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Relever les défis de la pandémie de COVID-19 au Myanmar

 

La pandémie de COVID-19 et ses impacts socioéconomiques viennent s’ajouter à un processus de démocratisation déjà délicat au Myanmar. De nombreux chercheurs du pays relèvent ce nouveau défi pour s’assurer que les gains en matière de santé, d’économie et de participation politique ne soient pas perdus.

Chaque pays a besoin de sa propre communauté de think tanks, d’universités et d’organisations de la société civile qui puisse produire des données probantes pour éclairer les prises de décisions, en particulier en temps de crise. L’initiative du savoir au service de la démocratie au Myanmar, un partenariat de cinq ans entre le CRDI et Affaires mondiales Canada, soutient la croissance de cette communauté au Myanmar. Pendant la pandémie de COVID-19, les partenaires de recherche de l’initiative se sont concentrés sur des questions particulièrement pertinentes pour les décideurs politiques.

Au cours des derniers mois, ces partenaires ont enquêté et fait un travail de sensibilisation sur les questions liées à COVID-19, telles que le retour des travailleurs migrants, le ralentissement de l’industrie du vêtement, l’augmentation de la violence familiale et les impacts sur la réforme démocratique et le processus de consolidation de la paix. Cette recherche rapide et pertinente au niveau national est essentielle pour apporter des réponses politiques efficaces aux chocs externes comme la pandémie.

Faits saillants

Les chercheurs du Myanmar se concentrent sur des questions particulièrement pertinentes pour les décideurs politiques et communiquent les résultats de ces recherches pendant la pandémie de COVID-19. Parmi ces questions, mentionnons :

  • les impacts sanitaires et économiques des travailleurs migrants de retour au pays;

  • les femmes qui perdent leur emploi dans les secteurs économiques les plus touchés par la pandémie de COVID-19;

  • l’augmentation de la violence familiale;

  • la propagation de la désinformation et les embargos médiatiques. 

Les défis sanitaires et économiques des migrants de retour

Par rapport à de nombreux pays, la COVID-19 a pris du temps à s’implanter au Myanmar. Le 3 juillet 2020, le site Web du ministère de la Santé et des Sports faisait état de 306 cas de COVID-19 et de six décès à l’échelle nationale. Toutefois, le Myanmar est un fournisseur important de main-d’oeuvre migrante pour les pays voisins et tout mouvement de personnes entrant au pays ou en sortant présente un risque important.

Le Centre pour le développement économique et social, un bénéficiaire de l’Initiative du savoir au service de la démocratie au Myanmar, signale que les travailleurs migrants qui reviennent d’autres pays présentent des défis sanitaires et économiques aux décideurs politiques. Leur retour exerce une pression économique sur les ménages qui dépendent de l’argent qu’ils ont envoyé chez eux. Les recherches du Centre montrent que dans certains ménages de l’État de Mon, par exemple, les envois de fonds représentent 25 % du revenu familial. Au retour, les migrants risquent également de répandre la COVID-19 dans la population. Zaw Oo, le directeur exécutif du centre, affirme dans le Myanmar Times que les réponses politiques ne tiennent pas compte des besoins particuliers des migrants, qui peuvent être plus exposés à la COVID-19, risquent de perdre leurs moyens de subsistance et dont les déplacements en flux importants pourraient propager davantage le virus. Les migrants doivent être considérés comme un groupe unique, tant pour des raisons humanitaires que pour leur contribution essentielle aux revenus des ménages.

Pertes d’emplois chez les femmes

Sur le plan économique, la pandémie frappe tout particulièrement le secteur manufacturier, en particulier celui de la confection, qui emploie des milliers de travailleuses migrantes dans des usines à Yangon et ailleurs. En effet, la demande de vêtements fabriqués au Myanmar s’est effondrée dans le monde entier. Les restrictions relatives à la COVID-19 ont affecté les chaînes de production, en commençant par la perturbation de la demande de la Chine et d’autres pays asiatiques, suivie par l’épuisement de la demande de l’Europe une fois que le virus s’y est propagé.

Le Myanmar n’a pas la capacité de déployer le type d’interventions économiques en vigueur au Canada et dans l’Union européenne pour atténuer les effets des mesures de prévention de la COVID-19 sur l’emploi. La main-d’oeuvre du Myanmar est donc exposée à des difficultés.

Le Centre pour le développement économique et social travaille en étroite collaboration avec le gouvernement afin de développer une stratégie à long terme pour le secteur de l’habillement tout en essayant de mettre en place un programme de protection sociale transitoire pour les travailleurs et travailleuses, qui pour la plupart sont des femmes. L’Union européenne a offert 8 millions de dollars canadiens de financement d’urgence pour les travailleurs de l’habillement du Myanmar; le fonds Myan Ku (« réponse rapide » en birman) verse directement de l’argent comptant aux travailleurs licenciés pour les aider à traverser cette crise.

Les gains en matière d’égalité des sexes sont menacés

Les think tanks et les réseaux locaux préconisent des mesures visant à garantir que la crise sanitaire ne porte pas atteinte aux droits des femmes en érodant les progrès réalisés ces dernières années.

Les femmes constituent la grande majorité des victimes de la violence familiale, qui est en augmentation dans tout le pays - une tendance qui se confirme à l’échelle mondiale. Selon la Legal Clinic Myanmar, les cas de violence familiale sont plus fréquents depuis que les ordonnances de confinement et de couvre-feu sont en vigueur. Le ministère de la Protection sociale, du Secours et de la Réinstallation a créé une ligne d’assistance téléphonique ouverte 24 heures sur 24 pour signaler les plaintes et donner accès à des services de conseil.

Les partenaires de recherche de l’Initiative du savoir au service de la démocratie au Myanmar alertent le public par des campagnes et des activités de sensibilisation en ligne. Par exemple, la Enlightened Myanmar Research Foundation communique avec les électeurs par le biais du bulletin mensuel Sa Voix pour souligner l’importance d’inclure les femmes dans les réponses du gouvernement à la pandémie. La fondation souligne que les femmes sont exposées à un risque disproportionné parce qu’elles travaillent en plus de s’occuper des soins à domicile et dans les établissements de santé. Le Gender Equality Network, un autre bénéficiaire de l’initiative, organise régulièrement des événements sur Facebook pour sensibiliser à la violence familiale pendant la pandémie.

Menaces pour les réformes démocratiques et la consolidation de la paix

Les progrès dans les principaux domaines de transition risquent de stagner pendant la pandémie, notamment les efforts visant à améliorer l’accès à des sources d’information actualisées, indépendantes et crédibles. Par exemple, tous les opérateurs de télécommunications du Myanmar se conforment à une coupure d’Internet imposée par le gouvernement pour certaines parties de l’ouest du pays. Les recherches financées par le CRDI sur la désinformation ont montré la nécessité d’un accès plus libre et plus large à l’information sur la propagation de la violence et de la pandémie dans les communautés vulnérables, non seulement au Myanmar, mais aussi au Bangladesh voisin.

Dans une interview aux médias internationaux, Min Zaw Oo, directeur exécutif du Myanmar Institute for Peace and Security, a déclaré que le processus de paix du pays et un éventuel cessez-le-feu sont sérieusement menacés par la COVID-19. Malgré la récente interdiction de voyager pour les services d’information indépendants dans l’État de Rakhine, ce think tank continue de fournir des informations en temps utile et de surveiller le conflit dans tout le Myanmar avec son examen annuel. L’institut conserve des ensembles de données précieuses, comme les cas de violence communautaire, qui aident les chercheurs à comprendre les fluctuations de l’intensité du conflit pendant la pandémie.

Alors que le Myanmar s’apprête à franchir une nouvelle étape dans sa transformation démocratique - le pays tiendra ses deuxièmes élections générales plus tard cette l’année - la pandémie de COVID-19 constitue un test important. Les partenaires de recherche de Knowledge for Democracy Myanmar sont dynamisés par la possibilité de mobiliser la population avec des faits, des analyses et des actions en ce moment critique. Face à la pandémie, ils continuent à faire preuve d’une détermination sans faille pour faire progresser la transformation démocratique du Myanmar.