Mobiliser les communautés pour atteindre l’équité en matière de santé des mères et des enfants

Au cours des dernières décennies, l’équité a continué à gagner en importance dans les politiques et les pratiques de santé publique. L’équité est un principe fondamental du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et son cri de ralliement est de ne laisser personne de côté.
L’Organisation mondiale de la Santé définit l’équité comme étant la possibilité équitable pour chacun d’atteindre son plein potentiel en matière de santé, indépendamment de la géographie ou du statut démographique, social ou économique. Bien que ce soit un objectif évident, il n’est pas facile de parvenir à l’équité en matière de santé, c’est-à-dire de s’assurer que chacun ait accès à ce dont il a besoin pour être en aussi bonne santé que possible.
Cet objectif a toujours été au cœur de l’initiative Innovation pour la santé des mères et des enfants d’Afrique (ISMEA). Les leçons tirées par deux équipes de recherche de l’ISMEA qui travaillaient au Mali et au Nigeria montrent la façon dont les communautés peuvent activement cerner et aborder les causes des inégalités qui empêchent les gens d’accéder aux services de santé et de les utiliser.
Identifier les personnes dans le besoin au Mali
Les recherches menées au Mali visaient à comprendre si les programmes gouvernementaux assuraient un accès équitable aux soins de santé et contribuaient à atteindre l’objectif du pays consistant à parvenir à une couverture sanitaire universelle. Une équipe de recherche, qui comprenait l’Association de recherche et de formation en anthropologie des dynamiques locales au Mali et des chercheurs de l’Université de Montréal au Canada, s’est penchée sur le Régime d’assistance médicale, une politique gouvernementale d’aide médicale gratuite qui a été lancée en 2011 pour fournir des services de santé aux indigents, définis comme « toute personne privée de ressources et reconnue comme telle par l’autorité locale qui la couvre ». Le programme cible 5 % de la population du Mali, soit près d’un million de personnes, bien que l’on estime que l’extrême pauvreté touche plus de 20 % de la population.
L’adhésion à cette politique est volontaire, mais son processus complexe est souvent un élément dissuasif. Une personne doit s’adresser au bureau du maire ou à toute autre autorité semblable. L’autorité locale en question doit ensuite enquêter pour prouver l’admissibilité du demandeur, et une pléthore de documents doit être envoyée à l’organisation qui administre le programme.
Étant donné que le nombre de personnes inscrites à cette aide médicale gratuite s’est avéré plus faible que prévu, le gouvernement a mené trois grandes campagnes pour identifier et inscrire les indigents en 2016 et en 2017. Néanmoins, le nombre de personnes inscrites est demeuré inférieur aux prévisions. Afin d’en déterminer les raisons, l’équipe de recherche a organisé 42 groupes de discussion avec divers acteurs gouvernementaux et communautaires participant aux campagnes dans deux communautés de la capitale Bamako, ainsi que dans les districts sanitaires ruraux de Bougouni et de Dioïla. Les chercheurs ont découvert que certaines des personnes les plus pauvres s’étaient exclues à différentes étapes de la campagne parce qu’elles estimaient que le processus les stigmatiserait ou révélerait des renseignements confidentiels à leur sujet. D’autres personnes n’ont pas pu répondre aux exigences complexes en matière d’accès.
Comme l’a découvert l’équipe de recherche, la définition officielle vague du terme « indigent », ainsi que les problèmes liés à la traduction de ce dernier dans les langues locales, a contribué aux difficultés. En effet, les représentants des communautés qui doivent déterminer qui est considéré comme « indigent » n’ont pas de critères clairs pour prendre leur décision, ce qui fait en sorte que les personnes qui devraient être admissibles sont laissées de côté. En outre, de nombreux acteurs ont participé au processus sans avoir une compréhension claire de leurs rôles.
À la lumière de ses conclusions, l’équipe de recherche met à l’essai une approche révisée visant à identifier et à inscrire les indigents avec plus de précision. Elle a mobilisé des groupes existants représentant une plus grande diversité de membres de la communauté en vue de participer de manière importante à l’identification des indigents. Leur inclusion permet un processus plus démocratique. Par ailleurs, l’équipe de recherche a travaillé avec les autorités publiques pour redéfinir et adapter les critères d’inclusion afin d’atteindre les personnes qui ont réellement besoin d’accéder à des services de santé gratuits. En outre, sur la base des recommandations de l’équipe, des structures et des procédures ont été mises en place pour s’assurer que tous les acteurs participant à la mise en œuvre du Régime d’assistance médicale sont tenus informés et comprennent leurs rôles.
Regardez une vidéo sur ces recherches menées au Mali qui sont financées par l’ISMEA.
Surmonter les obstacles à l’équité au Nigeria
Le Nigeria a également mis en œuvre divers programmes visant à promouvoir l’équité en matière de santé et à réduire les taux élevés de maladies et de décès maternels. Les politiques du pays mettent l’accent sur la prestation de soins de qualité aux femmes, de la conception à la grossesse ainsi qu’à la période postnatale, mais elles n’ont pas encore atteint leurs objectifs chez les femmes les plus vulnérables.
Le Women’s Health and Action Research Centre, du Nigeria, et l’Université d’Ottawa au Canada ont lancé un projet dans 20 communautés d’Edo, un État de la région du delta du Niger, afin de déterminer pourquoi de nombreuses femmes n’utilisaient pas les services de soins de santé primaires pour la santé maternelle et infantile. En collaboration avec les ministères de la Santé du gouvernement fédéral et des États, ils ont également entrepris de concevoir et de mettre à l’essai des interventions communautaires novatrices afin de surmonter les obstacles qu’ils ont cernés.
Au moyen d’enquêtes auprès des ménages, de discussions de groupe avec des femmes et des hommes, de conversations avec les dirigeants communautaires, et d’entretiens avec des fournisseurs de soins de santé et des représentants du gouvernement, l’équipe de recherche a déterminé que moins de 47 % des femmes enceintes utilisaient les services de soins de santé primaires disponibles. L’incapacité de payer était un obstacle majeur à l’accès aux soins, tout comme les longues distances à parcourir sur de mauvaises routes pour se rendre aux établissements et la mauvaise qualité des services.
L’équipe de recherche a travaillé avec les intervenants communautaires pour mieux comprendre et éliminer ces goulets d’étranglement. Élaborées avec et dirigées par des membres de la communauté, les interventions comprenaient la création d’un fonds renouvelable pour les médicaments et d’un fonds communautaire d’assurance maladie. En réduisant le montant que les personnes doivent payer pour les soins, ces fonds contribuent à un accès équitable. En outre, un service de messagerie textuelle, Text4Life, a été lancé pour les femmes enceintes qui n’avaient pas de moyen de transport pour se rendre aux établissements. Le système met ces femmes en relation avec des chauffeurs de taxi agréés qui peuvent les emmener rapidement dans des centres de santé lorsqu’elles sont sur le point d’accoucher.
Le résultat? La demande de services de santé maternelle et infantile qualifiés a triplé, voire quadruplé dans certaines régions. Parmi les nombreux facteurs qui ont contribué à cette réussite, citons les interventions qui ont permis de résoudre les problèmes cernés par les communautés elles-mêmes, ainsi que la participation des communautés à la conception et à la mise en œuvre de celles-ci. Le sentiment d’appropriation qui en résulte contribue au changement durable.
Regardez une vidéo sur ces recherches menées au Nigeria qui sont financées par l’ISMEA.
L’importance des communautés
Ces projets ont montré qu’il ne suffit pas de rendre les soins de santé disponibles pour favoriser l’équité : les gouvernements et les organismes d’exécution doivent également travailler avec les communautés pour s’assurer que chacun puisse accéder aux service, y compris les plus marginalisés.
La reconnaissance des inégalités et la volonté de s’y attaquer sont essentielles pour atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Comme le montrent les recherches de l’ISMEA, il est essentiel, pour parvenir à une plus grande équité, d’identifier clairement les personnes qui ont le plus besoin de services et les obstacles les empêchant d’y avoir accès, par et avec les communautés.
Regardez une vidéo sur les recherches financées par l’ISMEA qui ont amélioré l’équité pour sauver des vies.
Faits Saillants
- Les leçons tirées de l’initiative Innovation pour la santé des mères et des enfants d’Afrique montrent comment les communautés peuvent aider à cerner et à surmonter les obstacles à l’équité en matière de santé.
- Au Mali, le fait d’avoir une participation communautaire plus large, ainsi que des rôles et des lignes directrices bien définis, aide le gouvernement à offrir des services de santé gratuits aux plus démunis.
- Au Nigeria, les communautés cernent les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder et d’utiliser les services de santé, et aident à les surmonter.