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La recherche peut aider le développement international à faire plus avec moins

 
23 août 2017

Jennifer Salahub

Administrateur(trice) de programme principal(e), CRDI

En raison du regain d’intérêt à l’égard de l’égalité des sexes, des ressources exclusives pour les organisations locales de femmes, et de la nécessité de mener des consultations locales sur tous les projets, on prévoit que la politique changera la donne, et elle est reconnue comme telle.

Quant aux critiques qui ont été émises à ce sujet, elles se concentrent sur le manque de ressources pour mettre en oeuvre la vision définie dans la politique. Pourtant, il existe bon nombre de façons dont le Canada pourrait renforcer son engagement à accorder la priorité à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles dans l’ensemble de son portefeuille d’aide internationale, et ce, sans nouvelles entrées d’argent.

Une des solutions réside dans l’utilisation des données probantes pour renforcer davantage la capacité des programmes existants afin d’atteindre les objectifs de la politique étrangère féministe. La recherche financée par le Centre de recherches pour le développement international du Canada offre trois domaines concrets pour lesquels le Canada a investi dans les données probantes pertinentes sur le plan des politiques, lesquelles pourraient aider à transformer les idéaux féministes en des solutions pratiques et en des résultats en matière de développement.

Premièrement, il faut comprendre les caractéristiques identitaires masculines, ou ce que signifie le fait d’être un homme, et comment cela peut constituer une force positive pour aider à réduire la violence familiale, et surtout, la violence faite aux femmes et aux filles. Les études menées à Rio de Janeiro, au Brésil et à Maputo, au Mozambique, par Promundo, une organisation non gouvernementale ayant des bureaux sur quatre continents, démontrent comment le fait d’amener les hommes à assumer un rôle de prestateur de soins et à partager les tâches ménagères est directement lié au fait qu’ils rejettent les pressions visant à se joindre à des gangs de trafic de drogue ou l’utilisation de la violence pour exprimer leur masculinité. L’intégration de ce type de données probantes dans les programmes existants dirigés par Affaires mondiales Canada qui visent à réduire la violence faite aux femmes et aux filles représenterait un coût minime et permettrait possiblement de réaliser des gains énormes.

Deuxièmement, il est nécessaire d’aborder les besoins des femmes en matière de mobilité. Les recherches menées au Pakistan démontrent à quel point les règles sociales attribuées aux femmes limitent leurs déplacements dans des villes comme Karachi. Dans une partie du monde où les hommes et les femmes ne se mélangent pas librement en public et où le transport en commun est fourni par le secteur privé, les femmes sont souvent exposées à des situations dangereuses lorsque les chauffeurs d’autobus leur demandent de quitter les quelques sièges réservés aux femmes afin de permettre à plus de clients masculins de s’asseoir. Craignant qu’elles soient laissées sur le bord de la route dans des parties non sécuritaires de la ville, beaucoup de femmes, ainsi que leur famille, se déplacent uniquement vers des endroits où elles peuvent se rendre en marchant, ce qui a des répercussions négatives sur l’autonomisation et le niveau d’éducation des femmes, ainsi que leur participation à la main-d’oeuvre. En se fondant sur cette recherche pour appuyer un transport en commun réservé et sécuritaire pour les femmes, en menant des évaluations de la vulnérabilité et des études sur la sécurité, et en utilisant l’externalisation ouverte pour cerner les endroits non sécuritaires, il sera possible d’accroître les retombées et de créer des sociétés en meilleure santé.

Enfin, il est important d’examiner plus attentivement la prestation des services publics. La même étude menée à Karachi révèle comment la prestation de services publics liés à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène contribue à la violence. Dans les établissements spontanés situés dans les quartiers périphériques de la ville, les services d’eau ne sont pas fournis par la municipalité, mais plutôt par les soi-disant « mafias de l’eau » qui travaillent en collusion avec des représentants de l’État corrompus afin de facturer des prix exorbitants pour une distribution d’eau irrégulière. Alors que les familles ont de la difficulté à faire face à un accès restreint à l’eau, les esprits s’échauffent et les femmes subissent souvent les représailles physiques de leurs époux ou de leurs beaux-parents frustrés. L’éducation publique sur les droits des femmes et l’évolution des rôles sociaux par l’entremise du théâtre et des médias électroniques, ainsi que des efforts renouvelés visant professionnaliser la prestation des services publics liés à l’hygiène, l’assainissement et l’approvisionnement en eau, pourraient accroître les répercussions positives que les programmes de santé publique ont sur la vie des femmes et des filles.

L’intégration des résultats de ces recherches dans les programmes actuels et futurs pourrait aider Affaires mondiales Canada ainsi que ses partenaires d’exécution à faire plus avec les ressources existantes, et aider aussi le Canada à respecter ses engagements à l’égard des objectifs de développement durable des Nations Unies et du nouveau programme urbain. Surtout, cela pourrait contribuer à rendre la vie des femmes, des hommes et des filles plus sécuritaire et équitable, et à leur fournir davantage de possibilités.

Voilà exactement en quoi consiste une politique étrangère féministe.

La version originale anglaise de cette lettre éditoriale a été publiée dans The Hill Times le 14 juillet 2017.