Construire la base de données probantes pour des systèmes alimentaires sains en Afrique de l’Est
Les systèmes alimentaires connaissent une transition rapide en Afrique, ce qui s’accompagne de changements importants dans les régimes alimentaires et les environnements des populations. Si rien n’est fait, ces changements dans la production et la consommation alimentaires auront une incidence négative sur la santé de la population, par exemple en augmentant les taux de malnutrition et de maladies non transmissibles et en dégradant les écosystèmes naturels. En Afrique de l’Est, 40 % de tous les décès sont actuellement attribués aux maladies non transmissibles. D’ici 2030, on prévoit que les décès dus aux maladies non transmissibles liées à l’alimentation dépasseront les décès dus aux maladies transmissibles, un scénario qui nécessite des changements importants dans des domaines qui se recoupent, notamment la santé, la nutrition, l’agriculture.
Après son lancement en 2020, l’initiative « Catalyser le changement pour des systèmes alimentaires sains et durables » (CCHeFS) du CRDI a lancé un appel à propositions concurrentiel pour des projets de recherche solides visant à améliorer la compréhension des politiques et des interventions qui pourraient contribuer à des systèmes alimentaires plus sains et plus durables en Afrique de l’Est. Sur plus de 300 propositions, quatre équipes ont été sélectionnées en Éthiopie, au Kenya et en Tanzanie. Elles ont lancé leurs projets en 2021.
Après leur première année de mise en œuvre, chaque équipe de recherche contribue déjà à constituer une base de données probantes pour transformer l’environnement alimentaire de leur pays respectif. Ces contributions comprennent des études nuancées qui révèlent les différences socioéconomiques et de genre dans la consommation et la production alimentaire dans différents endroits, et qui agissent soit comme des obstacles soit comme des facteurs favorables de systèmes alimentaires sains et durables.
Apprenez-en davantage sur les projets, rencontrez les équipes de recherche et découvrez leurs domaines d’études novateurs, y compris la façon dont leurs projets pourraient contribuer à un changement transformationnel.
Quel rôle les microentreprises jouent-elles dans la transformation du système alimentaire kenyan? C’est ce que le projet SME4Nutrition du Kenya, dirigé par Wasafiri Consulting Kenya en collaboration avec Village Enterprise et Shack Dwellers International, vise à découvrir.
Alors que l’environnement alimentaire au Kenya évolue rapidement avec l’expansion du commerce de détail formel comme les supermarchés, les microentreprises sont le principal canal par lequel la plupart des ménages des communautés urbaines et rurales s’approvisionnent en nourriture. La recherche vise à montrer comment les propriétaires de microentreprises peuvent être des agents catalyseurs des systèmes agroalimentaires vers des aliments sains et durables, avec un accent particulier sur les femmes extrêmement pauvres dans les zones rurales et urbaines. Ce projet chercher à déterminer les conditions qui peuvent influencer les microentreprises dans des contextes informels et ruraux afin de contribuer à la transformation équitable du système alimentaire. L’équipe de recherche examine les mesures incitatives pour les entreprises à changer, les facteurs qui influencent la demande, et la façon dont ils sont façonnés par le genre.
Une approche de recherche à plusieurs échelles, avec des études de cas dans des zones rurales (agricoles et agropastorales) et dans un établissement urbain informel, donne quelques premiers résultats de recherche. Les modèles de consommation alimentaire des ménages ont été cartographiés, avec des tendances claires d’une consommation répandue, mais inadéquate et vulnérable d’aliments sains, et des différences entre les genres et les groupes d’âge. Le caractère abordable et l’accessibilité des aliments sains ont été cernés comme des obstacles à une plus grande consommation. Des sondages détaillés et des groupes de discussion avec des propriétaires de microentreprises ont montré des différences entre les genres dans les types d’entreprises, tout en révélant également un environnement commercial défavorable aux aliments sains et durables. Les entreprises suivent la demande des consommateurs, et la santé et le contenu nutritionnel des aliments ne sont pris en compte que par une petite minorité (environ 20 %) de clients. L’environnement alimentaire local favorise les mauvaises habitudes alimentaires dans les zones urbaines et rurales et n’apporte qu’un soutien limité aux entreprises alimentaires.
Grâce à ces résultats préliminaires, la recherche élargit déjà la base de connaissances sur les habitudes de consommation alimentaire des ménages et sur les facteurs favorables et les obstacles auxquels font face les propriétaires de microentreprises. En fin de compte, l’intention de cette recherche est de fournir des renseignements supplémentaires sur la façon dont la formulation des politiques et des programmes au niveau du comté et du pays au Kenya peut être améliorée afin d’encourager la production commerciale, l’interaction avec les marchés et la demande d’aliments sains et durables.
Rencontrez l’équipe :
Alex Rees
Prof. Judith Kimiywe
Ce projet, dirigé par la Fondation pour la recherche économique et sociale, a étudié l’environnement alimentaire à Dar es Salaam, la capitale commerciale de la Tanzanie. À l’heure actuelle, la sécurité alimentaire en Tanzanie est élevée, mais la diversité alimentaire et l’accessibilité financière des aliments restent un défi si l’on considère l’apport calorique de base. Le pays est également confronté au double fardeau de la malnutrition, la dénutrition coexistant désormais avec la suralimentation, ce qui entraîne une augmentation des maladies non transmissibles associées. L’équipe de la Fondation pour la recherche économique et sociale établit quels types de produits malsains sont consommés à Dar es Salaam, détermine les substituts et étudie comment les choix des consommateurs sont affectés par des caractéristiques telles que le prix. L’objectif est d’utiliser les résultats de l’étude pour améliorer la compréhension des différences entre les genres dans l’achat d’aliments et de renforcer les moteurs des habitudes d’achat d’aliments sains dans les populations à faible revenu et vulnérables. En fin de compte, l’objectif est de mettre à l’essai des interventions visant à améliorer la façon dont les Tanzaniens vivant en milieu urbain peuvent accéder, acheter et choisir des aliments sains, et d’utiliser ces renseignements pour éclairer les politiques visant à améliorer la demande et l’accessibilité financière des régimes alimentaires sains tout en soutenant des approches sensibles au genre.
Plusieurs résultats préliminaires apparaissent maintenant que la première étude sur l’environnement alimentaire est terminée. Les données de terrain montrent que les personnes interrogées dans le cadre de l’étude ont une connaissance de base de l’alimentation et de la nutrition. Il s’agit d’un résultat instructif, car il dissipe l’idée répandue selon laquelle la population tanzanienne, y compris les résidents urbains, ne possède pas ces connaissances de base. Au contraire, les résultats révèlent que c’est l’accessibilité financière des aliments sains qui est une contrainte majeure, avec 64 % des ménages de la zone d’étude déclarant ne pas pouvoir se permettre d’acheter des aliments sains, et donc d’en manger. La recherche a permis de cerner les quatre facteurs suivants qui influencent la consommation et les choix alimentaires dans la zone d’étude : le caractère abordable, le caractère désirable, la commodité et la sensibilisation. Des différences entre les genres dans les habitudes de consommation alimentaire ont également été cernées, et seront étudiées plus en détail par l’équipe de recherche au cours des prochains mois. Les possibilités de traduire les politiques en actions afin de s’attaquer au double fardeau de la malnutrition et de rendre les régimes alimentaires sains plus abordables seront également étudiées dans les prochaines étapes de la recherche.
Rencontrez l’équipe :
Magreth Henjewele
Vivian Hoffman
Alan de Brauw
Ce projet explore les obstacles et les facteurs favorables à des systèmes alimentaires sains et durables en Éthiopie, y compris les blocages au niveau politique. Il examine également l’agriculture urbaine en tant que composante de la réduction durable de la pauvreté et de la durabilité environnementale en Éthiopie.
Dirigée par l’École de santé publique de l’Université d’Addis-Abeba, en collaboration avec l’Université Hawassa et les ministères éthiopiens de l’Agriculture et de la Santé, l’équipe du projet cherche à déterminer comment la production agricole à petite échelle dans les zones métropolitaines peut améliorer l’accès des citadins pauvres à des aliments frais et nutritifs, réduire les kilomètres alimentaires (la distance parcourue par les aliments entre la production et le consommateur) et stabiliser le marché. En outre, l’équipe examinera comment le programme d’agriculture urbaine récemment lancé à Addis-Abeba contribue à la mise en place de systèmes alimentaires sains dans la ville, notamment la façon dont les avantages peuvent être maximisés pour les citadins pauvres. Grâce à la remise en état partielle des terres agricoles perdues en raison de l’empiétement urbain, le programme permet d’étudier l’impact environnemental de la production alimentaire urbaine intensifiée.
À ce jour, l’équipe de recherche a réalisé une analyse des politiques relatives aux systèmes alimentaires, une étude des obstacles du système alimentaire éthiopien, ainsi qu’une étude comparative des facteurs de choix alimentaires entre les zones urbaines et rurales, qui présentent toutes des résultats préliminaires intéressants. L’examen des politiques a révélé que si l’Éthiopie dispose d’un environnement politique renforcé avec des plans de développement multisectoriel ambitieux, les principales politiques commerciales et les politiques en matière de santé et de nutrition souffrent d’un manque de vision à court terme, sans qu’une attention suffisante soit accordée au marché alimentaire national, aux maladies non transmissibles et aux populations socialement défavorisées. L’étude sur les obstacles a permis de dégager des recommandations pour la transformation du système agricole, notamment le renforcement des capacités des coopératives agricoles et l’élargissement de la production du marché alimentaire.
La sensibilisation des producteurs et des consommateurs à la sécurité alimentaire et à la santé a également été cernée comme un besoin, ce qui nécessite une collaboration avec l’industrie alimentaire et les secteurs de l’horticulture, de la santé et du commerce. Enfin, l’étude sur les choix alimentaires a révélé des écarts entre les milieux ruraux et urbains et les facteurs sociodémographiques, notamment l’âge et le genre. Par exemple, on estime que la consommation de fruits et de légumes est faible pour 99 % de la population d’Addis-Abeba, contre 65 % dans la zone rurale de Butajira. Les connaissances en nutrition de la population en général, l’accessibilité, les normes religieuses et l’influence sociale sont autant de domaines clés qui peuvent améliorer l’alimentation, tant en milieu rural qu’urbain. L’équipe de recherche a pour objectif de mener des études de faisabilité afin d’explorer les mécanismes d’intégration des initiatives d’agriculture urbaine aux programmes de protection sociale. Elle mettra également à l’essai et évaluera une stratégie visant à intégrer l’agriculture urbaine aux programmes de protection sociale à Addis-Abeba.
Rencontrez l’équipe :
Samson Gebremedhin Gebreselassie
Kaleab Baye Yiman
Seifu Hagos Gebreyesus
Fikadu Reta Alemayehu
Alemtsehay Sergawi Hailegiorg
Dr. Meseret Zelalem Tadesse
Ce projet utilise une approche systémique pour cartographier la structure et la dynamique du système alimentaire en Éthiopie, qui influence la disponibilité et l’accessibilité financière des aliments protecteurs et sains. La recherche, menée par l’Ethiopian Policy Studies Institute (PSI), en collaboration avec l’Ethiopian Public Health Institute, l’Université McGill et l’Université de Wageningen, porte sur les acteurs participant à la production, le transport et la commercialisation des aliments. Elle explore également les facteurs sous-jacents qui influent sur la disponibilité, l’accessibilité financière et l’acceptabilité des aliments. Les politiques et les interventions existantes, ainsi que les liens entre les acteurs et les parties prenantes, sont examinés, cartographiés et caractérisés. Les connaissances acquises grâce à ces études permettront de développer et de promouvoir des interventions politiques qui encouragent un meilleur accès à des aliments sains et protecteurs et à un prix abordable, en particulier pour les groupes à faible revenu et les autres populations vulnérables.
Grâce à une analyse complète des politiques et des données, l’équipe de recherche dirigée par le PIS a mené des études au niveau national pour l’Éthiopie, notamment un examen des politiques relatives au système alimentaire, une méta-analyse et une cartographie des données sur les régimes alimentaires sains et durables, ainsi qu’une étude sur les habitudes de consommation alimentaire. Les résultats préliminaires de ces études ont révélé l’évolution des habitudes de consommation dans les zones urbaines et rurales de l’Éthiopie, notamment une augmentation de la consommation de céréales et une baisse de la consommation de protéines. La qualité et la diversité des régimes alimentaires ont également été déterminées comme un défi majeur en Éthiopie, en particulier pour certains groupes sociaux, notamment les femmes enceintes et les enfants, les ménages plus nombreux, les chômeurs urbains et les ménages dirigés par des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Les études ont également révélé que diverses politiques et interventions de programmes ont eu une incidence relativement faible sur l’alimentation et la nutrition, avec un scénario actuel étant que seul un Éthiopien sur quatre est en mesure de se s’offrir une alimentation nutritive. La cartographie des données a révélé où les données peuvent être consultées pour une prise de décision fondée sur des données probantes, mais elle a également révélé des lacunes dans les données et des domaines où la qualité et l’accès aux données pourraient être améliorés. Dans l’ensemble, les études ont montré qu’il faudra approfondir l’analyse des facteurs à l’origine des changements de consommation et du coût élevé d’un régime alimentaire nutritif, et renforcer la coordination des acteurs des systèmes alimentaires. À la fin de ce projet, l’équipe de recherche formulera des recommandations sur les politiques susceptibles de promouvoir des aliments sains et protecteurs pour les personnes vulnérables et à faibles revenus, de manière équitable entre les genres.
Rencontrez l’équipe :
Alebel Bayrau Weldesilassie
Masresha Tessema
Michael Ngadi
Inge D. Brouwer