Exploiter le potentiel du sorgho adapté aux changements climatiques en Éthiopie

Les agricultrices et agriculteurs éthiopiens souffrent des changements climatiques, les sécheresses étant particulièrement problématiques. Le sorgho, qui résiste à la sécheresse, est cultivé par 4,3 millions de ménages dans tout le pays. Pourtant, les rendements restent faibles en raison du manque de variétés adaptées aux conditions locales du sol. En outre, la productivité est aggravée par le manque de machines de traitement après récolte, les solutions de stockage inadéquates et les faiblesses au sein de la chaîne de valeur du sorgho. Ces facteurs limitent non seulement le revenu des agricultrices et agriculteurs, mais augmentent également le temps consacré aux tâches agricoles laborieuses, telles que le battage et le décorticage, en particulier chez les femmes et les enfants, qui participent le plus à la transformation après récolte.
En développant et en déployant des technologies clés, les chercheuses et chercheurs du projet Interventions adaptées aux changements climatiques pour les petites exploitants agricoles en Éthiopie s’efforcent de réduire le risque de mauvaises récoltes, d’augmenter la productivité et de créer de nouvelles occasions économiques pour les entreprises dirigées par des femmes. Ces technologies comprennent des variétés de sorgho tolérantes à la sécheresse, des pratiques de gestion améliorées, des batteuses à petite échelle, des systèmes de stockage de céréales à l’échelle de l’exploitation, des produits à base de sorgho à valeur ajoutée et des liens avec de nouveaux marchés. La recherche a été financée par le fonds Cultiver l’avenir de l’Afrique (CultivAf), un partenariat entre le CRDI et l’Australian Centre for International Agricultural Research. L’Ethiopian Institute of Agricultural Research et l’Université du Queensland, en Australie, sont les partenaires de la mise en œuvre de la recherche.
Faits saillants
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Plus de 8 800 productrices et producteurs de sorgho ont bénéficié de technologies adaptées aux changements climatiques.
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Le temps de battage pour 0,5 ha de grain de sorgho est passé d’un jour à quatre heures.
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Les variétés améliorées ont augmenté les rendements moyens de plus de 40 %.
Outcomes
Démonstrations de résistance à la sécheresse
De nouvelles variétés de cultures tolérantes à la sécheresse et à maturation précoce – comme Argity, Degalit Yellow, Fedis et Melkam – ont été mises à l’essai par l’équipe de recherche et cultivées sur plus de 323 parcelles de démonstration (dont 62 sont dirigées par des femmes) depuis 2019. Des démonstrations à grande échelle, des formations et des journées sur le terrain ont également été organisées avec 8 525 agricultrices et agriculteurs (1 308 femmes), tandis que 247 agentes et agents de vulgarisation et personnes expertes au niveau du district ont reçu une formation sur les bonnes pratiques de production. Il s’agissait notamment de conseils pour améliorer la fertilité des sols et la gestion de l’eau en appliquant des taux optimaux d’engrais et d’espacement des semences, et d’informations sur les meilleures périodes de plantation et la gestion des mauvaises herbes.
Les démonstrations visaient également à donner aux agricultrices les moyens d’accéder aux technologies et de prendre des décisions en matière d’investissement agricole. Sur l’ensemble des agricultrices et agriculteurs qui ont participé aux activités de démonstration, 19 % étaient des femmes propriétaires de terres agricoles, ce qui est inférieur à l’objectif de la recherche (30 %). Faire participer les agricultrices qui assument à la fois des responsabilités agricoles et ménagères a été un défi.
En utilisant des variétés améliorées et de bonnes pratiques de gestion agricole, l’équipe de recherche a démontré que les rendements moyens pouvaient être augmentés de 2,7 à 3,9 t/ha, soit 44 % de plus que ce que produisent les pratiques locales.
« Nous développons des interventions adaptées aux changements climatiques et promouvons les technologies existantes afin d’accroître la demande et l’adoption d’une meilleure productivité du sorgho », a déclaré Taye Tadesse de l’équipe de recherche. M. Tadesse a expliqué que les agricultrices et agriculteurs ainsi que les entreprises semencières locales ont indiqué qu’ils préféraient la variété Melkam, car elle produisait la biomasse la plus élevée et était mieux adaptée aux conditions du sol. Il s’agit là d’un enseignement important pour le projet, puisqu’on s’attendait à ce que l’Argity soit la variété la plus productive et donc la plus populaire.
Des technologies qui changent la donne
Le battage du sorgho, généralement effectué à l’aide de la traction animale ou par battage manuel, est l’aspect le plus laborieux et le plus long de la transformation du sorgho. Pour remédier à ce problème, trois batteuses mécaniques à moteur ont été présentées à 2 155 agricultrices et agriculteurs (27 % de femmes) et à d’autres parties prenantes du secteur du sorgho afin de les sensibiliser à cette technologie et de recueillir leurs commentaires sur son efficacité et sa facilité d’utilisation. La batteuse multicultures, qui peut être utilisée pour une variété de cultures – y compris le maïs, le sorgho et le blé – a été l’option préférée des agricultrices et agriculteurs (par rapport aux batteuses propres au sorgho et au maïs), en raison de sa capacité de battage et de sa compacité qui facilitent la manipulation et le transport.
La batteuse a permis de réduire les pertes après récolte de 30 % et d’améliorer considérablement la transformation du sorgho, en réduisant le temps nécessaire pour traiter 0,5 ha de sorgho d’environ un jour à seulement une heure. De plus, en réduisant les corvées agricoles, les femmes du ménage peuvent consacrer du temps à d’autres activités rémunératrices, tandis que les enfants peuvent aller à l’école.
L’équipe du projet a également introduit les sacs PICS (Purdue Improved Crop Storage), qui empêchent l’oxygène de dégrader le grain à l’intérieur, ce qui permet de le conserver jusqu’à six mois. Les agricultrices et agriculteurs disposent ainsi de plus de temps pour vendre leur récolte, ce qui leur évite de devoir vendre à un prix inférieur pendant la période concurrentielle qui suit la récolte. Au total, 4 412 agricultrices et agriculteurs (48 % de femmes), 216 agentes et agents de développement et 22 personnes expertes de huit districts des zones d’intervention du projet ont été formés aux principes de stockage hermétique des grains et à l’application pratique des sacs PICS. Au cours de la période de recherche, y compris la formation, un total de 5 500 sacs PICS ont été distribués à 2 781 petites exploitations agricoles.

Revenu potentiel de l’injera
Ces dernières années, un mélange de farine de sorgho et de teff a été de plus en plus utilisé en Éthiopie en raison de la flambée des prix du teff et de la difficulté à produire une quantité suffisante pour répondre à la demande des consommatrices et consommateurs. Pour créer une injera sorgho-teff de haute qualité, les productrices et producteurs avaient besoin d’informations sur les ratios les plus appropriés à utiliser. L’équipe de recherche a mis à l’essai différentes proportions de teff et de sorgho, allant de 0 à 63,5 % pour les deux cultures, et a appris qu’un mélange 50:50 de teff et de sorgho produisait l’injera de meilleure qualité. La qualité a été mesurée par la légèreté et la couleur du pain. Le protocole optimisé a fait l’objet d’une démonstration et une formation a été dispensée aux productrices et producteurs de sorgho et aux groupes de femmes fabriquant de l’injera afin de promouvoir la recette mise au point.
Bien que le protocole représente une nouvelle occasion de revenu pour les productrices et producteurs de sorgho, le décorticage de la peau extérieure dure du grain pour améliorer la qualité de l’injera est une activité qui prend énormément de temps et qui est entièrement réalisée par les femmes à l’aide d’un pilon et d’un mortier. Pour remédier à ce problème, l’Ethiopian Institute of Agricultural Research a fabriqué une décortiqueuse d’une capacité de 2 tonnes par heure. En supprimant l’activité laborieuse du décorticage manuel, cette technologie transforme le potentiel commercial des groupes de femmes qui fabriquent l’injera.
Répondre aux demandes d’aliments pour animaux
Le sorgho est également une source importante d’aliments pour animaux et représente une occasion prometteuse pour répondre à la demande croissante d’aliments pour volailles. L’équipe de recherche a évalué les aliments pour poulets à base de sorgho en analysant la consommation d’aliments et l’évolution du poids corporel de 210 poules Bovan Brown sur une période de 12 semaines. Sept régimes ont été formulés à l’aide de variétés de sorgho Melkam ou Degalit Yellow à des niveaux d’inclusion de 20 %, 30 % et 40 % (Argity n’a pas été utilisé en raison de la disponibilité limitée de semences). Les performances des poules ont été comparées à celles des poules nourries avec un régime traditionnel à base de maïs.
Les poules nourries avec un régime composé à 30 % de Degalit Yellow ont montré une différence significative de poids corporel (plus lourde de 102 g) par rapport au régime à base de maïs. Cette augmentation permettra aux avicultrices et aviculteurs, qui sont pour la plupart des femmes, d’obtenir des prix de marché plus élevés pour leurs poules et constitue donc le choix d’alimentation le plus avantageux. Il s’agit là d’une nouvelle occasion commerciale pour les productrices et producteurs de sorgho.
Conclusion
Les technologies mises au point par l’équipe de recherche ont produit des résultats importants pour la productivité du sorgho, l’économie de main-d’œuvre à la ferme et à l’extérieur de la ferme, les occasions commerciales et la résilience des femmes en affaires. Travailler en étroite collaboration avec les communautés locales et tenir compte de leurs commentaires a été essentiel pour adapter les innovations et recueillir des informations sur les technologies préférées.
Le projet avait prévu de promouvoir Argity comme la nouvelle variété améliorée la plus favorable, mais il était clair que cette variété n’était pas la plus populaire après les mises à l’essai effectuées par les agricultrices et agriculteurs. Le projet recommande de poursuivre l’adaptation de la variété Argity afin de s’assurer qu’elle répond aux préférences des agricultrices et agriculteurs.
Les économies de temps et de main-d’œuvre de la batteuse de sorgho sont un résultat clé du projet, mais la technologie doit être d’origine locale pour être durable. La batteuse doit également être rendue plus accessible aux communautés rurales les plus pauvres, par exemple en la mettant à la disposition des agricultrices et agriculteurs par l’intermédiaire de prestataires de services rémunérés. Cela pourrait également présenter des possibilités d’emploi pour les jeunes.

Cultiver l’avenir de l’Afrique, un partenariat de 35 millions de dollars canadiens sur dix ans entre le CRDI et l’Australian Centre for International Agricultural Research, finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l’égalité des genres en Afrique orientale et australe.