CBMS ont permis aux planificateurs d’évaluer si les politiques, les programmes et les projets mis en oeuvre afin de régler les problèmes donnaient les résultats escomptés et si les conditions de vie s’amélioraient. Par exemple, le gouvernement provincial a été informé du faible taux de fréquentation scolaire. Il a donc entrepris d’examiner de plus près la question de l’accès à l’éducation de base et de la qualité de l’enseignement offert. En juin 2006, le Palawan Regional Development Council a déclaré que le CBMS avait été très avantageux pour la province de Palawan et qu’il avait contribué à la création de banques de données informatisées dans presque toutes les municipalités.
Les données du CBMS ont aussi été utilisées à d’autres fins de planification. En 2005, par exemple, le gouvernement de la province de Palawan a préparé une carte de la pauvreté dans l’ensemble de la province, en collaboration avec la Peace and Equity Foundation et le Palawan Network of NGOs Inc. La Croix-Rouge nationale, à Puerto Princesa, a utilisé les données pour choisir les emplacements de son programme communautaire intégré de planification en cas de catastrophes et pour déterminer les besoins des collectivités en matière de santé et d’installations sanitaires.
Le CBMS a par la suite été adopté dans d’autres provinces, et il est en voie d’être mis en application à l’échelle nationale. Les administrations locales ont assumé une grande partie des coûts, une indication claire de l’intérêt qu’il suscite. D’autres parties prenantes ont aussi contribué, ce qui augure bien de la viabilité du système.
L’adaptation aux réalités locales est allée de pair avec l’expansion du CBMS dans les Philippines. L’équipe de chercheurs a aidé les autorités locales à déterminer et à élaborer des indicateurs propres à leurs collectivités, notamment sur la migration, la protection de l’environnement, les activités commerciales et les catastrophes naturelles. De même, les outils de collecte de données et de traitement de l’information et les modules de formation (en anglais et en tagalog) ont été adaptés, ce qui a donné lieu à l’élaboration de quatre questionnaires sur le profil des ménages et de systèmes de traitement informatisés tenant compte des préoccupations particulières des administrations locales.
L’équipe du CBMS a aussi mis au point un référentiel national qui est hébergé à la National Anti-Poverty Commission et à la League of Municipalities of the Philippines. Ce référentiel regroupe toutes les données recueillies au moyen du CBMS par les administrations locales et aide la Commission à remplir sa mission, soit la coordination des politiques et des programmes de réduction de la pauvreté. De son côté, la ligue peut désormais utiliser les données locales pour déterminer les préoccupations intermunicipales et y trouver des solutions.
Les bienfaits du CBMS se sont répandus parallèlement à l’adoption généralisée du système. Ainsi, dans le barangay de Kalamunding de la municipalité de Labo, le CBMS a donné lieu à la création d’un groupe de travail « propre et vert » et d’une patrouille santé chargée d’examiner les problèmes de santé et de nutrition. Un centre de santé a été construit, un programme de repas scolaires a été instauré à l’intention des enfants, et des toilettes ont été remises aux ménages afin de remédier aux problèmes posés par des installations sanitaires inadéquates. Un programme de bourses a été lancé pour permettre aux élèves prometteurs de terminer leurs études. En outre, explique la capitaine du barangay, Constancia Labios, les attitudes aussi ont changé : le CBMS a incité les parents à s’occuper des besoins des enfants en matière de santé, si bien que le nombre d’enfants de 0 à 5 ans souffrant de malnutrition a diminué.
Les politiques et la planification témoignent également des changements suscités par l’information que le CBMS a fournie aux représentants du gouvernement et aux collectivités. Comme en fait état un examen du programme MIMAP commandé par le CRDI en 2004, les autorités locales ont reconnu que le système de suivi communautaire de la pauvreté instauré dans le cadre du programme MIMAP a contribué à dépolitiser et à renforcer le processus d’affectation budgétaire de l’administration locale en lui permettant d’établir les priorités budgétaires de manière plus objective (Saumier et coll., 2004).
Le CBMS a aussi trouvé sa place dans les villes surpeuplées des Philippines. Pasay City, par exemple, où un projet pilote a été lancé en 2004, est devenue la première ville de la région de la capitale nationale à intégrer le CBMS dans la planification de ses programmes et son cycle budgétaire. Les indicateurs et les questionnaires ont été adaptés pour inclure des données sur les victimes d’actes criminels, le nombre de personnes handicapées, ainsi que le nombre de ménages dont des membres travaillent à l’étranger.
La ville a formé un partenariat avec des ONG à caractère religieux pour mettre en oeuvre le CBMS, afin de préserver l’intégrité et la transparence des données recueillies, selon le maire, Wenceslao Trinidad. En 2005, une enquête a été réalisée à l’aide du CBMS dans les 201 barangays de la ville. Les résultats ont révélé un écart important entre l’offre de main-d’oeuvre et le type d’emplois disponibles. Les autorités ont donc pris un certain nombre de mesures pour remédier à la situation, dont la formation d’un partenariat entre les secteurs public et privé et des groupes de la société civile dans le but de dresser l’inventaire des compétences des travailleurs, de promouvoir l’emploi et de mettre sur pied des foires de recrutement.
À partir de l’Angelo King Institute, l’équipe du CBMS a dirigé la diffusion et l’adaptation du système dans tout le pays. Le CBMS ayant pris de l’ampleur, les chercheurs ont pu dégager un certain nombre de leçons quant aux conditions nécessaires pour que le système soit bien ancré au sein des collectivités et quant aux moyens à prendre pour faciliter son utilisation. Le chapitre 4 résume ces leçons.
Les expériences menées en matière d’élaboration et de mise en oeuvre du CBMS aux Philippines ont été bien documentées et largement diffusées. Les activités de promotion sont cruciales. Les publications, les cartes numérisées, les tableaux de données, la base de données informatisée, la base de données en ligne, les réunions et les groupes de discussion ne sont que quelques-uns des outils utilisés par l’équipe de recherche, les organismes partenaires et les collectivités.
La promotion de la conception, de la mise en oeuvre et du suivi de programmes fondés sur des données probantes s’est poursuivie dans le cadre d’un programme de subventions pour le développement fondé sur le CBMS, lancé en 2005. Ce programme fournit des fonds aux administrations locales et aux ONG dont les interventions visent à se pencher sur les besoins en matière de développement cernés dans les enquêtes menées à l’aide du CBMS. À ce jour, 25 subventions ont été accordées dans le cadre de ce programme financé par le Programme des Nations Unies pour le développement–Philippines et la Peace and Equity Foundation.
Les plans et programmes comprennent la formation professionnelle dans des domaines comme l’artisanat traditionnel afin de contribuer à la création d’emplois, en particulier pour les femmes, l’aide à l’amélioration des logements et la fourniture d’outils et d’intrants agricoles pour stimuler la production alimentaire.
Au milieu de la cour de sa modeste maison au bord de la rizière de la commune de Dai-Yen du district de Chuong-My, dans la province de Ha Tay, une villageoise exhibe son certificat de pauvreté. Ce document atteste qu’elle est pauvre — ou plutôt plus pauvre que ses voisins dans cette collectivité agricole de près de 5 000 habitants en périphérie de Hanoï. Cette carte autorise la veuve, mère de deux enfants, à obtenir gratuitement des soins de santé, des prêts à des taux préférentiels et d’autres services. C’est un droit des plus précieux. Son admissibilité à ce certificat a été déterminée par d’autres membres de la commune — à l’aide du système de suivi communautaire de la pauvreté.
Cette commune et d’autres communes de la province servent d’observatoires de la pauvreté. Les chercheurs y ont travaillé à la mise en oeuvre d’un CBMS avec le personnel du bureau d’administration du programme national d’éradication de la faim et de réduction de la pauvreté (HEPR) ainsi qu’avec celui du service provincial du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales (DOLISA).
Le Vietnam, jadis l’un des pays les plus pauvres du monde, a fait des progrès remarquables en matière de réduction de la pauvreté. Aujourd’hui, son taux de croissance économique, qui atteint en moyenne environ 8 % par année, est l’un des plus rapides au monde, et ce pays est devenu un exportateur international de produits de base et de biens manufacturés. Les incidences des réformes des politiques économiques du Vietnam au cours de la dernière décennie et la prompte intégration du pays à l’économie mondiale ont grandement contribué à l’amélioration du niveau de vie, créant de la richesse et donnant aux pauvres de nouvelles raisons d’espérer. Selon les enquêtes sur le niveau de vie au Vietnam, menées par le Bureau général de la statistique, le taux de pauvreté a chuté de 58,1 % en 1993 à 20 % en 2004.
Le nombre de pauvres a diminué de plus de la moitié au cours de la même période, mais le pays a encore de nombreux défis à surmonter, aux dires de Vu Tuan Anh, directeur adjoint du Centre de développement socioéconomique. Les disparités régionales sont importantes (notamment entre les villes et les régions rurales montagneuses), et l’écart entre les nantis et les démunis s’est creusé. Afin d’atteindre l’OMD visant à réduire de moitié le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté d’ici à 2010 et de 75 % le nombre de celles qui vivent sous le seuil de sécurité alimentaire, le Vietnam a lancé deux programmes nationaux, à savoir le programme cible national de réduction de la pauvreté 2006-2010 et le programme de développement socioéconomique des minorités ethniques et des régions montagneuses. Cependant, comme le souligne Vu Tuan Anh, pour être en mesure de déterminer les pauvres admissibles à ces programmes et d’évaluer les progrès accomplis et le succès des programmes, il faut avoir accès à de l’information fiable (Vu, 2007).
La majeure partie de l’information sur les pauvres au Vietnam provient d’enquêtes nationales comme l’enquête biennale sur le niveau de vie des ménages (HLSS). Par ailleurs, des évaluations distinctes de la pauvreté sont effectuées dans les communes par le ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales (MOLISA) et ses services provinciaux (DOLISA) ainsi que par divers organismes sociaux. Ces évaluations se fondent pour une grande part sur le revenu, sont passablement subjectives et ne peuvent être comparées.
Bien que ces enquêtes fournissent au gouvernement central des données d’ensemble fiables, elles ne sont pas pertinentes pour la planification des interventions en matière de pauvreté et l’affectation des ressources au niveau infranational. En raison du peu d’évaluations dignes de foi de la pauvreté locale, divers organismes communautaires et sociaux — comme l’Union des femmes vietnamiennes et l’Union des agriculteurs vietnamiens — ont tenté de cibler les pauvres dans leur milieu de vie. Toutefois, ces travaux ont été mal coordonnés, et ils suscitent des réserves. Qui plus est, affirme Vu Tuan Anh, étant donné la fréquente rotation du personnel dans les administrations des communes et les organismes sociaux, la tenue des dossiers n’a pas été systématique.
Obtenir des données exactes et détaillées, voilà le but du système de suivi communautaire de la pauvreté que Vu Tuan Anh et son équipe de recherche mettent au point depuis 1996 grâce à l’appui du CRDI. Les chercheurs ont conçu et mis à l’essai une méthode de suivi de la pauvreté fondée sur des indicateurs simples, des questionnaires succincts et des techniques participatives. Le personnel local a réalisé l’enquête, qui alliait des méthodes quantitatives et qualitatives : le questionnaire et les indicateurs ont été conjugués à des groupes de discussion et à des entrevues menées auprès de personnes clés. Les résultats ont été analysés à l’aide d’un logiciel de traitement de données élémentaire.
Certains des premiers résultats étaient étonnants. Dans une commune de la province de Lam Dong, par exemple, les chercheurs ont constaté que la moitié seulement des ménages pauvres recevaient le crédit auquel ils avaient droit en vertu du programme de réduction de la pauvreté et que ceux qui en bénéficiaient s’en servaient pour combler les besoins fondamentaux, notamment pour acheter de la nourriture, au lieu de le consacrer à des activités de réduction de la pauvreté axées sur la production comme prévu (Asselin et Vu, 2005).
Les chercheurs ont conclu que le suivi de la pauvreté dans les régions rurales du Vietnam devrait comprendre des mesures visant à répondre aux besoins fondamentaux plutôt que de porter uniquement sur le revenu et les dépenses, être facile à comprendre, utile à un large éventail d’utilisateurs locaux et de nature participative. De fait, au regard de la longue tradition de participation communautaire au Vietnam, les chercheurs ont estimé que le CBMS offrait aux collectivités à la fois l’occasion de définir la pauvreté à l’échelle locale et la possibilité de participer aux efforts de réduction de la pauvreté.
La recherche initiale a débouché sur le recours au CBMS pour assurer le suivi d’un projet de réduction de la pauvreté dans 30 communes de la province de Thanh Hoa. Ce projet a obtenu l’appui de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et du gouvernement de la province de Thanh Hoa, et il a été mené à bien par le CECI, organisme établi au Québec, au Canada.
Par la suite, le bureau d’administration du HEPR a choisi les observatoires de la pauvreté de 20 communes réparties dans 12 provinces pour y faire un essai pilote du CBMS. Il en a résulté un tableau détaillé des ménages pauvres. Les données ont en outre été utilisées pour évaluer les programmes gouvernementaux de réduction de la pauvreté, portant notamment sur la prestation de services de santé, l’éducation, le logement et le crédit. Le bureau d’administration du HEPR était d’avis que les données de référence obtenues au moyen du CBMS l’aideraient à évaluer l’incidence de ses futures politiques de réduction de la pauvreté.
Le CBMS a ensuite été adopté dans différentes régions géographiques et socioéconomiques du Vietnam, notamment dans 30 observatoires communaux des 13 districts de la province de Ha Tay et dans les observatoires de 10 communes de huit districts de la province de Yen Bai. Ailleurs, l’Union des femmes de la province de Ninh Binh a mis le CBMS en oeuvre dans 27 communes du district montagneux, et pauvre, de Nho Quan. Cinq communes de la province de Quang Nai, au centre du pays sur le littoral, ont aussi mis en oeuvre le CBMS. Et dans la province de Lam Dong, située dans les hautes terres du centre-sud du pays et dont la population est composée en grande partie de minorités ethniques, sept communes utilisent le CBMS.
Au Vietnam, les indicateurs portent sur la situation de la collectivité, le niveau de vie des ménages et la mise en oeuvre des politiques et programmes de réduction de la pauvreté. Comme Vu Tuan Anh le fait remarquer, il est possible de modifier les indicateurs pour les adapter aux besoins locaux. Dans la province de Ninh Binh, par exemple, on a ajouté des indicateurs sur l’éducation, l’emploi, la participation des femmes aux activités sociales et la prise de décisions au sein des ménages.
Selon Le Thanh Trinh, président du comité populaire de la commune de Gia Son dans le district de Nho Quan, parmi les plus pauvres, l’enquête fournit de l’information qu’il était impossible d’obtenir auparavant, et les données vont permettre d’élaborer des plans. Les plans et programmes comprennent la formation professionnelle afin de contribuer à la création d’emplois, en particulier pour les femmes, l’aide à l’amélioration des logements et la fourniture d’outils et d’intrants agricoles pour stimuler la production alimentaire.
Vu Tuan Anh souligne que les résultats obtenus à l’aide du CBMS ont été éminemment profitables aux autorités provinciales chargées de la mise en oeuvre des programmes de réduction de la pauvreté. Les données recueillies ont servi à évaluer la pauvreté et les rapports sur la pauvreté présentés par les communes ainsi qu’à suivre de près la mise en oeuvre des politiques et des interventions du programme cible national de réduction de la pauvreté. Bon nombre de provinces demandent maintenant une aide technique pour mettre en place le CBMS. Tout récemment, les questionnaires et les indicateurs ont été adaptés pour faciliter la préparation des rapports sur les OMD : les indicateurs nationaux portent désormais sur la mortalité infantile, la santé maternelle et l’incidence du VIH/sida, entre autres maladies, et se fondent sur les données provenant du CBMS.
L’information recueillie a aidé à déterminer qui devrait bénéficier des programmes publics.
Pays à faible revenu, le Bangladesh, qui compte environ 144 millions de pauvres, occupe la troisième place au monde pour ce qui est de la concentration de la pauvreté. Malgré la croissance économique et l’amélioration des moyens de subsistance au cours de la dernière décennie, le pays a encore beaucoup à faire pour atteindre ses objectifs de réduction de la pauvreté. Le profil de la pauvreté du Bangladesh indique qu’il y a des régions où sévit une pauvreté extrême et que les inégalités s’accroissent. Dans son document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de 2005, le pays demandait l’instauration d’un système de suivi multidimensionnel ancré dans les réalités, qui puisse être utile aux planificateurs et aux responsables des politiques.
Selon Mustafa Mujeri, la pauvreté a toujours fait partie de l’ordre du jour du gouvernement du Bangladesh. En 1992, M. Mujeri était chargé du projet MIMAP-Bangladesh, lancé par le Bangladesh Institute of Development Studies. Ce projet avait entre autres objectifs celui de renforcer les capacités du pays en matière de suivi de la pauvreté. Les données sur la pauvreté au Bangladesh portaient presque uniquement sur le revenu et la consommation. Les enquêtes, menées tous les cinq ou dix ans, étaient rares. Et il pouvait s’écouler plus de cinq ans entre la collecte et la diffusion des données.
Travaillant de concert avec le Bangladesh Bureau of Statistics (BBS) — la seule source de données systématiquement recueillies à l’échelle nationale —, l’équipe de recherche de MIMAP a rencontré des représentants de divers ministères gouvernementaux et d’organismes de la société civile ainsi que d’autres chercheurs afin de mettre au point un ensemble de 12 indicateurs multidimensionnels de la pauvreté. Des données ont été recueillies dans 21 districts du pays. Les indicateurs de la pauvreté ont été perfectionnés et adaptés au cours du projet, et les données davantage ventilées par sexe.
Les chercheurs se sont intéressés aux moyens d’assurer la collecte et le traitement des données et leur diffusion auprès des responsables des politiques le plus rapidement possible et sous une forme aisément intelligible. Des programmes de formation ont aidé à renforcer les capacités de collecte, de traitement et de vérification des données du BBS. Dans l’ensemble, on a estimé que les indicateurs du système de suivi de la pauvreté de MIMAP permettaient d’évaluer la pauvreté de façon plus approfondie que les indicateurs précédents. Les efforts ont porté fruit : les données de l’enquête de MIMAP ont jeté les bases du DSRP du Bangladesh. Elles ont aussi influé sur les affectations budgétaires, donnant lieu à l’augmentation du pourcentage attribué au secteur social.
Par suite de la participation des collectivités et des administrations locales au suivi de la pauvreté, le système de suivi de MIMAP est devenu une démarche communautaire connue sous le nom de système de suivi de la pauvreté à l’échelle locale (LLPMS). Le système, qui avait d’abord fait l’objet d’un essai pilote en 2002-2003, dans quatre villages d’une union parishad (administration autonome locale regroupant plusieurs conseils de village), comporte trois éléments principaux, soit le suivi participatif de la pauvreté et du développement, le suivi des ressources et la planification du développement des villages.
L’essai pilote a été mené à bien par le Bangladesh Institute of Development Studies et la Bangladesh Academy for Rural Development, un établissement national de formation et de recherche-action relevant du ministère des Administrations locales, du Développement rural et des Coopératives. Les collectivités et les établissements locaux ont participé activement au processus, et des jeunes des villages, formés à cette fin, ont recueilli l’information auprès des ménages.
Les autorités locales et les villageois ont collaboré afin de définir les problèmes et d’en établir l’ordre de priorité, l’équipe de recherche fournissant le soutien technique. L’information a été communiquée aux villageois, et des registres ont été conçus pour présenter tant les données sur les villages que celles sur les ménages et faire état de l’ordre de priorité des problèmes cernés. Reconnaissant l’utilité du système, les villageois ont commencé à s’en servir pour exercer des pressions auprès d’instances gouvernementales supérieures afin d’obtenir de meilleurs services publics.
L’essai a permis aux chercheurs de déterminer un certain nombre de difficultés à surmonter. En premier lieu, la mobilisation de la population locale et l’obtention de l’appui de l’administration locale (condition préalable à la poursuite du processus). Pour s’assurer de la qualité des données — et de la collaboration de tous les ménages — l’équipe de recherche a conclu que les recenseurs devaient exercer des professions différentes, comprendre des hommes et des femmes et représenter différents groupes d’âge et groupes socioéconomiques. Le questionnaire devait être simple, et des groupes de discussion devaient permettre d’en faire la vérification par recoupement. Il a été convenu qu’il serait administré pendant la morte saison agricole afin de disposer de suffisamment de temps pour les entrevues (Mujeri et Guha, 2006).
Le succès a été tel que, l’année suivante, l’essai a été étendu à tous les villages de la West-Mohammadpur Union relevant de l’upazila Daudkandi, dans le district de Comilla. Les représentants de l’administration locale et les villageois ont été formés pour analyser l’information ainsi que pour déterminer les problèmes et établir les priorités en vue d’élaborer un plan pratique. La diffusion des résultats s’est faite dans le cadre de réunions.
L’accès à cette information — une nouveauté — a incité les villageois à s’organiser pour lutter contre la pauvreté. C’est ainsi que des représentants d’une union parishad voisine ont demandé qu’un LLPMS soit adopté chez eux et que des représentants du service national de la statistique participent au processus.
Les leçons apprises au Bangladesh sont conformes aux enseignements tirés des expériences menées aux Philippines et au Vietnam :
il faut soutenir les populations locales et les former à la collecte et à la présentation des données;
la viabilité des systèmes dépend de la participation des gouvernements;
la participation de tous les ordres de gouvernement, et celle d’autres organismes, est garante de l’utilisation généralisée des données;
l’établissement de corrélations entre les données du CBMS et les indicateurs nationaux contribue à la sensibilisation des responsables des politiques;
les indicateurs et les questionnaires doivent être simples et succincts.
Selon les chercheurs, la diffusion de l’information par les représentants des administrations locales a aussi contribué à mobiliser la population. Selon Ranjan Kumar Guha, directeur adjoint de la Bangladesh Academy for Rural Development et chargé du projet de CBMS du Bangladesh, la consignation de certaines données sur les ménages dans le registre du village aide à assurer la qualité des données parce que les villageois vont vérifier ce qui est noté à leur sujet. Les autorités locales ont aussi constaté que l’information recueillie aidait à déterminer qui devait bénéficier des programmes publics, entre autres des cartes d’alimentation distribuées par le gouvernement aux membres des groupes vulnérables (Guha, 2006).
Les chercheurs de la Bangladesh Academy for Rural Development ont fait valoir les avantages du LLPMS dans le cadre d’une série d’ateliers. L’institutionnalisation du système au Bangladesh est toutefois un processus à long terme, qui exige l’engagement des représentants des union parishads, des ONG et des collectivités, en partenariat avec le milieu de la recherche et les instances gouvernementales supérieures.
Lorsque l’enquête réalisée dans le village de Kbal Snoul a mis en lumière le nombre d’enfants qui ne fréquentaient pas l’école car aucune n’était accessible, un bailleur de fonds a décidé de construire une école où il leur serait possible de se rendre à pied.
La réduction de la pauvreté est un besoin impérieux au Cambodge, où plus de 35 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté avec 0,50 USD par jour. Le pays s’est aussi engagé à décentraliser les services publics afin d’en accroître l’efficacité et de les adapter aux besoins des citoyens. Par conséquent, 1 621 communes sont devenues des entités juridiques, gouvernées par des conseils élus pour la première fois en 2002 et chargées de la planification et de la mise en oeuvre du développement local.
Comme le soulignait en 2006 Try Sothearith, directeur adjoint, Statistiques démographiques, recensements et enquêtes, à l’Institut national de la statistique (NIS), les conseils des communes doivent disposer d’une information pertinente, recueillie de manière systématique et fiable, afin de pouvoir assurer efficacement la détermination de leurs besoins ainsi que la planification, le suivi et l’évaluation des projets de développement (Sothearith et coll., 2006). À l’époque, il existait des bases de données communales, mais l’information qu’elles contenaient provenait principalement de rapports administratifs préparés par le chef du village sans aucune visite dans les foyers. En outre, la fin, en 2006, du programme Seila (exécuté de concert par l’État et des bailleurs de fonds en vue de favoriser la planification et le développement à l’échelle locale à l’appui de la décentralisation), dans le cadre duquel les bases de données avaient été créées, devait aussi marquer la fin de ces dernières.
En 2003, le Cambodia Development Resource Institute, en collaboration avec le NIS et le programme Seila, a mené un essai pilote dans six communes de deux provinces. Le projet a mis l’accent sur le renforcement des capacités institutionnelles locales en vue d’atteindre l’objectif de créer un système viable capable d’assurer à long terme le suivi de la pauvreté à l’échelle locale.
Se fondant sur l’expérience d’autres pays d’Asie du Sud-Est où le CBMS avait été mis à l’essai, et avec l’aide de l’équipe de coordination du sous-réseau CBMS à l’Angelo King Institute aux Philippines, les chercheurs ont élaboré un ensemble de neuf indicateurs.
Le CBMS adopté au Cambodge a mis à contribution tous les ordres de gouvernement. Les enseignants et d’autres villageois instruits ont été recrutés et formés comme recenseurs. Les chefs de village ont travaillé de concert avec eux à l’établissement de la liste des ménages et à la cartographie des villages. Les conseils des communes ont supervisé les équipes chargées de l’enquête et du traitement des données afin d’assurer leur adhésion. Les bureaux de la statistique du district et de la province se sont occupés de l’épuration, du codage et de la saisie des données. Enfin, l’équipe de recherche du NIS a analysé les données, rédigé les rapports et diffusé les résultats.
Le projet a donné des résultats très intéressants, notamment en décrivant avec justesse les différentes facettes de la pauvreté dans les communes où l’essai a été mené et en renforçant les capacités des autorités locales. Aux dires de Try Sothearith, chargé du projet de CBMS du Cambodge, le projet pilote a favorisé l’établissement de liens entre les processus de planification à l’échelon communal, provincial et national. Et, ce qui est tout aussi important, il a permis de renforcer la capacité des autorités locales de mettre en oeuvre le CBMS dans leur localité et d’assumer la responsabilité d’y apporter des améliorations.
Les résultats du projet pilote ont été largement diffusés et, en 2006, le NIS a amorcé un second cycle d’enquête dans 12 communes. La majorité des régions rurales du Cambodge étant dépourvues d’électricité, le traitement devait être fait manuellement; un agent de district a alors utilisé un ordinateur usagé, alimenté par une batterie d’automobile. Cette petite innovation a permis aux fonctionnaires des communes de traiter les données électroniquement même dans les endroits les plus éloignés.
Les résultats de l’enquête menée à l’aide du CBMS ont fait l’objet d’une vaste diffusion et ont été utilisés par les conseillers des communes, par les partenaires du développement local et par d’autres ministères et des organismes de développement. Ainsi, l’enquête réalisée dans le village de Kbal Snoul ayant mis en lumière le nombre d’enfants qui ne fréquentaient pas l’école car aucune n’était accessible, un bailleur de fonds a décidé de construire une école où il leur serait possible de se rendre à pied. L’information recueillie a donné lieu à d’autres investissements. Deux routes ont été construites afin de relier le village à la route principale, épargnant ainsi aux villageois une marche de 45 minutes sur un sentier étroit. En outre, après avoir été informées du grand nombre de ménages sans terre, les autorités ont mis sur pied un programme en vue de leur concéder des terres publiques.
De fait, les communes participantes ont affirmé que les données obtenues grâce au CBMS constituaient un excellent moyen d’obtenir le soutien des bailleurs de fonds puisqu’elles donnaient une idée exacte des besoins de la collectivité. Le CBMS est un outil d’évaluation précis, a déclaré un conseiller d’un village, qui estime qu’aucun autre instrument n’indique les taux réels, et que personne ne peut mettre en doute les données. Les résultats de l’enquête ont aussi permis aux collectivités de mieux faire face à leurs problèmes. Par exemple, le taux relativement élevé de violence familiale dans un village a mené à la mise en place de programmes d’éducation et de dissuasion à l’intention des fautifs. La mise au jour du problème a entraîné une réduction remarquable des cas de violence.
Devant le succès du CBMS au Cambodge, tant les responsables des politiques que les planificateurs de l’administration locale ont insisté pour que l’on procède au passage à grande échelle. Le NIS a entrepris la planification du prochain cycle d’enquête qui s’étendra à toutes les communes de trois autres districts, l’objectif étant de couvrir une province tout entière. Le projet a également suscité l’intérêt des gouverneurs des autres provinces et des organismes de développement. Le principal inconvénient, toutefois, tient à la faible capacité d’absorption et à la pénurie d’aide technique et financière de l’extérieur.
Souhaitant combler ces lacunes, San Sy Than, directeur général du NIS, a proposé l’établissement, au sein de l’Institut, d’un bureau de suivi communautaire de la pauvreté, afin de promouvoir le CBMS dans l’ensemble du pays et de renforcer les capacités des agents de statistique et des communes locales. La création d’un tel bureau faciliterait grandement la mise en oeuvre de la loi sur la statistique adoptée en 2005 par le Cambodge, laquelle prévoit aussi l’embauche d’un agent de planification du NIS dans chaque commune du pays.
Le CBMS a constitué l’assise la plus fiable sur laquelle appuyer la planification du développement socioéconomique, et il a servi à améliorer le ciblage des projets d’atténuation de la pauvreté.
Selon les estimations, près du tiers de la population du Laos vit dans la pauvreté. Nombreux sont les pauvres qui habitent des régions isolées; il s’agit, en grande partie, de groupes ethniques distincts dont les besoins sont particuliers. Dans le contexte laotien, on comprend la pauvreté différemment selon le groupe culturel auquel on appartient; aussi est-il important de bien comprendre la culture et la structure sociale pour être en mesure de répondre aux besoins des pauvres. Le gouvernement de la République démocratique populaire lao a donc insisté grandement sur la nécessité d’« axer le développement sur les gens » et d’« améliorer les moyens de subsistance », dans les efforts nationaux visant la réalisation des OMD, et celle de se démarquer des « pays les moins avancés ».
Dans le but d’atteindre les OMD d’ici à 2015 et de faire partie des pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure, d’ici à 2020, le gouvernement de la République démocratique populaire lao a adopté, en 2001, une stratégie nationale de croissance et d’éradication de la pauvreté. Le National Statistics Centre (NSC) a été chargé du suivi et de l’analyse de la pauvreté dans le cadre de la stratégie. Toutefois, la mise en oeuvre et le suivi de cette stratégie exigeaient des données détaillées sur les pauvres. La stratégie indiquait qu’une ventilation accrue et une analyse plus serrée de l’information sur la pauvreté aideraient à déterminer les mesures politiques en faveur des pauvres qu’il conviendrait d’adopter (voir Banque mondiale, 2006). Elle soulignait également l’importance du renforcement des capacités.
Le NSC a adopté une démarche ascendante et s’est fondé sur les données recueillies dans les collectivités pour étayer les bases de données nationales. Pour obtenir cette information, le NSC a instauré, en 2004, un système décentralisé de statistiques de villages — des bases de données communautaires sur les statistiques démographiques et socioéconomiques — afin de compléter l’enquête laotienne sur les dépenses et la consommation assurant le suivi de la pauvreté à l’échelle nationale.
Toutefois, lors de la mise en oeuvre de ce système, le NSC s’est rendu compte qu’il avait omis une étape cruciale : il avait demandé aux villageois de regrouper les données dans un registre, mais sans leur donner les outils nécessaires pour recueillir les données auprès des ménages. En outre, les capacités du Laos en matière de statistique étaient faibles sur tous les plans. Afin de régler ce problème, le NSC a procédé à un essai pilote du CBMS dans quatre villages de deux districts. En 2005, le système s’étendait à 24 villages des deux districts les plus pauvres de deux provinces du pays. En plus de fournir des données actualisées, le système devait faciliter la décentralisation puisqu’il supposait la participation directe des citoyens à la conception des programmes visant à répondre à leurs besoins.
Grâce à ce projet, le NSC a pu élaborer un ensemble d’indicateurs utiles aux registres des villages et aux activités de développement local, ainsi que les instruments connexes de collecte et de traitement des données. Les recenseurs des villages ont été formés à la collecte, à la compilation et à la validation de données. Ils ont aussi suivi une formation en saisie, traitement et présentation de données. Toutefois, en raison de leur faible niveau de scolarité et de leur manque de compétences en statistique et en informatique, ils ont eu besoin d’une formation plus longue que prévue. Les données ont été diffusées à l’échelle locale et transmises à tous les statisticiens des provinces. Les résultats ont aussi été communiqués lors de tribunes nationales.
Selon Phosy Keosiphandone, directeur général adjoint du service de la planification et de l’investissement de la province de Saravane, le CBMS a constitué l’assise la plus fiable sur laquelle appuyer la planification du développement socioéconomique, et il a servi à améliorer le ciblage des projets d’atténuation de la pauvreté et l’affectation des ressources. Le CBMS s’est certes révélé précieux parce qu’il a fourni des renseignements essentiels sur les pauvres des villages aux fins de la planification, mais il l’a aussi été à d’autres égards. Il a permis de transmettre aux responsables des politiques des données probantes qui les ont aidés à mieux comprendre les réalités des diverses collectivités et, ainsi, à établir des priorités pour l’exécution des programmes du secteur public. D’une part, le système a donné lieu au renforcement des capacités tant à l’échelon local qu’au sein du NSC et, d’autre part, grâce à leur participation à la mise en oeuvre du CBMS, les collectivités ont mieux compris les programmes de développement et se sont approprié les moyens d’action pour résoudre leurs problèmes. Le CBMS a aussi permis au NSC et aux autorités locales d’améliorer leur coordination de la planification.
De l’avis des investisseurs privés, des ONG et des bailleurs de fonds oeuvrant en République démocratique populaire lao, les registres des villages contenant les données issues du CBMS ont réduit la nécessité de réaliser d’autres enquêtes en vue de la planification des programmes. Selon Phosy Keosiphandone (2007), les données expliquent les écarts entre l’accroissement des revenus et la stagnation de la pauvreté. Il est intéressant de noter, fait-il remarquer, qu’au cours de la première année, les données ont révélé une hausse importante des revenus dans un village, mais qu’à la fin de la seconde année, le niveau de pauvreté monétaire n’avait pas diminué, l’alcool et la télévision par satellite ayant absorbé la plus grande partie de la hausse des revenus. Ces données ont aidé les planificateurs locaux à mieux comprendre le comportement des villageois et leur conception de la pauvreté.
Les représentants de l’administration locale, y compris le maire et son adjoint, appuient sans réserve cette initiative, ce qui entraîne l’appropriation du système et des données à l’échelon local.
Les réformes entreprises en Indonésie, dont la décentralisation des services de l’État qui avait pour objet de rapprocher le gouvernement de la population, ont des répercussions importantes et positives sur les pauvres. Toutefois, malgré des progrès notables dans la réduction de la pauvreté globale, près de 42 % des Indonésiens vivent toujours sous le seuil de la pauvreté, gagnant moins de 2 USD par jour. Manifestement, beaucoup sont vulnérables et risquent de s’enfoncer encore plus dans la pauvreté, d’où la nécessité de suivre de près la situation. Il faut aussi se pencher davantage sur des facteurs multidimensionnels autres que le revenu, comme les taux de malnutrition, l’accès à l’eau potable, les installations sanitaires, etc. Les disparités entre les régions sont considérables et les inégalités ne cessent de s’accentuer — ce qui fait clairement ressortir la nécessité de fonder la planification sur des données ventilées.
En raison de la planification décentralisée et de l’autonomie régionale, les administrations locales assument la responsabilité de mettre en oeuvre les activités de développement touchant leurs citoyens. Une fois le moment venu pour elles de recenser les pauvres afin de mieux cibler les programmes de réduction de la pauvreté, les administrations locales se sont tournées vers le National Family Planning Coordination Board (BKKBN), le seul organisme national qui recueille des données annuelles sur les ménages. Mais les données de cet organisme étant destinées uniquement au suivi des programmes de planification familiale, elles ne pouvaient servir aux fins visées par les administrations locales. Les efforts déployés ultérieurement par ces dernières ont été coûteux et peu efficaces, en grande partie à cause de la faiblesse des méthodes et du manque de formation du personnel (Suryadarma et coll., 2005).
En vue d’instaurer un meilleur mécanisme de suivi de la pauvreté en Indonésie, le Lembaga Penelitian SMERU Research Institute a proposé de faire l’essai du CBMS, en collaboration avec le BKKBN, dans quatre villages de Java. Ils ont donc élaboré un ensemble d’indicateurs indirects, axés spécifiquement sur le bien-être des collectivités locales et portant sur des facteurs comme la propriété de biens, l’état de santé, la participation à la chose publique et l’accès à l’information.
Ces indicateurs ont été utilisés pour coter le bien-être des familles. Afin de vérifier la fiabilité des cotes attribuées, les chercheurs ont comparé les familles les plus riches aux familles les plus pauvres. La comparaison a révélé un important écart entre les deux groupes pour presque tous les indicateurs, dans tous les villages. Elle a aussi permis de déterminer que les variables ayant trait à la propriété de biens étaient les indicateurs de bien-être les plus importants. L’éducation, la santé et les habitudes de consommation n’étaient aucunement négligeables, mais leur importance variait d’un village à l’autre. Cette information a convaincu les chercheurs qu’il était indispensable d’appliquer en Indonésie des indicateurs élaborés spécifiquement pour les collectivités locales, étant donné la taille de la population, l’étendue du pays et son hétérogénéité.
L’essai pilote a aussi montré que la formation et la supervision pouvaient faire des cadres du BKKBN et des villageois instruits des recenseurs efficaces — de fait, même si leur niveau d’instruction importait pour assurer l’exactitude des données, leur enthousiasme était tout aussi important. Chose intéressante, et contrairement à ce qu’il est advenu lors de la mise en oeuvre du CBMS ailleurs, l’équipe de l’Indonésie estime que les représentants des villages ne devraient pas y prendre part, afin de s’assurer que les données ne seront pas trafiquées, car ils ont davantage tendance à commettre des erreurs dans la collecte des données.
Devant l’heureuse issue de l’essai pilote, le SMERU a commencé à former les administrations locales intéressées à adopter le CBMS, dans l’espoir qu’elles se chargent aussi de l’institutionnalisation du système. L’administration locale de la ville de Pekalongan, à Java-Centre, a été la première, en 2008, à mettre en oeuvre le CBMS à l’appui de ses programmes de réduction de la pauvreté. Grâce à l’aide du SMERU, elle recueille des données sur la situation socioéconomique de la collectivité qui serviront à améliorer sa planification et l’établissement de son budget. Ce projet porte sur la ville tout entière, avec ses quatre kecamatans (sous-districts) et ses 46 kelurahans (villages urbains), qui comptent une population de 320 000 personnes réparties en 80 000 familles. La portée du projet fera en sorte que le CBMS sera effectivement institutionnalisé dans cette ville.
La ville de Pekalongan constituera vraisemblablement un modèle d’institutionnalisation du CBMS pour les autres administrations locales d’Indonésie. Les représentants de l’administration locale, y compris le maire et son adjoint, qui font office de superviseurs, de même qu’une équipe technique composée de représentants de la commission régionale de planification du développement, de la division de la planification et de l’évaluation et de la division de l’administration, appuient sans réserve cette initiative, ce qui entraîne l’appropriation du système et des données à l’échelon local.
Dans le contexte de son document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), le Pakistan a pris des engagements politiques d’une portée considérable qui insistent sur la décentralisation et le transfert de responsabilités aux administrations locales. Les ordonnances, qui ont établi de nouvelles modalités relativement à la reddition de comptes confiant aux autorités locales la prestation des services et la création de conseils de citoyens dans les collectivités, ont entraîné de nouvelles demandes de statistiques locales et de suivi des programmes publics.
Le CBMS a fait l’objet d’un essai pilote au Pakistan afin de fournir une base empirique aux affectations budgétaires et à la planification au sein des administrations locales. Les chercheurs du Pakistan Institute of Development Economics ont élaboré un ensemble d’indicateurs afin de suivre de près et d’évaluer les politiques et les programmes de développement et de les présenter aux intervenants nationaux. Ils ont aussi élaboré des outils sur mesure pour la collecte, le traitement et la validation des données et les ont mis à l’essai. Les travaux ont porté principalement sur l’incorporation dans le CBMS du plus grand nombre possible d’indicateurs tirés du système de gestion de l’information du National Reconstruction Bureau du Pakistan.
Bien que les réformes administratives, politiques et fiscales à l’appui du transfert de responsabilités aient contribué à ce que le CBMS puisse aider les administrations locales à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de planification et d’affectations budgétaires, les tensions politiques et les incertitudes qui y sont reliées, ainsi que les risques associés aux partenariats formés entre le milieu de la recherche, les organismes de la société civile et diverses administrations et institutions locales, ont eu pour effet de restreindre l’essor du CBMS.
Au Népal, la décentralisation a permis aux comités de développement des villages — l’entité administrative de rang inférieur — de procéder à la conception, à l’élaboration et à l’exécution d’initiatives et d’interventions locales en matière de développement. Il en est résulté une demande de données locales non fournies par l’enquête sur le niveau de vie réalisée tous les cinq ans. Dans le cadre d’un projet MIMAP, une équipe de recherche de la National Labour Academy a mis sur pied, en 1997, un système de collecte de l’information à l’échelon local. Contrairement à d’autres projets de suivi communautaire de la pauvreté, toutefois, les données ont été recueillies par le truchement de groupes de discussion plutôt qu’à l’aide d’enquêtes auprès des ménages. L’intégration du CBMS au mode de fonctionnement des administrations locales et à la planification décentralisée a commencé à gagner du terrain, mais les travaux entrepris dans bon nombre de régions rurales ont été interrompus en raison de conflits politiques, puis ont été abandonnés.
Le Sri Lanka a tracé la voie du transfert de responsabilités par la création de conseils provinciaux et d’une administration locale élue constituée des conseils de village (Pradeshiya Sabhas), des conseils municipaux et des conseils urbains. Les institutions de l’administration locale se sont toutefois développées lentement, et des problèmes et conflits politiques ont freiné leur évolution. Leur action a aussi été entravée par la faiblesse de la planification et de la coordination du développement. La nécessité de recueillir dans les villages des données pertinentes à l’appui des efforts de réduction de la pauvreté n’est pas disparue pour autant. Si bien que le Social Policy Analysis and Research Centre de l’Université de Colombo a décidé, en 2003, de procéder à un essai pilote du CBMS en trois endroits.
Le projet a permis de dresser un tableau détaillé des collectivités et a confirmé l’importance d’avoir recours à des indicateurs multidimensionnels adaptés aux réalités locales. Les chercheurs ont conclu que, même si le CBMS pouvait devenir un outil précieux pour le Sri Lanka, il ne pourrait se concrétiser que si les autorités faisaient un effort concerté pour changer le statu quo quant aux lacunes relevées au sein des administrations locales sur le plan des capacités et de l’autonomisation (Hettige, 2005). Comme l’a fait remarquer Siripala Hettige, chargé du projet de mise en oeuvre du CBMS, la perpétuelle marginalisation des institutions des administrations locales au sein du système politique sri lankais fait obstacle à l’institutionnalisation du CBMS dans le cadre des administrations locales (Hettige, 2007).
En octobre 2007, 32 des 41 pays admissibles à l’allégement de la dette en vertu de l’initiative d’aide aux pays pauvres très endettés (PPTE) étaient situés en Afrique subsaharienne. Parmi ceux-ci, le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie avaient fait l’essai du CBMS. Le programme MIMAP du CRDI a financé des équipes de recherche au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana et au Sénégal dès la fin des années 1990, dans le cadre de démarches témoignant de nouvelles façons d’envisager la lutte contre la pauvreté. Ces travaux ont incité certains des chercheurs appuyés par le CRDI à collaborer à la préparation du document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de leur pays. L’élaboration d’un mécanisme de suivi et d’évaluation, en vue de surveiller les progrès accomplis, a été l’un des principaux éléments de la mise en application du DSRP.
Depuis l’enquête, les villageois ont construit des ouvrages de retenue servant à récupérer l’eau de pluie pour irriguer les cultures; il en a résulté de meilleures récoltes et une réduction de la faim.
Selon l’indice du développement humain du Rapport mondial sur le développement humain 2007-2008 du PNUD, le Burkina Faso se classe 176e sur 177 pays, un rang peu enviable. Afin d’encourager les efforts de réduction de la pauvreté, le pays a approuvé son premier DSRP en 2000 et son deuxième en 2004. C’est le document de référence dans lequel il définit ses programmes et activités de développement. Entre autres grands objectifs, le DSRP prévoit le renforcement des capacités des pauvres et la formation de partenariats vigoureux avec les collectivités dans le cadre de programmes de réduction de la pauvreté. Le renforcement des capacités locales en vue de favoriser le développement communautaire et de consolider la gouvernance locale est aussi au coeur du programme de décentralisation du Burkina Faso.
Le Burkina Faso fait partie du réseau MIMAP depuis le milieu des années 1990. La recherche a été effectuée par le Centre d’étude, de documentation et de recherche économique et sociale (CEDRES) de l’Université de Ouagadougou et l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD). Dans la foulée de projets semblables menés en Asie, le CEDRES et l’INSD ont lancé, en 1997, un essai pilote du CBMS en partenariat avec une ONG canadienne, le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI). Il s’agissait d’élaborer une méthodologie et de déterminer des indicateurs de base.
La décentralisation, puis le DSRP, ont préparé la voie à la mise en oeuvre du CBMS et à l’adoption de mesures visant à combler les lacunes sur le plan de l’efficacité ou de l’efficience des programmes de développement du pays. On songe, par exemple, à l’absence de données actualisées et ventilées, à la participation insuffisante à la planification du développement et à la prise de décisions, au manque de coordination entre les programmes et à la faiblesse des capacités locales, en particulier en milieu rural où 90 % de la population est analphabète.
Un essai pilote a été réalisé dans 110 ménages de trois régions — rurale, semi-urbaine et urbaine — de la province du Passoré. S’inspirant des indicateurs du CBMS élaborés aux Philippines, l’équipe du Burkina Faso a choisi ceux qui convenaient le mieux aux réalités locales. Les conditions de vie de la population, principalement agricole, étant soumises à d’importantes variations saisonnières, il a été décidé que les données seraient recueillies deux fois par année au regard de certains indicateurs, comme le recours aux établissements de santé, et une fois l’an pour d’autres.
La recherche initiale a mis en relief la faiblesse des capacités des villages en matière de collecte de données. Les outils et les manuels de formation disponibles avaient grand besoin de révision, et il fallait accorder plus de temps à la formation. La nécessité de régler ces problèmes est ressortie clairement dans la seconde phase de la recherche, lancée en 2000. Citons entre autres nouvelles mesures :
la sensibilisation et la formation de la collectivité avant le début de l’enquête;
l’intégration d’une stratégie de développement tenant compte des facteurs sexospécifiques, afin d’accroître la participation des femmes à la conception et à la mise en oeuvre du CBMS;
la création d’une synergie accrue avec les programmes locaux de financement du développement, afin de répondre aux besoins définis par les collectivités.
En 2002, le système a été mis à l’essai dans cinq villages et dans un secteur de la ville de Yako, dans la commune de Yako. En 2003, il était étendu à la population totale de la commune, soit plus de 73 000 personnes faisant partie de 8 454 ménages. Un contrôleur a supervisé le travail des recenseurs recrutés et formés sur place, tandis qu’une équipe centrale assurait le contrôle de la qualité. Le traitement des données a été fait manuellement pour respecter le principe de la maîtrise et de l’utilisation communautaires des données établi par le CBMS. L’équipe de recherche a contribué au regroupement et à l’analyse électroniques des données.
Étant donné le taux élevé d’analphabétisme au Burkina Faso, la diffusion dans les collectivités des résultats posait un problème particulier. La solution ? Représenter les données par des illustrations faciles à comprendre (une illustration par indicateur — taille de la population, santé et nutrition, installations sanitaires, éducation) sur papier et sur des tableaux noirs que l’on affiche dans les salles de réunion des villages (voir la figure 3). Ces dessins ont été utilisés pour illustrer les manuels, et l’information a été traduite en mooré, une langue locale.
Figure 3. Cette affiche illustre un taux d’alphabétisation des adultes de 11,1 % dans le village de Kabo.
Le tableau détaillé de la pauvreté qui en a résulté en a incité plusieurs à passer à l’action. Ainsi, à Lilbouré, les résultats ont poussé la collectivité à construire des ouvrages de retenue pour récupérer l’eau de pluie à des fins agricoles. Par ailleurs, la fréquentation scolaire a plus que doublé.
Selon Prosper Somda du CEDRES, chargé du projet de mise en oeuvre du CBMS, ce système est le seul outil de collecte de données que les collectivités puissent utiliser pour élaborer des plans fondés sur des données probantes. Lilbouré veut effectuer l’enquête tous les deux ans, mais, souligne M. Somda, le village ne possède ni les ressources ni le savoir-faire voulus pour le faire seul. Qui plus est, aucun villageois n’a les compétences en informatique requises pour l’analyse des données.
En 2006, l’équipe de recherche a lancé le CBMS dans deux nouveaux sites — les communes de Diébougou et de Koper, cette dernière à la demande du conseil du développement durable de l’Afrique, un consortium d’organismes de développement. Dans la commune de Diébougou, le succès du projet pilote mené dans cinq localités a décidé les autorités à effectuer une enquête auprès de l’ensemble de la population, soit près de 40 000 personnes établies dans 23 villages, pour prouver la faisabilité du CBMS et convaincre les autorités nationales de son importance comme complément du système statistique national. Comme ce fut le cas dans la commune de Yako, les résultats de l’enquête ont dépeint un sombre tableau : des taux élevés de mortalité infantile et des soins médicaux insuffisants, une grave pénurie d’installations sanitaires, un faible taux de fréquentation scolaire, surtout chez les filles, et des conditions de vie précaires.
Les résultats ont par ailleurs révélé qu’au regard de tous les indicateurs, la commune de Koper souffrait de nombreuses lacunes, lesquelles constituaient des défis de taille pour les autorités locales et les autres intervenants en matière de développement (Konate et coll., 2007).
En 2008, le maire de la commune de Yako a signalé que les résultats obtenus à l’aide du CBMS lui avaient permis de négocier le financement de projets de développement prioritaires. Selon lui, la possession d’information est synonyme de richesse. Il avait besoin de données fiables, car il travaillait à l’aveuglette, et cela lui compliquait la tâche pour obtenir des fonds. Les résultats du CBMS sont déjà mis à profit, affirme-t-il, pour améliorer le bien-être de la population.
Lorsque les autorités se sont rendu compte que les écoles étaient concentrées dans le nord de la commune — et que le rendement scolaire de ces élèves était très élevé —, elles ont décidé de construire trois nouvelles écoles dans les endroits mal desservis.
Deux événements ont eu tôt fait de stimuler la mise en place du système de suivi communautaire de la pauvreté au Sénégal. Tout d’abord, l’adoption, en mars 1996, de la loi sur la décentralisation, qui transférait aux administrations locales les responsabilités en matière de développement économique et social. Ensuite, le lancement, en 2001, du processus d’élaboration du DSRP du Sénégal.
Dans le cadre du projet MIMAP-Sénégal, les chercheurs sénégalais ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement à la conception du DSRP. L’équipe comprenait des chercheurs du Centre de recherches économiques appliquées et de divers services du ministère de l’Économie et des Finances. Cependant, le Sénégal était dépourvu d’un système adéquat de suivi des conditions de vie dans les ménages. En octobre 2002, la Direction de la prévision et de la statistique a présidé à la mise au point d’un système intégré de suivi de la pauvreté, des conditions de vie et du développement humain. Un observatoire national a été créé afin de recueillir et d’analyser les données et de diffuser les résultats jugés utiles à la planification locale.
On a confié à l’équipe chargée de la mise en oeuvre du CBMS au Sénégal le soin de mettre au point le système et d’en faire l’essai en trois endroits, soit dans une commune d’arrondissement de Guédiawaye, en banlieue de Dakar, dans une commune semi-rurale de la région de Thiès et à Ndangalma, communauté rurale de la région de Diourbel. Les autorités locales de Guédiawaye ont réitéré leur volonté de mettre en place le système et ont mis à disposition le personnel local nécessaire. Dans la communauté rurale de Ndangalma, le piètre accès aux services et aux marchés a donné lieu, au sein de la population locale, à une dynamique de groupe de participation à des organismes de la base en vue d’une réflexion et d’une action concertées susceptibles de favoriser le développement local durable, selon Momar Ballé Sylla, coordonnateur du CBMS-Sénégal.
Il existait également une société civile des plus énergiques à Tivaouane, dans la région de Thiès. Là aussi, comme à Guédiawaye, la population a décidé de prendre son avenir en main, de dire M. Sylla. De plus — et peut-être n’est-ce pas par hasard qu’on a choisi Tivaouane comme emplacement pilote — le maire nouvellement élu, El Hadj Malick Diop, était un statisticien qui avait été à l’emploi de la Direction de la prévision et de la statistique.
Tant Tivaouane que Guédiawaye ont adopté des mesures administratives en vue d’institutionnaliser les systèmes de suivi. Ndangalma n’a pris aucun décret, mais le président de la communauté rurale a dégagé les secrétaires communautaires de leurs obligations afin qu’ils puissent collaborer avec l’équipe de recherche, le cas échéant.
Le questionnaire comportait deux parties, à savoir un volet communautaire et un volet ménage. Le premier abordait des indicateurs concernant entre autres les caractéristiques démographiques, l’éducation et le taux d’alphabétisation, la santé et la nutrition, les organismes communautaires, l’économie et les infrastructures. Le volet ménage a recueilli des données sur les conditions d’existence mais aussi sur la composition des ménages, l’éducation, la santé, l’emploi et la migration à l’étranger. En 2003, un petit échantillon de ménages a été interviewé à chaque endroit parce que, souligne M. Sylla, il aurait été trop coûteux de mener l’enquête auprès de tous les ménages. L’échantillon a été constitué en collaboration avec le commissaire de quartier ou avec les chefs des villages. Tous les dirigeants des quartiers et des villages ont aussi fait l’objet de l’enquête.
Les recenseurs ont été recrutés au sein de la collectivité et choisis par le maire ou par le président de la communauté rurale. Le programme de formation comprenait des directives, des tests, la traduction de certaines parties du questionnaire du français vers les langues locales et l’observation sur le terrain. À l’issue du programme, le manuel de formation a fait l’objet d’une révision. Le traitement électronique des données a été fait par le personnel local formé à cette fin.
L’équipe de recherche a remis les résultats compilés aux autorités locales, qui les ont communiqués à la collectivité dans le cadre d’ateliers. Bien qu’en règle générale les réactions de cette dernière aient été positives, d’aucuns ont souligné l’absence d’indicateurs sur le revenu ainsi que sur la mortalité maternelle et infantile. L’exactitude de certains chiffres, notamment ceux de la population estimative de Ndangalma, a aussi été mise en doute, ce qui a forcé les chercheurs à vérifier les dossiers de l’enquête.
Les résidants de Tivaouane ont été renversés par certains des résultats. Par exemple, ils ont découvert que 52 % de la population n’était pas mariée, une anomalie dans cette collectivité très religieuse. Mais, comme le fait valoir le maire Diop, c’est là une manifestation de la pauvreté : le taux de chômage est élevé, et les gens sont parfois deux, trois ou même quatre à partager la même chambre à coucher, ce qui rend la vie de couple pratiquement impossible. Par ailleurs, lorsque les autorités se sont rendu compte que les écoles étaient concentrées dans le nord de la commune — et que le rendement scolaire de ces élèves était très élevé —, elles ont décidé de construire trois nouvelles écoles dans les endroits mal desservis.
Les maires de Tivaouane et de Guédiawaye se sont engagés à financer les démarches visant à rassembler les ressources nécessaires à une seconde phase et à mettre en oeuvre le système dans d’autres quartiers. Le programme de réduction de la pauvreté du PNUD et l’ONG Enda Tiers Monde sont au nombre des organismes qui ont exprimé leur intention d’utiliser les données du CBMS.
Même si les essais pilotes avaient mis en évidence les avantages du CBMS, les autorités locales n’étaient pas certaines que les ressources financières des collectivités permettraient de couvrir les coûts des enquêtes ultérieures. Elles ont aussi fait remarquer qu’il fallait former davantage les personnes chargées de l’analyse des données. D’autres leçons ont été dégagées de l’expérience, notamment la nécessité de sensibiliser les ménages avant le début de l’enquête, de traduire le questionnaire en langues locales, de mieux adapter ce questionnaire aux différentes localités et de procéder à une validation plus poussée des données recueillies.
Louis-Marie Asselin du CECI souligne que le CBMS-Sénégal diffère des autres CBMS par la complexité de la conception de l’échantillon au niveau communautaire et aussi parce qu’il est en très grande partie informatisé puisqu’il fait appel à trois logiciels pour le traitement et l’analyse des données. L’administration locale doit disposer de capacités avancées en échantillonnage et de compétences de pointe en informatique pour adopter ce système. M. Asselin fait remarquer en outre que l’échantillon est peut-être trop petit pour satisfaire aux besoins en matière de planification du développement local. Toutefois, les liens avec le système statistique national augurent bien de l’influence possible sur les politiques publiques.
M. Sylla fait état d’un certain nombre de défis reliés à l’application généralisée du CBMS au Sénégal, entre autres
obtenir l’engagement et l’appui des collectivités pour la mise en place et le financement de leur propre CBMS;
s’assurer de l’utilisation continue des données recueillies pour évaluer l’impact des projets de développement;
entretenir les relations entre les parties prenantes, en particulier entre les instances nationales chargées du développement social, les autorités locales et les membres des collectivités.
Le bureau du maire de la ville de Cotonou a annoncé six mesures prioritaires en vue d’améliorer les conditions de vie […] Toutes les mesures proposées avaient été déterminées grâce à une enquête menée à l’aide du CBMS.
En 2007, le bureau du maire de Cotonou, la capitale économique du pays, a annoncé six mesures prioritaires en vue d’améliorer les conditions de vie dans le 13e arrondissement de la ville : installations d’égouts, installations sanitaires, établissements de santé, services d’électricité, approvisionnement en eau potable et élimination des moustiques dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Toutes les mesures proposées avaient été déterminées grâce à une enquête menée à l’aide du CBMS l’année précédente.
Avec un revenu par habitant de 540 USD en 2006 et occupant le 163e rang des 177 pays mentionnés dans l’indice du développement humain du Rapport mondial sur le développement humain 2007-2008 du PNUD, le Bénin est un pays très pauvre. La réduction de la pauvreté et l’accélération de la croissance économique sont les priorités du gouvernement, comme ce dernier l’a énoncé dans son DSRP. De plus, le gouvernement entend mener une politique visant à améliorer la reddition de comptes et la gouvernance. Mais, comme le fait valoir l’équipe du CBMS-Bénin, il faut pour cela la participation des collectivités à toutes les étapes de la mise en oeuvre et du suivi.
En 2005, une équipe de l’Université d’Abomey-Calavi, appuyée par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique, a mis en branle un essai pilote dans le 13e arrondissement de Cotonou. En 2006, le CBMS était étendu à deux autres arrondissements, celui d’Adogbé dans la commune de Covè et celui de Médédjonou à Adjarra. Afin que les données recueillies puissent être comparées aux sources de données nationales, l’équipe a adopté le questionnaire de l’Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie (EMICoV), enquête nationale menée en 2005. Au total, 16 300 ménages ont été recensés.
Le CBMS vise à fournir des données locales ventilées à l’appui du processus de décentralisation du pays, amorcé en décembre 2004. L’Observatoire du changement social du Bénin n’assure le suivi de la pauvreté et n’en mesure l’impact qu’à l’échelle nationale.
Marie Odile Attanasso, chargée du projet de mise en oeuvre du CBMS au Bénin, indique que l’enquête a fait ressortir de grandes disparités au sein des collectivités étudiées. À la lumière des résultats, « il urge que les autorités locales tout comme les ONG et les associations de développement viennent en aide aux populations pour améliorer leur cadre et leurs conditions d’existence », écrit-elle (Attanasso, 2007). Un cri d’alarme que le maire a pris au sérieux. « Cette enquête a permis au maire d’avoir le vrai visage de cet arrondissement », a déclaré le maire Nicéphore Dieudonné Soglo (CBMS, 2008).
Le maire d’Adjarra abonde dans le même sens. Il estime que cet outil est très utile pour connaître le niveau de pauvreté dans l’arrondissement et pour déterminer les meilleures stratégies de réduction de la pauvreté et promet de mobiliser les fonds nécessaires pour étendre le CBMS à l’ensemble des habitants après cette première phase.
Il y aura d’autres défis à relever, toutefois, parmi lesquels le manque de ressources humaines et financières et de services statistiques locaux, le faible niveau d’instruction des autorités locales et l’inexistence d’installations de stockage des données.
En 2006, le Kenya, la Tanzanie et le Zimbabwe se sont joints au sous-réseau CBMS. Au Kenya, le CBMS doit servir de système d’alerte rapide : il permettra de surveiller les sécheresses et les conflits ethniques et de comprendre les rapports entre les deux. En Tanzanie, le projet vient compléter les efforts du gouvernement national en matière de planification et de suivi participatifs dans le contexte de la décentralisation. Au Zimbabwe, malgré des conditions politiques et économiques défavorables, le système tire parti du programme de suivi communautaire de la pauvreté lancé en 2003 pour renforcer les liens entre suivi communautaire et recherche communautaire. La Zambie s’est jointe au sous-réseau en 2007 dans le but de relier les données du suivi local de la pauvreté à la prise des décisions visant à réduire la pauvreté.
Comme le démontre la description de ces projets, le CBMS a peu à peu gagné du terrain tant en Asie qu’en Afrique. En 2008, le CBMS avait été lancé dans neuf pays d’Asie. La portée du CBMS s’étend et s’approfondit, car un nombre croissant d’administrations locales adoptent cette démarche en vue de parfaire les politiques et les programmes visant à répondre aux besoins des pauvres. Cet intérêt est soutenu aussi par la tendance grandissante à la « localisation » du suivi des OMD.
Il est manifeste que, partout, le CBMS n’a pas seulement permis d’obtenir de l’information et des données plus complètes sur le bien-être des pauvres des pays en développement. Il a en outre eu pour effet, presque par un heureux hasard, de donner du pouvoir aux collectivités locales pauvres, les amenant à faire valoir leurs besoins auprès des autorités locales et nationales et à exercer une influence sur les affectations budgétaires. En ce sens, le CBMS est beaucoup plus qu’un outil de recherche : il est un instrument permettant de susciter directement une plus grande autonomie et une véritable réduction de la pauvreté (Habito et coll., 2004).
La localisation des objectifs du Millénaire pour le développement par le truchement du CBMS |
Dans la majorité des pays, ce sont les instances nationales qui suivent les progrès effectués à l’égard de la réalisation des OMD. Pour en favoriser l’atteinte, toutefois, il faut en même temps faire en sorte que les OMD soient au coeur des priorités de développement local. Malheureusement, les systèmes statistiques nationaux n’ont pas encore répondu adéquatement à la demande de statistiques de micro-niveau qui pourraient aider les administrations locales à réduire la pauvreté (Banque mondiale, 2005). Comme le montrent les exemples suivants, le CBMS mis en oeuvre dans divers pays d’Asie et d’Afrique est bien placé pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation des OMD à l’échelle locale. D’une part, un certain nombre d’indicateurs suivis dans le cadre du CBMS sont conformes à ceux qui président au suivi de la réalisation des OMD (voir le tableau 3). D’autre part, puisqu’il est prévu de mener des enquêtes régulières à l’aide du CBMS, les indicateurs en résultant pourront servir aussi à la mise à jour des indicateurs des OMD et faciliter la production des rapports. Le CBMS peut également aider les autorités nationales et locales à déterminer les interventions qui s’imposent pour atteindre les OMD et à en établir le coût afin d’y affecter les ressources voulues. Les Philippines — En 2005, le National Statistical Coordination Board a voté la résolution no 6, laquelle reconnaît l’importance du CBMS et prône son soutien en tant qu’outil de renforcement du système statistique local pour la production de données permettant d’assurer le suivi et l’évaluation des plans de développement, notamment les progrès des administrations locales en ce qui a trait à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le Vietnam — Le Vietnam a, quant à lui, emprunté une autre voie. Il a intégré les OMD à sa stratégie nationale de développement socioéconomique en établissant 12 objectifs de développement [communément appelés objectifs de développement du Vietnam (ODV)] et y a associé des cibles précises. Toutefois, même si les progrès relatifs à l’atteinte des ODV font l’objet d’un suivi sur le plan national et provincial, il n’en est rien à l’échelle locale, ce qui peut compromettre les avancées soutenues effectuées par le pays en matière de réduction de la pauvreté. L’Indonésie — Il est de plus en plus généralement reconnu, en Indonésie, que l’information sur les progrès à l’égard de la réalisation des OMD à l’échelle nationale masque les conditions différentes qui existent à l’échelle locale, de sorte qu’il y a des lacunes dans la prestation des programmes. Les données résultant du CBMS sont désormais utilisées en complément de l’information sur les ménages provenant du National Family Planning Coordination Board (BKKBN) afin de déterminer les bénéficiaires des programmes de réduction de la pauvreté et de protection sociale. |
Tableau 3. Les OMD et les indicateurs du CBMS | |
OMD |
Indicateur de base du CBMS |
1. Éliminer l’extrême pauvreté et la faim |
Pourcentage de ménages dont le revenu est inférieur au seuil de la pauvreté |
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Pourcentage de ménages dont le revenu est inférieur au seuil de sécurité alimentaire |
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Pourcentage d’enfants de 0 à 5 ans qui souffrent modérément ou gravement d’insuffisance pondérale |
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Pourcentage de ménages qui font moins de trois repas complets par jour |
2. Assurer l’éducation primaire pour tous |
Pourcentage d’enfants de 6 à 12 ans qui ne fréquentent pas l’école primaire |
|
Pourcentage d’enfants de 13 à 16 ans qui ne fréquentent pas l’école secondaire |
3. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes |
Ratio filles-garçons au primaire et au secondaire |
|
Ratio femmes-hommes alphabétisés |
4. Réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans |
Pourcentage de mortalité infantile (enfants de 0 à 5 ans) |
5. Améliorer la santé maternelle |
Pourcentage de femmes décédées des suites d’une grossesse |
6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies |
Pourcentage de ménages sans accès à l’eau potable |
|
Pourcentage de ménages sans accès à des installations sanitaires |
7. Assurer un environnement durable |
Pourcentage de ménages squatteurs |
|
Pourcentage de ménages vivant dans des logements de fortune |
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement |
Pourcentage de personnes de 15 ans et plus qui ne travaillent pas mais cherchent activement un emploi |
Le rôle du CBMS dans la localisation des OMD a été reconnu lors de la réunion du groupe d’experts sur la localisation des OMD, tenue le 28 novembre 2006 par la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), à Bangkok, en Thaïlande. Le comité de réduction de la pauvreté, formé de 24 États-nations, s’est dit d’avis que le CBMS pouvait compléter les activités officielles de collecte de données des bureaux nationaux de la statistique et faire en sorte qu’on dispose de davantage de données au sujet des OMD et d’autres indicateurs à l’échelle locale. Il a également admis que la localisation des OMD au moyen du CBMS contribuerait à l’intégration des objectifs dans les stratégies nationales de développement. Le comité a donc exhorté d’autres pays en développement à adopter de tels systèmes novateurs afin d’aider à la localisation des OMD. Par conséquent, la CESAP a, dans sa feuille de route pour la région Asie-Pacifique, désigné le CBMS comme l’un des outils de localisation des OMD. |
Le chapitre 4 présente les leçons tirées de ces expériences en ce qui concerne la nécessité du CBMS, ses utilisations et ses avantages et les moyens les plus susceptibles d’en assurer la mise en oeuvre adéquatement. Ces expériences ont aussi mis en lumière le pouvoir de transformation de l’action communautaire. Le CBMS a fait ses preuves; il est capable non seulement de créer les conditions propices au changement, mais aussi de rapprocher le gouvernement des populations qu’il sert.
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Une utilisation plus judicieuse de meilleures statistiques est garante de politiques plus éclairées et d’incidences plus pertinentes sur le plan du développement.
— Christopher Scott, London School of Economics, janvier 2005
Le chapitre précédent a décrit brièvement un certain nombre de projets qui avaient pour objet la mise en place du CBMS en Asie et en Afrique. Leur portée et leur état d’avancement varient, tout comme la possibilité de leur institutionnalisation et leur viabilité. La plupart de ces projets sont en cours, et de nouveaux voient le jour, étoffant d’autant l’expérience en matière de suivi communautaire de la pauvreté.
L’essor du CBMS a révélé qu’un grand nombre de pays ont un urgent besoin de données ventilées à l’échelle locale. Et cette demande s’intensifie, en partie pour satisfaire aux exigences quant à la planification locale requise en vue de la décentralisation et pour mettre en oeuvre des interventions ciblées visant à réduire la pauvreté et, en partie, pour suivre de près les progrès effectués à l’égard des objectifs des programmes de lutte contre la pauvreté et d’autres programmes d’investissement public (comme les DSRP). De plus, la nécessité d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des OMD augmente encore la demande.
La grande leçon à tirer des travaux de recherche des dix dernières années est la suivante : la conception des systèmes de suivi communautaire de la pauvreté et le soutien à y apporter sont un élément primordial de tout système qui vise à suivre de près la pauvreté à l’échelle nationale. Le système habituel, fondé sur les enquêtes-échantillons nationales, ne fournit pas aux responsables des politiques toute l’information dont ils ont besoin. Nos expériences démontrent la faisabilité du CBMS. Bien formées, les collectivités et les administrations locales sont en mesure d’assurer le fonctionnement de tels systèmes à un coût abordable.
Effectuées à intervalles réguliers, les enquêtes menées à l’aide du CBMS fournissent des données exactes et ventilées qui permettent aux planificateurs des administrations locales de cibler leurs investissements de manière efficace et efficiente — en tenant compte des sexospécificités et de l’équité sociale — et de suivre de près les progrès. Ce qu’ils peuvent d’ailleurs faire relativement facilement en partenariat avec les citoyens, toujours grâce au CBMS. De plus, ce système représente pour les collectivités un moyen simple de rendre les gouvernements comptables de leurs actes et, partant, de favoriser une bonne gouvernance.
Toutefois, le CBMS n’est pas une panacée pour relever les défis que posent les besoins en matière de statistiques et de planification. Il faut le voir comme un complément, et non comme une solution de remplacement, aux enquêtes-échantillons nationales. Ce n’est pas non plus une solution instantanée. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3, il faut adapter aux réalités locales, et au fil du temps, les indicateurs, les méthodes de collecte ainsi que l’analyse et la validation des données. Il faut en outre que soient au rendez-vous les conditions propices à l’institution-nalisation du CBMS, c’est-à-dire la décentralisation, la participation de la population, la volonté politique et des ressources humaines et financières suffisantes.
Il faut reconnaître aussi que l’institutionnalisation du CBMS ne va pas sans difficultés, lesquelles ont trait entre autres à l’intégration du CBMS au sein des systèmes bien établis des organismes nationaux et des administrations locales, à l’exactitude des données, à la viabilité du CBMS au sein des collectivités et aux contraintes relatives aux ressources, ainsi qu’à la gestion des tensions entre divers groupes d’intérêt qui se livrent concurrence pour l’obtention de ressources publiques limitées.
L’autonomie des administrations locales pour ce qui est de la prestation des programmes de développement est un dénominateur commun à tous les pays où l’utilisation du CBMS est la plus fructueuse. Le CBMS a été conçu pour être mis en oeuvre par les administrations locales, en partenariat avec les collectivités, afin de fournir des données détaillées sur tous les ménages de ces collectivités. La décentralisation de la planification, de l’établissement des budgets, de l’affectation des ressources et de la gestion des programmes contribue grandement à l’implantation du CBMS et à son intégration dans le processus de planification des programmes publics locaux. Les représentants du gouvernement national et des administrations locales dans la majorité des pays où le CBMS a fait l’objet d’un essai pilote ont expressément souligné que le système était parfaitement approprié à l’exercice des fonctions gouvernementales décentralisées et des pouvoirs politiques et fiscaux transférés.
Grâce au CBMS, les administrations locales peuvent être mieux en mesure d’améliorer les conditions de vie des citoyens. Comme l’expérience l’a montré dans plusieurs pays, elles peuvent ainsi disposer d’analyses et de données pertinentes et faciles à comprendre pour élaborer des politiques et des programmes visant à répondre aux besoins de la population. Le CBMS contribue à la réduction de la pauvreté et aide les gouvernements à établir un plan réaliste pour l’atteinte des OMD.
Il faut un engagement politique ferme de la part de l’administration locale pour l’adoption du CBMS. Sa viabilité dépend en outre de l’engagement des instances gouvernementales supérieures, tant pour la mise en oeuvre du système que pour l’utilisation des données qui en résultent.
Selon l’équipe des Philippines, la conclusion d’un accord officiel (un protocole d’accord) entre le gouvernement et ses partenaires, établissant les objectifs et les extrants escomptés, le champ d’action, la répartition des responsabilités, les échéanciers et les exigences en matière de ressources, est essentielle. L’engagement des autorités prend d’autres formes dans d’autres pays. Ainsi, au Cambodge, la loi sur la statistique du gouvernement royal prévoit dans toutes les communes l’embauche d’un agent de la statistique et de la planification appelé à travailler en collaboration avec les collectivités et les fonctionnaires à la collecte de l’information. Il est aussi prévu que l’Institut national de la statistique (NIS) crée un bureau qui sera chargé de la coordination des activités ayant trait au CBMS dans l’ensemble du pays.
Les administrations locales qui se sont engagées à fonder la planification et la préparation de leur budget sur des données probantes créent une demande constante du type de données, actualisées et pertinentes, que peut produire le CBMS. Une société civile dynamique aide aussi à la mise en oeuvre d’un CBMS et accroît l’utilisation des données. La recherche révèle que le choix des partenaires est crucial : une solide équipe de chercheurs et de représentants de l’administration locale prête à travailler main dans la main avec les collectivités locales non seulement favorise la mise au point d’indicateurs adéquats pour assurer le suivi de la pauvreté, mais de plus renforce les capacités locales et accroît l’autonomie des collectivités.
L’importance de la participation des collectivités et d’autres parties prenantes aux discussions et à la prise des décisions sur les investissements publics à l’échelon local a été démontrée. Dans le cadre de la validation et de l’analyse des données, les collectivités ont travaillé en étroite collaboration avec le secteur public, notamment avec les planificateurs, les fonctionnaires et les responsables des politiques, afin d’aider à établir l’ordre de priorité des investissements dans les programmes de réduction de la pauvreté. Fait tout aussi important, les connaissances produites grâce au CBMS ont renforcé l’autonomie des collectivités locales et favorisé leur participation au processus d’élaboration des politiques publiques. Elles ont aussi amélioré les systèmes locaux de reddition de comptes en contribuant à une plus grande transparence des investissements publics et en incitant les collectivités locales à réclamer une meilleure gouvernance et une meilleure justification de l’emploi des fonds.
Comme dans toute initiative de collecte de données primaires, des coûts sont rattachés à la collecte et au traitement des données recueillies à l’aide du CBMS. Et parce qu’il s’agit d’un outil de recensement, le passage à l’échelle provinciale ou nationale comporte des enjeux financiers pour les gouvernements. Toutefois, comme le fait valoir Carmelita Ericta, administratrice du Philippine National Statistics Office, les gouvernements devraient admettre que la collecte de données ne représente pas un coût mais un investissement. Elle a de très intéressantes retombées parce qu’elle donne lieu à une meilleure répartition des ressources, à une conception plus judicieuse des programmes et à la détermination plus précise des bénéficiaires.
Le financement du CBMS devrait provenir en grande partie de ceux qui profitent des données produites, et non de bailleurs de fonds de l’extérieur. La contribution du CRDI est censée appuyer les essais pilotes du CBMS en partenariat avec d’autres, et elle sert à renforcer les capacités et à offrir l’assistance technique nécessaire pour assurer la viabilité du CBMS. Étant donné que les administrations locales sont les principales utilisatrices des données, c’est à elles qu’il devrait incomber de fournir le gros des ressources requises pour l’adoption du système. Aux Philippines, le gouvernement provincial ainsi que l’administration municipale et celle des barangays fournissent les fonds pour la mise en oeuvre du CBMS au niveau des localités.
Le CBMS peut être source d’économies et peut aussi attirer des fonds supplémentaires. Les administrations locales ont appris que le système aide à faire un usage optimal de ressources publiques limitées en ciblant mieux les bénéficiaires des programmes et en réduisant les dépenses discrétionnaires. Par exemple, la municipalité de Santa Elena dans la province des Camarines Norte, aux Philippines, comptait allouer 220 000 pesos (4 500 USD) à un programme alimentaire à l’intention des enfants souffrant de malnutrition. Cependant, l’enquête menée au moyen du CBMS n’a recensé que 97 enfants en souffrant. On a donc utilisé moins de 20 % du budget proposé pour régler ce problème. Des économies ont été possibles uniquement parce que l’enquête a permis de déterminer qui avait réellement besoin d’aide.
Au Vietnam, les administrations locales et les collectivités ont reconnu l’importance de l’information fournie par le CBMS et ont investi leurs maigres ressources financières et humaines dans la mise en place du système. Dans la province de Ha Tay, par exemple, les autorités ont souligné que de nombreux habitants des communes ont gracieusement donné de leur temps pour recueillir des données parce que ce geste leur paraissait important d’un point de vue social.
Le financement local est essentiel à la viabilité du CBMS. Toutefois, les résultats des enquêtes peuvent inciter les bailleurs de fonds de l’aide internationale à accorder des fonds supplémentaires à l’appui de projets complémentaires, de plus grande envergure, visant à répondre aux besoins cernés. Les bailleurs de fonds ont tendance à appuyer plus volontiers les propositions s’ils peuvent constater que les projets contribuent directement à régler un problème réel et s’ils peuvent savoir qui en profitera. Cela a certainement été le cas au Cambodge.
Les membres de l’équipe de recherche doivent posséder une expérience et des compétences diversifiées. Comme l’ont montré les projets menés au Bangladesh et aux Philippines, les chercheurs doivent avoir une bonne connaissance des systèmes d’information, être vivement intéressés à travailler avec les collectivités et être disposés à bien les comprendre et à déployer toute la patience nécessaire pour ce faire. En outre, il importe que le contexte politique, le fonctionnement des institutions administratives et la classe politique locale leur soient familiers. L’expérience révèle qu’une orientation strictement théorique met sérieusement en péril l’application des données aux interventions publiques et réduit grandement les chances d’institutionnaliser le système.
Afin de pouvoir survivre aux changements de gouvernements, le CBMS doit pouvoir compter sur des partenaires stables à tous les échelons. Comme le fait valoir Vu Tuan Anh du Vietnam, l’institutionnalisation du CBMS exige un partenariat solide réunissant les chercheurs, les autorités gouvernementales chargées de la réduction de la pauvreté et les organisations non gouvernementales oeuvrant dans les collectivités locales.
Comme on peut le lire dans un rapport de l’équipe du Sénégal, l’intérêt que présente un système d’information est connu; il est plus utile de se demander si la collectivité locale est disposée à faire place au système de suivi (Sylla, 2004).
Les collectivités et d’autres parties prenantes devraient participer à la planification du CBMS dès le départ. Dans tous les pays où le CBMS a été mis à l’essai, les autorités locales, les ONG et les représentants de la société civile ont tenu une série de rencontres et d’ateliers dans le but de s’assurer de bien comprendre le projet, puis d’accorder leur appui et de déterminer les besoins en matière de données.
Les activités de promotion locales peuvent prendre diverses formes. Au Bangladesh, par exemple, les chercheurs ont commencé par procéder à une évaluation rurale participative minutieuse, afin de mieux comprendre les collectivités et de nouer des relations avec les villageois. L’équipe de recherche a constaté qu’à la suite de cette démarche, l’attitude des représentants des administrations locales avait considérablement changé. Les discussions ont en outre permis aux villageois de prendre conscience de leurs problèmes et du rôle que jouent les fournisseurs de services dans leur localité. On leur a demandé de faire connaître les fournisseurs dont les services laissaient à désirer. Ainsi, lit-on dans le rapport, le mécanisme de rétroaction permet aux pauvres de se faire entendre.
Au Burkina Faso, l’essai pilote a convaincu l’équipe de recherche de mener une activité de sensibilisation avant d’entreprendre l’enquête. Les chercheurs se sont aussi rendu compte qu’il valait mieux expliquer clairement la méthode de collecte des données à tous afin d’éviter les erreurs.
L’utilité et le succès du CBMS reposent sur le choix des indicateurs. Avant d’élaborer les indicateurs, il faut analyser et comparer les systèmes de suivi de la pauvreté existants et déterminer comment la collectivité définit la pauvreté.
Dans tous les pays, les essais pilotes ont mis en évidence la nécessité d’élaborer un ensemble d’indicateurs de base sur les aspects multidimensionnels de la pauvreté. Ces indicateurs doivent être assez simples pour que les membres de la collectivité les comprennent bien et que les recenseurs puissent recueillir les données. De fait, les essais sur le terrain dans un certain nombre de pays, dont le Burkina Faso, ont entraîné la révision et la simplification des indicateurs initialement choisis puisqu’on a découvert que les longs questionnaires réduisaient la qualité des réponses.
L’utilisation d’un ensemble d’indicateurs de base dans toutes les localités permet des niveaux d’agrégation plus élevés, ce qui augmente d’autant l’utilité des données. Et les indicateurs adaptés aux besoins locaux accroissent l’utilité des données pour la collectivité et pour l’administration locale. Au Sénégal, au Vietnam et dans les Philippines, par exemple, les chercheurs étaient d’avis qu’il fallait élaborer des indicateurs différents pour les diverses régions géographiques.
Il faut aussi réviser les indicateurs régulièrement, car ils doivent suivre l’évolution des réalités locales. Quand de nouvelles préoccupations se font jour, de nouveaux indicateurs devraient sans doute être intégrés au système. En outre, il peut être nécessaire de faire une utilisation plus poussée des données et de les soumettre à une analyse plus approfondie afin d’arriver à de nouveaux indices composites, ou encore des mécanismes de ciblage peuvent s’avérer nécessaires pour répondre aux besoins des décideurs. Tout cela exige des recherches constantes.
La conception des outils d’enquête — les questionnaires — doit tenir compte du niveau de connaissances de la population locale ainsi que de la disponibilité de logiciels et de matériel de traitement des données. Dans tous les pays, le recrutement de recenseurs sur place a consolidé l’adhésion de la collectivité, renforcé les capacités et augmenté les chances d’assurer la viabilité du système. Toutefois, comme ce fut le cas au Burkina Faso, il faut souvent réviser et modifier le questionnaire pour le rendre plus convivial et il faut le faire traduire en langues locales.
La formation est essentielle au succès de la mise en oeuvre du CBMS. Cela se vérifie tout particulièrement dans les collectivités où le taux d’alphabétisation est faible. Dans presque tous les pays où l’on a fait l’essai du CBMS, les équipes avaient sous-estimé le temps nécessaire à la formation, en particulier pour le traitement et l’analyse des données.
Le traitement électronique des données accélère l’analyse, et une base de données électronique est plus facile et plus rapide à consulter. Mais cela n’est une option viable que dans les localités qui disposent des ressources humaines, techniques et financières voulues.
Il est essentiel que l’administration de l’enquête, le traitement des données et la communication des résultats à la collectivité se fassent dans les délais impartis.
Dans les Philippines, il avait été décidé que les enquêtes commenceraient peu de temps après la formation. L’équipe a estimé que l’enquête pouvait habituellement se faire en un mois. L’expérience a montré qu’un recenseur peut interviewer, en moyenne, 10 ménages par jour. Évidemment, les recenseurs doivent être alphabétisés.
Dans certains pays, les chercheurs ont estimé qu’il était plus efficace d’utiliser parallèlement des méthodes qualitatives et quantitatives de collecte de données. Dans ces pays, en particulier au Vietnam et au Bangladesh, en plus des questionnaires, les équipes ont eu recours à des discussions en groupes et à des entrevues avec des personnes clés des collectivités.
Il est crucial que le traitement des données soit rigoureusement exact. Il s’effectue manuellement ou par ordinateur — ou par les deux méthodes concurremment — selon les capacités et les ressources de l’administration locale chargée de la mise en oeuvre du CBMS.
Le traitement informatisé a évolué au fil des ans en tenant compte des expériences sur le terrain. Dans les Philippines, les partenaires de l’administration locale ont connu des difficultés avec Microsoft Excel et les premières feuilles de codage préparées par l’équipe du CBMS. On a donc adopté un système de codage plus efficace et plus convivial — fondé sur le logiciel CSPro (Census and Survey Processing). Ce gratuiciel lancé par le US Bureau of Census a été conçu pour le traitement des statistiques sur les ménages recueillies dans le cadre de recensements et d’enquêtes. Pour régler ses problèmes de traitement de données, l’équipe du projet a mis au point un simulateur d’indicateurs du CBMS, offert gratuitement.
L’équipe chargée de la mise en oeuvre du CBMS au Cambodge ne s’est pas laissé arrêter par l’absence d’électricité et a voulu trouver le moyen d’utiliser des ordinateurs pour le traitement des données. C’est alors qu’elle a eu l’idée d’alimenter un portable et une imprimante à l’aide d’une batterie d’automobile. Cette technologie pourra servir dans d’autres endroits qui sont dépourvus d’électricité ou y ont un accès limité.
Non seulement la validation communautaire permet-elle de vérifier la fiabilité des données, mais elle aide aussi à faire comprendre aux collectivités toutes les dimensions de la pauvreté et du développement. En même temps, elle contribue au renforcement de l’autonomie des collectivités, à l’intensification du sentiment d’appropriation et à la mobilisation en faveur des programmes de développement.
Au Sénégal, on a estimé que les recenseurs et leurs superviseurs étaient les mieux placés pour diriger le processus de validation. Les expériences décrites au chapitre 3 démontrent l’importance de réunir des représentants du gouvernement et de la société civile et la collectivité pour la validation des résultats. Non seulement la collectivité tout entière peut-elle ainsi connaître les résultats de l’enquête, mais cela donne en outre la possibilité de vérifier l’exactitude des constatations et d’expliquer les résultats inattendus.
La réunion de validation permet également de déterminer les principaux problèmes et les interventions possibles, et elle facilite l’intégration des résultats de l’enquête menée à l’aide du CBMS dans les plans de développement et d’investissement et dans le profil socioéconomique de la collectivité.
La communication des données à toutes les parties prenantes est un élément central du CBMS. Réunions, ateliers, cartes de pointage communautaires et registres de village, CD-ROM et bulletins d’information — jusqu’à des caravanes itinérantes —, aucun moyen n’est négligé pour présenter les résultats aux collectivités, qui peuvent alors établir les priorités et chercher des solutions aux problèmes. Au Bangladesh, par exemple, un registre de village a été préparé, et des ateliers de planification ont été organisés à l’intention des organismes de prestation de services, des représentants de l’administration locale et des villageois. Le registre a permis à l’administration locale de repérer les ménages défavorisés et de consigner les mesures qui avaient été prises, lui évitant ainsi de faire double emploi. Grâce à cette information, l’administration locale a aussi pu rejeter des demandes non fondées sur des données probantes.
La validation et la diffusion des données mènent au renforcement de l’autonomie des collectivités. Ces dernières ont accès aux données et ont la possibilité de prendre part à la planification. Leurs membres apprennent ainsi à mieux définir leurs priorités et — en se fondant sur les données probantes — à faire connaître leurs besoins aux agents de planification. Les données bien précises dont ils disposent sur la situation locale leur permettent d’avoir davantage voix au chapitre quant à l’affectation des ressources publiques et d’exiger des autorités qu’elles rendent des comptes et fassent preuve de transparence.
De toute évidence, le CBMS peut susciter des attentes difficiles à satisfaire. Voilà pourquoi il importe que le CBMS présente aux collectivités et aux administrations locales un tableau réaliste de la situation et permette d’élaborer des stratégies aptes à créer un continuum recherche-politiques-pratiques. Et voilà aussi pourquoi il faut s’armer de patience.
Une autre leçon se dégage de ces expériences, à savoir la capacité des administrations locales de mettre à profit les connaissances des collectivités et la possibilité pour ces dernières de mieux connaître les rouages de l’administration locale et son mode de gouvernance. Le CBMS ne vise pas uniquement à acheminer aux planificateurs de l’administration locale l’information sur la collectivité et les ménages : il permet également de transmettre aux collectivités de l’information sur les politiques et les programmes, sur les capacités et les limites de l’administration locale et sur la reddition de comptes. La communication des données fait souvent appel à des moyens novateurs afin de mieux faire comprendre le processus et de pousser le CBMS plus loin que ce qui avait été prévu initialement. La représentation des données issues du CBMS sous forme d’illustrations, pour laquelle a opté le Burkina Faso, en est un exemple.
Entre autres innovations, l’équipe des Philippines a préparé, à partir de cartes de répartition par points, des cartes de la pauvreté situant les ménages et les principales infrastructures dans la collectivité. Ces cartes, qui illustrent l’emplacement relatif des ménages et des installations, servent les objectifs du CBMS. Certaines administrations locales, plus avancées, ont commencé à utiliser le système de positionnement mondial (GPS) pour localiser leurs principales infrastructures, puis situer les logements. La géolocalisation des principaux points de repère au sein de la collectivité peut être utile, en particulier pour les opérations de sauvetage quand surviennent des catastrophes naturelles.
L’essai et la mise en oeuvre du CBMS un peu partout dans le monde ont fait prendre conscience des avantages du système, certains évidents, d’autres moins.
Dans ce livre, nous avons montré que le CBMS
renforce l’autonomie des collectivités en leur donnant les moyens de prendre part au diagnostic des problèmes, de proposer des solutions et d’assurer le suivi de ces solutions;
enrichit les bases de données des administrations locales et celles des instances supérieures;
permet de parfaire les profils socioéconomiques et les plans de développement et d’investissement;
améliore l’affectation des ressources en facilitant la détermination des interventions prioritaires au moyen du diagnostic de la pauvreté à l’échelon local;
rend plus équitable la répartition des ressources entre les collectivités et les ménages, ainsi qu’entre les hommes et les femmes;
aide à suivre de près l’impact des projets et des programmes, contribuant ainsi aux efforts de réduction de la pauvreté.
Les essais pilotes du CBMS ont permis de relier étroitement la recherche à l’élaboration des politiques. Les responsables des politiques — en particulier ceux des administrations locales — ont adopté le CBMS, car il constitue un formidable outil pour éclairer la prise de décision. Non seulement les données sur la situation microéconomique établissent-elles un contexte qui aide les autorités locales à répondre efficacement aux besoins en matière de développement, mais les responsables des politiques ont eux-mêmes affirmé que, sur le plan politique, le système est des plus avantageux.
Le CBMS permet aussi d’accroître la transparence et la reddition de comptes des administrations locales en ce qui concerne l’affectation des ressources et, partant, d’améliorer la gouvernance. À ce titre, c’est également un mécanisme d’appui à la mise en oeuvre des politiques de décentralisation adoptées un peu partout dans le monde. Comme ce livre en fait état, les données résultant du CBMS procurent des avantages réels aux collectivités, notamment de nouvelles installations et infrastructures comme des écoles, des routes et des marchés. Elles ont en outre aidé à inciter les collectivités à s’attaquer à certains de leurs problèmes.
Ce livre porte principalement sur la mise en oeuvre du CBMS à l’échelle locale, mais le CBMS a aussi des avantages à des niveaux géopolitiques supérieurs. À l’échelle nationale, par exemple, les données du CBMS peuvent contribuer à la validation des analyses de la pauvreté en présentant un tableau ventilé des ménages ou des profils de la pauvreté dans les collectivités. Elles peuvent également retracer l’évolution de la pauvreté au fil du temps dans une collectivité donnée et dans les ménages, permettant de mieux comprendre la dynamique de la transition à la pauvreté. Elles aident ainsi à l’élaboration de régimes de protection sociale et de mécanismes de redistribution et permettent d’éclairer les politiques afin de mieux cibler les programmes et les interventions. Les systèmes de suivi de la pauvreté sont utilisés de diverses autres façons en vue de satisfaire à des besoins divers. Ainsi, le PNUD envisage de recourir au CBMS pour remplacer les systèmes d’information nationaux déficients en Afrique de l’Ouest, afin de mieux comprendre l’utilisation d’énergie et la pauvreté énergétique au sein des collectivités et des ménages, et pour assurer le suivi de l’accès aux services. Aux Philippines, le CBMS fait l’objet d’essais visant à établir s’il peut faciliter l’établissement de budgets tenant compte des sexospécificités ou budgets sexospécifiques. En outre, tant au Cambodge qu’au Vietnam, le système est utilisé pour déterminer les ménages admissibles aux programmes de protection sociale, comme les prestations de santé et les transferts de fonds.
Les données sont utiles également au secteur privé. Ainsi, en décembre 2007, Fenway International Inc. — une entreprise canadienne de fabrication de ciment qui investit dans la province de Palawan, aux Philippines — s’est servi des résultats du CBMS dans les municipalités de Sofronio Española, de Quezon et de Narra pour déterminer les endroits où mener différents projets de développement social comme la construction d’écoles, de cliniques de barangay et de routes menant des fermes aux marchés.
Le chapitre 5 porte sur l’évolution du CBMS et sur les défis qui y sont rattachés.
Le CBMS a été conçu principalement comme un instrument de suivi de la pauvreté à l’échelle locale. Toutefois, le système peut servir à d’autres fins, notamment à l’évaluation des incidences des investissements publics et des programmes des bailleurs de fonds, au suivi des progrès accomplis par les collectivités dans la réalisation des OMD et à l’élaboration de bases de données sur la vulnérabilité pouvant être utilisées en cas d’alerte rapide. En certains endroits, le recours au CBMS fait désormais partie intégrante de l’établissement de budgets tenant compte des sexospécificités et aide les gouvernements et les planificateurs à répartir les ressources plus équitablement.
Comme ce livre le démontre, au-delà du suivi de la pauvreté, le CBMS est un processus qui donne aux collectivités la possibilité de prendre part à l’élaboration des politiques publiques en vue de déterminer les interventions appropriées, de planifier les investissements et d’exiger des autorités qu’elles rendent des comptes. C’est par conséquent un outil qui favorise la bonne gouvernance au niveau local.
Les collectivités et les partenaires de la société civile qui collaborent avec les administrations locales à la mise en oeuvre du CBMS dans le monde affirment que les connaissances acquises et la possibilité de prendre part avec les chercheurs et les planificateurs des administrations locales à la prise de décisions sur les interventions visant à améliorer leur bien-être leur permettent de prendre en charge leur devenir. Cette forme de contrat social entre les collectivités et les administrations locales a aussi suscité un vif intérêt à l’égard des budgets publics et des plans de développement. Les administrations locales ont estimé qu’il était avantageux de faire montre d’une plus grande transparence quant à l’efficacité et à l’efficience des dépenses publiques. Elles ont également eu recours au CBMS pour obtenir des ressources des autorités centrales et des bailleurs de fonds.
Au Cambodge, par exemple, l’Institut national de la statistique a travaillé en partenariat avec le gouverneur, les chefs des services des administrations locales et les conseillers des communes de la province de Kratie et, ensemble, ils ont utilisé le CBMS pour assurer la planification efficace de programmes de développement ciblés et surveiller périodiquement les dépenses. Le système est aussi pour eux l’expression d’une saine gouvernance locale, et ils reconnaissent qu’il pourra les aider à obtenir le soutien de bailleurs de fonds de l’extérieur. De même, dans d’autres pays d’Asie, le CBMS s’est avéré un instrument utile à la gestion des affaires publiques, que les administrations locales ont mis à profit pour la surveillance du budget et la mobilisation de ressources.
Grâce à l’exécution d’enquêtes régulières, le CBMS peut aider à déterminer une série d’initiatives de lutte contre la pauvreté peu coûteuses et susceptibles de répondre à des besoins divers. Il permet d’assurer le suivi et l’évaluation de l’impact des projets et des programmes de réduction de la pauvreté de manière à pouvoir intensifier l’appui aux programmes efficaces et mettre fin à ceux qui ne donnent pas les résultats escomptés.
Le CBMS a pour objectif de faciliter la répartition rationnelle des ressources, ce qu’il rend possible en fournissant l’information nécessaire à la planification et à la préparation de budgets fondés sur des données probantes. Récemment, le CBMS a aussi favorisé l’établissement de budgets sexospécifiques (Budlender et coll., 2006).
Les budgets sexospécifiques visent principalement à assurer la répartition équitable des budgets des gouvernements. Les objectifs sont les suivants :
tenir compte des priorités et des besoins différents des femmes et des hommes, des filles et des garçons, dans les politiques et les budgets;
souligner l’importance de ne pas tenir pour acquis que ces priorités et ces besoins sont identiques;
veiller à ce que les services et d’autres éléments financés à même ces budgets répondent à différents besoins et donnent suite à diverses priorités.
Un budget sexospécifique ne consiste pas en l’établissement d’un budget distinct pour les femmes, en l’affectation d’une somme déterminée à des programmes axés sur les femmes, ni en un partage égal du budget. Il s’agit plutôt d’intégrer les facteurs sexospécifiques dans l’ensemble du processus budgétaire, de l’analyse de la situation des hommes et des femmes dont il faut tenir compte dans l’élaboration de plans et de budgets qui prennent en considération les besoins particuliers de l’un et l’autre sexe jusqu’au suivi et à l’évaluation de l’efficacité des activités qui avaient pour but de corriger les disparités entre les femmes et les hommes. Un projet pilote visant à faciliter l’établissement de budgets sexospécifiques à l’aide du CBMS a été mené à Escalante, dans les Philippines, en 2006. Comme l’explique Godofredo Reteracion, coordonnateur du développement et de la planification à Escalante, la ventilation des données selon le sexe a révélé que les taux de mortalité infantile et de malnutrition étaient plus élevés chez les filles que chez les garçons et que les femmes étaient sousreprésentées au sein de la population active ainsi que dans la vie politique et communautaire. En revanche, le taux d’absentéisme scolaire était supérieur chez les garçons. Des groupes de discussion ont permis d’obtenir des données qui ne pouvaient pas être recueillies au moyen des questionnaires structurés. Un modèle informatisé a ensuite été mis au point pour faciliter la planification et l’établissement des budgets de manière à régler les problèmes cernés grâce au CBMS. Ce modèle permet le suivi de l’impact des programmes selon le sexe.
En ce qui a trait aux budgets sexospécifiques, le CBMS offre la possibilité de remédier aux données lacunaires qui font obstacle tant à l’analyse prébudgétaire qu’à l’examen des résultats obtenus. Il permet aussi de suivre de près, à intervalles réguliers, l’impact sexospécifique des budgets.
Le projet pilote mené aux Philippines a montré qu’il est possible d’élaborer des plans et des budgets sexospécifiques à l’aide d’un CBMS tenant compte des sexospécificités. Ainsi, à Escalante, on a mis fin à l’utilisation sans discernement des budgets « femmes et développement » pour affecter plutôt les fonds à des programmes permettant de régler les problèmes cernés à l’aide du CBMS. Par exemple, en 2008, la ville a, entre autres mesures, inclus dans son budget et son plan de développement un programme de repas scolaires ainsi que des programmes axés sur la santé des femmes et la maternité sans risques, les soins aux mères et aux enfants et des séjours sans frais dans les hôpitaux de l’administration locale.
La nécessité de surveiller les progrès accomplis dans la réalisation des OMD au niveau infranational a accru la demande à l’égard du CBMS. Et, comme on l’a souligné, il existe une importante correspondance entre les OMD et les indicateurs du CBMS.
Il faut intensifier les activités de promotion, toutefois, afin d’informer d’autres pays de l’utilité du CBMS dans le suivi des progrès effectués relativement aux OMD à l’échelle locale. On présume généralement que le suivi des objectifs incombe aux services nationaux de la statistique ayant pour mandat de communiquer des données d’ensemble aux coordonnateurs nationaux des OMD. Mais c’est sur le plan local que le suivi des progrès présente un véritable intérêt puisque les disparités régionales mettent en évidence des situations et des facteurs socioéconomiques différents, qui peuvent être isolés et analysés à l’aide du CBMS.
Mais il faut pour cela renforcer les capacités des pays. Le sousréseau CBMS a un rôle de premier plan à jouer dans la mise en commun des connaissances permettant de déterminer les moyens de mener cette tâche à bien.
En fournissant de l’information pertinente sur les ménages et les particuliers, le CBMS présente un tableau détaillé des pauvres, non seulement par province ou par district, mais aussi par municipalité et entité administrative de rang inférieur. Mais ce qui importe plus encore, c’est que le CBMS est un recensement et non une enquête-échantillon. Grâce au CBMS, les pauvres ont un visage et un nom et, grâce aux cartes de la pauvreté préparées à l’aide du CBMS, ils ont aussi une adresse.
Pourquoi cibler ? Parce que les ressources publiques sont limitées et qu’il est essentiel qu’elles profitent aux plus démunis. L’application du CBMS au ciblage des subsides accordés, comme les transferts de fonds, les prestations de santé ou le crédit, peut faire en sorte que les pauvres touchent effectivement les sommes prévues et que, finalement, il en résulte des économies.
Comment déterminer qui est pauvre à l’aide des données du CBMS ? Il est possible de dégager, à partir des indicateurs de base du CBMS, des indicateurs composites qui tiennent compte de la nature multidimensionnelle de la pauvreté. L’indice composite du CBMS allie les 14 indicateurs de base et dénombre les besoins non satisfaits en matière de santé, de nutrition, d’éducation, de revenu, d’emploi, de logement, d’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, ainsi que de paix et d’ordre au sein du foyer. Un indice composite de 4 indique que 4 des 14 besoins examinés au moyen des indicateurs de base ne sont pas satisfaits. Il est également possible d’obtenir à partir des données du CBMS un modèle de « prise en considération indirecte des moyens de subsistance », c’est-à-dire qu’à l’aide des données sur les biens possédés, les caractéristiques socioéconomiques et démographiques et les attributs spatiaux, on peut estimer la situation des ménages sur le plan du revenu ou de la pauvreté. Cette situation peut ensuite être utilisée pour déterminer l’admissibilité à un programme.
Bref, le CBMS peut faciliter le ciblage en fournissant l’information voulue sur les bénéficiaires admissibles à des programmes particuliers. Les indicateurs propres à un secteur peuvent aussi servir à déterminer qui devrait bénéficier des interventions.
Le CBMS peut donner rapidement l’alerte en cas de crise sociale imminente. Les indicateurs peuvent montrer de quelle façon les ménages et les particuliers sont touchés par des chocs naturels ou artificiels; les gouvernements peuvent alors mettre en branle les interventions appropriées pour atténuer les répercussions de ces chocs.
Par exemple, en 1998, alors que El Niño et la crise financière asiatique frappaient les Philippines, une enquête menée à l’aide du CBMS a fait état de l’augmentation de la malnutrition parmi les jeunes enfants et de la hausse du taux d’abandon scolaire chez les enfants en âge de fréquenter l’école. Grâce à ces données, les gouvernements ont pu élaborer des interventions ciblées.
La crise financière mondiale actuelle est l’exemple le plus récent d’un choc artificiel. Le CBMS peut fournir des sites sentinelles, ou « observatoires de la pauvreté », capables de suivre de près l’impact de la crise sur la pauvreté. Les indicateurs relatifs au chômage, à la fréquentation scolaire et à la malnutrition, par exemple, seront utiles pour suivre l’impact à court terme et déterminer les interventions.
L’élargissement de l’utilisation du CBMS à ces fins et pour répondre à d’autres besoins exige l’engagement de tous les ordres de gouvernement. Cela requiert aussi l’établissement de liens officiels entre les systèmes nationaux et locaux de suivi de la pauvreté. Les systèmes nationaux peuvent renforcer les capacités des administrations locales en vue de la collecte, du traitement et de l’analyse des données et établir les normes statistiques nécessaires pour assurer la comparabilité des données du CBMS et de celles qui résultent des enquêtes nationales.
L’uniformisation du CBMS à l’échelle locale est si simple et facile que son intégration aux systèmes nationaux de suivi de la pauvreté est une possibilité des plus intéressantes. Le Burkina Faso, par exemple, a adopté cette démarche dans son DSRP de 2004 en ne déterminant que 10 indicateurs de base pour assurer le suivi de la pauvreté humaine, qui correspondent à ceux du CBMS.
L’essor du CBMS en Asie et en Afrique et le fait qu’il gagne présentement du terrain en Amérique latine témoigne de sa polyvalence comme outil de suivi de la pauvreté. Néanmoins, comme nous l’avons vu, ce n’est pas un système statique que l’on transporte d’un pays à un autre. Certaines caractéristiques fondamentales sont essentielles, peu importe l’endroit, mais la liste des indicateurs doit être adaptée aux réalités locales. Et comme les structures gouvernementales diffèrent selon les pays, il se peut aussi que les organes de coordination ne soient pas les mêmes.
À ce jour, le CBMS a fait l’objet d’essais pilotes dans 15 pays. Il faut y intensifier les efforts de promotion afin d’assurer l’institutionnalisation du système et de favoriser son intégration aux activités courantes des administrations locales, les gouvernements nationaux exerçant évidemment leur droit de regard.
Il est désormais impératif d’étendre le CBMS à d’autres pays. Il est donc essentiel de former des partenariats avec des organismes internationaux afin de faire connaître les nombreuses utilisations du CBMS. Ainsi, en 2006, la CESAP a convié un groupe d’experts à une réunion sur le CBMS. Les résultats de cette rencontre, présentés au Comité de réduction de la pauvreté de la CESAP la même année, ont sensibilisé d’autres pays à l’existence du CBMS et suscité des demandes en vue de sa mise en application. De nouvelles initiatives semblables aideraient à mettre le CBMS à l’ordre du jour d’autres gouvernements.
Divers pays d’Asie et d’Afrique ont mis au point des systèmes locaux de suivi de la pauvreté. Il faut maintenant élaborer et mettre à l’essai des indicateurs pouvant mesurer différentes dimensions de la pauvreté dans d’autres régions et les mettre en application afin de dévoiler les multiples facettes de la pauvreté dans différents contextes. Il faut aussi réaliser de nouvelles recherches afin de concevoir ce qu’on pourrait appeler des indicateurs non classiques, en vue de saisir des dimensions de la pauvreté qui ne font pas habituellement l’objet de mesures et de suivis, comme le renforcement de l’autonomie ou la sécurité humaine.
Il faut aussi mener d’autres recherches en vue d’accroître l’utilisation du CBMS aux fins de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes et de la mise en oeuvre de programmes. Déterminer qui sont les pauvres afin de s’assurer que les programmes de réduction de la pauvreté leur seront destinés est une autre des importantes utilisations des données du CBMS. Plusieurs pays utilisent déjà des indicateurs simples pour faire en sorte que les pauvres profitent de ces programmes, mais il faut de nouvelles recherches pour élaborer d’autres méthodes fondées sur des indicateurs différents afin de déterminer qui est pauvre et qui ne l’est pas.
D’autres recherches s’imposent aussi afin d’établir quels sont les programmes de réduction de la pauvreté qui sont vraiment efficaces. Les données du CBMS, surtout là où il est mis en application depuis plusieurs années, peuvent servir à évaluer l’impact à court et à long terme des programmes existants. Les recherches pourraient mettre en lumière la nécessité de modifier de nouveau la conception du CBMS pour y inclure d’autres indicateurs afin de faciliter le suivi et l’évaluation.
Enfin, comme l’a montré le projet sur les budgets sexospécifiques dans les Philippines, le CBMS est un instrument important, sinon fondamental, pour orienter les administrations locales en matière de planification budgétaire et d’évaluation. Là encore, il faut exécuter de nouvelles recherches afin d’illustrer comment le CBMS peut être appliqué de façon plus rigoureuse aux dépenses. D’autres recherches sur les moyens d’intégrer de façon plus systématique les données du CBMS aux processus de planification et d’établissement des budgets garantiraient davantage la prise de décisions fondées sur des données probantes. Par exemple, faire en sorte que le CBMS soit mieux relié à la gestion des budgets publics axée sur le rendement suscite un intérêt croissant — à l’échelle locale, dans différents contextes et, surtout, à divers stades de décentralisation.
L’intérêt pour le CBMS est plus vif aussi dans les pays qui cherchent à mettre en place des mécanismes participatifs pour l’établissement des budgets. À cet égard, la convergence entre le CBMS en tant que système participatif de suivi des dépenses publiques locales et les systèmes d’établissement des budgets des administrations locales axés sur le rendement constitue un dénominateur commun pour de nouvelles activités exploratoires en matière de gouvernance et de systèmes budgétaires.
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ACDI – Agence canadienne de développement international
barangay – village, l’entité administrative de base aux Philippines
BBS – Bangladesh Bureau of Statistics
budgets sexospécifiques – les initiatives à ce chapitre visent principalement à assurer la répartition équitable des crédits budgétaires de l’État. Elles ont pour objectif de faire en sorte que les politiques et les budgets tiennent compte des priorités et des besoins différents des femmes et des hommes, des filles et des garçons; de souligner l’importance de ne pas tenir pour acquis que ces priorités et ces besoins sont identiques; de veiller à ce que les services et d’autres éléments financés à même ces budgets répondent à différents besoins et donnent suite à diverses priorités.
cadre de développement intégré – un ensemble de principes promulgués par la Banque mondiale afin d’orienter le développement et la réduction de la pauvreté, y compris l’aide extérieure. Ces principes mettent l’accent sur l’interdépendance de toutes les dimensions du développement, soit les dimensions sociales, structurelles, humaines, environnementales, économiques, financières et celle de la gouvernance.
CBMS – système de suivi communautaire de la pauvreté
CECI – Centre d’étude et de coopération internationale, Canada
CEDRES – Centre d’étude, de documentation et de recherche économique et sociale, Université de Ouagadougou, Burkina Faso
CESAP – Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique
commune – village ou entité administrative communale, l’entité administrative de base au Vietnam
CREA – Centre de recherches économiques appliquées, Sénégal
CSPro – Census and Survey Processing System (logiciel de traitement statistique des données d’enquête)
décentralisation – démarche visant à rapprocher le processus décisionnel et la gouvernance de la population ou des citoyens. Il peut s’agir de décentralisation politique, qui donne aux citoyens ou à leurs représentants élus la possibilité de participer davantage à la prise de décisions publiques; de décentralisation administrative, qui a pour effet de redistribuer les pouvoirs, les responsabilités et les ressources financières en vue d’offrir des services publics à divers niveaux de gouvernance; de décentralisation fiscale, qui permet aux administrations locales de produire des recettes et leur confère le pouvoir de prendre des décisions relatives aux dépenses.
déconcentration – au Cambodge, la déconcentration renvoie à la codification du rôle élargi des gouvernements des provinces et des districts. Le pouvoir central leur délègue des activités et met en place des mécanismes de financement à l’appui. La déconcentration dans ce pays a donné lieu à la création, à la réglementation et au soutien d’administrations communales élues (Manor, 1999).
DOLISA – service provincial du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales du Vietnam
DSRP – document de stratégie de réduction de la pauvreté. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale exigent ce document avant de prendre en considération l’allégement de la dette d’un pays dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Y sont décrits les politiques et les programmes sociaux, macroéconomiques et d’ajustement structurel qu’un pays se propose de mettre en place pour favoriser la réduction de la pauvreté et la croissance, ainsi que les besoins en financement extérieur qui y sont liés.
EMICoV – enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie, au Bénin
évaluation rurale participative – approche adoptée par les ONG et d’autres organismes de développement international afin d’intégrer les connaissances et les points de vue des populations locales à la planification et à la gestion des projets et des programmes
HEPR – Program on Hunger Eradication and Poverty Reduction (programme national d’éradication de la faim et de réduction de la pauvreté), au Vietnam
HLSS – Household Living Standard Survey (enquête sur le niveau de vie des ménages), au Vietnam
INSD – Institut national de la statistique et de la démographie, Burkina Faso
kecamatan – sous-division d’une régence ou d’une ville (toutes deux à un niveau inférieur à celui de la province), en Indonésie
kelurahan – village, l’entité administrative de base en Indonésie
LGU – Local Government Unit (entité gouvernementale locale); en vertu du programme de décentralisation des Philippines, la LGU est définie comme l’entité administrative de base dotée de pouvoirs et dont l’autonomie locale est reconnue dans le code de l’administration locale des Philippines (voir www.dilg.gov.ph/LocalGovernmentCode.aspx#b1t1c1)
LLPMS – système de suivi de la pauvreté à l’échelle locale, au Bangladesh
MIMAP – Impacts micros des politiques macroéconomiques et d’ajustement, ancien programme du CRDI
MOLISA – ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales du Vietnam
NAPC – National Anti-Poverty Commission (Commission nationale de lutte contre la pauvreté), Philippines
NIS – National Institute of Statistics (institut national de la statistique), Cambodge
NRDB – Natural Resources Database, base de données mise au point pour la gestion des ressources naturelles
NSC – National Statistics Centre (centre national de la statistique), RDP lao
OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques
ODV – objectifs de développement du Vietnam
OMD – objectifs du Millénaire pour le développement établis par les Nations Unies; tous les pays et les principaux organismes voués au développement dans le monde se sont engagés, en septembre 2000, à atteindre ces huit objectifs, qui vont de la réduction de moitié de l’extrême pauvreté à la lutte contre la propagation du VIH/sida en passant par l’éducation primaire pour tous d’ici à 2015.
ONG – organisation non gouvernementale
PNUD – Programme des Nations Unies pour le développement
PPDO – Provincial Planning and Development Office (bureau provincial de la planification et du développement), Philippines
programme Seila – créé afin de mobiliser et de coordonner l’aide requise dans le cadre de la double réforme de décentralisation et de déconcentration entreprise par le Cambodge; créé en 1999, le programme a pris fin en 2006.
programmes d’ajustement structurel – politiques économiques auxquelles les pays sont tenus d’adhérer pour être admissibles à de nouveaux prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international en vue de rembourser d’anciennes dettes contractées auprès de banques commerciales, de gouvernements et de la Banque mondiale. Ces politiques partagent des caractéristiques et des principes directeurs communs tels que la croissance induite par les exportations, la privatisation, la libéralisation des échanges et l’efficacité du marché libre.
suivi et évaluation participatifs (SEP) – mécanisme permettant à des parties prenantes de divers horizons de prendre part au suivi ou à l’évaluation d’une politique, d’un projet ou d’un programme; d’avoir un droit de regard sur son contenu, son déroulement et ses résultats; de participer à la détermination ou à la mise en oeuvre de mesures correctives.
seuil de pauvreté – revenu minimum jugé nécessaire pour avoir un niveau de vie convenable dans un pays donné. Suivant la définition de la Banque mondiale, l’extrême pauvreté consiste à vivre avec moins de 1,25 USD par jour (selon les prix de 2005, rajustés pour tenir compte des plus récentes différences de pouvoir d’achat entre les pays).
SIG – système d’information géographique
subsidiarité – principe selon lequel toute question doit être traitée par l’entité administrative de base ou l’autorité compétente de rang inférieur
union parishad – troisième niveau de l’administration locale au Bangladesh regroupant plusieurs conseils de village (gram parishads)
upazila – sous-district ou niveau intermédiaire de l’administration locale au Bangladesh, adopté lors de la décentralisation du milieu des années 1980
Tous les documents d’information présentés aux réunions générales du Réseau de recherche sur les politiques économiques et la pauvreté (réseau PEP) et divers autres rapports et documents de travail du réseau PEP et du sous-réseau CBMS mentionnés dans cette annexe peuvent être consultés sur le site Web du réseau PEP (www.pep-net.org). On trouve de nombreux autres documents pertinents et rapports de recherche CBMS sur le site Web de MIMAP (www.idrc.ca/en/ev-6824-201-1-DO_TOPIC.html) et dans la bibliothèque numérique du CRDI sous Mondialisation, croissance et pauvreté (idl-bnc.idrc.ca/dspace/handle/123456789/33620).
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Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) est une société d’État créée par le Parlement du Canada en 1970 pour aider les chercheurs et les collectivités des pays en développement à trouver des solutions viables aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels ils font face. Le soutien du CRDI sert en particulier à consolider les capacités de recherche locales afin d’appuyer les politiques et les technologies susceptibles de contribuer à l’édification, dans les pays en développement, de sociétés en meilleure santé, plus équitables et plus prospères.
Les Éditions du CRDI publient les résultats de travaux de recherche et d’études sur des questions mondiales et régionales intéressant le développement durable et équitable. Les Éditions du CRDI enrichissent les connaissances sur ces questions et favorisent ainsi une meilleure compréhension et une plus grande équité dans le monde. Le catalogue des Éditions du CRDI contient la liste de tous les titres offerts (voir www.crdi.ca/livres).