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Comment les mathématiciens de l’Afrique peuvent-ils contribuer à résoudre la crise climatique mondiale?

 
23 juin 2022

La professeure Nana Ama Browne Klutse, physicienne et mathématicienne ghanéenne de l’Institut africain des sciences mathématiques (AIMS), n’a pas de boule de cristal dans son bureau, mais elle étudie l’avenir afin de gagner sa vie. Nana Ama Browne Klutse élabore des modèles climatiques à l’aide d’équations mathématiques afin de caractériser la façon dont l’énergie et la matière interagissent dans différentes parties de l’océan, de l’atmosphère et de la terre.

En tant qu’auteure principale du sixième Rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), elle a contribué à fournir au monde certaines des données probantes les plus flagrantes révélant dans quelle mesure l’Afrique est touchée par les changements climatiques et qu’elle devrait être encore plus sévèrement touchée que les autres continents, même si elle contribue moins aux émissions de gaz à effet de serre.

« Les périodes de chaleur accablante vont augmenter presque partout en Afrique », a indiqué Nana Ama Browne Klutse lors d’une séance d’information publique organisée en novembre 2021 afin de discuter des conclusions du Rapport du GIEC, en mettant l’accent sur l’Afrique. « La sécheresse agricole et la sécheresse écologique vont également augmenter pour la plupart des endroits en Afrique », a-t-elle expliqué, ajoutant que l’Afrique est fortement dépendante des précipitations pour l’agriculture, qui représente une part importante de l’activité économique du continent.

La professeure, qui faisait partie du Groupe de travail I du GIEC sur la base des sciences physiques, a également indiqué qu’il était « probable à pratiquement certain » que le niveau des mers continuerait à monter en Afrique. « C’est une préoccupation, notamment pour les collectivités côtières ».

Nana Ama Browne Klutse est chercheure résidente de l’AIMS-Canada en science des changements climatiques à l’AIMS-Rwanda et titulaire d’une chaire de recherche du programme de science des changements climatiques à l’AIMS-Ghana. La recherche de l’AIMS-Canada est soutenue par le CRDI et Affaires mondiales Canada dans le cadre d’un effort conjoint visant à créer une masse critique de scientifiques en mathématiques afin de contribuer aux solutions concernant les changements climatiques en Afrique.

Le projet, intitulé Mathématiques au service de la résilience à l’égard des changements climatiques (MS4CR), propose des formations, des stages et des bourses de recherche, en mettant l’accent sur les femmes mathématiciennes.

Renforcer les capacités de recherche sur le climat en Afrique

Malgré certains progrès, le nombre de scientifiques africains demeure relativement faible. Des efforts tels que le projet MS4CR sont donc essentiels afin de développer les talents scientifiques de la région et de retenir les scientifiques en Afrique.

L’objectif est de soutenir le travail des scientifiques africains dans l’étude de l’échelle et de la portée des répercussions des changements climatiques afin qu’ils puissent apporter des contributions importantes dans ce domaine. Des contributions comme celles trouvées dans la recherche de la professeure Browne Klutse. Ses travaux ont porté sur des sujets tels que l’évolution prévue de la température et des précipitations en Afrique et la désignation des zones de sécheresse potentielles en Afrique de l’Ouest en raison des changements climatiques.

Mais sa contribution au rapport du GIEC est sans doute la plus importante de ses réalisations en matière de recherche à ce jour.

« En tant qu’Africains, nous devrions nous préoccuper de ce qui se passe à l’échelle mondiale », a-t-elle indiqué, en faisant référence aux changements climatiques. « Notre continent est plus vulnérable à ces changements ».

S’exprimant lors d’un épisode du balado 267Sustain en août dernier, elle a noté que le GIEC était devenu plus audacieux en rendant explicite le lien entre le comportement humain et les changements climatiques.

« Nous n’avions pas suffisamment confiance dans nos modèles climatiques dans nos rapports précédents. Mais aujourd’hui, nous avons une telle confiance dans nos modèles climatiques, qui nous montrent le passé, le présent et l’avenir de notre climat », a-t-elle indiqué, expliquant que les modèles sont désormais capables de faire la distinction entre les processus climatiques naturels et les effets climatiques induits par l’humain.

« Il est donc clair que les êtres humains contribuent massivement aux changements que nous connaissons dans le système climatique », a indiqué Nana Ama Browne Klutse, professeure associée au Département de physique de l’Université du Ghana.

La professeure Brown Klutse, qui milite activement pour que les filles du Ghana envisagent des carrières scientifiques, a également travaillé en tant que chercheure principale à l’Institut ghanéen des sciences spatiales et a fait partie de la première cohorte de la bourse de l’AIMS, intitulée Les femmes dans la science des changements climatiques.

Elle insiste sur la nécessité d’accroître la capacité de recherche sur le climat en Afrique, qui souffre, entre autres, d’un manque de données. « La contribution des Africains sur ce sujet important, le climat, est minime », a indiqué Nana Ama Browne Klutse, qui faisait partie des 19 auteurs principaux africains du sixième Rapport du GIEC, sur un total de 234.

« Nous devons améliorer notre jeu en termes de recherche et de collecte de données », a-t-elle souligné.