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COVID-19

La confiance est le fondement de systèmes de santé réactifs et équitables

 
3 décembre 2021
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Chaitali Sinha

Spécialiste de programme principale, CRDI
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Walter Flores

Fondateur et conseiller principal, CEGSS
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Carmen Logie

Professeur agrégé, Université de Toronto

Des interventions éclairées. Une reprise pour tous.

Les soins de santé sont à la fois une affaire personnelle et une affaire publique. Aux deux niveaux, la confiance est un élément clé : la confiance dans les prestataires de soins individuels et la confiance dans le fait que le système de santé, les autorités de santé publique et les dirigeants politiques poursuivent le bien de tous. Cet ingrédient invisible, et pourtant indispensable à la mise en place de systèmes de santé solides, réactifs et équitables, est souvent fragile, contesté ou absent, en particulier au sein des groupes défavorisés qui souffrent de préjugés historiques et systémiques. Face à des crises telles que la pandémie de COVID-19, la perte de confiance s'est traduite par des campagnes de santé publique inefficaces, la prolifération de la mésinformation, une maladie généralisée et des systèmes de santé au bord de l'effondrement.

Dans une étude récente portant sur 18 municipalités guatémaltèques comptant une importante population autochtone, les dirigeants communautaires ont indiqué qu'environ la moitié des habitants rejetaient l'utilisation de masques ou la distanciation sociale comme mesures préventives contre la COVID-19. Menée par le Centre d'études pour l'équité et la gouvernance dans les systèmes de santé (CEGSS), cette recherche a également révélé que les vaccins font souvent l'objet d'une méfiance ou sont considérés comme inutiles. Il est important de noter que ces personnes n'ont pas nécessairement adopté une position anti-vaccins; elles sont plutôt sceptiques à l'égard d'un nouveau vaccin et disposent d'informations limitées dans leur langue locale. Le Guatemala n'est pas seul. La plupart des pays ont connu des degrés divers d'hésitation à l'égard des mesures de santé publique au cours des multiples vagues d'infections par la COVID-19.

Dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, où les systèmes de santé sont déjà surchargés et sous-financés, les déficits de confiance préexistants sont sans doute plus manifestes parmi les groupes défavorisés tels que les populations autochtones, les réfugiés, les personnes handicapées, les communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres, les jeunes et les femmes. Les personnes appartenant à un ou à plusieurs groupes défavorisés ont besoin d'une attention supplémentaire et adaptée, en particulier pendant les crises.

La confiance est un élément central qui recoupe les priorités de recherche décrites dans le Schéma directeur des Nations Unies en matière de recherche pour le redressement post-pandémique. Ce schéma fournit un cadre sur la manière dont la recherche et la science peuvent soutenir une meilleure reprise socio-économique et un avenir plus équitable, résilient et durable. Dans ce cadre, on voit la confiance explicitement lorsqu'il s'agit de mobiliser les communautés pour faire confiance aux systèmes et services de santé, de s'assurer que les responsables de la santé publique communiquent efficacement avec les différentes populations et de mesurer dans quelle mesure les populations marginalisées et les plus touchées participent à la conception et à la mise en œuvre des solutions.

Les difficultés engendrées par la pandémie de COVID-19 montrent comment les inégalités existantes et les comportements discriminatoires prévalents, qui ont tendance à ne pas être reconnus ou à être ignorés par les systèmes de santé et les prestataires de services, peuvent nuire davantage au bien-être et à la dignité des personnes. Les relations tendues peuvent éroder la confiance et conduire à des soupçons de motifs malveillants ou manipulateurs à l'origine de directives de la santé publique telles que l'éloignement physique, le lavage des mains et la vaccination.

Media
In a scene from a comic book, a young man explains that the risk of transmission is low when people wear masks.
Projet de recherche Kukaa Salama (Rester en sécurité)
Une équipe a créé une bande dessinée dans cinq langues locales utilisée par de jeunes réfugiés en Ouganda pour accroître la confiance dans les efforts de santé publique.

Il faut prêter attention aux groupes marginalisés et à l'engagement communautaire.

La recherche menée par le CEGSS fait partie d'une initiative plus vaste financée par le CRDI qui produit des données probantes sur les mesures et stratégies visant à réduire les risques de santé liés à la COVID-19 pour les populations réfugiées, déplacées et migrantes pendant et après la pandémie. L'équipe a constaté que les messages de santé publique guatémaltèques sur la COVID-19 ne sont pas adaptés aux diverses communautés, y compris celles qui comptent d'importantes populations autochtones. Il en résulte un faible recours aux mesures préventives.

Par exemple, dans de nombreuses municipalités guatémaltèques, très peu d'informations sur les pratiques et les services de prévention de la COVID-19 sont fournis aux populations autochtones locales dans leur propre langue, alors que la langue est essentielle pour instaurer la confiance dans les prestataires et les services de soins de santé. Ces communautés accueillent également des migrants ayant des expériences différentes de vulnérabilité et d'oppression. Les messages n'ont pas été ciblés pour être distribués à ces sous-groupes particuliers, et il y a eu peu de partenariats avec les dirigeants communautaires pour améliorer la mobilisation avec tous les membres de la communauté locale. Dans un pays où près de 20 % de la population ne sait pas lire ou n'a pas suivi d'enseignement formel, il est essentiel d'adapter les messages de santé publique pour assurer l'inclusion et la pertinence de la langue.

La déconnexion entre les communications officielles de la santé publique et les communautés vulnérables qui ont besoin d'informations a entraîné le non-respect des mesures de prévention de la COVID-19 et le scepticisme ou la méfiance totale envers les efforts de santé publique menés par le ministère de la Santé publique et de l'Assistance sociale. En fait, seul un tiers des personnes interrogées vivant dans les municipalités rurales incluses dans le projet ont déclaré avoir vu ou entendu des messages publics issus des campagnes officielles de prévention de la pandémie. L'absence d'informations officielles culturellement pertinentes a permis à la peur et à la mésinformation de s'installer et de se développer.

De même, le projet de recherche Kukaa Salama (Rester en sécurité) en Ouganda, dirigé par l'Université de Toronto en partenariat avec les Young African Refugees for Integral Development (Jeunes réfugiés africains pour le développement intégral), a révélé des niveaux élevés de méfiance à l'égard du système de santé parmi les jeunes réfugiés. L'Ouganda accueille plus de 1,4 million de réfugiés, soit le nombre le plus élevé de tous les pays d'Afrique subsaharienne. Cette population de réfugiés comprend un important segment de jeunes. Les jeunes réfugiés urbains sont confrontés à des niveaux élevés de pauvreté et de chômage et vivent dans des conditions de surpopulation et de mauvaise ventilation. Les réfugiés, et en particulier les jeunes, sont souvent marginalisés pour une multitude de raisons telles que le pays d'origine, l'identité, l'âge, la sexualité, les revenus et la profession. Ils ont non seulement perdu leur maison, mais ils doivent aussi maintenant résider dans des pays où ils ne sont pas forcément bienvenus ou ne sont acceptés qu'à contrecœur. Il est notoirement difficile d'instaurer la confiance entre les jeunes dans de tels contextes, où ils se sentent déjà aliénés.

La communication des mesures de prévention et de sécurité liées à la COVID-19 à la population réfugiée ougandaise n'a pas été efficace et n'a pas été traduite dans les langues parlées par les réfugiés. Comme au Guatemala, en l'absence de messages convaincants, adaptés à la culture et à l'âge des victimes et provenant de sources crédibles, la mésinformation diffusée par divers canaux, notamment les médias sociaux, a façonné l'opinion et répandu la peur. Seuls 18 % des participants à l'étude sur les jeunes ont déclaré qu'il était très probable qu'ils se fassent vacciner, et de nombreux participants craignent que les masques ne leur nuisent, révélant ainsi le lien entre la faible absorption de l'information de santé publique et les comportements individuels en matière de santé.

Répondre à la méfiance par un langage approprié et des canaux de confiance

Le projet Kukaa Salama a permis de déceler plusieurs facteurs susceptibles d'améliorer les messages de santé et de contribuer à accroître la confiance dans les efforts de santé publique et l'acceptation des vaccins. Il s'agit notamment de prendre en compte les croyances et normes socioculturelles ainsi que l'âge et d'adapter les services liés à la COVID-19 aux jeunes réfugiés. L'acceptation des vaccins peut être améliorée en abordant clairement la sécurité des vaccins et les avantages pour les individus et la communauté. L'équipe de recherche ougandaise met ces approches en pratique en développant et en distribuant une bande dessinée dans cinq langues locales qui s'adresse directement aux défis réels et aux aspirations des jeunes réfugiés à Kampala dans un format adapté à leur âge. En outre, le projet teste l'impact d'une communauté en ligne créée spécifiquement pour éduquer les jeunes réfugiés sur la prévention de la COVID-19. Le niveau de mobilisation des jeunes réfugiés a été élevé tout au long de l'intervention, près de 90 % des participants restant activement connectés au groupe en ligne.

L'accueil des mesures testées au Guatemala est tout aussi prometteur. Le CEGSS a conçu et met en œuvre un programme de renforcement des capacités ciblant les populations autochtones. Le programme combine un manuel écrit et de courtes vidéos pour téléphones mobiles, une interaction vocale et textuelle par l'intermédiaire de groupes de discussion sur téléphone mobile et de petits ateliers en personne. Les dirigeants des communautés locales qui ont reçu le vaccin contre la COVID-19 ont témoigné par vidéo de leurs réticences initiales et de leur changement d'avis grâce à l'approche utilisée et à l'information fournie par le CEGSS. Ils encouragent maintenant les autres à se faire vacciner. Ces vidéos sont distribuées sous forme numérique à l'ensemble du réseau de travailleurs bénévoles qui s'occupent de la sensibilisation pour une diffusion et une influence plus larges.

Les recherches menées en Ouganda et au Guatemala répondent directement aux objectifs énoncés dans le Schéma directeur des Nations Unies en matière de recherche pour le redressement post-pandémique, en mettant l'accent sur la mobilisation durable des communautés, en déterminant les lacunes dans les pratiques de communication en matière de santé publique et en adoptant des processus de coconception pour les interventions. Bien que travaillant avec des populations très différentes, ces exemples démontrent que la confiance peut être rétablie grâce à des processus publics informés et à une mobilisation locale adaptée à la culture et à l'âge. Mais l'instauration et le maintien de la confiance doivent être un processus continu, pleinement intégré aux systèmes de santé et aux pratiques communautaires. Elle nécessite un investissement précoce et continu qui peut rapporter des dividendes indéniables.

La COVID-19 a donné l'occasion de repenser et de rétablir la confiance dans les systèmes de santé. En renforçant cette confiance dès maintenant, les systèmes de santé peuvent rester réactifs et résilients jusqu'à la fin de cette pandémie et face à d'autres défis sanitaires de grande ampleur à venir.