Comment les épiceries de quartier influencent-elles l’alimentation des enfants à Beyrouth et à Tunis
La plupart des détaillants alimentaires qui entourent les écoles des capitales libanaise et tunisienne vendent des aliments malsains, et les enfants des écoles dont les quartiers ont une densité plus élevée de publicités et de détaillants alimentaires malsains sont plus susceptibles d’être en surpoids ou obèses.
Telles sont quelques-unes des conclusions qui ont émergé des recherches financées par le CRDI et entreprises en collaboration avec l’Université américaine de Beyrouth et l’Institut national de nutrition et de technologie alimentaire de Tunisie. La recherche fait partie d’un effort visant à éclairer les interventions sur l’obésité chez les enfants dans les milieux urbains de Beyrouth et de Tunis.
L’objectif du projet est de favoriser le développement d’environnements propices à une saine alimentation chez les enfants et leurs familles.
Au cours des deux dernières décennies, des changements importants dans l’alimentation se sont produits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, entraînant une augmentation significative des taux d’enfants d’âge scolaire en surpoids et obèses. Bien que la consommation alimentaire et les habitudes alimentaires des enfants soient des facteurs de risque précoces de développement de maladies non transmissibles, les recherches sur ce qui influence ces comportements restent rares dans la région.
Ce qui est clair, cependant, c’est que les environnements scolaires et de quartier influencent les habitudes alimentaires des enfants, notamment par la disponibilité et la promotion de produits ultra-transformés riches en gras, en sucre et en sel.
« Lorsque les enfants consomment constamment ces types d’aliments, cela peut affecter leur niveau d’énergie, leur concentration et leur santé en général », a déclaré Hala Ghattas, qui a dirigé l’étude au Liban. « Cerner les moments de la vie quotidienne des enfants qui représentent des menaces et des occasions pour une alimentation saine peut servir de leviers pour les interventions futures visant à améliorer l’alimentation des enfants dans les milieux urbains à revenu intermédiaire. »
La recherche visait à décrire les environnements du grand Beyrouth et du grand Tunis au sein des ménages, des écoles et des communautés où les enfants ont accès à la nourriture, puis à cerner les obstacles à la consommation alimentaire saine et les facteurs favorables connexes dans ces environnements.
Les caméras portables aident à cartographier les environnements alimentaires
L'étude a permis de créer un ensemble d’outils de recherche innovants adaptés à chaque contexte pour recueillir des données auprès de 47 écoles et quartiers au Liban et de 50 en Tunisie.
Afin de découvrir les expositions et les indices de la consommation alimentaire et des comportements alimentaires dans les trajets quotidiens des enfants vers et depuis l’école, l’étude a utilisé des caméras portables dans le cadre d’un système de collecte de données fondé sur l’apprentissage automatique culturellement acceptable pour capturer objectivement l’exposition des écoliers et écolières aux environnements alimentaires (dont les produits, les publicités et les détaillants alimentaires) et de les classer par niveaux de salubrité.
Au Liban, l’étude a permis de recueillir des données auprès de 2 135 enfants et de 1 469 parents, en plus d’amasser 190 jours d’images provenant de caméras portables et de cartographier 3 243 détaillants alimentaires et 2 000 publicités alimentaires. En Tunisie, l'étude a généré des données recueillies auprès de 2 465 enfants et de 2 372 parents, en plus d’amasser 308 jours d’images provenant de caméras portables et de cartographier 3 621 détaillants alimentaires et 2 009 publicités alimentaires.
Les environnements alimentaires autour de l’école favorisent les aliments ultra-transformés
L’étude a permis de cartographier les environnements alimentaires communautaires auxquels les enfants étaient exposés à moins de 10 minutes à pied de leurs écoles. Elle a révélé que les trajets quotidiens des enfants les exposaient à de grandes quantités d’aliments malsains à l’extérieur de la maison, alors que les aliments consommés à la maison avaient tendance à être plus sains.
À Beyrouth et à Tunis, les environnements alimentaires dans les quartiers scolaires comprenaient principalement des détaillants d’aliments malsains. Les recherches ont montré qu’environ 60 % des détaillants alimentaires autour des écoles vendaient principalement des aliments ultra-transformés malsains. De même, la plupart des publicités alimentaires faisaient uniquement la promotion d’aliments ultra-transformés.
Bien que la prévalence globale de l’embonpoint et de l’obésité soit élevée à Beyrouth et à Tunis, les enfants qui fréquentaient des écoles comptant une plus grande densité de détaillants d’aliments malsains dans leurs quartiers présentaient des taux d’obésité plus élevés.
Des enquêtes réalisées dans le cadre du projet ont permis d’étudier les environnements alimentaires et les politiques liées à la nutrition dans les écoles. Elles ont montré que, même si certaines politiques relatives à la vente de nourriture dans les écoles existent en Tunisie, aucune des 50 écoles n’avait de politique concernant les types d’aliments vendus à l’école ni la permission d’utiliser de la nourriture comme récompense pour les élèves. Au Liban, il y avait un mélange de politiques. Cependant, seulement un tiers des écoles mettaient pleinement en œuvre des politiques sur l’alimentation et la nutrition à l’école.
« Les éléments clés de l’environnement alimentaire autour des écoles mis en évidence par cette étude pourraient contribuer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de politiques appropriées en matière d’alimentation et de nutrition dans les écoles », a déclaré Jalila El Ati, qui a dirigé le projet en Tunisie. « La mise en œuvre efficace de telles interventions pourrait être reproduite dans d’autres contextes urbains similaires de la région. »
Dans le cadre des efforts déployés pour diffuser les résultats de la recherche, le projet a produit des infographies et de courtes vidéos visant à informer le personnel scolaire, les enfants d’âge scolaire et leurs parents sur l’importance d’une alimentation saine.