Plaider en faveur d’une action pour la parité entre les sexes dans le domaine scientifique
Un monde égal pour les hommes et les femmes profite à tous. Cette affirmation est également vraie lorsqu’elle s’applique à la participation des femmes dans le monde scientifique.
La contribution unique des femmes
La sous-représentation des femmes dans la recherche et la science nuit non seulement aux efforts des femmes scientifiques pour atteindre leur plein potentiel, mais elle influe également sur la qualité des connaissances scientifiques. Avec des points de vue différents, mais tout aussi valables, les femmes peuvent apporter à la recherche des perspectives diverses qui transforment la pratique même et repoussent les limites du savoir.
L’initiative Innovation pour la santé des mères et des enfants d’Afrique (ISMEA), financée conjointement par le CRDI, Affaires mondiales Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada, a mis l’accent sur les préjugés sexistes. L’approche de l’initiative ISMEA repose sur la conviction que le sexe est un déterminant important concernant l’accès et l’utilisation des systèmes de santé par une personne. Les responsables de l’initiative ont également été conscients de la nécessité de promouvoir la participation des femmes aux équipes de recherche et aux activités d’engagement stratégique.
Le rôle de Lynette Kamau en tant qu’agente principale des politiques et des communications de l’African Population and Health Research Centre consiste à aider l’équipe de l’initiative ISMEA à intégrer les résultats de la recherche aux politiques et aux pratiques. Elle souligne que « pour éclairer les politiques et les programmes et susciter des changements dans ce domaine, nous devons faire entendre la voix des femmes en tant que leaders, et non seulement en tant qu’utilisatrices et bénéficiaires ».
Dans les rangs, pas au sommet.
En 2018, l’Institut de statistique de l’UNESCO a indiqué que les femmes ne représentaient que 31 % des professionnels dans tous les domaines scientifiques en Afrique subsaharienne, allant de moins de 5 % au Tchad à 44 % en Afrique du Sud.
Dans diverses régions du monde, les femmes sont plus nombreuses que les hommes au cours des premières années de leurs études universitaires. Toutefois, les données des pays à revenu élevé et à faible revenu montrent que leur rapport diminue avec le temps, car les femmes ont tendance à quitter leur carrière scientifique plus tôt que les hommes. Par rapport aux hommes, moins de femmes occupent des postes de direction dans les universités, les académies des sciences, les think tanks et les instituts de recherche publics. Par exemple, les femmes ne dirigent que trois des 18 organismes de recherche au Kenya.
Les obstacles au leadership des femmes dans les domaines scientifiques vont bien au-delà de l’Afrique. Un rapport publié en 2017 par le McKinsey Global Institute montre que les femmes ne représentent que 28 % des diplômés en sciences et en génie au Canada, un chiffre qui a très peu changé en 30 ans. Deux études récentes publiées dans le Journal of the American Medical Association et un rapport de Nature indiquent que les chercheuses biomédicales reçoivent des subventions moins élevées et moins de prix que les hommes.
« Si vous voulez que votre voix soit entendue, vous devez être passionnée et prête à travailler dur », dit Lorretta Ntoimo, associée au Women’s Health and Action Research Centre et chargée de cours à la Federal University Oye-Ekiti, Nigeria. « En tant que femmes, nous sommes toujours considérées comme étant responsables du foyer », ajoute la chercheuse soutenue par l’initiative ISMEA, expliquant que les préjugés et les stéréotypes sexuels persistent et que la prédominance des hommes sur le lieu de travail peut être intimidante.
Des études ont également montré que les femmes universitaires publient moins et reçoivent moins d’invitations que les hommes à parler de leur travail lors de conférences scientifiques. Cela prive les femmes de possibilités de rehausser leur profil, de partager des idées et de trouver des emplois et des possibilités de financement – des possibilités qui sont encore plus rares si elles décident d’avoir des enfants, ce qui peut effectivement mettre leur carrière en suspens.
Les bailleurs de fonds ont un rôle à jouer
Pour atténuer ces obstacles structurels, l’initiative ISMEA s’est concentrée sur l’équilibre entre les sexes dans ses équipes de recherche : près de 40 % des chefs de projet et des codirecteurs sont des femmes. Afin d’assurer une capacité adéquate d’analyse comparative entre les sexes, les 28 équipes de projet de recherche de l’initiative ISMEA ont suivi une formation sur l’égalité entre les sexes. Certaines équipes sont allées plus loin en faisant appel à des spécialistes pour renforcer leur expertise.
Les organismes subventionnaires de la recherche comme le CRDI ont la responsabilité de diriger le changement dans ce domaine. Le CRDI le fait, par exemple, en appuyant la recherche visant à comprendre et à éliminer les obstacles systémiques à la participation des femmes dans le domaine scientifique. Pour lancer cette initiative, nous avons pu faire appel à des experts canadiens au sein des conseils subventionnaires et du milieu de la recherche en général, qui ont agi comme conseillers et examinateurs.
Il est également important de célébrer les réalisations des femmes, comme le fait l’Institut africain des sciences mathématiques (AIMS), pour promouvoir l’égalité entre les sexes. Depuis l’ouverture de son premier centre en 2003, AIMS, appuyé conjointement par le CRDI, les gouvernements africains, Affaires mondiales Canada et d’autres donateurs, a formé près de 2 000 étudiants de 43 pays africains en sciences mathématiques avancées. Parmi ces anciens élèves, 32 % sont des femmes qui progressent désormais dans ce domaine à prédominance masculine.
Mesures visant à surmonter les préjugés persistants
Lors de la conférence Women Deliver à Vancouver en 2019, Kamau et Ntoimo ont discuté de la façon dont les femmes peuvent surmonter les obstacles à la parité dans les sciences en se soutenant mutuellement. Les femmes dirigeantes doivent soutenir les femmes plus jeunes, ont-elles dit, et leur offrir un environnement plus accueillant. Elles doivent offrir du mentorat, tout en étant réalistes et en faisant savoir aux jeunes femmes que ce sera difficile.
Pour Ntoimo, le fait que les femmes se soutiennent mutuellement leur permet également d’être de bonnes chercheuses dans le domaine de la santé des mères et des enfants. Elles comprennent beaucoup mieux les enjeux, a-t-elle expliqué.
Les femmes et les hommes dans le domaine des sciences doivent travailler sur les déterminants structurels plus larges des inégalités entre les sexes en s’attaquant aux normes inégales entre les sexes, en remettant en question les rôles stéréotypés des hommes et des femmes, en favorisant une représentation égale des sexes dans les milieux de travail et, en tant que scientifiques et chercheurs, en fournissant des preuves à l’appui d’un changement social positif.
Par l’intermédiaire de l’initiative ISMEA, de partenaires comme AIMS et d’autres initiatives, le CRDI et ses partenaires donateurs continuent de travailler pour faire changer le discours et ouvrir la voie à un leadership accru des femmes dans les sciences.