Se rétablir de la COVID-19 : les arguments en faveur d’un investissement dans la garde d’enfants

En 2020, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a déclaré que la pandémie mondiale « pourrait inverser les progrès limités qui ont été réalisés en matière d’égalité des genres et de droits des femmes » au cours des 25 dernières années. Avant même le début de la COVID-19, l’Organisation internationale du travail (OIT) avait mis en garde contre une grave crise des soins, avec quelque 1,9 milliard d’enfants de moins de 15 ans – dont 800 millions d’enfants de moins de 6 ans – ayant besoin de soins.
La garde d’enfants doit être abordée dans le cadre des plans de relance après la COVID-19, à la fois pour faire progresser l’égalité des sexes et parce que c’est logique sur le plan fiscal. En plus de réduire la charge indue en matière de soins, des services de garde d’enfants abordables et de qualité permettent aux mères de participer au marché du travail et créent des emplois pour les femmes dans le secteur des services de garde d’enfants.
Un récent examen des données disponibles, appuyé par l’initiative Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes – Afrique de l’Est, montre que la pandémie a aggravé la crise en matière de services de garde et creusé les écarts entre les sexes. Il souligne le coût élevé de l’inaction, en mettant l’accent sur les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, et propose des solutions aux gouvernements, aux bailleurs de fonds et aux employeurs.
Le coût de l’inaction : inverser les progrès réalisés par les femmes
Les effets de la COVID-19 sur l’autonomisation économique des femmes peuvent être observés sur quatre axes principaux :
- La perturbation de l’éducation et de l’apprentissage précoce
- La menace existentielle qui pèse sur le secteur des services de garde d’enfants
- L’augmentation de la charge des soins ménagers
- La perte d’emploi et de revenus
L’ Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture estime que 1,5 milliard d’enfants d’âge scolaire dans le monde ont été touchés par les fermetures d’écoles liées à la COVID-19. Simultanément, les exigences d’éloignement et d’hygiène, et le besoin d’équipements de protection individuelle ont augmenté les coûts des opérations de garde d’enfants, tandis que la demande a diminué en raison du confinement obligatoire et des craintes d’infection.
Si les femmes et les hommes consacrent plus de temps à la garde des enfants, la majeure partie de ce temps additionnel revient aux femmes et aux adolescentes, ce qui renforce les normes préexistantes en matière de sexospécificité. Les fermetures d’écoles creusent également les écarts entre les sexes en matière d’accès à l’éducation, car de plus en plus de filles perdent du temps d’étude pour s’occuper de leurs frères et soeurs. Nombre d’entre elles pourraient ne pas retourner à l’école après la COVID-19 en raison de l’augmentation des niveaux de pauvreté, de l’entrée précoce sur le marché du travail, ou des mariages et grossesses précoces, comme on l’a vu après l’épidémie d’Ebola.
La COVID-19 a également entraîné des pertes d’emploi plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Les enquêtes de l’OIT sur la main-d’oeuvre montrent une baisse significative de l’emploi au deuxième trimestre de 2020 par rapport à l’année précédente – avec un déclin plus marqué pour les femmes que pour les hommes dans la plupart des pays. Ce déclin peut être attribué au fait que davantage de femmes quittent leur emploi pour s’occuper de leurs enfants, et que les femmes sont plus susceptibles de travailler dans le commerce de détail et les services de restauration. Le secteur des services de garde d’enfants, y compris les centres et les travailleurs domestiques dans les maisons privées, est en grande partie féminin. Les personnes qui sont toujours employées travaillent plus longtemps et sont plus vulnérables aux mauvais traitements des employeurs.
Dans l’ensemble, les personnes les plus touchées par la pandémie sont les travailleurs informels – principalement des femmes – dont le travail était déjà moins sûr, et dont les avantages et les protections pour amortir leur perte de revenus sont peu nombreux.
Pourtant, Amnistie internationale constate que les services de garde d’enfants et le travail non rémunéré restent absents des plans de relance et des mesures d’urgence annoncés. En fait, une analyse d’Oxfam en 2020 permet de constater que 84 % des prêts liés à la COVID-19 du Fonds monétaire international encouragent, et dans certains cas obligent, les pays pauvres à adopter des mesures d’austérité plus strictes, susceptibles de désavantager de manière disproportionnée les pauvres et les femmes, dont le travail de soins non rémunéré doit compenser les lacunes dans l’accès aux services sociaux.
Que peut-on faire ?
Les solutions présentées ici s’inspirent des « 5R des soins » de l’OIT : reconnaître, réduire, et redistribuer le travail de soins non rémunéré, et augmenter les récompenses et la représentation des travailleurs rémunérés dans le domaine des soins. Bien que nombre de ces recommandations ne soient pas nouvelles, elles sont plus importantes que jamais à l’heure où les économies se remettent de la pandémie.
Aller de l’avant : intégrer la garde d’enfants à notre relance après la COVID-19
Lorsque les pays sortent de la phase de réponse, ils sont confrontés à des choix difficiles pour faire face aux coûts de la relance. L’imposition de mesures d’austérité pour réduire la dette est une tentation évidente, mais elle aurait un coût énorme pour les systèmes de santé, d’éducation et de garde d’enfants qui se sont avérés essentiels à notre résilience et aux progrès en matière d’égalité des genres.
Investir dans la garde d’enfants – et, plus largement, dans les soins – facilitera une reprise plus inclusive. Ces investissements peuvent avoir un effet direct en stimulant l’emploi et le maintien de l’emploi dans le secteur des soins, tout en atténuant les contraintes liées aux soins qui empêchent les femmes de travailler. Il faudra mobiliser des ressources publiques et privées et, dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, l’aide étrangère :
- Les gouvernements doivent se tourner vers des sources de financement innovantes, telles que de nouvelles formes d’imposition et de nouvelles programmations conjointes avec les ONG et les partenaires du secteur privé. Le secteur privé doit adopter des politiques et des dispositions favorables à la famille en milieu de travail afin de répondre aux besoins des employés en matière de garde d’enfants.
- Les bailleurs de fonds et les institutions financières internationales doivent s’assurer que la garde d’enfants est abordée de manière holistique dans tous les plans de relance et d’aide fiscale liés à la COVID-19 et destinés aux pays.
Ce document a été produit en partenariat par CRDI, Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes – Afrique de l’Est, la Fondation Bill et Melinda Gates, FemDev et l’Initiative for What Works to Advance Women and Girls in the Economy (IWWAGE), créée par LEAD à l’université de Krea.
Lire l’examen des données disponibles complet
Lire le résumé de la politique
Nous avons lancé cet examen des données probantes le 8 mars 2021, lors de notre événement « La COVID-19 et la crise touchant le travail de soins. » Visionnez l’enregistrement.
Recommandations pour faire face à la crise en matière de services de garde exacerbée par la COVID-19
- Investir dans des services publics adaptés à la sexospécificité
- Réouverture des écoles et des garderies en toute sécurité
- Aider les familles à faire face à la charge accrue en matière de soins
- Contribuer à modifier les normes sociales en matière de garde d’enfants
- Améliorer le financement public et privé du secteur des services de garde d’enfants
- Améliorer le soutien aux travailleurs du secteur des services de garde d’enfants
- Inclure les travailleurs du secteur des services de garde d’enfants dans la prise de décision concernant la réponse à la COVID-19
- Renforcer leur droit à l’action collective