Aller au contenu principal

Manque-t-il de dirigeantes au sein des think tanks ?

 
6 septembre 2017

Shannon Sutton

Administrateur(trice) de programme principal(e), CRDI

Partout dans le monde, les femmes sont sous-représentées aux échelons de la direction et de la gestion. En effet, moins d’un tiers des postes de cadres supérieurs et intermédiaires sont occupés par des femmes. Dans l’examen sur les femmes au travail de 2007-2008, Khalida Ghaus, directrice exécutive du Social Policy and Development Centre au Pakistan, souligne que « la discrimination persiste, et les hommes, qu’ils soient employés de bureau ou travailleurs d’usine, hésiteraient à accepter qu’une femme soit leur supérieure, et encore moins leur directrice générale ». Près d’une décennie plus tard, ces difficultés perdurent dans divers secteurs un peu partout dans le monde, y compris dans les think tanks.

À l’aide de sa nouvelle Politique d’aide internationale féministe, le Canada démontre son engagement à augmenter le nombre de femmes assumant des rôles de leadership sur le plan économique. Dans le même ordre d’idées, le cinquième objectif de développement durable vise la réalisation de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi qu’à assurer un leadership féminin. Il va sans dire que l’affectation d’un plus grand nombre de femmes à des postes de dirigeantes est en soi un objectif important. De plus, l’égalité des sexes constitue un enjeu lié à la justice sociale. Mais pourquoi avons-nous besoin de plus de dirigeantes ? Les femmes sont-elles de meilleures leaders ? Et leur leadership fait-il en sorte que les organismes soient plus forts et plus équitables ?

Les think tanks, notamment les 43 que soutient l’Initiative Think tank (ITT), sont bien placés pour répondre à ces questions difficiles. Baignant dans leur environnement local, ils travaillent pour fournir des données probantes pouvant influer sur les politiques. En 2015, dans une série sur les femmes au sein des think tanks, les femmes employées par ces instituts de recherche ont exprimé leur point de vue sur l’identité sexuelle en milieu de travail. Le leadership était un sujet récurrent, et Meghan Froehnor, la rédactrice en chef de la série, a suggéré plusieurs raisons pour lesquelles il est souhaitable que les think tanks incluent autant d’hommes que de femmes : l’équité et la justice sont assurées, les femmes sont encouragées à travailler au sein des think tanks et à y gravir les échelons, et la qualité des recherches est favorisée étant donné que les expériences des chercheurs sont plus diversifiées. Elle a également souligné un point important : les vecteurs de changement sont les caractéristiques et les pratiques des femmes, et non le simple fait qu’elles soient des femmes.

Que nous apprennent les statistiques ?

Qu’en est-il du leadership féminin dans les 43 think tanks soutenus par l’ITT dans les pays du Sud ? Selon les données de 2016, 43 % des employés de ces instituts sont des femmes. Pourtant, seuls 23 % des think tanks sont dirigés par une femme (ces directrices exécutives représentent 10 des 43 %). Comme l’évoque Enrique Mendizabal, certains facteurs semblent décourager les femmes « d’aller jusqu’au bout » pour obtenir un poste de directrice. Pour en savoir plus sur ces tendances, l’ITT étudie les politiques et les pratiques organisationnelles des organismes qu’elle appuie.

Si nous élargissons nos horizons au-delà du secteur des instituts de recherche, au Canada, nous avons récemment assisté à la formation du premier gouvernement canadien respectant la parité homme-femme. Dans la même veine, la constitution de 2010 du Kenya vise à garantir le paritarisme dans tous les organes électifs et nominatifs, exigeant que ceux-ci soient composés « d’au maximum deux tiers de personnes du même sexe ». Malgré cette règle, encore à ce jour, relativement peu de députées siègent à l’Assemblée nationale ou au Sénat du Kenya. Cela démontre que les quotas ne sont pas toujours des outils efficaces.

Lorsqu’ils fonctionnent, les quotas peuvent contribuer à la nomination de plus de femmes à des postes de dirigeantes. De plus, comme Ruth Levine le souligne dans un billet de blogue sur la représentation des femmes au sein des instituts de recherche et des gouvernements, une représentation accrue des femmes au sein des instituts de recherche peut mener à une influence accrue au sein de la communauté des décideurs, entre autres avantages.

Le leadership féminin mène-t-il nécessairement à l’égalité des sexes ?

Même si le nombre de dirigeantes augmente, il est important d’évaluer si cette croissance permet d’atteindre l’égalité des sexes. Nous ne pouvons pas amalgamer toutes les femmes en fonction de leur sexe. C’est pourquoi nous devons prendre en compte la diversité des expériences des femmes. Les femmes ne forment pas un groupe homogène ayant une expérience commune ou une seule perspective.

De toute évidence, le fait d’avoir une dirigeante en poste n’est pas une solution magique pour parvenir à l’égalité des sexes. Comme des femmes qui travaillent au sein de think tanks l’indiquent dans un billet de blogue sur les organisations dirigées par des femmes, ce sont les attitudes et les pratiques des dirigeantes qui importent, et non uniquement le fait qu’elles sont des femmes.

Deux facteurs influencent la capacité d’une dirigeante à favoriser l’égalité des sexes, soit la personne elle-même ainsi que la nature des structures, des processus et des normes de l’organisme. Dans un billet de blogue sur la dynamique entre les sexes au sein des organismes voués au savoir, Priyanthi Fernando, ancienne directrice générale du Centre for Poverty Analysis, nous rappelle qu’une « discussion sur la participation des femmes et leur accession à des postes de direction suppose que les instituts de recherche sont des organisations sexospécifiques et que, d’une façon ou d’une autre, les instituts de recherche dirigés par des femmes se comporteraient différemment. Cela suggère aussi que les pratiques organisationnelles pourraient éliminer certains obstacles à l’inclusion et à la promotion auxquels les femmes sont confrontées au sein des instituts de recherche. »

Pour commencer, il est essentiel d’examiner l’organisme et la façon dont le principe d’égalité des sexes est intégré aux politiques et aux pratiques, ainsi que le style et les caractéristiques du leader. Il s’agit d’une étape cruciale pour toute personne souhaitant comprendre les raisons pour lesquelles il faut favoriser le leadership féminin et la façon d’y parvenir, les changements que cela peut entraîner, et l’importance de soutenir des approches organisationnelles favorables à l’égalité des sexes.

    Shannon Sutton est une administratrice de programme principale à l’Initiative Think tank (ITT). Lancée en 2008 et gérée par le CRDI, l’ITT est un partenariat regroupant cinq bailleurs de fonds.

     

    Apprenez-en davantage