Aller au contenu principal

Lorsqu’aucun registre n’établit l’existence des femmes et des filles : les répercussions

 

Irina Dincu

Spécialiste de programme principal(e), CRDI

Nomthandazo Malambo

Administratrice de Programme, Application des Connaissances, CRDI

Les certificats de naissance, de mariage et de décès créent une porte d’accès essentielle aux droits et aux services publics, mais selon l’UNICEF, seul le quart de la population mondiale vit dans des pays qui enregistrent la plupart des naissances et des décès.

Malgré des investissements importants dans l’enregistrement des faits civils au cours des dernières années, peu de pays à revenu faible et intermédiaire sont dotés d’un système efficace pouvant générer des statistiques de l’état civil selon les normes établies par les Nations Unies. Leur capacité et leur infrastructure restreintes font en sorte qu’ils dépendent des sondages pour obtenir des données qui peuvent être imprécises et tendre à refléter le passé.

La qualité des statistiques de l’état civil d’un pays a une incidence sur les femmes et les filles qui sont plus vulnérables à la pauvreté, au mariage précoce et à l’exploitation. En l’absence d’un système d’enregistrement et de statistiques de l’état civil (ESEC), de nombreuses femmes ne peuvent avoir accès à la protection sociale, aux soins de santé ou aux débouchés économiques et sociaux. Les effets négatifs de l’absence d’enregistrement peuvent s’étendre aux enfants de ces femmes qui dépendent souvent de leur mère pour avoir accès aux soins de santé, à l’éducation et à la protection. Par exemple, une étude menée en République dominicaine en 2013 a révélé que les enfants ont 32 % plus de chances de ne pas être enregistrés si leur mère n’a pas d’identité juridique.

Même s’il existe des services d’enregistrement, les femmes et les filles ont plus de difficulté à y accéder. Cette réalité peut être attribuable à des obstacles juridiques, financiers ou culturels, ainsi qu’à l’existence de préjugés sexistes au sein des systèmes d’ESEC. C’est une bien triste réalité de voir que les personnes qui pourraient tirer les plus grands avantages des certificats de naissance, de mariage et de décès sont celles qui ont le moins de chances de les obtenir.

Le lien entre l’enregistrement des naissances, des mariages et des décès

Les enregistrements des naissances, des mariages et des décès sont interdépendants : s’il en manque un, il plus difficile d’avoir accès à l’autre. Cet effet boule de neige rend les femmes plus vulnérables, ce qui ne fait qu’aggraver les obstacles qui les empêchent d’enregistrer les événements marquants de leur vie. Ce cercle vicieux peut empoisonner leur vie ainsi que celle de leurs enfants.

Prenons l’exemple d’une femme qui vit dans une région éloignée et qui est veuve depuis peu, mais qui n’a pas les moyens de se déplacer pour déclarer le décès de son époux. Sans le certificat de décès, elle ne peut réclamer son héritage, la laissant, elle et ses enfants, dans la pauvreté. Même si elle se remarie, elle ne sera pas en mesure d’enregistrer son deuxième mariage en l’absence du certificat de décès de son premier époux. Sans certificat de mariage, elle ne peut enregistrer la naissance des enfants issus de son deuxième mariage, ce qui rend l’accès aux soins de santé et à l’éducation plus difficile pour ces derniers, et qui perpétue ainsi le cycle vicieux de l’appartenance à une catégorie défavorisée jusqu’à ce que ces enfants parviennent à l’âge adulte.

Les données manquantes en raison de l’absence de registres

Les effets négatifs des services d’enregistrement inaccessibles s’étendent au-delà des individus : ils sont à l’origine des données manquantes qui empêchent les gouvernements de cerner les problèmes et d’élaborer des politiques efficaces et sexospécifiques.

Par exemple, le décès des femmes est moins susceptible d’être enregistré que celui des hommes dans certains pays comme la Chine, la Guinée, le Maroc ainsi que dans certaines régions de l’Inde. Il est donc difficile de déterminer si certaines maladies causent le décès d’un plus grand nombre de femmes que d’hommes.

Les pays peinent également à gérer l’évolution des tendances démographiques lorsque les mères ne sont pas en mesure d’enregistrer leurs enfants. Ils ne savent peut-être pas à quelle vitesse croît leur population, quel pourcentage peut travailler ou combien d’enfants ont besoin d’écoles. L’UNICEF estime que la naissance d’un enfant sur quatre de moins de cinq ans n’a jamais été enregistrée.

Les femmes comme agentes de changement

Les femmes et les filles tirent des avantages disproportionnés de l’enregistrement des faits d’état civil et elles peuvent être d’excellentes partenaires pour mettre en oeuvre des systèmes d’ESEC efficaces et inclusifs.

Les femmes sont souvent les principales dispensatrices de soins pour leur famille, ce qui les rend particulièrement bien placées pour aider à faciliter et à défendre les systèmes d’ESEC. Par exemple, elles tendent à exercer un plus grand contrôle sur le budget familial et tiennent à investir dans le bien-être de leurs proches.

Les femmes possèdent également une connaissance directe des faits d’état civil au sein de leurs familles. Elles peuvent fournir des renseignements importants, comme les symptômes et les circonstances précédant le décès d’un proche. Leurs connaissances sont particulièrement utiles dans les régions rurales à faible revenu, où une grande partie des naissances et des décès surviennent à la maison.

Les pays peuvent enregistrer des données plus précises et complètes lorsqu’ils intègrent les femmes dans le processus. Ces données sont essentielles à l’élaboration de politiques efficaces, qui mènent finalement au bien-être de l’ensemble de la population. L’inclusion des femmes et des filles dans la mise en oeuvre des systèmes d’ESEC est donc essentielle — non seulement pour parvenir à l’égalité entre les sexes, mais également pour promouvoir un développement durable plus vaste.

Examen d’une perspective sexospécifique

Les effets de l’absence de registres touchent tout le monde. Nous devons remédier à ce problème en mettant en oeuvre des systèmes d’ESEC d’une perspective sexospécifique afin de mettre fin aux préjugés sexistes et d’éliminer les obstacles. Le Centre d’excellence aide à mettre en place les outils nécessaires pour y parvenir en publiant une série de synthèses de connaissance sur le genre et les systèmes ESEC. Cette série met en lumière les défis, les possibilités, les études de cas et les solutions actuelles. Elle apportera un soutien essentiel aux gouvernements, aux partenaires et aux militants en les aidant à sensibiliser les populations, à adopter de bonnes pratiques et à inciter à passer à l’action.

Visionnez cette vidéo sur l’importance des systèmes d’ESEC.

Media
Remote video URL