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La lutte antiparasitaire rétablit les marchés de la mangue en Afrique australe

 

Les mangues sont une culture horticole de grande valeur et une importante source de nutrition en Afrique australe. Cependant, 80 % des mangues sont détruites par les mouches des fruits, ce qui nuit à la productivité de la mangue à l’échelle locale et réduit les possibilités d’exportation. Les insecticides de synthèse sont largement inefficaces pour lutter contre ces ravageurs.  

Afin d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les possibilités de génération de revenus et les moyens de subsistance des entreprises horticoles travaillant dans la chaîne de valeur de la mangue, le projet Cultiver l'avenir de l'Afrique (CultiAF) a élaboré et validé un programme de lutte antiparasitaire intégrée contre les mouches des fruits. 

Après plusieurs années d’essais, le programme a été lancé en 2019 dans quatre pays d’Afrique australe : le Malawi (districts de Salima, de Lilongwe et de Ntcheu), le Mozambique (provinces de Manica et d’Inhambane), la Zambie (districts de Rufunsa et de Chilanga) et le Zimbabwe (murehwa, Mutoko et quartiers de Zvimba). Le projet, appelé « Téphrites envahissantes étrangères en Afrique du Sud », visait à distribuer l’ensemble de technologies, comme les leurres et les pièges à mouches des fruits, aux entreprises agricoles pauvres en ressources, et à les sensibiliser à la lutte intégrée dans toute la région. 

Faits saillants

  • Plus de 17 500 agricultrices et agriculteurs ont été formés aux technologies de lutte intégrée. 
  • Sept mangues sur dix ont été sauvées grâce aux technologies de la LAI. 
  • La sensibilisation aux mouches des fruits a été multipliée par 12.   

 

Résultats

Interventions adaptées 

Les entreprises agricoles des quatre pays du projet ont reçu des trousses de démarrage dans le cadre de la lutte antiparasitaire intégrée (LAI) renfermant cinq interventions. Ces dernières comprenaient des biopesticides fongiques contenant des toxines naturelles qui tuent les mouches et des appâts alimentaires protéinés (aliments injectés d’insecticide) qui sont placés à l’intérieur de petites « stations d’appâts » en plastique. Les stations sont suspendues à des manguiers où elles attirent et tuent les mouches. Une autre intervention comprenait l’annihilation des mâles à l’aide de leurres, tels que des attractifs, pour attirer et tuer les mouches des fruits mâles. Cela réduit considérablement l’accouplement et la production d’œufs fécondés.

La propreté de la ferme fait également partie du programme de lutte intégrée, en vertu duquel les entreprises agricoles sont encouragées à ramasser les mangues infestées et à les enterrer. Dans le cadre de cette intervention, elles ont également été encouragées à utiliser une structure en forme de tente, connue sous le nom d’augmentorium, pour stocker les fruits tombés et infestés. Ces structures ont été fournies par l’équipe du projet et sont fabriquées en plastique ou en filet. Les mouches des fruits sont trop grosses pour passer à travers le filet. Ces dernières se retrouvent donc piégées et meurent. 

« J’ai appris que les mouches des fruits détruisent les mangues, ce qui me fait perdre des revenus. J’utilise maintenant des leurres pour attirer les mouches mâles vers un poison, éliminant ainsi la reproduction des mouches. La lutte intégrée est efficace et utile », a déclaré Sailor Chimbwali, producteur de mangues du district de Chilanga, situé à 40 km de la capitale de la Zambie, Lusaka.

La dernière intervention de lutte intégrée a été l’utilisation de parasitoïdes (petits insectes ressemblant à des guêpes). En tant qu’ennemis naturels des mouches des fruits, les parasitoïdes pondent leurs œufs à l’intérieur des œufs et des larves de mouches des fruits, où ils se développent et finissent par émerger, tuant ainsi la mouche des fruits. Depuis 2019, le Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (ICIPE), basé à Nairobi, au Kenya, a libéré plus de 22 000 parasitoïdes qui contrôlent les mouches des fruits au stade de l’œuf et 24 000 parasitoïdes qui contrôlent les mouches des fruits au stade larvaire. Promouvoir la durabilité et éviter de dépendre de l’ICIPE à l’avenir, l’équipe de recherche a établi des installations d’élevage dans les quatre pays. Le Mozambique et le Zimbabwe ont réussi à établir des colonies de guêpes, tandis que le Malawi et la Zambie sont en train de le faire.

Les partenaires qui mettent en œuvre diverses activités dans le cadre du projet comprennent le Département des services de recherche agricole du Malawi, l’Université Eduardo Mondlane au Mozambique, l’Institut de recherche agricole de Zambie et le Département de la recherche et des services spécialisés au Zimbabwe.

Mettre à l’échelle les avantages 

Depuis le lancement de la recherche en 2019, les technologies de la LAI ont été démontrées dans 52 champs agricoles : 15 au Malawi et au Mozambique, 10 au Zimbabwe et 12 en Zambie. Chaque entreprise agricole hôte a reçu une formation pour relayer l’information sur les technologies de lutte antiparasitaire intégrée à d’autres entreprises agricoles. Au total, 17 578 hommes (53 %) et femmes (47 %) ont reçu une formation pour utiliser les technologies, soit plus de cinq fois l’objectif du projet. Au début du projet, seulement 7 % des agricultrices et agriculteurs des zones cibles étaient au courant des mouches des fruits. Ce chiffre a été multiplié par 12 pour atteindre 89 % à la fin du projet. 

L’utilisation des technologies de la LAI a permis de sauver sept mangues récoltées sur dix. Les agriculteurs – hommes et femmes – ont augmenté leurs revenus de mangue et ont pu diversifier leurs exploitations en cultivant de nouvelles cultures. « Au cours de la deuxième année de mise en œuvre du programme de lutte intégrée contre les mouches des fruits, nous avons réussi à vendre des mangues propres en vrac aux commerces. Grâce aux recettes, j’ai pu acheter des semences de maïs pour diversifier mes sources de revenus », a expliqué Emily Chakanyuka de Murewa, au Zimbabwe. La réduction des mouches des fruits améliore également la production d’autres cultures fruitières (papayes et fruits de la passion) et maraîchères (courges, citrouilles et noix cendrées). 

Des groupes participatifs composés d’entreprises agricoles (10 à 20 par pays), qui comprennent des responsables de la vulgarisation agricole, des secteurs agricoles locaux et des cadres traditionnels, ont été mis en place par l’équipe du projet pour encourager des réunions régulières afin de discuter des stratégies de lutte parasitaire intégrée. Au Zimbabwe, les groupes ont mis en place des activités de greffe de mangues (une technique de propagation rapide utilisée pour multiplier les plantes). Les membres de ces groupes mettent également en commun leurs ressources financières pour se diversifier dans d’autres activités génératrices de revenus. Au Malawi, par exemple, un groupe de femmes Linengwe du district de Mpingu EPA a mis en commun ses revenus de mangue pour fournir des prêts à des camarades, avec des intérêts pour augmenter leur épargne. 

Media
Un groupe de femmes tient des paniers de séchage solaire.

Marchés de la mangue séchée 

L’adoption des paquets de LIA dans les pays cibles a entraîné une augmentation des rendements de mangues de qualité pour les petites entreprises agricoles – un résultat positif. Cependant, lorsque la COVID-19 a frappé et que des mesures de verrouillage ont été mises en œuvre, les entreprises agricoles n’avaient pas accès aux marchés, ce qui signifie que leur récolte excédentaire a été gaspillée. Pour résoudre ce problème, le projet a axé ses recherches sur la mise au point d’une innovation – les paniers de séchage solaire – qui leur permettraient de préserver leur récolte. 

Fabriqués à partir d’un filet de polyester tissé enroulé autour de cadres métalliques, les paniers comptent entre trois et sept étagères scellées sur lesquelles sécher les fruits. Les mangues sont coupées et placées dans des paniers sans agent de conservation pour sécher au soleil, ce qui prend jusqu’à une journée. À condition qu’elle soit stockée dans un endroit sec, la mangue séchée peut être conservée plus d’un an, ce qui fournit une source supplémentaire de nourriture aux agricultrices et aux agriculteurs pendant la saison sèche, ainsi qu’une nouvelle source de revenus. 

En Zambie, un panier de mangues fraîches coûte 100 kwacha zambiens (ZK), soit 7 CAD, tandis qu’un panier de mangues séchées coûte 800 ZK (65 CAD). Au Zimbabwe, 100 g de mangue séchée coûtent 19,35 dollars zimbabwéens (ZWL), soit 1,30 CAD, mais, lorsqu’elles sont bien emballées, 35 g peuvent être vendus entre 14,5 ZWL (1 CAD) et 19,35 ZWL (1,30 CAD). Les séchoirs étaient également utilisés par les femmes pour sécher les légumes, comme les tomates et les oignons, destinés à la consommation des ménages. En Zambie, 28 agriculteurs (27 femmes et un homme) ont été formés à la fabrication de séchoirs bon marché, qui ont été fournis à 450 femmes. Au Zimbabwe, 5 982 hommes et femmes ont reçu une formation sur le séchage des mangues et la fabrication de séchoirs à paniers. 

Pour l’agricultrice Emily Chakanyuka au Zimbabwe, la formation a porté ses fruits. « J’ai séché une bonne quantité de mangues en février [2022] et j’ai réalisé jusqu’à 2 545 ZWL [194 CAD] sur ce que j’ai vendu », a-t-elle révélé. « Je suis heureuse d’avoir appris à sécher la mangue, car c’est un aliment savoureux! » 

Nyepudzai Kamundi du district de Mutoko au Zimbabwe est d’accord. « Les membres de ma famille adorent les mangues et je suis triste de les avoir privés de ce mets délicat parce que j’en préparais très peu auparavant. J’ai également appris à d’autres agricultrices et agriculteurs comment sécher les mangues et les personnes qui les ont goûtées les ont vraiment appréciées. » 

Conclusion 

Les technologies du projet de LAI se sont avérées très efficaces dans la région cible, avec des résultats importants pour les communautés locales. La combinaison d’activités de sensibilisation grâce à des démonstrations technologiques, de l’accès à la trousse de LAI et des liens vers de nouveaux marchés a réduit la pauvreté et accru la sécurité alimentaire et nutritionnelle des bénéficiaires du projet. Le rassemblement de groupes au sein des communautés a encore renforcé la résilience financière grâce à la mise en commun de ressources pour se lancer dans de nouvelles entreprises agricoles, un avantage particulier pour les groupes de femmes. Les femmes ont également bénéficié d’une formation sur le séchage des mangues, car elles pratiquent davantage cette activité que les hommes. La mangue séchée fournit une source de revenus supplémentaire et une nutrition de contre-saison, tout en réduisant les pertes de mangue après la récolte. 

Afin de mettre à l’échelle les technologies à l’avenir, l’équipe du projet a reconnu la nécessité de produire les outils de lutte intégrée et les séchoirs solaires localement plutôt que de dépendre de matériaux importés. Cependant, une demande et une appréciation soutenues de l’ensemble seront nécessaires pour engager les entreprises de fabrication et de distribution de produits agricoles locaux. 

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Cultiver l’avenir de l’Afrique, un partenariat de 35 millions de dollars canadiens sur 10 ans qui a été conclu entre le CRDI et l’Australian Centre for International Agricultural Research, finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l’égalité des genres en Afrique orientale et australe. 

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