Le cas du Nigeria : tenter de lutter contre le commerce illicite par la réglementation

L'économie de la lutte antitabac au Nigeria : Promouvoir une mise en application efficace de la politique de lutte antitabac au Nigeria 

La difficulté apparente à mettre en œuvre des mesures de lutte antitabac au Nigeria est en partie attribuable aux pressions vigoureuses de l'industrie du tabac, laquelle fait de fausses allégations au sujet de la gravité des répercussions des politiques de lutte contre le tabagisme sur l'emploi et l'économie. Cette stratégie s'est avérée efficace dans de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (PFR-PRI), car les données probantes issues de la recherche pour réfuter les affirmations trompeuses sont rares.

Cette recherche fournit des connaissances détaillées et des recommandations pour informer les gouvernements et les parties prenantes de l'efficacité des politiques et de la manière de formuler correctement les réglementations pour avoir un effet positif sur la santé publique.

*Années de vie corrigées du facteur invalidité : L'année de vie corrigée de l'incapacité est une mesure de la charge globale de morbidité, exprimée en nombre d'années perdues pour cause de mauvaise santé, d'incapacité ou de décès précoce.

L'exemple du Nigeria : comment un taux d'imposition insuffisant peut-il diluer les répercussions potentielles des politiques en faveur de la santé?  

Les réalités de l'industrie du tabac au Nigeria. Un besoin de régularisation du marché en termes d'imposition et de niveaux de production.  

Le Nigeria est un marché clé pour l'industrie du tabac en Afrique en raison de sa grande population et de son accès aux autres marchés de la région. Grâce aux mesures incitatives financières du gouvernement fédéral, British American Tobacco a construit une usine de 150 millions de dollars américains au Nigeria pour desservir les pays d'Afrique occidentale, ce qui lui a conféré un statut de quasi-monopole. En outre, l'État a peu de contrôle sur la production et les contrôles aux frontières sont faibles dans de nombreuses régions.  

Une forte demande entraîne des niveaux élevés de production, mais si elle n'est pas gérée correctement, les choses peuvent déraper. 

Au Nigeria, un total de 17,53 milliards de cigarettes a été produit en 2016, dont 3,3 % ont été exportées.

De même, on estime que la demande annuelle de cigarettes au Nigeria était de 22,76 milliards de cigarettes au cours de la même période. La demande est estimée sur la base du nombre de personnes qui fument quotidiennement au Nigeria (7 638 000 quotidiens); des personnes qui fument en moyenne 8,3 cigarettes par jour (2012). La demande totale s'élève donc à 23,1 milliards de cigarettes par an.

En tenant compte des exportations nettes, cette estimation conduit à un excédent inexpliqué, interprété comme la taille du commerce illicite du tabac, représentant plus de 6 milliards de cigarettes consommées annuellement (26,3 % de la consommation totale).

Lorsque vous mettez en place une taxe, veillez à ce que son montant soit suffisant.  

Une nouvelle politique fiscale introduite par le Nigeria en 2018 s'est élevée à 16,4 % de la charge fiscale globale, ce qui reste nettement inférieur à la charge fiscale de 75 % sur les produits du tabac recommandée par l'OMS.

L'augmentation des taxes sur le tabac devrait entraîner une hausse du prix des cigarettes afin d'avoir des répercussions sur les consommatrices et consommateurs. Cependant, le prix réel de la cigarette la plus populaire au Nigeria, fabriquée par British American Tobacco (BAT), a en fait diminué dans les zones rurales et urbaines depuis le début du nouveau régime fiscal.

En bref, la taxe n'a pas eu l'effet escompté. 

Liste de l'équipe et des partenaires

Chukwuka Onyekwena, M. Sc., Ph. D. (chercheur principal), directeur exécutif, Centre for the Study of the Economies of Africa (CSEA), Abuja, Nigeria. 

Méthodologie et références

Cette recherche présente des estimations des coûts directs associés aux maladies associées au tabac et des coûts indirects des maladies associées au tabac, qui n'étaient pas disponibles auparavant dans le pays.

Le CSEA a effectué des analyses qui ont rationalisé les messages de ces études pour les adapter au contexte nigérian. Les données de l'enquête ont été analysées en utilisant les méthodes du coefficient de variation** (CV).

Le CSEA a également produit une note de recherche sur le rapport coût-efficacité des mesures visant à freiner le commerce illicite du tabac. Une analyse coûts-bénéfices a été utilisée pour comparer les différents systèmes de contrôle du tabac, y compris le système Codentify***. Cela a constitué la base de la mise en œuvre d'un système efficace de suivi et de localisation au Nigeria.

**En théorie des probabilités et en statistique, le coefficient de variation, également appelé écart-type relatif, est une mesure normalisée de la dispersion d'une distribution de probabilité ou d'une distribution de fréquence.

***Le système Codentify est basé sur un code alphanumérique à plusieurs chiffres, unique et lisible par l'homme, créé par une machine et imprimé directement sur chaque produit individuel au cours du processus de fabrication. Un système de cryptage à double clé avec des clés de cryptage distinctes à l'échelle de l'autorité centrale et à l'échelle de l'usine est stocké sur des serveurs différents, ce qui permet la production en ligne d'un nombre prédéfini de codes Codentify qui ont été autorisés par un serveur central (p. ex. le gouvernement).

Promouvoir les principaux enseignements

Pour célébrer l'aboutissement de plus d'une décennie de partenariats, de recherche et de plaidoyer, un webinaire a été prévu en partenariat avec Cancer Research UK, « Demystifying the Economics of Tobacco Control : Knowledge, policy and everything in between (Démystifier l'économie de la lutte antitabac : connaissances, politique, et tout ce qui se trouve entre les deux), » et diffusé en direct le 29 juin 2022.

Ce webinaire a été l'occasion de démystifier le processus d'application des connaissances, d'échanger les principaux enseignements de nos équipes de recherche à travers le monde et de discuter des nouvelles possibilités d'avoir des répercussions continues et notables.

Financement de l'Initiative de recherche sur la dimension économique de la lutte antitabac

L'appel à notes conceptuelles sur la dimension économique de la lutte antitabac dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire (PFR-PRI) offre jusqu'à un million de dollars canadiens sur un maximum de quatre ans pour appuyer la recherche fondée sur des données probantes sur les motifs économiques justifiant l'adoption de mesures antitabac dans les PFR-PRI dans quatre régions : Asie, Amérique latine et Caraïbes, Moyen-Orient et Afrique du Nord, et Afrique subsaharienne.

Cette initiative cible la recherche en économie appliquée et collaborative, et vise à soutenir la mise en œuvre de mesures fiscales et d'autres mesures politiques efficaces pour aider à prévenir les maladies liées au tabagisme et sauver des vies.