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Annuler les effets de la COVID-19 en faisant progresser l’égalité des genres dans le secteur informel en Afrique

 
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Montasser Kamal

Directeur, Santé mondiale, CRDI
Photo de Francine Sinzinkayo

Francine Sinzinkayo

Spécialiste de programme principal(e), CRDI

Cet article a été écrit avec le soutien de Baobab Consulting.

Les pandémies et les urgences sanitaires ont de graves répercussions sur la santé et le bien-être économique des populations touchées, et la pandémie de COVID-19 ne fait pas exception. Alors que l’Afrique fait face aux conséquences de la pandémie, où l’expérience de différentes populations s’est avérée clairement façonnée par le genre et d’autres déterminants socio-économiques, l’importance d’investir dans les femmes dans le secteur informel de l’Afrique devient plus évidente. Il s’agit non seulement d’une question urgente en matière d’égalité des genres, mais elle est également pertinente pour le développement durable du capital humain du continent.

Le CRDI, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) financent conjointement l’initiative Les femmes S’ÉLÈVENT, qui aide les chercheurs africains à produire des données probantes sur les répercussions de la pandémie sur la santé et le bien-être socio-économiques des femmes. Les chercheurs définiront également les interventions et feront des recommandations politiques sexotransformatrices pour relever les défis nuancés auxquels doivent faire face les femmes. 

La pandémie de COVID-19 a déclenché une cascade de défis à travers l’Afrique, pesant sur les systèmes de santé et perturbant l’éducation et les activités économiques. Les mesures de confinement ont entraîné une réduction du nombre d’emplois, des pertes d’emplois, une augmentation du fardeau du travail de soins pour les femmes, l’interruption de l’éducation des enfants et des restrictions dans le commerce local et mondial.

Ces défis ont eu de graves répercussions sur le secteur informel et sur la santé de ceux qui y travaillent, y compris les femmes qui constituent la majorité des travailleurs. La perte de revenus et de moyens de subsistance qui en a résulté a aggravé la pauvreté, l’insécurité alimentaire et l’accès aux services de santé, laissant de nombreux membres du secteur dans l’incapacité de répondre à leurs besoins fondamentaux et, en fin de compte, entravant les progrès en matière de développement du capital humain.

Les femmes du secteur informel en Afrique contribuent de manière significative au PIB, en stimulant les économies locales et en soutenant les moyens de subsistance. Selon l’OIT, (en anglais seulement) l’emploi informel représente plus de 90 % de l’emploi total et jusqu’à 62 % du PIB officiel dans certains pays d’Afrique subsaharienne. C’est une indication que les femmes dans le secteur ne doivent pas être négligées, mais considérées comme un investissement stratégique pour faire progresser le développement du capital humain en Afrique. Pourtant, les femmes et les enfants des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ont été les plus touchés par la pandémie.

Les travailleurs qui occupent un emploi informel sont largement exclus des filets de sécurité sociale formels et ont de faibles revenus et un accès limité au financement. Les fermetures d’écoles ont creusé le fossé qui existait dans l’éducation des enfants, en particulier des filles, limitant ainsi leurs perspectives et perpétuant les cycles intergénérationnels de la pauvreté.

Les politiques fondées sur des données probantes sont essentielles pour surmonter les obstacles persistants à la réalisation d’un développement inclusif et durable. Il s’agit notamment des inégalités. Qu’elles soient fondées sur l’âge, le sexe, la sexualité, la situation économique ou autre, les inégalités empêchent les gens d’accéder aux services et aux possibilités, et de laisser la pauvreté derrière eux. Des données pertinentes au niveau local pour orienter des politiques et des pratiques acceptables, inclusives et durables sont indispensables pour stimuler le changement.

À l’écart des occasions pendant les pandémies

Un projet de recherche Les femmes S'ÉLÈVENT au Ghana et en Ouganda a révélé que les mandats COVID-19, en particulier les mesures de confinement, avaient des impacts socio-économiques importants sur les adolescentes et les jeunes femmes dans les communautés minières. Pendant le confinement, une enquête menée auprès de cette population au Ghana a révélé que 49 % des personnes ne travaillaient pas (56 % pour l’Ouganda). Parmi celles qui travaillaient, dans l’ensemble, 71 % ont connu une baisse de leurs gains et environ 61 % n’avaient aucune autre option de travail, ce qui rend difficile la satisfaction de leurs besoins fondamentaux.

En Afrique du Sud, les chocs économiques liés à la COVID-19 ont considérablement abaissé la situation socio-économique et sanitaire des femmes non rémunérées qui s’occupent d’enfants et d’adolescents vivant avec le VIH, les exposant à de nouvelles inégalités entre les sexes et en matière de santé. Elles sont également exposées à des niveaux élevés de violence conjugale (VC), en particulier de violence psychologique (45 %), de violence financière (39 %) et de violence physique (23 %).

En plus des interventions politiques, des approches intersectionnelles sont nécessaires pour relever les défis uniques auxquels sont aux prises les femmes dans le secteur informel. Cela comprend l’investissement dans l’éducation et le développement des compétences, l’élargissement de l’accès aux services financiers et la promotion des possibilités d’entrepreneuriat. En favorisant un environnement propice à l’autonomisation des femmes, l’Afrique peut libérer le plein potentiel de son capital humain et ouvrir la voie à une prospérité inclusive. Les acteurs du développement international peuvent également soutenir les femmes dans l’économie informelle en facilitant l’accès aux services financiers, qui jouent un rôle important dans l’autonomisation des femmes propriétaires de petites entreprises. La réalisation de recherches approfondies sur les femmes dans le secteur informel fournira des informations nuancées sur leurs besoins et leurs défis et sur la manière dont elles pourraient contribuer de manière plus significative à l’économie.

L’initiative Les femmes S’ÉLÈVENT soutient la recherche orientée vers l’action qui est transformatrice en matière de genre et fondée sur des données probantes, qui peut guider l’élaboration de politiques équitables. Un projet Les femmes S’ÉLÈVENT en Afrique du Sud vise à évaluer l’efficacité d’un transfert en espèces et d’une intervention d’autonomisation économique transformatrice de genre afin d’améliorer le bien-être psychologique et l’égalité des genres chez les femmes qui s’occupent d’enfants et d’adolescents vivant avec le VIH. Le projet mène un essai randomisé afin d’examiner la faisabilité et la rentabilité de l’intervention. L’intervention pilote a fourni un transfert en espèces et un programme d’autonomisation économique des femmes à 24 aidantes naturelles. Les résultats préliminaires montrent que les transferts en espèces, combinés à des programmes d’autonomisation économique transformateurs de genre, ont le potentiel d’améliorer la situation financière des femmes non rémunérées et de réduire les expériences de VC des femmes. Plusieurs participantes à la recherche ont témoigné de l’impact du financement reçu par transfert en espèces sur leur capacité à fournir des articles essentiels et une éducation à leurs enfants et à atteindre leurs objectifs financiers.

Media
Illustration tirée d’un atelier sur le genre et l’autonomisation économique en Afrique du Sud.
PROJET LES FEMMES S’ÉLÈVENT / CONSEIL SUD-AFRICAIN DE RECHERCHES MÉDICALES
Illustration tirée d’un atelier sur le genre et l’autonomisation économique en Afrique du Sud.

Une étude menée par ONU Femmes en 2022 a constaté une régression inquiétante des attitudes à l’égard de l’égalité des genres et de l’impact disproportionné de la COVID-19 sur la vie des femmes et des filles, en particulier en ce qui concerne les rôles de genre, renforçant les tendances des responsabilités familiales non rémunérées, les écarts de rémunération entre les genres et la ségrégation professionnelle . Ainsi, les femmes du secteur informel ont été doublement victimisées, tout en étant laissées pour compte de l’augmentation multiple des responsabilités en matière de soins. En fin de compte, non seulement elles ont perdu leurs moyens de subsistance, mais leur santé et leur bien-être, déjà précaires, ont également été durement touchés.

Des politiques inclusives et axées sur le capital humain peuvent-elles être utiles pendant les pandémies? 

Les exemples ci-dessus montrent à quel point les gouvernements n’étaient pas préparés à la pandémie, non seulement en ce qui a trait aux contre-mesures médicales et non médicales à la pandémie, mais également pour ce qui est de changements d’attitude de la société pendant les pandémies.

Par conséquent, les gouvernements à tous les ordres doivent élaborer et mettre en œuvre des politiques transformatrices de genre qui tiennent compte des besoins uniques des femmes et des jeunes, et qui soutiennent leur participation égale et significative dans le secteur. De telles politiques doivent considérer le travail de soins comme important et digne d’être rémunéré, en fournissant des interventions qui soutiennent les femmes qui sont accablées par la responsabilité du travail de soins. Les investissements et la coopération entre les gouvernements et les acteurs du développement aideront également à surmonter ces obstacles systémiques et à autonomiser les femmes et les jeunes.

Sans ces efforts concertés pour faire progresser l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans le secteur informel, l’Afrique pourrait subir une réduction draconienne de la qualité de son capital humain, ce qui aurait une incidence négative sur ses perspectives de croissance économique.