La recherche joue un rôle important pour éliminer la faim

Après une baisse prolongée, le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le monde a augmenté pour atteindre 815 millions en 2016 — soit 38 millions de personnes de plus qu’en 2015 — selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). De multiples formes de la malnutrition coexistent: des pays affichent à la fois des taux élevés de dénutrition chez l’enfant, d’anémie chez la femme et d’obésité chez l’adulte. Les effets négatifs de la malnutrition dépassent le cadre de la santé et se répercutent sur l’économie, l’environnement et les migrations.
Le rapport de la FAO intitulé L’état de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde prévient que la tendance à la baisse de la sous-alimentation risque de s’inverser, essentiellement en raison du nombre croissant de conflits et des conséquences néfastes des changements climatiques. Ces conclusions et d’autres seront examinées lors d’un événement organisé conjointement par le CRDI et la FAO le 27 novembre. Un groupe d’experts se réunira pour discuter du point de vue canadien sur les principales conclusions de l’édition 2017 du rapport.
L’État de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde s’inscrit dans le cadre de la réalisation du second objectif de développement durable des Nations Unies, Faim « Zéro », d’ici à 2030. Les recherches financées par le CRDI sur l’enrichissement des aliments, l’allègement du fardeau des agriculteurs, la diversification des régimes alimentaires et la protection des droits fonciers accumulent des preuves montrant que les responsables politiques, les marchés, les agriculteurs et les consommateurs doivent passer à l’action pour atteindre cet objectif.
Investir dans le potentiel des femmes pour éviter les pertes alimentaires et augmenter les revenus
Il est de plus en plus admis qu’en évitant les pertes de nourriture, on obtient des gains rapides en faveur de l’élimination de la faim. Jemimah Njuki, spécialiste de programme principale au CRDI, l’affirme : « Environ 80% de ces pertes de nourriture se produisent pendant la récolte et le stockage. En outre, des études menées dans la plupart des pays d’Afrique indiquent que les femmes fournissent la plus grande partie de la main-d’oeuvre liée à la récolte et au stockage. C’est là que l’investissement dans le potentiel des femmes peut tout changer. » Par exemple, des tentes solaires améliorées pour le séchage réduisent le temps de séchage du poisson, tout en protégeant le poisson des contaminants comme les mouches et la poussière. Cette innovation libère du temps pour permettre aux femmes d’effectuer d’autres tâches, et leur donne accès au crédit financier pour investir dans des méthodes plus efficaces de traitement du poisson, ce qui a pour effet d’augmenter leurs revenus ainsi que la qualité nutritive du poisson qui constitue une source de protéines et d’éléments nutritifs.
Donner un élan à la nutrition pour tous
Il est indispensable d’augmenter au maximum la contribution de l’agriculture à la nutrition pour surmonter les nombreux problèmes liés aux retards de croissance et au gaspillage, à la surcharge pondérale et à l’obésité, qui coexistent de façon croissante au sein des familles et des pays.
Les investissements du CRDI dans des légumineuses aident à diversifier l’alimentation et à augmenter l’apport en micronutriments pour des dizaines de milliers de personnes. Le Centre investit aussi dans la recherche pour combler les carences en micronutriments. En Inde, 56% des femmes en âge de procréer et 70% des enfants souffrent d’anémie, un nombre inquiétant largement dû à des carences en fer. Pour combattre l’anémie, des chercheurs au Canada et en Inde ont élaboré une méthode de double enrichissement du sel avec de l’iode et du fer — une invention qui pourrait totalement changer la donne en Inde. Ce sel produit à grande échelle est diffusé à plus de 15 millions d’habitants dans des zones rurales.
Protéger les droits fonciers des petites exploitations agricoles
Les droits fonciers constituent le socle de la sécurité alimentaire pour les populations les plus vulnérables; pourtant, les acquisitions de terres à grande échelle ont connu une croissance spectaculaire en Afrique. On sait par expérience que même lorsque les collectivités voient l’investissement étranger d’un bon œil, elles s’exposent à un certain nombre de risques susceptibles de les déstabiliser, tels que l’expropriation, l’accès réduit aux terres, ou le déplacement; la perte de moyens de subsistance et du patrimoine culturel; et l’augmentation des conflits provoqués par la concurrence féroce pour les terres.
Les recherches sur les droits fonciers dans dix pays, financées par le CRDI, indiquent que les communautés ignorent souvent leurs droits, elles sont exclues des processus de concession des terres, ou elles ont peu de pouvoir pour exiger une indemnisation équitable. Cela est particulièrement vrai pour les communautés qui gèrent l’utilisation des terres et l’attribution des titres de propriété selon le droit coutumier et qui sont établies sur des terres pour lesquelles elles ne possèdent aucun titre de propriété officiel. Souvent, les femmes sont désavantagées à la fois en vertu des cadres législatifs officiels et de la gouvernance coutumière des terres, ce qui freine leur productivité agricole. Des preuves plus solides sont établies au travers des recherches financées par le CRDI en vue d’agir plus efficacement au sein de ces deux systèmes pour protéger les droits des femmes.
Atteindre l’objectif Faim « Zéro »
L’État de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde envoie un message clair: l’éradication de la faim est l’un des plus grands défis à surmonter à l’échelon planétaire. Pour l’atteindre d’ici à 2030, il faut adopter des approches très diverses, soutenues par des données probantes issues de la recherche, qui s’attaquent à tous les facteurs qui minent la sécurité alimentaire. Les investissements du CRDI dans des recherches axées sur l’agriculture, la sécurité alimentaire, les changements climatiques, les conflits et la participation des femmes à l’économie fournissent des contributions essentielles pour parvenir à l’objectif Faim « Zéro ». Mais cela dépendra en réalité de la manière dont elles seront appliquées au titre d’un effort commun de grande ampleur en vue d’assurer la sécurité alimentaire et la nutrition pour tous.
Delphine Larrousse est administratrice de programme principale pour le Fonds canadien de recherche sur la sécurité alimentaire internationale au CRDI.
Laura Husak est agente de gestion de programme pour le programme Agriculture et sécurité alimentaire du CRDI.
Adrian Di Giovanni est spécialiste de programme principal pour le programme Gouvernance et justice du CRDI.