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Les résultats de la recherche peuvent combler le déficit de la mise en oeuvre des politiques en Afrique

 
14 décembre 2018
Portrait d'Edidah Lubega Ampaire

Edidah Lubega Ampaire

Administrateur(trice) de programme principal(e), CRDI

Les délégations nationales ont passé des mois à préparer la 24e Conférence des parties (COP24) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. L’une de leurs principales tâches au cours de la COP24, qui se déroule actuellement à Katowice, en Pologne, sera d’adopter des décisions, des mesures et des règlements qui mettent effectivement en oeuvre l’Accord de Paris.

Les réformes politiques sont largement considérées comme jouant un rôle important dans le renforcement de la résilience, mais nous devons veiller à ce que ces politiques et réglementations soient mises en oeuvre. Par exemple, malgré l’existence de nombreuses politiques et stratégies, les changements climatiques ont été relégués au second plan en Tanzanie. De même, malgré l’existence de visions nationales, de politiques d’orientation, de plans nationaux de développement et de stratégies agricoles, l’examen biennal de l’Union africaine montre que la région de l’Afrique de l’Est a obtenu des résultats inférieurs à la moyenne pour ce qui est d’appliquer la Déclaration de Malabo de 2014 en matière de renforcement du financement des investissements agricoles; d’éliminer la faim en 2025 et d’améliorer la résistance aux variations climatiques.

Bien que les pays et les localités aient adopté des approches participatives et d’autres approches inclusives, comme ce fut le cas pour l’élaboration du PANA de l’Ouganda, le déficit de mise en oeuvre reste sans aucun doute important. Il est donc évident que l’existence d’une politique fondée sur des données probantes ne garantit pas que les interventions seront mises en oeuvre sur le terrain. Il est plutôt nécessaire de mettre en place des mesures délibérées qui traduisent les dispositions des politiques en actions. L’application des données probantes à l’élaboration des politiques et la facilitation des processus d’adoption des données probantes peuvent résoudre le défi criant d’une mauvaise mise en oeuvre des politiques.

Stimuler la mise en oeuvre efficace des politiques

L’application des données probantes pour éclairer et appliquer la mise en oeuvre des politiques aide les décideurs à s’attaquer aux contraintes perçues à l’aide des stratégies les plus réalisables, ce qui se traduit par la mise en oeuvre des interventions proposées. On peut citer à titre d’exemple l’utilisation du zinc pour compléter les sels de réhydratation orale dans le traitement de la diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans au Bangladesh; la loi antitabac en Afrique de l’Ouest, qui a débuté au Sénégal et a été étendue à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest; et le programme Imihigo du Rwanda qui a contribué à la planification et à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement et à l’application des interventions, et à l’évaluation de ces dernières.

Les interventions visant à utiliser les résultats de la recherche doivent tenir compte des liens entre les différentes échelles de gouvernance, mais cibler les plus pertinentes. Alors que les politiques nationales sont en grande partie élaborées par le gouvernement central, elles sont mises en oeuvre au niveau des comtés, des districts et des sous-comtés. Dans la pratique, ces niveaux sont autonomes et créent et mettent en oeuvre leurs propres plans de développement, qui ont pour mandat de refléter (et par conséquent de réaliser) les priorités en matière de développement au niveau national.

Il est également important de noter que la planification du développement suit un calendrier défini qui est synchronisé, dans le temps et dans l’espace, à travers les échelles de gouvernance. Les structures de gouvernance inférieures entreprennent d’abord la planification, en faisant passer leurs priorités de développement aux échelons supérieurs. Quant à l’investissement financier dans les initiatives de développement, un district, par exemple en Ouganda, ne peut financer un projet que s’il est inscrit dans le profil de projet du district (un ensemble de projets prioritaires auxquels un budget a été alloué).

Ce qu’il reste à faire

Pour que les données probantes soient utiles à l’élaboration des politiques et se traduisent par une mise en oeuvre efficace, plusieurs conditions doivent être remplies. Primo, les données probantes doivent répondre à un besoin perçu, que ce soit dans le contexte local ou au niveau national, et s’aligner sur les priorités de développement du gouvernement. La recherche qui a inspiré la loi sur le tabac au Sénégal a été stimulée par l’absence d’application légale d’une interdiction du tabac de vingt ans par la communauté Touba.

Secundo, les données probantes doivent être intégrées aux structures et aux processus de planification du développement du gouvernement dans le but d’éclairer l’élaboration des projets qui seront finalement mis en oeuvre. Dans le cadre de l’initiative Imihigo, des contrats de performance ont été élaborés et mis en oeuvre avec la participation des collectivités, des conseils locaux, des comités exécutifs de district et des fonctionnaires du gouvernement central. De même, les résultats de la recherche sur le tabac en Afrique de l’Ouest ont été présentés aux décideurs politiques de haut niveau de la région, ce qui a conduit à l’élaboration et à l’adoption d’une nouvelle directive régionale de la CEDEAO sur la taxation du tabac.

Tertio, des structures fonctionnelles doivent être en place pour assurer l’utilisation des données probantes produites. Les structures pourraient être des comités ou des groupes de travail qui appliquent la mise en oeuvre comme prévu. Étant donné que la planification du développement touche plusieurs secteurs et que la mise en oeuvre des interventions est le fait de nombreux acteurs, il convient d’impliquer divers acteurs clés pour planifier et mettre en oeuvre conjointement. Le cas du zinc en est un exemple : des chercheurs, des acteurs du secteur privé, des fonctionnaires du ministère de la Santé, des ONG et des collectivités se sont réunis pour vulgariser conjointement l’utilisation du zinc dans le traitement de la diarrhée. De même, la mise en oeuvre du programme Imihigo a été coordonnée par un comité interministériel qui a travaillé avec des avocats, le ministère de la Santé et une organisation de la société civile pour élaborer la loi.

Enfin, il est crucial de transmettre des compétences et de fournir des outils pour que les projets soient viables à long terme. Dans le cas du zinc, des efforts ont été déployés pour former des professionnels et le traitement du zinc a été introduit dans les systèmes de distribution publics, privés et des ONG. Des structures ont également été mises en place pour le suivi et la poursuite des recherches afin d’alimenter la mise en oeuvre sur une base continue.

Les discussions de la COP24 pourraient contribuer grandement à combler les lacunes dans la mise en oeuvre des politiques si elles comprennent la façon dont les décisions, les mesures et les règlements qu’elles adoptent seront mis en oeuvre.