Le Sri Lanka mieux préparé aux futurs tsunamis
Les collectivités côtières vulnérables du Sri Lanka sont désormais mieux outillées pour survivre aux tsunamis, cyclones et autres catastrophes naturelles survenant soudainement. Ce degré accru de préparation est le fruit de travaux de recherche financés par le CRDI qui visaient à cerner les meilleurs moyens d’alerter les collectivités concernées en cas de danger imminent afin que leurs habitants puissent trouver refuge rapidement dans un endroit sûr.Le projet en question a été mis sur pied à la suite du tsunami qui est survenu en 2004 dans l’océan Indien et qui a fait 230 000 morts, dont 40 000 au Sri Lanka seulement. Après cette catastrophe, de nombreux organismes internationaux ont voulu accroître l’efficacité des systèmes nationaux d’alerte.
Le CRDI a toutefois privilégié une autre démarche. De concert avec LIRNEasia, une organisation sri-lankaise qui s’attache à trouver des solutions qui soient axées sur les technologies de la communication, il s’est plutôt concentré sur le « dernier kilomètre ». En d’autres mots, les chercheurs ont voulu trouver des moyens de resserrer le lien entre les autorités centrales et les collectivités susceptibles de se trouver sur la trajectoire d’une éventuelle catastrophe.
Comme l’explique Laurent Elder, chef de programme au CRDI, de nombreuses vies auraient pu être sauvées en 2004 si les alertes avaient franchi le dernier kilomètre de la chaîne d’intervention. C’est justement à cette étape, insiste-t-il, que le système a fait défaut. Les autorités ont eu suffisamment de temps pour donner l’alerte, mais cette dernière n’a pas été transmise aux collectivités les plus concernées.
Des exercices d’évacuation concrets
Pour renforcer le lien crucial entre autorités centrales et collectivités vulnérables, LIRNEasia s’est associée à Sarvodaya, la plus grande organisation non gouvernementale à vocation sociale du Sri Lanka. Ensemble, elles ont mobilisé la participation de collectivités côtières à la mise à l’essai de divers systèmes d’alerte sur le dernier kilomètre.
Sarvodaya a tout d’abord mis sur pied près de Colombo, la capitale, un centre d’information capable de diffuser des bulletins jusque dans les collectivités reculées, où des « gardiens » étaient prêts à recevoir l’information. On a également créé des comités locaux d’intervention d’urgence dont les membres ont reçu la formation voulue pour assurer le bon fonctionnement de l’équipement et coordonner l’évacuation en cas d’alerte.
Les citoyens ont donc participé à la mise à l’essai de cinq technologies différentes conçues pour transmettre l’information depuis le centre d’information. Les simulations en conditions réelles ont permis de déceler des problèmes techniques et des exemples d’erreurs humaines dont il aurait été impossible de se rendre compte autrement.
Comme le rappelle Rohan Samarajiva, président du conseil d’administration et directeur général de LIRNEasia, ces essais ont révélé que la radio par satellite « adressable » était la technologie la plus fiable. Malheureusement, la faillite de la seule société de radiodiffusion par satellite en Asie a fait en sorte que cette solution n’était plus envisageable.
La meilleure solution de rechange, indique M. Samarajiva, consistait alors à envoyer, grâce à la radiodiffusion par cellulaire, des messages aux utilisateurs de la téléphonie mobile. Cette méthode, qui permet de transmettre des messages à un grand nombre de destinataires à partir d’un point central, n’est pas à la merci de l’engorgement qui affecte les systèmes de messagerie texte standards; elle s’avère donc plus fiable lorsque le volume de messages transmis est élevé.
Dispositif de transmission auxiliaire
LIRNEasia a également amorcé le déploiement au Sri Lanka du Protocole d’alerte commun (PAC), un logiciel qui permet de diffuser un même message sur d’autres supports, comme la radio et Internet, afin que celui-ci soit tout de même transmis aux utilisateurs advenant une défaillance de la téléphonie mobile. Les premières applications multilingues du PAC ont été créées spécialement dans le cadre du projet.
Aujourd’hui, explique M. Samarajiva, des milliers de collectivités comptent un comité d’intervention en cas d’urgence, et les réseaux mobiles du Sri Lanka sont tout à fait en mesure de transmettre les alertes grâce à la radiodiffusion par cellulaire. Les fausses alertes qui ont été émises lorsque des indicateurs ont prédit par erreur des tsunamis ont quant à elles fourni des occasions de régler certains problèmes et de peaufiner le dispositif.
Mais ce qui est peut-être plus important encore, c’est que la recherche, comme l’indique M. Samarajiva, a incité le gouvernement et des organisations telles que Sarvodaya à délaisser leur approche axée sur l’intervention en cas de catastrophe au profit d’une démarche axée sur la prévention. De plus, certains des enseignements tirés du projet ont été mis en application dans le cadre de travaux sur l’élaboration de systèmes de lutte contre les épidémies.
Ces efforts sur le dernier kilomètre ont dépassé les frontières du Sri Lanka. En effet, les chercheurs ont fait part de leurs constatations à des spécialistes du Bangladesh, de l’Inde, de l’Indonésie et des Maldives. Aux États-Unis, des responsables de l’intervention d’urgence ont eu recours à un logiciel libre qui avait été mis à l’essai dans le cadre du projet : quand l’ouragan Sandy a frappé le pays de plein fouet en octobre 2012, la Ville de New York s’est appuyée sur le système d’alerte aux catastrophes naturelles Sahana pour réagir plus adéquatement à l’événement. Dans la foulée de l’ouragan, on s’est rendu à l’évidence : le mouvement du libre et le soutien aux chercheurs du Sud peuvent apporter des solutions pertinentes pour les pays du Nord.
Stephen Dale est un rédacteur établi à Ottawa.
Cet article fait partie des récits Des effets durables, qui mettent en évidence des façons dont les travaux financés par le CRDI ont amélioré les conditions de vie dans les pays en développement.