Leçons pour faire progresser l’égalité des genres et l’inclusion sociale grâce à l’action climatique
Les changements climatiques demeurent l’un des défis majeurs de notre époque, les pays du Sud étant les plus touchés. De nouvelles recherches révèlent que les changements climatiques affectent divers groupes, dont les femmes, de manières distinctes.
Dans les régions arides et semi-arides du Kenya, par exemple, une grave sécheresse oblige les femmes et les filles des communautés pastorales à parcourir de plus longues distances à la recherche d’eau et de bois de chauffage, ce qui les expose à un risque accru de violence sexuelle et fondée sur le sexe. En outre, la perte de bétail et d’autres moyens de subsistance pastoraux, en raison de sécheresses fréquentes, contribue aux mécanismes d’adaptation négatifs, tels que les mariages d’enfants en échange de bétail.
Cette réalité requiert une variété d’actions adaptées aux besoins et aux intérêts de divers groupes de femmes afin de parvenir à un développement juste et durable. La recherche et l’action visant à trouver des solutions climatiques efficaces nécessitent l’engagement de divers membres des communautés vulnérables. Ces personnes peuvent participer à la conception de solutions qui auront une incidence sur leur vie. Des progrès sont réalisés pour renforcer l’engagement dans la recherche et l’action climatiques, mais le rythme des progrès est lent dans le monde entier.
Mobiliser les femmes de divers groupes sociaux parmi les communautés pastorales
Pour accélérer cette tendance, il est nécessaire de changer les normes socioculturelles, que ce soit au niveau des ménages ou à celui des principaux organes de décision aux échelles locale, nationale et régionale. De nombreuses normes sociales entravent la participation significative des communautés vulnérables à la prise de décisions et à l’autonomisation économique. L’évolution des systèmes et des structures nécessite l’engagement des hommes et des garçons en tant qu’alliés et champions de l’égalité des genres afin de contrer la résistance à la participation des femmes et des filles à la prise de décisions.
Parallèlement, il est important de reconnaître que les femmes et les filles ne forment pas une population homogène; elles sont touchées différemment par les changements climatiques en fonction de leur âge, de leur éducation et de leur statut social, entre autres stratifications sociétales. Ainsi, le fait de veiller à ce que les divers groupes sociaux soient inclus et représentés de manière significative dans les processus décisionnels aide à créer des interventions sur mesure et accroît l’adoption des données de recherche et des mesures.
Des recherches financées par le CRDI visant à renforcer les moyens de subsistance des éleveuses et éleveurs face aux effets des changements climatiques adoptent cette approche inclusive au Kenya, en Éthiopie, au Soudan du Sud, en Somalie et en Ouganda. Le pastoralisme représente une composante essentielle de l’économie régionale et constitue la principale source de subsistance de millions de personnes. La recherche développe des outils de modélisation et de prévision ainsi que des mesures sensibles au genre que les communautés peuvent prendre avant que les risques anticipés ne se concrétisent afin de soutenir les femmes, les hommes et les jeunes au sein des communautés pastorales.
Cet effort est mené par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et fait partie de l’initiative Adaptation aux changements climatiques et résilience (CLARE), un partenariat entre le Foreign, Commonwealth & Development Office (FCDO) du Royaume-Uni et le CRDI.
Faits saillants
Les leçons tirées de l’action climatique en Afrique de l’Est pour soutenir l’inclusion et faire progresser l’égalité des genres sont les suivantes :
- Faire des hommes et des garçons des champions de l’égalité des genres.
- Inclure des femmes de divers groupes sociaux.
- Adapter les instruments de financement climatique aux femmes et aux groupes vulnérables.
- Soutenir les technologies qui améliorent les moyens de subsistance sans creuser les inégalités entre les genres.
- Créer des espaces pour l’engagement significatif des groupes vulnérables.
- Sensibiliser aux politiques en faveur de l’inclusion et de l’égalité des genres.
Instruments financiers destinés aux femmes propriétaires de bétail
Des instruments financiers ciblés peuvent offrir aux femmes de bonnes occasions de débloquer des financements pour s’adapter aux répercussions des changements climatiques. Un autre projet CLARE vise à renforcer la résilience climatique des communautés agropastorales du Kenya en créant une assurance bétail plus efficace et sensible au genre.
Des sécheresses de plus en plus fréquentes obligent les communautés pastorales à vendre le bétail qui leur reste, ce qui les plonge dans la pauvreté. Le Comité international pour le développement des peuples (CISP) met à l’essai des produits d’assurance fondés sur un indice, en l’occurrence des données d’observation de la Terre à haute résolution et les connaissances des communautés, plutôt que des évaluations des pertes, qui sont plus coûteuses à réaliser. La recherche adaptera les produits d’assurance aux besoins de différents groupes de femmes et d’hommes, et de différents types de bétail, en accordant une attention particulière aux préférences des femmes pour les produits d’assurance, à la division sexospécifique du travail dans les ménages et aux types d’actifs, tels que bétail, qu’ils ont tendance à contrôler.
La technologie pour autonomiser les femmes dans l’ économie bleue
L’autonomisation économique des femmes par le développement des connaissances et des compétences renforce la résilience des femmes aux changements climatiques tout en améliorant leurs moyens de subsistance. Un exemple est la promotion de technologies à faible émission de carbone et durables qui renforcent le pouvoir d’action des femmes et accroissent leurs capacités sans pour autant creuser les inégalités entre les genres.
Une recherche axée sur l’économie bleue financée par le CRDI examine les possibilités d’autonomiser les femmes pêcheurs dans la région côtière du Kenya. L’économie bleue repose sur l’utilisation durable des ressources marines et océaniques pour la croissance économique et l’amélioration des moyens de subsistance. De nombreuses femmes sont engagées dans des entreprises de mangrove et dans la culture d’algues, mais les revenus qu'elles tirent de cette activité saisonnière sont faibles. Les femmes assument également la responsabilité principale du travail de soins non rémunéré, ce qui limite le temps qu’elles peuvent consacrer à des activités économiques.
Dirigé par l’African Center for Technology Studies, le projet étudiera, co-concevra et déploiera des fermes d’algues multitrophiques et piscicoles intégrées et adaptées au climat dans deux comtés, Kwale et Kilifi. L’aquaculture multitrophique intégrée imite un écosystème naturel en combinant l’élevage de plusieurs espèces complémentaires à différents niveaux de la chaîne alimentaire, au profit de chaque espèce et de l’environnement. Le projet utilisera ces fermes modèles pour obtenir des connaissances pratiques sur l’exploitation de l’aquaculture afin d’améliorer les moyens de subsistance et la résilience des femmes et de favoriser une croissance inclusive et durable.
Cet effort complète un projet financé par Affaires mondiales Canada qui déploiera des solutions fondées sur la nature dans les deux mêmes comtés du Kenya en vue de promouvoir des moyens de subsistance durables pour les femmes engagées dans l’économie bleue.
D'autres moyens de faire progresser la recherche climatique sensible au genre
La recherche visant à améliorer l’adaptation aux changements climatiques et la résilience doit être menée localement et être inclusive afin que les personnes les plus touchées, notamment les femmes, aient leur mot à dire dans l’élaboration de solutions.
Il est tout aussi important de créer des espaces où les femmes et les autres groupes vulnérables peuvent s’engager de manière significative. Les discussions qui ont lieu à l’échelle locale permettent une participation plus efficace des groupes vulnérables à l’action climatique. Le renforcement des capacités des différents groupes sociaux à mieux représenter leurs électeurs dans les processus décisionnels contribue à la conception d’interventions pertinentes à l’échelle locale.
La sensibilisation des groupes vulnérables aux politiques qui soutiennent les efforts d’inclusion peut également renforcer l’action climatique. La cohérence des politiques aux échelles communautaire, nationale et régionale, en particulier en ce qui concerne la propriété foncière, contribue de manière significative à accroître l’égalité des genres et l’inclusion sociale. La reconnaissance des droits des femmes à la propriété foncière permet un alignement entre les politiques foncières et les efforts de résilience climatique.
Il est crucial d’appliquer une perspective sexospécifique aux évaluations de la vulnérabilité et des risques liés aux changements climatiques à l’échelle communautaire. Alors que le monde s’efforce de lutter contre la crise climatique, des investissements supplémentaires dans la recherche sont nécessaires pour bâtir des communautés résilientes aux changements climatiques et aider les groupes vulnérables, dont les femmes, à résister aux répercussions des changements climatiques.
Les leçons de cet article sont tirées d’une conversation tenue lors d’un café sur le genre visant à faire progresser l’égalité des genres et de l’inclusion sociale grâce à l’action climatique. Le café a été organisé conjointement par Affaires mondiales Canada et le CRDI en septembre 2023 à Nairobi, au Kenya. Les chercheurs, les organisations de la société civile et les décideurs ont réfléchi aux leçons apprises au fil des ans pour éclairer les travaux en cours dans leurs organisations respectives.