Pour la paix et la démocratie, investissez dans la recherche

TEST - Le renforcement de la recherche nationale n’est pas nécessairement la priorité qui vient à l’esprit quand on pense à l’urgence humanitaire au Venezuela, à la crise politique au Liban ou au conflit armé en Éthiopie. Et pourtant, ça devrait l’être.
Dans ces contextes turbulents sur le plan politique, les chercheurs et leurs institutions sont souvent bien placés pour favoriser la confiance au sein des collectivités et le dialogue démocratique lorsque les désaccords sont nombreux. Au CRDI, 50 ans d’expérience de travail avec les universités, les think tanks et les chercheurs de la société civile mettent en évidence cette leçon, même si elle mérite d’être répétée aujourd’hui.
Environ un tiers de l’aide internationale est aujourd’hui consacrée aux contextes fragiles - où vivront 80 % des personnes extrêmement pauvres dans le monde d’ici 2030 - et pourtant moins de 1 % de cette aide est consacrée à la recherche, selon les données de l’OCDE. C’est loin d’être suffisant et l’aide apportée aux chercheurs pourrait cibler plus clairement la paix et la démocratie.
Connaissance, confiance et gouvernance démocratique
Dans ces contextes, l’un des principaux défis est la gouvernance démocratique : les moyens transparents, équitables et inclusifs dont disposent les sociétés pour faire face aux défis et aux intérêts concurrents. La preuve démontre de façon accablante que la gouvernance démocratique – y compris les élections, les méthodes visant à encourager la participation à l’élaboration des politiques publiques et les moyens de demander des comptes aux gouvernements – est cruciale pour le développement humain et économique. Ces fonctions sont également essentielles pour que l’aide internationale soit efficace, comme le montrent les données.
La pandémie de COVID-19 et l’infodémie associée de faux remèdes et de désinformation dangereuse ont rappelé de façon brutale le rôle important que jouent dans nos sociétés les courtiers du savoir dignes de confiance et fiables. Investir dans les chercheurs, leurs organisations et les environnements politiques dans lesquels ils évoluent peut encourager un cycle vertueux de preuve, de débats, de planification et d’évaluation qui alimente la prise de décision démocratique.
Alors, comment soutenir une gouvernance démocratique plus forte dans des contextes de fragilité politique, où l’État, les systèmes de gouvernement et les communautés manquent de capacités ? Comment relever des défis tels que l’inégalité, l’urbanisation, la migration forcée, la violence, la distribution des ressources naturelles et les changements climatiques dans ces contextes ? La communauté internationale utilise de nombreuses stratégies. Elle fournit une aide pour renforcer les capacités des États, consolider les organisations de la société civile, développer les structures des partis politiques et accroître l’éducation civique.
Une voie qui nécessite cependant une plus grande attention est le soutien à la recherche.
Au CRDI, nous soutenons les efforts visant à renforcer les systèmes plus larges entourant la recherche, appelés écosystèmes du savoir, en utilisant ces trois stratégies :
1. Tirer parti des capacités de recherche existantes
Pour obtenir des écosystèmes du savoir solides, il faut des institutions de recherche solides. Dans les contextes fragiles, cela peut être réalisé par des investissements dans les capacités de recherche existantes des universités et des think tanks locaux. Cette approche de développement des capacités, fondée sur les points forts, commence par l’exploration des domaines dans lesquels des connaissances pertinentes et de qualité sont déjà produites, puis s’appuie sur celles-ci. Il s’agit par exemple de renforcer les capacités des organismes de recherche à collaborer avec les législateurs, de solliciter l’avis du public, de comprendre les questions de sexospécificité et d’associer les groupes marginalisés aux activités de recherche.
L’initiative Think Tank, soutenue par le CRDI, a par exemple travaillé au renforcement des capacités des institutions indépendantes de recherche sur les politiques dans 20 pays. Lorsqu’un nouveau gouvernement civil a remplacé le régime militaire au Myanmar, le CRDI et Affaires mondiales Canada ont conjointement investi dans une initiative qui a permis aux institutions de la société civile de produire et d’utiliser des recherches et des données à l’appui de l’inclusion et de l’égalité des genres.
2. Définir la demande locale en matière de savoir
Un solide écosystème du savoir définit les questions prioritaires, établit un programme national, puis rassemble de la preuve et des perspectives inclusives pour formuler des solutions adaptées. Pour aider à définir les priorités au Venezuela, le CRDI soutient une vaste consultation visant à définir la demande et les possibilités en matière de recherche qui peuvent éclairer la réponse à la crise humanitaire et politique dans ce pays. Afin d’éclairer une politique de réparation au Guatemala après le conflit, un projet soutenu par le CRDI a intentionnellement sollicité la contribution de femmes victimes de violences sexuelles.
3. Catalyser l’action et la confiance
Un solide écosystème du savoir favorise la confiance nécessaire au débat public et à une action coordonnée pour résoudre les problèmes sociaux. Mais la confiance est une denrée rare de nos jours, et elle est particulièrement précieuse dans des contextes politiquement fragiles. À Nairobi, un partenaire soutenu par le CRDI, Akiba Mashinani Trust, a remporté une grande victoire en bloquant le développement immobilier dans un quartier informel en attendant un plan de développement intégré. Cette victoire doit beaucoup aux efforts déployés par l’organisation pour constituer un consortium de quarante organisations et cultiver des liens solides avec les habitants du quartier informel. Dans ce cas, les chercheurs étaient les courtiers honnêtes qui ont aidé les parties prenantes à surmonter les divisions et la méfiance.
Soutenir le savoir pour la paix et la démocratie
Si le soutien aux écosystèmes du savoir peut aider à renforcer la résilience, il est essentiel de reconnaître que la recherche dans des environnements touchés par des conflits et politiquement instables présente son propre ensemble de difficultés. Dans ces environnements, les organismes de recherche ont souvent une faible capacité ou manquent cruellement de ressources et sont pourtant confrontés à certains des défis éthiques et méthodologiques les plus complexes qu’on puisse imaginer : la méfiance, la peur, les menaces à la sécurité, les États oppressifs, la désinformation et les préjugés.
Heureusement, la communauté internationale s’éveille à la tâche longtemps négligée de soutenir les connaissances localisées dans des contextes fragiles. Après l’échec des efforts de construction de l’État par le haut, comme en Irak et en Afghanistan, la communauté internationale s’oriente vers un programme à plus long terme, axé sur la mise en place d’institutions responsables et légitimes et sur le contrat social entre les citoyens et l’État.
L’expérience éclairée locale du CRDI et d’autres bailleurs de fonds en matière de recherche laisse entrevoir de grandes possibilités pour l’avenir. En soutenant les chercheurs, nous pouvons soutenir la paix et la démocratie.