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Santé reproductive et lutte contre les VBG au Sénégal : La campagne de Sokhna pour l’inclusion des personnes en situation de handicap

 

Les violences basées sur le genre (VBG), préoccupantes dans le contexte sénégalais, prennent une dimension encore plus alarmante lorsqu’elles touchent les adolescentes en situation de handicap. Souvent reléguées en marge de la société, ces jeunes filles se heurtent à des obstacles physiques et émotionnels, exacerbés par le poids des normes socioculturelles qui entravent leur accès à des services de santé reproductive adéquats.

Dans la fraîcheur d’un samedi matin à Thiès, au Sénégal, le soleil levant baigne la terre de sa lumière dorée, illuminant la poussière qui s’élève à l’ombre d’une petite maison. L’esprit résilient de ses habitantes y est palpable. Parmi elles, Sokhna Mbène Dianka. Atteinte à l’âge de 9 ans d’une maladie, elle avait compris que son parcours de vie sortirait de l’ordinaire. Le monde voulait que je ne sois qu’une ombre, mais j’ai décidé d’être une lumière », révèle-t-elle des années plus tard.

Au Sénégal, l’accès à l’information et aux services de santé reproductive pour les adolescentes et adolescents (SRA) est un défi prégnant. Une situation plus critique pour les personnes en situation de handicap qui, sont souvent confrontées à la discrimination, à la stigmatisation et à la marginalisation. De nombreux obstacles se dressent sur leur chemin, notamment l’absence d’installations adaptées aux différents handicaps dans les centres de santé, le manque de supports de communication pour celles et ceux ayant des déficiences auditives ou visuelles et une préparation insuffisante des professionnelles et professionnels de la santé pour répondre à leurs besoins spécifiques.

Ces barrières sont exacerbées par des perceptions traditionnelles qui tendent encore aujourd’hui à marginaliser ou à stigmatiser les personnes en situation de handicap. Ceci a pour conséquence de les priver d’une éducation à la sexualité et de limiter leur accès à des services essentiels en matière de santé reproductive. La dynamique complexe entre âge, sexe et handicap influence également l’approche de cette problématique. 

Autrefois stigmatisée et marginalisée en raison de son handicap physique, Sokhna lutte aujourd’hui contre ces préjugés et pratiques discriminatoires pour prouver que le changement est possible et urgent.

Au-delà du handicap : une double vulnérabilité

Selon les Nations Unies (NU), les enfants vivant avec un handicap ont près de quatre fois plus de risques de subir des violences que les enfants non handicapés. Et la Rapporteuse spéciale de l’OMS sur les droits des personnes handicapées d’alerter : « … le risque est systématiquement plus élevé dans le cas des filles sourdes, aveugles et autistes, des filles atteintes d’un handicap psychosocial et intellectuel, et des filles présentant des déficiences multiples ».

Leur accès aux centres de santé est souvent compliqué à cause de la distance et du manque de moyens de transport adaptés et abordables. De plus, la plupart de ces centres sont dépourvus d’installations telles que des rampes pour les personnes à mobilité réduite ou des ressources en braille pour les personnes malvoyantes. Ce qui restreint davantage la possibilité pour ces patientes en situation de handicap, de recevoir des soins appropriés en toute confidentialité.

Les obstacles que Sokhna a rencontrés tout au long de sa vie reflètent les épreuves quotidiennes de nombreuses adolescentes vivant avec un handicap. « Quand on parle de santé reproductive, les droits des adolescentes et adolescents en situation de handicap ne sont ni respectés, ni protégés, ni garantis », déplore Sokhna.

Au Sénégal, une étude réalisée par l’African Child Policy Forum révèle que dans certains cas, la stigmatisation découlant des normes socioculturelles a poussé certaines familles à dissimuler leurs enfants en situation de handicap ou à les exclure de l’éducation formelle et de la vie communautaire.

Les mythes et tabous, renforcés par les stéréotypes sur la sexualité des adolescentes en situation d’handicap, illustrent la nécessité d’actions concrètes basées sur des données probantes pour remédier à ces injustices.

La riposte à l’exclusion

Sokhna a commencé son combat à l’école Mamadou Dia à Thiès qui, à l’instar de la plupart des établissements scolaires, est peu adaptée aux besoins des élèves en situation de handicap. Transformant le rejet et la stigmatisation en un élan de changement, elle a su mobiliser ses pairs pour combattre les exclusions dont sont victimes ces enfants en situation de handicap.

Déterminée, Sokhna insiste : « Nous ne demandons pas la pitié, mais l’égalité des chances afin de prendre soin de notre santé et de notre bien-être. L’éducation et les services de santé reproductive doivent être accessibles à tous, quel que soit le handicap ».

Il y a aujourd’hui un besoin pressant de données et d’approches programmatiques pour saisir l’ampleur de cette problématique et y répondre efficacement. C’est dans ce contexte que le programme « Amélioration de la santé de la reproduction des adolescentes au Sénégal » (ADOS), soutenu par le CRDI et Affaires mondiales Canada (AMC), a impulsé le début d’un changement palpable.

Axé sur le renforcement des capacités des adolescentes et adolescents à revendiquer leurs droits à une meilleure santé reproductive, la sensibilisation des décideurs politiques à leurs besoins et la lutte contre les VBG, ADOS vise notamment à rendre disponibles des données probantes sur les interactions entre la SRA et les VBG. Cela contribue à influencer le processus décisionnel et la mise en place de politiques et programmes spécifiques en matière de SRA et de protection des adolescentes.

Le programme a également permis la formation des professionnelles et professionnels de la santé sur l’importance d’une approche inclusive. Ce qui les rend plus sensibles dans la prise en compte des besoins spécifiques des adolescentes en situation de handicap. Ainsi, plutôt que de se limiter à la simple mise à disposition de services, ADOS œuvre activement à déconstruire les stéréotypes associés à la santé reproductive des personnes vulnérables.

Une voix pour le changement 

« Chaque individu, qu’il soit atteint d’un handicap ou pas, a droit à l’information, à la protection et à la dignité en matière de santé reproductive »,martèle Sokhna. Son engagement auprès du Réseau Jeunesse, Population et Développement du Sénégal (RESOPOPDEV) – qui vise à faciliter l’accès aux services de santé reproductive, l’éducation, la formation, le leadership des jeunes ainsi que l’entrepreneuriat comme solution alternative à la migration – a été renforcé grâce à la collaboration entre les deux organisations.

En effet, la visibilité qu’offre le programme a permis d’amplifier les voix des adolescentes et adolescents et d’élever leur plaidoyer à un niveau supérieur. Sokhna, pour sa part, multiplie ses interventions inspirantes dans les médias et des rencontres avec décideurs politiques et professionnelles et professionnels de la santé en vue de promouvoir cette cause. Les campagnes de sensibilisation, menées en collaboration avec des partenaires locaux, ont également joué un rôle crucial dans la reconnaissance accrue des droits des personnes en situation de handicap à une santé reproductive adéquate.

En outre, ADOS a servi de catalyseur à la transformation d’une jeune fille, autrefois marginalisée, en une leader influente pour la cause des personnes dont les droits à la santé reproductive sont bafoués. Grâce au Programme, des opportunités et des plateformes s’offrent à elle pour raconter son histoire et militer en faveur de l’inclusion. Aujourd’hui, Sokhna et ses pairs ne sont plus de simples spectateurs ; ils sont devenus les acteurs de leur propre changement.

Leur plaidoyer vise à la baisse des VBG et l’intégration des résultats du programme dans la formulation de politiques publiques d’accessibilité, notamment au niveau local. Le résultat ultime serait une meilleure disponibilité des services de la SRA ainsi que la mise à disposition d’infrastructures sanitaires adaptées aux besoins des personnes vivant avec un handicap dans des établissements scolaires.

Vers une société plus inclusive

L’engagement ferme de Sokhna a mis en évidence les défis essentiels relatifs aux VBG et à la santé reproductive des adolescentes en situation de handicap. Cependant, au-delà de l’accès aux services de santé, elle mène un combat pour les droits fondamentaux, la dignité et l’égalité pour toutes et tous.

« Je rêve d’un Sénégal où la présence d’un handicap ne construit pas des murs, mais incite chacun d’entre nous à édifier des ponts vers l’inclusion dans l’accès aux services de santé reproductive », déclare Sokhna Dianka en soulignant la nécessité d’une accessibilité universelle. Sa vision nous rappelle que ces enjeux, trop souvent relégués au second plan, méritent une prise de conscience et des actions concrètes.

Grâce au soutien du CRDI et d’AMC, le RESOPOPDEV a effectué un travail remarquable sur le terrain. Il a notamment joué un rôle clé dans la transformation des normes sociales au Sénégal, tout en sensibilisant davantage la population à ces enjeux. Les changements significatifs amorcés par ADOS sont indéniables. L’objectif ultime demeure : garantir à chaque individu, indépendamment de son handicap, un accès équitable à des services de santé reproductive de qualité et renforcer la protection contre les violences basées sur le genre.