Renforcer la résilience grâce à des mesures de lutte contre les changements climatiques socialement équitables
Le genre, l’ethnicité, le statut socioéconomique, l’âge et la capacité physique ont une incidence sur la façon dont les personnes ressentent les effets des changements climatiques et s’adaptent à leurs répercussions. Bien que les femmes, les populations autochtones, les minorités ethniques, les plus démunis et les jeunes contribuent le moins aux changements climatiques, en particulier par rapport aux émissions de gaz à effet de serre, ils sont souvent les plus vulnérables à ses effets.
Pour s’assurer l’efficacité des mesures de lutte contre les changements climatiques, celles-ci doivent être basées sur des travaux de recherche qui vont au-delà de l’étude des facteurs de risque biophysiques ou qui traitent des aspects individuels de la vulnérabilité sociale manière isolée. Pour être durables, ces mesures doivent être fondées sur des travaux de recherche qui nous aident à comprendre l’interrelation entre les facteurs climatiques, environnementaux, sociaux, culturels, économiques, institutionnels et politiques qui exacerbent les incidences différenciées des changements climatiques. En outre, nous devons également parfaire notre compréhension de la façon dont les mesures de lutte contre les changements climatiques peuvent contribuer à l’équité sociale et habiliter les femmes, les hommes, les filles et les garçons à accroître leur résilience et à devenir des agents positifs de transformation.
Égalité femme – homme et adaptation aux changements climatiques
L’importance du lien entre le genre et les changements climatiques est reconnue dans diverses politiques et initiatives nationales et mondiales sur les changements climatiques depuis le milieu des années 2000. À titre d’exemple, en 2002, la Commission de la condition de la femme des Nations Unies a réclamé des mesures pour favoriser l’intégration du principe de l’égalité hommes-femmes dans la recherche en cours sur les incidences et les causes des changements climatiques, et encourager l’application des résultats de cette recherche dans les politiques et les programmes.
Le CRDI a pris d’importantes mesures pour s’assurer que ses travaux de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques ne se limitent pas à reconnaître les dimensions du genre ou à en tenir compte, mais bien qu’ils renforcent le rôle des femmes comme agents du changement (ODD 5) et qu’ils permettent d’améliorer les mesures de lutte contre les changements climatiques (ODD 13).
Nous souhaitons vous faire part de trois exemples tirés des 85 projets appuyés par le CRDI et mis en œuvre de 2005 à 2016 dans 75 pays du Sud –représentant plus de 80 millions de dollars canadiens – qui ont défendu, d’une façon ou d’une autre, l’autonomisation des femmes face aux changements climatiques.
Amélioration de l’accès aux systèmes d’assainissement pour une dignité accrue et une amélioration de la résilience


Un projet axé sur les droits des femmes et l’accès à l’eau et aux systèmes d’assainissement dans les villes d’Asie a permis d’ouvrir le dialogue entre les gouvernements locaux et les principales parties prenantes locales, notamment les femmes et les filles pauvres, auxquelles les décideurs locaux font souvent la sourde oreille. Grâce à une méthode permettant aux femmes d’analyser la sécurité selon leur propre point de vue, la compréhension par les gouvernements locaux des besoins des femmes et des filles pauvres en milieu urbain en matière d’accès à l’eau et aux systèmes d’assainissement s’est nettement améliorée. Ainsi en est-il de la qualité et de l’entretien des complexes de toilettes publiques, ce qui a aidé à assurer l’intimité et la dignité des femmes et des filles qui utilisent ces installations. Une participation active de la collectivité, une organisation communautaire et un renforcement des capacités visant à réduire les inégalités entre les sexes en matière d’accès à l’eau et aux services d’assainissement ont également réduit le niveau de harcèlement subi par les femmes et les filles lorsqu’elles utilisent les complexes de toilettes publiques.
L’approvisionnement en eau dans le contexte des changements climatiques devient de plus en plus incertain; c’est pourquoi l’accès à des systèmes d’assainissement durables dans des contextes urbains est une priorité. En donnant la parole aux femmes et aux filles qui sont les premières touchées par l’insuffisance des services essentiels comme l’eau, l’assainissement, le drainage et la gestion des déchets solides, le projet a placé la résilience des femmes et des filles au cœur de la planification urbaine locale et des discussions de gouvernance.
Accès aux technologies d’information et de la communication pour des solutions éclairées en matière d’adaptation aux changements climatiques

Deux étapes d’un projet réalisé en Afrique de l’Est axé sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour fournir des données météorologiques et agronomiques aux petits exploitants agricoles ont aidé tant les hommes que les femmes agriculteurs à faire face aux pénuries d’eau et à prendre des décisions éclairées concernant des pratiques agricoles.
L’utilisation de téléphones cellulaires et de programmes radiophoniques a permis de diffuser des avis agricoles, des prévisions météorologiques ainsi que d’autres messages se rapportant aux cultures, aux conditions du marché et au contrôle des maladies et des ravageurs. La diffusion de ces renseignements, utilisés pour aider les agriculteurs à prendre des décisions informées par rapport à leurs pratiques agricoles, aux conditions du marché et à la gestion de l’eau, tenait compte des préférences et des besoins différents des femmes et des hommes. Par exemple, en établissant un lien entre le contenu des messages envoyés par téléphone cellulaire aux agriculteurs et les renseignements retransmis à la radio, en diffusant une émission radiophonique animée par des femmes et reflétant les réalités climatiques locales, et en adaptant l’horaire de diffusion à une période où les femmes étaient à l’écoute, l’équipe du projet s’est assuré que les femmes se fiaient aux renseignements diffusés et adoptaient les pratiques promues .
Le projet a permis à un nombre presque égal de femmes et d’hommes agriculteurs d’accéder à des données cruciales qui les ont aidés à accroître le revenu de leur ménage; un changement marqué, comparativement à la situation observée avant le projet, lorsque seulement 24 % des femmes (par rapport à 76 % des hommes) avaient accès à de tels informations. Le projet a aussi encouragé les femmes à utiliser les TIC dans leur planification agricole.
Comprendre et soutenir les initiatives ascendantes émanant des femmes dans des milieux informels
Un projet en cours est axé sur le rôle des systèmes informels dans l’amélioration des stratégies de réduction des risques de catastrophes en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ce projet vise à améliorer la compréhension et à soutenir les mécanismes ascendants d’adaptation aux changements climatiques dans des milieux urbains informels vulnérables aux risques liés à l’eau associés aux changements climatiques.
Ces mécanismes émanent souvent des femmes, qui jouent un rôle essentiel dans le développement du tissu social permettant une telle adaptation. Le projet vise à créer les conditions requises pour l’adoption à plus grande échelle de ces stratégies informelles d’adaptation aux changements et aux variabilités climatiques et à leur intégration formelle aux politiques institutionnelles et publiques mises en place dans des villes de petite et moyenne taille. Par exemple, à Yumbo, en Colombie, les femmes ont organisé un groupe de jeunes résidents qui se réunit tous les trois mois pour aider au nettoyage des drains et des canaux le dimanche après l’église. Le groupe recueille les déchets et les rebuts et plante des arbres le long des drains et des canaux, ce qui, d’une part, protège les maisons et, d’autre part, facilite l’écoulement de l’eau et réduit le risque d’inondation.
Le projet fournira des ressources et des capacités supplémentaires qui contribueront à élargir le succès à l’échelon municipal. Il s’agira d’une étape cruciale vers la reconnaissance parmi les cercles politiques et décisionnels de l’importance de stratégies informelles des communautés pour l’adaptation aux changements climatiques.
Vers l’équité sociale
Bien que les changements climatiques soient un enjeu mondial majeur, leur incidence est encore plus marquée auprès des femmes, des populations autochtones, des minorités ethniques et des personnes pauvres. Souvent, ces groupes n’ont pas accès aux ressources, et manquent du pouvoir décisionnel et du savoir leur permettant de s’adapter aux changements climatiques. Or, ces éléments déterminent les responsabilités qui sont attribuées aux groupes ciblés ci-dessus, les activités qu’ils entreprennent et les opportunités de prise de décision qui s’offrent à eux. Ces éléments influencent la façon dont ces groupes vivent les changements climatiques et y réagissent, ce qui peut exacerber les inégalités sociales..
Nous croyons qu'une action climatique socialement équitable, qui améliore la résilience de tous, est essentielle. Il est primordial de trouver des moyens de favoriser les changements sur le terrain qui permettent aux femmes, aux minorités ethniques, aux populations autochtones, aux personnes pauvres et aux jeunes de contribuer à une résilience climatique accrue et de devenir des agents positifs de la transformation. En nous basant sur notre travail sur l’autonomisation des femmes face aux changements climatiques, nous cherchons à présent à soutenir des travaux de recherche axés sur la demande et pertinents sur le plan des politiques qui va au-delà des dimensions du genre pour aborder la question plus large d’équité sociale. La résilience au climat et aux catastrophes, la sécurité énergétique et la migration été identifiées comme des domaines importants où le travail pratique et les solutions locales sont requis.
Pour contribuer à la mise en œuvre de l’Accord de Paris, le Centre a notamment lancé un nouvel appel de propositions. Le projet Accélérer les mesures de lutte contre les changements climatiques : Équité sociale et autonomisation des femmes et des filles vise à soutenir la recherche susceptibles d’engendrer des changements importants et durables qui favoriseraient l’autonomisation des femmes, des hommes, des filles et des garçons.
Lisa Hiwasaki est cheffe de programme et Lowine Hill est agente de gestion de programme pour le programme Changements climatiques au CRDI.