Maroc : La valeur de l’eau
Le Maroc, au nord de l’Afrique, est un territoire en partie aride, où les pluies sont rares, mais où l’agriculture prospère malgré tout. Les changements climatiques ont cependant eu ici des effets majeurs dans les dernières années. Les précipitations ont diminué de 20 % et les vagues de chaleur ou de froid sont de plus en plus fréquentes.
« Le Maroc a peu contribué aux causes des changements climatiques, mais c’est un des pays qui en a subi les conséquences avec une grande acuité », explique Moulay Driss Hasnaoui. L’expert en ressources hydriques fait partie d’un groupe de recherche de l’École Mohammadia d’ingénieurs, à Rabat, qui s’intéresse aux effets des changements climatiques sur l’eau, l’agriculture et la santé, plus précisément dans la région de la Haute-Moulouya, dans le nord-est marocain.
Ainsi, les périodes prolongées de températures extrêmes bouleversent le mode de vie des habitants des régions rurales. « Cela mène à l’exode des populations vers les villes », explique Hasnaoui. « Aussi à la déscolarisation des filles, puisqu’elles doivent aller chercher de l’eau plus loin lors des sécheresses, ce qui leur enlève du temps pour l’école. » En plus, le chergui, un vent chaud et sec venu du Sahara, vient tuer la végétation.
En recueillant des données hydrométéorologiques de la région, les chercheurs ont mis au point un modèle mathématique qui permet de prédire à moyen terme l’évolution de ces épisodes climatiques. « Grâce à ce modèle, nous sommes en mesure de prévoir la situation, donc de prévenir des catastrophes, en agriculture comme en santé humaine », explique le chercheur. Ainsi, les habitants d’une région touchée pourront amasser plus de bois de chauffage pour faire face au froid ou encore irriguer plus abondamment leurs terres si la sécheresse risque de se prolonger.
Éventuellement, affirment les chercheurs, un outil de prévision en temps réel sera mis au point. Les modélisations du groupe de recherche serviront aussi à voir venir à plus long terme. « Cela nous permettra d’analyser les scénarios afin d’optimiser l’utilisation de l’eau en fonction des changements climatiques », explique le directeur du projet et expert en ressources hydriques, Driss Ouazar.
Autre objectif important: concevoir de nouveaux barrages, mieux adaptés aux variations des ressources en eau. Les ouvrages actuels sont pour la plupart construits sur des terrains friables. Alors, quand les pluies sont abondantes, les sédiments au sol sont entraînés vers les barrages et dégradent la qualité de l’eau.
Le Département de l’eau se dit déjà très intéressé par les recherches du groupe de l’École Mohammadia d’ingénieurs. « L’État souhaite les mettre en pratique dans d’autres régions du Maroc » , explique Ouazar, en ajoutant que cela sera aussi utile ailleurs au Sahel, où les mêmes problèmes surgissent. « Cela s’inscrit dans le plan vert du Maroc » , souligne-t-il. « C’est-à-dire optimiser chaque goutte d’eau. »
Cet article a été publié initialement dans l'édition de décembre 2015 du magazine Québec Science.