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La recherche locale est essentielle à l’action climatique de l’Afrique centrale

 
17 novembre 2022

Tous les regards sont tournés vers l’Égypte pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) en novembre, mais en Afrique centrale, la question est une source de préoccupation toute l’année.

Dans une allocution prononcée lors d’un webinaire en juin sur l’urgence climatique en Afrique centrale, Edmond Totin de l’Université nationale d’agriculture du Bénin a déclaré : « Alors que le réchauffement de la planète est estimé à 1,09 °C, il est de 1,1 °C en Afrique centrale. » Cette différence devrait entraîner des pénuries d’eau encore plus graves et réduire la production agricole. S’exprimant également lors du webinaire, Denis Sonwa, scientifique principal au Center for International Forestry Research, a déclaré que les caractéristiques biophysiques de l’Afrique (telles que les formes de relief, le sol et la végétation) favorisent l’absorption de la chaleur. Cela signifie qu’une augmentation moyenne de la température mondiale de 1,5 °C serait en fait beaucoup plus élevée dans des régions comme le Sahel.

Dans le sixième rapport d’évaluation du Groupe de travail II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les tendances à la hausse des températures moyennes en Afrique sont attribuées aux changements climatiques d’origine humaine. M. Totin est coauteur du chapitre sur l’Afrique, qui souligne que « la plupart des pays africains ont contribué le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques, mais ils ont déjà subi des pertes et des dommages considérables. L’Afrique centrale n’est pas différente […]. » Parmi les pertes et les dommages figurent des risques accrus pour la santé humaine, une croissance économique réduite, des pénuries d’eau, une production alimentaire réduite, une perte de biodiversité et des effets néfastes sur les établissements humains et les infrastructures.

Manque de données locales en temps réel

La mesure de l’ampleur des changements climatiques à l’échelle locale est entravée par le manque de données. Le GIEC note que « l’Afrique est confrontée à de graves contraintes en matière de données en raison du sous-investissement dans les stations d’observation météorologique, la recherche et l’échange de données ». La plupart des pays d’Afrique centrale ont moins de 25 stations de ce type. Par conséquent, les données à l’échelle du continent ne reflètent pas les réalités locales, selon l’expert en gestion des ressources naturelles Gervais Itsoua Madzous. Cette pénurie de données entrave l’analyse des tendances régionales en matière de changement et conduit à des prévisions inexactes et à des systèmes d’alerte précoce médiocres ou inexistants pour les personnes les plus vulnérables.

Comme M. Sonwa l’a indiqué, la rareté des données a même affecté le rapport du GIEC : seulement 11 % des auteurs étaient originaires du continent africain et aucun n’était d’Afrique centrale. De 1990 à 2019, l’Afrique n’a reçu que 3,8 % du financement mondial de la recherche liée au climat. De ce montant, seulement 14,5 % sont allés à des institutions africaines. En conséquence, le GIEC a attribué une cote de « faible niveau de confiance » aux découvertes scientifiques concernant l’Afrique.

Les recherches financées par le CRDI et menées par M. Sonwa en République démocratique du Congo (RDC) et au Cameroun ont révélé un besoin sous-jacent d’investissements dans les efforts d’adaptation déployés par les communautés locales afin de réduire les risques climatiques et d’accroître la résilience. 

Les femmes détiennent la clé

Les données locales existent, mais elles sont souvent négligées, car elles sont entre les mains des agriculteurs locaux, dont beaucoup sont des femmes. Cette richesse de connaissances locales et sexospécifiques est très importante, a déclaré la sociologue Marguerite Nzuzi Kenge. Experte en genre et questions sociales en RDC, Mme Kenge a déclaré au groupe du webinaire que les femmes ont tendance à être très conscientes des changements climatiques, car elles sont les gardiennes des pratiques traditionnelles. « Ces connaissances doivent être mises à la disposition des établissements d’enseignement supérieur pour soutenir l’innovation », a-t-elle déclaré.

Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les effets du climat, comme l’ont confirmé des recherches financées par le CRDI en RDC. Dans le bassin du Congo, par exemple, les migrations induites par les conflits et les changements climatiques ont menacé les moyens de subsistance des femmes en partie parce que les troupeaux de bovins migrateurs ont endommagé les champs et les cultures. Ces migrations ont également accru la pression sur les ressources, contribuant à une baisse de la production, à des conditions de travail difficiles et à la violence. Les changements climatiques perturbent également les pratiques agricoles pendant la saison sèche et aggravent la vulnérabilité des femmes, car elles sont obligées de parcourir de plus longues distances pour récolter et commercialiser des produits non traditionnels tels que le miel et les champignons.

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Un couvert forestier visible des airs dans la forêt pluviale du bassin du Congo, au Gabon.
David Rose/Panos
Un couvert forestier visible des airs dans la forêt pluviale du bassin du Congo, au Gabon.

Aller de l’avant

Malgré ces défis, l’Afrique dispose d’un potentiel énorme en matière d’atténuation des changements climatiques en raison de son engagement à renforcer la résilience climatique et à améliorer les données. Le rapport RE6 note que « les gens utilisent déjà abondamment leurs connaissances locales et autochtones pour faire face à la variabilité climatique. Ces connaissances sont très importantes pour renforcer l’adaptation locale aux changements climatiques. » Cependant, M. Totin a déclaré que les connaissances locales ne sont pas articulées dans les options d’adaptation. « Nous réagissons plutôt que d’anticiper », a-t-il déclaré.

Le bassin du Congo est hautement stratégique dans la lutte contre les changements climatiques, car il s’agit de l’un des rares puits de carbone nets restants sur terre. Les pays africains déploient également de sérieux efforts pour passer à des technologies à faible émission de carbone, à des infrastructures à faible émission de carbone et résilientes, et à des systèmes fiscaux à faible émission de carbone.

Des recherches sont toutefois nécessaires pour y parvenir. Le CRDI part du principe que les chercheurs des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont les mieux placés pour décider des données probantes nécessaires pour aider à trouver des solutions aux problèmes qui touchent leurs collectivités. Par exemple, il fournit un soutien continu au programme Sciences mathématiques pour la résilience climatique de l’Institut africain des sciences mathématiques, qui offre 100 stages dans le domaine des changements climatiques. Le CRDI continue également de soutenir les femmes dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques afin d’aider les femmes scientifiques à entreprendre une carrière.

Au cours des trois prochaines années, 12 nouveaux projets de recherche financés par le CRDI s’attaqueront aux obstacles sexospécifiques qui entravent l’accès des femmes aux possibilités économiques, tout en appuyant une reprise durable et résiliente aux changements climatiques. Par exemple, la recherche au Cameroun générera des connaissances sur les facteurs qui affectent la façon dont les femmes et les groupes minoritaires bénéficient de la restauration en cours des terres dégradées.

Des projets comme ceux-ci montrent qu’il est temps pour les bailleurs de fonds de prêter attention à l’incidence importante des chercheurs africains. Ils soulignent également que l’action climatique doit prendre en compte l’ensemble du contexte du programme de développement durable, y compris la pauvreté, la faim, l’emploi et l’autonomisation des femmes.

Faits saillants

  • Bien que les pays africains aient le moins contribué aux émissions mondiales de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques, ils subissent déjà des pertes et des dommages considérables.
  • L’Afrique est confrontée à de graves contraintes en matière de données en raison du sous-investissement dans les stations d’observation météorologique, la recherche et l’échange de données.
  • Les connaissances locales sont cruciales pour renforcer l’adaptation aux changements climatiques, mais elles sont souvent négligées.