Faire en sorte que la taxation du tabac fonctionne au Vietnam

Selon la Banque mondiale, plus de 17 millions de Vietnamiens fument et 40 000 d’entre eux meurent chaque année de maladies associées à l’usage du tabac. Une telle prévalence a été attribuée à l’abordabilité des cigarettes, qui, selon l’Organisation mondiale de la Santé, sont devenues plus économiques dans le pays entre 2008 et 2016. Le fait que les cigarettes soient devenues plus abordables pourrait être attribuable à la forte croissance économique soutenue au Vietnam au cours de la dernière décennie. Le Vietnam est devenu un pays à revenu intermédiaire en 2010, et depuis, l’économie vietnamienne a connu une croissance constante de plus de 5 % par année. De plus, l’industrie du tabac exerce activement des pressions contre les taxes sur le tabac, prétendant faussement qu’elles augmenteront le commerce illicite.
Le gouvernement vietnamien a récemment entrepris une ambitieuse réforme de la taxe sur le tabac afin de réduire la consommation de tabac au pays. La première étape consistait à augmenter les taxes d’accise sur les produits du tabac de 65 % à 70 % en janvier 2016. Ce pourcentage sera de nouveau porté à 75 % en janvier 2019. Le ministère des Finances du Vietnam propose également de remplacer le régime actuel de taxation ad valorem par une taxe d’accise mixte, rendant les produits du tabac encore moins abordables pour la population.
En réponse aux taxes ad valorem élevées prélevées sur les produits du tabac, les fabricants de produits du tabac peuvent segmenter stratégiquement leurs produits afin de créer un écart de prix entre leurs marques de cigarettes. Une telle activité peut non seulement permettre aux fumeurs de se tourner vers une qualité moindre et de consommer des marques moins chères, mais elle ne décourage pas non plus les non-fumeurs de fumer. Il a également été impossible d’obtenir des données sur l’élasticité des prix du tabac au Vietnam au cours des dernières années. L’élasticité des prix est une mesure importante pour montrer la sensibilité ou l’élasticité de la demande publique lorsque le prix du produit change.
Ce manque de données et de recherches a empêché les organismes gouvernementaux pertinents de concevoir des politiques fiscales éclairées. Par conséquent, des recherches sur la consommation de tabac et des estimations exactes de l’élasticité des prix sont nécessaires, ainsi que des prévisions précises des effets des hausses de taxes sur le commerce illicite.
La recherche
Ce projet est dirigé par le Development and Policies Research Center, qui a été créé en 2005 en tant que groupe de réflexion indépendant. Il est réputé pour ses recherches de grande qualité et pertinentes sur un large éventail de questions socioéconomiques au Vietnam et entretient de solides relations avec de nombreuses organisations internationales et organismes gouvernementaux.
Le Vietnam figure actuellement parmi les pays où la prévalence du tabagisme est la plus élevée au monde. Le gouvernement vietnamien a pris des mesures pour augmenter les taxes sur les produits du tabac, mais il y a un énorme manque de données probantes locales pour aider les décideurs à élaborer des politiques efficaces de lutte antitabac.
La recherche vise à répondre aux questions suivantes :
- Comment l’industrie du tabac réagira-t-elle aux modifications apportées aux mesures de taxation des produits du tabac.
- L’incidence des nouvelles stratégies de l’industrie du tabac varierait-elle selon les niveaux de revenu et les groupes socioéconomiques ?
- Comment les consommateurs changeront-ils leur comportement en réponse aux modifications apportées aux taxes sur le tabac ?
Cette étude vise à recueillir un ensemble de données unique sur la consommation de tabac au Vietnam au moyen de deux enquêtes, avant et après l’augmentation proposée de la taxe sur les produits du tabac en janvier 2019. Il s’agit d’une estimation précise de l’élasticité des prix des produits du tabac. La population cible est composée d’hommes et de femmes fumeurs de plus de 15 ans au Vietnam.
Les marques de cigarettes seront ensuite divisées en différentes catégories de prix. Selon les marques de cigarettes déclarées par les répondants aux deux enquêtes, les données indiqueront le choix du fumeur avant et après la réforme fiscale. De plus, l’équipe vérifiera si les fumeurs passent des cigarettes licites aux cigarettes illicites en réaction à l’augmentation des taxes. L’équipe résumera ses conclusions et organisera deux ateliers, l’un après l’enquête de référence et l’autre à la fin du projet, afin de présenter les principales conclusions aux responsables de l’élaboration des politiques de taxation, aux experts en fiscalité et en santé publique et aux ONG connexes. En fin de compte, cette recherche permettra de suivre et d’examiner la réaction des consommateurs et de l’industrie aux prix du tabac, d’évaluer l’efficacité des politiques fiscales du gouvernement et de formuler d’autres recommandations.
Les incidences
La lutte antitabac est essentielle à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) de 2030 des Nations Unies, notamment l’ODD 1 (pas de pauvreté) et l’ODD 3 (bonne santé et bien-être). Le tabagisme a été cerné comme étant associé de façon persistante à la charge de morbidité et au fardeau économique. Il a été prouvé que l’augmentation des taxes sur le tabac est le moyen le plus efficace de réduire les inégalités liées à l’usage du tabac.
Les résultats de la recherche seront utilisés pour informer et soutenir les décideurs politiques dans l’élaboration future de politiques fiscales fondées sur des données probantes. Ils serviront également de point de départ pour que d’autres pays en développement entreprennent des études locales sur la taxation du tabac et améliorent leur structure de taxe sur le tabac.