Reconnaissance et respect de la médecine traditionnelle
1 février 2011
Nulle part ailleurs dans le monde, le sida n’a d’effets plus dévastateurs qu’en Afrique. Des dizaines de millions de personnes sur ce continent sont séropositives. Les traitements coûteux mis au point par l’industrie pharmaceutique dans le Nord sont trop dispendieux pour la majorité des Africains et ne sont, du reste, pas disponibles partout. Aussi n’est-il pas étonnant que la plupart des personnes atteintes fassent appel aux guérisseurs pour les aider à combattre cette maladie. Malgré le scepticisme affiché par plusieurs, certaines indications montrent que les remèdes à base de plantes offerts par ces guérisseurs seraient non seulement à la portée de toutes les bourses, mais également d’une grande efficacité, selon le docteur Sekagya Yahaya Hills qui, en Ouganda, pratique à la fois comme dentiste moderne et guérisseur traditionnel.
Le docteur Hills a parlé au Symposium international sur la biodiversité et la santé, tenu à Ottawa en octobre 2003, des travaux de PRO.ME.TRA, organisation internationale pour la préservation et la restauration des médecines traditionnelles. Des études à long terme comparant diverses plantes médicinales africaines ont donné des résultats probants et PRO.ME.TRA a déjà présenté cinq demandes de brevet pour l’utilisation de plantes médicinales dans le traitement du sida. (Voir l'encadré Une nouvelle piste pour le traitement du sida)
Selon le docteur Hills, la Déclaration des guérisseurs traditionnels — qu’il a présentée à la 13e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, tenue à Nairobi en septembre 2003 — résume bien le rôle de la médecine traditionnelle en Afrique. « À titre de guérisseurs traditionnels, nous sommes les prestataires des soins de santé les plus accessibles et en qui les membres de nos collectivités ont le plus confiance », peut-on lire dans la déclaration. « Nous avons acquis une vaste et précieuse expérience dans le traitement des maladies apparentées au sida et nous acceptons la lourde responsabilité de continuer à le faire. »
La déclaration recommande également de faire une place aux guérisseurs traditionnels dans la recherche sur le sida, d’accroître la collaboration entre médecine classique et médecine traditionnelle et d’inclure dans le traitement et les soins de santé prodigués aux sidéens des thérapeutiques traditionnelles sûres et efficaces.
Un système accessible et abordable
Le VIH et le sida sont loin d’être les seules maladies pour lesquelles on consulte les guérisseurs traditionnels. La grande majorité des Africains ont régulièrement recours à leurs services pour leurs soins primaires. Selon une étude menée en Afrique subsaharienne, le pourcentage de fréquentation des guérisseurs traditionnels dans cette région atteindrait 85 %. Pour sa part, François Gasengayire, spécialiste en matière de biodiversité et médecine traditionnelle du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), établi à Nairobi, fait valoir qu’en Afrique australe, il y a un guérisseur pour 200 personnes, soit un ratio médecin-patient de beaucoup supérieur à celui qui existe en Amérique du Nord.
Reconnaissant que la médecine traditionnelle est « le système de soins de santé le plus facilement accessible et le plus abordable pour la plupart des Africains ruraux », l’Organisation de l'unité africaine (qui a donné naissance à l’Union africaine) instituait la période 2001-2010 Décennie de la médecine traditionnelle en Afrique. L’initiative a pour objectif de rassembler tous les intervenants afin de « mettre à la disposition de la vaste majorité du peuple africain des pratiques médicales et des plantes médicinales traditionnelles sûres, efficaces, abordables et de grande qualité ». L’Organisation mondiale de la Santé et le CRDI, entre autres organismes, appuient cet objectif. Le CRDI a joué un rôle de premier plan dans le processus menant à l’institution de la Décennie de la médecine traditionnelle en Afrique.
Brian Davy, spécialiste principal de programmes au CRDI, précise : « C’est là une décision essentielle à la santé des populations du continent africain qui sont largement tributaires de la médecine traditionnelle et des plantes médicinales. » Le doteur Philippe Rasoanaivo, chargé du dossier de la médecine traditionnelle au ministère de la Santé de Madagascar, est aussi de cet avis. « L’instauration de cette décennie a incité au développement d’un programme de médecine traditionnelle à Madagascar », affirme-t-il.
Ce programme englobe l’ébauche d’une politique nationale sur la médecine traditionnelle, l’inclusion d’un volet médecine traditionnelle dans le plan d’activités du ministère de la Santé, et la création d’un comité de scientifiques et d’avocats chargés de l’élaboration de lois et de règlements relatifs à la médecine traditionnelle. En outre, un inventaire informatisé des plantes médicinales et aromatiques du pays a été préparé grâce au financement du CRDI. Cet inventaire, qui répertorie environ 6 000 plantes, est disponible sur cédérom sur demande auprès de l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA) et du Bureau régional de l’Afrique orientale et australe du CRDI.
Plusieurs des délégués qui ont assisté au Symposium international sur la Biodiversité et la santé ont souligné, toutefois, qu’un grand nombre de plantes médicinales utilisées en Afrique étaient menacées. Quoique la pression démographique, la déforestation et la désertification en soient en partie responsables, de nombreuses plantes disparaissent inutilement sous l’effet de modes de récolte et de déboisement déficients, explique Gasengayire. Ainsi, l’écorce du prunier d’Afrique renferme des ingrédients utilisés dans le traitement du cancer de la prostate. Bien des gens arrachent au passage des morceaux d’écorce et l’arbre ne résiste pas. Cependant, si l’écorce n’était arrachée que d’un seul côté du prunier, celui-ci survivrait et produirait une nouvelle écorce susceptible d’être adéquatement récoltée par la suite.
Des produits africains pour les consommateurs africains
Myles Mander, de l’Institut des ressources naturelles de l’Afrique du Sud, reconnaît que la déforestation et la désertification ont eu des effets néfastes sur la réserve de bois « et en ont réduit tant la qualité que la quantité ». Comme il l’a indiqué aux participants du Symposium, on peut s’attendre à ce que jusqu’à 80 % des espèces végétales disparaissent sous l’effet des activités d’exploitation. « Déjà, on constate la disparition locale d’espèces », poursuit-il. « On n’offre pas de mesures incitatives à la culture et au développement durable. »
Ces mesures incitatives, estime Mander, ne pourront que provenir du développement d’une industrie moderne fondée sur le recours aux plantes médicinales qui permettra de concevoir « des produits africains pour les consommateurs africains ». Malgré un marché de plus de 500 millions de consommateurs, souligne-t-il, les vendeurs de plantes médicinales n’ont aucune part au développement de l’industrie et ne font pas partie d’une association structurée de sorte qu’ils n’ont guère d’influence sur leurs gouvernements. « Il en résulte une réduction des approvisionnements et une augmentation des coûts, un développement de nouveaux produits limité et des produits de piètre qualité », ajoute-t-il.
Messanvi Gbeassor, de l’Université de Lomé, au Togo, convient qu’il faut de toute urgence non seulement améliorer les méthodes de récolte et de transformation, mais aussi instaurer une industrie africaine efficace afin de produire et de commercialiser les plantes et les herbes médicinales. Il admet sans ambages qu’« il n’y a pas, à proprement parler, d’industrie pharmaceutique en Afrique ni de recherche concertée. Les entrepreneurs dont nous aurions besoin pour bâtir une industrie nous font également défaut. » L’instauration d’une industrie des plantes médicinales permettrait de renforcer les systèmes de soins de santé et d’améliorer les moyens de subsistance des gens, fait-il valoir.
Un début de solution
La reconnaissance accrue de la valeur et de l’importance de la médecine traditionnelle apporte toutefois un début de solution. Le Réseau des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle en Afrique de l’Est, parrainé par le CRDI, est une solution qui comporte d’immenses possibilités. Ce réseau met en contact des guérisseurs traditionnels, des chercheurs, des collectivités, des entrepreneurs, des partenaires en développement et des gouvernements. Il a pour objectif d’intégrer l’utilisation durable, sûre et efficace des plantes médicinales et la médecine traditionnelle aux services de santé publique. (Voir l'encadré Un nouveau réseau de préservation des plantes médicinales en Afrique)
« En rassemblant les divers intervenants, le réseau facilite la diffusion des résultats de la recherche et la reconnaissance de la médecine traditionnelle. Nous voulons accroître la sensibilisation aux problèmes et améliorer la gestion des ressources », conclut Gasengayire. Une nouvelle piste pour le traitement du sida
Le docteur Sekagya Yahaya Hills se spécialise dans deux branches de la médecine : il est à la fois chirurgien-dentiste et guérisseur traditionnel. Cet Ougandais à la voix douce a fait état de son travail à la présidence de PRO.ME.TRA-Ouganda devant les délégués au Symposium international sur la biodiversité et la santé. Cette organisation non gouvernementale fait partie du réseau international PRO.ME.TRA qui permet aux médecins et aux guérisseurs traditionnels africains d’entrer en contact avec leurs collègues européens et américains afin de mieux faire connaître la médecine traditionnelle.
PRO.ME.TRA mène des recherches scientifiques et culturelles, et offre aux guérisseurs traditionnels des cours de formation en médecine traditionnelle fondés sur un programme à la fois rigoureusement scientifiquement et adapté à la culture locale. Ce programme porte sur des sujets aussi divers que la planification familiale, la santé maternelle et infantile et le VIH/sida. Environ 2 500 guérisseurs traditionnels ont suivi le programme offert par PRO.ME.TRA, affirme Hills.
En matière de recherche scientifique, l’organisme a amorcé l’étude de l’efficacité des plantes médicinales dans le traitement de diverses maladies, en se penchant plus particulièrement, toutefois, sur le VIH/sida. Une étude triennale portant sur 62 personnes vivant avec le VIH/sida dont le traitement a consisté en une combinaison de plantes médicinales africaines (METRAFAIDS) a donné des résultats probants chez 85 % des patients séropositifs. Aucun effet indésirable n’a été constaté. PRO.ME.TRA a déjà déposé cinq demandes de brevet relativement à l’utilisation de plantes médicinales dans le traitement du VIH/sida.
En septembre 2003, le docteur Hills, délégué de l’Ouganda et de PRO.ME.TRA à la 13e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, à Nairobi, a présenté les recommandations formulées par des guérisseurs traditionnels, indiquant comment la médecine traditionnelle pouvait être le plus efficacement intégrée à la campagne de lutte contre le VIH/sida en Afrique.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur PRO.ME.TRA, ses projets de recherche et autres activités, veuillez visiter le site Web, à www.prometra.org, ou envoyer un message à prometra@prometra.org. Un nouveau réseau de préservation des plantes médicinales en Afrique L’Afrique subsaharienne regorge de plantes médicinales et aromatiques qui permettent aux plus démunis de gagner leur vie et d’assurer les soins de santé primaires. Ainsi, des 6 400 espèces de plantes utilisées en Afrique tropicale, plus de 4 000 ont un usage thérapeutique. Jusqu’à 80 % de la population comptent sur ces médicaments traditionnels. Toutefois, d’après le Réseau sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle en Afrique de l’Est, la perte de ces ressources génétiques et de leur habitat s’accélère. Celle des connaissances autochtones connexes est encore plus considérable.
Lancé en septembre 2003, ce réseau est parrainé par le CRDI et coordonné par François Gasengayire, du bureau régional du CRDI à Nairobi. Il a pour objectif, explique Gasengayire, d’aider à renverser cette tendance en favorisant la préservation et l’utilisation durable, sûre et efficace des plantes et des herbes médicinales. Le réseau prône également l’intégration de la médecine traditionnelle aux services de santé publics en Afrique par la mise en place de politiques appropriées. Comme Gasengayire le fait remarquer, le réseau offre à tous les intervenants — guérisseurs traditionnels, collectivités, chercheurs et gouvernements, entre autres — l’occasion de partager information et expériences, d’harmoniser les approches et d’élaborer des projets de collaboration.
Le comité directeur du réseau regroupe des représentants des principales institutions de trois pays de l’Afrique de l’Est — les Musées nationaux du Kenya, l’Institut de médecine traditionnelle de la Tanzanie et le Laboratoire national de recherche chimiothérapeutique de l’Ouganda — outre d’autres organismes de premier plan tels que le gouvernement, des associations de guérisseurs traditionnels et des donateurs. Les partenariats constituent un facteur déterminant du succès du réseau. Aussi les organisations de développement intéressées et d’autres organismes internationaux et privés sont-il invités à se joindre au réseau. Bob Stanley est rédacteur et réviseur-pigiste à Ottawa.
Le docteur Hills a parlé au Symposium international sur la biodiversité et la santé, tenu à Ottawa en octobre 2003, des travaux de PRO.ME.TRA, organisation internationale pour la préservation et la restauration des médecines traditionnelles. Des études à long terme comparant diverses plantes médicinales africaines ont donné des résultats probants et PRO.ME.TRA a déjà présenté cinq demandes de brevet pour l’utilisation de plantes médicinales dans le traitement du sida. (Voir l'encadré Une nouvelle piste pour le traitement du sida)
Selon le docteur Hills, la Déclaration des guérisseurs traditionnels — qu’il a présentée à la 13e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, tenue à Nairobi en septembre 2003 — résume bien le rôle de la médecine traditionnelle en Afrique. « À titre de guérisseurs traditionnels, nous sommes les prestataires des soins de santé les plus accessibles et en qui les membres de nos collectivités ont le plus confiance », peut-on lire dans la déclaration. « Nous avons acquis une vaste et précieuse expérience dans le traitement des maladies apparentées au sida et nous acceptons la lourde responsabilité de continuer à le faire. »
La déclaration recommande également de faire une place aux guérisseurs traditionnels dans la recherche sur le sida, d’accroître la collaboration entre médecine classique et médecine traditionnelle et d’inclure dans le traitement et les soins de santé prodigués aux sidéens des thérapeutiques traditionnelles sûres et efficaces.
Un système accessible et abordable
Le VIH et le sida sont loin d’être les seules maladies pour lesquelles on consulte les guérisseurs traditionnels. La grande majorité des Africains ont régulièrement recours à leurs services pour leurs soins primaires. Selon une étude menée en Afrique subsaharienne, le pourcentage de fréquentation des guérisseurs traditionnels dans cette région atteindrait 85 %. Pour sa part, François Gasengayire, spécialiste en matière de biodiversité et médecine traditionnelle du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), établi à Nairobi, fait valoir qu’en Afrique australe, il y a un guérisseur pour 200 personnes, soit un ratio médecin-patient de beaucoup supérieur à celui qui existe en Amérique du Nord.
Reconnaissant que la médecine traditionnelle est « le système de soins de santé le plus facilement accessible et le plus abordable pour la plupart des Africains ruraux », l’Organisation de l'unité africaine (qui a donné naissance à l’Union africaine) instituait la période 2001-2010 Décennie de la médecine traditionnelle en Afrique. L’initiative a pour objectif de rassembler tous les intervenants afin de « mettre à la disposition de la vaste majorité du peuple africain des pratiques médicales et des plantes médicinales traditionnelles sûres, efficaces, abordables et de grande qualité ». L’Organisation mondiale de la Santé et le CRDI, entre autres organismes, appuient cet objectif. Le CRDI a joué un rôle de premier plan dans le processus menant à l’institution de la Décennie de la médecine traditionnelle en Afrique.
Brian Davy, spécialiste principal de programmes au CRDI, précise : « C’est là une décision essentielle à la santé des populations du continent africain qui sont largement tributaires de la médecine traditionnelle et des plantes médicinales. » Le doteur Philippe Rasoanaivo, chargé du dossier de la médecine traditionnelle au ministère de la Santé de Madagascar, est aussi de cet avis. « L’instauration de cette décennie a incité au développement d’un programme de médecine traditionnelle à Madagascar », affirme-t-il.
Ce programme englobe l’ébauche d’une politique nationale sur la médecine traditionnelle, l’inclusion d’un volet médecine traditionnelle dans le plan d’activités du ministère de la Santé, et la création d’un comité de scientifiques et d’avocats chargés de l’élaboration de lois et de règlements relatifs à la médecine traditionnelle. En outre, un inventaire informatisé des plantes médicinales et aromatiques du pays a été préparé grâce au financement du CRDI. Cet inventaire, qui répertorie environ 6 000 plantes, est disponible sur cédérom sur demande auprès de l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA) et du Bureau régional de l’Afrique orientale et australe du CRDI.
Plusieurs des délégués qui ont assisté au Symposium international sur la Biodiversité et la santé ont souligné, toutefois, qu’un grand nombre de plantes médicinales utilisées en Afrique étaient menacées. Quoique la pression démographique, la déforestation et la désertification en soient en partie responsables, de nombreuses plantes disparaissent inutilement sous l’effet de modes de récolte et de déboisement déficients, explique Gasengayire. Ainsi, l’écorce du prunier d’Afrique renferme des ingrédients utilisés dans le traitement du cancer de la prostate. Bien des gens arrachent au passage des morceaux d’écorce et l’arbre ne résiste pas. Cependant, si l’écorce n’était arrachée que d’un seul côté du prunier, celui-ci survivrait et produirait une nouvelle écorce susceptible d’être adéquatement récoltée par la suite.
Des produits africains pour les consommateurs africains
Myles Mander, de l’Institut des ressources naturelles de l’Afrique du Sud, reconnaît que la déforestation et la désertification ont eu des effets néfastes sur la réserve de bois « et en ont réduit tant la qualité que la quantité ». Comme il l’a indiqué aux participants du Symposium, on peut s’attendre à ce que jusqu’à 80 % des espèces végétales disparaissent sous l’effet des activités d’exploitation. « Déjà, on constate la disparition locale d’espèces », poursuit-il. « On n’offre pas de mesures incitatives à la culture et au développement durable. »
Ces mesures incitatives, estime Mander, ne pourront que provenir du développement d’une industrie moderne fondée sur le recours aux plantes médicinales qui permettra de concevoir « des produits africains pour les consommateurs africains ». Malgré un marché de plus de 500 millions de consommateurs, souligne-t-il, les vendeurs de plantes médicinales n’ont aucune part au développement de l’industrie et ne font pas partie d’une association structurée de sorte qu’ils n’ont guère d’influence sur leurs gouvernements. « Il en résulte une réduction des approvisionnements et une augmentation des coûts, un développement de nouveaux produits limité et des produits de piètre qualité », ajoute-t-il.
Messanvi Gbeassor, de l’Université de Lomé, au Togo, convient qu’il faut de toute urgence non seulement améliorer les méthodes de récolte et de transformation, mais aussi instaurer une industrie africaine efficace afin de produire et de commercialiser les plantes et les herbes médicinales. Il admet sans ambages qu’« il n’y a pas, à proprement parler, d’industrie pharmaceutique en Afrique ni de recherche concertée. Les entrepreneurs dont nous aurions besoin pour bâtir une industrie nous font également défaut. » L’instauration d’une industrie des plantes médicinales permettrait de renforcer les systèmes de soins de santé et d’améliorer les moyens de subsistance des gens, fait-il valoir.
Un début de solution
La reconnaissance accrue de la valeur et de l’importance de la médecine traditionnelle apporte toutefois un début de solution. Le Réseau des plantes médicinales et de la médecine traditionnelle en Afrique de l’Est, parrainé par le CRDI, est une solution qui comporte d’immenses possibilités. Ce réseau met en contact des guérisseurs traditionnels, des chercheurs, des collectivités, des entrepreneurs, des partenaires en développement et des gouvernements. Il a pour objectif d’intégrer l’utilisation durable, sûre et efficace des plantes médicinales et la médecine traditionnelle aux services de santé publique. (Voir l'encadré Un nouveau réseau de préservation des plantes médicinales en Afrique)
« En rassemblant les divers intervenants, le réseau facilite la diffusion des résultats de la recherche et la reconnaissance de la médecine traditionnelle. Nous voulons accroître la sensibilisation aux problèmes et améliorer la gestion des ressources », conclut Gasengayire. Une nouvelle piste pour le traitement du sida
Le docteur Sekagya Yahaya Hills se spécialise dans deux branches de la médecine : il est à la fois chirurgien-dentiste et guérisseur traditionnel. Cet Ougandais à la voix douce a fait état de son travail à la présidence de PRO.ME.TRA-Ouganda devant les délégués au Symposium international sur la biodiversité et la santé. Cette organisation non gouvernementale fait partie du réseau international PRO.ME.TRA qui permet aux médecins et aux guérisseurs traditionnels africains d’entrer en contact avec leurs collègues européens et américains afin de mieux faire connaître la médecine traditionnelle.
PRO.ME.TRA mène des recherches scientifiques et culturelles, et offre aux guérisseurs traditionnels des cours de formation en médecine traditionnelle fondés sur un programme à la fois rigoureusement scientifiquement et adapté à la culture locale. Ce programme porte sur des sujets aussi divers que la planification familiale, la santé maternelle et infantile et le VIH/sida. Environ 2 500 guérisseurs traditionnels ont suivi le programme offert par PRO.ME.TRA, affirme Hills.
En matière de recherche scientifique, l’organisme a amorcé l’étude de l’efficacité des plantes médicinales dans le traitement de diverses maladies, en se penchant plus particulièrement, toutefois, sur le VIH/sida. Une étude triennale portant sur 62 personnes vivant avec le VIH/sida dont le traitement a consisté en une combinaison de plantes médicinales africaines (METRAFAIDS) a donné des résultats probants chez 85 % des patients séropositifs. Aucun effet indésirable n’a été constaté. PRO.ME.TRA a déjà déposé cinq demandes de brevet relativement à l’utilisation de plantes médicinales dans le traitement du VIH/sida.
En septembre 2003, le docteur Hills, délégué de l’Ouganda et de PRO.ME.TRA à la 13e Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, à Nairobi, a présenté les recommandations formulées par des guérisseurs traditionnels, indiquant comment la médecine traditionnelle pouvait être le plus efficacement intégrée à la campagne de lutte contre le VIH/sida en Afrique.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur PRO.ME.TRA, ses projets de recherche et autres activités, veuillez visiter le site Web, à www.prometra.org, ou envoyer un message à prometra@prometra.org. Un nouveau réseau de préservation des plantes médicinales en Afrique L’Afrique subsaharienne regorge de plantes médicinales et aromatiques qui permettent aux plus démunis de gagner leur vie et d’assurer les soins de santé primaires. Ainsi, des 6 400 espèces de plantes utilisées en Afrique tropicale, plus de 4 000 ont un usage thérapeutique. Jusqu’à 80 % de la population comptent sur ces médicaments traditionnels. Toutefois, d’après le Réseau sur les plantes médicinales et la médecine traditionnelle en Afrique de l’Est, la perte de ces ressources génétiques et de leur habitat s’accélère. Celle des connaissances autochtones connexes est encore plus considérable.
Lancé en septembre 2003, ce réseau est parrainé par le CRDI et coordonné par François Gasengayire, du bureau régional du CRDI à Nairobi. Il a pour objectif, explique Gasengayire, d’aider à renverser cette tendance en favorisant la préservation et l’utilisation durable, sûre et efficace des plantes et des herbes médicinales. Le réseau prône également l’intégration de la médecine traditionnelle aux services de santé publics en Afrique par la mise en place de politiques appropriées. Comme Gasengayire le fait remarquer, le réseau offre à tous les intervenants — guérisseurs traditionnels, collectivités, chercheurs et gouvernements, entre autres — l’occasion de partager information et expériences, d’harmoniser les approches et d’élaborer des projets de collaboration.
Le comité directeur du réseau regroupe des représentants des principales institutions de trois pays de l’Afrique de l’Est — les Musées nationaux du Kenya, l’Institut de médecine traditionnelle de la Tanzanie et le Laboratoire national de recherche chimiothérapeutique de l’Ouganda — outre d’autres organismes de premier plan tels que le gouvernement, des associations de guérisseurs traditionnels et des donateurs. Les partenariats constituent un facteur déterminant du succès du réseau. Aussi les organisations de développement intéressées et d’autres organismes internationaux et privés sont-il invités à se joindre au réseau. Bob Stanley est rédacteur et réviseur-pigiste à Ottawa.