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Qui devrait revendiquer la responsabilité de la sécurité et de la prévention du crime à l’échelle locale ? Les gouvernements locaux et nationaux se débattent avec ce problème grandissant

 

Les gangs de criminels d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale se développent, et leurs membres sont de plus en plus jeunes – certains n’ont parfois que 10 ans. La montée du chômage chez les jeunes, la répartition inégale des ressources et les difficultés d’accès à la justice ont été mentionnées lors d’une conférence à Dakar (Sénégal) comme faisant partie des principaux facteurs qui conduisent à la violence et au crime dans de nombreuses agglomérations urbaines de la région.

Les maires d’un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, des chercheurs subventionnés par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), des praticiens et d’autres experts se sont réunis à l’occasion de cet événement de deux jours, axé sur l’échange de connaissances et intitulé : Stratégies locales de lutte contre la violence et la criminalité pour une gouvernance urbaine inclusive en Afrique de l’Ouest. Les 28 et 29 avril 2016, les participants se sont rassemblés pour discuter des causes de la violence urbaine et de l’exclusion sociale, et pour discuter des solutions collaboratives susceptibles de rendre les villes plus sûres.

Organisé conjointement par le CRDI, la ville de Dakar, le Programme des Nations Unies pour les établissements humains et l’Initiative prospective agricole et rurale, l’événement a permis de présenter les résultats des recherches menées dans le cadre de projets réalisés en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo et au Ghana — projets faisant partie de l’initiative Villes sûres et inclusives, financée par le CRDI et le Department for International Development.

Que nous apprennent les recherches ?

Les jeunes membres de gangs affirment qu’ils seraient « capables de choses incroyables » sous l’effet des drogues largement disponibles, explique Francis Akindes, professeur à l’Université Alassane Ouattara, à Abidjan (Côte d’Ivoire). Bon nombre de ces gangs, tels que les Microbes à Abidjan ou les Kuluna à Kinshasa, sont constitués de jeunes marginalisés – hommes et femmes – qui voient la violence comme une habileté à maîtriser et se considèrent comme « socialement morts ».

Le taux de natalité élevé en République démocratique du Congo – 10 enfants par femme en moyenne – met sous pression les collectivités où les ressources sont déjà exploitées au maximum. De jeunes enfants sont accusés de sorcellerie et se retrouvent socialement marginalisés.

Au Ghana, les pauvres paient le prix fort; ils sont les plus susceptibles d’être victimes de crimes, mais ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour obtenir justice. Par conséquent, les gens recourent à la police communautaire ainsi qu’à des systèmes informels pour lutter contre le crime.

Dans son discours liminaire, Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLUA), a souligné que la population de l’Afrique atteindra 2,4 milliards d’habitants d’ici 2050 – soit la plus forte concentration de population au monde.

Le maire de Dakar, Khalifa Sall, affirme que l’insécurité humaine et l’exclusion sont au coeur des problèmes rencontrés aujourd’hui. L’urbanisation progresse, et ce phénomène entraînera une augmentation du nombre de jeunes marginalisés.

La sécurité : responsabilité nationale ou locale ?

Le manque de ressources policières a déclenché une lutte opposant les gouvernements locaux et nationaux, aucun d’entre eux n’étant disposé à revendiquer la responsabilité de la sécurité. La décentralisation, associée à l’insuffisance des ressources financières et humaines et des infrastructures à l’échelon municipal, est devenue un problème majeur pour les intervenants qui tentent d’assurer la sécurité à l’échelle locale. Les ressources locales ne peuvent faire face à l’explosion démographique et à l’urbanisation galopante que connaît le continent. M. Sall estime que la décentralisation est un slogan, et il pose la question de savoir si les municipalités d’Afrique ont les capacités et les moyens de faire face aux pressions de l’urbanisation et de la violence. Il demande :

L’éducation et l’emploi sont-ils la solution ?

L’exclusion – sociale, politique et économique – est le principal facteur qui conduit les jeunes à rejoindre un gang. Les politiques d’exclusion menées par les États, qui sont renforcées à chaque élection des mêmes cadres politiques, ont poussé les jeunes hommes et les jeunes femmes à s’installer en banlieue et à rechercher un sentiment d’appartenance et de pouvoir au sein de gangs violents. Des travaux de recherche réalisés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, subventionnés par le CRDI, donnent lieu à la formulation de recommandations importantes susceptibles de toucher au coeur du problème.

L’abaissement des taux élevés de chômage chez les jeunes – hommes et femmes – et le relèvement de l’âge jusqu’auquel la scolarité est obligatoire aideront à sortir les enfants de la rue et à les ramener sur le chemin de l’école. L’apport d’améliorations aux logements sociaux dans les bidonvilles et le développement des programmes de planification familiale contribueront également à la création de familles et de foyers stables et accueillants pour les enfants.

La gravité du problème en Côte d’Ivoire a attiré l’attention de la communauté internationale. L’Assemblée nationale française mène actuellement une mission d’information en vue de tirer davantage de renseignements des recherches subventionnées par le CRDI, et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en Côte d’Ivoire utilise les résultats de cette mission pour éclairer l’élaboration d’un projet axé sur les contributions des jeunes à la cohésion sociale du pays. Pour que les gangs perdent de leur attrait aux yeux des jeunes, il sera indispensable d’intégrer ces derniers à la vie politique, économique et sociale, de façon à créer un sentiment d’appartenance à la communauté.

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