Soutenir l’action climatique et la relance par l’allègement de la dette
Des interventions éclairées. Une reprise pour tous
De nombreux pays du Sud sont confrontés à une combinaison de crises sans précédent, qui nécessite des réponses innovantes et une collaboration mondiale. Les membres du groupe des vingt pays vulnérables (V20), qui compte 48 pays vulnérables au climat, ont décrit leur situation comme un « cercle vicieux qui se renforce » sous l’effet de la dette, de la pandémie et du changement climatique. La crise sanitaire persistante, exacerbée par les inégalités d’accès aux vaccins, a entraîné de nombreux revers économiques et creusé la dette publique des pays à faible revenu. Dans le même temps, les effets du changement climatique, tels que la variabilité du climat et les phénomènes météorologiques extrêmes, entraînent des pertes économiques.
Le caractère cumulatif de ces crises appelle de nouveaux mécanismes pour alléger la dette, financer l’action climatique et promouvoir une reprise inclusive dans les pays à faible revenu. Avec l’appui du CRDI, l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) et la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) ont trouvé des moyens de s’attaquer à l’accumulation des crises : dette, climat et inégalités. Les solutions, présentées lors de la récente conférence mondiale sur les changements climatiques (COP26), encouragent les ministres des finances des pays vulnérables au changement climatique à fortement considérer les échanges dette-climat en cas de mobilisation du financement climatique.
Gérer une dette publique croissante sans hypothéquer l’avenir
La plupart des économies à faible revenu connaissent actuellement des niveaux élevés de surendettement. La Banque africaine de développement a indiqué que le ratio moyen dette/PIB en Afrique devrait augmenter à plus de 70 %, contre 60 % en 2019 et 30 % en 2014. Dans ces pays, de tels niveaux de dette publique peuvent engendrer de graves conséquences sur les économies, pénalisant l’accès aux marchés de capitaux nécessaires au financement des investissements de relance.
Dans son Rapport sur l’état et les tendances de l’adaptation en 2021, le Global Center on Adaptation indique que le PIB but annuel de la plupart des pays africains pourrait reculer de 2 à 4 % en raison du changement climatique d’ici 2040. La hausse actuelle du coût du financement tient compte des risques liés au changement climatique. « Ainsi, les pays en développement vulnérables sur le plan climatique devront payer un dollar supplémentaire pour chaque dizaine de dollars versé à titre d’intérêts, en raison de leur vulnérabilité climatique », détaille la déclaration du V20, tout en ajoutant que ce coût pourrait augmenter avec le temps.
La façon dont la dette est gérée conditionne la reprise économique et peut engendrer de graves répercussions sur le bien-être des personnes. Le service de la dette ainsi que les efforts visant à réduire la dette globale et les déficits budgétaires peuvent fortement diminuer les investissements dans la santé primaire et l’éducation ou conduire au retrait des mesures de soutien aux populations vulnérables pendant le confinement lié à la pandémie et de ralentissement économique. Dans une analyse accompagnant le travail de l’IIED-CEA, Jayati Ghosh conclut que la réduction des déficits des finances publiques nuit souvent aux femmes. En effet, ce sont les premières à souffrir des coupures dans les secteurs des services et des soins, des nouvelles taxes qui affectent les biens essentiels et des hausses de taux d’intérêt qui impactent de manière disproportionnée les petites entreprises où elles ont tendance à travailler.
L’augmentation de la dette publique limitera également la capacité des pays à faible revenu à investir dans l’action climatique. Bien qu’ayant peu contribué à la production de CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ces pays doivent investir de manière significative dans l’action climatique pour s’adapter aux impacts existants et imminents et se tourner vers une économie à faible émission de carbone afin d’éviter de réchauffer davantage la planète. Une question clé consiste à savoir comment gérer la réduction de la dette tout en investissant dans les priorités climatiques.
Soutenir l’action climatique tout en réduisant la dette
D’importantes initiatives internationales ont été prises pour aider à résoudre la crise croissante de la dette, comme l’Initiative de suspension du service de la dette du G20, établie en mai 2020 pour aider les pays à faible revenu en interrompant temporairement le remboursement de la dette. Bien que saluées, ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur du problème.
Comme le souligne un document antérieur de l’IIED de Stephany Griffith-Jones et Marco Carreras, le traitement de la dette publique s’est déroulé sur plusieurs années dans le passé. L’allègement de la dette s’avère également plus difficile aujourd’hui, le groupe de prêteurs étant devenu nettement plus diversifié. En effet, on constate le rôle plus important joué par la Chine et les prêteurs du secteur privé, au côté du Club de Paris, groupe traditionnel de créanciers des économies émergentes et des pays développés.
Le V20, ainsi que d’autres voix lors de la COP26, ont appelé à la mise en place d’un mécanisme officiel pour soutenir un échange ambitieux dette-action climatique. L’intérêt pour les échanges dette-climat/nature (investissement de l’argent économisé provenant de la réduction de la dette d’un créancier dans des initiatives climatiques visant à réduire la pauvreté) s’est accru. Par exemple, un échange aux Seychelles a conduit à un investissement de 27 millions $ US (environ 34 millions $ CA) dans la gestion de la pêche, la conservation de la biodiversité et l’écotourisme.
Des actions particulières pour étendre ce type d’allègement de la dette sont décrites dans le document de l’IIED et de la CEA. Les auteurs soulignent l’importance de veiller à ce que les priorités climatiques soient au cœur des politiques, en particulier des budgets nationaux, en recourant notamment aux indicateurs de rendement intégrés aux systèmes gouvernementaux. Il est essentiel que les pays bénéficiant d’un allègement de la dette tiennent leurs engagements et ne les considèrent pas comme des conditions imposées par les institutions mondiales. La transparence s’avère tout aussi importante pour permettre aux groupes de citoyens de participer aux choix d’investissement en matière d’action climatique ou de relance inclusive. Enfin, les options et les compromis varient d’un pays à l’autre, les niveaux et la composition de la dette différant d’une économie à l’autre, tout comme les approches en matière d’échange de dette et d’autres mesures d’allègement de la dette.
La recherche au service de sociétés plus durables et inclusives
Alors que les crises de la COVID-19, du climat et de la dette continuent d’anéantir les progrès mondiaux vers un monde durable et inclusif, la nécessité d’obtenir des résultats de ces types de solutions intelligentes à des problèmes à multiples facettes est croissante. Même si ces défis sont communs à de nombreux pays, l’élaboration des solutions doit tenir compte de la particularité de chaque pays, notamment en termes de défis climatiques, afin d’explorer de nouvelles avenues et options climatiques pour faire face aux crises de la dette. La crise ne faiblissant pas, il sera essentiel de trouver des solutions adaptées au contexte.
Dans le cadre de la Stratégie 2030 du CRDI, nous continuerons à soutenir la production de données probantes afin de comprendre quelles interventions et politiques peuvent contribuer à des réponses inclusives et écologiques dans un contexte de reprise économique post-pandémique. Alors que les institutions mondiales, dont le Fonds monétaire international, continuent de manifester leur volonté de promouvoir l’allègement de la dette, le CRDI aidera les chercheurs, en particulier dans les économies à faible revenu, à contribuer aux données probantes et à l’innovation en matière de politiques, afin que la gestion de la dette donne lieu à des résultats inclusifs et durables.
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