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Leçons pertinentes sur le plan des politiques pour aider les jeunes Africains à acquérir des compétences en milieu de travail

 
3 décembre 2019

Le chômage des jeunes est un problème chronique dans toute l’Afrique subsaharienne, où une part importante des jeunes sont au chômage et ne suivent ni formation ni éducation. Même dans les économies en croissance, des millions de jeunes sont exclus du monde du travail formel.

L’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) transmettent des connaissances et des compétences pour l’emploi et l’entrepreneuriat. Bien que les gouvernements et les partenaires au développement aient sensiblement amélioré l’acquisition des compétences en Afrique orientale et australe au cours de la dernière décennie, la réforme du secteur de l’EFTP est essentielle pour faire face à l’ampleur du chômage des jeunes et pour répondre à la demande de nouvelles compétences dans une économie mondiale en mutation.

Faits saillants

  • Des réformes du secteur de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) en Afrique sont nécessaires pour lutter contre le chômage des jeunes.

  • Des recherches menées dans six pays africains ont permis de cerner des défis communs dans le secteur de l’EFTP et de formuler des recommandations pour améliorer les capacités. 

  • Les résultats contribuent au changement des systèmes nationaux d’EFTP, le Kenya et l’Ouganda introduisant de nouvelles politiques.

La recherche financée par le CRDI dans six pays a produit des résultats de recherche qui ont contribué à ces réformes. Dirigées par trois universités africaines, des équipes de recherche au Kenya, au Malawi, en Tanzanie, en Ouganda, en Zambie et au Zimbabwe ont tiré des enseignements précieux sur les défis communs auxquels sont confrontés les systèmes d’EFTP et sur les innovations qui pourraient améliorer la capacité du secteur. Dans certains pays, ces conclusions orientent déjà la formulation et la mise en oeuvre de nouvelles politiques.

Six leçons pour préparer les jeunes au travail

1. Harmoniser les compétences avec la demande

Des équipes de recherche au Kenya, au Malawi et en Zambie ont constaté un décalage chronique entre les compétences exigées par les employeurs et celles transmises par les établissements d’EFTP. Ce décalage s’explique en grande partie par la faible participation du secteur privé à la conception des programmes d’études et des programmes, ainsi que par les possibilités limitées d’apprentissage et de placement professionnel pour les étudiants. La recherche souligne l’urgence de bâtir un secteur de l’EFTP axé sur la demande qui réponde aux besoins de l’industrie.

2. Inclure la formation en compétences générales

Les résultats indiquent que les diplômés de l’EFTP dans les six pays ont tendance à manquer de compétences dans des domaines tels que l’écriture, les mathématiques, la lecture et l’informatique. En plus de la formation technique, l’EFTP peut aider les jeunes à acquérir ces compétences fondamentales ainsi que des compétences générales comme la communication, la gestion, la résolution de problèmes et le travail en équipe.

3. S’attaquer aux obstacles sexospécifiques

Un rapport de l’UNESCO constate que, bien que les taux de scolarisation des femmes dans l’EFTP aient augmenté au cours de la dernière décennie, les hommes continuent de dominer le secteur. L’étude menée dans six pays a mis en évidence des obstacles importants dans l’ensemble du système d’EFTP. Par exemple, de nombreux établissements n’ont pas de toilettes et de logements séparés et n’offrent pas un environnement sûr aux étudiantes. L’EFTP est souvent considéré comme une activité masculine et les taux d’inscription des femmes sont faibles dans des domaines tels que la plomberie, l’électricité et la construction. Les taux d’abandon scolaire sont généralement élevés, mais le taux d’abandon des filles est plus élevé que celui des garçons. Au Zimbabwe, par exemple, les mariages et grossesses précoces ou les responsabilités parentales poussent régulièrement les femmes à abandonner leurs études. La recherche semble indiquer que le fait de donner aux jeunes femmes l’accès à une formation à l’autonomie fonctionnelle et à l’information sur la santé et les droits sexuels et génésiques pourrait résoudre ces problèmes.

4. Recherche de financements innovants

Les faibles niveaux de financement public constituent un obstacle important pour le secteur de l’EFTP. Les allocations budgétaires sont minimes par rapport aux autres niveaux d’enseignement. En Ouganda, par exemple, au moins 60 % du budget de l’éducation est consacré à l’enseignement primaire et les 40 % restants favorisent largement l’enseignement secondaire et universitaire.

Ce niveau décroissant ou stagnant du financement public de l’EFTP a entraîné une hausse des taux de scolarisation (à l’exclusion des pauvres) et nuit à la qualité de l’enseignement, à l’élaboration des programmes, à la formation des formateurs, aux apprentissages et aux stages. On ne peut pas s’attendre à ce que les gouvernements soient les seuls bailleurs de fonds de l’EFTP - de nouvelles sources de financement sont essentielles. Il pourrait s’agir, par exemple, des centres de formation de l’EFTP qui offrent des services générateurs de revenus, ou des taxes de formation et d’apprentissage imposées aux employeurs.

5. Renforcer les liens avec le secteur privé

Les principaux facteurs qui contribuent au fossé entre le système d’EFTP et les demandes du marché du travail sont la médiocrité des infrastructures de formation, l’obsolescence des méthodes et des équipements de formation, l’absence de système d’assurance qualité et le manque d’expérience directe des formateurs dans le secteur. En fonction du pays et du programme d’études, les diplômés de l’EFTP accusent régulièrement un retard de neuf mois à deux ans dans la recherche d’un emploi, ce qui souligne le manque de coordination entre les établissements d’EFTP et les employeurs. Par exemple, plus de 50 % des employeurs interrogés en Zambie n’avaient jamais visité un collège d’EFTP pour le recrutement ou le placement.

6. Changer la perception du public

Dans les six pays étudiés, les chercheurs ont constaté que les jeunes considèrent l’EFTP comme un second choix ou comme une éducation destinée aux pauvres, aux marginalisés ou aux décrocheurs scolaires. Au Malawi, par exemple, les jeunes sont conscients des possibilités qu’offre l’EFTP, mais seule une petite proportion d’entre eux le considèrent comme leur premier choix de carrière.

La qualité de l’enseignement, de l’équipement et du temps consacré à l’apprentissage pratique et en milieu de travail influence considérablement la perception qu’ont les élèves de l’EFTP. Certains étudiants ont dit aux chercheurs : « Nous ne voulons pas vivre une vie misérable comme les diplômés de l’EFTP que nous connaissons ou voyons. » On pourrait répondre à ces préoccupations en investissant dans la qualité de l’enseignement et de l’équipement et en établissant des liens solides avec le secteur privé.

Réformes sectorielles en cours

Afin d’influencer des changements positifs dans le secteur de l’EFTP, les équipes de recherche partagent leurs résultats par le biais des médias, des médias sociaux, d’événements publics et de réunions avec les responsables politiques. Le projet contribue à sensibiliser les jeunes, les entreprises, les enseignants du secondaire et les décideurs politiques au potentiel de l’EFTP. Cette prise de conscience conduit à des mesures concrètes.

En Ouganda, le Cabinet a approuvé la politique d’enseignement et de formation techniques et professionnels de 2019, qui intègre les recommandations nationales du projet. La politique comprend la mise en place d’un système d’EFTP dirigé par l’employeur et l’élaboration de normes et de cadres visant à améliorer la qualité des formateurs et des établissements d’EFTP.

Le gouvernement kenyan s’est appuyé sur les résultats de la recherche pour renforcer le cadre réglementaire de l’EFTP et pour relier la formation professionnelle à d’autres filières d’enseignement et à la demande du marché du travail. Le CRDI appuie le Fonds d’innovation pour l’EFTP au Canada afin de contribuer à l’expansion de l’EFTP et à l’employabilité des diplômés. Entre autres objectifs, le fonds soutiendra la recherche menée par les institutions d’EFTP afin d’explorer les liens avec le secteur privé et d’analyser le marché du travail dans une perspective sexospécifique.