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Doubler d’efforts pour lutter contre la malnutrition

 

Partout en Afrique, les maladies dues à la malnutrition sont à la hausse, avec des taux croissants de dénutrition et d’obésité. D’ici 2030, on prévoit que les maladies non transmissibles seront la principale cause de décès sur le continent. Dans le cadre de l’initiative Catalyser le changement pour des systèmes alimentaires sains et durables (CCHeFS), le CRDI et la Fondation Rockefeller appuient des équipes partout en Afrique afin de renforcer les politiques et les pratiques relatives aux systèmes alimentaires afin de s’attaquer à ce nouveau problème de santé publique.

Il n’existe pas de solution miracle pour s’attaquer à ces problèmes de santé complexes. Cependant, il existe un ensemble de politiques sur l’alimentation et la santé reconnues à l’échelle internationale qui s’attaquent à de multiples formes de malnutrition, résultant à la fois de la dénutrition et de la surconsommation d’aliments malsains. Des ensembles efficaces de ces politiques peuvent changer les environnements alimentaires des consommatrices et consommateurs en permettant des régimes alimentaires plus nutritifs et en luttant efficacement contre la dénutrition, l’obésité et d’autres maladies non transmissibles liées à l’alimentation.

Les spécialistes en politiques et en nutrition s’engagent à créer des ensembles de politiques misant sur la santé et la nutrition qui :

  • fournissent aux consommatrices et consommateurs l’étiquetage des aliments;
  • réglementent la commercialisation des aliments malsains;
  • appuient les marchés publics d’aliments sains;
  • incluent des mesures fiscales, comme l’imposition, qui incitent à améliorer la santé.

Ces ensembles de politiques considèrent l’amélioration de la nutrition et de la santé comme un aspect d’une question plus vaste qui se pose à l’égard des systèmes alimentaires, y compris les aspects environnementaux et agricoles. Ils jouent également un rôle essentiel en facilitant la transformation des systèmes alimentaires, car ils s’attaquent à plusieurs problèmes simultanément.

Il n’est pas facile d’établir des ensembles de politiques. Pourtant, un projet de l’initiative CCHeFS au Ghana a remporté une victoire majeure lorsqu’une taxe de 20 % sur les boissons sucrées est devenue loi à la fin de l’année 2023. Cette nouvelle loi, ainsi que les campagnes de sensibilisation des consommateurs, devraient réduire les problèmes de santé de la population, comme le diabète de type 2, l’hypertension et les accidents vasculaires cérébraux.

Malgré cette réalisation importante, de nombreux obstacles empêchent les décisionnaires africains et d’autres responsables gouvernementaux d’adopter de tels ensembles de politiques.

Faits saillants

  • D’ici 2030, on prévoit que les maladies non transmissibles comme celles liées à la dénutrition et à l’obésité seront la principale cause de décès en Afrique.
  • Il existe un ensemble de politiques alimentaires et sanitaires reconnues à l’échelle internationale, appelées ensembles de politiques, qui s’attaquent à la malnutrition causée à la fois par la dénutrition et la surconsommation d’aliments malsains.
  • La collaboration et l’échange des connaissances entre les équipes de recherche africaines et d’autres parties prenantes peuvent aider à faire progresser l’élaboration et la mise en œuvre de politiques alimentaires et sanitaires qui peuvent conduire à des populations en meilleure santé à travers l’Afrique.

Obstacles à la mise en œuvre des ensembles de politiques sur l’alimentation et la santé

Dans de nombreux pays, les entreprises agroalimentaires tentent d’inciter les gouvernements à ne pas adopter de politiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts commerciaux.

« Les restrictions liées à la commercialisation visant les enfants sont souvent contestées sous le faux prétexte que la politique n’a pas de lien de causalité avec l’amélioration des résultats en matière de santé », a expliqué Sameera Mahomedy, chercheuse principale à l’Université du Witwatersrand à Johannesburg, en Afrique du Sud, et chef de projet de l’initiative CCHeFS.

« On sait que les décisionnaires politiques se laissent influencer par ces arguments et ces demandes », a déclaré Gideon Amevinya, coordinateur du projet de l’initiative CCHeFS au Ghana, révélant que l’opposition de l’industrie a été un obstacle important à l’adoption de la taxe sur les produits sucrés.

Un autre défi de la mise en œuvre des ensembles de politiques est le temps qu’il faut aux décisionnaires pour passer des données probantes à l’action politique en raison de divers obstacles administratifs, de l’évolution des priorités politiques et de la conjoncture économique.

Un projet de l’initiative CCHeFS au Kenya qui élabore un modèle de profil de seuil nutritionnel, un élément crucial d’un ensemble de politiques proposé, s’est appuyé sur un comité technique multipartite composé de parties gouvernementales et non gouvernementales. Shukri Mohamed du Centre africain de recherche sur la population et la santé et chercheuse associée à ce projet a constaté que le processus décisionnel des comités techniques était très lent, occasionnant ainsi des retards dans l’élaboration de leur modèle.

Quels sont les éléments clés du succès?

Malgré les difficultés éprouvées pour mettre en œuvre des ensembles de politiques en matière de santé et de nutrition, les équipes de projet de l’initiative CCHeFS sont à l’avant-garde des solutions en vue de leur adoption plus large à travers l’Afrique. Grâce à une collaboration dans divers pays, dont le Kenya, le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud, les équipes recueillent des données probantes solides et des enseignements tirés pour renforcer les politiques alimentaires à travers le continent.

Une approche cruciale pour l’élaboration de ces politiques consiste à créer des plateformes multipartites, telles que celles développées par des équipes au Ghana et au Kenya.

Une coalition forte était cruciale pour promulguer la taxe sur les boissons sucrées au Ghana. « Les données probantes générées et les leçons apprises au Ghana peuvent aider d’autres pays à mettre en œuvre des ensembles de politiques similaires et à anticiper les arguments de l’industrie », a souligné M. Amevinya, de l’Université du Ghana.

L’équipe du projet de l’initiative CCHeFS au Kenya a formé un groupe multipartite composé de membres représentant le gouvernement et ceux dirigeant le système alimentaire. Ensemble, ils possèdent une expertise diversifiée à partir de laquelle ils peuvent créer des politiques évolutives et durables. De telles approches ont incité d’autres pays, dont le Sénégal, à emboîter le pas en adoptant des plateformes multipartites pour encourager les gouvernements à renforcer leurs politiques alimentaires et nutritionnelles.

Un tel échange de connaissances entre les pays est essentiel pour améliorer l’élaboration et l’adoption d’un ensemble de politiques. Ce type d’échange profiterait aux politiques et aux pratiques d’alimentation scolaire en Afrique de l’Ouest, par exemple. Un projet de l’initiative CCHeFS a évalué les politiques publiques et a constaté que ces types de politiques et de pratiques sont plus solides dans certains pays que dans d’autres. « Les pays peuvent apprendre les uns des autres. Nous devons créer un ensemble de meilleures pratiques qui peuvent être échangées entre les pays », a déclaré la professeure Adama Diouf de l’Université Cheikh Anta Diop au Sénégal.   

La participation des bonnes voix à la recherche peut également influencer les décisionnaires en veillant à ce que les recommandations politiques soient adaptées au contexte. Lors de l’élaboration de la politique fiscale du Ghana sur les boissons sucrées, les entretiens avec les principales personnes interrogées ont permis de cerner les facteurs potentiels facilitant ou entravant sa mise en œuvre. Le projet de l’initiative CCHeFS sur la commercialisation des aliments en Afrique du Sud a révélé qu’il était important d’impliquer les enfants dans la recherche afin de comprendre leurs points de vue.

Alors que seul un petit nombre de pays africains ont élaboré de tels ensembles de politiques jusqu’à présent, les possibilités de mettre en œuvre des politiques ambitieuses en matière de santé et de nutrition à l’échelle nationale et dans toute l’Afrique sont un objectif clé de l’initiative CCHeFS. Pour en savoir plus sur son travail sur les ensembles de politiques en Afrique, consultez cette note thématique.