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Le virus Zika : des questions qui méritent réponse

 

Dominique Charron

Vice-présidente, Programmes et partenariats, CRDI

Thierry Baldet

Spécialiste de programme principal(e), CRDI

Tout comme le virus du Nil occidental qui s’est propagé en Amérique du Nord il y a plus d’une décennie, le virus Zika a vu le jour en Afrique. Il s’est toutefois récemment répandu dans des régions tropicales un peu partout sur la planète, et la maladie affecte maintenant des populations jamais touchées jusqu’ici. Au Brésil, l’émergence du virus Zika a été suivie d’une augmentation des cas de microcéphalie congénitale (tête anormalement petite chez un bébé) et d’autres troubles neurologiques. Le 1er février, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donc déclaré que la flambée du virus Zika constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). En date du 17 mars, 30 cas d’infection au virus Zika avaient été rapportés au Canada, chez des personnes ayant contracté la maladie durant un voyage à l’étranger. Contrairement au virus du Nil occidental, qui est transmis par des moustiques dans le sud du Canada, la transmission du virus Zika est jusqu’à présent circonscrite aux régions tropicales et subtropicales où l’on trouve d’autres types de moustiques.

L’OMS coordonne une intervention internationale, à laquelle participe le Canada, pour tenter de stopper l’épidémie. Ce travail de coordination est essentiel pour assurer la distribution des tests diagnostiques, mieux comprendre et prévenir les anomalies congénitales et d’autres troubles neurologiques, accélérer le développement de traitements et de vaccins, diffuser les données et favoriser l’utilisation à grande échelle de méthodes efficaces de lutte contre les moustiques.

Pour combattre la maladie, il est urgent d’étendre notre connaissance de l’infection à virus Zika, y compris les taux d’infection asymptomatique, les répercussions sur la grossesse, la persistance du virus dans les fluides corporels et le risque associé de transmission. Les chercheurs tentent également de déterminer si le virus se transmet autrement que par les piqures de moustiques. Comment diagnostiquer l’infection à virus Zika de façon rapide et fiable ? Quels sont les principaux effets du virus sur la santé humaine dans l’immédiat ainsi qu’à moyen et long terme ? Pouvons-nous confirmer le lien causal entre le virus et les graves complications neurologiques rapportées, et explorer d’autres causes possibles ? Comment et pour quelles raisons les effets varient-ils ? Quelles sont les conditions écologiques et épidémiologiques nécessaires à la transmission du virus ? Comment pouvons-nous contrôler, voire prévenir la propagation du virus ? L’expertise et les innovations du Canada peuvent contribuer aux efforts de recherche.

Nous savons que le virus Zika, tout comme les virus similaires Chikungunya et Dengue, sont transmis par la piqure d’un moustique infecté appelé Aedes aegypti. Les autorités sanitaires rapportent que le virus est prévalent dans les régions urbaines densément peuplées, où les moustiques sont en contact plus direct avec la population, se reproduisent dans de l’eau stagnante et se multiplient à la faveur d’une infrastructure déficiente et de mauvaises conditions sanitaires. Nous savons également que, jusqu’à ce que des traitements préventifs ou thérapeutiques soient mis au point pour combattre l’infection au virus Zika, la méthode la plus viable de réduire la transmission consiste à lutter contre le vecteur – le moustique. La mauvaise nouvelle, c’est que les insecticides comportent des limites. Les moustiques peuvent les éviter, développer une résistance ou rapidement réinfester les zones traitées.

Il existe toutefois heureusement d’autres solutions plus efficaces et respectueuses de l’environnement. Depuis une dizaine d’années, le CRDI a investi 7 millions de dollars pour lutter contre la dengue en Amérique latine. Une partie de cette recherche, menée par des experts latino-américains en partenariat avec le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales de l’OMS, favorise une approche fondée sur la mobilisation des membres de la collectivité pour détecter et éliminer les aires de reproduction des moustiques, généralement de l’eau stagnante accumulée dans des contenants ou des tas de rebus tels que des pneus, des boîtes de conserve et des déchets de construction. Cette approche permet de réduire les populations de moustiques. L’installation de moustiquaires dans les portes et les fenêtres, l’application d’insecticides sur les rideaux et le traitement de l’eau stagnante ne pouvant être éliminée constituent d’autres stratégies permettant de prévenir la dengue, l’infection à virus Zika et d’autres maladies transmises par les mêmes moustiques. Grâce à ces efforts, le nombre de moustiques a considérablement diminué à cinq endroits touchés par la dengue en Amérique latine, notamment une réduction atteignant 70 p. 100 dans une région à l’étude en Colombie. À Fortaleza, au Brésil, l’augmentation de la population de moustiques durant la saison des pluies a été 16 fois moindre dans les zones où l’approche axée sur le contrôle environnemental par la collectivité a été appliquée, comparativement aux zones où la méthode habituelle d’épandage d’insecticides a été utilisée pour supprimer les moustiques adultes.

En mai 2015, le programme national de lutte contre la dengue du Brésil a mis en oeuvre l’approche communautaire de lutte contre les moustiques dans environ 15 000 foyers à Goias tout comme à Belo Horizonte. Ces premiers efforts à grande échelle pour lutter contre la dengue pourraient également aider à réduire l’incidence du virus Zika. De telles recherches démontrent qu’il est possible de contrôler les moustiques, mais que cela requiert des efforts constants et considérables de la part de la population et des autorités sanitaires dans les zones touchées.

D’autres travaux de recherche explorent la façon de lutter contre la dengue et l’infection à virus Zika en modifiant les moustiques afin de les empêcher de se reproduire ou de transmettre des virus. D’autres chercheurs travaillent à créer des vaccins pour prévenir les maladies infectieuses telles que la dengue et l’infection à virus Zika. Cependant, en attendant que de telles innovations soient éprouvées et déclarées sûres, le contrôle des moustiques demeure la meilleure défense.

Grâce à ces investissements passés dans la recherche sur le contrôle des vecteurs en Amérique latine, ainsi qu’à notre expertise de classe mondiale en recherche sur les vaccins contre les maladies infectieuses et leurs traitements – récemment mise à profit pour lutter contre la flambée d’Ebola –, le Canada est en mesure de se joindre à la lutte mondiale contre la nouvelle menace que représente le virus Zika. Il demeure plusieurs questions au sujet du virus Zika et de son impact sur la santé humaine. Il est toutefois important de rappeler que la recherche nous a déjà fourni de nombreuses réponses.

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Dominique Charron est directrice du programme Agriculture et environnement au CRDI. Thierry Baldet est un ancient spécialiste de programme principal au sein du programme Alimentation, environnement et santé du CRDI.