Le salaire minimum contribue-t-il à réduire la pauvreté ?
Vers une croissance partagée
Le salaire minimum vise à réduire la pauvreté et les inégalités. Intervention clé du domaine des politiques visant le marché du travail, le salaire minimum constitue une mesure de protection sociale à laquelle recourent beaucoup de pays d’Amérique latine. Sa majoration a toujours été considérée comme un moyen de protéger les travailleurs pauvres et leurs familles et d’accroître leurs chances de se sortir de la pauvreté. Cependant, dans les écrits, les données sur les répercussions de cette hausse demeurent empiriques. Il existe peu de données probantes démontrant l’efficacité de cette stratégie dans des pays donnés, et des débats houleux ont cours lorsque vient le temps de modifier le salaire minimum.
Les faits
Le projet Incidence du salaire minimum sur le marché du travail en Amérique centrale[i], appuyé par le CRDI, examine l’incidence des lois relatives au salaire minimum sur le bien-être des travailleurs et de leurs familles dans trois pays d’Amérique centrale. À cette fin, des données ont été recueillies au fil des ans au moyen d’un panel de ménages et de particuliers au Costa Rica, au Salvador et au Nicaragua. Des méthodes économétriques de pointe ont permis d’évaluer l’incidence des modifications apportées au salaire minimum sur les salaires, sur l’emploi, sur la mobilité des travailleurs entre le secteur structuré et le secteur non structuré, sur l’entrée dans la population active et la sortie de cette dernière, ainsi que sur le fait de sombrer dans la pauvreté ou de s’en sortir.
En Amérique centrale, des salaires minimums sont fixés par la loi pour différentes catégories; il y 19 niveaux de compétences et d’emploi au Costa Rica, 14 industries au Nicaragua et quatre industries au Salvador. Dans les trois pays, ce sont les représentants du gouvernement central, les syndicats et les chambres de commerce qui négocient ces salaires. La loi sur le salaire minimum s’applique à tous les employés du secteur privé, mais les trois pays comptent un grand nombre de travailleurs indépendants ou de travailleurs familiaux non rémunérés que la loi ne protège donc pas. Ces derniers représentent 20 % de la main-d’oeuvre au Costa Rica, 41,4 % au Salvador et plus de 50 % au Nicaragua. Comme on peut s’y attendre, il est difficile d’assurer le respect du salaire minimum en Amérique centrale en raison des capacités restreintes des organismes chargés de l’assurer, de la structure complexe, et parce qu’un vaste pan de travailleurs n’est pas protégé par la loi sur le salaire minimum. Il est par contre à noter que même dans le secteur privé structuré, un pourcentage important de travailleurs touche un salaire inférieur au salaire minimum (voir le graphique).
Les résultats de recherche indiquent que la hausse du salaire minimum a une incidence positive sur les salaires d’un sous-ensemble de travailleurs, pour la plupart des employés à temps plein de grandes entreprises. En revanche, il est peu probable qu’elle profite aux employés des petites entreprises ou aux travailleurs temporaires au sein de grandes entreprises, ou encore aux détenteurs d’emplois normalement associés au secteur non structuré et donc à de faibles salaires. En clair, il y a peu de chances que les salaires minimums fixés par la loi au Costa Rica, au Salvador et au Nicaragua contribuent à accroître les salaires des travailleurs les moins bien rémunérés.
Il ressort en outre de la recherche que des salaires minimums plus élevés nuisent à l’emploi dans le secteur privé structuré. En effet, une modification du salaire minimum est défavorable au recrutement de nouveaux travailleurs et provoque des mises à pied d’emplois qui offrent habituellement d’autres avantages tels qu’une protection de sécurité sociale. Selon les estimations, une hausse du salaire minimum réel de 10 % entraîne une baisse de l’emploi dans le secteur structuré d’environ 1 % au Costa Rica, 3 % au Nicaragua et 10 % au Salvador.
Choix décisifs
Selon les données probantes, le salaire minimum ne constitue pas un moyen efficace de réduire la pauvreté dans les pays d’Amérique centrale. Par conséquent, au lieu d’élaborer et de mettre en oeuvre des lois complexes sur le salaire minimum, lesquelles peuvent certes permettre de se constituer rapidement du capital politique, il vaudrait mieux se tourner vers des politiques ayant pour but d’assurer le respect du salaire minimum, d’augmenter les revenus des travailleurs du secteur non structuré qui ne verse pas ce salaire et d’accroître la productivité des travailleurs à long terme.
[i] Constatations émanant du projet du CRDI no 104243, Incidence du salaire minimum sur le marché du travail en Amérique centrale – une analyse comparative du Costa Rica, du Salvador et du Nicaragua.
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