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Des aliments fermentés pour la vie

 
3 janvier 2019

Des chercheurs canadiens ont élaboré une nouvelle souche de yaourt probiotique qui favorise le gain de poids chez les enfants et les adultes souffrant de malnutrition, réduit les éruptions cutanées, aide à lutter contre la diarrhée, accroît l’immunité chez les patients infectés par le VIH et atténue l’absorption de métaux lourds et d’aflatoxines chez les femmes et les enfants. Toutefois, l’approche dépend de la production de petits lots de bactéries cultivées en laboratoire, ce qui a limité la croissance des entreprises ainsi que l’accessibilité et l’utilisation à grande échelle du probiotique.

Une percée est survenue lorsqu’une équipe composée de chercheurs canadiens et néerlandais a créé des ferments lactiques de longue conservation. Un sachet d’un gramme de ces bactéries lyophilisées permet de produire localement 100 litres de yaourt, à un prix abordable, en 24 heures. Ce délai d’exécution rapide a ouvert la voie à la production et à la consommation de yaourt dans des zones rurales en résolvant des problèmes comme l’absence de réfrigération à domicile, les canaux de distribution déficients (routes en mauvais état, faible nombre de camions frigorifiques, etc.) et les marchés limités pour le lait des agriculteurs.

Mise au point d’un modèle d’affaires durable

Un modèle d’affaires novateur appelé « Des aliments fermentés pour la vie » a été créé afin d’encourager la production, la distribution et la consommation locales de yaourt probiotique dans les zones rurales du Kenya, de la Tanzanie, de l’Ouganda et au-delà. Ce modèle d’affaires fondé sur une chaîne de valeur favorable aux pauvres a amélioré la sécurité alimentaire et nutritionnelle en accroissant la production locale d’aliments probiotiques fermentés qui sont sains et abordables, notamment de yaourt et de porridge.

La durée de conservation du yaourt est supérieure à celle du lait, ce qui a réduit les pertes après traite, en particulier dans les collectivités où les moyens de réfrigération sont limités ou qui n’ont pas de marché à proximité pour le lait frais. Ce modèle d’affaires a également amélioré les profits des agriculteurs : en Ouganda, le bénéfice net de la vente d’un litre de yogourt probiotique est au moins trois fois le profit net de la vente d’un litre de lait frais.

Des personnes ont été formées à la production de yaourt, à la tenue des registres, à la commercialisation et aux procédures de certification gouvernementale pour les organismes chargés de la salubrité des aliments. Deux voies d’application à grande échelle ont été mises à l’essai avec succès et 262 unités de production ont été créées au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, lesquelles produisent collectivement au moins 45 000 litres de yaourt probiotique chaque semaine. Un modèle piloté par des bailleurs de fonds soutient la production locale et la vente de yaourt fabriqué avec les sachets de bactéries lyophilisées en Tanzanie et en Ouganda. Une infrastructure solide a été mise en place pour les ferments lactiques. Un réseau transfrontalier de magasins de produits agricoles et vétérinaires en Ouganda achète les ferments en gros et les vend au détail dans les régions respectives. En Tanzanie, Heifer International, partenaire du projet, propose des sachets dans plusieurs de ses bureaux, tout comme une organisation philanthropique dirigée par des femmes appelée Mikono Yetu.

Un modèle encore plus prometteur, piloté par l’Université d’agriculture et de technologie Jomo Kenyatta et les pouvoirs publics kenyans, a aidé 20 centres de développement de la petite enfance à produire leur propre porridge fermenté. Ce porridge riche en protéines, fabriqué à partir d’un mélange de maïs, de millet et de soya, et fermenté avec des cultures probiotiques, est servi à 1 200 enfants.

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Une employée scelle à chaud des sachets de yaourt chez Sasa Yogurt, un centre de production appartenant à des femmes et exploité par des femmes.
CRDI / BARTAY

Bien que les femmes représentent près de 70 % de la main-d’oeuvre dans le secteur laitier, avant le projet, elles ne contrôlaient pas vraiment les ressources ni les revenus. À présent, 74 % des unités de production appartenant à une personne ou un groupe sont dirigées par des femmes, et celles-ci déclarent avoir davantage d’assurance, avoir un meilleur accès aux financements et être plus mobiles.

Hausse de la consommation et amélioration de la nutrition grâce aux aliments fermentés probiotiques

L’élargissement de l’approche, en grande partie dû au soutien du gouvernement et à la couverture médiatique, a permis de toucher près de 260 000 consommateurs de yaourt probiotique au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda.

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Ssaka Daniel, responsable de la société coopérative des producteurs laitiers de Kinyogoga, en Ouganda, verse un bidon de lait frais dans la cuve réfrigérante.
CRDI / BARTAY

Le partenariat entre Heifer International et SNV Netherlands a contribué à lancer un programme en bonne et due forme dans le sud-ouest de l’Ouganda où les parents bénéficiaient d’un tarif subventionné pour le yaourt. Les directions des écoles et les parents des enfants de 48 écoles maternelles en Ouganda ont été sensibilisés à l’importance des probiotiques, ce qui a amené 2 206 enfants à consommer du yaourt probiotique chaque semaine. Une étude menée auprès de 467 enfants d’école primaire a montré que la consommation quotidienne de 100 ml de yaourt probiotique pouvait diminuer les éruptions cutanées, la diarrhée et l’absentéisme scolaire.

Éclairer la prise de décisions

L’autorité chargée du développement des produits laitiers s’est engagée à inclure une formation à la fabrication du yaourt probiotique dans son école sur les produits laitiers. L’institut de la recherche industrielle de l’Ouganda et l’autorité chargée des aliments et des médicaments de la Tanzanie soutiennent la certification et encouragent les transformateurs à passer à l’échelle supérieure.

Des personnalités importantes des ministères de la Santé et de l’Éducation de l’Ouganda ont encouragé la consommation de yaourt probiotique dans les écoles primaires. Par exemple, sept districts du sud-ouest de l’Ouganda ont officiellement soutenu le yaourt probiotique et encouragé les écoles à adopter le programme. Un symposium organisé à Kampala a fait connaître le concept « Des aliments fermentés pour la vie » et ses réussites aux décideurs, aux organismes de réglementation, à d’autres organisations philanthropiques et à des bailleurs de fonds potentiels.

Et ensuite?

Plusieurs initiatives ont été lancées pour appliquer le modèle « Des aliments fermentés pour la vie » à plus grande échelle.

Les partenariats ont été créés avec les organes de réglementation des produits laitiers en Ouganda et en Tanzanie. Des discussions portant sur l’accréditation et la formation sont en cours avec l’autorité chargée du développement des produits laitiers de l’Ouganda afin de restructurer le processus d’accréditation pour les unités de production qui démarrent de façon à rendre le processus plus simple pour les entrepreneurs.

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Winnie Busingye, propriétaire d’un magasin tenu par un groupe de femmes, vend du yaourt à Kanyine Apophia.
CRDI / BARTAY

L’Université d’agriculture et de technologie Jomo Kenyatta a conclu des ententes de coopération pour le développement avec cinq comtés du Kenya. Ces ententes appuieront la promotion, la production et la consommation de porridge fermenté probiotique dans les écoles maternelles. Il serait possible de toucher environ 50 000 centres de développement de la petite enfance du Kenya, qui s’occupent de trois millions d’enfants. L’université s’emploie également à trouver une entreprise adéquate pour importer et distribuer des ferments lactiques, et continuera à former les entrepreneurs intéressés dans le cadre de son programme de vulgarisation.

Le Fonds canadien de recherche sur la sécurité alimentaire internationale est financé conjointement par le Centre de recherches pour le développement international et Affaires mondiales Canada.

Détails sur le projet et ses résultats.