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La recherche forge la solidarité en reconnaissant, en réduisant et en redistribuant le travail de soins non rémunéré

Chaque jour, les femmes et les filles accomplissent au sein de leur famille les tâches essentielles qui permettent au foyer de fonctionner, notamment les soins aux enfants et aux personnes malades, la cuisine, le ménage, le travail rémunéré et la gestion des finances. Ces pratiques quotidiennes sont profondément influencées par des normes culturelles, des systèmes de soutien et des politiques gouvernementales qui considèrent que les femmes et les filles sont mieux adaptées au travail de soins non rémunéré que les hommes et les garçons. Ces influences, à peine perceptibles, perpétuent des schémas de répartition des tâches très inégalitaires et difficiles à transformer.

Le travail de soins non rémunéré est essentiel pour le bien-être humain, mais largement méconnu. La part disproportionnée de ce travail assumée par les femmes et les filles limite leurs possibilités de travail et d’éducation, ainsi que leur temps pour les loisirs et le repos. Cela peut également avoir un impact négatif sur leur santé.

Les militantes et militants, les défenseuses et défenseurs des droits, les dirigeantes et dirigeants communautaires, ainsi que les représentantes et représentants du gouvernement qui œuvrent en faveur de l'égalité et qui attirent l'attention sur cette question sont inévitablement confrontés à des tensions. Ces personnes ont besoin de solutions éprouvées pour renforcer la solidarité et réduire les risques de rejet de la part des familles, des communautés et des décisionnaires.

Appuyées par l’initiative Mettre à l’échelle les innovations en soins en Afrique, un partenariat entre le CRDI et Affaires mondiales Canada, quatre équipes de recherche travaillant au Bénin, au Togo, en Afrique du Sud, au Rwanda et en Tanzanie expérimentent des solutions de soins qui sont adaptées aux réalités locales, évolutives et fondées sur la collaboration. 

Faits saillants

Des solutions de soins qui renforcent la solidarité

  • Un programme de soutien aux nouveaux pères et aux futurs pères au Rwanda a conduit à un plus grand partage du travail de soins et de la prise de décisions à la maison.
  • Dans la province du Cap-Occidental, en Afrique du Sud, des histoires sur le coût humain d’être une personne aidante sans soutien suffisant ont conduit à davantage de programmes sociaux axés sur les besoins en matière de soins.
  • La connaissance du coût économique caché du travail non rémunéré en Afrique de l’Ouest aide à concevoir des politiques nationales de développement qui abordent explicitement la question des soins.
  • Un nouveau module sur les soins dans un programme de formation pour les agricultrices et les champions communautaires masculins améliore les moyens de subsistance agricoles et l’égalité des genres en Tanzanie. 

Faire des pères des alliés au Rwanda

Media
Participant de Bandebereho pratiquant la tenue d’un bébé à l’aide d’une poupée.
Perttu Saralampi for Equimundo/RWAMREC
Un participant de Bandebereho pratiquant la tenue d’un bébé à l’aide d’une poupée.

Au Rwanda, la recherche sur le programme Bandebereho (modèle en kinyarwanda) produit des données probantes pour évaluer son impact et son potentiel d’expansion. Ce programme permet aux pères, nouveaux et futurs, de jouer un rôle actif dans la prestation de soins et l’exécution de tâches ménagères en créant un espace sécuritaire où les hommes peuvent jouer à s’acquitter de ces rôles, réfléchir à leur vie et discuter des normes et des attentes de la communauté. À l’aide d’un essai comparatif sur échantillon aléatoire, le Rwanda Men’s Resource Centre, en partenariat avec l’organisation Equimundo, a démontré que les pères participant au programme Bandebereho étaient plus susceptibles de partager les soins et la prise de décisions à la maison et moins susceptibles d’avoir recours à la violence contre leur partenaire que ceux qui n’y participent pas.

Cette preuve solide de succès a suscité l’adhésion à l’expansion du programme à l’échelle nationale, et a offert une façon culturellement ancrée de présenter l’égalité des genres comme un avantage pour les familles et les communautés. Le programme Bandebereho anticipe les discussions sur la division sexospécifique du travail et mobilise les gens en faveur de l’autonomisation des femmes. 

Des personnes aidantes racontent leur histoire en Afrique du Sud

Dirigé par l’Université du Cap, en Afrique du Sud, en partenariat avec le gouvernement du Cap‑Occidental et deux organisations, Flourish et School of Hard Knocks, le projet Répartition de la charge de travail des mères amplifie la voix des femmes aidantes grâce à la recherche-action participative et à la narration. Les personnes aidantes à faible revenu se sont engagées en tant que partenaires de recherche qui créent conjointement des définitions et des récits de l’impact du travail de soins non rémunéré au sein de leurs communautés en documentant leurs réalités quotidiennes et le coût humain d’être une personne aidante avec un soutien insuffisant. Ces données de recherche détenues en copropriété deviennent un outil de plaidoyer et de renforcement de la solidarité, car les membres de la communauté et les décisionnaires politiques peuvent voir les coûts immenses que les femmes doivent assumer en raison de la part disproportionnée des responsabilités en matière de soins qui leur incombe.

Utilisées dans les dialogues avec les décisionnaires, les voix des femmes aidantes ont suscité de nouvelles conversations sur la façon de concevoir des programmes sociaux et des infrastructures en tenant compte des besoins en matière de soins. Les échanges ont conduit à de nouveaux programmes ciblés, comme les bons alimentaires et le soutien aux soins pour les mères enceintes et les mères de nouveau-nés dont le poids est insuffisant et des plans gouvernementaux visant à réduire le nombre de départements auxquels les mères doivent se rendre pour obtenir des services dans la province du Cap-Occidental. 

Politique de localisation en Afrique de l’Ouest

Au Bénin et au Togo, une équipe formée de chercheuses et chercheurs et de défenseuses et défenseurs, et dirigée par le Consortium régional pour la recherche en économique générationnelle encourage les dialogues nationaux sur les soins fondés sur des données probantes. En partenariat avec deux organisations de défense des droits des femmes – l’Association d’aide au développement des femmes du Bénin et l’Association Cœur Solidaire l’équipe quantifie les impacts intergénérationnels des soins non rémunérés en termes économiques et les relie aux priorités de développement. Révéler les coûts économiques cachés du temps que les femmes et les filles consacrent à des tâches de soins non rémunérées au cours de leur vie aide les décisionnaires à comprendre la nécessité de politiques qui peuvent donner lieu à de meilleurs résultats économiques, sanitaires et éducatifs au niveau de la population.

Ce projet a créé un espace permettant à la société civile et aux décisionnaires de définir les priorités nationales qui tiennent compte de ces coûts cachés et de concevoir des politiques nationales de développement qui abordent explicitement la question des soins. 

Media
Un champion d’ Igunda est assis en face de son collègue et discute avec son collègue du rôle que jouent les hommes dans le ménage, par rapport aux femmes.
Abuu M. Jumanne/CARE Tanzania

Allégement de la charge de travail dans les communautés agricoles en Tanzanie

Dans le district d’Iringa en Tanzanie, CARE Tanzanie, en partenariat avec Laterite, une société de collecte de données et d’analyses, teste comment un module sur les soins non rémunérés peut améliorer son école d’agriculture et de commerce, un programme de vulgarisation agricole participatif et axé sur les femmes. Le projet implique également des leaders communautaires masculins en tant que champions pour sensibiliser le public au travail de soins non rémunéré, en donnant à ces champions les moyens de faire part de leurs connaissances à d’autres membres de la communauté, en particulier les hommes dans leurs villages.

Un dialogue continu favorise un sentiment d’objectif commun afin de réduire et de redistribuer le travail de soins non rémunéré. Des outils comme les tableaux de bord, où les membres de la communauté évaluent les services, renforcent la confiance entre la communauté et le gouvernement.

Leçons sur l’évolution des normes

Les résultats de ces projets permettent de tirer trois leçons sur la façon dont la recherche peut favoriser une compréhension commune et combler les divergences d’opinions afin de créer un changement durable : 

  • Les données probantes peuvent jouer un rôle important à long terme  
    La défense des droits est plus efficace lorsque vous disposez de données probantes – une analyse économique, des données obtenues dans le cadre d’essais ou des connaissances grâce à la narration – qui mettent en évidence les besoins des personnes aidantes et répondent directement aux besoins des personnes alliées potentielles. 
  • Il est essentiel de mobiliser les hommes et les communautés  
    Pour être efficaces, les solutions de soins doivent inclure les hommes, non seulement en tant que sujets de changement, mais en tant qu’alliés qui sont investis dans le résultat. La recherche peut aider à cerner les moments critiques dans la vie des hommes pour modifier les normes sociales clés, tandis que l’engagement avec les communautés peut aider à cimenter ces changements. 
  • Les méthodes de recherche participatives sont de puissants outils de solidarité  
    Les méthodes de recherche qui donnent la priorité à la création conjointe, à l’inclusion, à la responsabilité communautaire et à l’engagement politique ne sont pas seulement éthiques – elles sont efficaces et réduisent le potentiel de refoulement.

La prise de conscience de l’inégalité dans le travail de soins augmente, comme en témoigne la décision de l’Assemblée générale des Nations Unies en 2023 de proclamer une Journée internationale de soins et de soutien, qui est soulignée chaque année le 29 octobre. La recherche-action dirigée localement qui répond aux questions et aux préoccupations des décisionnaires communautaires et gouvernementaux a montré qu’il est possible de favoriser la confiance, de forger des alliances non conventionnelles et de soutenir un changement durable.

Collaboration : Evelyn Baraké, agente de programme, CRDI; Deepta Chopra, chargée de recherche professorale, Institute of Development Studies; Ameeta Jaga, professeure, Université du Cap; Kate Doyle, chercheuse principale, Equimundo; Miriam Selva, conseillère technique pour les partenariats stratégiques et la recherche, CARE; et Latif Dramani, professeur, Université de Thiès, Sénégal. 

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