La lombriculture au service de l'agriculture urbaine en Argentine
Les habitants appauvris de Rosario, troisième ville d’Argentine, se mobilisent pour cultiver des jardins de quartier en utilisant les vers rouges de Californie. Il s’avère que la lombriculture, méthode de compostage des déchets des fruits et des légumes utilisant les vers de terre, est un moyen facile et peu coûteux de créer un engrais organique de très bonne qualité. Elle aide également à améliorer l’environnement local.
Telles sont les conclusions d'Eduardo Spiaggi, chercheur à l’Université nationale de Rosario, qui s’est intéressé aux effets de la lombriculture sur l’agriculture urbaine dans le cadre de sa maîtrise. En 1999, Eduardo Spiaggi a reçu un prix AGROPOLIS, ce qui lui a permis de financer sa recherche. Le programme des prix AGROPOLIS soutient les recherches novatrices d’étudiants de deuxième cycle de pays en développement qui contribueront à étoffer les connaissances en matière d’agriculture urbaine. AGROPOLIS, qui s’inscrit dans l’initiative mondiale du Support Group on Urban Agriculture (SGUA) , est géré par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI).
L’agriculture urbaine — une tendance croissante
L’agriculture urbaine se développe dans les villes des pays en développement. En cultivant dans des jardins de quartier, sur des terrains inutilisés ou sur le toit des maisons, par exemple, les citadins ont plus de nourriture de meilleure qualité à mettre sur leur table et ils peuvent gagner un peu d’argent en plus. Quelque 800 000 personnes dans le monde font de l’agriculture urbaine et cultivent ainsi des fruits, des légumes et des herbes, en plus d’élever du bétail. En fait, 15 p. 100 environ de la nourriture consommée dans les villes est cultivée par des agriculteurs urbains.
En général, c’est la population urbaine pauvre qui commence à cultiver un jardin potager pour nourrir sa famille. En Argentine, comme l’explique Eduardo Spiaggi : « Les terres sont entre les mains de moins en moins de personnes. Beaucoup d’agriculteurs partent en ville, où ils se retrouvent sans travail ».
Le chômage à Rosario
À Rosario, centre urbain de plus de 1,2 million d’habitants, le taux de chômage, qui dépasse les 22 p. 100, est le plus élevé du pays, et la ville est particulièrement éprouvée par le déclin de l’économie argentine. Des centaines de petites et moyennes entreprises ferment leur porte, et l’exode rural ne cesse de déverser son lot dans la ville. Beaucoup de ces anciens paysans s’installent dans le quartier d’Empalme Graneros.
Il y a dix ans, Empalme Graneros était une grande plaine inondable vide sur les rives de l’Arroyo Ludueñ a. « À présent, 1 300 familles y vivent, et il continue d’en arriver du nord du pays », fait remarquer Spiaggi, qui ajoute que plus du tiers des habitants du quartier sont pauvres, voire extrêmement pauvres pour la plupart.
La lombriculture pour nourrir les jardins potagers de la ville
Des jardins potagers familiaux et communautaires ont été aménagés à Empalme Graneros en 1990. En 1991, un projet de compostage des déchets à base de lombriculture a été mis sur pied. En 1997, avec l’appui de divers donateurs internationaux, Eduardo Spiaggi a commencé ses recherches pour démontrer la viabilité de l’agriculture urbaine et son incidence sur le développement durable.
Les recherches de M. Spiaggi comprenaient de nombreux volets, mais démontrer l’efficacité de la lombriculture bon marché dans des travaux agricoles mené en ville était un des plus importants. La lombriculture crée un circuit fermé, explique-t’il, un cycle sans fin de recyclage des déchets. Les déchets organiques tels que les épluchures de fruits et légumes sont donnés aux vers de terre, surtout à des vers rouges, qui vivent dans de grands contenants remplis de terre. Les vers mangent les matières organiques, qu’ils transforment en compost qui est utilisé comme engrais pour les cultures. On continue de donner aux vers des matériaux végétaux des parcelles de terrain non utilisés, ainsi que d’autres déchets organiques. L’excédent de vers est vendu à des pêcheurs locaux. Eduardo Spiaggi a calculé que l’on peut extraire 600 vers par lit par semaine sans compromettre la viabilité du système.
En fait, le système est efficace. « Cinq tonnes de déchets ont été transformées sur 15 lits de lombriculture , et 2,6 tonnes de vermicompost sont produites chaque année », précise Spiaggi.
Aider l’agriculture et l’environnement
D’après Eduardo Spiaggi, la lombriculture a un effet bénéfique sur le rendement des cultures et sur l’environnement. Par exemple, les plants de tomates qui ont bénéficié du vermicompost ont donné plus de tomates plus grosses que ceux qui n’en ont pas reçu. De plus, le sol enrichi par le compost retenant mieux l’humidité, il y a moins besoin d’arrosage.
Les recherches ont aussi montré que la lombriculture ne coûte presque rien à mettre en place et à exploiter, et que ses techniques sont simples à enseigner et à utiliser. Plus de 80 personnes ont été formées et ont participé au projet après avoir appris comment mieux utiliser les ressources (déchets, eau, engrais). Cependant, si l’on tient compte des familles de personnes formées, le projet s’étend à 350 personnes, explique Spiaggi.
Se servir des systèmes en place
Un point essentiel à la réussite de la mise en place de la lombriculture a été que beaucoup de personnes du quartier ramassaient déjà des ordures ménagères dans la ville, surtout dans les quartier où les éboueurs municipaux ne passaient pas.
« On pense que plusieurs personnes gagnent leur vie grâce en ramassant ainsi les ordures, ajoute Eduardo Spiaggi. Elles trient les détritus et séparent le plastique, le carton, le métal et le verre pour les revendre. Avant le projet, les déchets organiques, de fruits et de légumes, par exemple, étaient jetés dans des décharges municipales de fortune souvent proches des habitations et dangereuses pour la santé. En recyclant les déchets organiques en compost, le projet a permis de réduire la quantité des déchets qui finissent dans les décharges.
Contribution au développement communautaire
Cependant, selon M. Spiaggi, l’incidence la plus importante du projet est sa contribution au développement communautaire.
Pendant la durée du projet, il y a eu des réunions hebdomadaires avec des habitants du quartier, des membres d’organisations non gouvernementales, des représentants de la municipalité, le personnel du centre de santé et des chercheurs de l’université. Des discussions portaient sur diverses questions, dont l’agriculture urbaine, qui a été mise à l’ordre du jour du développement communautaire local. L’agriculture urbaine, ce n’est pas seulement produire des aliments ou résoudre des problèmes « techniques », affirme Spiaggi, avant d’ajouter : « Je pense que c’est un outil fort utile pour le développement communautaire. »
Edwinna von Baeyer est rédactrice indépendante à Ottawa. Lisa Waldick est rédactrice de la revue Explore du CRDI.
2002-08-26
Telles sont les conclusions d'Eduardo Spiaggi, chercheur à l’Université nationale de Rosario, qui s’est intéressé aux effets de la lombriculture sur l’agriculture urbaine dans le cadre de sa maîtrise. En 1999, Eduardo Spiaggi a reçu un prix AGROPOLIS, ce qui lui a permis de financer sa recherche. Le programme des prix AGROPOLIS soutient les recherches novatrices d’étudiants de deuxième cycle de pays en développement qui contribueront à étoffer les connaissances en matière d’agriculture urbaine. AGROPOLIS, qui s’inscrit dans l’initiative mondiale du Support Group on Urban Agriculture (SGUA) , est géré par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI).
L’agriculture urbaine — une tendance croissante
L’agriculture urbaine se développe dans les villes des pays en développement. En cultivant dans des jardins de quartier, sur des terrains inutilisés ou sur le toit des maisons, par exemple, les citadins ont plus de nourriture de meilleure qualité à mettre sur leur table et ils peuvent gagner un peu d’argent en plus. Quelque 800 000 personnes dans le monde font de l’agriculture urbaine et cultivent ainsi des fruits, des légumes et des herbes, en plus d’élever du bétail. En fait, 15 p. 100 environ de la nourriture consommée dans les villes est cultivée par des agriculteurs urbains.
En général, c’est la population urbaine pauvre qui commence à cultiver un jardin potager pour nourrir sa famille. En Argentine, comme l’explique Eduardo Spiaggi : « Les terres sont entre les mains de moins en moins de personnes. Beaucoup d’agriculteurs partent en ville, où ils se retrouvent sans travail ».
Le chômage à Rosario
À Rosario, centre urbain de plus de 1,2 million d’habitants, le taux de chômage, qui dépasse les 22 p. 100, est le plus élevé du pays, et la ville est particulièrement éprouvée par le déclin de l’économie argentine. Des centaines de petites et moyennes entreprises ferment leur porte, et l’exode rural ne cesse de déverser son lot dans la ville. Beaucoup de ces anciens paysans s’installent dans le quartier d’Empalme Graneros.
Il y a dix ans, Empalme Graneros était une grande plaine inondable vide sur les rives de l’Arroyo Ludueñ a. « À présent, 1 300 familles y vivent, et il continue d’en arriver du nord du pays », fait remarquer Spiaggi, qui ajoute que plus du tiers des habitants du quartier sont pauvres, voire extrêmement pauvres pour la plupart.
La lombriculture pour nourrir les jardins potagers de la ville
Des jardins potagers familiaux et communautaires ont été aménagés à Empalme Graneros en 1990. En 1991, un projet de compostage des déchets à base de lombriculture a été mis sur pied. En 1997, avec l’appui de divers donateurs internationaux, Eduardo Spiaggi a commencé ses recherches pour démontrer la viabilité de l’agriculture urbaine et son incidence sur le développement durable.
Les recherches de M. Spiaggi comprenaient de nombreux volets, mais démontrer l’efficacité de la lombriculture bon marché dans des travaux agricoles mené en ville était un des plus importants. La lombriculture crée un circuit fermé, explique-t’il, un cycle sans fin de recyclage des déchets. Les déchets organiques tels que les épluchures de fruits et légumes sont donnés aux vers de terre, surtout à des vers rouges, qui vivent dans de grands contenants remplis de terre. Les vers mangent les matières organiques, qu’ils transforment en compost qui est utilisé comme engrais pour les cultures. On continue de donner aux vers des matériaux végétaux des parcelles de terrain non utilisés, ainsi que d’autres déchets organiques. L’excédent de vers est vendu à des pêcheurs locaux. Eduardo Spiaggi a calculé que l’on peut extraire 600 vers par lit par semaine sans compromettre la viabilité du système.
En fait, le système est efficace. « Cinq tonnes de déchets ont été transformées sur 15 lits de lombriculture , et 2,6 tonnes de vermicompost sont produites chaque année », précise Spiaggi.
Aider l’agriculture et l’environnement
D’après Eduardo Spiaggi, la lombriculture a un effet bénéfique sur le rendement des cultures et sur l’environnement. Par exemple, les plants de tomates qui ont bénéficié du vermicompost ont donné plus de tomates plus grosses que ceux qui n’en ont pas reçu. De plus, le sol enrichi par le compost retenant mieux l’humidité, il y a moins besoin d’arrosage.
Les recherches ont aussi montré que la lombriculture ne coûte presque rien à mettre en place et à exploiter, et que ses techniques sont simples à enseigner et à utiliser. Plus de 80 personnes ont été formées et ont participé au projet après avoir appris comment mieux utiliser les ressources (déchets, eau, engrais). Cependant, si l’on tient compte des familles de personnes formées, le projet s’étend à 350 personnes, explique Spiaggi.
Se servir des systèmes en place
Un point essentiel à la réussite de la mise en place de la lombriculture a été que beaucoup de personnes du quartier ramassaient déjà des ordures ménagères dans la ville, surtout dans les quartier où les éboueurs municipaux ne passaient pas.
« On pense que plusieurs personnes gagnent leur vie grâce en ramassant ainsi les ordures, ajoute Eduardo Spiaggi. Elles trient les détritus et séparent le plastique, le carton, le métal et le verre pour les revendre. Avant le projet, les déchets organiques, de fruits et de légumes, par exemple, étaient jetés dans des décharges municipales de fortune souvent proches des habitations et dangereuses pour la santé. En recyclant les déchets organiques en compost, le projet a permis de réduire la quantité des déchets qui finissent dans les décharges.
Contribution au développement communautaire
Cependant, selon M. Spiaggi, l’incidence la plus importante du projet est sa contribution au développement communautaire.
Pendant la durée du projet, il y a eu des réunions hebdomadaires avec des habitants du quartier, des membres d’organisations non gouvernementales, des représentants de la municipalité, le personnel du centre de santé et des chercheurs de l’université. Des discussions portaient sur diverses questions, dont l’agriculture urbaine, qui a été mise à l’ordre du jour du développement communautaire local. L’agriculture urbaine, ce n’est pas seulement produire des aliments ou résoudre des problèmes « techniques », affirme Spiaggi, avant d’ajouter : « Je pense que c’est un outil fort utile pour le développement communautaire. »
Edwinna von Baeyer est rédactrice indépendante à Ottawa. Lisa Waldick est rédactrice de la revue Explore du CRDI.
2002-08-26