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Améliorer la gestion après récolte et la commercialisation du poisson au Malawi et en Zambie

 
14 mars 2019

L’Afrique subsaharienne est la région qui affiche la plus faible offre de poisson par personne au monde, et celle-ci devrait chuter de 20 % au cours des vingt prochaines années. La transformation et la gestion inadaptées des produits du poisson entraînent des pertes d’un montant de 5 milliards USD (6,58 milliards CAD) chaque année. La faible participation des femmes à la transformation et à la commercialisation du poisson réduit encore la valeur économique du poisson à l’échelle des foyers, des communautés et des régions.

Dans la plaine inondable de Barotse (Zambie) et le bassin du lac Chilwa (Malawi), ces problèmes ont provoqué des pertes financières substantielles, une diminution de la valeur nutritive du poisson et une répartition inéquitable des bénéfices entre les hommes et les femmes. Ces deux régions dépendent fortement du poisson pour les revenus et l’alimentation.

 Toutefois, elles diffèrent par la structure de leur chaîne de valeur du poisson, leurs technologies après récolte, et leur contexte social et culturel. Cette situation offre d’excellentes occasions de découvrir comment faire diminuer les pertes et parvenir à un partage équitable des bénéfices dans la chaîne de valeur des pêches.

Analyse des pertes et mise à l’essai de méthodes

Ce projet visait à augmenter l’adoption d’innovations pour la gestion du poisson après récolte et à se pencher sur les normes sociales régissant le partage des bénéfices tout au long des chaînes de valeur du poisson. L’équipe du projet a collaboré avec les communautés de pêche de la plaine inondable de Barotse et du lac Chilwa afin d’analyser les chaînes de valeur du poisson, dont la différence entre le rôle de l’homme et celui de la femme, ainsi que comment et où les pertes (physiques, économiques et nutritives) se produisent dans la chaîne de valeur.

Travaillant avec les communautés de pêche organisées en groupe de recherche-action participative, les chercheurs ont mis à l’essai plusieurs méthodes améliorées de transformation du poisson, dont la salaison, le séchage en fumoir, l’accès à des installations de la chaîne du froid et le séchage dans des séchoirs solaires. Des activités de communication axées sur la modification des comportements, dont du théâtre communautaire, ont été mises en oeuvre afin de redéfinir les relations sociales et les relations entre les sexes. L’équipe a également travaillé avec les décideurs afin qu’ils reconnaissent davantage l’importance de la perte du poisson après récolte et de l’égalité entre les sexes dans les politiques régionales et nationales.

Accroissement de la production et réduction des pertes après récolte

L’analyse des marges brutes a montré que les technologies et méthodes de transformation améliorées réduisaient notablement les pertes de poisson et accroissaient donc les revenus. La salaison, par exemple, a permis d’éliminer les infestations d’insectes alors qu’avec le séchage en plein air, on enregistrait des taux d’infestation de 10,8 %. Le procédé de salaison ne prend qu’environ un jour, contrairement au séchage en plein air qui prend presque quatre jours. En outre, l’analyse de la valeur nutritive de groupes de poissons (frais et transformés) a révélé que le poisson séché en fumoir (barbue de rivière et Oreochromis spp.) avait une teneur en protéines est nettement plus élevée que le poisson fumé traditionnellement et que le poisson séché en séchoir solaire contenait nettement moins de matières grasses que celui séché en plein air.

La réduction des pertes de poisson a amélioré les revenus des acteurs de la chaîne de valeur du poisson. Par exemple, en utilisant les technologies introduites, les transformateurs de poisson ont augmenté leur marge brute, qui est passée de 4,7 % à 25,26 %, tandis que les négociants ont vu la leur passer de 22,8 % à 25,3 %. Dans le cadre du projet, une usine de fabrication de glace et une chambre froide ont été installées à Senanga, en Zambie, ce qui donne accès à de la glace et des installations de congélation aux pêcheurs, aux transformateurs et aux négociants de la région. Depuis son installation, 775 personnes ont utilisé l’installation, ce qui a permis de préserver 75,8 tonnes de poisson évaluées à 240 000 USD (312 000 CAD).

Égalité des sexes et autonomisation des femmes

L’utilisation d’une approche transformatrice des rapports hommes-femmes, intégrant des outils de communication tels que des sketchs, a eu des répercussions notables. Le score de l’attitude à l’égard de l’égalité des sexes démontré par les hommes qui ont participé aux sketchs s’est amélioré, passant de 17,6 en 2015 à 23,9 (la note maximale étant de 24), alors que celui des hommes qui n’ont pas participé à ces sketchs ne s’est amélioré que de façon marginale.

Les femmes qui ont participé aux sketchs ont accru leur participation aux pêches, qui est passée de 5 % à 75 %. Un plus grand pourcentage de femmes a aussi contribué de façon plus importante aux décisions en matière de transformation du poisson et des recettes qui y sont associées (des augmentations respectives de 30 % et de 49 %). La participation des femmes aux décisions concernant les recettes tirées du commerce du poisson s’est accrue, passant de 65 % à 94 %. Le pourcentage de femmes propriétaires de biens liés aux pêches s’est également accru au cours du projet, la propriété conjointe passant de 44 % en juin 2015 à 76 % en décembre 2016.

Renforcement de la capacité et influence sur les politiques

Quarante participants (18 femmes) ont participé à un atelier sur l’entrepreneuriat au Malawi en 2016. Au cours de cet atelier, elles ont été formées aux pratiques exemplaires de budgétisation, de tenue des dossiers, de commercialisation, de satisfaction des clients et du milieu des affaires tout au long de la chaîne de valeur du poisson. En Zambie, 41 participants (14 femmes et 27 hommes) ont suivi le même cours sur l’entrepreneuriat.

Ce projet a contribué à l’établissement de relations solides entre les acteurs de la chaîne du poisson et le gouvernement. Les agents du gouvernement ont été considérés comme les partenaires plutôt que comme des agents d’application de la loi, ce qui a mis fin à l’hostilité qui régnait entre les deux parties. Dans la province de l’Ouest de la Zambie, le ministère des Pêches fait la promotion de la salaison auprès des pisciculteurs qui se trouvent très loin des marchés. Il a proposé d’envisager une campagne similaire dans d’autres parties du pays.

Conclusions et recommandations

Le marché du poisson salé n’en est qu’à ses débuts en Zambie. Ainsi, les prochains projets de recherche-développement devraient mettre à l’essai différentes stratégies pour améliorer les capacités des femmes à commercialiser leurs produits (p. ex., au moyen de réseaux de communication, notamment la radio, ou en menant des démonstrations culinaires dans les marchés locaux).

Au vu des effets positifs sur les attitudes entre les sexes et de la réduction des pertes de poisson, les technologies améliorées (intégrées à une approche transformatrice des rapports hommes-femmes) devraient être reproduites dans d’autres zones de pêche du Malawi et de la Zambie qui rencontrent des problèmes similaires s’agissant des pertes de poisson après récolte et où l’égalité entre les sexes existe.

Le coût de la pellicule plastique utilisée pour construire des séchoirs solaires est relativement élevé pour de nombreux utilisateurs. Les prochains projets de recherche devraient se pencher sur la façon d’augmenter l’accès au microfinancement pour que les femmes et les hommes qui en ont besoin puissent adopter la technologie nécessaire à grande échelle.

Cultiver l’avenir de l’Afrique est financé conjointement par le Centre de recherches pour le développement international, l’Australian Centre for International Agricultural Research, et l’Australian International Food Security Research Centre.

Apprenez-en davantage sur ce projet et ses résultats.