Systèmes alimentaires et sécurité alimentaire à l’heure des confinements obligatoires : aperçu de l’Afrique subsaharienne

Dix projets financés par le CRDI permettent de mieux comprendre les répercussions des confinements obligatoires sur les systèmes alimentaires en Afrique subsaharienne. De septembre 2020 à février 2021, les projets financés par le CRDI ont étudié les répercussions des mesures de contrôle liées à la COVID-19 sur les systèmes alimentaires et la sécurité alimentaire en Afrique, tant à l’échelle régionale que nationale. Les conclusions de ces initiatives permettront d’éclairer les futures stratégies gouvernementales visant à préserver la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance locaux.
Dans toute l’Afrique, les mesures de confinement obligatoire visant à limiter la propagation de la COVID-19 ont eu de graves répercussions sur les systèmes alimentaires régionaux. En limitant la circulation des personnes et des produits agricoles, les systèmes alimentaires essentiels ont été perturbés ou se sont arrêtés. De la production à la consommation, l’accès aux intrants agricoles, à la main-d’œuvre rémunérée et aux marchés, a été perturbé – ou entièrement arrêté – ce qui a eu une incidence sur tous les acteurs de la chaîne de valeur alimentaire, en particulier les femmes.
Les petits exploitants agricoles ont été les plus touchés par les mesures de confinement obligatoire, en particulier les ménages à faible revenu et ceux dirigés par des femmes. Nombre d’entre eux ont été contraints d’épuiser leurs économies personnelles ou de vendre des biens agricoles essentiels, tels que des animaux et des machines, ce qui aura sans aucun doute des répercussions sur le potentiel de production des saisons suivantes et entraînera des pièges de pauvreté. Pour les producteurs de denrées alimentaires, un autre sujet de préoccupation majeur était l’accès réduit aux exploitations agricoles et aux sites de pêche, ainsi qu’aux intrants agricoles et à la main-d’œuvre essentiels. Les effets d’entraînement comprennent la baisse des rendements et des revenus. Pour les transformateurs, la disponibilité limitée de produits frais et l’impossibilité de se rendre sur les marchés agricoles importants ont également entraîné une diminution des moyens de subsistance et des revenus.
Dans le secteur alimentaire non structuré, qui est dominé par les femmes et les jeunes exerçant des activités de vendeurs ambulants de produits alimentaires et transporteurs de produits agricoles, par exemple, les restrictions liées à la pandémie ont exacerbé les inégalités existantes et créé de nouveaux défis. Incapables d’obtenir des permis de travail officiels, dans certains cas, ces groupes ont été confrontés au dilemme suivant : exercer une activité illégalement ou fermer et ne pas gagner de revenu. Avec la fermeture des écoles, les femmes ont dû relever le défi supplémentaire de l’éducation à la maison de leurs enfants et de l’alimentation de leur famille avec un revenu réduit.
Dans l’ensemble, la pandémie et les mesures de confinement qui ont suivi ont mis en évidence la vulnérabilité des systèmes alimentaires et des moyens de subsistance de ceux qui y travaillent, en Afrique subsaharienne. Le blocage des chaînes de valeur agricoles a entraîné une hausse des prix de détail des denrées alimentaires qui, combinée à la baisse des revenus, a obligé les ménages à réduire la quantité et la qualité de leur consommation alimentaire. Et ce, alors que beaucoup étaient déjà confrontés à l’insécurité alimentaire avant la pandémie.
Les chocs d’approvisionnement et l’inflation touchant les principaux intrants agricoles, tels que les engrais et les semences, ainsi que les pénuries prolongées de main-d’œuvre, ont réduit les récoltes et mis en péril les emplois et les moyens de subsistance. La perte d’emplois et de revenus a également entravé le fonctionnement et la croissance des entreprises agricoles tout le long de la chaîne de valeur, de la transformation alimentaire informelle et du transport transfrontalier à la vente en gros et au commerce international. Les jeunes travaillant dans le secteur agricole ont subi d’importants revers et ont eu du mal à maintenir leurs entreprises agricoles à flot sans mentorat.
Les mesures de confinement obligatoire liées à la COVID-19 ont également amplifié les questions relatives à l’autonomisation des femmes et aux relations entre les sexes. Les femmes entrepreneurs et les coopératives exclusivement féminines ont eu accès à moins de structures de soutien que les hommes et, les femmes étant plus nombreuses que les hommes à exercer un travail informel, elles ont été plus durement touchées par les mesures de restriction liées aux permis et les restrictions de voyages.
Sur la base des résultats de leurs travaux, les équipes de projet ont dressé la liste suivante de neuf recommandations clés pour atténuer les répercussions des futures pandémies et renforcer la sécurité alimentaire et la résilience en Afrique :
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Les gouvernements doivent veiller à ce que les activités agricoles ne soient pas gravement touchées par les conséquences involontaires des mesures de confinement, afin de permettre le maintien de niveaux habituels de production alimentaire.
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Dans l’éventualité de futures pandémies, les gouvernements devront apporter un soutien financier aux petites exploitations agricoles, aux petits pêcheurs, aux petits transformateurs et aux petits commerçants afin qu’ils puissent poursuivre leur travail, et afin d’éviter ou de minimiser les perturbations importantes de la chaîne de valeur.
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Le renforcement de la résilience du système alimentaire dans le cadre d’un confinement pourrait contribuer à éviter les perturbations des processus de production alimentaire. Par exemple, la distribution organisée d’intrants agricoles à faible coût dans les zones rurales permettrait aux agriculteurs de continuer à optimiser leurs rendements. De plus, la mise à disposition d’installations adéquates d’entreposage d’aliments pour les récoltes permettrait de minimiser les pertes alimentaires après récolte.
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Des mesures de distanciation sociale doivent être mises en œuvre sur les marchés alimentaires pour leur permettre de rester ouverts, et pour permettre aux agriculteurs et aux commerçants d’accéder aux intrants et de vendre leurs produits.
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Les coopératives devraient bénéficier d’un soutien gouvernemental plus important lors des futures pandémies afin qu’elles puissent soutenir la résilience locale – pendant et après le choc – en fournissant aux membres des revenus et une sécurité alimentaire.
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En général, on ne reconnaît pas suffisamment le secteur informel comme faisant partie de l’économie et du système alimentaire plus larges en Afrique. Les décideurs politiques devraient reconnaître le rôle que les commerçants informels jouent sur le marché alimentaire et communiquer avec les associations commerciales lors des futures crises afin de les conseiller sur les défis pertinents.
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La stratégie de réponse aux pandémies devrait être révisée pour permettre une atténuation à l’échelle communautaire, ce qui permettrait la poursuite de la circulation des personnes et des biens entre les pays.
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Des mesures d’atténuation pour les entreprises devraient être mises en place, notamment la renonciation aux permis d’exploitation d’un commerce. Le déplacement des emplacements des marchés vers des espaces plus ouverts leur permettrait de continuer à mener leurs activités lors de futures pandémies.
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Les partenaires du développement, les décideurs politiques et les équipes de relance post-COVID-19 doivent accorder la priorité aux besoins des femmes du secteur informel pour les aider à récupérer leurs entreprises et à réduire les écarts de pauvreté.