Conduire un changement de politique transformateur en matière de genre afin d’améliorer l’équité en matière de santé des femmes dans les établissements urbains informels
En 2019, l’Organisation internationale du Travail estimait que 92 % des femmes qui travaillent dans les pays en développement œuvraient dans le secteur informel. La pandémie de COVID-19 pourrait avoir fait grimper ce nombre à plus de 95 %. Les personnes travaillant dans la vente ambulante, le secteur domestique et les usines constituent l’économie informelle. En raison de l’absence d’avantages sociaux, tels que les régimes d’assurance, les pensions et les congés payés, les personnes travaillant dans cette économie parallèle sont soumises à des conditions de vie et de travail médiocres. Par la suite, la plupart de ces personnes finissent par s’appauvrir, les femmes étant touchées de manière disproportionnée.
Les femmes vivant dans des logements de fortune restent vulnérables à diverses formes d’agressions, aux parasites et aux insectes vecteurs de maladies, aux maladies d’origine hydrique, à la malnutrition, au surpeuplement des maisons et des quartiers, aux maisons structurellement malsaines et aux services de santé inaccessibles. La pandémie de COVID-19 a accru ces vulnérabilités, augmentant le risque d’infection par la COVID-19 chez les femmes. De plus, le confinement et le traitement ont été très difficiles pour les résidents de ces établissements en raison de l’accès limité aux services de santé, de l’incapacité à respecter les mesures d’isolement et de confinement, et du manque de respect des politiques liées à la COVID-19 par de nombreuses usines.
En Ouganda et au Bangladesh, des équipes de recherche soutenues par l’initiative Les femmes S'ÉLÈVENT examinent les stratégies employées par les femmes pour faire face aux pressions liées au travail et à la santé découlant de la COVID-19 qui les exposent aux vulnérabilités susmentionnées, y compris le VIH-SIDA. Les données probantes générées soutiendront l’élaboration d’interventions conçues conjointement qui sont des solutions transformatrices de genre inclusives, durables et équitables pour le rétablissement après la COVID-19 et les futures urgences sanitaires.
Appuyée par le CRDI, Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, l’initiative « Les femmes S’ÉLÈVENT » s’attaque aux répercussions sexospécifiques de la COVID-19. Cette initiative soutient la recherche axée sur l’action et transformatrice de genre sur la façon dont la santé des femmes et leur travail (rémunéré ou non) se recoupent et interagissent dans le contexte de la préparation, de la réponse et de la reprise face à la pandémie de COVID-19.
Renforcer la préparation aux flambées de maladies infectieuses au Bangladesh
Des équipes de recherche du Centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques du Bangladesh et du Hospital for Sick Children de Toronto, au Canada, explorent les intersections entre l’environnement de travail et les expériences vécues par les femmes qui travaillent. Leur objectif est de cerner les interventions fondées sur des données probantes pour gérer et prévenir les maladies infectieuses.
Les personnes, y compris celles travaillant dans les usines, qui vivent dans des établissements informels urbains et périurbains sont fortement exposées au risque de maladies infectieuses en raison de leurs conditions de travail et de vie. La rareté actuelle des services de soins de santé primaires augmente la vulnérabilité de ces groupes de la population selon le genre, l’âge et les couches socioéconomiques.
À Dhaka et à Gazipur, les résultats d’entretiens approfondis, les exercices PhotoVoice avec les femmes qui travaillent et les personnes travaillant dans des usines qui vivent dans des quartiers informels urbains, et les discussions de groupe avec les personnes qui travaillent en santé communautaire ont révélé que les femmes occupant un emploi précaire devaient continuer à travailler en dehors de leur foyer pendant la pandémie en raison d’un manque de filets de sécurité sociale. Elles ont également dû faire face à une exposition accrue à la COVID-19 en raison du manque de mesures de sécurité sur leur lieu de travail et à leur domicile. Étant donné que de nombreuses travailleuses vivent dans des logements partagés dans les bidonvilles, généralement dans une seule pièce pour toute la famille, il leur était difficile de s’isoler si un membre de leur famille ou elles étaient infectés par la COVID-19.
De plus, les membres de la communauté avaient une connaissance limitée de la COVID-19 ainsi que des mesures de protection et d’hygiène, principalement en raison d’un manque d’éducation sur la transmission et la prévention des maladies infectieuses. Cette lacune dans les connaissances et l’accès limité aux ressources de prévention les ont rendus plus vulnérables aux infections. Un manque de confiance inhérent dans le système de santé et les personnes qui travaillent en santé communautaire a encore entravé les efforts de détection et de traitement précoces, facilitant la propagation des infections au sein de la communauté.
Les équipes de recherche ont examiné les politiques existantes visant à la préparation et à la réponse à la COVID-19, qui ont révélé certaines lacunes dans la résolution des problèmes auxquels sont confrontées les personnes qui habitent des bidonvilles urbains. Les plans de relance du gouvernement n’ont pas touché les personnes travaillant dans la communauté qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie. Dans les cas où des politiques ont été mises en œuvre, leur mise en œuvre était incohérente et a fourni une protection sociale limitée à toutes les populations vulnérables.
Le projet « Les femmes S’ÉLÈVENT » cherche délibérément à faire entendre la voix de ces femmes. La méthodologie garantit la participation active des femmes qui travaillent et des personnes travaillant dans des usines pauvres en milieu urbain à cerner des défis auxquels elles ont été confrontées pendant et après la pandémie de COVID-19 et à créer conjointement des solutions pour la santé, l’égalité des genres et des conditions de travail décentes.
Les résultats de cette recherche porteront sur les inégalités structurelles et politiques entre les genres qui ont une incidence sur le travail et la santé des femmes, en produisant des informations et des expériences pertinentes pour les politiques qui peuvent être bénéfiques pour la réglementation des conditions de travail et le secteur privé, en formulant des politiques et des stratégies pour prévenir et gérer les épidémies et les pandémies de futures maladies infectieuses, ainsi que d’atténuer les chocs économiques au Bangladesh et dans des contextes similaires.
Efforts pour prévenir le VIH chez les femmes vivant dans les communautés urbaines informelles en Ouganda
Des équipes de recherche de l’Université de Makerere, de l’Organisation Afrislum, de l’Uganda Aids Commission et de l’Université de Waterloo au Canada s’efforcent d’évaluer comment les changements dans l’emploi et la situation économique ont influencé le risque et la vulnérabilité au VIH chez les femmes vivant dans des établissements informels urbains pendant et après la pandémie de COVID-19. Le projet examine les stratégies employées par les femmes de Kampala et de Mbale pour faire face au stress professionnel lié à la COVID-19 qui les expose au risque et à la vulnérabilité au VIH.
La pandémie a aggravé les facteurs de risque préexistants pour ces femmes, augmentant leur probabilité de contracter des maladies, y compris le VIH. Les filets de sécurité qui protégeraient normalement les femmes contre les situations à risque ont été réduits en raison du manque d’accès à la prévention et aux traitements des infections sexuellement transmissibles et du VIH au plus fort de la pandémie de COVID-19.
En Ouganda, certaines femmes appartenant à des groupes vulnérables qui ne pouvaient plus dépendre de leurs revenus quotidiens provenant d’un emploi occasionnel et, en raison des restrictions liées à la COVID-19, ont eu recours à des comportements à risque pour répondre à leurs besoins fondamentaux (c.-à-d. avoir des relations sexuelles avec différents partenaires, se marier pour compléter leur bien-être, etc.) En outre, l’accès aux soins de santé est devenu un défi en raison de leurs propres hypothèses quant à savoir qui a droit à ces soins et du manque d’argent pour payer les services de santé.
Les résultats préliminaires de la recherche dans le cadre de ce projet montrent une corrélation directe entre la COVID-19, la diminution des revenus et l’augmentation des activités sexuelles non protégées. Près de 80 % des personnes interrogées n’avaient pas accès aux services liés au VIH pendant la pandémie.
« La COVID-19 m’a tellement touchée, surtout lorsque mon homme [conjoint] s’est enfui en raison des exigences du domicile. J’ai un autre homme, quoique je ne sais pas s’il était séropositif ou non, mais il me donnait 5 000 UGX [1,50 USD] ou moins et c’est ainsi que je survis », a déclaré une résidente de 31 ans du bidonville de Kagugube à Kampala, en Ouganda.
Les interventions de reprise sont nécessaires pour aider les communautés et les groupes vulnérables à se remettre des chocs de la COVID-19. Le projet « Les femmes S’ÉLÈVENT » vise à utiliser les résultats de ses recherches pour soutenir les changements de politique afin de combler les lacunes préexistantes dans les interventions existantes de reprise après la COVID-19 en Ouganda, ainsi que les besoins socioéconomiques et sanitaires actuels des femmes vivant dans des établissements urbains informels afin de les protéger du risque de VIH et de la vulnérabilité aux pandémies futures.
Tenir compte des dimensions de genre dans la préparation aux futures pandémies
Il est urgent d’accorder une plus grande attention aux dimensions de genre dans la préparation aux futures pandémies, en particulier dans les communautés vulnérables où les femmes sont largement touchées. Des initiatives comme « Les femmes S’ÉLÈVENT », qui appuient la recherche transformatrice de genre axée sur l’action portant sur la façon dont la santé des femmes et leur travail se recoupent et interagissent dans le contexte de la préparation aux pandémies, de la réponse et de la reprise, seront cruciales pour améliorer la santé et le bien-être des femmes. Cette recherche renforcera également la capacité d’une reprise équitable et contribuera à des politiques et des interventions transformatrices de genre qui font progresser la préparation aux futures urgences sanitaires.
Les gouvernements, en collaboration avec les collectivités et les partenaires de recherche, peuvent appuyer la mise à disposition des infrastructures nécessaires qui permettent aux personnes qui habitent les logements de fortune dans les zones rurales et urbaines d’avoir accès à de l’eau potable, à des installations sanitaires et à des installations de santé. La gouvernance des risques d’urgence devrait également être une priorité, car elle affecte la vulnérabilité des ressources d’une communauté et les processus d’adaptation en temps de pandémie.
En savoir plus sur l’initiative « Les femmes S’ÉLÈVENT » à la Conférence canadienne sur la santé internationale de 2023
D’autres idées et leçons concernant ces projets seront présentées lors de la Conférence canadienne sur la santé mondiale de 2023 qui se tiendra en personne et virtuellement du 16 au 18 octobre 2023 au Westin Ottawa, à Ottawa, au Canada.
Cette conférence annuelle rassemble des équipes de recherche, des spécialistes, des décisionnaires et des membres de la population étudiante de diverses disciplines et secteurs pour discuter de problèmes urgents de santé mondiale. Elle offre une plateforme d’échange des connaissances, des pratiques exemplaires et des innovations en matière de recherche, de politiques et de pratiques en santé mondiale.