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Des agricultrices et agriculteurs du Kenya préconisent l’assurance-récolte pour la résilience climatique

 

Au Kenya, les petites’exploitations agricoles sont confrontées à la menace que posent les conditions météorologiques extrêmes imputables aux changements climatiques. Ces agricultrices et agriculteurs vulnérables n’ont pas non plus accès aux régimes d’assurance traditionnels – où les paiements sont liés aux rendements agricoles individuels – qui pourraient protéger leurs cultures et leurs actifs.

En vue de surmonter cette contrainte, des produits d’assurance indicielle ont été introduits pour mesurer un résultat observable de manière indépendante, comme les précipitations locales, qui ont une incidence sur les rendements. Cette approche réduit les coûts élevés engagés par la compagnie d’assurance pour surveiller des milliers de ménages individuels, ce qui, à son tour, réduit les coûts des primes pour les agricultrices et agriculteurs. Cependant, dans la pratique, l’assurance indicielle comporte son lot de défis, notamment des paiements inexacts lorsque les agricultrices et agriculteurs subissent des dommages à leurs cultures. Ce manque de fiabilité a entraîné un manque de confiance chez les agricultrices et agriculteurs. En conséquence, le recours à l’assurance est resté faible, ce qui a eu une incidence sur des millions de personnes qui pourraient potentiellement en bénéficier.

Pour résoudre ces problèmes, ACRE Africa, la Kenya Agricultural and Livestock Research Organization, l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires et l’Université de Wageningen aux Pays-Bas ont travaillé ensemble pour développer, mettre à l’essai et évaluer un produit d’assurance innovant basé sur l’image (PBI). La technologie du projet PBI, qui fait partie du fonds Cultiver l’avenir de l’Afrique (un partenariat entre le CRDI et l'Australian Centre for International Agricultural Research), tire parti des progrès réalisés dans les domaines de la télédétection, du traitement de l'image, de l'apprentissage automatique et de la possession de téléphones intelligents pour fournir des services rapides et couverture d’assurance précise pour les dommages aux cultures. Initialement axé sur le maïs, le projet s’est étendu pour cibler également les graminées vertes ainsi que les haricots et le sorgho, et utilise des images satellites et prises par téléphone intelligent des champs agricoles qui sont téléversées sur une application pour évaluer rapidement les pertes de récoltes.

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Les images des champs agricoles sont téléversées dans une application, où elles sont examinées par des agronomes et des compagnies d’assurance afin d’évaluer les pertes de rendement des cultures.
Georgina Smith
Les images des champs agricoles sont téléversées dans une application, où elles sont examinées par des agronomes et des compagnies d’assurance afin d’évaluer les pertes de rendement des cultures.

Faits saillants

  • Plus de 8 480 agricultrices et agriculteurs (65 % de femmes) sont couverts par une assurance climatique. 

  • Plus de 4 000 agricultrices et agriculteurs ont reçu un paiement pour leurs réclamations.   

  • Au total, 181 agricultrices et agriculteurs champions (58 % de femmes) ont recueilli plus de 60 000 images de champs agricoles. 

  • Trois modèles d’apprentissage automatique ont été développés pour accélérer le traitement des images et le règlement des réclamations. 

Résultats

Couverture précise

Connue sous le nom de SeeItGrow, l’application pour téléphone intelligent PBI est utilisée par les agricultrices et agriculteurs « champions » – formés par l’équipe du projet pour utiliser l’application et travailler avec les agricultrices et agriculteurs locaux – pour capturer et soumettre des photos des champs agricoles à différents stades de croissance des cultures. Travailler avec une communauté d’agricultrices et agriculteurs locaux sur le terrain, plutôt que d’envoyer une agente ou un agent dans tout le pays pour visiter des milliers d’exploitations agricoles individuelles, réduit les coûts de surveillance et contribue à améliorer la confiance des petites exploitations dans le processus d’assurance. En conjonction avec l’imagerie satellite de la région, les images de terrain sont utilisées par les agronomes et les compagnies d’assurance pour évaluer les pertes réelles de rendement des cultures et déterminer si les conditions justifient un paiement.

Pour adhérer à ce programme rentable, les agricultrices et agriculteurs composent un code téléphonique – à l’aide de la technologie de données de service supplémentaires non structurées (USSD) – et suivent les instructions qui les guident dans l’achat d’une assurance-récolte. Pour un acre de terre, une couverture d’assurance d’une valeur de 200 shillings kenyans ( KSh ), ou 2 $ CAN, offre un paiement pouvant atteindre 2 000 KSh (21 $ CAN) en cas de perte de récoltes liée aux conditions météorologiques, ce qui aide les agricultrices et agriculteurs à récupérer l’investissement initial payé pour acheter des semences. En outre, la prime offre aux agricultrices et agriculteurs des renseignements sur les conditions météorologiques régionales et leur fournit des conseils personnalisés toutes les deux semaines.

Afin d’améliorer l’efficacité du processus d’assurance, l’équipe du projet a conçu trois modèles d’apprentissage automatique pour automatiser la classification des stades de croissance, des types de dommages et de l’étendue des dommages sur la base d’images de maïs. Cette démarche est importante pour réduire le temps nécessaire à l’évaluation d’un grand nombre de photos et au règlement des réclamations.

Championne et champion PBI

Dans sept comtés du Kenya (Bungoma, Busia, Embu, Tharaka-nithi , Meru, Makueni et Machakos), des agricultrices et agriculteurs champions ou des prestataires de services de vulgarisation villageoise ont été engagés et formés pour transmettre des renseignements sur le produit d’assurance climato‑intelligent et téléverser des images de champs agricoles. Au fur et à mesure qu’ils enregistrent les agricultrices et agriculteurs, les championnes et champions consignent leurs détails, y compris leurs noms, leur emplacement, la taille de leurs terres et les cultures qu’ils cultivent. Ces renseignements sont utilisés pour déterminer la portée du programme et comprendre le type de cultures des agricultrices et agriculteurs.

En plus de promouvoir l’assurance-récolte, les agricultrices et agriculteurs champions transmettent également la formation qu’ils ont reçue en matière de bonnes pratiques agronomiques et de gestion durable des terres, y compris le paillage ( qui évite de brûler les déchets agricoles après la récolte, ce qui nuit à la fertilité des sols), les cultures intercalaires, les rotations et l'agroforesterie. Ces renseignements les aident, ainsi que les agricultrices et agriculteurs qu’ils forment, à diversifier leurs sources de revenus et à renforcer davantage leur résilience aux changements climatiques. Les championnes et champions sont également liés au secteur officiel des intrants afin d’accroître l’accès local à des intrants agricoles de qualité, tels que les semences, qu’ils vendent contre une commission.

En collaboration avec des agricultrices et agriculteurs champions depuis 2019, le projet a enregistré 8 500 polices d’assurance adaptées au climat, ce qui a donné lieu à plus de 4 000 paiements d’assurance (avec un nombre relativement plus élevé de paiements pour la clientèle féminine), et a recueilli près de 65 000 images de cultures pour le suivi saisonnier des cultures.

Inscrire les agricultrices

Comme ailleurs, les agricultrices au Kenya ont généralement moins accès à la terre, au financement agricole, à la formation et à l’éducation que leurs homologues masculins. La recherche a révélé que les femmes sont également plus démunies que les hommes en raison d’une lourde charge de travail, d’un manque d’autonomie en matière de revenus et d’une forte acceptation de la violence domestique. Par conséquent, les préoccupations relatives à l’égalité des genres et à l’inclusion sociale étaient au cœur des objectifs du projet et prises en compte à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre et de l’établissement de rapports.

Afin d’améliorer l’inclusion des femmes, on a recruté plus d’agricultrices championnes (58 %) que d’hommes. Par conséquent, non seulement les femmes ont déclaré se sentir plus à l’aise au moment d’être inscrites, mais il a également été constaté que les femmes championnes recrutent plus de femmes (67 %) que d’hommes (52 %). Parmi les femmes à qui l'on a offert une police, 68 % ont souscrit au produit en 2021.

Elizabeth Musembi, 43 ans, mère de trois enfants du comté de Machakos, est une agricultrice qui s’est inscrite au PBI après s’être engagée auprès d’une agricultrice ou d’un agriculteur champion. Elle s’est inscrite avant la saison des pluies de 2021, en payant une prime de 3 $ CAN. Les agricultrices et agriculteurs ont été touchés par la sécheresse au cours de cette saison, perdant la plupart de leurs récoltes. Heureusement pour Elizabeth, elle a pu réclamer une indemnisation de 20 $ CAN dans le cadre du programme – assez pour acheter trois sacs de semences à planter pour la prochaine saison, ce qu’elle n’aurait pas pu se permettre sans l’assurance.

Conclusion

En couvrant les agricultrices et agriculteurs pour les dommages visibles causés à leurs champs, les produits PBI réduisent l’écart entre les indemnités d’assurance et les pertes réelles de récoltes, atténuant ainsi les risques pour les petites exploitations. Le projet a permis d’automatiser l’analyse d’images pour plus de 65 000 images de cultures, augmentant ainsi la vitesse et la précision du traitement des règlements des sinistres, ce qui représente une étape cruciale vers l’évolutivité et la durabilité. La prochaine étape consistera à évaluer les données des agricultrices et agriculteurs afin de déterminer quelles autres cultures devraient être assurées.

Le fait de travailler par l’intermédiaire d’agricultrices et d’agriculteurs champions a permis d’accroître la portée des produits d’assurance chez les femmes et, en fait, d’augmenter la demande d’assurance chez davantage de femmes que d’hommes. Le modèle d’agricultrices et d’agriculteur champion a donc été essentiel pour fournir des renseignements et des technologies climatiques et pour promouvoir l’inclusion des genres.

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Cultiver l’avenir de l’Afrique, un partenariat de dix ans et d’une valeur de 35 millions de dollars canadiens entre le CRDI et l’Australian Centre for International Agricultural Research, finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l’égalité des genres en Afrique orientale et australe.

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