L’approche « Une seule santé » progresse dans la lutte contre les maladies négligées à Madagascar
Un boucher de porc à Madagascar a consulté un médecin après avoir souffert de symptômes qui comprenaient trois mois de maux de tête récurrents. Dr Andry Fanomezana Rabesisoa, de l’hôpital régional de recours d’Antsirabé, a expliqué qu’une enquête avait permis de poser un diagnostic de cysticercose.
Le patient a été hospitalisé et a reçu le traitement recommandé par l’OMS pour cette maladie tropicale négligée qui peut avoir un impact dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance des personnes. Outre la perte de revenus pendant son séjour à l’hôpital, le boucher a dépensé l’équivalent d’environ 150 CAD pour un tomodensitogramme et d’autres tests. Le coût d’un seul tomodensitogramme est de 450 000 ariary malgache (98 CAD), ce qui est inabordable pour la plupart des personnes qui habitent ce pays.
La cysticercose est causée par un ténia transmis par des porcs infectés. Chez les humains, les infections atteignant le cerveau entraînent une maladie neurologique appelée neurocysticercose, qui est considérée comme étant l’infection parasitaire du système nerveux central la plus courante et qui est une cause majeure d’épilepsie. À Madagascar, les efforts antérieurs visant à lutter contre cette maladie évitable se concentraient uniquement sur l’administration massive de médicaments, ciblant tout le monde dans les régions endémiques. Cependant, la maladie n’a pas été entièrement maîtrisée, car les porcs infectés continuent d’avoir des kystes dans leur viande, ce qui les expose à des infections.
La recherche financée par le CRDI favorise les efforts intégrés
Le traitement de la neurocysticercose est compliqué. Il comprend l’utilisation de stéroïdes, de médicaments antiépileptiques et, dans certains cas, d’anthelminthiques, qui sont des médicaments antiparasitaires qui expulsent les vers parasites du corps. La chirurgie peut également être recommandée.
L’incidence des cas peut être considérablement réduite, voire éliminée, à Madagascar et dans d’autres pays endémiques, grâce à l’approche « Une seule santé » qui comprend une combinaison de vaccination et de traitement du bétail et des humains afin de briser le cycle de transmission entre les humains et les porcs.
L’approche « Une seule santé » est une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser de manière durable la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Autant ce concept est largement accepté comme la meilleure stratégie pour relever les défis de santé à l’échelle mondiale, autant il n’est pas encore mis en œuvre de manière significative, et ce, malgré les politiques connexes bien intentionnées dans de nombreux pays. La recherche financée par le CRDI dans le cadre du Fonds d’innovation en vaccins pour le bétail (FIVB) démontre la mise en œuvre de l’approche « Une seule santé » et comment, dans ce projet particulier, elle peut être utilisée pour réduire l’incidence de la neurocysticercose, entraînant environ 28 000 décès par an et touchant près de 50 millions de personnes dans le monde entier.
Le FIVB, dirigé par le Centre national de la recherche appliquée au développement rural (FOFIFA) de Madagascar et l’Université de Melbourne en Australie, a facilité le traitement et la vaccination de plus de 90 000 porcs dans les districts de Betafo et de Mandoto à Madagascar. Les porcs sont traités pour éliminer tout kyste dans les muscles et vaccinés pour prévenir de futures infections. Un vaccin porcin efficace appelé Cysvax® est utilisé dans le cadre de l’initiative de recherche. Dans le même temps, environ 120 000 personnes ont été traitées avec un médicament antiparasitaire au cours des deux dernières années, en utilisant le praziquantel ou le médicament de relais, soit le niclosamide.
Ce modèle pionnier de lutte contre la cysticercose fait suite à une collaboration pratique entre le FOFIFA, l’Université de Melbourne, l’OMS et les ministères de la Santé et de l’Élevage de Madagascar. Il s’agit à ce jour du plus grand effort de lutte contre la cysticercose au monde dans le cadre de l’initiative « Une seule santé ». Les leçons tirées de ce projet influencent déjà les protocoles de l’OMS pour l’administration de médicaments à grande échelle, comme l’utilisation d’un autre médicament antiparasitaire, le niclosamide, afin de réduire les effets indésirables chez les personnes infectées qui ne sont pas admissibles au praziquantel. Le projet est également présenté comme une étude de cas dans un cours en libre accès de l’OMS portant sur les maladies tropicales négligées dans le cadre de l’initiative « Une seule santé ».
La participation des leaders traditionnels contribue à accroître la sensibilisation
L’hôpital Betafo dans la région du Vakinankaratra à Madagascar a offert un laboratoire pour appuyer les efforts de recherche. Le personnel hospitalier, les responsables de la santé publique au niveau des districts et les homologues de la santé animale travaillent tous ensemble de manière coordonnée pour garantir que les campagnes de sensibilisation, les traitements, les vaccinations et les tests sur les porcs et les humains sont effectués de manière synchronisée.
La Dre Claudia Ravonirina, vétérinaire du district d’Antsirabé, a déclaré que le projet avait « démontré l’importance d’impliquer les focutan [chefs de Fokontany, la plus basse unité administrative régionale de Madagascar] et les leaders traditionnels dans la sensibilisation de la population concernant la cysticercose porcine. » Elle a ajouté que plusieurs défis avaient été surmontés grâce à ces efforts de sensibilisation.
La collaboration multisectorielle du projet a démontré à bien des égards que le concept « Une seule santé » peut être mis en œuvre efficacement lorsque des ressources adéquates sont disponibles et lorsque les objectifs du programme et les rôles des partenaires sont clairs. La coordination entre les partenaires et l’exécution en temps opportun des activités du projet s'est avérée essentielle aux efforts visant à briser le cycle de transmission de la maladie.
En savoir plus sur ce projet de recherche.
Le FIVB est une initiative conjointe appuyée par Affaires mondiales Canada, la Fondation Bill et Melinda Gates et le CRDI qui travaille dans le cadre de partenariats pour développer des vaccins abordables, disponibles et acceptables pour les petites éleveuses et les petits éleveurs et pour faciliter leur utilisation à grande échelle. Le FIVB cible les maladies du bétail qui ont le plus d’impact sur les petites exploitations de bétail, tant les femmes que les hommes, en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est.
Collaboration : Victor Mbao, spécialiste principal de programme, CRDI, et Evelyn Baraké, agente de programme, CRDI