Des agriculteurs trouvent des moyens d’exploiter les avantages économiques et nutritionnels des petits mils
Pour augmenter la production et l’offre de petits mils, les ménages ruraux doivent avoir accès à des technologies et à des pratiques durables facilitant la culture, le traitement, la vente et la consommation de ces céréales très nutritives mais sous-exploitées. Une équipe pluridisciplinaire composée de phytologues et de spécialistes des sciences sociales du Canada, de l’Inde, du Népal et du Sri Lanka collabore avec des agriculteurs à la détermination et à la mise en pratique de solutions.
Le défi : l’évolution de la perception des petits mils
Les agriculteurs indiens cultivent les petits mils depuis des millénaires, et avec raison (figure 1). Pourtant, malgré les avantages qu’elle présente, la production des petits mils (sauf celle de l’éleusine) a chuté de 76 % de 1961 à 2009. Au cours de cette même période, la production totale de riz a plus que doublé et celle du blé, triplé, principalement en raison de la révolution verte qui a favorisé ces cultures. Il faut donc adopter de nouvelles stratégies pour présenter les petits mils comme des aliments de base et une source de revenus viable.
Les agriculteurs déterminent les meilleures semences
et pratiques
Les agriculteurs jouent un rôle crucial dans la détermination des variétés de semences et des pratiques agricoles les plus efficaces dans le contexte agroécologique qui est le leur. Les recherches montrent qu’ils sont plus susceptibles d’adopter de nouvelles semences et des pratiques améliorées lorsqu’ils en constatent les résultats dans leurs champs.
Au cours de ce projet, 778 agriculteurs et 533 agricultrices ont évalué des variétés locales de petit mil, des variétés améliorées lancées par des universités et des stations de recherche, ainsi que des variétés améliorées non encore lancées, dans le cadre d’« essais mères » menés sur le terrain. Les participants n’ont cependant pas toujours accordé les meilleures notes aux variétés à haut rendement. Dans l’ensemble, les agriculteurs ont estimé que le rendement de 11 variétés locales de petit mil était aussi bon, voire meilleur, que celui des variétés améliorées.
On effectue les « essais mères » dans des exploitations agricoles pour évaluer les variétés améliorées.
Au cours des « essais bébés », un plus grand nombre d’agriculteurs que dans le cadre des essais mères testent les variétés ayant obtenu les meilleures notes.
Par exemple, le premier choix des agriculteurs à Thanamalvila, dans le district de Moneragala au Sri Lanka, a été la variété locale Kiri Kurakkan, en raison de sa résistance à la sécheresse. Suivaient la variété Oshada, déjà lancée, et deux variétés non encore lancées, AD 1 et AD 3 (figure 2).
On a également constaté que, contrairement aux attentes, les agriculteurs n’ont pas toujours choisi les variétés hâtives de petit mil. À plusieurs petits emplacements en Inde (dans les États du Tamil Nadu, d’Andhra Pradesh et d’Odisha), ils ont préféré une variété moins hâtive dont le rendement était meilleur là où les précipitations étaient irrégulières. Les agriculteurs ont estimé que la résilience en cas de variabilité du climat était plus importante que la croissance rapide. Cette information sera utile, les programmes de phytosélection axant normalement leur stratégie d’atténuation des risques climatiques sur les variétés hâtives.
Les 36 variétés retenues par les agriculteurs à la suite des divers essais mères feront l’objet d’« essais bébés » sur le terrain, dans le cadre desquels quelque 2 000 agriculteurs les cultiveront au cours de la prochaine campagne culturale (tableau 1).
Diminution des mauvaises herbes, hausse des rendements, augmentation des bénéfices
Les essais sur le terrain auxquels ont participé 290 agriculteurs marginalisés ont montré qu’en alliant les connaissances scientifiques et les connaissances locales, on peut obtenir une diminution des mauvaises herbes, une hausse des rendements et une augmentation des bénéfices. Dans le cadre de ces essais, les chercheurs ont demandé aux agriculteurs d’évaluer différentes technologies pour ce qui est des types de semis et de leur densité, des éléments nutritifs des sols et de la lutte contre les ravageurs.
Ainsi, des agriculteurs qui, au Népal, ont pratiqué la culture intercalaire du petit mil et du dolique ont réalisé un gain économique de 44 %. À Semiliguda, en Inde, les agriculteurs ont rapidement adopté une méthode de transplantation de l’éleusine consistant à transplanter dans les champs des semis cultivés en conditions contrôlées, après avoir constaté au cours de la première année des essais que cette méthode permettait de réduire les mauvaises herbes. À d’autres emplacements en Inde, au Népal et au Sri Lanka, les agriculteurs ayant adopté des pratiques améliorées ont aussi obtenu de bons résultats (figure 3).
Les grains propres se vendent de trois à quatre fois plus cher que les grains mal décortiqués, attirent moins les insectes et sont moins sujets aux moisissures.
Un moulin mécanique facilite la production, la vente et la consommation des petits mils
L’un des principaux obstacles à l’augmentation de la production, et donc de la consommation, des petits mils est le décorticage. Non seulement le décorticage à la main est-il long et fastidieux, mais il n’est pas efficace : il se solde par de faibles taux de décorticage et le bris d’un tiers à la moitié des grains.
Un projet du FCRSAI, mené par l’Université McGill, la Fondation de recherche M.S. Swaminathan et l’University of Agricultural Sciences – Dharwad, en Inde, a permis de mettre au point un moulin à cylindres en caoutchouc unique en son genre. L’appareil, qui utilise la force centrifuge pour séparer l’enveloppe du grain, est très efficace.
Ce moulin a fait l’objet d’essais supplémentaires et d’améliorations dans le cadre du projet. Des ingénieurs canadiens et indiens ont réussi à améliorer son efficacité – d’environ 60 %, elle est passée à 95 %; ils ont modifié la conception du moulin et ont changé la vitesse, le nombre de passages et le taux d’humidité.
Le tout dernier prototype sera adapté en vue de son utilisation dans les collectivités et les villages. On continuera d’y apporter des améliorations pour lui permettre de moudre d’autres mils (le pied de coq et l’herbe à épée ou kodo). Des chercheurs de la Tamil Nadu Agricultural University s’emploient aussi à en améliorer encore davantage la conception.
Dans le cadre de l’Initiative for Nutritional Security through Intensive Millet Promotion, le gouvernement de l’Inde compte établir des centres de transformation des petits mils dans l’État du Karnataka.
Possibilités d’activités économiques et de formation
La disponibilité locale de grains décortiqués permet aux femmes d’augmenter leurs revenus en préparant et vendant des produits à base de petits mils et permet en outre d’accroître la consommation que les ménages font des petits mils. L’équipe du projet a collaboré avec des villageoises en Inde et au Sri Lanka à l’uniformisation de plus de 30 recettes traditionnelles, produits de boulangerie et mélanges instantanés faisant appel aux petits mils plutôt qu’au maïs ou au blé. Huit cent trente personnes de trois emplacements différents ont goûté à des biscuits contenant 50 % de petits mils et à du pain en contenant 20 %, et ils les ont trouvés très acceptables, bien qu’estimant que la durée de conservation de ces produits posait problème.
Des activités menées dans les différents emplacements ont fait connaître à la population les liens entre la production et la consommation des petits mils, d’une part, et la santé humaine et la salubrité des écosystèmes, d’autre part. À titre d’exemple, en 2013, le marchethon annuel de la fondation DHAN, dont le thème était Biodiversité agricole et sécurité alimentaire, a mis l’accent sur les petits mils. Plus de 52 000 personnes y ont participé, dont des femmes et des élèves de cinq États de l’Inde; le message communiqué au sujet des petits mils a toutefois atteint 100 000 autres personnes avant et pendant le marchethon.
Intégrer les petits mils dans les repas des enfants
Grâce à ce projet, des recettes à base de petits mils font désormais partie de l’alimentation de 160 enfants pauvres de trois à six ans dans 10 services de garde d’enfants du district de Srikakulam (dans l’État d’Andhra Pradesh, au sud de l’Inde). Au lieu de consommer des mets à base de riz et de blé tous les jours, les enfants peuvent maintenant manger des aliments très nutritifs à base d’éleusine et de petits mils 17 jours par mois dans le cadre du Programme de services intégrés pour le développement de l’enfant de l’Inde. Ce programme pilote unique en son genre, lancé en avril 2013 en partenariat avec deux ONG locales (Watershed Support Services and Activities Network et Appropriate Reconstruction Training and Information Centre), surveillera l’indice de masse corporelle des enfants pour évaluer l’impact d’un régime à base de petits mils sur leur état de santé général. Les données émanant du projet financé par le FCRSAI soutiendront les efforts d’intégration des petits mils à d’autres programmes d’alimentation publics, augmentant ainsi leur utilisation.
DONNÉES ESSENTIELLES
Titre : Augmentation de la production de petits mils en Asie du Sud
Profil de projet
Site Web (en anglais)
Chercheurs principaux
Muniappan Karthikeyan, Development of Humane Action Foundation, Inde
Kamal Khadka, Local Initiatives for Biodiversity, Research and Development, Népal
Widanelage Sathis Pemruwan de Mel, Arthacharya Foundation, Sri Lanka
Kirit Patel, Canadian Mennonite University, Canada
Partenaires
Népal : Local Initiatives for Biodiversity, Research and Development
Sri Lanka : Arthacharya Foundation
Inde : Development of Humane Action Foundation, Watershed Support Services and Activities Network, Tamil Nadu Agricultural University, All India Coordinated Small Millets Improvement Project, Indian Council of Agricultural Research
Canada : Canadian Mennonite University, Université de Guelph, Université du Manitoba, Université McGill, Université de Winnipeg
Pays : Inde, Népal, Sri Lanka
Financement accordé : 3,5 millions CAD
Période visée : de mars 2011 à août 2014
Pour plus de précisions sur ce projet, communiquer avec Sara Ahmed, spécialiste de programme principale, à New Delhi en Inde (sahmed@crdi.ca), ou avec Annie Wesley, spécialiste de programme principale, à Ottawa au Canada (awesley@crdi.ca).
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