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Passer de la connaissance du climat à l’action climatique

 

La société est entrée dans une phase critique de sa réponse à la crise climatique. Les changements climatiques causent des pertes et des dommages généralisés, pour les personnes les plus vulnérables et les endroits les plus touchés. L’adaptation est essentielle pour éviter la montée en flèche des répercussions. Cependant, malgré l’ampleur et l’urgence de la crise climatique, l’écart se creuse entre les mesures d’adaptation nécessaires et ce qui se passe réellement sur le terrain. Cette réalité est soulignée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies en 2022.

Il existe déjà de nombreuses connaissances pour aider à lutter contre la crise climatique, mais des facteurs sociaux et politiques entravent les efforts déployés pour agir efficacement sur ces connaissances. Il est essentiel de combler l’écart entre le savoir et l’action pour favoriser une adaptation inclusive et fondée sur des données probantes. Les spécialistes de la médiation de connaissances relatives au climat peuvent aider.

Qu’est-ce qu’un.e médiateur.trice de connaissances relatives au climat?

Ces intermédiaires relient les personnes qui produisent les connaissances et celles qui les utilisent afin de faciliter l’utilisation des connaissances et d’accélérer l’action climatique. Leur rôle devient de plus en plus important.

Les médiateurs et les médiatrices de connaissances compétentes ne traitent pas les connaissances comme un objet à transmettre d’une personne à une autre. Ces spécialistes comprennent plutôt que la connaissance est toujours modérée par les visions du monde, les valeurs, le pouvoir et la culture. Par conséquent, les médiateurs et les médiatrices de connaissances cultivent de manière efficace les relations, la confiance et les alliances, en plus de créer des espaces inclusifs. Ces spécialistes comprennent la politique et le pouvoir du savoir, de l’histoire et de la marginalisation, et travaillent à un changement à l’échelle du système afin que l’action climatique se déroule de manière inclusive et durable.

Apprendre à médier les connaissances relatives au climat pour une action inclusive

L’Alliance pour le Climat et le Développement est un réseau mondial de médiateurs et de médiatrices de connaissances relatives au climat entièrement dirigé par les pays du Sud qui se consacre à la mobilisation des connaissances, des capacités et du leadership du Sud afin d’améliorer le bien-être des personnes les plus touchées par les changements climatiques. Depuis 2018, le CRDI appuie l’Alliance dans le cadre d’un partenariat avec le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et dans le cadre de l’engagement du CRDI à l’égard du partage de connaissances et de l’action climatique. Une partie de cet effort a consisté à soutenir l’apprentissage des approches efficaces en matière de médiation de connaissances relatives au climat.

Les coauteurs de l’Alliance et du CRDI ont récemment fait part de leurs réflexions sur ce sujet dans un article évalué par des pairs et dans un mémoire.

Les principales idées comprennent la nécessité de reconnaître qu’il existe de nombreuses sources de connaissances différentes, que le changement nécessite plus que le partage de connaissances dans les rapports et les mémoires et que les résultats de la médiation de connaissances sont difficiles à prévoir.

De nombreuses sources de connaissances en plus de la science

Les connaissances provenant de la pratique locale, de l’expérience, des cultures autochtones ou de la recherche scientifique peuvent être prises en compte dans la prise de décision et l’action en matière d’adaptation. Le travail des médiateurs et des médiatrices de connaissances consiste à créer des espaces inclusifs et sûrs où toutes les parties prenantes peuvent reconnaître et apprendre des personnes qui détiennent de nombreux types de connaissances différents.

Le South Asia Institute of Advanced Studies a démontré de l’intérêt dans la mobilisation de différents types de connaissances pour remédier à la pénurie d’eau à Dhulikhel, une petite ville située dans une colline située à environ 30 km de la capitale du Népal, Katmandou. Dans ce contexte, des données scientifiques limitées et localisées, telles que des données historiques sur les précipitations, la température et les modèles d’utilisation des terres, ont été utilisées pour retarder la prise de décisions concernant les problèmes environnementaux. L’institut a recueilli des données probantes provenant de plusieurs systèmes de connaissances au moyen d’entretiens, d’observations et de l’examen de documents d’archives – et a ouvert la porte à la relance et à l’expérimentation de solutions locales et réalisables aux défis de l’eau en milieu urbain en tant que complément essentiel aux mesures d’infrastructure physique à grande échelle.

Grâce à une série de dialogues participatifs appelés Pani Chautari (traduit approximativement par « forum de l’eau »), ces efforts ont contribué à créer un processus décisionnel plus solide pour la communauté locale afin de régir l’eau. Le processus a également permis de régler les conflits liés à l’eau dans la région.

Media
A group of people meeting outside with mountains in the background
SIAS
Réunion d’examen et de réflexion à Dhulikhel, au Népal, dans le cadre du processus Pani Chautari

« Le processus Pani Chautari a fourni un espace de coapprentissage et d’échange, améliorant ainsi les connaissances et la capacité de la communauté locale à valoriser et à prendre en charge leurs ressources en eau. La considération de multiples sources de connaissances, associée à des dialogues bien construits et modérés, a élargi la vision des problèmes et des solutions possibles des parties prenantes », a expliqué l’Alliance pour le Climat et le Développement dans une étude de cas de 2022.

La connaissance seule ne suffit pas

On suppose souvent que les médiateurs et les médiatrices de connaissances n’ont besoin de travailler qu’avec des connaissances. En réalité, la connaissance n’est qu’une composante de tout processus décisionnel. Pour faciliter l’action et le changement, les spécialistes doivent comprendre la gouvernance et les contextes institutionnels qui sont truffés de règles sociétales, de fragmentation, de politiques et d’asymétries de pouvoir, ainsi que les valeurs, les aspirations des gens pour l’avenir et les visions du monde.

Par exemple, les efforts de l’Alliance pour le Climat et le Développement ont aidé à développer une compréhension commune des principaux risques affectant la région d’Omusati en Namibie et à cerner les possibilités d’accroître la résilience et le bien-être, entre autres réalisations. Les collègues de l’Alliance de l’Université de Namibie ont utilisé de multiples stratégies, outils et approches pour contribuer à l’intégration des questions climatiques et de genre dans les politiques et les pratiques dans tous les secteurs, de l’échelle nationale à l’échelle locale. Ces collègues ont montré que les rapports et autres produits du savoir ne sont qu’un des ingrédients des données probantes qui éclairent les décisions et les pratiques, et que la création de relations solides avec divers partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux était essentielle à leur succès.

Réfléchissant au succès et à l’impact du projet dans une étude de cas, Martha Naanda du Programme des Nations Unies pour le développement, a expliqué que le projet « n’a rien fait de nouveau et n’est pas le seul à produire de la recherche. C’est la façon dont l’information a été présentée, en termes de langage et de style, [et] la façon dont elle a été intégrée et présentée [qui a fait la différence] ».

Accepter l’incertitude quant aux résultats

Il faut du temps pour faciliter le changement social, et il est impossible de prévoir le temps exact au début d’un projet. Même les résultats eux-mêmes ne peuvent pas être entièrement prédits à ce stade. Alors que les parties prenantes commencent à revendiquer leur pouvoir d’action et à agir au cours d’un processus de médiation de connaissances, toutes les personnes participantes, y compris les subventionnaires et les médiateurs et les médiatrices de connaissances, doivent accepter qu’elles perdront le contrôle du résultat. Cependant, le résultat sera probablement plus durable et inclusif.

Développer le domaine de la médiation de connaissances relatives au climat

L’une des principales leçons tirées de ces expériences est qu’il est nécessaire d’augmenter le nombre d’organisations et de personnes possédant les compétences et les capacités nécessaires pour être des médiateur.trice.s de connaissances, en particulier dans les pays du Sud.

« La prochaine étape devait être de renforcer les capacités de plus en plus de personnes à s’engager dans l’action climatique, et c’est ce qui nous occupe actuellement », a déclaré Lucia Scodanibbio, qui dirige le travail d’apprentissage de l’Alliance pour le Climat et le Développement.

En 2022, le partenariat Canada-Pays-Bas visant à soutenir l’Alliance pour le Climat et le Développement a été élargi et les investissements dans la médiation de connaissances relatives au climat ont considérablement augmenté grâce à l’initiative Activer le changement. Sept projets, en plus de l’Alliance, utiliseront des méthodes de médiation de connaissances sur le continent africain pour accélérer l’adaptation menée localement. Ces investissements augmenteront également le nombre de personnes et d’organisations possédant les compétences nécessaires pour être des médiateur.trice.s efficaces de connaissances relatives au climat.

L’expertise de l’Alliance pour le Climat et le Développement en matière de médiation de connaissances est également déployée pour soutenir et stimuler l’impact de plusieurs autres initiatives appuyées par le CRDI.

Par exemple, dans le cadre de l’initiative Gender Equality in a Low Carbon World, les bénéficiaires de subventions sont soutenus par l’Alliance pour le Climat et le Développement pour adopter une approche intersectionnelle de l’égalité des genres et de l’inclusion sociale, élaborer des voies d’impact, synthétiser et communiquer leurs recherches à un éventail de publics cibles, et présenter leur travail dans des forums mondiaux, tels que les conférences des Nations Unies sur les changements climatiques.

De même, dans le cadre de l’initiative Adaptation aux changements climatiques et résilience (CLARE), cofinancée avec le Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni, les équipes de recherche ont été encouragées à inclure des médiateurs et des médiatrices de connaissances dans leurs partenariats. Cette initiative a également mis en place un pôle central pour soutenir les équipes de recherche dans leurs efforts de recherche pour l’impact, qui comprendra un encadrement sur des approches efficaces en matière de médiation de connaissances relatives au climat. Le carrefour offrira également des possibilités de tirer parti d’un soutien supplémentaire en matière de médiation de connaissances qui aidera à réunir les équipes de recherche et leurs résultats avec les nouvelles demandes des personnes qui utilisent ces connaissances.

Alors que le besoin urgent pour l’action climatique s’intensifie dans les années à venir, le CRDI et ses partenaires charitables relèveront le défi en continuant d’investir dans le partage des connaissances qui alimentent une action climatique fondée sur des données probantes.

Collaboratrice : Georgina Cundill-Kemp, spécialiste principale de programme, CRDI