Intégrer des insectes à l’alimentation de la volaille et du poisson au Kenya et en Ouganda

Le défi
Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les entreprises avicoles et piscicoles comptent parmi les agroentreprises qui affichent la croissance la plus rapide. Toutefois, la faible disponibilité et la mauvaise qualité des aliments pour animaux, jumelées au coût élevé du soja et des céréales utilisés comme ingrédients, freinent gravement la croissance dans ce secteur. Cette situation se reflète dans le monde entier, où le coût des ingrédients des aliments pour animaux a doublé au cours des cinq dernières années.
Dans la recherche d’une solution durable à ce défi, une priorité est de proposer des sources de protéines de remplacement, l’élément le plus cher dans les aliments commerciaux. Les protéines d’insectes sont une possibilité. En Afrique de l’Ouest et du Centre, les chercheurs ont documenté l’utilisation des termites, des mouches domestiques et des blattes dans l’alimentation des volailles, mais peu de recherches ont été menées en Afrique de l’Est sur l’utilisation des insectes comme source de protéine de remplacement pour le bétail.
La solution
Le projet a mis au point et testé des aliments à base d’insectes pour la production durable, sûre et rentable de poisson et de volaille. Les chercheurs ont cerné les espèces d’insectes appropriées et mis à l’essai des techniques d’élevage et de récolte d’insectes adaptées aux systèmes agricoles locaux à petite échelle. En collaboration avec des entreprises du secteur privé, l’équipe de recherche a évalué le potentiel commercial des farines d’insectes et des aliments à base d’insectes et a analysé le rendement de ces aliments dans la production de volaille et de poisson. Le projet s’est fait en collaboration avec les Bureaux de normalisation du Kenya et de l’Ouganda pour élaborer des règlements et des normes concernant l’utilisation des insectes dans l’alimentation animale.
Résultats clés
Accroissement de la production et réduction des pertes après récolte
Quatre-vingt-douze pour cent des 28 espèces d’insectes ciblées contiennent plus de protéines brutes (matière sèche [MS]) que la farine de poisson disponible au Kenya et en Ouganda. Toutes les espèces élevées dans le cadre du projet étaient supérieures, y compris la pyrale africaine (Gonimbrasia zambesia), qui contient jusqu’à 73,3 % de protéines brutes (MS), le grillon des champs (67,21 %), le grillon domestique (62,57 %) et la mouche soldat noire (49,5 %). Les insectes sont également riches en acides gras polyinsaturés, en flavonoïdes, en vitamines et en minéraux.
On n’a pas trouvé de résidus d’aflatoxines et de pesticides dans les 28 espèces d’insectes analysées. Les agents pathogènes (Escherichia coli, Salmonella typhi, Staphylococcus aureus et coliformes fécaux) présents dans les mouches soldat noires d’élevage, les grillons et les mouches bleues californiennes récoltées ont été inactivés efficacement par ébullition ou grillage pendant cinq minutes. Des protocoles d’élevage ont été élaborés pour 16 espèces d’insectes, les colonies les plus productives étant les mouches soldat noires (Hermetia illucens), les grillons (Acheta domesticus et Gryllus bimaculatus), les sauterelles (Schistocerca gregaria), les vers à soie (Bombyx mori) et les blattes américaines (Periplaneta americana).
Les études de rendement chez les alevins de poisson-chat ont révélé qu’un taux de croissance supérieur de 37 % et un gain de poids supérieur de 23 % ont été obtenus avec des aliments à base de mouches noires, comparativement aux aliments traditionnels. Les tilapias du Nil nourris avec des aliments à base de mouches soldats noires étaient 23 % plus lourds que ceux nourris avec des aliments traditionnels. Le remplacement de 20 % de farine de poisson dans les aliments traditionnels pour volailles par des mouches noires a permis d’augmenter la production d’oeufs (53 %) et d’améliorer la qualité par rapport aux aliments traditionnels.
On estime que l’utilisation d’insectes comme source de protéines réduit d’au moins 25 à 37,5 % le coût en protéines de la production alimentaire. La commercialisation des insectes pour l’alimentation animale a été adoptée dans les deux pays. Par exemple, Sanergy Ltd, l’un des partenaires du secteur privé impliqués dans le projet, est en train d’agrandir ses unités de production de mouches noires avec l’arrivée de nouveaux investisseurs.
Un meilleur accès aux ressources, aux marchés et aux revenus
Plus de 80 % des pisciculteurs et aviculteurs interrogés et 75 % des négociants et transformateurs d’aliments pour animaux sont disposés à utiliser les insectes comme aliments pour animaux. La demande effective, à 5 % d’inclusion d’insectes dans l’alimentation, se traduit par 27 000 à 32 000 tonnes d’insectes secs pour le Kenya. De plus, à 5 % d’inclusion, le remplacement de la protéine actuelle par des mouches noires dans les aliments pour volailles au Kenya représente une demande potentielle de 115 000 tonnes d’insectes secs par année, soit une valeur marchande de 103,5 à 115 millions USD (138,9 à 154,3 millions CAD) par année. Cela pourrait créer 14 328 emplois si chaque personne produisait 2 tonnes d’insectes frais par mois. La production de mouches noires dans une serre de 5 m x 10 m pourrait produire 2 tonnes de mouches noires fraîches par mois, à un coût de 0,20 USD/kg (0,27 CAD) [MS], puis vendu sur le marché entre 0,90 USD et 1 USD/kg MS (1,21 CAD à 1,34 CAD).
Égalité des sexes et autonomisation des femmes
L’élevage d’insectes est une activité durable qui peut être pratiquée à domicile avec un minimum d’intrants. Il est donc idéal pour les agricultrices qui sont souvent limitées par un accès limité aux ressources agricoles. Le renforcement des capacités favorisant l’égalité entre les sexes pour la prochaine génération de scientifiques et d’experts dans le domaine de l’utilisation d’insectes en guise d’alimentation, ainsi que la fourniture de chances égales aux jeunes scientifiques, a constitué les grandes réalisations et les grandes priorités du projet. La formation de jeunes chercheuses dans les domaines de l’élevage en masse d’insectes et de l’établissement d’un profil nutritif leur a permis de renforcer leurs capacités scientifiques et d’utiliser le projet en guise de plateforme pour assurer leur croissance professionnelle. Les femmes représentent 52 % des étudiants des cycles supérieurs qui participent au projet, lequel a fourni à ces jeunes chercheuses une plateforme leur permettant d’assurer leur croissance professionnelle.
Capacité et influence sur les politiques
Une norme pour les produits à base d’insectes secs destinés à la préparation d’aliments pour animaux a été approuvée et lancée par le Comité d’approbation des normes au Kenya en mars 2017, et en Ouganda en juin 2017.
Cette norme permettra aux producteurs d’aliments de petite, moyenne et grande taille d’intégrer les insectes dans la production alimentaire et de créer un marché où les femmes et les jeunes pourront élever en masse les insectes en tant qu’activité commerciale. Des capacités institutionnelles et scientifiques pour l’utilisation des insectes comme aliments pour animaux et denrées alimentaires seront mises en place au Kenya et en Ouganda afin d’assurer la poursuite de la recherche et la durabilité. Au total, 506 agriculteurs (293 hommes et 213 femmes), jeunes entrepreneurs, décideurs et scientifiques ont été formés à l’élevage d’insectes destinés à l’alimentation animale.
Conclusions et recommandations
La technologie des aliments pour animaux à base d’insectes peut contribuer à la création d’emplois et à la création de revenus grâce à la création d’entreprises d’élevage, de transformation et de commerce de masse d’insectes, à l’amélioration de la productivité des oeufs et de la viande et à la commercialisation des engrais biologiques.
Il sera nécessaire d’assurer la diffusion des technologies d’élevage d’insectes au sein d’un public élargi et d’effectuer un suivi auprès des entrepreneurs agricoles formés afin d’accroître l’inclusion des insectes dans les aliments pour le bétail à l’échelle du continent.
Cultiver l’avenir de l’Afrique est financé conjointement par le Centre de recherches pour le développement international, l’Australian Centre for International Agricultural Research, et l’Australian International Food Security Research Centre.
Apprenez-en davantage sur ce projet et ses résultats.