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Conférence principale : Le changement climatique mondial, ses défis et ses opportunités

 
Le Dr Nobre a présenté le terme « anthropocene » [traduction] pour décrire la période la plus récente de l’histoire de la terre, à partir de la révolution industrielle. « L’influence de l’humanité sur la terre au cours des derniers siècles est devenue importante au point de constituer une nouvelle ère géologique, » a dit le Dr Nobre.

La population qui est le moteur principal de cette ère. « Chaque heure, 10 000 personnes se joignent à la population mondiale, [et il en résulte que] chaque heure, quatre millions de tonnes de dioxide de carbone sont émises; 1 500 hectares de forêts sont déboisés et trois espèces disparaissent », a déclaré le Dr Nobre.

Le Dr Nobre a dit que les dommages ont été si importants que « la disparition des espèces est inévitable ». Chaque hausse d’un degré Celsius de la température par rapport aux niveaux de l’ère préindustriels est susceptible de causer la disparition d’environ 10 % des espèces.

« Au cours des 50 dernières années, le capital naturel de la terre s’est extrêmement dégradé, » a dit le Dr Nobre. Les concentrations de dioxide de carbone, d’oxyde de diazote et de méthane ont augmenté; la dégradation des sols, la perte de la biodiversité et la pollution des eaux ont augmenté de façon spectaculaire; les observations de la composition de l’atmosphère indiquent que toutes les concentrations de gaz à effet de serre (GES) augmentent. « Par conséquent, le réchauffement futur est sans équivoque et déjà engagé », a affirmé le Dr Nobre.

Le niveau actuel des carburants fossiles et son statut quo fait passer les concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère « très au‑delà de la limite [historique], » a ajouté le Dr Nobre. Des prototypes de graphes faits à l’ordinateur révèlent que la température atmosphérique et les niveaux de la mer augmentent et que la neige de l’hémisphère Nord diminue.

Des études sur la reduction d’émission de déchets specifiques ont évalué dans quelle mesure nous pouvons « éviter les impacts du changement climatique» a affirmé le Dr Nobre. Si les niveaux d’émissions demeurent constantes, la température de la surface de la terre s’élèvera de 1,8ºC d’ici 2100. Même dans le cas où les émissions disparaissaient, la température de la planète s’élèvera de 0,6ºC d’ici 2100. Nous ne pouvons pas stopper le changement climatique mais, si nous agissons maintenant, nous pouvons atténuer ses effets.

Si nous réduisons les émissions de 50 %, nos écosystèmes et la santé des populations ressentiraient encore les effets du changement climatique. Les répercussions sur le domaine de la santé seraient notamment une augmentation des maladies cardiorespiratoires et infectieuses, une augmentation de la mortalité causée par les vagues de chaleur, les inondations et les sécheresses, ainsi que des changements de la répartition de certains vecteurs de maladie.

Si 80 % des émissions sont réduites d’ici 2050, avec 2015 comme point culminant, une augmentation de la disparition des amphibiens est encore susceptible de se produire d’ici 2100. Si le point culminant est repoussé à 2035, en 2100 entre 20 % et 30 % de toutes les espèces connaîtront un risque de plus en plus élevé de disparaitre.

« Retarder l’atténuation est dangereux et coûteux, » a dit le Dr Nobre. Bien des secteurs doivent agir pour reduire les emissions. Il s’agit notament de la production d’énergie (24 % de la pollution énergétique), du transport (14 %), de l’utilisation des terres (18 % des émissions non énergétiques), et la gestion des déchets (3 %). Il existe beaucoup d’options d’atténuation, a dit le Dr Nobre, soulignant que les politiques et le prix jouent un rôle important. Entre autres mesures possible d’atténuation qui sont économiques, il y a l’amélioration de l’isolation, les véhicules commerciaux économes en combustible, les biocombustibles de la canne à sucre et l’énergie nucléaire.

Le Dr Nobre a soulevé la question de savoir si un pays en développement peut « atteindre un niveau acceptable de développement humain sans surcharger son environnement ». Les pays développés ont des empreintes écologiques qui dépassent largement la biocapacité moyenne mondiale disponible par personne, à la seule exception de Cuba. Il y a un besoin de developper de meilleurs modèles. « Les biocombustibles et la bioénergie sont considérés comme des éléments importants d’une politique multisectorielle d’atténuation du changement climatique, a dit le Dr Nobre. Mais on s’interroge encore sur les mérites du bioéthanol par rapport à la production alimentaire, et il faut évaluer l’incidence synergétique du changement climatique et de l’expansion de la production du biocombustible. » L’expansion du bioéthanol menace également la biodiversité au Brésil.

Le changement climatique menace particulièrement l’Amazonie, a dit le Dr Nobre. Il a présenté des photographies de feux de forêt, en demandant : « pouvons-nous éviter que l’Amazone devienne comme cela? » Le changement climatique mondial rendra 43 % des 69 espèces d’angiospermes de l’Amazonie non viables d’ici 2095. « Nous avons besoin d’un nouveau modèle dans les tropiques, » a dit le Dr Nobre. Le modèle traditionnel auquel contribuent les exploitations de soya, l’industrie du bois‑d’oeuvre et les ranchs n’est pas durable et provoque un déboisement à hauteur de 30 kilomètres par année, tout en représentant moins de  0,5 % du produit intérieur brut du Brésil. Le Dr Nobre a souligné que 700 kilomètres carrés ont déjà été déboisés.

Nous avons besoin d’un nouveau paradigme, a-t-il déclaré. Nous devrions ajouter de la valeur aux forets existants en  en élaborant un nouveau modèle pour les tropiques. L’agriculture à petite échelle, les ressources en eau, la biodiversité et les services environnementaux pourraient contribuer à ce nouveau modèle.

« La crise financière mondiale propage le concept du risque systémique, » a affirmé le Dr Nobre. Les gouvernements ont dépensé plus de 5 billions de dollars américains pour sauver les institutions financières par crainte d'un « risque systémique mal défini » pour l'économie mondiale. Il a comparé cet enjeu à celui du changement climatique, en introduisant le concept des risques systémiques pour les systèmes terrestres.

En parlant des seuils de changements climatiques dangereux et de leurs incidences, le Dr Nobre a dit que la glace dans l’Antarctique de l'Ouest disparaîtra sous l’effet d’une augmentation de 0,6ºC, que la glace des Andes tropicales et la glace de fin de l’été de l’Arctique disparaîtront sous l’effet d’une augmentation de 1,0ºC, et que la circulation thermoaline océanique et celle de la forêt amazonienne s’effondreront sous l’effet d’une augmentation de 4ºC.

Le Dr Nobre a présenté de l’imagerie par satellite révélant des changements extraordinaires de la glace de l’océan Arctique qui se sont déjà produits. « Imaginez l’océan Arctique sans glace, un seuil critique que nous avons très probablement déjà dépassé, a‑t‑il dit. » Il a affirmé aussi qu’un autre seuil critique important est le degré d’acidification de l’océan, résultat de l’absorption de carbone par l’océan. « Nous sommes en train d'hypothéquer la planète à risque, » a‑t‑il conclu.

Dr Carlos Nobre
Centre des sciences des systèmes de la terre
Centro de Ciência do Sistema Terrestre
Institut  national pour la recherche spatiale

Blog du Dr. Nobre au sujet du changement climatique http://blogs.worldbank.org
National Institute for Space Research, Brazil http://www.inpe.br