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Clarence Batan met en lumière le sort des jeunes Philippins

 
7 octobre 2014

Malgré la forte croissance de l’économie, le taux de chômage aux Philippines est le plus élevé de la région de l’ANASE, atteignant plus de 7 %. Les jeunes sont durement touchés : ils représentent plus de la moitié des près de trois millions de chômeurs.

Comme l’explique le sociologue Clarence Batan, la pénurie d’emplois n’est pas le seul facteur ayant contribué à l’émergence du phénomène social des jeunes istambay (un mot en tagalog qui signifie « en attente », une translittération du terme anglais « on standby »). En effet, grâce à la culture philippine d’entraide et de solidarité familiale, les jeunes qui ne travaillent pas et ne vont pas non plus à l’école arrivent à survivre et à différer leur transition vers l’âge adulte et tout ce que cela implique – se marier, fonder une famille, quitter la maison familiale et vivre de façon autonome. Tournés en ridicule par la société philippine qui les accuse de paresse, les jeunes istambay constituent un phénomène préoccupant pour la société et l’économie philippines.

Clarence Batan étudie le phénomène des jeunes istambay depuis plusieurs années. En 2010, il a obtenu un doctorat de l’Université Dalhousie d’Halifax grâce à des bourses d’études du gouvernement du Canada et de la Faculté des études supérieures de l’université. Une bourse du CRDI aux chercheurs candidats au doctorat obtenue en 2005 lui avait permis d’effectuer des travaux sur le terrain dans son pays natal. Il est aujourd’hui professeur agrégé à l’Université de Santo Tomas à Manille, où il assure la coordination de la recherche portant sur des questions concernant les jeunes.

Les istambay, en attente d’un emploi

Clarence Batan a la  Istambay Forum.

La fascination qu’exerçait sur lui du temps de sa jeunesse l’île Talim, qui se situe dans un lac à l’intérieur de l’île de Luçon et qui abrite un village marginalisé de pêcheurs, a été le point de départ de ses recherches; il voulait comprendre comment y vivaient les jeunes de son âge. Au fil des ans, il s’est rendu plusieurs fois sur l’île Talim, qui se trouve tout près de sa ville natale de Binangonan, pour se documenter sur la vie de la population. À 50 kilomètres seulement de Manille, l’île est accessible uniquement par bateau. Il n’est donc pas surprenant que ses habitants aient difficilement accès à des emplois et aux études supérieures.

Les travaux de recherche de M. Batan ont porté sur la jeunesse philippine de la fin des années 1990 et du début des années 2000, une période de bouleversements politiques qui a eu des conséquences socioéconomiques importantes. Il a constaté que le phénomène des istambay était complexe et qu’il découlait, entre autres facteurs, de la pauvreté et de la stagnation économique, du coût élevé de l’éducation et de la difficulté, malgré des études, à décrocher un emploi.

Comme le signale M. Batan dans sa thèse, ses travaux lui ont permis de prendre conscience de ses propres préjugés et de sa vision stéréotypée de ces jeunes qu’il considérait comme des fauteurs de troubles désoeuvrés. Il a constaté qu’en réalité, ils n’ont pas d’autre choix étant donné les structures inefficaces de l’éducation et de l’emploi aux Philippines.

De la recherche aux retombées

Les travaux de recherche de M. Batan sont largement reconnus. En 2012, il a obtenu une bourse de recherche des International Advanced Research Institutes de l’Université Brown qui lui a permis de faire connaître ses travaux. Il est retourné à l’Université Brown en 2013 comme chercheur invité pour poursuivre ses travaux.

En 2014, il a participé au comité de recherche sur la sociologie des jeunes (Research Committee on Sociology of Youth, le RC 34) à l’occasion du Congrès mondial de sociologie de l’Association internationale de sociologie (ISA), et il est maintenant l’un des deux vice-présidents pour l’Asie de ce comité.

Aujourd’hui, les travaux de recherche de M. Batan contribuent à orienter les politiques sociales et éducatives aux Philippines. Il agit régulièrement comme consultant auprès du ministère de l’Éducation et de la commission nationale de la jeunesse (National Youth Commission), et il préside le comité technique en matière de sociologie (Technical Committee for Sociology) de la commission de l’enseignement supérieur (Commission on Higher Education) des Philippines, chargée de l’élaboration des politiques, des normes et des lignes directrices en matière d’éducation.

Photo (à droite): Angelo Asuncion
Clarence Batan prenant la parole à l’occasion d’un forum sur les istambay.

Louis Turcotte est rédacteur à Ottawa.

Pour en savoir plus sur les travaux de recherche de Clarence Batan

Cet article fait partie de la série Que sont-ils devenus ?Que sont-ils devenus ?, qui met en relief le travail d’anciens titulaires de bourses du CRDI.

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